52008DC0616

Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité des régions et au Comité économique et social européen - Livre vert sur la cohésion territoriale: faire de la diversité territoriale un atout {SEC(2008)2550} /* COM/2008/0616 final */


[pic] | COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES |

Bruxelles, le 6.10.2008

COM(2008) 616 final

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU CONSEIL, AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU COMITÉ DES RÉGIONS ET AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

Livre vert sur la cohésion territoriale: faire de la diversité territoriale un atout {SEC(2008)2550}

TABLE DES MATIÈRES

1. La cohésion économique et sociale d’un point de vue territorial 3

2. Pour un développement mieux équilibré et plus harmonieux 5

2.1. Concentration: gommer les écarts de densité 6

2.2. Relier les territoires et maîtriser les distances 7

2.3. Coopération: surmonter les divisions 7

2.4. Régions ayant des caractéristiques géographiques particulières 9

3. La cohésion territoriale: débat et pratique à l’échelle de l’Union et dans les États membres 10

3.1. La cohésion territoriale dans la programmation des politiques communautaires… 10

3.2. … et dans le débat à l’échelle nationale et entre les États membres 11

4. Questions soumises à discussion 12

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU CONSEIL, AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU COMITÉ DES RÉGIONS ET AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

Livre vert sur la cohésion territoriale: faire de la diversité territoriale un atout

LA COHÉSION ÉCONOMIQUE ET SOCIALE D’UN POINT DE VUE TERRITORIAL

Des toundras gelées du cercle polaire arctique aux forêts tropicales de la Guyane, de la chaîne des Alpes aux îles grecques, de ses métropoles mondiales que sont Londres et Paris à ses petites villes et villages séculaires, l’Union européenne recèle une diversité territoriale d’une infinie richesse.

La cohésion territoriale consiste à garantir le développement harmonieux de tous ces territoires et à permettre à leurs habitants de tirer le meilleur parti de leurs caractéristiques propres. Elle est, à ce titre, un moyen de faire de la diversité un atout qui contribue au développement durable de l’ensemble de l’Union.

La coordination des politiques dans de vastes zones, telles que la région de la mer Baltique, l’amélioration des conditions le long de la frontière extérieure orientale, la promotion des métropoles durables et compétitives sur la scène mondiale, la lutte contre l’exclusion sociale dans de vastes régions et dans les quartiers défavorisés des villes, l’amélioration de l’accès à l’éducation, aux soins de santé et à l’énergie dans les régions excentrées ou encore les difficultés de certaines régions ayant des caractéristiques géographiques particulières sont autant de sujets liés à la cohésion territoriale.

De plus en plus, la compétitivité et la prospérité dépendent de la capacité des hommes et des entreprises à exploiter tous les atouts de leur territoire de manière optimale. Néanmoins, dans une économie en constante mondialisation et de plus en plus interconnectée, la compétitivité repose également sur l’érection de passerelles entre les territoires, de manière à favoriser une utilisation coordonnée et durable des atouts communs. Une coopération allant de pair avec les flux de technologies et d’idées, mais également de marchandises, de services et de capitaux, devient un élément toujours plus essentiel du développement territorial et un facteur clef de la croissance durable à long terme de toute l’Union européenne.

L’action des pouvoirs publics peut aider les territoires à exploiter au mieux leurs atouts. Elle peut également les aider à apporter une réponse commune aux problèmes communs, à atteindre une masse critique et à améliorer les retombées en regroupant leur action, en profitant de leur complémentarité et de leurs synergies et en surmontant les divisions engendrées par les découpages administratifs.

Nombre des difficultés rencontrées dans les territoires dépassent les frontières sectorielles et la mise au point de solutions efficaces impose une réaction et une coopération intégrées des différentes autorités et parties prenantes. C’est ainsi que la notion de cohésion territoriale permet de jeter des ponts entre efficacité économique, cohésion sociale et équilibre écologique, en plaçant le développement durable au cœur de l’élaboration des politiques.

L’importance de la dimension territoriale est reconnue depuis longtemps. Elle est depuis toujours un élément fondamental des politiques structurelles de l’Union européenne[1]. Diverses politiques sectorielles ont également des effets particuliers sur les territoires et certaines d’entre elles traitent en partie de problèmes territoriaux spécifiques[2].

