Bruxelles, le 2.10.2017

COM(2017) 589 final

RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL

Évaluation de l’application du règlement (UE, Euratom) nº 883/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 septembre 2013 relatif aux enquêtes effectuées par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) et abrogeant le règlement (CE) nº 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (Euratom) nº 1074/1999 du Conseil

{SWD(2017) 332 final}


1Introduction

La Commission poursuit un programme ambitieux visant à renforcer la protection des intérêts financiers de l’Union, et des étapes importantes ont été franchies en 2017. En juillet, la directive relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union au moyen du droit pénal (ci-après la «directive PIF») a été adoptée par le Parlement européen et le Conseil 1 . En outre, le Conseil devrait adopter prochainement, dans le cadre d’une coopération renforcée entre 20 États membres, le règlement concernant la création du Parquet européen 2 .

Ces mesures complètent le cadre institutionnel et juridique dans lequel s’inscrit la protection du budget de l’Union, qui repose aujourd’hui, au niveau de l’Union, sur les travaux de l’Office européen de lutte antifraude (ci-après l’«OLAF»), de la Cour des comptes européenne ainsi que des autres institutions, organes et organismes de l’Union et, au niveau des États membres, sur les différentes autorités administratives et judiciaires nationales. Tous ces acteurs entreprennent les actions nécessaires pour protéger le budget de l’Union, conformément aux obligations découlant de l’article 325 du TFUE. L’OLAF a été créé en 1999 par la Commission pour mener des enquêtes administratives contre la fraude, la corruption et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, et assister les États membres dans la lutte contre la fraude 3 .

Tous ces éléments sont d’autant plus importants que l’Union évolue vers le prochain cadre financier pluriannuel. La Commission réalise actuellement une réflexion pour déterminer quel type de budget est nécessaire pour l’Europe du futur 4 . Pour renforcer la confiance des citoyens de l’Union et accroître la solidité et la valeur ajoutée du projet européen, il est essentiel de veiller à la bonne utilisation des fonds du budget de l’Union et à l’efficacité des dépenses. La fraude et la corruption réduisent les ressources disponibles au bénéfice des citoyens de l’Union et peuvent être à l’origine d’autres activités criminelles (comme le terrorisme et le crime organisé); elles doivent donc être combattues de manière vigoureuse et efficace. L’objectif ultime consiste à parvenir à un niveau élevé et équivalent de protection du budget de l’Union dans l’ensemble du territoire de l’Union.

Dans ce contexte, le présent rapport expose les résultats de l’évaluation de l’application du règlement nº 883/2013 relatif aux enquêtes effectuées par l’OLAF 5 (ci-après le «règlement»), comme l’exige son article 19. Il décrit des pistes possibles sur la manière d’adapter et de renforcer, si nécessaire, le cadre juridique régissant les enquêtes de l’OLAF, à la lumière de l’adoption attendue du règlement du Conseil relatif à la création du Parquet européen, et compte tenu des principales conclusions de l’évaluation.

Ce rapport s’accompagne d’un avis du comité de surveillance de l’OLAF sur l’application du règlement, adopté conformément à l’article 19 du règlement 6 . Le rapport d’évaluation de la Commission et l’avis du comité sont des documents indépendants et ont été élaborés en parallèle.

2Évaluation du règlement nº 883/2013

L’évaluation a été axée sur les quatre domaines clés suivants: efficacité, efficience, cohérence et pertinence. La valeur ajoutée de l’UE n’a pas été examinée lors de l’évaluation étant donné que l’OLAF assure son rôle de protection des intérêts financiers de l’Union, dans le cadre des articles 317 et 325 du traité FUE, en effectuant des tâches spécifiques au niveau de l’UE qui ne peuvent être réalisées au niveau national. Les aspects liés aux perspectives futures concernant la réalisation des objectifs du règlement, y compris dans le contexte de l’évolution des politiques et des tendances en matière de fraude, ont également été pris en compte.

