10.3.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/6


Avis du Comité économique et social européen intitulé «Promouvoir les entreprises innovantes et à forte croissance»

(avis d’initiative)

(2017/C 075/02)

Rapporteur:

M. Antonio GARCÍA DEL RIEGO

Décision de l’assemblée plénière

21 janvier 2016

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

29 novembre 2016

Adoption en session plénière

14 décembre 2016

Session plénière no

521

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

220/1/8

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE encourage la Commission à poursuivre les efforts qu’elle déploie pour élaborer des propositions d’action visant à promouvoir la création d’entreprises innovantes et à forte croissance, et recommande que ces initiatives soient menées, pilotées et coordonnées par une unité unique, responsable de l’évaluation, du suivi et de la réalisation de synergies entre les politiques innovantes menées par différentes directions générales. Ces propositions d’action devraient renforcer le marché unique et consolider les grappes d’entreprises ainsi que les écosystèmes dans lesquels les jeunes entreprises innovantes sont créées, développer la composante des capitaux propres dans les marchés européens des capitaux, promouvoir un programme universitaire qui mettrait l’accent sur les emplois de l’avenir et réduire au minimum les coûts et les formalités administratives nécessaires à la création d’entreprises.

1.1.1.

La Commission devrait poursuivre ses travaux pour faire appliquer les règles existantes du marché unique: les projets d’harmonisation à long terme comme les normes de comptabilité et d’insolvabilité, la reconnaissance automatique des diplômes de formation professionnelle et des titres universitaires, l’accélération de la mise en œuvre du marché unique numérique et le déploiement complet de l’union des marchés des capitaux (1) aideraient grandement l’Union européenne à tirer parti de toutes les possibilités offertes par un véritable marché unique. Des règles simples et efficaces en matière de marchés transfrontières devraient doper le commerce en ligne transfrontière, en réduisant la fragmentation juridique du droit de la consommation, ainsi que les coûts de mise en conformité pour les entreprises.

1.1.2.

Les financements par apport de fonds propres doivent être encore étendus afin de soutenir les jeunes entreprises dans leur phase de développement. Cet impératif suppose, entre autres, un système fiscal plus neutre, qui traite de manière égale l’endettement et l’apport de fonds propres, en autorisant la déductibilité tant des intérêts que des dividendes (2). Les jeunes pousses devraient pouvoir recourir aux «options d’achat d’action» pour attirer et retenir les talents.

1.1.3.

Il y a lieu de créer et de promouvoir une culture de la prise de participation, y compris par des initiatives éducatives et non-législatives. Le système financier européen doit développer les produits d’investissement liquide adaptés aux investisseurs de détail, afin de les inciter à investir dans de petites entreprises innovantes.

1.1.4.

La réduction des formalités administratives inutiles et de la «surréglementation» est également primordiale pour limiter au maximum les charges administratives et éviter aux entrepreneurs de gaspiller de l’argent et du temps.

1.1.5.

Dans tous les États membres qui adoptent de nouvelles mesures politiques visant à faire de l’Union européenne un pôle d’attraction de talents, il y a lieu de renforcer et d’accélérer le développement de nouvelles formes de collaboration entre les universités et les entreprises, en y associant tout à la fois de grandes firmes et des sociétés plus petites.

1.1.5.1.

Le CESE encourage la Commission à lever tous les obstacles juridiques aux échanges d’étudiants et de jeunes entrepreneurs (3), par exemple en créant un programme Erasmus pour les jeunes entrepreneurs.

1.1.5.2.

Afin de faire connaître les entreprises prometteuses, le CESE plaide pour la création d’une base de données intégrée dans la plateforme européenne de conseil en investissement (EIAH) et le portail européen de projets d’investissement (EIPP) (4). Elle regrouperait les entreprises européennes à forte croissance, dans différents secteurs, sélectionnées sur la base de critères objectifs et transparents, et permettrait une comparaison et un étalonnage des différentes entreprises.

1.1.6.

Le CESE est d’avis que le partage et l’évaluation des bonnes pratiques constituent des aides précieuses pour expérimenter de nouvelles politiques (5).

1.2.

Le Fonds européen d’investissement (FEI) et la Banque européenne d’investissement (BEI) sont invités à soutenir les entreprises innovantes au moyen de capital-risque et de capitaux d’amorçage spécifiques afin de faciliter le transfert technologique à partir des universités et centres de recherche. Ce soutien pourrait prendre la forme de garanties de prêts, qui permettraient de surmonter la résistance initiale au financement privé.

1.3.

