52008DC0238

Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, Comité économique et social européen, au Comité des régions et à la Banque centrale européenne - UEM@10: Bilan de l’Union économique et monétaire dix ans après sa création {SEC(2008) 553} /* COM/2008/0238 final */


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Bruxelles, le 7.5.2008

COM(2008) 238 final

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN, AU COMITÉ DES RÉGIONS ET À LA BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE

UEM@10: Bilan de l’Union économique et monétaire dix ans après sa création

{SEC(2008) 553}

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN, AU COMITÉ DES RÉGIONS ET À LA BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE

UEM@10: Bilan de l’Union économique et monétaire dix ans après sa création

UNE ÉTAPE HISTORIQUE

Le 2 mai 1998, les dirigeants européens ont pris la décision historique d’introduire la monnaie unique, l’euro. Le passage à la dernière phase de l’Union économique et monétaire (UEM) - le 1er janvier 1999 - a marqué un tournant décisif dans l'intégration européenne. En dépit de son caractère essentiellement économique, cette avancée a envoyé un signal politique très fort aux citoyens européens et au reste du monde: l’Europe est capable de prendre des décisions de grande envergure visant à jeter les bases d’un avenir commun et prospère pour un continent qui a trop souvent souffert des guerres et de l’instabilité économique et politique. La création de l’UEM – qui représente la réforme monétaire la plus importante depuis Bretton Woods – a constitué une décision audacieuse sans précédent dans l’histoire économique moderne de l’Europe et a transformé le paysage économique mondial.

Dix ans après sa création, l'euro est un succès incontestable. La monnaie unique est devenue un symbole de l’Europe, considéré par les habitants de la zone euro comme l’une des réalisations les plus positives de l’intégration européenne, au même titre que la libre circulation dans l’UE et la paix en Europe. Pour un habitant sur deux de la zone euro, Union européenne rime avec monnaie unique. L’UEM a apporté la stabilité macroéconomique et dynamisé les échanges commerciaux transfrontaliers, l’intégration financière et l’investissement. Le nombre de pays ayant adopté l'euro a augmenté: de onze initialement, il est passé à quinze au début de 2008 et devrait continuer de croître. L'UEM revêt une importance stratégique pour l'UE et, de fait, pour le monde dans son ensemble. L’Europe est devenue un pôle de stabilité macroéconomique, ce qui est particulièrement bienvenu en ces temps de crise financière.

Si l’euro est un franc succès, il n’a en revanche pas encore répondu à certaines attentes initiales . Les résultats en matière de production et plus particulièrement de croissance de la productivité ont été moins bons que ceux d’autres économies développées, tandis que les préoccupations concernant l’équité de la distribution des revenus et des richesses se sont accrues. De plus, il est devenu urgent de relever un certain nombre de défis majeurs qui, au moment de la création de l’UEM, n’existaient pas ou ne faisaient qu’apparaître. La mondialisation progresse à grand pas et les ressources naturelles se raréfient. Le changement climatique et les effets du vieillissement de la population ne feront qu’accentuer encore les pressions qui s’exercent sur la capacité de croissance de nos économies. En outre, la correction des déséquilibres mondiaux exerce des pressions sur le taux de change de l’euro et le fonctionnement de nos systèmes financiers. Parallèlement, si l’élargissement progressif de la zone euro augmentera le dynamisme de son économie, il accroîtra également la diversité de l’UEM, ce qui mettra à plus rude épreuve encore sa capacité d’ajustement.

La présente communication et le rapport[1] qui l'accompagne dressent le bilan des dix premières années de l’UEM. Ils recensent également les objectifs à atteindre et les défis qui se posent à la zone euro et proposent un programme politique qui permettra à l’UEM de poursuivre sur la voie du succès.

LES PRINCIPALES RÉALISATIONS DE CETTE PREMIÈRE DÉCENNIE

L'introduction de l'euro a bouleversé l’environnement macroéconomique des États membres qui l’ont adopté et même au-delà. La combinaison d’une politique monétaire unique et de politiques budgétaires nationales mais coordonnées a favorisé la stabilité macroéconomique. Les modifications des taux de change qui traumatisaient régulièrement les économies européennes appartiennent désormais au passé. La Banque centrale européenne (BCE), organe chargé de la politique monétaire de la zone euro, a rapidement assis sa crédibilité. La discipline budgétaire s’est sensiblement améliorée, renforcée par le pacte de stabilité et de croissance (PSC). L'économie de la zone euro a progressé plus rapidement que le reste de l’UE sur la voie de l'intégration économique et financière et elle a accru sa résistance aux chocs extérieurs. Dans l’ensemble, des progrès ont été réalisés dans de nombreux domaines, comme l’illustrent les exemples suivants.

La politique monétaire a «ancré» les prévisions d’inflation à long terme à des niveaux proches de la définition de la stabilité des prix établie par la BCE. Le taux d’inflation était, en moyenne, à peine supérieur à 2 % durant les dix premières années de l’UEM, contre 3 % dans les années 1990 et 8 % à 10 % dans les années 1970 et 1980. Les taux d'intérêt nominaux ont diminué et oscillent, en moyenne, autour de 5 % depuis la création de l’euro, contre 9 % dans les années 1990 et 12 % dans les années 1980. En valeur réelle, les taux d’intérêt dans l’UEM sont tombés à des niveaux inégalés depuis plusieurs décennies, même dans les pays qui jouissaient du degré de stabilité le plus haut avant d’adopter l’euro. Certes, l’inflation a augmenté ces derniers temps, en raison essentiellement de l’envolée des prix du pétrole et des produits de base, tandis que la crise financière a entraîné un resserrement des conditions de crédit pour les ménages et les entreprises, mais un retour à une inflation faible et à des conditions de crédit plus acceptables est attendu une fois ces pressions extérieures dissipées – même si les prix du pétrole et des produits de base pourraient continuer d’augmenter du fait de la demande soutenue des pays en développement à forte croissance.