L’évaluation se fonde sur une large consultation d’un grand nombre de parties prenantes. Dans le cadre du processus d’évaluation, l’OLAF a organisé, les 1er et 2 mars 2017, une conférence 7 à laquelle ont participé près de 250 représentants des services de coordination antifraude des États membres, des autorités administratives des États membres chargées de la gestion des fonds de l’Union, des services répressifs, des autorités chargées des poursuites et des autorités judiciaires, des institutions, organes et organismes de l’Union, des organisations internationales, du monde universitaire et des organisations non gouvernementales. Ces groupes de parties prenantes, ainsi que le personnel de l’OLAF, ont également été consultés au moyen d’entretiens et d’enquêtes.

L’évaluation porte sur la période comprise entre le 1er octobre 2013 (date d’entrée en vigueur du règlement) et décembre 2016.

Les résultats détaillés de l’évaluation et la méthode utilisée sont présentés dans le document de travail des services de la Commission qui accompagne le présent rapport. Ce document de travail a été élaboré sur la base d'une étude réalisée par un contractant externe 8 .

3Principales conclusions de l’évaluation

Le règlement nº 883/2013 est la clé de voûte du cadre juridique régissant la mission de l’OLAF, qui est de mener des enquêtes administratives concernant la fraude, la corruption et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union. Il a été adopté après de larges discussions interinstitutionnelles, afin de remplacer deux règlements datant de 1999, pour atteindre les objectifs suivants:

-améliorer l’efficacité, l’efficience et la responsabilité de l’OLAF, tout en préservant son indépendance;

-renforcer les garanties de procédure et les droits fondamentaux des personnes faisant l’objet d’une enquête;

-accroître la coopération avec les États membres, les institutions, organes et organismes de l’Union, les pays tiers et les organisations internationales;

-renforcer la gouvernance de l’OLAF.

L’évaluation a montré que ces objectifs spécifiques se sont avérés — et demeurent — pertinents pour la réalisation de l’objectif primordial qui est la protection des intérêts financiers de l’Union. À cette fin, l’OLAF effectue des tâches spécifiques au niveau de l’Union qui ne pourraient être réalisées au seul niveau national. La valeur ajoutée des enquêtes de l’OLAF a été confirmée lors par les résultats de la consultation des acteurs nationaux et de l’Union. L’évaluation a également confirmé que ces objectifs conservaient leur pertinence dans la perspective de la création du Parquet européen.

Le règlement a permis à l’OLAF d’accomplir sa mission et d’obtenir des résultats concrets. L’évaluation a montré une nette amélioration dans l’efficacité des enquêtes grâce à plusieurs dispositions spécifiques du règlement. La coopération et l’échange d’informations entre l’OLAF et ses partenaires ont été renforcés par l’introduction de dispositions permettant une collaboration structurée. La création de services de coordination antifraude dans les États membres, par exemple, a été considérée comme une évolution importante pour renforcer les liens entre l’OLAF et les États membres.

L’expérience a montré que le règlement, en combinaison avec des mesures d’organisation internes, a permis une nette amélioration de l’efficience dans la sélection des dossiers et la réalisation des enquêtes par l’OLAF. Cela ressort de l’augmentation du nombre d’enquêtes traitées par le personnel enquêteur, ainsi que de la hausse du nombre de recommandations émises et des montants dont le recouvrement a été recommandé.

Toutefois, l’évaluation a également révélé plusieurs lacunes liées à la conduite des enquêtes, qui ont une incidence sur l’efficacité et l’efficience de l’application du règlement.

(1)L’OLAF exerce des pouvoirs d’enquête découlant de différents actes du droit de l’Union, parmi lesquels figure le règlement. Cependant, dans plusieurs cas, ces actes soumettent l’application des pouvoirs d’enquête à des conditions fixées par le droit national, notamment en ce qui concerne les contrôles et vérifications sur place auprès des opérateurs économiques et les expertises technico-légales numériques menées sur le territoire des États membres. D’après l’évaluation, on ne voit pas bien dans quelle mesure le règlement nº 883/2013 rend applicable le droit national. Actuellement, les différences dans l'interprétation des dispositions pertinentes et dans le droit national entraînent un morcellement de l’exercice des pouvoirs de l’OLAF dans les États membres, ce qui entrave dans certains cas la capacité de l’OLAF de mener à bien ses enquêtes et, en fin de compte, de contribuer à l’objectif d’une protection efficace des intérêts financiers dans l’ensemble de l’Union qui est prévu par le traité.