Le Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI), un fonds de 21 milliards d’EUR constitué de garanties de l’Union européenne et de capital de la BEI, devrait jouer un rôle essentiel pour ce qui est d’aider les projets innovants à prendre de l’ampleur et à arriver jusqu’au marché. En outre, l’EFSI pourrait être un modèle pour les futurs projets de l’Union européenne: la méthode traditionnelle de financement des projets par subventions serait remplacée par un modèle plus efficace axé sur l’investissement, qui ferait «affluer» les fonds pour les projets. L’EFSI a financé avec succès des secteurs relativement risqués qui auraient aisément pu être ignorés (6).

1.4.

Le CESE réclame la constitution d’une boîte à outils plus vaste pour l’investissement afin de stimuler les investissements en phase de croissance, comprenant également des «fonds asymétriques», qui apporteraient des retours différents en fonction de la catégorie d’investisseur en capital, ainsi que des instruments de financement alternatifs tels que le financement participatif (7). La création de sous-marchés devrait également être envisagée afin de permettre aux petites et moyennes entreprises (PME) européennes d’accéder plus facilement aux marchés.

1.5.

La Commission devrait se pencher sur les asymétries réglementaires entre l’Europe et les États-Unis en ce qui concerne les investissements dans les logiciels et supprimer les contraintes réglementaires qui empêchent le secteur financier européen d’investir dans le développement numérique.

2.   Analyse de la situation actuelle

2.1.

Les PME constituent un élément essentiel de l’économie européenne et apportent une contribution significative à la création d’emplois et à la croissance économique (8).

2.1.1.

En 2015, le nombre de PME dans l’Union européenne s’élevait à plus de 22,3 millions, soit 99,8 % du nombre total des entreprises non financières; elles employaient 90 millions de personnes (66,9 % de l’emploi total), ont généré 57,8 % de la valeur ajoutée totale (9) et ont créé 85 % des nouveaux emplois. L’Europe doit veiller à permettre la création d’une nouvelle lignée de PME pour compenser les 200 000 faillites qui surviennent chaque année (10) et touchent 1,7 million de travailleurs. Pour la croissance économique de demain, ce sont toutefois les entreprises désireuses d’innover, de croître et d’exporter qui sont le facteur décisif.

2.2.

La création d’entreprises («jeunes pousses») à forte croissance revêt une importance considérable en raison de l’accent qu’elles mettent sur l’innovation dans les secteurs qui croissent rapidement et présentent une importante valeur ajoutée. Ce sont ces entreprises qui créeront les emplois de demain et stimuleront la croissance de la productivité, laquelle joue un rôle essentiel dans l’amélioration du niveau de vie. Alors que l’Europe fait état de progrès dans certains domaines, elle est à la traîne pour ce qui est du passage des entreprises de la phase de démarrage à la phase d’expansion, qui devrait, en fin de compte, aboutir à la croissance et à la création d’emplois dont l’Europe a besoin (11).

2.3.

Le présent avis d’initiative porte essentiellement son attention sur les entreprises dites «en expansion»(scale-ups), qui sont des sociétés à forte croissance, dont les effectifs (ou le chiffre d’affaires) augmentent à un rythme supérieur à 20 % par an sur une période de trois ans et qui emploient 10 salariés ou davantage au début de la période considérée (12). Une caractéristique marquante des entreprises en expansion est le recours à des modèles économiques extrêmement évolutifs. L’évolutivité est la capacité à croître du point de vue de l’accès au marché, des revenus et de la structure, sous l’effet, par exemple, d’une duplication rapide du modèle d’entreprise sur différents marchés ou de nouvelles pratiques de gestion.

2.3.1.

Une étude de l’OCDE portant sur 11 pays (13) a révélé que les entreprises en expansion représentaient moins de 10 % du total des entreprises mais qu’elles créaient jusqu’à deux tiers de tous les nouveaux emplois (14).

2.4.

Les jeunes pousses ont tendance à être moins rentables à court terme et sont tributaires des financements externes. Si ces entreprises innovantes sont incapables de financer leurs projets d’expansion, elles n’arrivent pas enclencher leur expansion, et leur potentiel sous-jacent de croissance de la productivité et de création d’emplois risque d’être étouffé.

2.4.1.

Selon une étude de la Banque mondiale (15), le taux moyen des prêts non productifs accordés aux PME dans les marchés développés en 2007 était de 6,93 %, soit plus du double de ceux consentis aux grandes entreprises (2,54 %). Le pourcentage de prêts improductifs a augmenté de manière spectaculaire pendant la crise au Portugal, en Espagne, en Italie et en Irlande, atteignant un niveau compris entre 10 et 25 %.

