29.10.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 318/32


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Droits de propriété intellectuelle dans le secteur de la musique» (avis d’initiative)

2011/C 318/05

Rapporteur: M. GKOFAS

Le 17 janvier 2008, le Comité économique et social européen a décidé, conformément aux dispositions de l’article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d’élaborer un avis d’initiative sur le thème des:

«Droits de propriété intellectuelle dans le secteur de la musique»

(avis d’initiative).

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 26 mai 2011.

Lors de sa 473e session plénière des 13 et 14 juillet 2011 (séance du 14 juillet 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 119 voix pour, 51 voix contre et 42 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Les données du problème

1.1.1   Les droits des créateurs et les droits voisins des interprètes dans le domaine de la musique, ainsi que leur protection constituent, dans la mesure où ils concernent des produits dématérialisés qui font de plus en plus l’objet d’un commerce et d’une diffusion sous forme de fichiers numériques, une problématique qui touche très directement la société civile.

1.1.2   Le présent avis est articulé autour de cinq grands axes. Le premier consiste à déterminer et à distinguer, en matière musicale, les prérogatives des ayants droit et des sociétés de gestion collective de droits mais aussi les obligations qui découlent du négoce des droits de la propriété intellectuelle et des droits voisins. Le deuxième a pour objet la rémunération et, plus spécifiquement, la rémunération à laquelle ont droit les auteurs pour l’utilisation que des tiers (consommateurs) font tant des droits de propriété intellectuelle que des droits voisins. Un troisième thème consiste à déterminer comment est fixée cette rémunération, ainsi qu’à définir quel sens il convient de donner à la notion d’«exécution publique» ou à partir de quel moment on peut parler d’une telle «exécution publique». Le quatrième enjeu est celui des sanctions qu’il convient d’infliger aux utilisateurs pour exploitation illégale de ce droit. La cinquième thématique, enfin, est celle de la manière dont les organismes de gestion collective (OGC) ou les sociétés de gestion collective (SGC), dans certains États membres, sont structurés et fonctionnent pour assurer la représentation des ayants droit.

1.1.3   Le Comité s’inquiète de ce qu’en l’absence d’harmonisation du droit de l’Union avec les droits nationaux et du fait des divergences qui existent entre les ordres juridiques internes des différents États membres, le risque existe que l’équilibre nécessaire entre l’accès des citoyens aux contenus culturels et de divertissement, la libre circulation des biens et services et la protection des droits de propriété intellectuelle ne soit pas atteint.

1.1.4   Le point de départ pour l’élaboration d’un règlement qui visera à harmoniser mutuellement les législations des États membres devra consister à voter et entériner, au niveau de l’Union européenne, quelques «principes fondamentaux» élémentaires sur le thème en question conformément aux conventions internationales existantes, et notamment à la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, sans mettre en cause les droits des usagers et en tenant compte des propositions du CESE.

1.1.5   Le Comité préconise que les législations des États membres fassent l’objet d’une harmonisation sur les points qui posent problème dans la vie collective des citoyens et l’influencent directement, de manière à éviter que leurs droits acquis et sanctionnés constitutionnellement ne soient mis en péril par des interprétations de la loi qui sont tantôt littérales, focalisées sur des mots, tantôt erronées et partiales, au détriment des consommateurs utilisateurs. C’est à la Commission qu’il incombe de traiter les points controversés que constituent les restitutions juridiques des termes employés par les différents législateurs et le Comité estime qu’il est de son devoir de les mettre sur la table des négociations, afin de parvenir à un juste résultat. La protection des auteurs et des interprètes ne devra pas constituer un obstacle à la libre circulation des œuvres et doit garantir dans le même temps, par une modification des dispositions afférentes, que les consommateurs disposent d’une liberté d’accès et d’utilisation des contenus électroniques, de telle sorte qu’ils conservent les mêmes droits pour une utilisation en ligne ou hors ligne, tout en respectant la propriété intellectuelle.

1.1.6   Le Comité propose qu’aux fins a) d’octroyer des licences de représentation des ayants droit, b) concernant l’établissement de conventions pour l’exploitation des droits patrimoniaux des auteurs et c) en prévoyant, en cas de survenue d’un différend ou de désaccord, l’application d’un arbitrage, il soit instauré une réglementation législative unique, qui pourrait aider tant les utilisateurs de contenus et les consommateurs que les créateurs intellectuels et autres ayants droit, à résoudre les conflits qui les opposent pour l’exploitation d’une «œuvre». Pour ce faire, il est nécessaire d’instituer au niveau national un organe unique de médiation et de résolution des différends entre ayants droit et utilisateurs des contenus.