(2)Le règlement ne fournit pas à l’OLAF les outils nécessaires pour exercer ses pouvoirs en cas de refus ou d’obstruction de la part de personnes concernées par l'enquête ou de témoins. L’efficacité des enquêtes de l’OLAF peut s’en trouver limitée, avec des divergences entre les États membres en fonction de la capacité des autorités nationales compétentes d’employer leurs propres outils d’exécution pour prêter assistance à l’OLAF; dans ce domaine, des divergences existent également quant au droit national applicable.

(3)L’évaluation a mis en évidence la nécessité d’envisager d’apporter certaines modifications aux pouvoirs d’enquête dont dispose l’OLAF, sur la base des contributions des parties prenantes. Il conviendrait d’évaluer s’il est nécessaire et s’il est possible d’améliorer l’accès aux informations sur les comptes bancaires dans des conditions appropriées, ce qui pourrait être un élément décisif pour mettre au jour de nombreux cas de fraude ou d’irrégularité. Ce pouvoir est également lié à la possibilité d’enquêter sur la TVA, un domaine dans lequel l’évaluation a montré que la mission de l’OLAF devrait être clarifiée et renforcée.

(4)En matière d’enquêtes internes, le règlement s’applique en liaison avec les décisions internes adoptées par chaque institution, organe ou organisme de l’Union, ce qui conduit parfois à des divergences pour ce qui est des possibilités d’action de l’OLAF. L’évaluation a montré que davantage de clarté, dans le règlement, quant aux conditions de réalisation des enquêtes internes applicables dans toute institution, tout organe et tout organisme pourrait permettre de mieux assurer une protection uniforme, et fournir un cadre permettant d’évaluer les dispositions spécifiques contenues dans les décisions internes. En outre, les règles applicables aux enquêtes internes et externes pourraient être davantage alignées (lorsque l’existence de règles divergentes ne se justifie pas) afin d’améliorer la cohérence.

(5)L’évaluation a établi qu’il était possible de recourir davantage aux possibilités de transmission des informations à un stade précoce par l’OLAF aux autres institutions, organes ou organismes, dans des situations où une partie des faits d’une enquête en cours pourraient déjà avoir été établis et pourraient nécessiter des mesures conservatoires immédiates sans attendre l’achèvement de l’enquête.

En ce qui concerne les suites données aux enquêtes, il existe de grandes différences dans le sort réservé aux recommandations de l’OLAF par leurs destinataires, et parfois des décalages importants entre les recommandations et les suites données. L’évaluation a mis en exergue la qualité et la ponctualité des rapports finaux de l’OLAF en tant que facteur ayant une incidence sur le niveau des suites données aux recommandations, et — en ce qui concerne les suites données aux recommandations financières — a constaté aussi des différences dans l’évaluation, par l’OLAF et par les institutions, organes et organismes, du préjudice causé au budget de l’Union.

Toutefois, la plus importante lacune relevée par l’évaluation à l’égard des suites données aux recommandations porte sur la recevabilité des preuves recueillies par l’OLAF dans les procédures judiciaires nationales. Le règlement dispose que les rapports de l’OLAF constituent dans ces procédures des éléments de preuve recevables au même titre et dans les mêmes conditions que les rapports administratifs établis par les contrôleurs administratifs nationaux. L’évaluation semble indiquer que, dans certains États membres, cette règle ne garantit pas une efficacité suffisante de l’action de l’OLAF.