Les politiques budgétaires ont soutenu la stabilité macroéconomique de l’UEM. Les progrès réalisés ces dernières années en matière d'assainissement budgétaire ont été impressionnants: ainsi, le déficit n’a atteint que 0,6 % du PIB en 2007 contre une moyenne de 4 % dans les années 1980 et 1990. La réforme du programme de stabilité et de croissance en 2005 a contribué non seulement à améliorer la discipline budgétaire, mais aussi à corriger plus durablement les déficits excessifs en décourageant le recours aux mesures exceptionnelles. Même si elles n’ont pas été totalement éliminées, les politiques budgétaires procycliques sont, elles aussi, devenues moins fréquentes. En conséquence, et grâce aux recettes fiscales exceptionnelles engrangées ces dernières années, aucun pays de la zone euro n’a accusé de déficit supérieur à 3 % en 2007 et la zone euro a enregistré son déficit le plus bas depuis plusieurs décennies (0,6 % du PIB en 2007). Ainsi, en 2007, dix des quinze pays de la zone euro étaient soit en situation d’excédent budgétaire, soit très proches de l'équilibre.

L’UEM a favorisé l'intégration de l’économie et des marchés . L’élimination du risque de change et la diminution des coûts des transactions transfrontalières ont contribué au développement du marché unique et à l’intégration des marchés de produits. Les flux commerciaux intra-zone représentent aujourd’hui un tiers du PIB de la zone, contre un quart il y a dix ans. Selon les estimations disponibles, cette hausse serait due, pour moitié, à l’élimination de la volatilité du taux de change. En outre, l’investissement direct étranger intra-zone représente désormais, lui aussi, un tiers du PIB contre un cinquième initialement. On estime que deux tiers de cette hausse seraient directement imputables à la création de la monnaie unique. À son tour, cette évolution a engendré d'importants avantages d'échelle. Elle a également renforcé la concurrence et a eu des effets notables sur la productivité. De même, la baisse des primes de risque incluses dans le coût du capital a favorisé la formation de capital, qui représente désormais presque 22 % du PIB, soit un niveau inégalé depuis le début des années 1990. Globalement, par l’action de ces différents facteurs, la monnaie unique aurait accru la productivité horaire du travail de 5 % depuis sa création.

L’euro a constitué un puissant catalyseur d’intégration des marchés financiers . Les marchés monétaires interbancaires de la zone euro sont pleinement intégrés, tandis que les transactions interbancaires transfrontalières ne cessent de se développer depuis 1999. La consolidation transfrontalière des banques s’est accélérée, les seize principaux groupes bancaires détenant aujourd’hui plus de 25 % de leurs actifs européens en dehors de leur pays d’origine. Un important marché des obligations du secteur privé libellées en euros a vu le jour, avec une émission brute annuelle (plus de mille milliards d’euros) dépassant aujourd'hui largement celle du secteur public (800 milliards d'euros environ). L’intégration des marchés d’actions a, elle aussi, été plus rapide qu’ailleurs, la part des titres détenus dans d’autres pays de la zone euro étant passée de 20 % à 40 %. Des progrès ont été réalisés en ce qui concerne la structure des marchés financiers et les services financiers transfrontaliers de gros, tandis que l'espace unique de paiement en euros devrait éliminer les différences entre les paiements de détail nationaux et transfrontaliers. Parallèlement, un certain degré de convergence en matière de réglementation et de supervision a été atteint grâce à la mise en œuvre du plan d’action pour les services financiers et à la mise en place des comités Lamfalussy.

L’UEM a accru la résistance de la zone euro aux conditions internationales défavorables . Durant ses dix premières années d’existence, la zone euro a été exposée à une série de chocs extérieurs liés au cycle conjoncturel international, notamment l’éclatement de la bulle internet et son corollaire, la récession qui a frappé les États-Unis au début des années 2000. Néanmoins, le ralentissement qui s’en est suivi dans la zone euro au début de la décennie était beaucoup moins marqué que dans les cas comparables qui se sont produits avant l’adoption de la monnaie unique. Aujourd’hui, la zone euro semble protégée, une nouvelle fois, contre les pires effets de la crise financière internationale actuelle. L’ancrage des prévisions d’inflation a contribué à accroître sa résistance, de même que les réformes entreprises dans le cadre de la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l'emploi et le retour à la discipline budgétaire depuis la réforme du pacte de stabilité et de croissance.

L’UEM a constitué un atout majeur pour ses pays membres engagés dans un processus de rattrapage . Le contexte de stabilité macroéconomique et la faiblesse des taux d’intérêt ont, avec l’aide de la politique de cohésion et de ses Fonds structurels et de son Fonds de cohésion, créé les conditions pour un rattrapage accéléré. Les effets positifs de politiques économiques saines ont été amplifiés par le développement et l’intégration des marchés financiers nationaux avec le reste de la zone euro. Dès lors, il n’est guère surprenant que les douze États membres qui ont rejoint l’Union européenne en 2004 soient fortement attirés par une participation à l'UEM. Trois d’entre eux ont d’ailleurs déjà rejoint avec succès la zone euro et la Slovaquie est prête pour y adhérer en 2009.

L'euro s'est imposé comme la deuxième monnaie du monde . En 2004, l’encours des obligations internationales en euros a dépassé celui des obligations en dollars, tandis que le pourcentage des prêts en euros accordés par des banques de la zone euro aux emprunteurs établis hors de la zone s'élève aujourd’hui à 36 %, contre 45 % pour les prêts en dollars. L'euro est également la deuxième monnaie la plus échangée sur les marchés des changes internationaux et il est utilisé dans plus d’un tiers des opérations de change. Son utilisation officielle a augmenté: la part mondiale des réserves officielles en euros est ainsi passée de 18 % en 1999 à plus de 25 % en 2007. Son rôle comme monnaie de facturation ou de règlement des échanges s’est accru lui aussi: la monnaie unique est ainsi utilisée dans plus de 50 % des échanges extérieurs de la zone euro. Elle est également devenue très importante dans de nombreux pays tiers, notamment dans les pays candidats à la zone euro et les pays voisins membres de l’UE, qui facturent déjà environ 60 % de leurs échanges en euros.