1.1.7   Le Comité pense qu’il est possible d’atteindre cet objectif en créant une instance nationale unique indépendante qui, outre les missions susmentionnées, assumera également la responsabilité de garantir la transparence concernant le reversement intégral aux ayants droit des rétributions collectées par le truchement des OGC, étant entendu que, pour les cas où ce dispositif ne fonctionnerait pas il sera prévu des garde-fous qui seront fixés par le droit européen, tandis que la seule marge de manœuvre laissée à la discrétion des États membres sera de réglementer la création, la structuration et le fonctionnement de l’organisme concerné. Celui-ci pourra veiller a) à assurer une stricte application de la législation existante, qu’elle soit communautaire ou intérieure, propre à l’État membre concerné, afin de parvenir à l’objectif susmentionné, b) à instaurer une totale transparence dans la perception et le versement des rémunérations dues lorsque les droits patrimoniaux des auteurs sont exploités et c) à combattre la fraude fiscale dans le paiement à l’État des contributions qui résultent de l’exploitation des œuvres.

1.1.8   Pour susciter la confiance des détenteurs de droits et des utilisateurs et faciliter l’octroi de licences transnationales, le régime et la transparence de la gestion collective des droits doivent être améliorés et adaptés au progrès technique. Des solutions plus simples, plus uniformes et technologiquement neutres pour l’octroi de licences transnationales et paneuropéennes dans le secteur audiovisuel stimuleront la créativité et aideront les auteurs, producteurs et diffuseurs de contenu, dans l’intérêt des consommateurs européens.

1.2   L’efficacité de la gestion des droits numériques (GDN)

1.2.1   En outre, le Comité soutient la promotion et l’amélioration des offres légales comme Deezer, le premier site de musique à la demande gratuit et légal, ou encore Spotify, service d’offre légale de diffusion de musique par Internet autofinancée par la publicité, et pense que ce type de voie doit continuer à s’épanouir aux côtés de l’œuvre législative.

1.2.2   Les campagnes d’éducation et de sensibilisation, notamment des jeunes, devraient aussi être des actions à envisager.

1.2.3   Le CESE invite instamment la Commission à approfondir les principes établis dans sa recommandation du 18 mai 2005 relative à la gestion transfrontière du droit d’auteur et des droits voisins dans le domaine des services licites de musique en ligne.

1.2.4   Le Comité demande à la Commission d’approuver dans les plus brefs délais la proposition de directive-cadre sur la gestion collective des droits prévue dans l’Agenda numérique.

2.   Introduction

2.1   Les créateurs et les interprètes tirent leurs revenus des recettes provenant de l’utilisation partout dans le monde de leurs créations artistiques. Ce sont des sociétés de gestion collective, agissant tous domaines artistiques confondus, qui collectent pour le compte des créateurs les recettes engendrées par l’utilisation des œuvres partout dans le monde.

2.2   La taille et le pouvoir de ces sociétés de gestion collective varient en fonction des États membres: certaines sont d’ampleur modeste, alors que d’autres sont puissantes au point de parvenir à détenir, dans certains cas, des monopoles de fait pour l’exploitation. Les services qu’elles offrent aux artistes varient aussi en fonction de ces paramètres.

2.3   On peut légitimement se demander, comme l’a fait la Commission européenne, si la complexité du système actuel sert aussi efficacement qu’il le devrait et s’il préserve les intérêts des ayants-droit, mais aussi ceux des utilisateurs de contenus, des citoyens et du consommateur final.

2.4   Ne faudrait-il pas penser la situation au-delà d’une «simple» harmonisation technique du droit d’auteur et des droits voisins? Comment améliorer la gestion nationale du droit d’auteur et remédier aux inconvénients dus au morcellement actuel de la redevance pour copie privée des œuvres, pour ne citer qu’elle? Comment concilier les efforts pour une «meilleure réglementation» et l’efficacité de la gestion transfrontalière des droits collectifs? Il est nécessaire de légiférer sue ces aspects.

2.5   La complexité de la situation et son caractère sensible pour la société civile amènent le Comité à se saisir du sujet et à s’interroger sur les pistes de réflexions qui pourraient être envisagées.