2.4.1.1.

Les politiques qui encouragent les banques à accorder des prêts à des entreprises qui présentent davantage de risques, en particulier à celles qui sont en phase de démarrage, pourraient déboucher sur la création d’une série de banques à risque, une contraction du crédit et une instabilité financière accrue (16).

2.5.

L’Europe doit se concentrer sur le bon fonctionnement de la «transition du financement», actuellement défaillante.

2.5.1.

La transition du financement comporte quatre chapitres: la phase de démarrage (financement par des subventions, du capital d’amorçage, la famille et les amis), la phase de croissance du capital (financement participatif, microfinancement, investisseurs providentiels), la croissance soutenue (titrisation, fonds de capital-investissement, capital-risque, investisseurs institutionnels, placements privés de dette), et la sortie (acquisition, marchés boursiers).

3.   Éléments constitutifs du développement d’un écosystème d’innovation propice à l’expansion

3.1.

Les écosystèmes d’innovation réussie qui sont le terreau des entreprises en expansion se caractérisent par la présence de vigoureux réseaux interconnectés, regroupant des établissements d’enseignement supérieur et de recherche, de grandes entreprises et des investisseurs en capital-risque, ainsi que par l’existence de talents créatifs et entrepreneuriaux (17).

3.1.1.

Normalement, les jeunes pousses voient le jour dans des pôles technologiques constitués autour d’universités de premier plan, lesquelles jouent un rôle moteur dans le développement d’un environnement dynamique pour les entreprises, parce qu’avec leurs étudiants comme leurs professeurs, elles offrent des réservoirs de talents. Des grappes d’entreprises puissantes et bien connectées améliorent la productivité des entreprises, dictent la direction et le rythme de l’innovation et stimulent l’émergence de nouvelles entreprises. Les États-Unis et la Chine, ainsi que certains centres européens, mènent un combat de longue haleine pour attirer les talents et le capital et favoriser l’innovation.

3.1.2.

Toutefois, la fragmentation des marchés européens du travail empêche la transition des jeunes pousses vers des entreprises en expansion. À cet égard, il est crucial de faciliter la mobilité de la main-d’œuvre dans l’Union européenne et d’attirer des talents en provenance de pays tiers qui peuvent agir comme un aimant, afin de créer ainsi un cercle vertueux.

3.1.3.

Un programme Erasmus pour jeunes entrepreneurs pourrait être encouragé. Une telle initiative, conforme au principe directeur de croissance et d’emploi, est susceptible de faciliter la mobilité et serait bien accueillie par les entreprises.

3.1.3.1.

Certaines politiques ont récemment été adoptées en vue d’attirer des talents issus de pays extérieurs à l’Union. La «carte bleue», instaurée en 2009, a permis d’accélérer l’entrée de migrants qualifiés recrutés par un employeur de l’Union européenne (18). À l’échelon national, certains pays européens ont déjà créé des procédures de visa spécifiques pour les entrepreneurs, et d’autres s’engagent également sur cette voie (19).

3.1.4.

Oxbridge, c’est-à-dire la région d’influence qui englobe les universités d’Oxford et de Cambridge, au Royaume-Uni, offre un exemple de réussite remarquable d’une plateforme technologique. La communauté britannique de scientifiques spécialisés dans les technologies de pointe a continué à croître et à innover pendant la longue période de récession et de stagnation économique entre 2008 et 2012 (20).

3.1.4.1.

Toutefois, de nombreuses universités en Europe n’ont ni le prestige, ni la structure, ni la volonté nécessaires pour créer les conditions de développement de partenariats entre les entreprises et les universités ou pour militer en faveur d’un tel programme d’innovation auprès de leur gouvernement (21). Les responsables universitaires et les gouvernements devraient nouer des liens avec les entreprises en investissant dans des structures de transfert de technologie sur les campus et dans l’éducation à l’esprit d’entreprise (22).

3.1.5.

Les entreprises issues de l’essaimage créées à la suite de transferts technologiques des universités éprouvent des difficultés d’expansion en raison du manque de fonds et de l’absence d’une gestion spécialisée. Par conséquent, il est essentiel qu’elles puissent compter sur un soutien public institutionnel afin de surmonter les réticences initiales des bailleurs de fonds privés, qui hésitent à investir dans des entreprises issues de l’essaimage ayant un profil technique, car elles sont perçues comme étant trop techniques et risquées, et souvent ne sont pas bien comprises.