L’insertion, en 2013, d’une nouvelle disposition relative aux garanties de procédure a généralement été considérée, lors de l’évaluation, comme une amélioration de la protection des droits des personnes faisant l’objet d’une enquête de l’OLAF. La fonction de contrôle de la légalité introduite par le règlement et la nouvelle procédure interne concernant les réclamations ont encore renforcé les garanties de procédure des personnes faisant l’objet d’une enquête. Alors qu’un certain nombre de parties prenantes consultées ont exprimé leurs préoccupations quant à la valeur ajoutée des nouvelles dispositions, d’autres ont estimé que l’équilibre entre les pouvoirs de l’OLAF et les droits de procédure était approprié, tandis que d’autres encore ont appelé à un renforcement des droits de procédure. Dans l’ensemble, l’évaluation ne fournit pas d’élément indiquant que les garanties de procédure figurant dans le règlement sont insuffisantes dans le contexte des pouvoirs et des outils d’enquête dont dispose actuellement l’OLAF. Quant aux dispositions du règlement concernant la surveillance et le contrôle, l’évaluation suggère que des points de vue et des pratiques divergents à l’égard de ces dispositions, en particulier pour ce qui est de la nature du rôle et de la mission du comité de surveillance, ainsi que de son accès aux informations relatives aux dossiers détenues par l’OLAF, ont eu une incidence sur les travaux du comité et sur sa coopération avec l’OLAF.

L’évaluation a également mis en évidence plusieurs problèmes du point de vue de la cohérence interne et externe du règlement.

(1)Le règlement constitue la base juridique permettant à l’OLAF d’apporter aux États membres une assistance dans l’organisation d’une coopération étroite et régulière entre leurs autorités compétentes, afin de coordonner leur action en vue de la protection des intérêts financiers de l’Union. Il s’agit d’un élément clé de la mission de l’OLAF consistant à soutenir la coopération transfrontière entre les États membres. Toutefois, le règlement ne contient pas de dispositions détaillées sur les modalités de coordination ou les procédures applicables dans les «dossiers de coordination». Il en résulte un manque de sécurité juridique pour l’OLAF et pour les États membres qui font appel à l’OLAF. Cela pose surtout problème dans des domaines (comme les Fonds structurels) où aucun autre acte du droit de l’Union ne prévoit un rôle de soutien et de coordination pour l’OLAF. Dans les domaines où des dispositions de ce type existent (par exemple en matière de douanes et de propriété intellectuelle 9 ), la relation entre le règlement nº 883/2013 et ces autres actes juridiques peut entraîner des difficultés pratiques d’application.

(2)Le règlement nº 883/2013 s’applique en liaison avec d’autres actes du droit de l’Union dont dépend l’exercice effectif de la mission de l’OLAF. Les règlements nº 2185/96 et nº 2988/95, sur lesquels reposent les outils principaux de l’OLAF — les contrôles et vérifications sur place —, sont antérieurs à l’adoption du règlement nº 883/2013 et aux règlements de 1999 qu’il a remplacés. L’évaluation a révélé certaines incohérences entre ces actes juridiques étroitement liés, ce qui pourrait conduire dans certains cas à des incertitudes et à des interprétations divergentes.

Enfin, le document de travail joint au présent rapport ainsi que le rapport du contractant externe mettent en lumière un certain nombre de dispositions du règlement qui gagneraient à être clarifiées ou simplifiées dans le règlement ou pour lesquelles des mesures d’exécution permettraient d’améliorer leur mise en œuvre. Certaines de ces dispositions sont mentionnées, à la section 5.3 ci-dessous, comme méritant une attention particulière.

Les options possibles en ce qui concerne les suites à donner à l’évaluation sont énoncées à la section 5. Elles devraient reposer, d’une part, sur l’expérience acquise dans l’exécution du règlement, qui fait l’objet de l’évaluation. D’autre part, elles devraient tenir compte de la mise en place prochaine du Parquet européen, qui renforcera et modifiera substantiellement les mécanismes de protection des intérêts financiers de l’UE au niveau de l’Union.