Dans le cadre des politiques structurelles, l’éligibilité à un financement est principalement déterminée à l’échelon régional et la nécessité de fonder la conception des stratégies de développement sur les atouts propres, le capital physique, humain et social, et les ressources naturelles des territoires est de plus en plus largement reconnue. Qui plus est, les politiques structurelles européennes ont soutenu, au fil des années, une approche multisectorielle et intégrée du développement économique et social dans l’ensemble de l’Union.

Les orientations stratégiques communautaires en matière de cohésion, adoptées par le Conseil en 2006, soulignent l’importance de la cohésion territoriale: «[…] la promotion de la cohésion territoriale devrait s’intégrer dans les efforts visant à ce que l’Europe tout entière ait la possibilité de contribuer à l’action en faveur de la croissance et de l’emploi.»[3] De même, les orientations stratégiques de la Communauté pour le développement rural[4] mettent l’accent sur la contribution que les programmes communautaires dans ce domaine peuvent apporter à la cohésion territoriale. Parallèlement, la nécessité d’encourager la coopération, le dialogue et les partenariats entre les différents niveaux de gouvernement, d’une part, et entre les autorités et les acteurs (organisations et citoyens) sur le terrain participant directement au développement, d’autre part, est de plus en plus largement admise.

Néanmoins, une clarification des nombreuses questions qu’elle soulève serait profitable à la cohésion territoriale. Une compréhension commune de ces sujets contribuerait à améliorer la conduite de la politique de cohésion, en la rendant plus souple, plus adaptable à l’échelle territoriale la plus appropriée, plus attentive aux préférences et aux besoins locaux et mieux coordonnée avec les autres politiques, à tous les niveaux et conformément au principe de subsidiarité.

Lors de la réunion informelle des ministres de l’Union chargés de l’aménagement du territoire et du développement régional à Leipzig, les 24 et 25 mai 2007, la Commission a été invitée à «présenter en 2008 un rapport sur la cohésion territoriale»[5]; le présent livre vert fait suite à ces conclusions et ouvre le débat sur la cohésion territoriale en vue d’approfondir la compréhension de ce concept et d’étudier ses conséquences sur le plan politique et en matière de coopération. Ce débat ne préjuge pas de l’issue de la réflexion actuellement en cours à la Commission concernant la révision budgétaire. Aucun des aspects financiers de l’actuel cadre financier de la politique de cohésion n’est concerné par le présent livre vert.

POUR UN DÉVELOPPEMENT MIEUX ÉQUILIBRÉ ET PLUS HARMONIEUX[6]

La répartition de l’habitat dans l’Union européenne est unique. On y compte environ 5 000 petites villes[7] et près de 1 000 grandes villes[8], qui constituent autant de centres d’activité économique, sociale et culturelle.

Ce tissu urbain relativement dense comprend toutefois peu de très grandes villes. Les villes de plus de 5 millions d’habitants représentent seulement 7 % de la population totale de l’Union, contre 25 % aux États-Unis, et seules cinq villes de l’UE figurent dans le classement des cent plus grandes villes du monde[9].

Cette structure de l’habitat contribue à la qualité de vie dans l’Union européenne, tant pour les citadins vivant à proximité de zones rurales que pour les personnes résidant en milieu rural et ayant facilement accès aux services. Elle contribue également à préserver les ressources, car elle permet d’éviter les déséconomies d’échelle constatées dans les très grandes agglomérations[10] et les niveaux élevés d’utilisation de l’énergie et d’occupation des sols liés à l’expansion tentaculaire des villes[11], dont l’importance ne cessera de croître avec le changement climatique et la mise en œuvre des mesures pour s’y adapter ou pour le combattre.