3.2.

Bien qu’ils aient un niveau d’instruction similaire, les Européens créent beaucoup moins souvent de nouvelles entreprises que les Américains. Cette disparité trouve son origine dans toute une série de raisons, parmi lesquelles figurent un niveau élevé d’aversion au risque, le poids des charges administratives, les carences concernant la culture de la seconde chance et l’enseignement axé sur l’esprit d’entreprise, ainsi que l’absence d’une culture des fonds propres. Il conviendrait également de veiller au développement précoce de l’esprit d’entreprise dans l’enseignement primaire et secondaire.

3.2.1.

De fait, au moment de créer une nouvelle entreprise, le risque de faire faillite est la principale crainte ressentie par 43 % des Européens, contre 19 % seulement des Américains. Aux États-Unis (23), le régime de faillite des entreprises, relativement efficace et non punitif, de même qu’une meilleure acceptation des faillites d’entreprises dans l’opinion publique contribuent à mieux faire accepter la prise de risque. Développer une culture davantage axée sur l’entreprise devrait devenir une priorité pour les décideurs politiques comme les établissements d’enseignement.

3.2.1.1.

Selon une étude récente, les entreprises fondées par des entrepreneurs qui en sont à leur deuxième tentative ont un chiffre d’affaires plus élevé, enregistrent une croissance de l’emploi plus importante et présentent de meilleures chances d’obtenir un financement extérieur (24). En Espagne, seuls 20 % des chefs d’entreprise qui créent une entreprise pour la première fois voient leur initiative couronnée de succès, alors que, contre toute attente, le taux de réussite de ceux qui retentent leur chance grimpe à 80 %.

3.3.

Les entreprises innovantes et à forte croissance sont souvent plus exposées au risque qu’un financement sous forme de prêt bancaire leur soit refusé, parce qu’elles manquent de capital, lequel représente un élément essentiel des évaluations de crédit des banques (25). Les financements par apport de fonds propres sont dès lors essentiels pour les jeunes pousses et les entreprises qui ont d’importants projets d’expansion mais des flux de trésorerie incertains ou négatifs. Il conviendrait dès lors, en renfort des prêts bancaires, d’améliorer la diversité et la souplesse des sources de financement, en accordant une attention particulière au rôle du financement par apport de fonds propres.

3.4.

Il conviendrait de créer et d’encourager une culture de la prise de participation en Europe, et les systèmes financiers européens doivent développer des produits d’investissement qui conviennent aux investisseurs de détail et leur fournissent la liquidité nécessaire pour investir dans de petites entreprises innovantes.

3.4.1.

En raison de l’absence de financement après la phase de démarrage, les jeunes pousses européennes ne peuvent pas se développer aussi rapidement que leurs homologues américaines et doivent dégager des revenus plus tôt qu’elles, afin de continuer à exister, ou elles sont vendues à un stade plus précoce, à un prix bradé. En effet, en 2009, dans le classement des 1 000 premières entreprises européennes du point de vue de la capitalisation boursière, on n’en trouvait, en 2009, que 5 % à avoir été créées ex nihilo depuis 1980, alors qu’aux États-Unis, elles étaient 22 % dans ce cas (26).

3.4.1.1.

Fait notable, plus de la moitié de l’ensemble du capital-risque disponible au niveau mondial est investie aux États-Unis, contre 15 % seulement en Europe. En 2013, les jeunes pousses américaines ont bénéficié de 26 milliards d’EUR de capital-risque alors que leurs homologues européennes n’en ont reçu que 5 milliards, tandis que les investisseurs providentiels ont fourni 6 milliards d’EUR aux jeunes entreprises européennes et 20 milliards à celles des États-Unis.

3.4.1.2.

L’Union européenne souffre donc d’un important déficit en ce qui concerne les capitaux investis par les investisseurs providentiels et les investissements en capital-risque, les premiers y étant trois fois plus élevés aux États-Unis et les seconds, cinq fois. C’est là une différence cruciale, s’agissant du type de capital qui est nécessaire pour transformer des sociétés en entreprises plus grandes et plus performantes.

3.4.1.3.

