Bruxelles, le 2.9.2015

COM(2015) 419 final

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL

Préparatifs en vue du Sommet humanitaire mondial: un partenariat mondial pour une action humanitaire fondée sur des principes et efficace

{SWD(2015) 166 final}


I.Le Sommet humanitaire mondial — réformer l’action humanitaire dans un contexte en mutation

a)Introduction

Le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies a appelé à la tenue du premier Sommet humanitaire mondial jamais organisé, qui se tiendra à Istanbul les 23 et 24 mai 2016. Cet événement répond à l’augmentation sans précédent du nombre des victimes de conflits et de catastrophes naturelles, qui s’accompagne également des plus importants déplacements de populations depuis la Seconde Guerre mondiale. Le sommet offre à la communauté internationale une chance unique d’établir un consensus international qui réaffirmera les principes de l’aide humanitaire et consolidera l’action menée dans ce domaine. Il réunira des représentants des gouvernements, des donateurs, des organisations exécutantes 1 , du secteur privé et des populations touchées, qui devraient, là où c’est nécessaire, s’engager à collaborer plus efficacement à la réalisation de l’objectif commun consistant à sauver des vies et à soulager des souffrances. Ce sommet influencera ainsi, et modifiera peut-être même, le mode de fonctionnement actuel de l’action humanitaire afin de mieux servir les personnes dans le besoin.

L’Union européenne (UE) et ses États membres sont des pourvoyeurs majeurs d’aide humanitaire. Ensemble, ils pèsent d’un grand poids dans l’élaboration des politiques et disposent d’une expérience opérationnelle au niveau mondial. De nombreuses parties prenantes attendent d’eux qu’ils contribuent au succès du sommet. La présente communication, qui prend appui sur le «Consensus européen sur l’aide humanitaire» 2 , expose la manière dont l’Union envisage de réformer l’action humanitaire et formule des recommandations qui devraient être approuvées par le sommet. L’idée sous-jacente est de mettre en place et renforcer des partenariats entre une multitude d’acteurs. Ce n’est que par une action conjointe et coordonnée que la communauté internationale peut répondre à l’escalade des crises et des catastrophes multiformes qui appellent une aide humanitaire.

b)Un contexte humanitaire en pleine mutation

Au cours des 25 dernières années, les crises humanitaires sont devenues plus nombreuses, plus complexes et plus graves. L’année 2014 a connu plus de 400 conflits dus à des causes politiques, qui ont eu une incidence sur la vie de 50 millions de personnes. Plus de 40 d’entre eux ont été marqués par le recours à des méthodes de guerre conventionnelle ou au terrorisme 3 . Nombre de ces conflits étaient inspirés par des motivations d’ordre idéologique et ont eu des conséquences dramatiques à l’échelle régionale, avec des répercussions sur l’accès à l’aide humanitaire, sur la protection des populations touchées et sur la sécurité des travailleurs humanitaires. Parce que certains acteurs ne sont pas disposés à trouver des solutions politiques, ces crises s’installent dans la durée en créant des besoins d’assistance humanitaire pour les années, voire les décennies à venir.

Les catastrophes naturelles – dont certaines sont liées au changement climatique et à des tendances de fond comme la raréfaction de l’eau, l’urbanisation et la pression démographique – ont chaque année des répercussions sur la vie de 100 millions de personnes 4 . Beaucoup de ces catastrophes se reproduisent avant que les communautés n’aient eu le temps de se reconstruire.

La fragilité sociale et économique alimente les crises humanitaires. Depuis 1990, la proportion de personnes vivant dans une situation d’extrême pauvreté dans des États fragiles, dont les gouvernements n’ont pas les moyens ou la volonté de fournir des services de base ou d’assurer la justice sociale – a augmenté. Cela signifie qu’à l’heure actuelle, plus de 250 millions de personnes sont touchées ou menacées par des crises humanitaires 5 .

Ces tendances, et leur interdépendance, ont causé des souffrances humaines sans précédent et engendré des besoins humanitaires records. À la mi-2015, près de 79 millions de personnes, dont plus de 59 millions de déplacés, dans 37 pays ont besoin d’une aide humanitaire 6 .

Le système humanitaire est placé devant le défi de devoir faire plus, pour davantage de personnes, et à des coûts plus élevés. Compte tenu de l’ampleur des crises et des catastrophes actuelles, les fonds destinés à répondre aux besoins humanitaires seront toujours insuffisants, malgré des contributions record de la part des donateurs 7 .