La zone euro est devenue un pôle de stabilité pour l'Europe et l'économie mondiale . Grâce au statut international de l’euro, qui ne cesse de se renforcer, et à la dimension de l’économie de la zone euro, l’impact international des politiques économiques menées dans l’UEM ne cesse de grandir. Forte d’une position extérieure équilibrée, d’un cadre macroéconomique crédible et d’un système financier en bonne santé, la zone euro contribue au bon fonctionnement de l'économie mondiale, même pendant la période de fortes turbulences qui a marqué ces derniers mois.

La zone euro a développé une structure solide de gouvernance économique . Même si les États membres conservent les principales responsabilités en matière de politiques économiques, tous ont pris conscience de la nécessité, pour le bon fonctionnement de l’UEM, d’avoir des finances publiques saines et des marchés de produits, des marchés de l’emploi et des marchés financiers flexibles et intégrés. La réforme du pacte de stabilité et de croissance en 2005 a renforcé la participation des gouvernements nationaux à la gouvernance budgétaire. De plus, la ligne directrice nº 6 de la stratégie de Lisbonne révisée pour la croissance et l’emploi - instrument clé de la coordination des politiques économiques de l’UE - précise que les États membres doivent «contribuer au dynamisme et au bon fonctionnement de l'UEM». L’Eurogroupe a servi de forum privilégié aux ministres des Finances de la zone euro pour aborder les questions concernant la monnaie unique qui n'entrent pas dans la mission de surveillance et de coordination prévue par le traité. Étant donné que son caractère informel favorise les débats francs et ouverts, l’Eurogroupe est bien placé pour développer des positions communes et claires sur les sujets macroéconomiques touchant à la zone euro. Au fil du temps, il a gagné en visibilité et en importance, notamment depuis la désignation de son premier président permanent en janvier 2005. Sur le plan international, la zone euro a accru son influence grâce à son action collective. En témoignent l’engagement de la troïka – président de l’Eurogroupe, président de la BCE et commissaire chargé des affaires économiques et monétaires - dans les discussions bilatérales avec la Chine et d'autres pays et les consultations multilatérales menées l'année dernière par le FMI sur les déséquilibres mondiaux.

Cette évolution positive a atteint son point culminant avec la création d’un nombre record d’emplois - 16 millions - dans la zone euro au cours des dix premières années de l’UEM . L’emploi a augmenté de près de 15 % depuis la création de la monnaie unique, tandis que le chômage ne touche plus qu'environ 7 % de la population active, soit le taux le plus bas depuis plus de quinze ans. Autre fait important, la croissance de l’emploi a dépassé celle d’autres économies matures, notamment les États-Unis. Cette embellie est due essentiellement aux réformes des marchés de l’emploi et des systèmes de protection sociale menées dans le contexte de la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l’emploi et du cadre de coordination et de surveillance de l’UEM, ainsi qu’à la modération salariale qui a prévalu dans la plupart des pays de la zone euro. Cela montre clairement que la main-d’œuvre européenne est capable de faire face aux nouveaux défis et d’appliquer les changements nécessaires qui se traduiront à terme par la création de nouveaux emplois et une croissance économique plus forte.

L’UEM RESTE CONFRONTÉE À DES DIFFICULTÉS EXACERBÉES PAR LE NOUVEAU CONTEXTE INTERNATIONAL

Si le bilan général de cette première décennie est très positif, tous les objectifs n’ont cependant pas été atteints.

Avec un taux d’environ 2 % par an, la croissance potentielle reste trop faible . Malgré la progression fulgurante de l’emploi et l’impact positif de la monnaie unique, la croissance de la productivité a ralenti pour passer de 1½ % dans les années 1990 à environ 1 % durant cette décennie. En conséquence, le revenu par habitant de la zone euro stagne à 70 % de celui des États-Unis. La plupart des petites économies de la zone euro ont affiché des résultats exceptionnels, mais la croissance potentielle aurait dû être beaucoup plus élevée dans certains grands États membres.

De plus, d’importantes différences subsistent entre les pays en ce qui concerne l’inflation et les coûts unitaires de main-d’œuvre. Si les divergences ont tendance à perdurer entre les États membres de la zone euro, c'est en partie à cause du manque de réactivité des prix et des salaires, qui ne se sont pas ajustés de manière harmonieuse entre les produits, les secteurs et les régions. Cette situation a entraîné une lourde perte de compétitivité et de grands déséquilibres extérieurs qui nécessitent de longues périodes d’ajustement dans l’UEM. Cet ajustement prolongé s’explique essentiellement par le fait que les réformes structurelles ont été moins ambitieuses que dans la phase précédant le lancement de l’euro. Comme dans l’ensemble de l’Union européenne, l’intégration des marchés de produits de la zone euro reste inachevée et la prestation transfrontalière de services demeure sous-développée.

En tant que monnaie internationale, l’euro constitue un atout majeur pour tous les membres qui l’ont adopté et pour l’Union européenne dans son ensemble. Cependant, l’absence de stratégie internationale claire et le manque de poids dans les instances internationales sont coûteux pour la zone euro à l’heure de la mondialisation. Les déséquilibres économiques mondiaux qui se sont accumulés depuis le milieu des années 1990 commencent à faire sentir leurs effets: extrême volatilité des taux de change et fortes pressions sur les dispositions en matière de stabilité financière. La rapide augmentation de la demande d’énergie et d’autres ressources primaires limitées de la part des économies émergentes se heurte aux contraintes de l’offre, ce qui provoque une flambée des prix du pétrole, des denrées alimentaires et des autres produits de base. Dans ce climat tumultueux, la monnaie unique sert de bouclier et peut mettre la zone euro en mesure de jouer, sur la scène politique internationale, un rôle prépondérant dans l’élimination des risques connexes. Ce potentiel est cependant sous-exploité car la zone euro ne dispose d’aucune stratégie internationale clairement définie ni d’aucune représentation internationale efficace.