En revanche, la répartition de l’activité économique est beaucoup moins équilibrée que celle de l’habitat (voir la carte 1). Si la concentration de l’activité présente quelques avantages, elle est également une source de coûts liés à l’encombrement du réseau routier, aux prix élevés de l’immobilier, à l’exclusion sociale et à la pollution. À l’échelle de l’Union, la répartition de l’activité s’est équilibrée au cours de la décennie précédente grâce la forte croissance économique de l’Irlande, de l’Espagne et des nouveaux États membres (voir carte 2). L’activité est également plus homogène au sein même de certains pays – notamment l’Irlande et l’Espagne, mais il existe encore des zones au potentiel inexploité alors que certaines agglomérations urbaines restent fortement congestionnées.

Un développement plus équilibré et durable, inhérent au concept de la cohésion territoriale, favoriserait une exploitation plus équitable et durable des atouts, en retirant des avantages économiques d’un allégement de la circulation routière et d’une baisse de la pression sur les coûts, ce qui serait bénéfique à la fois pour l’environnement et pour la qualité de vie.

Dans son Rapport sur le développement dans le monde 2009 , la Banque mondiale souligne combien la densité de population, les distances et les divisions peuvent influer sur le rythme du développement économique et social. À son échelle, l’Union européenne est confrontée à des problèmes analogues. La réponse politique à ces questions peut être apportée sur trois plans, comme développé ci-après: la concentration, les liaisons et la coopération.

Par ailleurs, certaines régions ont des caractéristiques géographiques pouvant engendrer des problèmes particuliers en matière de cohésion territoriale; leur cas fait l’objet d’un point distinct à la fin de cette partie.

Concentration: gommer les écarts de densité

Comme indiqué précédemment, dans l’Union européenne, l’activité économique est plus concentrée que la population. Cette concentration comporte des avantages: retombées plus importantes grâce à l’agglomération et au regroupement d’activités sur certains sites, par exemple une meilleure disponibilité des soins de santé et un accès plus facile aux établissements d’enseignement supérieur et de formation. Ces effets positifs se traduisent notamment par un niveau élevé du PIB par habitant, de la productivité, de l’emploi, de la recherche et de l’innovation dans les capitales et les agglomérations à forte densité de population par rapport à la moyenne nationale.

Toutefois, l’encombrement du réseau routier induit par la concentration génère également des déséconomies d’échelle et bon nombre de quartiers urbains sont confrontés à de graves problèmes de dégradation et d’exclusion sociale. Ces effets négatifs se traduisent non seulement par un PIB par habitant inférieur à la moyenne et un taux élevé de chômage, mais également par l’apparition d’îlots de précarité, de délinquance et de troubles sociaux dans de nombreuses villes parmi les plus prospères. Dans ces zones, la priorité devrait donc être donnée à la lutte contre les facteurs externes négatifs de manière à permettre à toutes les catégories d’habitants de tirer bénéfice d’économies très spécialisées et productives.

Les régions intermédiaires, qui comptent un plus grand nombre de petites villes, peuvent également profiter de retombées plus importantes grâce à la mise en place de solides réseaux de grandes et de petites villes et à l’adoption de stratégies coordonnées de développement de leurs atouts. Les grandes et les petites villes situées dans les régions intermédiaires et rurales constituent également une source primordiale de services pour les zones rurales avoisinantes.

De fait, dans les zones rurales les plus éloignées des grandes villes, les villes petites et moyennes pèsent bien plus lourd que leur taille ne le laisse penser. Elles offrent un accès crucial à certains services, y compris les infrastructures nécessaires pour investir dans l’adaptabilité des personnes et des entreprises, jouant ainsi un rôle unique dans la lutte contre l’exode rural et la préservation de l’attractivité de ces espaces en tant que lieux de vie.

Bien que l’activité économique soit principalement concentrée dans les villes, les zones rurales demeurent un élément essentiel de l’Union européenne. Elles abritent la majeure partie des ressources et des milieux naturels (lacs, forêts, sites Natura 2000, etc.) (voir carte 6), offrent une bonne qualité de l’air (voir carte 7) et sont généralement des lieux de vie ou à visiter attrayants et sûrs.

Le principal défi consiste à favoriser un développement territorial équilibré et durable de l’Union dans son ensemble et à renforcer sa compétitivité et son potentiel de croissance économique tout en veillant à la nécessité de préserver ses atouts naturels et à garantir sa cohésion sociale. Pour y parvenir, il sera nécessaire d’éviter toute concentration excessive de la croissance et de faciliter l’accès de l’ensemble des territoires aux retombées liées à la concentration urbaine.