Mais ce n’est pas seulement la multiplication des défis qui a provoqué la mutation du paysage humanitaire. Celui-ci change aussi parce qu’un plus grand nombre d’acteurs, plus diversifiés, contribuent à l’action humanitaire. Si cette diversification procure des ressources supplémentaires, elle modifie également la façon dont la communauté humanitaire planifie, coordonne et réalise ses interventions 8 . Le système coordonné par les Nations unies doit, par conséquent, s’adapter pour rester opérationnel et produire de la valeur ajoutée. Malgré les progrès obtenus grâce à la réforme humanitaire de 2005 et au programme de transformation de 2011 9 , le système laisse encore souvent à désirer en matière d’encadrement, de coordination et de respect de l’obligation de rendre des comptes. Mais surtout, il ne saurait plus être perçu comme un petit groupe d’organismes et de donateurs mus par des «valeurs occidentales». Le sommet devra donc reconnaître et intégrer la diversité des acteurs, tout en réaffirmant les principes humanitaires et en s’attaquant aux points faibles de l’action humanitaire.

II.Principales recommandations pour le Sommet humanitaire mondial

Un large éventail d’acteurs humanitaires a participé à la préparation du sommet et échangé des vues sur l’amélioration de l’aide. La présente communication s’inspire de ces discussions. Elle recommande un partenariat mondial pour renforcer la solidarité de la communauté internationale avec les victimes de conflits et de catastrophes, en prenant les principes humanitaires comme point de départ et en plaidant pour des améliorations concrètes du système humanitaire. Les recommandations qu’elle émet sont complémentaires et interdépendantes et n’ont qu’un seul but: permettre aux acteurs de la communauté humanitaire d’œuvrer ensemble à la réalisation de leurs objectifs communs, qui sont de sauver des vies, de prévenir les crises et les catastrophes et de contribuer au redressement des pays.

1.Un partenariat mondial pour une action humanitaire fondée sur des principes

`)Réaffirmer les valeurs qui sous-tendent l’aide humanitaire et prendre l’engagement d’agir

Les valeurs de dignité, d’intégrité et de solidarité sont universelles. Elles sont au cœur de toutes les cultures, indépendamment de la situation géographique, de l’appartenance ethnique, ou de la religion. Les principes humanitaires d’humanité de neutralité, d’impartialité et d’indépendance sont l’expression concrète de ces valeurs communes 10 . Ils sont également une nécessité opérationnelle dans la mesure où ils contribuent à fournir un accès à l’aide, à protéger les plus vulnérables et à garantir la sécurité des travailleurs humanitaires.

Toutefois, à l’heure où des solutions globales aux crises semblent encore hors de portée, ces valeurs fondamentales sont de moins en moins respectées. Cette tendance se traduit par un nombre croissant de violations du droit humanitaire international, y compris des conventions de Genève ratifiées par l’ensemble des pays, et par l’incapacité des États et de la communauté internationale de contraindre les auteurs à répondre de leurs actes.

La plupart des activités humanitaires se déroulent lors des conflits qui s’inscrivent dans un contexte politique fragile et un environnement socioéconomique défavorable. Si la mission des acteurs humanitaires n’est pas de résoudre les conflits qui sont à l’origine des souffrances humaines, ils doivent néanmoins comprendre l’environnement politique et socioéconomique dans lequel ils évoluent. S’il est vrai que l’aide humanitaire n’est ni un outil politique ou militaire ni un instrument de consolidation de la paix, les intervenants humanitaires doivent collaborer avec d’autres acteurs – et les informer des atrocités commises lors des crises humanitaires, afin de leur permettre de prendre les mesures nécessaires 11 .

Recommandation:

Le sommet nous offre une occasion unique de renouveler notre engagement commun en réaffirmant notre responsabilité collective en matière de protection des vies humaines et de fourniture d’une assistance humanitaire. Il devra inviter les acteurs concernés à déployer tous les moyens nécessaires à cet effet, qu’ils relèvent du domaine politique, de la politique du développement ou de l’action humanitaire. Les conclusions du sommet devront confirmer les grands principes communs: les valeurs de dignité, d’intégrité et de solidarité; les principes humanitaires; le respect des obligations imposées par le droit humanitaire international; et enfin l’engagement de ne pas mêler action humanitaire et intentions politiques.

a)Garantir l’accès

L’expérience pratique montre que les principes humanitaires facilitent bel et bien l’accès à l’aide. Par accès, on entend essentiellement la possibilité pour les personnes de bénéficier de l’aide, mais faciliter l’accès des acteurs humanitaires aux populations touchées est également la condition préalable à toute assistance.

Or, la nature des conflits a conduit à une augmentation des attaques perpétrées contre le personnel humanitaire et des vols de leurs biens. Par conséquent, de nombreuses régions touchées sont devenues des zones interdites pour les travailleurs humanitaires, ce qui a pour effet de priver systématiquement les populations vulnérables d’un accès à l’aide. Tout doit être fait pour sensibiliser davantage aux valeurs universelles qui sous-tendent l’action humanitaire, en particulier dans les États fragiles. Le dialogue avec les parties à un conflit, en particulier les acteurs non étatiques, doit être recentré sur les besoins objectifs des populations touchées.