Enfin, l’image de l’euro auprès du public ne reflète pas totalement les succès économiques de l’UEM. L’euro sert souvent de bouc émissaire pour expliquer les piètres résultats économiques qui ne sont, en réalité, que la conséquence de politiques nationales inadéquates. De plus, dans certains pays, les habitants ont le sentiment que les prix ont sensiblement augmenté à cause de l’euro. En effet, même si le passage à l’euro n’a eu que très peu d’incidence sur l’inflation globale, l’image de l’euro a été et reste ternie par les hausses de prix abusives parfois pratiquées dans certains secteurs et dans certains pays. En même temps, le faible développement du pilier économique de l’UEM, par rapport à son pilier monétaire, a également alimenté l’idée que la zone euro est incapable de relever les défis majeurs qui se posent à elle, renforçant ainsi sa mauvaise image auprès du public. Il reste manifestement beaucoup à faire. Toutefois, au-delà de la réalisation des objectifs initiaux, le programme politique de l’UEM des dix années à venir sera marqué par l'apparition de nouveaux défis internationaux qui amplifieront les faiblesses de l’UEM décrites plus haut.

- La mondialisation progresse à grand pas : les économies émergentes sont entrées en concurrence avec les économies développées dans le domaine des activités industrielles qui emploient une main-d’œuvre peu qualifiée et, de plus en plus, dans les activités à plus forte valeur ajoutée. Elle offre des perspectives de croissance importantes aux marchés en permettant aux consommateurs de bénéficier de prix moins chers et d’un choix plus vaste et aux producteurs de réaliser des gains d’efficacité. Toutefois, la mondialisation met à rude épreuve la capacité d’ajustement des membres de la zone euro: en effet, de nouvelles activités devront remplacer les secteurs en déclin, tandis que la recherche, l’innovation et le capital humain deviennent des moteurs toujours plus importants du dynamisme économique. Ce phénomène renforce l’obligation, pour la zone euro, de jouer un rôle effectif dans la gouvernance économique et financière internationale.

- Les prix des denrées alimentaires et de l’énergie augmentent , en raison notamment de la croissance rapide de l’économie mondiale et de l’évolution des modes de consommation dans les économies émergentes. Les effets du changement climatique sur l’économie s’intensifient eux-aussi. Cette évolution pourrait entraver la croissance et compromettre la distribution des revenus et des richesses, étant donné que ce sont les plus démunis qui risquent d’être touchés de façon disproportionnée. Pour compliquer la situation, il sera difficile d’atteindre simultanément l’objectif de limitation du changement climatique et celui de maîtrise des prix des denrées alimentaires et de l’énergie. Ces difficultés peuvent affecter différemment les pays de la zone euro, d’où la nécessité – une nouvelle fois – d’assurer un ajustement en douceur aux chocs.

- En attendant, la population de la zone euro vieillit rapidement , comme partout ailleurs. Conséquence logique, la part de la population retraitée augmentera, ce qui réduira en même temps le potentiel de croissance économique. En effet, le ratio entre la population en âge de travailler et les retraités devrait être divisé par deux au cours des quarante prochaines années, et dans l'hypothèse de politiques inchangées, la croissance du PIB potentiel de la région ralentira pour atteindre un rythme à peine supérieur à 1 % par an, contre 2 % environ actuellement. Du fait du vieillissement démographique, les dépenses publiques augmenteront assez fortement, et en l’absence de réformes dans le domaine des retraites et des systèmes de protection sociale, leur part dans le PIB gagnera, selon les estimations, 4 points de pourcentage au cours des quatre prochaines décennies. Ce phénomène constitue un défi de taille pour la capacité d'ajustement de la zone ainsi que pour la viabilité de ses finances publiques et, plus généralement, de ses systèmes de protection sociale.

Ces tendances à long terme, dont les effets sont de plus en plus perceptibles, poseront de sérieux problèmes à toutes les économies développées en termes de croissance, de stabilité macroéconomique, de capacité d’ajustement, de viabilité des systèmes de protection sociale et de distribution des revenus et des richesses. Les défis qui se poseront à la zone euro seront particulièrement difficiles à relever compte tenu de son potentiel de croissance relativement faible, de sa moindre capacité d’ajustement, de sa dette publique élevée et de la forte interdépendance de ses économies.

UN PROGRAMME POLITIQUE EN TROIS VOLETS POUR LES DIX ANNÉES SUIVANTES

Dans l'ensemble, les dix années écoulées depuis la création de l'UEM ont été très positives, mais l'expérience révèle un certain nombre de faiblesses auxquelles il convient de remédier. La stabilité macroéconomique durement conquise devra être consolidée, et parallèlement, il faudra: (a) accélérer la croissance potentielle, préserver et augmenter le bien-être des citoyens de la zone euro; (b) assurer une capacité d'ajustement harmonieux au fur et à mesure que l'UEM accueillera de nouveaux membres; et (c) protéger efficacement les intérêts de la zone euro dans l'économie mondiale. Il est important de souligner que ces efforts devront être déployés dans un environnement mondial qui a changé considérablement depuis l'introduction de l'euro, et qu’à défaut, les conséquences seront maintenant beaucoup plus lourdes.

Pour relever ces défis, la Commission propose un programme en trois volets:

- Le programme de politique intérieure vise à approfondir la coordination et la surveillance de la politique budgétaire, à élargir la surveillance macroéconomique dans l'UEM au-delà de la politique budgétaire et à mieux intégrer les réformes structurelles dans la coordination politique globale au sein de l'UEM.

- Le programme de politique extérieure vise à renforcer le rôle de la zone euro dans la gouvernance économique mondiale.

- Les deux programmes nécessiteront un système de gouvernance économique plus efficace.

I. Programme de politique intérieure: amélioration de la coordination et de la surveillance

Approfondir et étendre la surveillance

Il est nécessaire de continuer à appliquer rigoureusement le volet correctif du pacte de stabilité et de croissance et d'améliorer la surveillance au titre du volet préventif du pacte. La coordination de la politique budgétaire devrait mieux guider le comportement budgétaire des États membres sur l'ensemble du cycle, en période de conjoncture favorable comme en période de conjoncture défavorable. Il convient d'approfondir la surveillance budgétaire pour couvrir deux domaines principaux:

(i) garantir la viabilité des finances publiques au profit des générations futures . Au niveau national, l'adoption de cadres budgétaires à moyen terme contribuerait dans une large mesure à mettre en place des finances publiques stables et viables. Pour être efficaces, de tels cadres devraient comporter des règles de dépenses bien conçues, qui permettraient aux stabilisateurs budgétaires automatiques d'agir dans les limites du pacte tout en adaptant la composition des dépenses publiques aux besoins structurels et conjoncturels de l'économie. Au niveau de la zone euro, une plus grande attention devrait être accordée au suivi de l'évolution de la dette publique, et les objectifs budgétaires à moyen terme devraient être renforcés pour faire face aux passifs implicites. De plus, les projections budgétaires à long terme qui identifient l'incidence du vieillissement sur les finances publiques peuvent contribuer à l'élaboration de stratégies nationales en faveur de la viabilité et promouvoir des mesures visant à revoir les systèmes de retraite et de soins de santé et à relever les taux d'emploi.