Cela s’explique principalement par la forte fragmentation du secteur européen du capital-risque en raison des frontières nationales. La valeur moyenne des fonds européens de capital-risque, qui s’élève à environ 60 millions d’EUR, représente seulement la moitié de celle des fonds américains, et 90 % des investissements en capital-risque dans l’Union européenne se concentrent dans huit États membres seulement (le Danemark, l’Allemagne, l’Espagne, la France, les Pays-Bas, la Finlande, la Suède et le Royaume-Uni) (27). En raison de la diversité des règles applicables dans les différents États membres, les sociétés de capital-risque doivent supporter des coûts élevés liés à la collecte de fonds dans toute l’Europe. Par conséquent, elles sont de petite taille et disposent de moins de fonds propres pour soutenir les entreprises en expansion. Si les marchés européens du capital-risque étaient aussi profonds que ceux des États-Unis, 90 milliards d’EUR de fonds supplémentaires auraient été disponibles pour financer les entreprises entre 2008 et 2013 (28).

3.4.1.4.

Le manque de participation des investisseurs privés est également problématique. Au cours des dix dernières années, le secteur européen du capital-risque est devenu de plus en plus tributaire des institutions du secteur public, dont la contribution s’est élevée à 31 % (29) de l’investissement total en 2015, contre seulement 15 % (30) en 2007. Il ne faut pas viser à réduire la proportion d’argent public mais plutôt à accroître les sources privées. La base d’investisseurs doit être élargie et diversifiée pour permettre au secteur de devenir autonome à long terme.

3.4.1.5.

Afin d’encourager les partenariats public-privé, on pourrait envisager de recourir aux fonds asymétriques. Il s’agit de fonds de capital-risque dans lesquels les investisseurs bénéficient de conditions et de retours sur investissement différents en fonction de leurs objectifs; ces fonds reconnaissent la diversité des intérêts des partenaires selon le type de collaboration. Ils existent déjà en Grèce, aux Pays-Bas, en Finlande et au Royaume-Uni.

3.4.2.

La création de sous-marchés devrait également être envisagée afin de permettre aux PME européennes d’accéder plus facilement aux marchés. Ceux-ci devraient permettre de faibles coûts d’admission ainsi qu’une approche flexible, adaptée aux besoins des entreprises dynamiques de plus petite taille. L’Alternative Investment Market (AIM) de Londres, le Nouveau marché de Paris ou le Mercado Alternativo Bursatil (MAB) de Madrid en sont de bons exemples. Ce système de réglementation souple peut être une arme à double tranchant. Les petites entreprises peuvent accéder plus facilement à la Bourse pour émettre des actions mais, en revanche, les investisseurs inexpérimentés pourraient éprouver des difficultés à évaluer le profil de risque exact d’une entreprise.

3.4.3.

Une réglementation sectorielle spécifique peut parfois limiter la capacité des entreprises européennes à investir dans le développement technologique en comparaison de leurs homologues américaines. Ainsi, il existe une asymétrie réglementaire entre les entités financières européennes, américaines et suisses en ce qui concerne les investissements requis dans les logiciels et d’autres actifs incorporels, essentiels au développement numérique.

3.4.3.1.

Le secteur bancaire est, de loin, le plus gros secteur informatique au monde: 700 milliards d’USD sont dépensés pour l’innovation informatique — 1 EUR sur 5 étant dépensé par le secteur financier, soit 5 à 10 % de l’investissement total (31). Par conséquent, le secteur bancaire est à la fois un acteur majeur de la transformation numérique et le principal bailleur de fonds de l’économie numérique.

3.4.3.2.

Néanmoins, le cadre réglementaire pénalise les investissements dans l’informatique, qui lui sont indispensables. La réglementation financière devrait traiter les logiciels comme un actif ordinaire et ne devrait pas contraindre les banques de l’Union européenne à déduire cet investissement aux fins du calcul des exigences de fonds propres.

3.5.

La différence de traitement fiscal suivant les États membres et les types de financement constitue un obstacle au développement de marchés des capitaux paneuropéens, et cette carence a des effets tant sur les investisseurs et que sur les émetteurs.

3.5.1.

La plupart des systèmes fiscaux en Europe favorisent le financement par la dette plutôt que par le capital, en autorisant une déduction des coûts liés au paiement d’intérêts, alors qu’il n’en est prévu aucune pour le paiement de dividendes en cas d’apport de fonds. Il serait possible de remédier à ce traitement privilégié de la dette en permettant de déduire fiscalement les coûts liés au financement tant par l’apport de fonds propres que par l’emprunt (32).

3.5.1.1.

Les incitations fiscales jouent un rôle important dans l’octroi d’un financement à des entreprises à forte croissance en phase de démarrage, et plusieurs gouvernements de par le monde autorisent des déductions fiscales pour les particuliers et les entreprises qui investissent soit dans de jeunes pousses spécialisées dans les technologies de pointe, soit dans les fonds de capital-risque qualifiés (33).