Certains gouvernements de pays hôtes ou acteurs non étatiques entravent l’accès à l’aide humanitaire en imposant des restrictions en matière de déplacements et des obstacles bureaucratiques concernant le personnel et les approvisionnements, ou en ne veillant pas à leur protection. Les travaux en cours de la Commission du droit international sur la «protection des personnes en cas de catastrophes» devraient fournir des orientations à cet égard 12 . Dans le même temps, les organisations exécutantes sont quelquefois réticentes à se rendre dans des zones difficiles. En outre, les mesures antiterroristes prises par certains pays donateurs peuvent parfois perturber le travail des acteurs humanitaires, lesquels peuvent se trouver confrontés au dilemme de ne pas répondre à des besoins humanitaires ou de risquer des poursuites pénales. Tous ces facteurs entraînent, ou peuvent entraîner, la distribution inégale d’une aide cruellement nécessaire.

Recommandations:

Les acteurs humanitaires devraient mener un dialogue plus ferme avec les parties à des conflits pour les convaincre de la nécessité de garantir l’accès, la protection et la sécurité. Les collectivités locales, en particulier la société civile locale, devraient être encouragées et habilitées à défendre les valeurs universelles qui sous-tendent l’action humanitaire auprès des parties à un conflit.

Les gouvernements devraient avant tout garantir un environnement sûr et sécurisé à l’action humanitaire. Ils devraient également disposer d’un cadre juridique et stratégique propre à faciliter l’accès humanitaire - a) en ce qui concerne le personnel des organisations humanitaires: sur le plan des privilèges et immunités, des visas et autorisations d’entrée, des permis de travail, de la libre circulation, et de la possibilité de mener une action humanitaire fondée sur des principes dans le cadre de mesures antiterroristes; - b) en ce qui concerne les équipements et les biens: sur le plan des formalités douanières et des droits de douane, de la fiscalité et des transports.

Les organisations exécutantes devraient renforcer leur présence dans les régions isolées ou dangereuses afin de garantir la proximité avec les populations concernées. Une telle approche nécessite des protocoles de sécurité suffisamment stricts, tout en autorisant une certaine marge de manœuvre, le déploiement de personnel qualifié et formé, et la collaboration avec les personnes bénéficiant d’un accès.

b)Mettre la protection au cœur de l’intervention humanitaire

Les crises humanitaires rendent souvent les populations touchées vulnérables à l’exploitation et aux mauvais traitements. Le mépris des principes humanitaires et du droit humanitaire international les expose à davantage d’insécurité, de discriminations, d’abus ou de menaces de mort. Les enfants, les femmes et les jeunes filles, les personnes âgées et les personnes handicapées sont souvent les plus vulnérables. Il convient de souligner que les États sont les premiers responsables de la protection des populations touchées par des crises humanitaires. Mais lorsqu’ils n’y parviennent pas ou commettent eux-mêmes des violations du droit humanitaire international, les acteurs humanitaires se doivent d’agir.

La protection des personnes n’occupe pas encore la place qui devrait lui revenir dans le cadre de l’action humanitaire 13 . Cette situation est due à des facteurs tels que le manque de vision stratégique, des capacités limitées, des interprétations divergentes de ce qu’est la protection, et l’impossibilité d’entrer en contact avec les communautés touchées en cas de conflit. La nécessité de placer la protection au cœur de l’intervention humanitaire doit être remise à l’ordre du jour. Exclusivement axées sur les besoins, les activités humanitaires doivent viser à garantir le respect des droits de toutes les personnes, conformément au droit international humanitaire, aux droits de l’homme et au droit des réfugiés. Dans le même temps, l’action humanitaire devrait soutenir les mécanismes de protection communautaires efficaces existants, et non se substituer à eux.

Les acteurs humanitaires ne peuvent, à eux seuls, garantir la protection des bénéficiaires de l’aide. Des liens plus étroits doivent donc être tissés entre les acteurs humanitaires et les défenseurs des droits de l’homme. Il doit toutefois rester entendu que l’action humanitaire doit conserver sa neutralité, son impartialité et son indépendance afin d’éviter que les populations touchées et le personnel des organisations humanitaires ne fassent l’objet d’attaques de la part des parties à un conflit, et risquent de se voir refuser l’accès 14 .