Relier les territoires et maîtriser les distances

À notre époque, relier les territoires sous-entend bien plus qu’entretenir de bonnes liaisons intermodales de transport. Il s’agit également d’offrir un accès approprié aux services, notamment aux soins de santé, à l’éducation, à l’énergie durable ou encore à l’Internet haut débit, ainsi qu’une interconnexion fiable des réseaux d’énergie et des liens solides entre les entreprises et les centres de recherche, ce qui est également essentiel pour répondre aux besoins spécifiques des catégories défavorisées.

L’accès aux systèmes de transport intégrés nécessite la construction de routes ou de connexions ferroviaires entre les villes, la création de voies navigables intérieures et la mise au point de chaînes de transport intermodales et de systèmes avancés de gestion du trafic.

Les bonnes liaisons routières sont rares dans les nouveaux États membres, où il faut beaucoup plus de temps pour aller d’une ville à une autre en voiture que dans l’UE-15 (voir carte 8). Pour ce qui est des liaisons ferroviaires, leur répartition est également hétérogène et, dans la plupart des États membres, les lignes ne sont pas adaptées à la grande vitesse et ont souvent besoin de réparations.

En raison de la qualité inégale des réseaux de routes secondaires et des transports publics, accéder à un aéroport prend souvent du temps (voir carte 9) et le transport maritime, qui pourrait contribuer à décongestionner les axes saturés et à réduire les émissions de CO2, demeure sous-exploité (voir carte 10).

Il est également important d’offrir un accès fiable à l’énergie et de s’employer à régler la situation particulière des réseaux isolés du marché européen pour des raisons géographiques (régions rurales et éloignées, îles) ou historiques (par exemple les républiques baltes), afin de garantir un approvisionnement solide et efficace. Les énergies renouvelables et les mesures d’efficacité énergétique présentent un certain potentiel en matière de diversification et de développement durable.

L’accès aux services d’intérêt économique général – notamment en matière de soins de santé et d’éducation – est souvent problématique dans les zones rurales; par exemple, dans les régions éloignées, 40 % de la population, en moyenne, vit à plus d’une demi-heure de route d’un hôpital et 43 % à plus d’une heure d’une université (voir tableau 2). Le potentiel des technologies de l’information et de la communication pour l’accès aux soins de santé et à l’éducation - grâce à la télémédecine et à l’enseignement à distance - peut encore être développé, notamment dans les zones éloignées.

En revanche, l’accès à l’Internet haut débit, qui est aujourd’hui indispensable pour bon nombre d’entreprises et de particuliers, présente encore des lacunes. En 2007, le pourcentage de foyers ayant accès à l’Internet haut débit dans les zones rurales était inférieur de 15 points en moyenne à ce qu’il était dans les villes.

Coopération: surmonter les divisions

La bonne gestion des problèmes de liaisons et de concentration exige une coopération étroite à différents niveaux. De la même façon, les questions environnementales – liées au changement climatique, aux inondations, à l’appauvrissement de la biodiversité, à la pollution ou encore aux déplacements – ignorent toutes les frontières et nécessitent une coopération. La fréquence et la gravité des sécheresses, des incendies et des inondations frappant toutes les régions et tous les pays à divers degrés continueront probablement d’augmenter avec le changement climatique. Et même les problèmes perçus comme strictement locaux, par exemple la pollution des sols, trouvent souvent leur origine dans des phénomènes transfrontaliers de portée beaucoup plus vaste.

De même, les déplacements quotidiens transrégionaux – voire transnationaux – exigent souvent une coopération entre les administrations afin de proposer des solutions (par exemple des transports publics) visant à limiter les facteurs externes négatifs.

Dans une économie mondialisée, la croissance repose de plus en plus sur l’action de structures de coopération multiples rassemblant différents types de protagonistes publics et privés. C’est notamment le cas pour les stratégies d’innovation nécessitant la participation de nouvelles entités, notamment des parties prenantes autres que des entreprises. Il apparaît donc nécessaire d’adapter les modalités de mise en œuvre des stratégies de croissance locales de manière à refléter cette nouvelle réalité.