3.5.1.2.

Les programmes d’options sur actions constituent un avantage traditionnellement attrayant pour les salariés et les propriétaires de jeunes pousses, car bon nombre d’entre eux pourraient ainsi renoncer à une compensation salariale. Dans la majorité des États membres, le traitement fiscal des options d’achat d’actions est prohibitif, ces dernières étant considérées comme un revenu ordinaire et imposées au taux marginal. Un traitement fiscal privilégié des options d’achat d’actions devrait être encouragé, comme pour les Incentive Stock Options (ISOs) (34) aux États-Unis.

3.5.2.

Il est onéreux pour une entreprise de se conformer à ses obligations en matière de TVA, notamment si elle vend des biens ou des services à l’échelle transfrontière. Le CESE se félicite que la Commission ait annoncé, dans le cadre de sa stratégie pour un marché unique numérique, qu’elle présentera des propositions législatives d’ici à la fin de l’année 2016 afin de réduire la charge administrative que la multiplicité des régimes de TVA fait peser sur les entreprises. Parmi ces mesures, la Commission propose d’introduire un seuil exempt de TVA afin d’aider les jeunes pousses et les microentreprises (35).

3.6.

Libérer pleinement le potentiel du marché unique est indispensable si l’on veut que les jeunes entreprises puissent proposer au plus tôt leurs services et leurs produits dans l’ensemble de l’Union européenne et se développer rapidement afin d’affronter la concurrence sur les marchés mondiaux.

3.6.1.

Des règles simples et efficaces en matière de marchés transfrontières pour les consommateurs et les entreprises constituent une priorité de la stratégie pour un marché unique numérique. Elles permettraient de doper le commerce en ligne transfrontière dans l’Union européenne, en mettant fin à la fragmentation juridique du droit des contrats à la consommation. L’élimination des obstacles dus aux divergences entre les droits des contrats devrait permettre d’accroître la consommation dans l’Union européenne de 18 milliards d’EUR, et le produit intérieur brut augmenterait de 4 milliards d’EUR par rapport à son niveau actuel (36).

3.7.

Les charges administratives inutiles constituent également une source de gaspillage de temps et d’argent pour les entrepreneurs.

3.7.1.

Sur la période 2013-2015, le coût moyen de lancement d’une entreprise dans l’Union européenne s’élevait à 4,1 % du PIB par habitant, contre 1,17 % aux États-Unis (37).

3.7.2.

En ce qui concerne le temps nécessaire pour créer une entreprise dans l’Union européenne, il fallait en moyenne 11,6 jours pour qu’elle soit enregistrée. Aux États-Unis, lancer une entreprise ne demande que 6 jours.

3.8.

L’asymétrie de l’information est une autre raison pour laquelle l’Europe ne produit pas suffisamment d’entreprises à forte croissance. Les investisseurs ne disposent pas d’une vision globale de l’ensemble des possibilités d’investissement. En outre, des limitations supplémentaires pèsent sur les investisseurs non européens, qui éprouvent des difficultés à comprendre les spécificités des différents marchés nationaux. Un portail spécialisé, intégré à la plateforme européenne de conseil en investissement (EIAH) et au portail européen de projets d’investissement (EIPP) (38), contribuerait à assurer la visibilité des projets à forte croissance et à réduire l’asymétrie de l’information.

4.   Exemples de bonnes pratiques parmi d’autres

4.1.

Un certain nombre de pays ont développé des bonnes pratiques pour soutenir les jeunes pousses et les entreprises en expansion. Le CESE recommande à la Commission d’étudier soigneusement les possibilités de les mettre en œuvre au niveau européen.

4.1.1.

L’Allemagne oblige les entreprises à adhérer à une chambre de commerce et d’industrie allemande (IHK), laquelle fournit en échange une aide et des conseils (39).

4.1.2.

Il conviendrait d’explorer les systèmes de garantie de prêt par le gouvernement comme il en existe en France, en Italie, en Pologne et au Royaume-Uni, ainsi que le cofinancement public tel qu’il est pratiqué en Allemagne et en Suède (40).

4.1.3.

Avec les programmes EIS, SEIS et VCT (41), le Royaume-Uni a mis en place des régimes d’incitations fiscales afin d’accroître les flux de fonds dans des actifs plus risqués.

4.1.4.

En Italie, la région du Piémont a créé, dans douze grappes industrielles, des réseaux rassemblant des entreprises, des universités et des pouvoirs locaux (42).

