Bruxelles, le 6.4.2016

COM(2016) 197 final

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL

VERS UNE RÉFORME DU RÉGIME D’ASILE EUROPÉEN COMMUN ET UNE AMÉLIORATION DES VOIES D’ENTRÉE LÉGALE EN EUROPE


Les migrations ont été et continueront d’être l’une des questions cruciales pour l’Europe au cours des décennies à venir. Les tendances de fond du développement économique, le changement climatique, la mondialisation des transports et des communications, les guerres et l’instabilité dans les régions voisines, tous ces faits et phénomènes ont pour conséquence que des personnes continueront de vouloir venir en Europe – pour y trouver refuge, y mener une vie meilleure ou y rejoindre leurs proches. Les pays européens resteront déterminés à honorer leur engagement juridique et moral envers les personnes qui ont besoin d’être protégées de la guerre et des persécutions. En outre, comme leur propre démographie évolue, ils devront tirer parti des possibilités d’attirer compétences et talents étrangers et des avantages que cela présente.

Apportant une réponse continue à la crise actuelle des migrants et des réfugiés, la Commission a fait rapport 1 , le 10 février, sur les mesures prioritaires prises au titre de l’agenda européen en matière de migration 2 afin de relever le défi immédiat qui consiste à rétablir l’ordre sur la route de la Méditerranée orientale/des Balkans occidentaux. À la suite des réunions du Conseil européen des 18 et 19 février et des 17 et 18 mars ainsi que de la réunion des chefs d’État ou de gouvernement du 7 mars 3 , la Commission continuera d’aider les États membres à mettre en œuvre tous les éléments adoptés d’un commun accord pour endiguer les flux migratoires irréguliers incontrôlés, protéger nos frontières extérieures et préserver l’intégrité de l’espace Schengen; cette aide sera axée notamment sur la mise en œuvre des décisions de relocalisation, de l’approche dite des centres d’enregistrement («hotspots») et des mesures visant à assurer retours et réadmissions, tout en garantissant aux personnes ayant besoin d’une protection internationale un accès effectif aux procédures d’asile.

Il est indispensable d’appliquer les règles en vigueur et d’améliorer le fonctionnement des instruments et mécanismes existants si nous voulons récupérer la maîtrise de la situation actuelle. Mais dans le même temps, ainsi qu’il est indiqué dans les conclusions du Conseil européen des 18 et 19 février et dans celles des 17 et 18 mars 4 , il est temps que des progrès soient réalisés en ce qui concerne la réforme du cadre existant de l’UE, de façon à disposer d’une politique d’asile humaine et efficace. L’élaboration et la mise en œuvre de la politique européenne en matière d’asile et de migration présentent d’importantes faiblesses et lacunes structurelles, que la crise a mises en évidence. L’UE doit à présent se doter des outils permettant de mieux gérer les flux migratoires à moyen et long termes, dans le droit fil de l’approche exposée dans l’agenda européen en matière de migration.

L’objectif global est de passer d’un système qui, par sa conception ou sa mauvaise mise en œuvre, fait peser une responsabilité disproportionnée sur certains États membres et encourage des flux migratoires irréguliers et incontrôlés, à un système plus équitable proposant aux ressortissants de pays tiers qui ont besoin d’une protection ou qui peuvent contribuer au développement économique de l’UE des voies d’entrée organisées et sûres. Cette dernière a besoin d’un système solide et efficace de gestion durable des migrations pour l’avenir qui soit équitable pour les sociétés d’accueil et les citoyens de l’Union ainsi que pour les ressortissants de pays tiers et les pays d’origine et de transit. Pour fonctionner, ce système doit être complet et fondé sur les principes de responsabilité et de solidarité.

Au cours des derniers mois, d’importantes mesures ont été prises pour lutter fermement contre la migration irrégulière et gérer plus efficacement les frontières extérieures de l’Union. Il est essentiel que la proposition de règlement portant création d’un corps européen de gardefrontières et de garde-côtes 5 soit adoptée d’ici le mois de juin au plus tard, afin que ce nouveau corps puisse entrer en opération pendant l’été. La mise en œuvre des plans d’action contre le trafic de migrants 6 et en matière de retour 7 progresse également, toutes les agences et États membres concernés ayant intensifié leur action dans ce domaine.

Mais seule une approche large et globale du phénomène migratoire nous permettra de réduire les flux irréguliers à destination de l’Europe et en son sein et de protéger nos frontières extérieures: en d’autres termes, il nous faut, dans le même temps, valoriser les voies légales et sûres d’entrée en Europe, améliorer l’utilisation et l’application des instruments en vigueur régissant la migration légale, consolider le régime d’asile européen commun et continuer à traiter les causes profondes des migrations. C’est en attirant davantage les compétences et les talents dont nous aurons besoin à l’avenir et en tirant un meilleur parti des avantages que procurent les migrations par l’intégration et la participation effectives de tous, réfugiés ou migrants légaux, à la société d’accueil, que nous améliorerons notre mode de gestion des migrations.

Avec les autres mesures adoptées à la suite de l’agenda européen en matière de migration, la présente communication expose les mesures à prendre aux fins d’une politique d’asile européenne plus humaine, équitable et efficace, et d’une politique de migration légale mieux gérée.

I.    Vers une politique commune solide et durable en matière d’asile

I.1    Faiblesses intrinsèques du régime d’asile européen commun en temps de crise migratoire

L’arrivée massive et incontrôlée de migrants et de demandeurs d’asile en 2015 a mis à mal non seulement le régime d’asile de nombreux États membres, mais aussi le régime d’asile européen commun dans son ensemble. Le régime d’asile européen commun se compose d’un cadre juridique portant sur tous les aspects du processus d’asile, et d’une agence d’appui — le Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO) — créée afin d’accompagner la mise en œuvre de ce cadre juridique et de faciliter la coopération pratique entre États membres. La crise a mis au jour des faiblesses dans la conception et la mise en œuvre du régime d’asile européen commun, en général, et du dispositif de «Dublin», en particulier.

Le règlement de Dublin 8 établit les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale. Les personnes qui sollicitent, ou qui se sont vues accorder, une protection n’ont pas le droit de choisir l’État membre dans lequel elles veulent s’établir. Si l’État membre dans lequel un demandeur d’asile introduit sa demande n’est pas l’État compétent pour traiter cette demande, ce demandeur devrait être transféré dans l’État membre compétent.

Le système de Dublin n’a pas été conçu pour assurer un partage durable des responsabilités à l’égard des demandeurs d’asile dans l’ensemble de l’Union, défaut mis en évidence par la crise actuelle. Le principal critère dans la pratique permettant d’attribuer la responsabilité de l’examen de demandes d’asile est l’entrée irrégulière sur le territoire d’un État membre. Le recours à ce critère reposait sur l’hypothèse selon laquelle un lien devrait être établi entre l’attribution de la responsabilité dans le domaine de l’asile et le respect par les États membres de leurs obligations de protéger la frontière extérieure. Toutefois, la capacité à enrayer effectivement les entrées irrégulières à la frontière extérieure est, dans une certaine mesure, tributaire de la coopération avec les pays tiers. En outre, l’expérience acquise ces dernières années montre que, surtout dans des situations d’afflux massif de personnes empruntant des routes migratoires précises, le système actuel fait peser la responsabilité, en droit, à l’égard de la grande majorité des demandeurs d’asile, sur un nombre limité d’États membres, situation qui mettrait à rude épreuve les capacités de n’importe quel État membre. Ce constat explique aussi en partie pourquoi, au cours des dernières années, les règles de l’UE ont été de moins en moins respectées. En effet, les migrants refusent aussi souvent d’introduire leur demande d’asile ou de se conformer aux obligations d’identification dans l’État membre de première entrée, puis se rendent dans l’État membre où ils souhaitent s’installer et y demandent l’asile. Ces mouvements secondaires ont donné lieu à l’introduction de nombreuses demandes d’asile dans des États membres qui ne sont pas ceux du premier point d’entrée, situation qui, à son tour, a conduit plusieurs États membres à réintroduire des contrôles aux frontières intérieures afin de maîtriser l’arrivée soudaine de nombreux migrants.

Mais il existait déjà, avant même la crise actuelle, de graves défaillances dans la mise en œuvre du règlement de Dublin de sorte que, même si tous les États membres assurent un contrôle plus efficace et plus strict de l’application des règles en vigueur, complété par des mesures destinées à empêcher les mouvements secondaires, il est fort probable que le système actuel demeurerait intenable face à la pression migratoire persistante 9 . Parmi les problèmes à résoudre figurent notamment les difficultés d’obtenir et de définir d’un commun accord des éléments prouvant la responsabilité d’un État membre pour examiner une demande d’asile, d’où une augmentation du nombre de refus de faire droit à des demandes de transfert de demandeurs. Même lorsque les États membres acceptent les demandes de transfert, seul un quart de ces dossiers environ débouchent sur des transferts effectifs et, une fois le transfert effectué, les cas de mouvements secondaires vers l’État membre ayant procédé au transfert sont fréquents. Les dispositions actuelles, qui prévoient un déplacement de responsabilité entre États membres après un certain délai, nuisent encore un peu plus à l’efficacité du système. Dès lors, si un demandeur s’enfuit pendant suffisamment longtemps sur le territoire d’un État membre sans être effectivement transféré, cet État membre deviendra finalement responsable.