Recommandations:

La communauté humanitaire devrait systématiquement intégrer la protection dans ses interventions, en tenant compte des vulnérabilités et des capacités de groupes de population spécifiques dans des contextes donnés et des menaces auxquelles ceux-ci sont confrontés. Les organisations exécutantes devraient, grâce à des mécanismes de coordination appropriés tels que des équipes humanitaires nationales ou des clusters, élaborer des stratégies de protection globales faisant appel à l’analyse, à la programmation et au suivi, et disposer d’un personnel spécialement consacré à la protection.

La collaboration entre les travailleurs humanitaires et les défenseurs des droits de l’homme, qui sont tous des acteurs de la protection, devrait être renforcée. Le personnel humanitaire devrait toutefois être dispensé d’obligations de compte rendu susceptibles de remettre en cause sa neutralité, son impartialité et son indépendance, et de compromettre l’accès à l’aide.

2.Un partenariat mondial pour une action humanitaire efficace

a)Un partenariat mondial autour des principes de base de l’efficacité humanitaire

L’évolution du contexte dans lequel se déroulent ses interventions exige de la communauté humanitaire qu’elle soit beaucoup plus efficace aujourd’hui. Aucune crise humanitaire ne ressemble à un autre, et les situations sont toutes différentes. Et pourtant, à bien des égards, le système humanitaire continue d’appliquer une méthode unique qui ne permet pas toujours de répondre correctement aux besoins ni d’intervenir de la manière la plus efficace. En outre, il n’existe actuellement pas d’évaluations des besoins humanitaires qui soient fiables et comparables. Dans le système actuel, une pléthore de compilations de données et d’analyses disparates coexistent, qui conduisent à des appréciations différentes et à une concurrence pour l’obtention des fonds. Ces pesanteurs ne peuvent perdurer.

Pour être efficace, l’action humanitaire a besoin d’informations fiables et désagrégées sur les besoins et les capacités disponibles, y compris concernant les acteurs non traditionnels lorsque ceux-ci jouent un rôle important. Cela nécessite la collecte systématique des données par les personnes présentes sur le terrain. Une fois les données recueillies, les informations doivent être échangées entre les acteurs humanitaires et utilisées pour une analyse conjointe et une évaluation coordonnée des besoins.

La qualité, les résultats, un bon rapport coût-efficacité et l’obligation de rendre des comptes aux populations touchées sont également des éléments essentiels d’une aide humanitaire efficace. Des instruments communs permettant d’apprécier si l’aide répond à des besoins réels et produit l’effet escompté sont nécessaires. Parallèlement, afin de maximiser la portée et l’utilité des actions, des mécanismes devraient être mis en place pour garantir que les points de vue des populations touchées, en particulier des femmes, sont pris en compte tout au long des interventions. Tous ces efforts devraient être étayés par un système de surveillance financière fonctionnant correctement, si possible à l’échelon où l’aide est effectivement fournie aux bénéficiaires, afin d’éviter les lacunes et les chevauchements. Ce système devrait, à son tour, faciliter l’évaluation des résultats dans la perspective de nouvelles améliorations.

La recherche, l’innovation et les solutions scientifiques peuvent contribuer à améliorer l’efficacité de l’action humanitaire, tant en ce qui concerne la prise de décision que la fourniture de l’aide. Outre les partenariats traditionnels, la coopération avec des centres universitaires, des réseaux de recherche, des communautés scientifiques et le secteur privé est essentielle à cet égard.

L’efficacité de l’aide humanitaire consiste à placer la responsabilité collective au-dessus des intérêts institutionnels particuliers. Ce n’est que grâce à la mise en commun de l’ensemble des connaissances, savoir-faire et ressources que la communauté humanitaire pourra obtenir des résultats plus probants. Le système des Nations unies devrait s’associer pleinement à cet effort et ses différentes composantes devraient remplir leurs missions de manière coordonnée et efficace. Dans le cas contraire, il serait nécessaire de revoir les méthodes de travail actuelles pour tenter de parvenir à une plus grande efficacité. La mise en œuvre intégrale du programme de transformation demeure capitale à cet égard.

Recommandations:

La communauté humanitaire devrait élaborer un tableau de bord exhaustif pour l’efficacité de l’aide humanitaire, afin de faciliter l’ensemble du cycle d’intervention. Tous les acteurs impliqués dans l’action humanitaire devraient alimenter ce cadre et s’en servir. Celui-ci pourrait inclure:

un référentiel de données partagées sur les besoins, les risques, les vulnérabilités et les questions d’accès;

un inventaire des capacités disponibles;

une plateforme pour l’analyse conjointe des risques et une évaluation coordonnée des besoins;

une base de données assurant un suivi complet de tous les fonds octroyés par l’ensemble des sources et permettant de retracer de bout en bout les opérations sous-traitées à des partenaires locaux, jusqu’aux bénéficiaires finals;

des critères de qualité partagés;

des indicateurs de résultats communs;

une évaluation des résultats et de l’impact des interventions;

des données de recherche.