4.1.5.

Au Pays basque espagnol, la coopérative elkar-lan encourage la création d’autres coopératives, en effectuant une analyse complète de rentabilité du projet et en assurant la formation et l’accès aux subventions et aux aides financières (43).

4.1.6.

Comme l’a démontré le cas de l’Estonie, la numérisation des services publics pourrait constituer une percée décisive pour stimuler la croissance des entreprises innovantes de haute technologie. À l’échelle paneuropéenne, le développement de l’administration en ligne aurait un énorme impact.

4.1.7.

À l’ère de l’économie fondée sur les données, les actifs incorporels, difficiles à estimer et à évaluer en utilisant les mécanismes de financement traditionnels, peuvent constituer un avantage concurrentiel. L’Office de la propriété intellectuelle du Royaume-Uni a mis au point un moyen pour déterminer et évaluer ces actifs du point de vue de la trésorerie (44).

4.1.8.

Au Royaume-Uni, une équipe spéciale au sein de Tech City UK, appelée «Future Fifty», soutient les 50 principales entreprises numériques du Royaume-Uni en phase d’expansion. Le programme permet aux entreprises de bénéficier de l’expertise des pouvoirs publics et du secteur privé, crée des liens avec la base des investisseurs institutionnels du Royaume-Uni, et leur offre un soutien taillé sur mesure pour les aider à se développer rapidement et à jeter les bases de l’OPI (45), des fusions et acquisitions et de l’expansion mondiale (46).

4.1.9.

En 2015, le gouvernement fédéral américain a mis en place le programme STEM, qui a pour objectif d’inciter les enfants à étudier les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques. Un de ses piliers essentiels consiste à préparer les étudiants aux futurs besoins du marché du travail (47). L’accent est de plus en plus mis sur les compétences transférables et le STEAM, le «A» faisant référence aux arts.

5.   Initiatives prises par la Commission européenne afin de promouvoir la création et la croissance des jeunes pousses

5.1.

La Commission européenne a réalisé un effort remarquable pour soutenir les entrepreneurs, en lançant, au cours de ces dernières années, de nombreuses initiatives, menées sous l’égide de différentes directions générales: DG Réseaux de communication, contenu et technologies (48), DG Éducation, jeunesse, sport et culture (49), DG Marché intérieur, industrie, entrepreneuriat et PME (50), DG Recherche et innovation (51) et DG Stabilité financière, services financiers et union des marchés des capitaux (52).

5.2.

Nombre de ces initiatives sont récentes, et il est encore trop tôt pour en apprécier les effets. Le CESE estime toutefois que la Commission est sur la bonne voie et l’encourage à poursuivre son activité dans ce sens, en concertation permanente avec les acteurs européens et nationaux concernés.

Bruxelles, le 14 décembre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Le CESE a fait part de son soutien aux initiatives relatives à l’union des marchés des capitaux dans ses avis sur «Un plan d’action pour la mise en place d’une union des marchés des capitaux» (JO C 133 du 14.4.2016, p. 17), sur la «Titrisation» (JO C 82 du 3.3.2016, p. 1) et sur les «Prospectus» (JO C 177 du 18.5.2016, p. 9).

(2)  Le CESE a maintes fois réclamé des mesures pour supprimer les distorsions fiscales en faveur de l’endettement, par exemple dans son avis sur le «Financement des entreprises: recherche de nouveaux mécanismes financiers» (JO C 451 du 16.12.2014, p. 20).

(3)  Voir l’avis du CESE sur «Des universités engagées pour donner forme à l’Europe» (JO C 71 du 24.2.2016, p. 11).

(4)  Plateforme européenne de conseil en investissement: http://www.eib.org/eiah/index.htm.

Portail européen de projets d’investissement: https://ec.europa.eu/eipp/desktop/fr/index.html.

(5)  Voir paragraphe 4.

(6)  Forum numérique européen, From Start-up to Scale-up: Growing Europe’s Digital Economy, Sergey Filippov et Paul Hofheinz, 2016, p. 3-5.

(7)  Ibid., p. 5.

(8)  Définition européenne des PME (JO L 124 du 20.5.2003, p. 36).

(9)  http://www.eif.org/news_centre/publications/eif_annual_report_2015.pdf.

(10)  Faillite et deuxième chance pour les chefs d’entreprise honnêtes en faillite — Politique de la Commission européenne, Journée de l’entrepreneur, 12 novembre 2015.