Un autre obstacle au bon fonctionnement du système de Dublin tient à la difficulté de transférer les demandeurs vers les États membres dont les procédures d’asile ou les conditions d’accueil présentent, sur des aspects essentiels, des défaillances systémiques. La suspension effective des transferts au titre du règlement de Dublin vers la Grèce depuis 2011 s’est révélée être une défaillance particulièrement grave du système compte tenu, en particulier, du grand nombre de migrants qui sont arrivés en Grèce ces derniers mois 10 .

Le régime d’asile européen commun se caractérise également par les différences de traitement auxquelles sont soumis les demandeurs d’asile, notamment quant à la durée des procédures d’asile ou aux conditions d’accueil dans les États membres, situation qui, à son tour, encourage les mouvements secondaires. Ces disparités résultent en partie des dispositions souvent discrétionnaires qui figurent dans la version actuelle de la directive relative aux procédures d’asile 11 et de celle relative aux conditions d’accueil 12 . Par ailleurs, si la directive relative aux conditions que doivent remplir les demandeurs d’asile 13 définit les normes de reconnaissance et de protection qui doivent être offertes à l’échelle de l’UE, dans la pratique, les taux de reconnaissance varient, parfois radicalement, d’un État membre à l’autre 14 . On constate également une convergence insuffisante en ce qui concerne la décision d’octroyer soit le statut de réfugié (qui doit être accordé aux personnes qui fuient les persécutions) soit le statut de protection subsidiaire (à réserver aux personnes fuyant le risque d’atteintes graves, y compris les conflits armés) aux demandeurs d’un pays d’origine donné. Cette disparité a également encouragé les mouvements secondaires, à l’instar des variations dans la durée de validité des titres de séjour et dans l’accès à l’assistance sociale et au regroupement familial.

Le régime d’asile de l’UE compte parmi les plus protecteurs et les plus généreux au monde et l’octroi du statut conféré par la protection internationale dans les États membres de l’UE a, en pratique, presque invariablement entraîné l’installation permanente des intéressés dans l’UE, alors que sa finalité première à l’origine était de n’accorder une protection qu’aussi longtemps que persistait le risque de persécution ou d’atteinte grave. Dès lors que les réalités dans le pays d’origine ou la situation personnelle d’un demandeur changent, la protection n’est plus nécessaire. Cependant, bien que la directive relative aux conditions que doivent remplir les demandeurs d’asile contienne des dispositions sur la cessation du statut accordé, en pratique, les États membres n’y recourent actuellement pas de façon systématique.

En s’appuyant sur les priorités immédiates définies dans l’agenda européen en matière de migration, la Commission a pris des mesures financières, juridiques 15 et opérationnelles permettant de mieux faire respecter les règles du régime d’asile européen commun, ainsi qu’elle l’a exposé dans la communication du 10 février 2016. En particulier, la Commission a proposé les deux programmes de relocalisation temporaire en cas de crise adoptés d’un commun accord en septembre dernier, qui prévoient le transfert de responsabilité à l’égard de certains demandeurs d’asile de l’Italie et de la Grèce à d’autres États membres.

Il est impératif de mettre en œuvre intégralement et rapidement ces mesures, pour faire face aux défis immédiats. L’Union doit obtenir, par une action concertée entre tous les États membres et avec l’appui total de la Commission et des organes de l’Union, la bonne application du cadre juridique existant de manière à apporter ordre et stabilité dans le fonctionnement du régime d’asile européen commun. Dans le même temps, elle doit tirer les enseignements de la crise actuelle et s’atteler à remédier à ses faiblesses intrinsèques à plus long terme. Des mesures s’imposent donc pour garantir un régime humain, équitable et efficace pour l’avenir.

I.2    Remédier aux faiblesses structurelles: cinq priorités

Dans ce contexte, la Commission recense cinq domaines prioritaires dans lesquels il conviendrait d’apporter au régime d’asile européen commun des améliorations structurelles.

Priorités

a) Mise en place d’un système durable et équitable pour déterminer l’État membre responsable envers les demandeurs d’asile

Objectif: adapter le régime d’asile européen commun en vue d’une meilleure gestion de l’arrivée d’un nombre élevé de demandeurs d’asile/réfugiés en les faisant passer par des points d’entrée précis, et garantir un degré élevé de solidarité et un partage équitable des responsabilités entre États membres au moyen d’une juste répartition des demandeurs d’asile.

Mesures: la Commission proposera de modifier le règlement de Dublin soit en le simplifiant et en le complétant par un mécanisme d’équité correcteur, soit en adoptant un nouveau système fondé sur une clé de répartition.

b) Renforcer le système Eurodac

Objectif: aider à l’application du règlement de Dublin et faciliter la lutte contre la migration irrégulière.

Mesures: la Commission proposera d’adapter le système EURODAC afin qu’il reflète les changements apportés au mécanisme de Dublin, et étendra son objet à d’autres domaines que l’asile.

c) Parvenir à une plus grande convergence dans le régime d’asile de l’UE

Objectif: renforcer et harmoniser davantage les règles du régime d’asile européen commun, de façon à assurer une plus grande égalité de traitement dans l’ensemble de l’Union et à réduire les facteurs d’attraction injustifiés qui encouragent les départs vers l’UE.

Mesures: la Commission proposera un nouveau règlement instituant une procédure d’asile commune unique dans l’Union et remplaçant la directive relative aux procédures d’asile; un nouveau règlement relatif aux conditions que doivent remplir les demandeurs d’asile remplaçant l’actuelle directive du même nom, et des modifications ciblées de la directive relative aux conditions d’accueil.

d) Empêcher les mouvements secondaires au sein de l’UE

Objectif: veiller à ce que le fonctionnement du mécanisme de Dublin ne soit pas perturbé par des abus et la course au droit d’asile que pratiquent certains demandeurs et bénéficiaires d’une protection internationale.

Mesures: la Commission fera figurer des mesures procédurales plus strictes dans ses propositions concernant les nouveaux règlements relatifs, respectivement, aux procédures d’asile et aux conditions que doivent remplir les demandeurs d’asile, ainsi que sa proposition de directive relative aux conditions d’accueil, afin de décourager et de sanctionner les déplacements irréguliers vers d’autres États membres.

e) Un nouveau mandat pour l’agence européenne chargée de l’asile

Objectif: faciliter le fonctionnement du régime d’asile européen commun et du mécanisme de répartition de Dublin révisé, élaborer des actions ciblées dans des domaines clés et veiller à une évaluation plus harmonisée des besoins de protection dans tous les États membres.

Mesures: la Commission proposera de modifier le mandat de l’EASO afin d’en faire un acteur de la mise en œuvre des politiques et d’en renforcer le rôle opérationnel, tout en prévoyant à cet effet des ressources financières et des moyens juridiques à suffisance.

a) Un régime durable et équitable pour déterminer l’État membre responsable de l’examen de demandes d’asile

Le règlement de Dublin établit les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale. Ces critères et mécanismes ont pour but d’assurer aux demandeurs d’asile un accès rapide à une procédure d’asile et un examen au fond de leur demande par un seul État membre, clairement déterminé. Ces objectifs demeurent valables. Par contre, permettre aux demandeurs d’asile de faire traiter leur demande par l’État membre de leur choix agirait comme un facteur d’attraction, même s’il existait une égalité parfaite entre États membres sur le plan des conditions d’accueil des demandeurs d’asile et du traitement de leur demande. Cette solution ne serait pas non plus synonyme de solidarité ni de partage équitable des responsabilités. La nécessité de ces critères et mécanismes est envisagée par le traité. 

La Commission a l’intention de présenter, en priorité, une proposition de réforme du système de Dublin. Deux principales options de réforme concernant la détermination de la responsabilité au titre du système de Dublin devraient être envisagées à ce stade. Dans un cas comme dans l’autre, les États membres du premier point d’entrée devraient identifier et enregistrer tous les migrants et relever leurs empreintes digitales, puis organiser le retour de ceux n’ayant pas besoin d’une protection. En outre, il se peut qu’il faille envisager un financement par l’UE, comme expression supplémentaire de cette solidarité, en ce qui concerne ces deux options. Comme les deux options seraient conçues pour remédier aux situations d’afflux massifs, on pourrait également envisager d’abroger la directive relative à l’octroi d’une protection temporaire 16 .