(ii) améliorer la qualité des finances publiques. En d'autres termes, utiliser les finances publiques plus efficacement, en canalisant les dépenses publiques et la fiscalité vers des activités plus favorables à la croissance et à la compétitivité. Des réformes des programmes de protection sociale offrant une meilleure protection des revenus tout en renforçant les mesures d'encouragement au travail – approche basée sur la flexicurité - contribueraient considérablement à renforcer la viabilité et la qualité des finances publiques tout en veillant à ce que les budgets favorisent la stabilité macroéconomique.

Mais au-delà de la surveillance budgétaire, il apparaît clairement qu'il est nécessaire d'étendre la surveillance afin de corriger les déséquilibres macroéconomiques. Les développements observés dans les États membres, notamment la croissance des déficits des opérations courantes, les divergences qui subsistent en matière d'inflation ou les tendances à une croissance déséquilibrée devraient être surveillés, car compte tenu des retombées et de l'interdépendance croissante des économies de la zone euro, de tels développements sont préoccupants non seulement pour le pays concerné mais également pour la zone euro dans son ensemble. Le bilan des dix premières années de l'UEM indique que si l'intégration des marchés, en particulier dans le secteur des services financiers, est globalement bénéfique pour l'UEM, dans la mesure où elle contribue à amortir les turbulences macroéconomiques en offrant des possibilités de partage des risques et en encourageant la redistribution des ressources, elle peut aussi, si elle ne s'accompagne pas de politiques appropriées, accentuer les divergences entre les pays participants. Certaines de ces divergences peuvent être anodines – reflétant le processus de rattrapage ou même un ajustement normal - mais elles peuvent également être néfastes et résulter d'un ajustement inefficace. Dans ce cas, une surveillance renforcée aiderait les pays concernés à réagir rapidement avant que les divergences s'incrustent.

Enfin, une surveillance plus large des pays candidats à la zone euro, à l'instar de ce qui est proposé pour les membres actuels de la zone, sera primordiale pour les aider à relever les défis liés à l'adoption d'une monnaie commune. La plupart des futurs membres de la zone euro enregistrent des entrées massives de capitaux (reflétant des perspectives de croissance rapide prolongée) et un développement rapide de leurs secteurs financiers, ce qui peut favoriser le crédit (surtout à partir d'un niveau faible) et entraîner des déséquilibres externes. À l'heure actuelle, la surveillance des pays candidats à la zone euro s'effectue au moyen de l'évaluation des programmes de convergence. Toutefois, il est possible de fournir des orientations politiques plus fermes et une surveillance plus étroite des développements économiques en particulier aux pays participant au mécanisme de taux de change (MCE II), qui constitue à la fois un élément des critères pour l'adoption de l'euro et un instrument permettant d'encourager la convergence nominale et réelle durable. Cela ne devrait cependant pas entraîner de contraintes supplémentaires pour l'entrée dans la zone euro.

La surveillance doit se fonder sur les instruments existants. Les principaux instruments de la surveillance de la politique budgétaire et de la coordination de la politique économique sont clairement ancrés dans le traité et dans le pacte de stabilité et de croissance. La mise en œuvre des mesures prévues par le volet correctif du pacte restera un élément clé pour dissuader d'enfreindre le traité. Le pacte prévoit la définition et l'évaluation de stratégies budgétaires à moyen terme par le biais d'avis rendus par le Conseil au sujet des programmes de stabilité nationaux. L'article 99 du traité dispose que «les États membres considèrent leurs politiques économiques comme une question d'intérêt commun» et «les coordonnent au sein du Conseil». Les recommandations spécifiques adressées à la zone euro et à chaque pays dans le cadre du processus de Lisbonne constituent des instruments importants pour l'orientation et la surveillance. Toutefois, il est possible d'améliorer l'utilisation de ces instruments. Il ressort de l'analyse des 10 premières années qu'il y a lieu de renforcer le volet préventif du pacte, comme l'a approuvé le Conseil ECOFIN[2], afin d'encourager la mise en place de politiques budgétaires durables et d'aborder des questions plus vastes susceptibles d'influencer la stabilité macroéconomique d'un pays et le fonctionnement global de l'UEM. Ces instruments fondés sur le traité sont complétés par le réexamen budgétaire de mi-parcours effectué par l'Eurogroupe chaque année au printemps. Ce mécanisme d'examen par les pairs a mis l'accent jusqu'ici sur la surveillance budgétaire, mais il devrait être élargi afin de rendre plus efficace cette surveillance fondée sur le traité.

Mieux intégrer les politiques structurelles dans le processus de coordination

Des réformes structurelles réussies seraient particulièrement intéressantes pour la zone euro. Il est indispensable que la zone euro intensifie les réformes, ce qui naturellement serait souhaitable également pour l'UE dans son ensemble. Il est important de souligner que l'amélioration du comportement des marchés entraînera deux effets positifs: elle contribuera à l'augmentation du niveau de vie à long terme tout en permettant un meilleur ajustement aux chocs et favorisera la stabilité macroéconomique. Les résultats empiriques de notre analyse montrent que dans les pays qui ont adopté la monnaie unique, les réformes structurelles présentent des "multiplicateurs" plus élevés qu'ailleurs: en d'autres termes, lorsqu'ils entreprennent des réformes structurelles, ces pays peuvent en tirer plus de bénéfices, tandis que ceux qui restent à la traîne risquent de payer un prix plus élevé pour leur inaction. La stratégie de Lisbonne pour la croissance et l'emploi, qui a contribué à inscrire les réformes structurelles à l'agenda politique, permet d'identifier les domaines dans lesquels l'action est la plus urgente au moyen de la ligne directrice n° 6 sur la zone euro et des recommandations spécifiques à la zone euro. Dans une approche basée sur le partenariat entre la Commission et les États membres, la stratégie de Lisbonne sert de base à la mise en place du processus de réforme dans la zone euro et dans les pays individuels.