Les donateurs devraient exiger des organisations exécutantes qu’elles coordonnent leurs évaluations des besoins en tenant compte du contexte et des capacités disponibles, et en utilisant des données désagrégées et des critères de qualité. Ils devraient se servir de ces évaluations lors de la prise de décisions sur l’attribution de fonds. Ils devraient également s’engager à rationaliser leurs mécanismes contractuels et leurs systèmes de compte rendu, veiller à remplir leurs obligations légales et rendre des comptes à leurs bases. Quant aux organisations exécutantes, elles devraient établir des rapports sur la qualité et les résultats obtenus.

Les donateurs devraient s’engager à prévoir l’obligation systématique de rendre des comptes aux populations touchées dans les programmes qu’ils financent. Les organisations exécutantes devraient établir des normes assurant la participation des populations touchées tout au long du cycle d’intervention, prévoyant notamment des approches adaptées aux spécificités de certains groupes, et mettre en place des mécanismes adéquats.

Les Nations unies et les autres organisations exécutantes représentées au sein du Comité permanent interorganisations (CPI) devront démontrer la mise en œuvre pleine et entière du programme de transformation, suivie de son application systématique. Les bailleurs de fonds devraient surveiller et encourager cette mise en œuvre et examiner dans quels domaines une révision des méthodes de travail ou de l’architecture du système international d’aide humanitaire aurait lieu d’être pour garantir des résultats.

b)Partenariats avec des acteurs locaux, nationaux et régionaux: subsidiarité et solidarité

Pour être efficace, l’aide humanitaire doit également faire un meilleur usage de l’éventail des capacités des différents acteurs. Le système humanitaire international, tel qu’institué par la résolution 46/182 de l’Assemblée générale des Nations unies, est fondé sur le postulat selon lequel il incombe en premier lieu aux gouvernements de répondre aux besoins humanitaires des populations touchées. Or, beaucoup d’acteurs locaux, nationaux ou régionaux, en particulier dans les pays à revenu intermédiaire, ont amélioré leur capacité à faire face aux situations d’urgence, en particulier lors des catastrophes naturelles. Le rôle de plus en plus important de ces acteurs doit être reconnu plus clairement dans la conception, la coordination et la mise en œuvre des interventions internationales.

L’aide humanitaire devrait être fondée sur le double principe de subsidiarité et de solidarité, avec des acteurs locaux, nationaux et régionaux agissant en qualité de premiers intervenants et une communauté internationale venant apporter un appui complémentaire en cas de besoin. Cette dernière ne devrait agir que lorsque les intervenants locaux sont dépassés, n’ont pas la volonté ou la capacité de répondre aux besoins de toutes les populations touchées, ou ne sont pas en mesure d’éviter le débordement des situations d’urgence vers les pays voisins.

Le système international doit être relié à la grande communauté des intervenants, et doit devenir inclusif afin de faciliter le travail de tous les acteurs concernés, en fonction des spécificités de chaque crise. Des efforts concertés doivent être déployés pour favoriser l’interaction et l’interopérabilité, afin d’éviter autant que possible les lacunes et les chevauchements. Pour y parvenir, la communauté internationale pourrait envisager la mise en place d’un inventaire exhaustif, à l’échelle mondiale, de toutes les ressources auxquelles il est possible de faire appel dans le cadre d’une intervention. De même, les gouvernements et l’ensemble des exécutants devraient veiller à ce que leurs actions soient compatibles avec les principales normes internationales en la matière.

Une telle approche nécessite une compréhension claire du moment auquel le système humanitaire international doit intervenir, et de la mesure dans laquelle il doit le faire. Par exemple, la violation de principes humanitaires ou du droit humanitaire international devrait automatiquement déclencher le déploiement d’une aide internationale pour répondre aux besoins des populations touchées.

Les gouvernements et les acteurs du développement devraient – avec l’aide de la communauté humanitaire – investir dans le développement de capacités locales durables afin de faire en sorte que les communautés locales soient à même de résister aux conséquences d’une catastrophe et de faciliter l’intervention humanitaire. Les organisations régionales devraient soutenir ces efforts en facilitant l’échange de savoir-faire et en coordonnant l’aide entre les États. De plus, la coopération entre différentes régions du monde dans le domaine de la gestion des catastrophes et de la réaction aux crises peut renforcer l’interopérabilité des systèmes, réduire l’incidence des crises, améliorer la planification et permettre une meilleure préparation aux crises et aux catastrophes.