2.6   En effet, l’ignorance, si ce n’est l’indifférence, voire l’hostilité, du public à l’égard de la notion de droits de propriété intellectuelle, doivent appeler une réaction de la société civile.

2.7   Le régime en vigueur en matière de protection des droits patrimoniaux (non moraux) des créateurs et des droits voisins des interprètes et producteurs dans le domaine musical est régi par une série de directives – par exemple les directives du Parlement européen et du Conseil 2006/115/CE, du 12 décembre 2006, 2006/116/CE, du 12 décembre 2006, 2001/29/CE, du 22 mai 2001, qui avaient pour objectif premier de faciliter la libre circulation des marchandises et des idées, dans un cadre de saine concurrence, mais aussi d’établir un équilibre et de lutter contre le piratage. Toute l’harmonisation du régime des droits d’auteurs et droits voisins se fonde sur un niveau élevé de protection, étant donné que ces droits sont essentiels pour la création intellectuelle. Une telle protection contribue à préserver et développer la créativité dans l’intérêt des auteurs, des interprètes, des producteurs, des consommateurs, des utilisateurs de contenus, et plus généralement de la culture, de l’industrie et du public. Ainsi, la propriété intellectuelle a été reconnue comme faisant partie intégrante du droit de propriété et est protégée par la Charte européenne des droits fondamentaux, étant donné que les efforts de création artistique des auteurs et artistes, interprètes ou exécutants exigent des revenus suffisants pour servir de base à de nouveaux travaux de création artistique. Seule une protection juridique adéquate des titulaires de droits permet de garantir efficacement de tels revenus.

2.8   Certains pays sont dotés de lois très répressives contre toute forme de copie et d’échange de fichiers protégés par le droit de propriété intellectuelle, que ces échanges aient lieu à titre privé et limité ou à titre commercial (1).

2.9   Les consommateurs européens, dont les organisations ont dénoncé leur exclusion des négociations en la matière comme une pratique non transparente et non démocratique, ont averti qu’il n’est pas possible, sous couvert de lutte contre le piratage, d’instaurer un contrôle policier de l’ensemble des échanges et communications sur Internet, au détriment du respect de la vie privée par rapport au contenu des correspondances et informations qui y circulent. Le Comité souhaite lui aussi être informé des discussions et propositions actuellement sur la table, et s’exprimer à leur propos.

3.   Observations particulières

3.1   Propriété intellectuelle: précisions et distinctions

3.1.1   Il est de la plus haute importance de distinguer et de bien comprendre les notions de droit d’auteur et de droits voisins. L’une et l’autre font partie d’un ensemble auquel on peut donner la qualification et la dénomination de «propriété intellectuelle». Cette notion a été fixée au plan international par la convention du 14 juillet 1967, qui a institué l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle et a été par la suite reprise dans la législation communautaire, en particulier par la directive 2006/115/CE, de sorte que le concept est ancré dans l’acquis communautaire.

3.1.2   Le Comité juge que si l’on veut que les auteurs et les interprètes puissent poursuivre leur travail créatif et artistique, ils doivent recevoir une compensation adéquate pour l’utilisation qui est faite de leurs œuvres, de même que les producteurs, de façon à ce qu’ils soient en mesure de financer cette tâche. L’élaboration de produits tels que les phonogrammes, les films ou les produits et services multimédias, comme les services à la demande, exige des investissements considérables. Il est indispensable d’assurer une protection appropriée des droits de propriété intellectuelle, afin de garantir que ce dédommagement soit disponible et d’offrir la perspective que les moyens ainsi investis seront susceptibles de produire un rendement satisfaisant.

3.1.3   Le Comité réclame l’harmonisation de certaines transpositions du droit de l’auteur intellectuel et des prérogatives des droits voisins. Pour harmoniser ces matières, il conviendra de tenir compte des divers rapports sur l’application des directives et de la jurisprudence de la Cour de justice en la matière.

3.1.4   Le Comité fait état de sa satisfaction après l’adoption de la récente proposition de directive sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines (COM(2011) 289 final), sur le contenu de laquelle il se prononcera dans un prochain avis.

3.2   Rémunération

3.2.1   La rémunération des auteurs au titre du droit intellectuel dans le domaine musical (dans sa partie patrimoniale) constitue probablement l’un des points sur lesquels la plupart des États membres rencontrent des problèmes particuliers dans les relations contractuelles entre les organismes de gestion collective et les utilisateurs et qui ont été résolus en majeure partie par la jurisprudence de la Cour de justice.