La suppression des barrières qui entravent encore l'intégration des marchés des produits est essentielle pour le bon fonctionnement de la zone euro. Malgré l'impulsion donnée par l'UEM et le programme du marché unique pour la création d'économies plus ouvertes et plus compétitives, la faible croissance de la productivité et les barrières à l'entrée, en particulier dans les secteurs des services, font encore obstacle à une adaptation efficace à l'évolution des circonstances économiques dans la zone euro et maintiennent la pression sur les prix. L'innovation et la diffusion technologique, des éléments importants pour renforcer à la fois la concurrence et la productivité, sont à la traîne dans les pays membres de la zone euro. Le système de suivi du marché proposé dans le réexamen du marché unique devrait être mis à profit pour corriger ces faiblesses.

La zone euro a besoin de marchés du travail qui fonctionnent mieux afin de favoriser l'ajustement dans une économie mondialisée et de relever le potentiel de croissance dans la perspective du vieillissement de la population. Une plus grande souplesse des salaires, une différenciation plus nette entre les secteurs, les activités et les régions, ainsi qu'un investissement plus important dans le capital humain, contribueraient à promouvoir la compétitivité et permettraient une meilleure redistribution des ressources en cas de choc. De nombreuses réformes ont été entreprises dans le cadre de la stratégie de Lisbonne pour accroître l'utilisation de la main d'œuvre, et elles ont produit des résultats. Toutefois, les progrès sont variables selon les pays, et ces mesures devraient donc rester au cœur des stratégies de réforme durant les dix années à venir. Les réformes des programmes de dépenses sociales et des politiques actives du marché de l'emploi devraient viser à offrir une meilleure protection des revenus tout en renforçant les mesures d'encouragement au travail.

La zone euro peut tirer des avantages particulièrement importants de la promotion de l'intégration financière de l'UE. Des progrès significatifs ont été accomplis dans l'intégration des marchés financiers de l'UE, mais des efforts supplémentaires doivent être déployés afin d'améliorer l'efficience et la liquidité des marchés financiers de la zone euro. Cela faciliterait l'ajustement économique grâce au partage des risques et encouragerait une transmission plus uniforme de la politique monétaire unique dans l'ensemble de la zone euro. Il faut notamment redoubler d'efforts pour promouvoir l'offre transfrontière de services financiers de détail, améliorer l'efficacité du financement des entreprises et des administrations au moyen d'obligations et réduire les coûts de la réglementation et de la supervision pour les intermédiaires financiers qui opèrent dans un environnement pluri-juridictionnel. Compte tenu de la responsabilité conjointe de l'Eurosystème et des États membres participants dans la préservation de la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble, il est de plus important de renforcer la coopération transfrontière concernant les dispositions relatives à la prévention, la gestion et la résolution des crises parallèlement à l'intégration financière. Au vu de ces considérations spécifiques en matière d'efficience et de stabilité et sur la base des leçons à tirer de la crise financière actuelle, la zone euro devrait jouer un rôle fort pour l'établissement d'un calendrier en vue de l'intégration financière de l'UE et du renforcement des dispositions de l'UE en matière de stabilité financière.

Pour exploiter pleinement le potentiel de l'UEM, il est donc nécessaire de renforcer les mesures d'encouragement à poursuivre les réformes dans la zone euro. L'intégration des politiques structurelles dans le processus de coordination de la zone euro présente trois avantages: (a) Les recommandations adressées à l'ensemble de la zone euro et les recommandations spécifiques à chaque pays dans le cadre des lignes directrices intégrées de la stratégie de Lisbonne constituent la base de la coordination des réformes structurelles; il convient d'organiser une surveillance plus étroite de leur mise en œuvre. (b) La réforme du pacte en 2005 a permis, au moment de l'évaluation des progrès accomplis en direction des objectifs budgétaires à moyen terme, de prendre en compte des réformes structurelles coûteuses pour le budget à court terme mais bénéfiques à plus long terme sur le plan de la croissance et de la viabilité des finances publiques. Afin de garantir le respect des engagements inscrits dans le pacte, un mécanisme d'examen par les pairs pourrait être mis en place sur la base du cadre analytique développé dans le contexte de la stratégie de Lisbonne et des informations ex ante fournies par les États membres. (c) Afin d'améliorer la succession des réformes, la priorité devrait être donnée en particulier à l'amélioration du fonctionnement des marchés financiers. Cela aurait non seulement des effets favorables sur la croissance et l'ajustement, mais contribuerait également à renforcer les incitants pour d'autres réformes structurelles ultérieures en mettant l'accent sur leurs avantages à plus long terme et en permettant au capital d'aller vers les nouvelles opportunités d'investissement offertes par ces réformes structurelles.

II. Programme de politique extérieure: renforcer le rôle de la zone euro sur la scène internationale

Le statut international de l'euro comporte des avantages, des responsabilités et des risques . Il contribue à développer le secteur financier en Europe, produit des revenus de seigneuriage du fait de l'utilisation de l'euro en tant que monnaie de réserve et réduit l'exposition à la volatilité des taux de change dans la mesure où la tarification et la facturation en euros se développent. Mais compte tenu de la taille de la zone euro, les décisions politiques et les développements économiques à l'intérieur de l'UEM produisent des effets à l'extérieur, notamment parce que les marchés financiers internationaux se comportent comme un vecteur de transmission internationale de plus en plus puissant. Il en découle également des risques, car le statut international croissant de l'euro expose la zone euro aux perturbations liées à des glissements de portefeuille entre les principales monnaies internationales et entre catégories d'actifs. Globalement, le développement du rôle de l'euro en tant que monnaie internationale et le poids économique de la zone euro ont modifié les règles du jeu pour les membres de l'UEM et pour leurs partenaires internationaux.