Recommandations:

Des structures de coordination aménagées aux niveaux international et national devraient regrouper tous les acteurs impliqués dans chaque intervention particulière. Cela pourrait se faire, par exemple, par une ouverture des équipes humanitaires nationales ou des clusters du CPI. Si la coopération avec les mécanismes de coordination existants n’est pas possible, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) des Nations unies devrait mettre au point d’autres méthodes permettant de garantir l’interopérabilité des systèmes.

La réponse humanitaire devrait avant tout être fondée sur les principes de solidarité et de subsidiarité. Des évaluations des risques ou des analyses de fragilité devraient être réalisées pour tous les pays. Il conviendrait d’avoir une vue d’ensemble de l’état de préparation et des capacités de réaction des acteurs locaux, nationaux, régionaux et internationaux concernés. Au niveau international, l’établissement de cet inventaire multi-acteurs pourrait être facilité par l’OCHA.

La communauté humanitaire devrait élaborer des lignes directrices sur des scénarios spécifiques à certains contextes, précisant les rôles des intervenants et définissant les critères de déclenchement de l’aide internationale. Elles devraient s’accompagner d’un mécanisme destiné à faire respecter l’application systématique des différentes approches. L’OCHA pourrait faciliter ce processus en coopération avec les partenaires concernés.

Les gouvernements et les bailleurs de fonds devraient soutenir le renforcement des capacités des intervenants locaux et devraient, le cas échéant, envisager de soutenir ces derniers au cours des interventions.

Les organisations régionales devraient être soutenues dans la création d’un réseau destiné au partage d’expériences et à des mesures de formation. Les organisations régionales devraient être incitées à inclure des dispositions sur la solidarité dans leurs mandats, afin de venir en aide à leurs membres touchés par une catastrophe naturelle ou d’origine humaine.

c)Partenariats avec les donateurs, le secteur privé, les organisations caritatives, les fondations et les organisations exécutantes, pour un financement efficace et suffisant de l’aide humanitaire

Les œuvres humanitaires doivent être dotées de ressources suffisantes. Celles-ci devraient être assurées de deux manières: en garantissant une utilisation aussi rationnelle que possible de chaque euro d’aide et en élargissant la base de financement.

Des insuffisances réelles ou perçues dans les dépenses humanitaires peuvent compromettre tant l’efficacité que la crédibilité des interventions. Il importe de dresser un tableau complet et cohérent de l’ensemble des besoins, qui permettra à son tour une meilleure coordination des appels de fonds et une meilleure planification financière des situations d’urgence. L’encouragement de méthodes innovantes d’administration de l’aide, telles des approches basées sur la distribution d’espèces chaque fois que le contexte s’y prête, peut réduire les frais généraux, ainsi que les coûts unitaires et les frais de transaction. Toutes ces mesures nécessitent des partenariats étroits entre les représentants des bénéficiaires, les organisations exécutantes et les bailleurs de fonds, et avec le secteur privé.

S’il est essentiel de rationaliser le financement de l’aide humanitaire, il est évident que les niveaux de financement actuels sont insuffisants pour répondre aux besoins humanitaires à l’échelle mondiale. Les crises de longue durée sont particulièrement concernées, car elles tendent à disparaître du devant de la scène et à être remplacées par de nouvelles urgences.

Le système a pâti d’une dépendance excessive de quelques donateurs. S’il est vrai que certains bailleurs de fond, qui ne sont pas membres du Comité d’aide au développement de l’OCDE (CAD), et le secteur privé – notamment les organisations caritatives et les fondations – ont véritablement permis de changer la donne au cours de certaines crises, le système n’a pas encore trouvé la meilleure manière de les faire participer et d’exploiter pleinement leur potentiel. Le système doit devenir plus attrayant pour des acteurs nouveaux et diversifiés, en soulignant le caractère vital de leur contribution, en démontrant l’importance de l’aide qu’ils apportent et en facilitant les partenariats sur le terrain. Le système international devrait s’efforcer de motiver ces nouveaux acteurs, d’établir avec eux un dialogue plus régulier et de déterminer les contextes dans lesquels leur participation serait pour eux d’un intérêt particulier.

Recommandations:

La structure et l’efficacité de l’action humanitaire doivent s’améliorer. Les organisations exécutantes devraient, sous la conduite du CPI, réformer le système d’appel de fonds afin qu’il tienne pleinement compte des besoins et des exigences de financement, ce qui pourrait se faire grâce à un outil de suivi incorporé au tableau de bord proposé ci-dessus. Les organisations exécutantes individuelles devraient idéalement s’intégrer à ce système et éviter de lancer des appels individuels dans les situations d’urgence humanitaire, en coordonnant plutôt leurs efforts pour éviter une concurrence indue au détriment de l’efficacité. Dans le même temps, les appels devraient contribuer à la fourniture d’une aide humanitaire de qualité. Les rapports sur les appels de fonds réalisés devraient fournir des indications sur les besoins couverts comme sur ceux qui ne l’ont pas été.