3.2.2   Le Comité ressent qu’il est nécessaire de préconiser l’application du principe de l’égalité devant la loi de tous les citoyens mais aussi de prôner celui de la proportionnalité pour ce qui est d’assurer tant la propriété intellectuelle des auteurs et autres ayants droit que les droits des utilisateurs de contenus et des consommateurs finaux. Aujourd’hui les droits de la propriété intellectuelle en Europe sont désormais protégés par les «traités Internet» de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) qui ont été ratifiés par l’UE et les États membres en décembre 2009, ce qui, en principe, unifie le droit applicable, bien que diverses déclarations nationales à l’occasion de la ratification mettent en cause une approche unifiée au niveau communautaire. Ces traités demandent la répression des copies et contrefaçons commerciales, comme le fait la directive sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information.

3.3   Définition de la rémunération et exécution publique

3.3.1   Les points qui requièrent une attention plus particulière sont d’établir à quel moment on peut affirmer qu’une rémunération est due pour utilisation de musique, qu’il y a exécution publique et qu’il est permis de parler d’exploitation et non d’utilisation.

3.3.2   Le Comité estime qu’une distinction claire doit être établie entre l’exploitation commerciale et l’usage privé, en ce qui concerne le but de cette utilisation mais aussi les sanctions qui s’y rapportent. Dans la pratique, les tarifs des organismes de gestion collective, fixés avec les associations représentatives des diverses catégories d’utilisateurs tiennent déjà compte des utilisations différentes que les établissements publics font de la musique, de sorte que ceux où elle joue un rôle essentiel, comme les discothèques, ne paient pas les mêmes montants que ceux où elle n’a qu’une fonction accessoire ou anecdotique, par exemple un salon de coiffure ou un grand magasin.

3.3.3   Le Comité juge que la rémunération de l’«utilisation secondaire», visée par la convention de Berne, est pleinement justifiée, dans la mesure où les propriétaires des organismes de diffusion, les émissions de télévision ou de radio, constituent des utilisateurs secondaires des œuvres comprises dans les émissions primaires à partir desquelles ces œuvres et prestations sont «communiquées publiquement» dans les lieux mentionnés.

3.3.4   Il convient de réformer le système actuel de rémunération des droits de propriété intellectuelle, en tant que rétribution en contrepartie de la reproduction à usage privé, afin de renforcer la transparence dans le calcul de la rémunération équitable, la collecte et le versement des droits. Les rémunérations devront refléter le préjudice financier réel que subissent les ayants droit du fait des copies à usage privé et se fonder sur lui.

3.3.5   Le Comité préconise que pour faciliter l’octroi de licences transnationales, la liberté contractuelle des ayants droit soit préservée. Ils ne devraient pas être tenus de concéder des licences couvrant la totalité du territoire européen, ni de fixer par contrat le niveau des redevances desdites licences.

3.3.6   Le Comité prône des modèles de négociation plus novateurs, qui permettent d’accéder aux contenus sous des modalités différentes (gratuité, tarif plein, gratuité pour le service de base uniquement), en fonction de la viabilité des offres et des attentes et attitudes des utilisateurs finaux, en établissant un juste équilibre entre la rémunération des ayants droit et l’accès des consommateurs et du grand public aux contenus.

3.4   Sanctions et pénalités

3.4.1   Le Comité est convaincu que la protection des œuvres intellectuelles constitue réellement un enjeu d’une portée capitale pour l’essor économique et culturel de l’Union, en particulier face aux nouvelles évolutions de l’économie et de la technologie, afin d’assurer la protection des activités créatives et artistiques des auteurs et interprètes. À cette fin a été mis en place un régime de sanctions effectives, dissuasives et proportionnées, conformément aux exigences établies par la jurisprudence de la Cour de justice.

3.4.2   Le Comité considère que l’usage de nombre d’œuvres intellectuelles, qui n’est autorisé qu’à titre de dérogation aux droits exclusifs des bénéficiaires, avec des limitations pour les utilisateurs; devrait être considéré comme un droit positif général des citoyens. De même, les limites à leur usage ne sont ni absolument claires, ni bien établies par la loi, et les consommateurs se heurtent à la législation en vigueur pour ce qui est de savoir quelles sont les pratiques autorisées.

La protection de la propriété intellectuelle par le droit pénal représente une garantie essentielle pour la sauvegarde et la préservation de l’ordre social, culturel, économique et politique des pays avancés.