La prise en compte efficace de ces problèmes – et d’autres – exige une réponse politique sur une échelle géographique variable, prévoyant dans certains cas une coopération entre des autorités locales voisines, et dans d’autres une coopération entre différents pays, voire entre l’Union européenne et des pays voisins.

Dans un certain nombre d’États membres, des organismes métropolitains rassemblant différents niveaux d’autorités ont été mis sur pied afin d’aborder certaines questions transcendant les frontières régionales telles que le développement économique, les transports publics, l’accès aux soins de santé et aux établissements d’enseignement supérieur et de formation, la qualité de l’air ou encore les déchets. Certaines régions métropolitaines dépassent non seulement les frontières locales et régionales, mais également les frontières nationales, comme c’est le cas de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, qui comprend des villes situées de part et d’autre de la frontière.

Les régions frontalières intérieures des pays de l’UE-15 profitent depuis de nombreuses années du renforcement de la coopération transfrontalière encouragé par la politique de cohésion, par exemple dans le cas de l’Euregio Rhein-Waal, créée par les autorités locales allemandes et néerlandaises de part et d’autre de la frontière en vue d’améliorer, entre autres, l’accessibilité, la qualité et l’efficacité des soins transfrontaliers dans la région. Cette coopération est d’autant plus importante que la réglementation relative à l’accès aux soins transfrontaliers[12] manque de clarté.

En revanche, dans les régions frontalières des nouveaux États membres et dans les zones situées des deux côtés de l’ancien rideau de fer, la coopération n’a commencé que récemment. Il reste encore beaucoup à faire pour mettre au point des stratégies de coopération cohérentes dans les domaines des infrastructures et de l’économie (voir carte 11). De même, le développement cohérent des espaces maritimes dépassant les frontières est plutôt rare.

Les régions frontalières extérieures accusent un retard en matière de développement économique et de PIB par habitant (voir tableau 3). Cependant, l’Union est entourée, au sud et à l’est, de régions ayant un PIB par habitant encore plus faible et une croissance démographique plus importante (voir cartes 12 et 13), ce qui crée une forte pression migratoire.

Régions ayant des caractéristiques géographiques particulières

Trois catégories particulières de régions sont confrontées à des problèmes de développement spécifiques:

- les régions montagneuses, qui sont souvent des régions frontalières et dont plus d’un tiers de la population vit en milieu rural;

- les régions insulaires, qui sont souvent montagneuses et dont plus de la moitié de la population vit également dans une région frontalière; six des sept régions ultrapériphériques de l’Union sont insulaires;

- les dix-huit régions à faible densité de population, toutes rurales et presque toutes frontalières.

Ces catégories ne sont pas exhaustives et d’autres régions ayant des caractéristiques particulières sont également confrontées à des défis communs, notamment les zones côtières, qui subissent une forte pression du développement et sont exposées aux risques liés au réchauffement climatique, ou encore les régions ultrapériphériques, dont les problèmes sont liés à l’évolution démographique et aux phénomènes migratoires, à l’accessibilité ou encore à l’intégration régionale[13].

Les régions montagneuses abritent quelque 10 % de la population totale de l’Union européenne (tableau 4). Le PIB moyen par habitant y atteint 80 % de la moyenne européenne, bien qu’il dépasse également cette moyenne pour 25 % de ces habitants. Dans la plupart de ces régions, on a constaté soit une croissance soit une stagnation de la population entre 1995 et 2004. Les régions montagneuses comptent de nombreux sites naturels et sont souvent bien desservies par les transports, ce qui en fait des destinations touristiques très prisées. Les services de base y sont également bien présents, même si leur disponibilité est très variable en fonction des régions. Néanmoins, ces régions sont confrontées aux problèmes posés par le changement climatique, une économie dépendant d’un nombre limité d’activités, la pression liée au tourisme ainsi que l’appauvrissement de la biodiversité.