Option 1: compléter le système actuel par un mécanisme d’équité correcteur

Dans le cadre de cette option, les critères actuels d’attribution de la responsabilité seraient pour l’essentiel conservés, mais le système serait complété par un mécanisme d’équité correcteur, fondé sur une clé de répartition, qui permettrait, dans certaines circonstances, de procéder à des ajustements dans la répartition. Tout en permettant le maintien d’un lien entre la répartition des responsabilités dans le domaine de l’asile et le respect par les États membres de leurs obligations quant à la protection de la frontière extérieure, cette option permettrait de mieux faire face aux situations caractérisées par un afflux massif de personnes entrant sur le territoire d’États membres particuliers et garantirait une plus grande équité entre États membres. Ce mécanisme correcteur pourrait être combiné à des modifications du règlement de Dublin afin de rendre les procédures plus efficaces, notamment par la suppression des clauses de cessation de la responsabilité.

Le mécanisme correcteur complémentaire pourrait trouver son origine dans le programme de relocalisation en cas de crise proposé en septembre dernier 17 par la Commission, pour être déclenché dans les situations risquant de compromettre l’application du règlement de Dublin en raison de fortes pressions caractérisées par un afflux important et disproportionné de ressortissants de pays tiers, et faisant peser de lourdes contraintes sur le régime d’asile d’un État membre. On pourrait s’interroger sur l’opportunité de subordonner également le déclenchement du mécanisme complémentaire à l’activation préalable du soutien opérationnel aux frontières extérieures apporté par le futur Corps européen de garde-frontières et de garde-côtes 18 .

En vue de soutenir efficacement un État membre confronté à un afflux considérable de migrants, on pourrait envisager de procéder à des ajustements du mécanisme complémentaire proposé l’an dernier par la Commission. En particulier, afin d’atténuer toute injustice notable dans la répartition entre États membres, la relocalisation pourrait avoir lieu dès qu’un seuil prédéfini de demandeurs d’asile est atteint dans un État membre donné. Ce seuil pourrait, par exemple, être fixé de telle sorte que la relocalisation n’ait lieu que lorsque le contingent de demandeurs d’asile attribué à un État membre donné dépasse largement ce qui résulterait d’une répartition des demandeurs d’asile dans l’ensemble de l’UE selon certains critères objectifs. Un autre ajustement pourrait permettre la relocalisation de tout demandeur dont on peut considérer, avec une probabilité raisonnable, qu’il se verra accorder une protection internationale 19 , et pas seulement la relocalisation des demandeurs possédant une nationalité faisant l’objet d’un taux de reconnaissance d’au moins 75 %.

Option 2: un nouveau système d’attribution des demandes d’asile dans l’UE fondé sur une clé de répartition

Dans le cadre d’un nouveau système d’attribution des demandes d’asile dans l’UE, la détermination de la responsabilité ne serait, pour l’essentiel, plus liée à l’État membre de première demande ni à celui sur le territoire duquel l’entrée irrégulière aurait eu lieu. En lieu et place, la responsabilité serait principalement attribuée selon une clé de répartition reflétant la taille, la richesse et les capacités d’absorption relatives des États membres 20 . En conséquence, cela induirait une modification fondamentale du système actuel. Toutefois, certains critères – notamment des liens familiaux ou des liens de dépendance, l’intérêt supérieur de l’enfant et le fait d’être en possession d’un visa ou d’un titre de séjour – prévaudraient, comme c’est le cas à l’heure actuelle, sur l’application de la clé de répartition et pourraient donner lieu à une déduction correspondante du contingent de demandeurs attribué à l’État membre en vertu de cette clé. En outre, dès que la responsabilité d’un État membre donné serait établie de façon certaine, cet État membre demeurerait seul responsable pour examiner le dossier d’un demandeur déterminé, ce qui dissuaderait les mouvements secondaires et permettrait d’écourter les procédures et de les rendre plus efficaces.

Contrairement à l’option 1, la plupart des demandeurs, au moment d’introduire une demande dans n’importe quel pays de l’UE, seraient directement placés dans le contingent d’un autre État membre, selon la clé de répartition. Les États membres de première demande seraient toutefois responsables de l’examen des demandes d’asile introduites par des personnes, par exemple celles provenant de pays d’origine que l’Union aurait qualifiés de sûrs, de façon à faciliter leur retour rapide et à maintenir un lien avec les obligations des États membres de protéger la frontière extérieure. Différentes variantes de cette option sont envisageables, qui font peser une responsabilité plus ou moins grande sur l’État membre dans lequel la demande est faite de vérifier si les critères prioritaires s’appliquent, comme le point de savoir si le demandeur a des liens familiaux dans un autre État membre. Une solution pourrait consister à ce que l’État membre dans lequel la demande est introduite effectue cette vérification; une autre pourrait être que cette vérification n’ait lieu que dans l’État membre qui s’est vu attribuer, selon la clé de répartition, le contingent de demandeurs concerné.

Perspective à long terme

Ainsi qu’il a déjà été indiqué dans l’agenda européen en matière de migration, à long terme, on pourrait envisager de transférer la responsabilité du traitement des demandes d’asile du niveau national au niveau de l’Union, par exemple en faisant de l’EASO une agence décisionnaire de première instance à l’échelle de l’UE, avec des antennes nationales dans chaque État membre, et de créer une structure d’appel à l’échelle de l’UE. Dans le cadre d’une telle approche, les États membres demeureraient chargés de l’accueil des demandeurs d’asile, et des réfugiés une fois que ce statut leur serait reconnu, dont un contingent leur serait attribué selon une clé de répartition, comme cela est suggéré ci-dessus.

Cela permettrait d’instituer un processus décisionnel unique et centralisé, en première instance comme en appel, et d’assurer ainsi une harmonisation complète des procédures ainsi qu’une évaluation cohérente des besoins de protection au niveau de l’UE. La répartition des demandeurs d’asile entre les États membres suivant une clé de répartition garantirait parallèlement un partage équitable des responsabilités de leur prise en charge. En plus de rendre nécessaire une transformation institutionnelle d’envergure, il faudrait allouer des ressources considérables à ces nouveaux organes de l’UE compétents en matière d’asile aux fins du traitement d’un très grand nombre de demandes actuellement traitées par les autorités des États membres 21 . Une solution aussi radicale serait, dès lors, difficile à envisager à court ou à moyen termes.

b)    Renforcer le système Eurodac

Le système Eurodac et les empreintes digitales conservées dans cette base de données permettent aux États membres de déterminer avec certitude si un demandeur d’une protection internationale ou un migrant en situation irrégulière se trouvait sur le territoire d’un État membre avant d’arriver dans un autre État membre, et contribuent à l’application du règlement de Dublin. La Commission proposera que les modifications apportées au régime de Dublin soient répercutées dans le système Eurodac afin que ce dernier permette d’obtenir les preuves dactyloscopiques nécessaires à son fonctionnement.

En outre, étendre l’objet d’Eurodac à d’autres domaines que l’asile est pertinent au vu des difficultés que rencontrent les États membres pour surveiller efficacement les entrées aux frontières extérieures et les déplacements ultérieurs. L’utilisation d’Eurodac, avec la conservation de toutes les données dactyloscopiques, toutes catégories confondues, et la comparaison de ces données avec l’ensemble des données conservées, peut améliorer sensiblement la capacité des États membres à repérer les migrants en situation irrégulière dans l’UE.

La Commission proposera d’étendre le champ d’application d’Eurodac comme instrument contribuant à la lutte contre la migration irrégulière, en autorisant l’utilisation du système pour faciliter le retour des migrants en situation irrégulière. Eurodac permettra ainsi d’accélérer l’identification des migrants et la délivrance de nouveaux documents à ces derniers et de mieux évaluer le risque de fuite, renforçant ainsi l’efficacité et la rapidité des procédures de retour et de réadmission.

Ainsi qu’elle l’expose dans sa communication intitulée «Des systèmes d’information plus robustes et plus intelligents au service des frontières et de la sécurité» 22 , la Commission procèdera également, dans le cadre de l’évaluation globale du système existant, au recensement des lacunes auxquelles il convient de remédier à long terme en développant certaines fonctionnalités techniques du système, y compris par l’utilisation éventuelle d’autres identifiants biométriques, conformément aux normes de protection des données.

c)    Une convergence accrue et un véritable régime d’asile européen commun

De manière plus générale, la Commission entend proposer une harmonisation complète des procédures dans l’ensemble de l’UE en transformant l’actuelle directive sur les procédures d’asile en un nouveau règlement instituant une procédure d’asile commune unique dans l’UE — remplaçant les actuelles modalités disparates appliquées dans les États membres — qui réduirait les incitations à se déplacer vers et à l’intérieur de l’UE. Après avoir consulté les États membres et les parties intéressées, la Commission entend proposer la définition de nouvelles règles — au lieu des dispositions discrétionnaires en vigueur — concernant les principaux volets de la procédure d’asile, notamment les règles relatives à la recevabilité, le recours à la procédure à la frontière ou à la procédure accélérée, le traitement des demandes ultérieures et le droit de demeurer sur le territoire. L’harmonisation de la durée maximale de la procédure, tant en première instance qu’en appel, sera une caractéristique essentielle de cette harmonisation.