Le CESE s’oppose au recours à la voie pénale contre les utilisateurs n’ayant pas de but lucratif.

3.4.3   L’Institut pour le droit de l’information de l’université d’Amsterdam a réalisé, pour le compte de la direction générale Marché intérieur de la Commission européenne, une étude consacrée à la mise en œuvre de la directive 2001/29/CE sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, ainsi qu’à l’influence qu’elle a exercée sur les lois des États membres (2). Les chapitres de la seconde partie, qui concernent l’application du texte dans les autres États membres de l’UE, montrent que sur les 26 pays examinés, il n’y en a que six qui infligent en la matière des peines de privation de liberté.

3.4.4   Le Comité demande et propose que l’article 8 de la directive 2001/29/CE soit complété par l’adjonction d’un paragraphe 4, dans lequel il sera indiqué que s’agissant de la protection légale contre la violation des droits et obligations qui sont visés dans ladite directive, l’utilisation par les utilisateurs consommateurs des contenus dont les exploitants qui en assurent la diffusion publique n’ont pas acquitté préalablement les droits de propriété intellectuelle sera dépénalisée. En cas de mise à la disposition du public, son traitement sera limité à la responsabilité civile et aux sanctions qui en découlent (imposition d’un dédommagement proportionnel à la rémunération due au titre des droits patrimoniaux des auteurs et des titulaires des droits voisins). Les sanctions pénales pour les infractions à l’encontre des droits de la propriété intellectuelle ne devront s’appliquer que dans des cas clairement définis de violations aux règles du commerce commises par le crime organisé et d’exploitation commerciale illégale des droits de propriété intellectuelle. En tout état de cause, les mesures d’exécution doivent respecter les droits fondamentaux des consommateurs.

3.5   Structure et fonction des OGC (organismes de gestion collective)

3.5.1   Il y a lieu de souligner que les directives existantes qui sont mises en question sont régies par une totale «non-protection» des utilisateurs consommateurs, dont le sort est suspendu aux dispositions prises par des SGC qui agissent sans véritable contrôle. Le Comité réclame que la législation reconnaisse, protège et garantisse les droits des citoyens consommateurs ainsi qu’une égalité au regard de la loi et entre citoyens en ce qui concerne cette protection des utilisateurs et des consommateurs face aux auteurs et aux détenteurs des droits voisins, conformément aux dispositions régissant la propriété intellectuelle et plus particulièrement à la recommandation de la Commission du 18.05.2005.

3.5.2   Le Comité demande que l’article 5 de la directive 2006/115/CE soit complété par l’adjonction d’un paragraphe 5, dans lequel il conviendra d’indiquer que les SGC auxquelles sont octroyées des licences les habilitant à percevoir des droits et à représenter les ayants droit ne pourront, en tant qu’organismes de gestion collective, revêtir la forme de sociétés de nature commerciale mais devront être des entités à caractère non lucratif, qui présenteront une structure associative et seront constituées par les titulaires des droits intellectuels et voisins.

3.5.3   Le Comité demande que l’article 5 de la directive 2006/115/CE soit complété par l’adjonction d’un paragraphe 6, dans lequel il conviendra d’indiquer que les sociétés ou organismes de gestion collective (SGC ou OGC) sont supervisés par un organisme indépendant de niveau national (organisme national unique de gestion), lequel peut être identique à celui qui a octroyé leur permis de collecte des droits des artistes interprètes ou exécutants. En d’autres termes, l’organisme émetteur des licences peut également être celui qui exercera le contrôle de supervision.