Les bailleurs de fonds devraient systématiquement coordonner leurs efforts et évaluer les pratiques des organisations exécutantes afin de déterminer leur valeur ajoutée et de possibles gains de rentabilité, sur la base de normes humanitaires communes 15 .

Les donateurs et les organisations exécutantes devraient augmenter la proportion de bénéficiaires d’une assistance en espèces, tout en tenant compte du contexte spécifique. Un objectif-cible pourrait être envisagé.

Le système des Nations unies et la communauté traditionnelle des donateurs devraient engager un dialogue plus étroit avec les donateurs ne faisant pas partie du CAD, les pays à revenu intermédiaire, les organisations régionales, le secteur privé, les organisations caritatives et les fondations à propos du financement de l’action humanitaire. Ce dialogue pourrait avoir lieu à travers des rencontres régulières, formelles ou informelles, dans le cadre du groupe de soutien des donateurs de l’OCHA 16 ou de l’initiative sur les principes et bonnes pratiques pour l’aide humanitaire 17 .

Le secteur privé devrait être incité à contribuer à l’aide humanitaire, par exemple dans le cadre d’engagements ayant trait à la responsabilité sociale des entreprises.

d)Partenariat avec les acteurs du développement

L’accroissement des besoins humanitaires rend le partenariat entre les travailleurs humanitaires et les acteurs du développement d’autant plus important. L’aide humanitaire d’urgence ne peut plus assumer seule le fardeau de crises humanitaires récurrentes et prolongées et de déplacements forcés de longue durée. Il est impératif de recadrer la coopération entre le secteur humanitaire et celui du développement, par un partenariat qui consolidera l’action de chacune de ces deux branches. L’amélioration de la résilience a déjà été définie comme un objectif partagé à la fois par les acteurs humanitaires et ceux du développement.

L’interaction entre l’aide humanitaire et la coopération au développement devrait commencer avant le déclenchement des crises, par une analyse conjointe portant notamment sur les risques et les vulnérabilités, suivie d’investissements dans des mesures d’amélioration de la résilience et de réduction des risques afin de mieux anticiper, préparer et gérer les crises et les catastrophes 18 . Pendant et après une crise ou une catastrophe, une planification stratégique et une programmation pluriannuelle conjointes devraient être mises en place. Cette planification conjointe devrait recenser les efforts conjugués, développer des synergies exploitant les points forts respectifs, et – le cas échéant – esquisser une transition en souplesse de l’aide humanitaire vers l’aide au développement, sur la base de seuils clairement définis à partir desquels l’action humanitaire devrait céder le pas à l’action pour le développement.

Les financements devraient provenir d’instruments humanitaires et d’instruments de développement, selon une répartition claire en fonction de la valeur ajoutée respective, afin de combiner la satisfaction de besoins immédiats avec des mesures à moyen et long terme ciblant des causes profondes. Le financement d’une aide au développement à long terme est particulièrement important lors de crises prolongées afin d’ouvrir la voie à des solutions durables, et notamment de renforcer les capacités du pays hôte et des communautés locales à subvenir aux besoins des populations déplacées.

Recommandations:

Un nouveau modèle de coopération entre l’aide humanitaire et l’aide au développement est nécessaire. Il devrait comporter une analyse conjointe des risques selon une approche multi-aléas et, le cas échéant, une programmation et un financement pluriannuels ainsi que des stratégies de sortie pour les acteurs de l’aide humanitaire. Il devrait couvrir des questions telles que l’état de préparation et la problématique des réfugiés et des populations déplacées à l’intérieur du pays, notamment en cas de crises prolongées.

Les bailleurs de fonds devraient favoriser un financement pluriannuel plus prévisible grâce à la mise en place de fonds conjoints d’assistance humanitaire et de développement, notamment lors des crises de longue durée.

Les bailleurs de fonds devraient envisager l’introduction, dans les programmes de développement, de modificateurs de crise autorisant la réaffectation de ressources pour faire face aux crises, ce qui permettrait une approche plus flexible.

III.Contribution de l’UE et prochaines étapes

Le Sommet humanitaire mondial et le processus qui y mène suscitent un élan politique qui permettra de renforcer la communauté mondiale de solidarité avec les personnes touchées par des crises humanitaires et des catastrophes. Il fournit l’occasion de nous tourner vers les pays tiers, les citoyens européens et nos autres partenaires pour leur rappeler l’obligation morale d’aider les victimes de conflits et de catastrophes et d’éviter les retombées négatives telles que l’instabilité et les déplacements de populations. La Commission invite les États membres et les autres partenaires à un partage d’expériences et à une coopération sur ces questions.