Le recours au mécanisme des «pays sûrs» constitue un aspect essentiel d’une approche commune. En septembre 2015, la Commission a proposé l’adoption d’un règlement établissant une liste commune de l’Union de «pays d’origine sûrs» 23 afin de permettre le traitement rapide des demandes émanant de personnes en provenance de ces pays. Il importe que ce règlement soit adopté rapidement par le Parlement européen et le Conseil. L’objectif est de tendre vers une liste complètement harmonisée de pays d’origine sûrs au niveau de l’UE, sur la base de propositions de la Commission, la priorité étant donnée à l’inscription des pays tiers dont provient un nombre important de demandeurs. La Commission envisage, par ailleurs, de proposer une harmonisation des conséquences procédurales du recours au mécanisme du pays d’origine sûr et de supprimer l’actuel pouvoir discrétionnaire d’y recourir ou non.

En ce qui concerne le mécanisme du «pays tiers sûr», qui permet de déclarer irrecevables certaines demandes lorsque la protection pourrait être obtenue dans un pays tiers, la Commission, dans sa communication du 10 février 2016, a encouragé tous les États membres à prévoir et à imposer son application dans leur législation nationale. La Commission a également l’intention de proposer une approche européenne plus harmonisée du recours à ce mécanisme, dans le strict respect des obligations internationales inscrites dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE et la convention européenne des droits de l’homme (CEDH), ainsi que dans la convention de Genève, de manière à garantir son application uniforme dans tous les États membres et à instaurer un mécanisme d’adoption d’une liste européenne de pays tiers sûrs.

En outre, il convient, d’une part, de veiller à ce que les demandeurs obtiennent la protection à laquelle ils ont droit (statut de réfugié ou protection subsidiaire) mais seulement aussi longtemps qu’ils en ont besoin et, d’autre part, de leur octroyer un ensemble de droits plus harmonisés, en cohérence avec la convention de Genève et la CEDH. C’est pourquoi la Commission entend proposer, après avoir consulté les États membres, de remplacer l’actuelle directive relative aux conditions que doivent remplir les demandeurs d’asile par un règlement établissant des règles uniformes sur les procédures et les droits devant être offerts aux bénéficiaires d’une protection internationale. Certains de ces droits pourraient correspondre au régime applicable, dans chaque État membre, aux ressortissants d’autres pays tiers ou aux ressortissants de l’État membre concerné. La Commission examinera néanmoins attentivement la nécessité d’adapter le niveau des droits afin de réduire les facteurs d’attraction injustifiés et les mouvements secondaires, tout en respectant pleinement les droits fondamentaux et les normes internationales. La Commission entend également mieux préciser la différence entre le statut de réfugié et le statut conféré par la protection subsidiaire, ainsi que les droits respectifs qui leur sont rattachés.

De plus, ce règlement contiendra des dispositions assurant des vérifications systématiques et régulières, au moins pendant les premières années suivant l’octroi d’un statut de protection. L’octroi d’un statut de résident de longue durée sera précédé d’un renouvellement du titre de séjour sous réserve que le besoin d’une protection soit confirmé au regard de la situation en cours dans le pays d’origine de la personne concernée et de la situation personnelle de cette dernière. Peu d’États membres disposent aujourd’hui d’un tel système de vérification régulière du statut. Eu égard à la nature intrinsèquement plus temporaire du statut conféré par la protection subsidiaire, il serait envisagé de réexaminer plus régulièrement l’opportunité de mettre fin à ce statut en ce qui concerne ses bénéficiaires.

Il sera également proposé d’harmoniser davantage les règles applicables aux documents d’identité pour les bénéficiaires d’une protection internationale. D’autres initiatives pourraient, en outre, être prises à plus long terme pour développer la reconnaissance mutuelle de la protection accordée dans les différents États membres, ce qui pourrait jeter les bases d’un cadre pour les transferts de protection.

Des modifications de la directive relative aux conditions d’accueil 24 seront également proposées, après consultation des États membres, afin d’accroître autant que possible l’harmonisation entre eux. Il est essentiel d’harmoniser davantage le traitement réservé aux demandeurs d’asile dans l’ensemble de l’Union européenne, afin non seulement de veiller à ce que ce traitement soit humain mais aussi de réduire les incitations à la migration vers l’Europe et aux déplacements vers d’autres États membres au sein de l’Europe. Dans un premier temps, la Commission a invité l’EASO à élaborer des normes techniques communes et des orientations destinées aux systèmes d’accueil des États membres, en coopération avec un réseau nouvellement créé d’autorités d’accueil de l’UE en matière d’asile et l’Agence des droits fondamentaux. Ces nouvelles normes serviront également de critères de référence facilitant le suivi.

d)    Empêcher les mouvements secondaires au sein de l’UE 

La Commission entend proposer une série de mesures portant sur tous les éléments de l’acquis en matière d’asile, et dont l’objet est d’empêcher que le fonctionnement du système ne soit perturbé par des mouvements secondaires de demandeurs d’asile et de bénéficiaires d’une protection internationale vers l’État membre de leur choix.

Des sanctions proportionnées devraient être appliquées lorsqu’un demandeur manque à son obligation de rester dans l’État membre responsable. D’autres États membres seraient tenus de renvoyer vers l’État membre responsable les demandeurs d’asile qui se seraient enfuis; à leur retour, ces derniers y feraient l’objet d’une procédure d’examen accélérée au cours de laquelle ils ne bénéficieraient pas automatiquement d’un droit de séjour en attendant l’issue de leur recours, sans préjudice du principe de non-refoulement et du droit à un recours effectif. En outre, un demandeur qui a pris la fuite ou qui est susceptible de le faire devrait être affecté en un lieu particulier dans l’État membre, ou placé en rétention si nécessaire, et, lorsque cela est possible, des conditions d’accueil matérielles ne seraient fournies qu’en nature. De surcroît, on pourrait prendre comme point de départ les dispositions existantes dans l’acquis, qui établissent un lien entre le fait que le demandeur n’a pas introduit une demande aussitôt que possible, bien qu’il en ait eu la possibilité effective, et l’appréciation de la crédibilité de sa demande, et renforcer lesdites dispositions. Il pourrait s’ensuivre que le fait pour une personne d’avoir irrégulièrement quitté l’État membre responsable soit pris en considération lors de l’examen de sa demande d’asile.

En outre, afin d’empêcher les mouvements secondaires de bénéficiaires d’une protection internationale, les règles fixées dans la directive relative aux conditions que doivent remplir les demandeurs d’asile en ce qui concerne les obligations d’information, de coopération et de compte rendu seront renforcées (pour ce qui est des demandeurs d’asile). Il sera clairement établi que les réfugiés ne bénéficieront de droits et d’avantages que dans l’État membre qui leur aura accordé une protection et dans lequel ils ont l’obligation de rester. En outre, le règlement de Dublin sera modifié afin d’obliger les États membres à réadmettre sur leur territoire les demandeurs auxquels ils ont accordé une protection internationale et qui auraient dû rester sur leur territoire. Le fait pour une personne d’avoir irrégulièrement quitté le territoire de l’État membre concerné pourrait constituer un motif de réexamen de son statut.

Bien que respectant intégralement les exigences de la charte des droits fondamentaux, l’octroi de tout droit attaché à la procédure d’asile, y compris en ce qui concerne les conditions d’accueil matérielles, sera subordonné à l’enregistrement, au relevé des empreintes digitales, à la présence ainsi qu’au séjour dans l’État membre responsable. Les dispositions relatives à l’information des demandeurs en ce qui concerne leur obligation de demander l’asile dès leur arrivée dans l’UE, ainsi que celle de rester dans l’État membre responsable, seront renforcées. Les règles régissant l’obligation des demandeurs de coopérer avec les autorités et de leur rendre compte seront également renforcées et des mesures spécifiques, y compris un recours aux procédures d’examen accélérées, seront prises à l’égard des demandeurs dont le risque de fuite est important. En outre, les nouvelles propositions viseront à instaurer des règles communes de l’UE concernant les documents devant être délivrés aux demandeurs d’asile; ces documents établiraient avec certitude l’identité de ces demandeurs et indiqueraient expressément que ces derniers n’ont, en principe, pas le droit de se rendre dans un autre État membre. Si les États membres conservent la possibilité de délivrer un document de voyage aux demandeurs lorsque des raisons humanitaires graves rendent nécessaire la présence de ces derniers dans un autre État membre, il est impératif de préciser les dispositions législatives en la matière afin que de tels documents de voyage ne soient jamais délivrés en dehors de ces circonstances exceptionnelles.