3.5.4   Le Comité demande que l’article 5 de la directive 2006/115/CE soit complété par l’adjonction d’un paragraphe 7, dans lequel il conviendra d’indiquer que les auteurs, interprètes ou exécutants qui sont des ayants droit sont habilités à «céder» les droits patrimoniaux qu’ils possèdent au titre de la propriété intellectuelle et «transférer» leur droit de prêt ou location à plusieurs OGC (SGC), existants ou nouvellement fondés. Dans la mesure où dans un tel dispositif, il existera différents OGC (SGC), le risque sera a) que ces redevances dues aux artistes seront collectées plus qu’une seule fois, par plusieurs de ces OGC (SGC), entraînant, comme danger supplémentaire, b) que l’utilisateur en arrivera à passer des contrats et faire des transactions avec un grand nombre d’entre eux plutôt qu’avec un seul OGC (SGC), et enfin c) à débourser une double rémunération pour l’utilisation de la même œuvre. L’organisme qui octroie les licences aux OGC (SGC) sera également compétent et responsable pour répartir entre les auteurs et les titulaires des droits voisins les rémunérations qu’ils auront récoltées auprès des utilisateurs. Il est proposé d’installer dans les lieux concernés des logiciels issus de la technologie moderne, qui permettront de recenser les coordonnées des phonogrammes (auteur, interprète, durée, etc.) lorsqu’ils sont exécutés, tant et si bien que l’utilisateur effectuera le paiement pour utilisation des droits des auteurs intéressés d’une manière telle qu’ils pourront également leur être reversés de manière proportionnée. L’organisme susmentionné assumera aussi la responsabilité d’éviter les paiements multiples pour la rémunération d’une œuvre dans son ensemble. Les États membres dépourvus d’un organisme d’octroi de licences aux OGC (SGC) devront pour leur part prévoir d’en créer un, suivant leur législation nationale.

3.5.5   Le Comité demande que l’article 5 de la directive 2006/115/CE soit complété par l’adjonction d’un paragraphe 8, dans lequel il conviendra d’indiquer que les OGC qui représentent les artistes interprètes ou exécutants devront dresser un bilan et un rapport financier nominatif sur la gestion et la répartition des rémunérations qu’ils auront collectées pour le compte des ayants droit et fournir tout autre élément propre à établir que les «rentrées» concernées ont été reversées à ces derniers et que ces «revenus» ont été «déclarés» et taxés par les services fiscaux des États membres. La comptabilité des organismes de gestion des droits et la répartition effective des droits collectés entre les divers ayants droit devront être certifiés par un auditeur indépendant dont le rapport devra être public; elles devront en outre faire l’objet d’un contrôle périodique par une autorité compétente, telle qu’une Cour des comptes ou une autorité publique indépendante

3.5.6   Le Comité demande que l’article 5 de la directive 2006/115/CE soit complété par l’adjonction d’un paragraphe 9, dans lequel il conviendra d’indiquer qu’au cas où les OGC ne reversent pas aux ayants droit les rémunérations qu’ils ont perçues, ou encore lorsqu’ils ne respectent pas les dispositions des paragraphes 5 et 7 de l’article dont il est question, l’organisme qui leur octroie les licences entreprendra tout d’abord de les leur retirer et, par voie de conséquence, suivant la gravité de la violation, de les renvoyer devant les tribunaux nationaux.

Bruxelles, le 14 juillet 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Les peines sont les mêmes, qu’il s’agisse d’usage privé ou de contrefaçon à des fins commerciales.

(2)  Cette étude a été publiée en février 2007.


ANNEXE

à l'avis du Comité économique et social européen

Les textes suivants de l'avis de section ont été modifié en faveur des amendements adoptés par l'Assemblée, mais ont recueillis plus du quart des suffrages exprimés (article 54(4) du règlement intérieur):

a)   Paragraphe 1.1.8

1.1.8

La transparence de la gestion des recettes perçues par les sociétés de gestion collective dans un environnement transfrontalier est sujette à interrogations. En effet, les auteurs, les titulaires de droits voisins, les redevables de droits ou le consommateur ne savent toujours pas ce qui est perçu, ni la destination des recettes engrangées par le système de gestion collective des droits.

Résultat du vote de l'amendement:

Voix pour

:

113

Voix contre

:

61

Abstentions

:

23

b)   Paragraphe 3.1.1

3.1.1

Il est de la plus haute importance de distinguer et de bien comprendre les notions de droit d'auteur et de droit voisin des interprètes. L'une et l'autre font partie d'un ensemble auquel on peut donner la qualification et la dénomination de «propriété intellectuelle». C'est un lieu commun que d'affirmer que celle-ci se compose du droit d'auteur, qui revient aux auteurs, compositeurs et paroliers des œuvres, et des prérogatives des droits voisins, qui sont dus aux artistes et aux exécutants desdites œuvres.