Les régions insulaires abritent quelque 3 % de la population totale de l’Union européenne (environ 14 millions d’habitants). En raison de leur diversité, il est difficile d’en dresser un portrait général. Leur population et leur PIB par habitant sont très hétérogènes, tout comme la croissance de leur PIB; ces différences sont dues à la diversité de leurs structures économiques: certaines dépendent totalement du tourisme tandis que dans d’autres, le secteur des services est très diversifié. Dans la plupart de ces régions, on a enregistré une croissance de la population entre 1995 et 2004. Néanmoins, de nombreuses îles sont encore confrontées aux problèmes liés à l’accessibilité, à la petite taille de leur marché et au coût élevé de la fourniture des services publics de base et de l’approvisionnement en énergie.

Seuls 2,6 millions de citoyens de l’Union vivent dans des régions à faible densité de population, ce qui est relativement peu. Leur PIB par habitant varie considérablement: selon les régions, il peut être de considérablement inférieur à largement supérieur à la moyenne européenne. Dans la plupart de ces régions, la population est restée stable entre 1995 et 2004, mais elle a enregistré une baisse de 5 % dans trois d’entre elles. Faible densité de population, éloignement et faiblesse structurelle – notamment leur dépendance du secteur primaire – coexistent dans ces régions et l’accumulation de ces facteurs constitue un obstacle majeur au développement.

LA COHÉSION TERRITORIALE: DÉBAT ET PRATIQUE À L’ÉCHELLE DE L’UNION ET DANS LES ÉTATS MEMBRES

À quelques exceptions près, les caractéristiques des régions exposées ci-dessus ne constituent pas le principal facteur déterminant l’octroi d’une aide communautaire. Si les politiques structurelles de l’Union européenne ont toujours visé les régions les plus défavorisées dans le but de les aider à développer leurs atouts et les domaines dans lesquels elles pouvaient exploiter un avantage comparatif, ou à surmonter les éventuelles contraintes pesant sur leur croissance liées à leurs caractéristiques particulières, l’incidence de la plupart des autres politiques communautaires sur la cohésion territoriale est beaucoup moins connue.

La cohésion territoriale dans la programmation des politiques communautaires…

La coordination des politiques sectorielles et territoriales est essentielle pour optimiser les synergies et éviter l’apparition de tout conflit. Un débat sur la cohésion territoriale doit avoir lieu afin de mettre le doigt sur les problèmes existants et d’en approfondir l’analyse, non seulement dans les domaines les plus évidents indiqués ci-après, mais également sur un plan plus général.

- La politique des transports a une incidence évidente sur la cohésion territoriale, notamment du fait de ses conséquences en matière d’implantation de l’activité économique et de répartition de l’habitat. Elle joue un rôle particulièrement important dans l’amélioration des liaisons avec les régions les moins développées et au sein même de ces dernières.

- La politique énergétique contribue à la cohésion territoriale par le développement d’un marché intérieur du gaz et de l’électricité entièrement intégré. Les mesures d’efficacité énergétique et la politique relative aux énergies renouvelables favorisent également le développement durable dans l’ensemble de l’Union européenne et peuvent offrir des solutions à long terme pour les régions isolées.

- La fourniture d’un accès à l’Internet haut débit a un rôle tout aussi essentiel à jouer, étant donné son importance croissante pour la compétitivité et la cohésion sociale.

- En permettant le maintien d’activités et de revenus dans les régions rurales et en encourageant une gestion saine des terres, le premier pilier de la Politique agricole commune et l’aide qu’il apporte aux agriculteurs a aussi des effets importants sur les territoires.

- La stratégie européenne pour l’emploi – partie intégrante de la stratégie de Lisbonne – contribue de manière conséquente au développement du capital humain par l’amélioration de l’éducation et l’acquisition de nouvelles compétences dans différents territoires. En outre, la cohésion territoriale figure parmi les trois objectifs principaux des lignes directrices pour l’emploi.

- Les bassins maritimes font face à des demandes concurrentes d’utilisation des eaux. Les régimes individuels applicables à la pêche, à l’aquaculture, à la protection des mammifères marins, à la navigation, aux secteurs pétrolier et gazier, et à l’industrie minière sont conçus pour résoudre les conflits sectoriels, mais pas intersectoriels. La mise sur pied d’une politique maritime intégrée pour l’Union européenne est en cours; elle vise à aborder les problèmes de coordination de cet ordre dans la perspective d’un développement durable des zones marines.