La zone euro doit donc élaborer une stratégie internationale à la mesure du statut international de sa monnaie. Après le succès des dix premières années, la zone euro, qui offre déjà un ancrage de stabilité à ses voisins, est désormais appelée à développer une stratégie claire et globale sur les affaires économiques et financières internationales. Elle doit jouer un rôle plus actif et plus affirmé à la fois dans les forums multilatéraux et dans ses dialogues bilatéraux avec des partenaires stratégiques. Elle doit améliorer la coordination, définir des positions communes, et, le cas échéant, des mandats sur toutes ces questions. Elle doit s'exprimer d'une seule voix concernant les politiques de taux de change et assumer ses responsabilités en matière de stabilité financière et de surveillance macroéconomique. Le risque qu'une correction désordonnée des déséquilibres globaux nuise à la compétitivité de la zone euro et de ses membres de manière disproportionnée renforce encore ces exigences.

C'est en développant des positions communes, en consolidant sa représentation et en obtenant à terme un siège unique dans les institutions et les forums financiers internationaux que la zone euro alignera le plus efficacement son influence sur son importance économique. Il s'agit d'un objectif ambitieux, et les progrès accomplis dans le programme de politique extérieure dépendront avant tout d'un système de gouvernance plus efficace de la zone euro. Même si les autres pays estiment souvent que l'UE et la zone euro sont surreprésentées dans les organisations internationales (en termes de sièges et de droits de vote), l'influence de la zone euro dans les forums internationaux n'est pas encore à la hauteur de son poids économique. La consolidation de la représentation de la zone euro permettrait de renforcer son poids dans les négociations internationales et de réduire les coûts de la coordination internationale, à la fois pour la zone euro et pour ses principaux partenaires. Cela permettrait également de libérer l'espace nécessaire pour que les pays des marchés émergents puissent accroître leur participation dans les institutions financières internationales.

III. Promouvoir une gouvernance efficace de l'UEM

Le système de gouvernance économique de l'UEM doit être à la hauteur des défis auxquels la zone euro est confrontée. Cela dit, la répartition actuelle des responsabilités entre les institutions et les instruments qui régissent la conduite de la politique économique dans l'UEM sont globalement sains. Néanmoins, il est nécessaire d'adapter les institutions et les pratiques en vue de relever les nouveaux défis politiques.

Il est primordial que tous les États membres de l'UE s'engagent fermement au sein du Conseil ECOFIN pour que l'UEM fonctionne de manière efficace. Depuis le début, c'est le Conseil ECOFIN qui prend les décisions de politique économique dans l'UE, et dans la perspective de la convergence croissante entre la zone euro et l'UE, il devrait rester au centre du système de gouvernance économique de l'UEM grâce à une intégration plus poussée de l'UEM dans ses travaux. En particulier, le Conseil pourrait promouvoir une approche plus cohérente dans ses domaines de compétence – politique macroéconomique, marchés financiers et fiscalité - de manière à garantir des synergies positives entre eux. Le traité actuel permet largement une coordination et une surveillance plus larges pour ces matières dans l'ensemble de l'UE. De plus, une fois ratifié, le nouveau traité de Lisbonne renforcera le rôle des ministres des finances de la zone euro dans les matières liées au fonctionnement de l'UEM, et toutes les discussions sur ces questions auront lieu dans le cadre du Conseil ECOFIN.

L'Eurogroupe devrait continuer à servir de plateforme pour l'approfondissement et l'élargissement de la coordination et de la surveillance politiques dans l'UEM. En termes de surveillance budgétaire, la coordination ex ante de la politique budgétaire au moyen du réexamen budgétaire de mi-parcours devrait viser à orienter les comportements budgétaires tout au long du cycle de manière à éviter tout écart procyclique. Compte tenu du défi lié au vieillissement démographique, il est important d'accroître l'efficacité du volet préventif du pacte de stabilité et de croissance en encourageant la réalisation d'objectifs ambitieux à moyen terme. Pour éviter l'accumulation des déséquilibres et les divergences excessives entre les pays de la zone euro, l'Eurogroupe devrait procéder à des échanges de vues, développer des orientations politiques et suivre leur mise en œuvre dans les États membres dans les domaines qui favorisent la capacité d'ajustement et la stabilité macroéconomique. Les "examens par les pairs" – discussions multilatérales sur les développements constatés dans un ou plusieurs pays – devraient être renforcés afin d'encourager les ministres des finances à prendre en compte les questions et les politiques nationales dans la perspective de la zone euro. De plus, l'Eurogroupe devrait accorder une plus grande attention au suivi des recommandations de Lisbonne pour la zone euro afin de relever la croissance potentielle et d'améliorer la compétitivité par le biais de réformes structurelles.

La Commission devrait apporter résolument son soutien afin d'assurer le bon fonctionnement de l'UEM. Elle est appelée à encourager la coordination des politiques tout en intégrant la dimension de l'UEM dans ses propositions politiques. Elle devrait renforcer sa surveillance budgétaire et macroéconomique et promouvoir la poursuite de l'intégration économique et financière. Dans son rôle de surveillance, elle devrait approfondir l'évaluation des développements économiques et financiers de la zone euro, en mettant l'accent en particulier sur les retombées des mesures de politique nationale. Les travaux destinés à améliorer la précision des indicateurs budgétaires conjoncturels et structurels devraient se poursuivre, en coopération avec les États membres. En ce qui concerne le programme de politique extérieure, la Commission doit renforcer son rôle dans les dialogues et les forums internationaux. En résumé, la Commission doit soutenir les efforts destinés à améliorer le fonctionnement de l'UEM à la fois sur le plan intérieur et sur le plan international, en assumant les responsabilités qui lui sont confiées par le traité en tant que gardienne de politiques économiques saines. À cette fin, elle devrait s'efforcer de mieux exploiter les instruments prévus par le traité.