Résultat du vote de l'amendement:

Voix pour

:

116

Voix contre

:

55

Abstentions

:

27

c)   Paragraphe 3.1.3

3.1.3

Le Comité réclame l'harmonisation de certaines transpositions du droit de l'auteur intellectuel et des prérogatives des droits voisins des interprètes et exécutants. Une telle opération est nécessaire dans le cadre de l'action de communication et d'information, par exemple lorsque l'œuvre «phonogramme» devient «chose publique». La nécessité d'assurer la sécurité juridique et la protection des droits susmentionnés impose de procéder à une harmonisation des législations des États membres, dans des domaines comme cette notion de «chose publique», en tant que source de revenus procurant des rentrées aux auteurs, l'ensemble de la démarche ayant pour but de garantir le fonctionnement harmonieux du marché intérieur.

Résultat du vote de l'amendement:

Voix pour

:

108

Voix contre

:

57

Abstentions

:

31

d)   Paragraphe 3.2.1

3.2.1

La rémunération des auteurs au titre du droit intellectuel dans le domaine musical (dans sa partie patrimoniale) constitue probablement l'un des points sur lesquels la plupart des États membres rencontrent des problèmes particuliers dans les relations contractuelles entre les organismes de gestion collective et les utilisateurs.

Résultat du vote de l'amendement:

Voix pour

:

88

Voix contre

:

71

Abstentions

:

34

e)   Paragraphe 3.3.2

3.3.2

Le Comité estime qu'une distinction claire doit être établie entre l'exploitation commerciale et l'usage privé, en ce qui concerne le but de cette utilisation mais aussi les sanctions qui s'y rapportent. Est considérée comme «publique» toute utilisation, exécution ou communication d'une œuvre qui la rend accessible à un cercle plus large que le strict cercle de famille et l'environnement social immédiat, que les personnes composant ce cercle plus large se trouvent dans un même endroit ou dans des lieux différents, ainsi que toute communication au public non présent au lieu d'origine de la communication, cette définition devant couvrir toute transmission ou retransmission, de cette nature, d'une œuvre au public, par fil ou sans fil, y compris la radiodiffusion.

Résultat du vote de l'amendement:

Voix pour

:

103

Voix contre

:

53

Abstentions

:

27

f)   Paragraphe 3.3.3

3.3.3

Le Comité juge qu'il y a lieu de préciser de manière claire et franche que «l'utilisation publique» est celle au cours de laquelle l'utilisateur exploite une œuvre avec une visée lucrative et dans le cadre d'une activité entrepreneuriale qui exige ou justifie l'usage concerné (d'une œuvre, d'un son, d'une image ou encore d'un son et d'une image combinés).

Résultat du vote de l'amendement:

Voix pour

:

100

Voix contre

:

58

Abstentions

:

28

g)   Paragraphe 3.3.6

Étant donné qu'une rémunération équitable devrait contenir «sui generis» un élément de proportionnalité, souvent mis en œuvre dans la pratique, il convient de distinguer les activités économiques dans lesquelles l'exécution ou l'utilisation de l'œuvre constituent l'activité principale et rémunératrice de l'entreprise (organisateurs de concerts ou spectacles, cinéma, radio, télévision, etc.) d'autres activités économiques dans lesquelles l'exécution de l'œuvre a un caractère non économique (chauffeur de taxi écoutant une radio, tout en transportant un client par exemple) ou un caractère secondaire par rapport à l'activité économique principale (musique de fond dans un ascenseur de grand magasin, dans un restaurant, etc.). Les redevances applicables doivent faire l'objet d'une différenciation, allant de la gratuité jusqu'à une redevance complète suivant la proportion effective dans laquelle l'œuvre contribue à l'activité économique. Ces distinctions sont clairement appliquées dans nombre de pays, comme la France, qui appliquent un tarif différent pour les organisateurs de spectacles et diffuseurs d'œuvres d'une part, et les cafés-restaurants notamment d'autre part.

Résultat du vote de l'amendement:

Voix pour

:

106

Voix contre

:

62

Abstentions

:

27

h)   Paragraphe 3.3.7

3.3.7

Le Comité demande qu'après le paragraphe 7 de l'article 11 de la directive 2006/115/CE, qui dispose qu'en l'absence d'accord entre les titulaires de droits, les États membres peuvent fixer le niveau de la rémunération équitable, il soit ajouté un paragraphe 8, avec des dispositions réglementaires précisant la détermination de la rémunération équitable. Dans ce paragraphe 8, il conviendra d'indiquer qu'il est institué une commission de résolution des différends entre les ayants droit et les utilisateurs, à laquelle les deux parties devront obligatoirement recourir et dont les tractations devront déboucher sur un accord qui, conclu entre, d'une part, les créateurs et interprètes ayants droit et, d'autre part, les utilisateurs consommateurs, devra mentionner le montant de la rémunération équitable, pour l'ensemble du droit concerné. Le recours à cette commission de résolution des différends présuppose que les sociétés de gestion collective auront préalablement conclu par écrit un protocole d'accord de représentation des créateurs et interprètes ayants droit qu'elles représentent pour des œuvres données. En l'absence d'une telle convention, corroborée par un document à la datation certifiée qui énumérera un par un, pour chaque œuvre ou phonogramme concernés, quels sont les titulaires de droits, ces sociétés ne seront pas habilitées à exiger un quelconque paiement d'une somme au nom d'un ayant droit avec lequel elles ne seraient pas en contrat. Le mandat par conjecture, qui voudrait que du simple fait que l'on exige un versement, on soit présumé être mandaté pour ce faire, est irrecevable. La commission se composera d'un membre pour les consommateurs, d'un autre pour les ayants droit, ainsi que de deux autres, venant respectivement, parmi les partenaires sociaux, du groupe des employeurs et de celui des salariés ou, au niveau européen, pour le compte des groupes sociaux, d'un membre du CESE.

Résultat du vote de l'amendement:

Voix pour

:

116

Voix contre

:

57

Abstentions

:

23

i)   Paragraphe 3.4.1

3.4.1

Le Comité est convaincu que la protection des œuvres intellectuelles constitue réellement un enjeu d'une portée capitale pour l'essor économique et culturel de l'Union, en particulier face aux nouvelles évolutions de l'économie et de la technologie, mais qu'elle peut déboucher sur des résultats opposés à ceux qui sont recherchés, en l'occurrence en aboutissant à handicaper sensiblement le commerce, lorsque lesdits droits sont protégés d'une manière disproportionnée, au détriment des utilisateurs consommateurs.

Résultat du vote de l'amendement:

Voix pour

:

104

Voix contre

:

61

Abstentions

:

36

j)   Paragraphe 3.4.2

3.4.2

Le Comité s'inquiète de constater que bien loin d'éliminer les obstacles aux échanges et aux innovations dans ce domaine, la directive en vigueur les en crée de nouveaux. Pour ne prendre que cet exemple, le flou qui entoure la question de la rémunération équitable a pour effet de compliquer plutôt que de faciliter le fonctionnement des petites et moyennes entreprises durant une période de protection qui se trouve allongée, sans les indispensables garde-fous; tel est encore le cas lorsque les OGC n'adoptent pas un comportement rationnel et transparent, que les utilisateurs commerciaux n'ont pas pleinement connaissance de la situation qui prévaut ou que le préjudice qui découle pour les ayants droit d'une éventuelle utilisation de l'œuvre concernée est insignifiant, alors que les sanctions correspondantes sont d'une sévérité excessive.

Résultat du vote de l'amendement:

Voix pour

:

104

Voix contre

:

61

Abstentions

:

36

k)   Paragraphe 3.4.3

3.4.3

Le Comité prône avec insistance le remplacement du paragraphe qui accorde aux États membres une liberté d'appréciation quant aux sanctions imposées, étant donné que celles prévues par bon nombre d'entre eux – dont certaines peuvent même être de nature pénale – sont souvent dépourvues du caractère proportionné qu'elles devraient revêtir.

Résultat du vote de l'amendement:

Voix pour

:

104

Voix contre

:

61

Abstentions

:

36

l)   Paragraphe 3.4.4

3.4.4

Le Comité s'alarme tout particulièrement de voir que la législation communautaire vise à protéger les droits intellectuels et droits voisins des créateurs, artistes, etc., mais ne prend pas suffisamment en compte ceux des utilisateurs et, au final, des consommateurs. En effet, s'il est signalé que les actions créatives, artistiques et entrepreneuriales constituent, dans une large mesure, des activités de professions libérales et doivent en tant que telles être facilitées et protégées, ce n'est pas la même approche qui est suivie au niveau des utilisateurs. L'usage de nombre d'œuvres intellectuelles n'est autorisé qu'à titre de dérogation aux droits exclusifs des bénéficiaires, avec des limitations pour les utilisateurs; néanmoins, les limites à leur usage ne sont ni absolument claires, ni bien établies par la loi, et les consommateurs se heurtent à la législation en vigueur pour ce qui est de savoir quelles sont les pratiques autorisées.

Résultat du vote de l'amendement:

Voix pour

:

104

Voix contre

:

61

Abstentions

:

36