4La création du Parquet européen et son impact sur les missions et les enquêtes de l’OLAF

L’institution du Parquet européen est l’une des principales priorités de la Commission dans le domaine de la justice pénale et s’inscrit dans le cadre de la stratégie globale de lutte contre la fraude portant atteinte au budget de l’UE. Lors du Conseil «Justice et affaires intérieures» du 8 juin 2017, vingt États membres ont dégagé une orientation générale sur le règlement instituant le Parquet européen dans le cadre d’une coopération renforcée. Le Parquet européen sera le premier organe de l’UE doté du pouvoir de poursuivre en justice des infractions portant atteinte au budget de l’UE, telles que définies dans la directive PIF, à savoir la fraude, la corruption ou les cas graves de fraude transfrontière en matière de TVA. Il est prévu de mettre en place une politique plus cohérente et plus efficace en matière de poursuites pour les infractions portant atteinte au budget de l’UE, avec pour corollaires un plus grand nombre de poursuites pénales et de condamnations et un taux plus élevé de recouvrement des fonds qui échappent à l’Union du fait de la fraude. Cette politique offrira aussi des possibilités pour remédier à un certain nombre de lacunes relevées dans l’évaluation en ce qui concerne les États membres participants.

La Commission a déjà souligné par le passé qu’il était nécessaire de renforcer la lutte contre la fraude portant atteinte au budget de l’Union au moyen d’une politique intégrée associant enquêtes pénales et enquêtes administratives 10 . Ce point de vue reste valable aujourd’hui. Une fois le Parquet européen en place, l’Union sera dotée d’organismes habilités à effectuer ces deux types d’enquête, ce qui élargira les possibilités globales d’action au niveau de l’UE et viendra compléter et renforcer l’action menée par les États membres, sous leur propre responsabilité, pour protéger le budget de l’UE.

La mission générale de l’OLAF ne changera pas une fois que le Parquet européen sera institué mais le fonctionnement de l’Office devra être adapté à plusieurs égards.

L’OLAF restera compétent pour les enquêtes administratives concernant des irrégularités frauduleuses et non frauduleuses dans l’Union, dans les institutions, organes et organismes de l’Union et dans l’ensemble des États membres et continuera à formuler des recommandations sur le lancement de procédures judiciaires, disciplinaires, financières ou administratives.

Dans les cas où une fraude est suspectée, le Parquet européen et l’OLAF seront appelés à coopérer étroitement. Aujourd’hui, lorsqu’une enquête de l’OLAF indique l’existence possible d’une infraction pénale, l’OLAF coopère avec les autorités chargées des poursuites et les autorités judiciaires au niveau national. Étant donné que, pour la première fois, un organisme au niveau de l’UE aura compétence pour les enquêtes et pour les poursuites pénales, il importe de créer une synergie forte entre le Parquet européen et l’OLAF, de manière à permettre aux deux instances d’accomplir leurs tâches de la manière plus efficace et productive possible et à apporter une réponse rapide et efficace en cas de soupçon de fraude dans une région quelconque de l’Union européenne.

Il faudra dans ce contexte envisager d’adapter le cadre des enquêtes de l’OLAF de façon à éviter tout risque de duplication des investigations portant sur les mêmes faits, et prévoir les mécanismes nécessaires pour que l’OLAF puisse exercer son rôle en matière de soutien opérationnel.

Dans d’autres cas, il ne sera pas nécessaire, en raison de leurs missions respectives distinctes, de coordonner les activités de l’OLAF et celles du Parquet européen, le Parquet effectuant des enquêtes pénales tandis que l’Office se concentre sur les enquêtes administratives ayant des conséquences administratives, financières et disciplinaires. L’OLAF continuera aussi à mener ses enquêtes dans les États membres qui ne participent pas au Parquet européen à ce stade. Dans ces États membres, les autorités nationales ainsi que l’OLAF devraient contribuer à la création des conditions nécessaires pour assurer une protection efficace et équivalente des intérêts financiers de l’Union dans l’ensemble de l’UE. La mise en place du Parquet européen ne devrait en aucun cas conduire à une protection inefficace du budget dans les États membres qui n’y participent pas.

