52007DC0764

Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, Comité économique et social européen et au Comité des régions - Stratégie pour une industrie européenne de la défense plus forte et plus compétitive {SEC(2007) 1596} {SEC(2007) 1597} /* COM/2007/0764 final */


[pic] | COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES |

Bruxelles, le 5.12.2007

COM(2007) 764 final

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS

STRATÉGIE POUR UNE INDUSTRIE EUROPÉENNE DE LA DÉFENSE PLUS FORTE ET PLUS COMPÉTITIVE

{SEC(2007) 1596}{SEC(2007) 1597}

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS

STRATÉGIE POUR UNE INDUSTRIE EUROPÉENNE DE LA DÉFENSE PLUS FORTE ET PLUS COMPÉTITIVE

1. INTRODUCTION

L’industrie européenne de la défense réalise un chiffre d’affaires annuel de plus de 55 milliards d’euros. Elle totalise quelque 30 % de la production mondiale et emploie plus de 300 000 personnes. Il y a vingt ans de cela, le chiffre d’affaires réel et le nombre de personnes occupées étaient pratiquement deux fois supérieurs. Depuis la fin de la guerre froide, les stratégies en matière de défense ont été repensées, les forces armées européennes restructurées et les dépenses militaires réduites.

La politique européenne de sécurité et de défense (PESD) ne peut se passer d’une base industrielle et technologique de défense forte en Europe. Cette politique a pour but de doter l’Union européenne des capacités nécessaires pour lui permettre d’agir de manière autonome en cas de crise internationale, sans préjudice des actions menées par l’OTAN. C’est la base industrielle et technologique de défense (BITD) qui fournit les moyens de faire face aux défis mondiaux en matière de défense, ainsi qu’aux nouveaux défis qui se font jour sur le plan de la sécurité. Seule une base compétitive peut donner à l’Europe les moyens de concevoir et de fabriquer des équipements de défense de manière autonome et à un coût abordable, ainsi que de coopérer avec des partenaires internationaux dans ce domaine.

L’Europe dispose de plusieurs entreprises de défense qui sont compétitives au niveau tant européen que mondial et sont à la pointe dans de nombreux segments du marché. L’industrie européenne de la défense est également potentiellement apte à produire l’ensemble des capacités requises pour relever les défis survenant à l’échelle mondiale et à fournir aux forces déployées dans le monde pour l’Union les équipements et les systèmes très performants nécessaires à l’accomplissement de leur mission. Il est fondamental à cet égard de déterminer clairement les capacités dont les forces armées européennes ont besoin pour relever ces défis; c’est la raison pour laquelle l’Agence européenne de défense (AED) élabore, en collaboration avec le comité militaire de l’UE, un plan de développement des capacités destiné à fixer les priorités en matière de besoins et de développement de capacités.

La défense est un secteur de très haute technologie et les travaux de recherche et développement d’avant-garde qui y sont menés ont des retombées dans bien d’autres domaines. Elle est étroitement liée à l’électronique, aux technologies de l’information et de la communication, aux transports, à la biotechnologie et aux nanotechnologies. Ensemble, ces branches d’activité sont sources de possibilités nouvelles, d’innovation et de savoir-faire, qui suscitent développement et croissance dans tous les pans de l’économie.

De nombreuses technologies nouvelles mises au point à des fins militaires se sont également révélées des leviers de croissance dans les secteurs civils, par exemple les systèmes de positionnement global, l’internet et l’observation de la Terre. Mais ce processus fonctionne de plus en plus dans les deux sens, car les secteurs civils apportent eux aussi leur contribution à celui de la défense (par exemple dans le domaine de la conception de logiciels). Cet enrichissement mutuel croissant revêt une grande importance au regard de la stratégie de Lisbonne en faveur de la croissance et de l’emploi.

En outre, le secteur de la défense est de plus en plus difficile à délimiter, la démarcation entre les technologies propres à la défense, à la sécurité et au domaine civil (l’électronique et les télécommunications, par exemple) devenant moins nette. Avec les missions de rétablissement ou de maintien de la paix et sous l’effet de la menace terroriste, les frontières entre sécurité intérieure et sécurité extérieure deviennent floues et une meilleure coordination politique entre elles devient indispensable.

Or, il apparaît clairement que l’industrie européenne de la défense est entravée dans son développement par un cadre politique et juridique inadéquat. Dans une publication récente[1], le Parlement européen met en évidence le coût élevé qu’entraîne l’absence d’harmonisation européenne, par la coexistence de réglementations nationales différentes, les procédures en matière de licences, les listes de contrôle à l’exportation, le manque de partage d’informations, etc., qui entraînent inévitablement des tracasseries administratives, des activités faisant double emploi, une innovation freinée et des prix plus élevés et qui affectent la compétitivité.

La présente communication décrit une «stratégie pour une industrie européenne de défense plus forte et plus compétitive». Tout en reconnaissant la spécificité du secteur et le rapport particulier qu’il entretient avec les gouvernements nationaux, la communication soutient que les possibilités ne manquent pas de développer pleinement le potentiel de ce secteur pour qu’il offre aux États membres un meilleur rapport qualité-prix et fournisse, de manière efficace et efficiente, les capacités nécessaires pour répondre aux besoins de la politique européenne de sécurité et de défense.