La directive relative aux résidents de longue durée 25  sera également modifiée et contiendra une disposition prévoyant que la période de 5 ans à l’issue de laquelle les bénéficiaires d’une protection internationale seraient admis à bénéficier du statut de résident de longue durée recommencera à courir du début chaque fois que l’intéressé quittera sans autorisation le territoire de l’État membre lui ayant accordé la protection.

Les États membres devraient, en règle générale, être tenus de prévoir des sanctions effectives, dissuasives et proportionnées s’appliquant aux mouvements secondaires irréguliers.

e)    Un nouveau mandat pour l’agence européenne chargée de l’asile

   

La Commission proposera un mandat renforcé pour l’EASO, afin d’en faire un acteur de la mise en œuvre des politiques et d’en renforcer le rôle opérationnel, de sorte à faciliter le bon fonctionnement du régime d’asile européen commun.

L’agence, en coopération étroite avec la Commission et sans préjudice de la responsabilité de cette dernière, en tant que gardienne des traités, serait responsable d’un mécanisme d’évaluation spécialement créé à cet effet servant à vérifier le respect par les États membres des normes en matière d’asile auxquelles il est particulièrement nécessaire d’adhérer afin d’assurer le bon fonctionnement du régime de Dublin, notamment en ce qui concerne les conditions d’accueil, l’accès aux procédures d’asile et le respect de garanties essentielles. Cela impliquerait un suivi de la situation dans tous les États membres et la définition de mesures que ces derniers devraient prendre afin de remédier aux lacunes existantes. S’il s’avère que des actions individuelles de la part des États membres ne sont pas suffisantes pour faire face à la situation, l’agence pourrait intervenir en renforçant son soutien. Certaines mesures seraient également prévues au cas où l’État membre concerné s’abstiendrait de prendre des mesures appropriées, afin d’atténuer autant que possible toute incitation des États membres ou des demandeurs d’asile à ne pas respecter les règles applicables. Si l’agence constate, sur la base d’une appréciation étayée de la situation, que l’État membre concerné n’a pris aucune mesure ou que les mesures prises sont insuffisantes, la Commission pourrait être habilitée à prescrire, par voie d’actes d’exécution, des mesures opérationnelles que ledit État membre devrait prendre compte tenu des recommandations formulées par l’agence.

Une autre des missions essentielles de l’agence serait d’assurer une évaluation plus harmonisée des demandes de protection internationale dans l’UE, sur la base des critères définis par la directive relative aux conditions que doivent remplir les demandeurs d’asile. L’objectif serait de combler les écarts actuels dans les taux de reconnaissance en adoptant régulièrement des lignes directrices détaillées, fondées sur une analyse commune, quant à l’approche que les États membres devraient retenir à l’égard de demandeurs d’asile de pays d’origine particuliers, sans préjudice d’un examen individuel de chaque demande. Ces lignes directrices seraient approuvées par le conseil d’administration et seraient appliquées par les États membres. Un mécanisme de compte-rendu permettrait d’évaluer plus aisément si, dans les faits, les États membres prennent en compte les lignes directrices de l’agence. L’EASO, avec le soutien de la Commission et de la présidence néerlandaise, pilote actuellement cette approche en coordonnant l’instauration par des experts des États membres de lignes directrices communes relatives à l’examen des demandes d’asile présentées par les ressortissants afghans. En outre, un système de vérification des cas serait établi afin de contrôler la qualité des décisions en matière d’asile rendues dans les États membres, y compris le respect des lignes directrices en question.

Par ailleurs, l’agence serait chargée d’apprécier sur la base de preuves si les pays tiers remplissent les critères pour être désignés comme pays tiers sûr ou pays tiers d’origine sûr, et pourraient fournir des avis à la Commission aux fins d’une approche harmonisée.

L’agence est également le choix naturel pour rendre opérationnel le mécanisme de répartition en vertu d’un système de Dublin révisé, quelle que soit l’option retenue. Cela nécessiterait l’application d’une éventuelle clé de répartition concernant l’attribution d’un contingent de demandeurs d’asile aux différents États membres, au moyen d’un mécanisme qui n’entraîne pas de pouvoir d’appréciation pour l’agence.

Selon le modèle du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes qui a été proposé, l’agence devrait être en mesure d’intervenir, y compris de sa propre initiative, au soutien des États membres n’ayant pas pris les mesures correctives nécessaires ou qui sont confrontés à des situations d’urgence. Les interventions de l’agence consisteraient en particulier à prêter assistance en matière de traitement des dossiers et d’accueil. Ces interventions devraient être étroitement liées à celles du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes proposé et pourraient être dans de nombreux cas déclenchées par une même cause. L’agence aurait besoin de disposer d’une réserve d’experts rapidement mobilisable à laquelle les États membres seraient tenus de contribuer. Ces experts pourraient être déployés dans des délais très courts lorsqu’il sera nécessaire de mettre en œuvre des mesures d’urgence.

Des ressources financières et des moyens juridiques suffisants devraient être fournis à l’agence, afin qu’elle soit en mesure de remplir efficacement sa mission dans l’exercice de son rôle accru, notamment en ce qui concerne la prévention et la gestion des crises. Les mesures prises par l’EASO et les autres mesures de soutien qui pourraient être fournies aux États membres soumis à une pression particulière devront être pleinement coordonnées, y compris dans le cadre du nouveau mécanisme proposé par la Commission relatif à la fourniture d’une aide humanitaire au sein de l’Union 26 .

II.    Ouvrir et renforcer des voies de migration légales et sûres

Une gestion intelligente des frontières requiert non seulement une politique ferme dans la gestion des flux migratoires irréguliers tout en garantissant une protection à ceux qui en ont besoin, mais également une politique proactive de création de voies d'entrée légales viables, transparentes et accessibles. Dans le droit fil du Programme de développement durable à l’horizon 2030, nous reconnaissons ainsi la contribution positive des migrants à une croissance inclusive et la réalité multidimensionnelle de la migration qui nécessité une réponse cohérente et globale.

D’une part, il faut ouvrir un plus grand nombre de canaux légaux pour permettre aux personnes ayant besoin d’une protection internationale d’arriver dans l’UE d’une manière ordonnée, structurée, sûre et dans la dignité et pour contribuer à sauver des vies tout en réduisant la migration irrégulière et en brisant le modèle d’activité des passeurs. Simultanément, tant l’UE dans son ensemble que la communauté internationale devraient assumer une plus grande responsabilité en matière de protection, cette responsabilité étant pour l’heure inégalement partagée dans le monde.

D’autre part, l’UE a besoin d’une politique d’immigration de la main-d’œuvre plus proactive afin d’attirer les qualifications et les talents dont elle a besoin pour faire face à ses défis démographiques et à sa pénurie de qualifications, afin de contribuer à la croissance économique et à la pérennité de notre système de protection sociale. D’une manière plus générale, l’UE devrait saisir l’occasion qui lui est offerte d’apprécier et d’améliorer le cadre général de la migration légale et de l’immigration de la main-d’œuvre.

De plus, comme souligné dans la Communication sur le semestre européen de 2016 27 , une intégration effective des ressortissants de pays tiers séjournant légalement dans l’UE et qui y restent, est essentielle, tant à la lumière des défis récents qu’a fait naître la crise des réfugiés que devant les défis existants et futurs liés aux migrations. Tirant parti des travaux déjà réalisés au niveau de l’UE, la Commission entend renforcer son action en matière d’intégration des ressortissants de pays tiers, en proposant un plan d’action de l’UE sur l’intégration. Ce plan d’action énoncera les mesures liées aux domaines d’action les plus pertinents pour l’intégration (éducation, insertion sur le marché du travail, y compris création d’entreprise, inclusion sociale, non-discrimination) dans le but d’aider les États membres, en indiquant les ressources du budget de l’UE qui sont disponibles.

Enfin, l’UE devra renforcer sa coopération avec les principaux pays tiers d’origine, afin d’assurer une gestion améliorée et plus globale des migrations et de la mobilité.