5. La voie à suivre

Le règlement nº 883/2013 a permis à l’OLAF de continuer à obtenir des résultats concrets dans la protection du budget de l’UE. Les modifications introduites en 2013 ont apporté de nettes améliorations en ce qui concerne la conduite des enquêtes, la coopération avec les partenaires et les droits des personnes concernées. Cependant, l’évaluation a mis en lumière certaines lacunes qui ont une incidence sur l’efficacité et l’efficience des enquêtes. En outre, la création du Parquet européen changera la donne et appellera un ajustement rapide dans le fonctionnement de l’OLAF, afin d’assurer la mise en place de synergies et l’utilisation efficace des ressources au niveau de l’UE.

C'est pourquoi la Commission réalisera, au premier semestre 2018, une évaluation conformément aux principes d’amélioration de la législation, qui pourrait servir conduire à une proposition de modification du règlement nº 883/2013 qui devrait déjà être en vigueur au moment où le Parquet européen deviendra opérationnel 11 de façon à assurer une transition sans heurts vers le nouveau cadre institutionnel. Cette évaluation prendra également en considération l’avis du comité de surveillance de l’OLAF accompagnant le présent rapport.

L’évaluation examinera principalement les changements dans le rôle et le fonctionnement de l’OLAF à la suite de l’institution du Parquet européen. Elle pourrait aussi inclure des modifications ciblées additionnelles qui pourraient s’avérer nécessaires, à partir des résultats les plus éloquents de l’évaluation. Ces modifications renforceraient le cadre des enquêtes de l’OLAF et maintenir un Office antifraude fort et pleinement opérationnel qui complète, par des enquêtes administratives, les procédures pénales engagées par le Parquet européen.

L’évaluation − qui sera effectuée conformément aux principes d’amélioration de la législation en vue de l’élaboration de l’éventuelle proposition de 2018 − ainsi que les autres mesures concernant les suites à donner à l’évaluation concerneront en particulier les aspects ci-après.

5.1 Adaptation pour tenir compte de la création du Parquet européen

Le projet de règlement portant création du Parquet européen fixe déjà les grands principes de la relation future entre le Parquet et l’Office, exigeant que les deux organes agissent de manière complémentaire afin que tous les moyens disponibles soient mis en œuvre pour protéger les intérêts financiers de l’Union 12 . L’évaluation examinera comment ces principes pourraient être reflétés dans le règlement nº 883/2013, au moyen de procédures de coopération concrètes complétées par des accords sur les modalités de travail.

Un aspect qui pourrait être examiné est celui du traitement par l’OLAF des informations entrantes et la communication rapide au Parquet des informations sur tout comportement délictueux à l'égard duquel ce dernier pourrait exercer sa compétence 13 . Du fait de la nature de sa mission, l’OLAF sera une importante source d’informations pour le Parquet européen. En outre, en ce qui concerne la sélection des dossiers au sein de l’OLAF, il faudrait que les dispositions pertinentes permettent d’éviter la réalisation d’enquêtes simultanées par l’Office et le Parquet, en prévoyant que l’OLAF s’abstienne de mener une enquête administrative dès lors que le Parquet européen mène une enquête pénale concernant les mêmes faits 14 .

Il faudrait aussi analyser le traitement par l’OLAF des dossiers que lui communique le Parquet européen en vue des suites administratives à donner 15 .

Enfin, l’évaluation se penchera sur les moyens de donner effet à la disposition du projet de règlement qui permet au Parquet européen de demander un soutien opérationnel à l’OLAF 16 . Cela pourrait inclure l’examen des options pour les procédures de traitement des demandes ainsi que des procédures que devrait respecter l’OLAF pour que les résultats de ses activités puissent être utilisés dans le cadre des enquêtes réalisées par le Parquet et servir ultérieurement d’élément de preuve.

5.2 Renforcement de l’efficacité de la fonction d’enquête de l’OLAF

La Commission examinera également les solutions possibles pour faire face à certaines lacunes constatées dans l’évaluation. Il convient de mettre l’accent sur l’apport de modifications ciblées visant à améliorer l’efficacité des enquêtes. En particulier, les questions ci-après seront prises en compte dans l’évaluation.