(11)  Une jeune pousse se définit généralement comme une entreprise conçue de manière à rechercher un modèle économique reproductible et évolutif. Ces entreprises nouvellement créées sont habituellement très innovantes et reposent en général sur des idées, des technologies ou des modèles d’entreprise qui n’existaient pas auparavant. En revanche, une entreprise en expansion (scale-up) est caractérisée par une expansion et une croissance rapides en matière d’accès au marché, de revenus ou de nombre de salariés. Voir l’Octopus High Growth Small Business Report 2015 (Londres, Octopus, 2015).

(12)  https://www.linkedin.com/pulse/20141201163113-4330901-understanding-scale-up-companies.

(13)  Royaume-Uni, Finlande, Espagne, Italie, États-Unis, Canada, Norvège, Pays-Bas, Danemark, Nouvelle-Zélande, Autriche.

(14)  Aubrey, T., Thillaye, R., et Reed, A., Supporting investors and growth firms, 2015, p. 11.

(15)  http://siteresources.worldbank.org/INTFR/Resources/BeckDemirgucKuntMartinezPeria.pdf.

(16)  Aubrey, T., Thillaye, R., et Reed, A., Supporting investors and growth firms, 2015, p. 21.

(17)  Tataj, D., Innovation and Entrepreneurship. A Growth Model for Europe beyond the Crisis, Tataj Innovation Library, New York, 2015.

(18)  https://www.apply.eu/directives/.

(19)  http://tech.eu/features/6500/European-start-up-visa.

(20)  www.cambridge.gov.uk/sites/default/files/documents/cnfe-aap-io-employment-sector-profile.pdf.

(21)  Clustering for Growth, How to build dynamic innovation clusters in Europe, p. 11.

(22)  Voir l’avis du CESE sur «Des universités engagées pour donner forme à l’Europe» (JO C 71 du 24.2.2016, p. 11).

(23)  Faillite et deuxième chance pour les chefs d’entreprise honnêtes en faillite — Politique de la Commission européenne.

(24)  Étude réalisée par Kathryn Shaw, professeur à la Stanford Graduate School of Business.

(25)  Aubrey, T., Thillaye, R., et Reed, A., Supporting investors and growth firms, 2015, p. 40.

(26)  http://eref.knowledge-economy.net/uploads/documents/Born%20to%20Grow.pdf.

(27)  Commission européenne, «Construire l’union des marchés de capitaux», livre vert.

(28)  Ibid.

(29)  http://www.investeurope.eu/media/476271/2015-european-private-equity-activity.pdf.

(30)  http://www.investeurope.eu/media/340371/141109_EVCA_FOF_scheme.pdf.

(31)  Fédération bancaire de l’Union européenne, 16 septembre 2016.

(32)  Fatica, S., Hemmelgarn, T., et Nicodème, G., The Debt-Equity Tax Bias: Consequences and Solutions, Taxation Papers/Working Paper 33-2012, Commission européenne: http://ec.europa.eu/taxation_customs/resources/documents/taxation/gen_info/economic_analysis/tax_papers/taxation_paper_33_en.pdf.

(33)  Voir par exemple le paragraphe 4.3.

(34)  https://www.law.cornell.edu/cfr/text/26/1.422-2.

(35)  http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-16-1024_fr.htm.

(36)  http://europa.eu/rapid/press-release_IP-15-6264_fr.htm.

(37)  www.theglobaleconomy.com/USA/Cost_of_starting_business

(38)  Voir la note de bas de page 4.

(39)  http://www.dihk.de/en.

(40)  Aubrey, T., Thillaye, R., et Reed, A., Supporting investors and growth firms, 2015, p. 36.

(41)  Enterprise Investment Scheme (EIS — dispositif pour l’investissement dans les entreprises), Seed Enterprise Investment Scheme (SEIS — dispositif pour l’investissement dans les jeunes pousses) et Venture Capital Trust (VCT — fonds de capital-risque).

(42)  cordis.europa.eu/piedmont/infra-science_technology_en.html.

(43)  www.elkarlan.coop.

(44)  https://www.gov.uk/government/publications/banking-on-ip.

(45)  Offre publique initiale ou introduction en bourse.

(46)  http://futurefifty.com/.

(47)  https://www.whitehouse.gov/the-press-office/2015/03/23/fact-sheet-president-obama-announces-over-240-million-new-stem-commitmen.

(48)  Plan d’action «Entrepreneuriat 2020».

(49)  Programme Erasmus.

(50)  Stratégie pour le marché unique.

(51)  Horizon 2020, programme pour la recherche et l’innovation.

(52)  Union des marchés de capitaux.