II.1. Passer à une meilleure gestion de la protection des réfugiés dans l’UE

— un système structuré de réinstallation

En érigeant un système structuré de réinstallation, la Commission ne part pas de zéro. Elle a d’ores et déjà préconisé une approche à l’échelle de l’UE, en vertu de laquelle les États membres sont convenus de réinstaller, en 2015 et 2016, 22 504 réfugiés au départ de camps de réfugiés situés au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et dans la Corne de l’Afrique, par l’intermédiaire du HCR. Comme annoncé dans la déclaration du 18 mars 28 adoptée entre les États membres et la Turquie, il est institué un mécanisme afin de substituer, aux franchissements irréguliers et périlleux de migrants qui partent de la Turquie pour gagner les îles grecques, le canal légal de réinstallation de la Turquie vers lUE. Pour chaque Syrien renvoyé en Turquie, un autre Syrien sera réinstallé de la Turquie vers lUE. Du côté de lUE, les réinstallations prévues par ce mécanisme seront, dans un premier temps, mises en œuvre en honorant les engagements au titre de ladite approche à léchelle de l’UE, 18 000 places de réinstallation étant encore disponibles sur les 22 504 initialement fixées. La Commission a proposé que 54 000 places destinées aux relocalisations soient à présent mises à disposition aux fins de la réinstallation de Syriens de la Turquie vers lUE 29  en cas de tout nouveau besoin de réinstallation. Parallèlement, des travaux sont en cours parmi les États membres en vue de mettre en place le programme d’admission humanitaire pour les réfugiés syriens qui se trouvent actuellement en Turquie. Une fois que les franchissements irréguliers entre la Turquie et l’UE auront pris fin ou tout au moins que leur nombre aura été substantiellement et durablement réduit, ce programme sera activé. Les États membres de l’UE y contribueront sur une base volontaire.

S’appuyant sur ces initiatives existantes, la Commission établira une proposition encadrant la politique de l’UE en matière de réinstallation, qui définira une approche commune pour une arrivée sûre et légale dans l’UE des personnes ayant besoin d’une protection. Cette proposition prévoira un mécanisme horizontal permettant de lancer des initiatives européennes ciblées en matière de réinstallation, en définissant des règles européennes communes pour l’admission et la répartition, pour le statut à octroyer aux personnes réinstallées, pour le soutien financier, ainsi que pour les mesures visant à décourager les mouvements secondaires. De telles initiatives au niveau de l’UE pourraient être de portée générale et viser à améliorer la réinstallation au niveau mondial, ou à faciliter la réinstallation de personnes au départ d’une région ou d’un pays tiers donné, le cas échéant moyennant certaines conditions de coopération efficace dans la gestion des migrations (par exemple, réduction du nombre de personnes arrivant spontanément dans les États membres de l’UE, adoption d’accords de réadmission ou amélioration de leur mise en œuvre). Un tel mécanisme pourrait être activé au moyen d’actes d’exécution qui devront être adoptés sur la base de critères définis objectivement (par exemple, les objectifs mondiaux du HCR en matière de réinstallation).

La politique de l’UE dans le domaine de la réinstallation devrait avoir pour objectif prioritaire de veiller à ce que l’Union assume une part équitable de la responsabilité mondiale de fournir un abri sûr aux réfugiés du monde entier. Il s’agit d’une responsabilité partagée par l’ensemble de la communauté internationale, qui ne peut être assumée de manière adéquate et durable que par une approche concertée et déterminée de tous les acteurs internationaux. Dans ce contexte, l’UE doit accroître son soutien et sa participation aux initiatives internationales visant à traiter les problèmes de migration et de réfugiés au niveau mondial, tels que les programmes mondiaux de réinstallation du HCR 30 , mais aussi insister pour un engagement accru dans d’autres enceintes internationales, telles que le G20. Pour ce faire, l’UE doit se doter d’un système commun structuré pour unir plus systématiquement les efforts européens de réinstallation. Cela permettra à l’UE de montrer l’exemple et de manifester de manière concrète et visible la solidarité européenne envers la communauté internationale.

Les États membres devraient également envisager d’autres moyens d’augmenter les possibilités d’entrée légale pour les personnes ayant besoin d’une protection internationale. Outre les mécanismes propres aux réfugiés, tels que la réinstallation et l’admission humanitaire, il conviendrait de rendre les programmes d’admission régulière des catégories générales comme les étudiants, les chercheurs ou les travailleurs, plus accessibles aux réfugiés. Les initiatives déjà en place devraient bénéficier d’un soutien aussi important que possible. D’autres initiatives, telles que le parrainage privé, où les coûts du parrainage et de l’aide à l’installation des personnes ayant besoin d’une protection peuvent être assumés par des groupes ou organisations privés, peuvent également jouer un rôle important dans la multiplication des possibilités d’entrée légale. Le parrainage privé peut revêtir diverses formes, allant des bourses pour les étudiants et les universitaires à l’aide à l’intégration des membres de la famille parrainés. Le parrainage privé non seulement constitue un moyen d’accroître les possibilités d’entrée légale mais contribue également à sensibiliser l’opinion publique et à venir en aide aux réfugiés, et conduit à un environnement plus accueillant dans la mesure où les communautés locales sont généralement impliquées. Il devrait donc être encouragé par la définition, au niveau de l’UE, de bonnes pratiques s’inspirant des modèles et de l’expérience d’autres pays tiers. Les États membres sont également encouragés à faire usage de toutes les autres possibilités légales existantes en faveur des personnes nécessitant une protection, telles que les titres de séjour pour raisons humanitaires, puis la Commission réfléchira aux moyens de promouvoir une approche européenne coordonnée à cet égard également.

II.2. Une politique de migration légale plus intelligente et bien gérée

Au cours des 13 dernières années, l’UE a élaboré un large éventail d’instruments en matière d’admission de différentes catégories de migrants en situation régulière. La directive «carte bleue» et la directive sur le transfert temporaire intragroupe 31 créent un cadre juridique pour les migrants hautement qualifiés; la version révisée de la directive sur les étudiants et les chercheurs 32 facilite l’admission et la mobilité au sein de l’Union des étudiants et chercheurs étrangers, et leur octroie le droit de prolonger de 9 mois leur séjour sur le territoire de l’Union afin d’y chercher un emploi ou d’y créer une entreprise; la directive relative aux travailleurs saisonniers 33 , qui devra être intégralement transposée par les États membres dans le courant de l’année, régit l’entrée et le séjour temporaire des travailleurs saisonniers, ce qui facilite la migration circulaire et protège cette catégorie particulièrement vulnérable de travailleurs. En outre, la directive «permis unique» 34 offre un permis unique combinant permis de séjour et de travail pour les ressortissants de pays tiers, la directive relative aux résidents de longue durée 35 réglemente les conditions et les droits de séjour des ressortissants de pays tiers qui résident dans l’Union européenne depuis plus de 5 ans, et la directive sur le regroupement familial 36 fixe les conditions d’entrée et de séjour pour les membres de la famille des ressortissants de pays tiers.

Toutefois, de nouvelles mesures au niveau de l’UE s’imposent. Premièrement, l’UE doit améliorer les règles en matière de migration des migrants hautement qualifiés par le biais d’une réforme de la carte bleue européenne. Deuxièmement, l’UE devrait examiner les moyens d’attirer les entrepreneurs innovants qui peuvent stimuler la croissance économique et contribuer à la création d’emplois. Troisièmement, la migration légale doit être pleinement intégrée à la discussion générale avec les pays tiers d’origine et de transit sur la manière de coopérer dans le domaine de la gestion des flux migratoires. Enfin, il convient de lancer une réflexion sur une éventuelle modification, à plus long terme, de l’ensemble du modèle UE de gestion des migrations légales et plus particulièrement professionnelles, éventuellement en s’inspirant du succès des modèles mis au point par d’autres pays développés.

a)Attirer des travailleurs hautement qualifiés en Europe: une carte bleue plus efficace

L’Europe est un continent vieillissant, caractérisée par un déclin de sa population active 37 , qui devrait baisser de 18 millions au cours de la prochaine décennie. En outre, l’évolution des compétences requises par le marché du travail de l’UE entre 2012 et 2025 fait apparaître un besoin croissant de capital humain hautement qualifié (de 68 à 83 millions de personnes, soit une augmentation de 23 %) 38 . Dans le même temps, il est nécessaire de mieux exploiter le potentiel de la main-d’œuvre de l’UE, comme en attestent les taux de chômage élevés, en particulier chez les jeunes, les faibles taux de participation et la persistance de l’inadéquation entre l’offre et la demande sur le marché du travail dans l’UE. Cela exige des efforts concertés à tous les niveaux et destinés à investir dans le développement des compétences de la main-d’œuvre existante, à promouvoir des politiques visant à accroître le taux d’activité afin d’utiliser toutes les compétences disponibles, et à encourager la mobilité des travailleurs au sein de l’UE. La future stratégie pour les compétences en Europe s’inscrit au cœur de ces efforts, en mettant l’accent sur une meilleure utilisation et une meilleure reconnaissance des qualifications existantes au sein de l’UE, sur l’amélioration de la reconnaissance des qualifications étrangères, ainsi que sur la poursuite du développement des compétences, le cas échéant 39 .