Une fois ratifié, le nouveau traité permettra de renforcer la coordination et la surveillance des politiques économiques à l'intérieur de la zone euro. L'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne permettrait d'«adopter des mesures concernant les États membres dont la monnaie est l'euro pour: renforcer la coordination et la surveillance de leur discipline budgétaire; et élaborer, pour ce qui les concerne, les orientations de politique économique, en veillant à ce qu'elles soient compatibles avec celles qui sont adoptées pour l'ensemble de l'Union, et en assurer la surveillance.» De plus, le traité renforce le rôle de la Commission en tant qu'"arbitre" indépendant dans le contexte de la surveillance multilatérale, et l'article 121 permet à la Commission d'adresser directement un "avertissement" à un État membre dont les politiques économiques ne sont pas conformes aux grandes orientations ou risquent de compromettre le bon fonctionnement de l'UEM.

Le système de gouvernance de l'UEM doit permettre de poursuivre l'élargissement de la zone euro de manière harmonieuse . Durant la prochaine décennie, la zone euro devrait s'étendre et intégrer la plupart des États membres actuels de l'UE, et en faisant en sorte que ce processus se déroule de manière appropriée, on préservera le bon fonctionnement de l'économie de la zone euro à l'avenir. Les pays qui participent au MCE II devraient mettre à profit le contexte d'une stabilité macroéconomique renforcée pour adopter des politiques macroéconomiques et structurelles saines. Comme le prévoit le traité, la Commission devrait fournir une évaluation périodique et équitable des progrès durables accomplis dans le cadre du processus de convergence. À leur tour, l'Eurogroupe et le Conseil ECOFIN sont appelés à renforcer la confiance, à examiner les développements économiques et à fournir les orientations nécessaires en termes de politiques et de réformes pour la convergence nominale et réelle des futurs membres de la zone euro.

Il est nécessaire également d'améliorer le dialogue concernant l'UEM entre les institutions de l'UE et avec le public. La Commission devrait développer le dialogue et la consultation, en particulier avec le Parlement européen, mais également avec les autres partenaires européens et nationaux. De la même manière, l'Eurogroupe devrait améliorer les dialogues avec la BCE, le Parlement européen et les partenaires sociaux dans la zone euro. Toutes ces institutions, à commencer par la Commission, devraient améliorer la communication destinée aux citoyens concernant les questions liées à l'UEM. Il convient en particulier de mieux décrire les avantages significatifs de l'euro sur le plan macroéconomique et microéconomique, de même que son rôle de bouclier dans le cadre de la crise financière récente, et la contribution significative et bénéfique des politiques économiques de l'UEM.

CONCLUSION

L'UEM est un succès retentissant. En dix ans, elle a apporté la stabilité macroéconomique, encouragé l'intégration économique de l'Europe – notamment par ses élargissements successifs –, et renforcé sa résistance aux chocs, et elle est devenue un pôle de stabilité régional et mondial. Aujourd'hui plus que jamais, la monnaie unique et le cadre politique qui la sous-tend constituent un atout majeur. Néanmoins, l'UEM pourrait encore offrir d'autres avantages. L'exploitation de ce potentiel, combinée aux défis urgents liés à la mondialisation, à la raréfaction des ressources naturelles, au changement climatique et au vieillissement de la population, implique que l'on améliore la coordination des politiques économiques, que l'on accomplisse de nouveaux progrès dans les réformes structurelles, que la zone euro s'affirme davantage sur la scène mondiale et que les États membres s'engagent pleinement en faveur de la réalisation de ces objectifs. Les effets de ces tendances globales commencent déjà à se faire sentir, sous la forme d'une envolée des prix de l'énergie, des denrées alimentaires et des produits de base, de turbulences financières et d'un ajustement des taux de change au niveau mondial, soulignant encore combien il est important d'entreprendre une action en temps utile.

La mise en œuvre du programme de politique intérieure et du programme de politique extérieure et l'amélioration de la gouvernance comme le prévoit la présente communication contribueront largement à relever les défis auxquels la zone euro et l'économie mondiale sont confrontées. Cela devrait également entraîner des effets positifs pour tous les membres de l'UE:

- L'UEM reste un jalon important de l'intégration de l'UE . Bien que ses objectifs et ses réalisations soient essentiellement d'ordre économique, l'UEM n'a jamais été uniquement un projet économique. Dès le départ, l'UEM a été conçue comme une étape cruciale dans l'intégration de l'UE. Ce rôle s'est encore renforcé depuis l'élargissement de l'UE de 15 à 27 États membres en 2004, d'autant plus que tous les nouveaux pays membres de l'UE se préparent à adopter l'euro. La perspective de l'adhésion à la zone euro a été l'un des principaux moteurs de la convergence de ces pays vers le niveau de vie de l'UE.

- Une UEM qui fonctionne bien est un atout majeur pour l'UE dans son ensemble, notamment parce que la grande majorité des pays de l'UE, sinon tous, deviendront à terme membres de l'UEM. Une économie florissante dans la zone euro contribuera à la richesse et au dynamisme de l'ensemble de l'UE, et renforcera le soutien du public pour l'intégration de l'UE à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de la zone euro.

- Une UEM forte favorisera le rôle de premier plan de l'UE dans l'économie mondiale. Une zone euro qui fonctionne bien permettra à l'UEM de jouer un rôle prédominant à l'extérieur, à la fois dans la sphère macroéconomique et dans le domaine de la supervision et de la réglementation financières internationales. Si l'UEM démontre sa capacité à renforcer le rôle de la zone euro à l'extérieur et assume ses responsabilités internationales, cela aura des effets positifs sur d'autres domaines politiques dans lesquels l'UE aspire à un rôle de premier plan, comme le développement durable, l'aide au développement, la politique commerciale, la concurrence et les droits de l'homme.

La mise en œuvre de ce programme global nécessitera de la volonté politique et de la détermination. Le succès de l'UEM prouve que l'initiative et l'ambition politiques peuvent engendrer des bénéfices économiques, sociaux et politiques considérables. Mais pour pouvoir profiter pleinement de ces avantages, il est primordial que toutes les parties concernées maintiennent leur engagement. Dès lors, la Commission lancera une vaste discussion sur ces questions durant le second semestre de 2008 et encouragera un large consensus avec les autres institutions européennes et avec les organismes et les partenaires concernés sur les grands axes de ce programme. À l'issue de cette discussion, la Commission présentera les propositions concrètes appropriées.

[1] SEC(2008) 553 «UEM@10: Bilan de l’Union économique et monétaire dix ans après sa création».

[2] COM(2007) 316.