- La politique de l’environnement a de nombreuses conséquences pour l’implantation de l’activité économique. La réglementation en la matière peut comporter une dimension spatiale et peser sur l’aménagement du territoire. Pour contribuer efficacement à atteindre les objectifs et à satisfaire aux exigences politiques, les régions et les parties prenantes travaillent de concert, par exemple dans le contexte du plan d’action communautaire sur la biodiversité et de la cogestion du réseau Natura 2000.

- L’accès à une recherche de qualité et la possibilité de prendre part à des projets transnationaux ont des effets de plus en plus importants sur le développement régional. La dimension territoriale de la politique de la recherche se reflète dans la création de l’espace européen de la recherche (EER), au sein duquel les chercheurs peuvent librement se déplacer, interagir et coopérer.

- La politique de la concurrence peut influer sur la répartition géographique de l’activité économique en veillant à ce que les aides régionales soient consacrées aux zones les plus défavorisées et en modulant leur importance en fonction de la nature et de l’échelle des problèmes.

… et dans le débat à l’échelle nationale et entre les États membres

Dans l’Union européenne, la cohésion territoriale fait l’objet d’un dialogue intergouvernemental depuis le milieu des années 1990, principalement entre les ministres chargés de l’aménagement du territoire. Ce débat a abouti, en 1999, à l’adoption du schéma de développement de l’espace communautaire (SDEC), qui a donné naissance, à son tour, à d’importantes initiatives parmi lesquelles la première génération des programmes INTERREG de coopération transnationale et la création de l’Observatoire en réseau de l’aménagement du territoire européen (ORATE).

Toutefois, le débat n’a pas avancé autant qu’il l’aurait pu jusqu’à récemment, probablement parce que certains États membres craignaient que leurs compétences nationales – ou régionales – dans le domaine de l’occupation des sols et de l’aménagement du territoire puissent être remises en question. Or, la remise en cause des compétences nationales et régionales dans ce domaine n’est en aucun cas le but recherché. Ces aspects ne relèvent pas du débat ouvert par le présent livre vert.

En adoptant l’agenda territorial à Leipzig, en mai 2007, les ministres européens chargés de l’aménagement du territoire et du développement régional ont souligné la nécessité de contribuer à la croissance économique durable ainsi qu’à la création d’emplois et au développement social et écologique de toutes les régions de l’Union, tout en donnant aux citoyens «des chances équivalentes […] en termes de conditions de vie et de la qualité de vie, quel que soit le lieu où ils vivent»[14]. L’agenda territorial et le premier programme d’action pour sa mise en œuvre, adopté en novembre 2007 aux Açores, ont ainsi redynamisé le débat en déterminant six priorités territoriales (des clusters régionaux pour l’innovation, des structures écologiques et des ressources culturelles, le polycentrisme, ou encore de nouvelles formes de partenariat et de gouvernance territoriale) et les mesures nécessaires à leur concrétisation.

En corollaire de ce processus, en 2007, la Commission a invité les États membres à répondre à une étude consacrée à la conception et à la mise en œuvre de la cohésion territoriale dans les pratiques nationales (voir l’annexe).

QUESTIONS SOUMISES À DISCUSSION

Les questions ci-dessous couvrent l’ensemble des sujets abordés dans le présent livre vert et délimitent la portée du débat qu’il est ici question d’ouvrir. La Commission élaborera une synthèse de ce débat à la fin du printemps 2009.

1. Définition

La cohésion territoriale fait apparaître plusieurs nouveaux problèmes et remet l’accent sur quelques sujets actuels.

- Quelle est la meilleure définition de la cohésion territoriale?

- Quels nouveaux éléments pourrait-elle apporter à la pratique actuelle de l’Union européenne en matière de cohésion économique et sociale?

2. Ampleur et portée de l’action territoriale

La cohésion territoriale souligne la nécessité d’adopter une démarche intégrée pour résoudre les problèmes à l’échelle la plus appropriée, avec une éventuelle coopération des autorités locales, régionales et même nationales.

- L’Union européenne peut-elle favoriser la cohésion territoriale? De quelle manière peut-elle y contribuer tout en respectant le principe de subsidiarité?