Toutefois, il semble évident qu’à elles seules, ces mesures ne suffiront pas à pallier la pénurie de compétences: l’UE devra aussi attirer des talents et des compétences de l’étranger afin de rester un acteur mondial compétitif. C’est indispensable non seulement pour répondre aux besoins actuels et futurs en matière de compétences et assurer le dynamisme de l’économie, mais aussi pour garantir la pérennité de nos systèmes de protection sociale à long terme.

C’est ce que confirme clairement l’avis des parties prenantes: lors d’une consultation publique sur la carte bleue, lancée dans l’ensemble de l’UE l’année dernière 40 , 85 % des répondants, y compris des employeurs et des syndicats, ont estimé que — outre les mesures stratégiques telles que le recrutement dans d’autres États membres, le recul de l’âge de la retraite et du taux de participation au marché du travail — le recrutement de travailleurs hautement qualifiés hors UE était une mesure nécessaire pour combler les pénuries de main-d’œuvre dans certains secteurs ou professions dans l’UE. Parallèlement, le premier dialogue européen sur les compétences et les migrations a appelé à mettre un terme au morcellement des politiques d’admission de travailleurs hautement qualifiés en Europe, préconisant un régime d’admission rapide et transparent 41 .

La directive de 2009 relative à la carte bleue n’a pas tenu toutes ses promesses en tant que programme paneuropéen destiné à attirer des ressortissants de pays tiers talentueux et hautement qualifiés. Les conditions d’admission sont assez restrictives, la directive impose peu de cohérence et d’harmonisation, et la mobilité au sein de l’UE est très limitée pour les titulaires de cette carte. En outre, divers régimes nationaux pour les personnes hautement qualifiées existent parallèlement à la carte bleue européenne, ce qui crée un cadre fragmenté aux multiples règles et procédures applicables. En conséquence, le nombre total d’admissions de travailleurs hautement qualifiés dans l’UE reste faible 42 et, par rapport aux pays non européens de l’OCDE, l’UE attire des personnes peu instruites plutôt que des migrants hautement qualifiés 43 .

Afin que la carte bleue soit un instrument efficace qui facilite l’admission de travailleurs hautement qualifiés, la Commission proposera des modifications à la directive en vigueur, l’objectif général étant de renforcer la carte bleue en tant que programme européen en développant une approche commune plus harmonisée à l’échelle de l’UE, et en particulier: prévoir des conditions d’admission plus souples; améliorer et faciliter les procédures d’admission; et renforcer les droits, y compris à la mobilité au sein de l’UE. Outre les modifications législatives, la carte bleue fera également l’objet d’une meilleure promotion, afin que les employeurs et les migrants soient pleinement conscients des avantages du régime.

b)Attirer les entrepreneurs innovants dans l’UE

Afin de rester un acteur mondial compétitif, l’UE doit trouver de meilleurs moyens pour attirer de nouveaux entrepreneurs migrants innovants et pourvoir ceux déjà présents en capital humain et financier pour qu’ils contribuent positivement à la croissance et à la compétitivité de l’Union. Attirer les entrepreneurs innovants dans l’UE s’inscrirait non seulement dans l’orientation générale visant à atténuer les effets du déclin démographique. Il s’agirait également de tirer parti du développement des tendances innovantes de l’économie (en particulier, l’économie numérique, l’économie verte et l’économie sociale) et de contribuer plus largement à l’amélioration de la croissance économique et de la compétitivité de l’UE. Cette vision est d’ailleurs pleinement conforme à l’initiative sur les jeunes pousses lancée par l’UE dans le cadre de la stratégie du marché unique 44 .

Dans ce contexte, la Commission approfondira ses travaux sur les moyens d’attirer et de soutenir les entrepreneurs innovants, y compris les jeunes entreprises, en provenance de pays tiers. Cela pourrait s’accompagner de règles européennes en matière d’admission (et de mobilité au sein de l’UE), mais également de mesures de soutien à la création d’entreprise dans les secteurs à haute valeur ajoutée par des entrepreneurs migrants hautement qualifiés. Cette approche pourrait s’appuyer sur des initiatives et des services existant à l’échelon européen, national, régional ou municipal dans les États membres, et créer des synergies utiles.

c)Vers un modèle plus cohérent et efficace de gestion de la migration légale au niveau de l’UE

Afin de gérer efficacement les politiques de migration légale, l’UE devra faire un meilleur usage de tous ses instruments existants, en ciblant différentes catégories de ressortissants de pays tiers et différentes compétences de ces personnes. C’est pourquoi la Commission procèdera à une évaluation REFIT 45 des instruments existants relatifs à la migration légale en vue de repérer les éventuelles incohérences et lacunes, et de rationaliser et simplifier les règles actuellement en vigueur. Au titre de cet exercice, la Commission se penchera également sur la question de savoir si des règles européennes spéciales s’imposent pour les prestataires de services internationaux dans le cadre d’accords commerciaux. L’objectif général de cette évaluation sera d’améliorer les règles existantes dans la mesure du possible, notamment pour prévenir et combattre l’exploitation de la main-d’œuvre, très répandue parmi les travailleurs migrants, comme l’a révélé l’Agence des droits fondamentaux 46 . À cet égard, la Commission continuera également de suivre le contrôle effectif de l’application de l’acquis de l’UE dans ce domaine, afin de garantir la protection des droits des migrants qui travaillent dans l’UE, notamment pour prévenir l’exploitation de la maind’œuvre, indépendamment du statut juridique des personnes concernées.

La Commission lancera une étude sur l’éventuelle création d’un mécanisme au niveau de l’UE qui viserait à améliorer la transparence et à faciliter la mise en relation entre migrants potentiels et employeurs. À cet égard, certains pays développés, qui sont en concurrence avec l’Union pour attirer les migrants qualifiés 47 , ont récemment évolué vers un système de présélection avec une «réserve de candidats pré-examinés», suivie par les procédures d’admission proprement dite. Un tel système est à la fois fondé sur la demande (une offre de recrutement ou un contrat est une condition préalable) et se focalise sur les éléments du capital humain (les compétences et les qualifications de la personne, son expérience professionnelle, etc.) 48 . Sans remettre en cause la compétence des États membres de déterminer les volumes de travailleurs migrants qu’ils admettent, l’étude examinerait la faisabilité d’un mécanisme de pré-sélection permettant la création d’une réserve de candidats accessible aux États membres et aux employeurs de l’UE.

d)Renforcer la coopération avec les pays d’origine clés

Garantir l’existence de voies de migration légale et renforcer la réadmission et le retour des personnes qui ne bénéficient pas d’un droit de séjour constituent les deux faces d’une même pièce. Ces deux éléments doivent faire partie intégrante des discussions avec les pays tiers, en particulier les pays d’origine des migrants, sur la manière de coopérer pour gérer efficacement les flux migratoires. Telle est l’approche adoptée dans les dialogues politiques et la coopération opérationnelle avec les pays tiers dans le cadre de l’approche globale de la question des migrations et de la mobilité (AGMM), où la migration légale et une mobilité bien gérée constituent des priorités de la politique extérieure de l’UE en matière de migration et d’asile. Dans le cadre de l’AGMM, l’UE a signé ces dernières années des partenariats pour la mobilité et des programmes communs pour les migrations et la mobilité avec plusieurs pays de son voisinage immédiat et des pays plus lointains 49 .

Une coopération plus étroite sera recherchée avec les partenaires qui partagent des intérêts communs et qui sont disposés à négocier des engagements réciproques avec l’UE et ses États membres, notamment en ce qui concerne la coopération en matière de réadmission. L’UE devrait proposer un éventail plus complet de mécanismes opérationnels et d’incitations à la mise en œuvre de l’approche globale de manière plus structurée et systématique, comme elle l’a fait à travers les dialogues à haut niveau, dans lesquels la multiplication des voies de migration légale est une demande régulièrement formulée par les pays tiers.

Dans ses conclusions du 18 février 2016 sur les migrations, le Conseil européen a souligné qu’en ce qui concerne les relations avec les pays tiers concernés, les ensembles de mesures d’incitation complets et adaptés à chaque situation, qui sont élaborés actuellement pour certains pays afin d’assurer un dispositif effectif en matière de retour et de réadmission, requièrent le soutien sans réserve de l’UE et des États membres. La Commission et la haute représentante/vice-présidente mènent ces travaux, en coopération étroite avec les États membres, dans le but de proposer au Conseil européen des mesures d’incitation complètes et adaptées, à la fois positives et négatives et englobant tous les domaines politiques, qui devront être utilisées dans les discussions avec les pays tiers.

Ce faisant, l’UE, en coopération avec les partenaires africains, s’appuiera sur les conclusions exposées dans le plan d’action de La Valette 50 , qui prévoit notamment — parmi les actions possibles dans le domaine de la migration légale et de la mobilité — la mise en commun des offres de migration légale dans l’UE, y compris les projets pilotes visant à faciliter la reconnaissance des qualifications dans certains secteurs ou certaines professions, l’augmentation du nombre de bourses dans le cadre du programme Erasmus + et l’octroi d’un soutien aux mesures préalables au départ et aux services publics de l’emploi.