Les solutions possibles qui permettraient d’accroître la cohérence dans l’application des outils d’enquête mis à la disposition de l’OLAF dans les États membres ainsi que dans les institutions, les organes et les organismes seront examinées, l’objectif étant d’assurer un niveau de protection équivalent dans toute l’Union. Les références actuelles à la législation nationale devraient être examinées dans cette optique, de même que les dispositions sur les enquêtes internes.

Les modifications possibles des règles sur la recevabilité des rapports de l’OLAF en tant que moyens de preuve dans les procédures judiciaires des États membres, afin de garantir leur efficacité et d’éviter les inefficacités résultant de la duplication des enquêtes.

La Commission évaluera aussi les moyens de renforcer l’exécution des pouvoirs existants de l’OLAF. Dans le même ordre d’idées, une révision des obligations en matière de coopération inscrites dans le règlement pourrait être envisagée, afin de garantir un cadre cohérent et efficace tout au long des phases de l’enquête.

En outre, l’évaluation se penchera sur la mission de l’OLAF et ses outils d’enquête dans le domaine de la TVA et évaluera s’il est nécessaire et s’il est possible d’améliorer l’accès aux informations sur les comptes bancaires.

Enfin, de nouvelles dispositions régissant le traitement des dossiers de coordination pourraient être évaluées, dans l’objectif de remédier aux lacunes actuelles du règlement à cet égard.

5.3 Autres conclusions de l’évaluation

Outre les aspects susmentionnés, l’évaluation a mis en lumière un certain nombre de points qui gagneraient à être encore clarifiés ou simplifiés dans le règlement ou qui pourraient être résolus par des mesures législatives ou par une meilleure application du règlement.

En particulier, la Commission examinera comment mieux aborder les difficultés pratiques résultant de divergences de vues sur les dispositions relatives au rôle et à la mission du comité de surveillance. À cet égard, la Commission recommande que les accords sur les modalités de travail entre l’OLAF et son comité de surveillance soient conclus rapidement.

Parmi les autres domaines possibles qui, selon l’évaluation, gagneraient à être clarifiés davantage figurent notamment les dispositions sur les enquêtes internes (en particulier l’inspection de locaux), les expertises technico-légales numériques et la transmission de données à des pays tiers ainsi qu’à des organisations internationales. Des modifications ciblées pourraient également être apportées pour remédier aux incohérences perçues et faire converger davantage les règles applicables aux enquêtes internes et externes (lorsqu’il n’est pas justifié d’avoir des règles divergentes).

La Commission pourrait également envisager des mesures destinées à assurer une coopération plus étroite entre l’OLAF, d’autres services de la Commission et les institutions, organes et organismes de l’Union en ce qui concerne la transmission des informations à un stade précoce par l’OLAF dans des situations où l’adoption de mesures conservatoires pourrait s’avérer nécessaire, ainsi que des mesures destinées à réduire les différences concernant les suites à donner aux recommandations financières.

La Commission recommande à l’OLAF de prendre des mesures internes visant à garantir la qualité constante des rapports finaux et des recommandations et de déterminer s’il est nécessaire de réviser les lignes directrices sur les procédures d’enquête en vue corriger toute incompatibilité éventuelle avec le règlement.

5.4 Perspectives

À un stade ultérieur, une proposition qui pourrait être présentée en 2018 pourrait être suivie d’un processus plus vaste visant à moderniser le cadre des enquêtes de l’OLAF, qui, dans ses aspects essentiels, remonte à la création de l’OLAF, en 1999 (voire avant). Ce serait l’occasion d’examiner des modifications plus fondamentales dans le contexte de l’évolution des tendances en matière de fraude au XXIe siècle, sur la base de l’expérience acquise dans la coopération entre le Parquet européen et l’OLAF. Elle permettrait également de mettre l’accent sur d’autres aspects du cadre juridique pour lesquels il pourrait être nécessaire de poursuivre la réflexion et le débat. Cela pourrait comprendre la gouvernance institutionnelle de l’OLAF et les contrôles sur son activité. L’évaluation n’a pas montré clairement qu’il serait nécessaire de réviser de façon substantielle les dispositions pertinentes du règlement à ce stade. Il est à noter en outre que la proposition de la Commission relative à la mise en place d’un contrôleur des garanties de procédure 17 est pendante et n’a pas encore reçu le soutien du colégislateur. Les questions plus vastes liées à la cohérence globale du cadre juridique de lutte antifraude de l’UE au-delà du règlement nº 883/2013, mises en évidence dans l’évaluation, pourraient également faire partie de cette seconde étape de l’éventuelle révision du cadre juridique.