Ce sommet marquera une étape importante vers une action humanitaire efficace, fondée sur des principes, et définira la feuille de route pour un certain nombre de changements dans le système. La mise en œuvre de ses résultats exigera donc des efforts de la part de la communauté internationale et de ses différents acteurs. C’est pourquoi les engagements pris à Istanbul devront être vérifiables et mesurables. Il serait utile de faire le point sur leur réalisation à intervalles réguliers, afin de maintenir le cap.

À l’issue du sommet, la Commission exposera la contribution spécifique de l’UE à la mise en œuvre des conclusions qui en auront été tirées. Le document de travail des services de la Commission qui accompagne la présente communication expose quelques exemples de travaux déjà entrepris au sein de l’UE pour rendre l’action humanitaire plus adaptée aux objectifs qu’elle poursuit.

(1)

 Les organisations exécutantes sont celles qui délivrent l'aide humanitaire, telles que les agences des Nations unies, les organisations internationales, le mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge ou encore les ONG. Elles peuvent avoir un caractère international, régional, national ou être enracinées dans les communautés locales.

(2)

 Le consensus européen sur l’aide humanitaire, JO C 25 du 30.1.2008, pp. 1 à 12.

(3)

Heidelberg Institute for International Conflict Research (HIIK), Conflict Barometer 2014, pp. 14 et 15, http://www.hiik.de/de/konfliktbarometer/pdf/ConflictBarometer_2014.pdf.

(4)

Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, Rapport sur les catastrophes dans le monde 2014, p. 223, https://www.ifrc.org/Global/Documents/Secretariat/201410/WDR%202014.pdf.

(5)

Banque mondiale, États fragiles et en situation de conflit, http://www.banquemondiale.org/fr/topic/fragilityconflictviolence/overview.

(6)

OCHA, Global Humanitarian Overview June 2015, https://www.humanitarianresponse.info/fr/programme-cycle/space/document/global-humanitarian-overview-2015-june-status-report; HCR, Global Trends Report 2014, http://www.unhcr.org/556725e69.html.

(7)

En 2014, les Nations unies ont lancé un appel de fonds d'un montant de 17 milliards d'euros pour l’aide humanitaire, le plus élevé de toute l'histoire. Les donateurs ont répondu par une contribution record de 10 milliards d’euros, qui n'a pourtant pas permis de couvrir l'ensemble des besoins. OCHA, Global Humanitarian Overview December 2014, op cit.

(8)

 Par communauté humanitaire, on entend l’ensemble des acteurs humanitaires. Les acteurs humanitaires sont toutes les entités qui interviennent d'une façon ou d'une autre dans l'action humanitaire, par exemple les gouvernements, les organisations exécutantes, les donateurs, les organisations internationales et régionales, les acteurs privés, les universitaires ou les collectivités locales.

(9)

Le programme de transformation vise à améliorer la réaction de la communauté humanitaire aux situations d’urgence. Il met l'accent sur l’encadrement, la coordination et l’obligation de rendre des comptes, et s’appuie sur la réforme humanitaire. Pour plus d'informations: https://interagencystandingcommittee.org/iasc-transformative-agenda

(10)

 Consensus européen sur l’aide humanitaire, op. cit., p. 1, point 10.

(11)

L’approche globale de l’UE à l'égard des crises et conflits extérieurs, JOIN(2013) 30.

(12)

Commission du droit international, Protection des personnes en cas de catastrophes, projets d’articles, GE 14-60901, http://legal.un.org/docs/index.asp?symbol=A/CN.4/L.831&referer=http://legal.un.org/cod/&Lang=F.

(13)

HCR, Placing Protection at the Centre of Humanitarian Action 2015, http://www.refworld.org/pdfid/557ea67c4.pdf; IASC, Principals' Statement on the Centrality of Protection in Humanitarian Action 2015, https://interagencystandingcommittee.org/protection-priority-global-protection-cluster; OCHA, Document d'information sur la protection 2015, https://docs.unocha.org/sites/dms/documents/oom_protection_french.pdf.

(14)

Plan d'action en faveur des droits de l'homme et de la démocratie (2015-2019) – «Garder les droits de l'homme au centre des priorités de l'UE», JOIN(2015) 16.

(15)

 Ces normes visent à garantir la qualité de l'aide, par exemple en matière d'imputabilité, de gestion, de coordination, etc.

(16)

 Pour plus d'informations: http://ec.europa.eu/echo/partnerships/relations/ocha-odsg_fr.

(17)

Pour plus d'informations: http://www.ghdinitiative.org/.

(18)

 L'approche de l'UE sur la résilience, COM(2012) 586 final; Action Plan for Resilience in Crisis Prone Countries, SWD(2013) 227 final; Le cadre d'action de Hyogo post-2015, COM(2014) 216 final.