III. CONCLUSION

La priorité fixée par le président Juncker, pour qui «l’Europe a besoin de mieux gérer les migrations, dans tous leurs aspects» — qu’il s’agisse de l’impératif humanitaire, de la nécessité de faire preuve de solidarité ou du défi démographique et des qualifications — est plus que jamais valable. La Commission est, dès lors, déterminée à atteindre l’important objectif de façonner une politique migratoire de l’UE intégrée, durable et globale.

À cette fin, il convient, dans la présente communication, d’entamer une discussion concernant les principaux sujets traités. Nous n’avons pas d’autre choix que de poursuivre la stratégie double visant à stabiliser la situation actuelle par le strict respect et l’entière application du cadre juridique existant, tout en faisant face à la nécessité dans une perspective axée sur l’avenir de réformer l’architecture de ces règles. À la faveur de la crise actuelle, les limites du système existant et les défis communs auxquels nous sommes confrontés ont été mis en évidence. En conséquence, c’est précisément au moment où une action concertée et une forte solidarité sont le plus nécessaire que cette perspective s’impose pour ouvrir une voie vers une politique européenne en matière de migration et d’asile humaine et efficace, reposant sur un partage équitable des responsabilités. S’appuyant sur les réactions à la présente communication, la Commission présentera ensuite des propositions appropriées.

(1)

COM(2016) 85 final.

(2)

COM(2015) 240 final.

(3)

Document EUCO 1/16; SN 28/16.

(4)

Document EUCO 12/1/16.

(5)

COM(2015) 671 final.

(6)

COM(2015) 285 final.

(7)

COM(2015) 668 final.

(8)

 Règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, JO L 180 du 29.6.2013, p. 31. Le Royaume-Uni et l’Irlande ayant notifié leur souhait de participer à l’adoption et à l’application de ce règlement en vertu du protocole n° 21 annexé aux traités, ils sont liés par ledit règlement. La position de ces États membres à l’égard de toute modification de ce règlement est définie par le protocole n° 21. Le Danemark applique le règlement de Dublin en vertu d’un accord international (JO L 66 du 8.3.2006, p. 38). Conformément à l’article 3 de cet accord, il doit notifier à la Commission sa décision d’appliquer ou non le contenu de toute modification du règlement.

(9)

Cela a été confirmé par une évaluation externe de la mise en œuvre du règlement (UE) n° 604/2013 (Dublin III) et par un rapport d’évaluation, documents qui peuvent être consultés à l’adresse suivante http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/what-we-do/policies/asylum/examination-of-applicants/index_en.htm .

(10)

La Commission a adopté, le 10 février 2016, une recommandation [C(2016) 871 final] relative aux mesures urgentes à prendre par la Grèce, en vue de la reprise des transferts prévus par le règlement de Dublin.

(11)

Directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, JO L 180 du 29.6.2013, p. 249.

(12)

Directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale, JO L 180 du 29.6.2013, p. 96.

(13)

Directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, JO L 337 du 20.12.2011, p. 9.

(14)

Par exemple, pour la période comprise entre janvier et septembre 2015, les taux de reconnaissance concernant les demandeurs d’asile provenant d’Afghanistan ont varié de près de 100 % en Italie à 5,88 % en Bulgarie.

(15)

Le 10 février 2016, la Commission a adopté des avis motivés contre des États membres dans neuf procédures d’infraction parce qu’ils n’avaient pas transposé les directives faisant partie du régime d’asile européen commun.

(16)

Directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001, JO L 212 du 7.8.2001. Cet instrument de l’UE en matière d’asile, censé être activé en réponse à l’afflux massif de personnes ayant besoin d’une protection internationale, n’a jamais été déclenché principalement faute de mécanisme intégré de solidarité obligatoire afin d’assurer un partage équitable des responsabilités entre États membres.

(17)

COM(2015) 450 final.

(18)

COM(2015) 671 final.

(19)

Cela pourrait, par exemple, concerner tous les demandeurs ne venant pas d’un pays d’origine que l’UE aura qualifié de sûr.

(20)

Bien que cette clé de répartition puisse reprendre la méthode adoptée dans le cadre des programmes de relocalisation actuels et de ceux proposés, on pourrait pousser davantage la réflexion sur la composition de cette clé, en particulier pour ce qui est de tenir compte de critères tels que la population de réfugiés présente dans les États membres et le taux de chômage ainsi que les autres efforts consentis notamment dans le cadre de la réinstallation.

(21)

En 2015, 1,3 million de demandes ont été introduites dans l’UE.

(22)

COM(2016) 205 final.

(23)

COM(2015) 240 final.

(24)

Directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale, JO L 180 du 29.6.2013, p. 96.

(25)

Directive 2011/51/UE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2011 modifiant la directive 2003/109/CE du Conseil afin d’étendre son champ d’application aux bénéficiaires d’une protection internationale, JO L 132 du 19.5.2011, p. 1.

(26)

Proposition de règlement du Conseil relatif à la fourniture d’une aide d’urgence au sein de l’Union, COM(2016)115 final.

(27)

 COM(2016) 95 final.

(28)

SN 38/16.

(29)

COM(2016) 171 final.

(30)

En particulier, la réunion de haut niveau sur le partage au plan mondial des responsabilités par des voies d’admission des réfugiés syriens, organisée le 30 mars 2016 à Genève par le HCR, le tout premier sommet humanitaire mondial qui aura lieu à Istanbul les 23 et 24 mai 2016 et le sommet de l’Assemblée générale des Nations unies sur la réponse aux vastes mouvements de réfugiés et de migrants qui se tiendra à New York le 19 septembre 2016.

(31)

Directive 2009/50/CE et directive 2014/66/UE, respectivement.

(32)

Les colégislateurs sont parvenus à un accord politique sur la refonte de la directive en 2015. Son adoption formelle aura lieu au cours du premier semestre de 2016.

(33)

Directive 2014/36/UE.

(34)

Directive 2011/98/UE.

(35)

Directive 2003/109/CE.

(36)

Directive 2003/86/CE.

(37)

Commission européenne, The 2015 Ageing Report, European Economy 3/2015.

(38)

Projections du Cedefop.

(39)

Initiative/communication/stratégie à venir et l’une des dix priorités politiques de la Commission européenne.

(40)

  http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/what-is-new/public-consultation/2015/consulting_0029_en.htm

(41)

Les 27 et 28 janvier, la Commission a lancé le dialogue européen sur les compétences et les migrations, qui aura lieu régulièrement, afin d’associer plus étroitement les entreprises et les partenaires syndicaux au processus d’attraction et d’insertion des ressortissants de pays tiers qualifiés sur le marché du travail ( http://www.skillsandmigration.eu/ ).

(42)

Seulement 13 852 cartes bleues ont été délivrées en 2014 (voire moins les années précédentes) — dont 87 % par un État membre — tandis qu’environ 25 000 permis nationaux ont été octroyés à des personnes hautement qualifiées.

(43)

De tous les migrants de pays tiers qui arrivent dans les pays de l’OCDE, 48 % des migrants ayant un faible niveau d’éducation choisissent un État membre de l’UE, tandis que 68 % de ceux ayant un niveau d’éducation élevé préfèrent, parmi les pays membres de l’OCDE, une destination non européenne.

(44)

COM(2015) 550 final.

(45)

Voir le document de travail des services de la Commission intitulé «Regulatory Fitness and Performance Programme (REFIT) - State of Play and Outlook - REFIT Scoreboard» (Programme pour une réglementation affûtée et performante (REFIT) - situation actuelle et perspectives - tableaux de bord REFIT) [SWD(2015) 110 final], annexé à la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions «Améliorer la réglementation pour obtenir de meilleurs résultats – Un enjeu prioritaire pour l’UE» [COM (2015)215 final].

(46)

 L’exploitation grave par le travail: la main-d’œuvre provenant d’États membres de l’UE ou de pays tiers; cette étude peut être consultée à l’adresse suivante: http://fra.europa.eu/en/publication/2015/severe-labour-exploitation-workers-moving-within-or-european-union .

(47)

Par exemple, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

(48)

Voir notamment le système d’Entrée express du Canada: http://www.cic.gc.ca/francais/immigrer/qualifie/index.asp

(49)

Des partenariats pour la mobilité ont été conclus avec la Jordanie, le Maroc, la Tunisie, la République de Moldavie, le Cap-Vert, la Géorgie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Il existe des programmes communs pour les migrations et la mobilité avec le Nigeria et l’Éthiopie.

(50)

Sommet de La Valette, 11 et 12 novembre 2015.