- Dans quelle mesure l’échelle territoriale de l’intervention politique doit-elle être adaptée à la nature des problèmes abordés?

- Les régions ayant des caractéristiques géographiques particulières doivent-elles faire l’objet de mesures spécifiques? Si oui, lesquelles?

3. Une meilleure coopération

Le renforcement de la coopération transrégionale et transnationale soulève des questions en matière de gouvernance.

- Quel rôle la Commission peut-elle jouer afin de favoriser et de soutenir la coopération territoriale?

- De nouvelles formes de coopération territoriale sont-elles nécessaires?

- Est-il nécessaire de créer de nouveaux instruments législatifs et outils de gestion visant à faciliter la coopération, y compris dans les régions frontalières extérieures?

4. Une meilleure coordination

Une meilleure coordination des politiques sectorielles et territoriales et une plus grande cohérence des interventions territoriales sont indispensables à l’amélioration de la cohésion territoriale.

- De quelle manière la coordination entre les politiques territoriales et sectorielles peut-elle être améliorée?

- Dans l’élaboration de quelles politiques sectorielles serait-il utile d’accorder une plus grande attention aux conséquences territoriales? Quels outils pourraient être mis au point à cet égard?

- De quelle manière la cohérence des politiques territoriales peut-elle être renforcée?

- Comment peut-on favoriser la complémentarité des politiques communautaires et nationales dans un souci d’amélioration de la cohésion territoriale?

5. Nouveaux partenariats territoriaux

Une participation plus large à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques peut également être nécessaire à la cohésion territoriale.

- La participation de nouveaux acteurs – par exemple de représentants de l’économie sociale, de parties prenantes locales, d’associations d’intérêt général ou encore d’ONG – à l’élaboration des politiques est-elle nécessaire à la cohésion territoriale?

- De quelle manière le niveau de participation souhaité peut-il être atteint?

6. Améliorer la compréhension de la cohésion territoriale

- Quels indicateurs quantitatifs et qualitatifs peuvent-ils être mis au point au niveau de l’Union pour assurer le suivi des caractéristiques et des tendances de la cohésion territoriale?

La Commission invite toutes les parties intéressées à répondre aux questions posées dans le présent livre vert. Les réponses et les observations doivent être transmises avant le 28 février 2009 par courrier à l’adresse suivante:

Commission européenneDG Politique régionaleLivre vert sur la cohésion territoriale

CSM1 4/161

B-1049 Bruxelles

ou par courrier électronique à l’adresse suivante:

REGIO-GreenPaper-Territorial@ec.europa.eu

Les réponses reçues par voie électronique accompagnées des coordonnées de leurs auteurs seront publiées, avec l’accord des personnes concernées, sur le site Internet consacré au livre vert.

[1] Le terme «politiques structurelles de l’Union européenne» désigne principalement les interventions des instruments suivants: FEDER, FSE, Fonds de cohésion, Fonds pour le développement rural et Fonds pour la pêche.

[2] Par exemple, les régimes spécifiques applicables aux régions ultrapériphériques et à certaines îles grecques.

[3] Journal officiel L 291 du 21.10.2006, p. 29.

[4] Journal officiel L 55 du 25.2.2006, p. 26.

[5] http://bmvbs.de/Anlage/original_1005304/Conclusions-de-la-Pr-sidence-allemande-du-Conseil-de-l-Union-europ-enne-accessible.pdf

[6] Voir le document SEC(2008) 2550 pour une explication des typologies territoriales utilisées dans cette partie.

[7] De 5 000 à 50 000 habitants.

[8] Plus de 50 000 habitants.

[9] www.citypopulation.de.

[10] Voir le rapport de l’OCDE Competitive Cities in the Global Economy , 2007.

[11] Peter Newman et Jeffrey Kenworthy, Sustainability and Cities , Island Press, 1999.

[12] Proposition de directive relative à l’application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers, COM(2008) 414.

[13] Ces questions font l’objet d’une communication distincte, qui sera adoptée à la mi-octobre 2008.

[14] Agenda territorial de l’Union européenne, Leipzig, les 24 et 25 mai 2007.