(1)

Directive (UE) 2017/1371 du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2017 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union au moyen du droit pénal (JO L 198 du 28.7.2017, p. 29).

(2)

Dossier interinstitutionnel 2013/0255 (APP). Les 8 et 9 juin 2017, le Conseil «Justice et affaires intérieures» a dégagé une orientation générale sur un règlement mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen. Le projet de règlement a ensuite été transmis au Parlement européen pour approbation. Dans le présent document, toutes les références au projet de règlement portant création du Parquet européen renvoient au document nº 9941/17 (texte de l’orientation générale), disponible à l’adresse suivante: http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-9941-2017-INIT/fr/pdf .

(3)

Décision 1999/352/CE, CECA, Euratom de la Commission du 28 avril 1999 instituant l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) (JO L 136 du 31.5.1999, p. 20).

(4)

Commission européenne, document de réflexion sur l’avenir des finances de l’UE, COM(2017) 358 du 28.6.2017.

(5)

Règlement (UE, Euratom) nº 883/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 septembre 2013 relatif aux enquêtes effectuées par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) et abrogeant le règlement (CE) nº 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (Euratom) nº 1074/1999 du Conseil (JO L 248 du 18.9.2013, p. 1).

(6)

Comité de surveillance de l’OLAF, avis n° 2/2017 du 28 septembre 2017.

(7)

Les interventions lors de la conférence dont le texte est disponible peuvent être consultées sur le site web de la Commission, à l’adresse suivante: https://ec.europa.eu/anti-fraud/policy/olaf-regulation-evaluation/conference_en .

(8)

 ICF Consulting Services Limited, 2017, Evaluation of the application of Regulation n° 883/2013 concerning investigations conducted by the European Anti-Fraud Office (OLAF), Final report, https://ec.europa.eu/anti-fraud/sites/antifraud/files/evaluation_of_the_application_regulation_883_en.pdf

(9)

Règlement (CE) nº 515/97 du Conseil du 13 mars 1997 relatif à l'assistance mutuelle entre les autorités administratives des États membres et à la collaboration entre celles-ci et la Commission en vue d'assurer la bonne application des réglementations douanière et agricole (JO L 82 du 22.3.1997, p. 1), tel que modifié en dernier lieu par le règlement (UE) 2015/1525 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 et règlement (UE) nº 608/2013 du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013 concernant le contrôle, par les autorités douanières, du respect des droits de propriété intellectuelle et abrogeant le règlement (CE) nº 1383/2003 du Conseil (JO L 181 du 29.6.2013, p. 15).

(10)

Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions intitulée «Sur la protection des intérêts financiers de l’Union européenne par le droit pénal et les enquêtes administratives — Une politique intégrée pour protéger l’argent des contribuables», COM(2011) 293 final du 26.5.2011.

(11)

Article 120, paragraphe 2, du projet de règlement «Parquet européen». Le Parquet européen exercera ses compétences en matière d’enquêtes et de poursuites à une date fixée par décision de la Commission, et au plus tôt trois ans après l’entrée en vigueur du règlement portant création du Parquet européen.

(12)

Article 101, paragraphe 1, du projet de règlement «Parquet européen».

(13)

Article 24, paragraphe 1, du projet de règlement «Parquet européen».

(14)

Article 101, paragraphe 2, du projet de règlement «Parquet européen».

(15)

Article 39, paragraphe 4, et article 101, paragraphe 4, du projet de règlement «Parquet européen».

(16)

Article 101, paragraphe 3, du projet de règlement «Parquet européen».

(17)

COM(2014) 340 final.