2. ÉVOLUTION DU MARCHÉ INDUSTRIEL DE LA DÉFENSE

Les gouvernements ont une influence prédominante sur le secteur de la défense par les différents rôles qu’ils sont amenés à jouer: autorités de réglementation, propriétaires, actionnaires de contrôle, bailleurs de fonds pour la R & D et principaux clients. Toutefois, bon nombre d’autres intervenants participent à la définition de l’environnement politique et réglementaire dans lequel ce secteur industriel doit opérer. Les politiques de sécurité et de défense sont définies par l’Union européenne, l’OTAN ainsi que chaque État membre. Le cadre réglementaire, lui, est façonné par les dispositions du traité, les politiques communautaires et les États membres. L’AED, au sein de laquelle les États membres et la Commission coopèrent, a pour mission d’aider le Conseil et les États membres dans leurs efforts visant à améliorer les capacités européennes de défense et à renforcer la BITD.

2.1. Contexte financier

Les budgets nationaux consacrés à la défense constituent le principal déterminant des perspectives de l’industrie de la défense. Ces budgets sont le reflet des politiques et des priorités nationales et, au cours des vingt dernières années qui ont suivi la fin de la guerre froide («dividendes de la paix»), ils ont été réduits de moitié (passant de 3,5 % du PIB dans les années 1980 à une moyenne actuelle égale à 1,75 %), entraînant la chute du chiffre d’affaires et de l’emploi. Selon l’AED[2], une augmentation des dépenses globales en matière de défense semble peu probable en Europe . La part du budget total de défense consacrée à l’investissement dans la recherche et la technologie, au développement et à l’achat d’équipements est beaucoup plus faible en Europe qu’aux États-Unis. Parallèlement, le coût des équipements militaires a augmenté et les forces armées ont fait l’objet de restructurations, rendant d’autant plus vitaux les efforts d’amélioration de la compétitivité et du rapport qualité-prix .

Alors que par le passé, quelques États membres pouvaient se permettre de conserver une base industrielle et technologique complète en matière de défense, les budgets nationaux qui y sont désormais consacrés ne suffisent plus, isolément, à financer le développement d’une large gamme de produits de haute qualité, et la mise sur pied de nouveaux programmes nationaux de défense se fait plus rare.

La réduction des dépenses de défense en Europe a également eu une incidence sur l’investissement dans la recherche et la technologie. Alors que le budget américain de la défense est à peu près égal au double des budgets cumulés de tous les États membres, les États-Unis consacrent quelque 35 % de ces ressources aux investissements, contre seulement 20 % environ pour l’Europe, et les dépenses américaines dans la R & D dans le domaine de la défense sont six fois supérieures aux mêmes dépenses européennes. De plus, les investissements dans la R & D sont fragmentés en Europe, entraînant la répétition d’activités faisant double emploi et le gaspillage de ressources pourtant rares.

2.2. Fragmentation du marché

Bien que, dans le secteur des équipements de défense, la production soit concentrée dans six États membres (Allemagne, Espagne, France, Italie, Suède et Royaume-Uni), des entreprises fabriquant des matériels et des sous-systèmes sont implantées partout en Europe. En moyenne cependant, les États membres dépensent près de 85 % de leur budget d’équipement auprès de fournisseurs nationaux.

Les gouvernements européens privilégient nettement leurs industries nationales de défense , non seulement pour préserver l’emploi et stimuler l’investissement, mais aussi pour garantir la sécurité des approvisionnements et des informations échangées. Les États membres se montrent réticents à accepter la dépendance mutuelle. En conséquence, les fabricants d’autres États membres ne bénéficient que d’un accès limité aux marchés intérieurs de défense, ou n’y ont pas accès du tout. Il en résulte une multiplication d’activités similaires, comme en atteste le total de 89 programmes différents en matière d’armement recensés dans l’Union, contre seulement 27 aux États-Unis.

Par ailleurs, l’article 296 autorise les États membres à déroger aux règles régissant le marché intérieur pour des raisons liées aux intérêts de leur sécurité nationale. En particulier, les États membres ne sont pas tenus de fournir des renseignements dont ils estimeraient la divulgation contraire aux intérêts essentiels de leur sécurité; ils peuvent en outre prendre les mesures se rapportant à «la production ou au commerce d’armes, de munitions et de matériel de guerre» nécessaires à la protection de leurs intérêts essentiels de sécurité. Ces mesures ne peuvent cependant pas «altérer les conditions de la concurrence dans le marché commun en ce qui concerne les produits non destinés à des fins spécifiquement militaires».

En ce qui concerne les biens liés à la défense, il existe en Europe une fragmentation des marchés, qui résulte des éléments suivants:

- Les États membres recourent très souvent à l’article 296 pour ne pas appliquer les règles européennes relatives aux marchés publics dans le cas des marchés de défense , bien que selon la jurisprudence de la Cour de justice, cette dérogation ne doive être utilisée que dans des situations exceptionnelles, clairement définies et justifiées au cas par cas.

- Les systèmes nationaux en place dans l’UE pour contrôler les transferts d’équipements de défense ne font pas de distinction entre les exportations destinées à des pays tiers et les transferts entre États membres. Il en découle des formalités administratives inutiles qui coûtent aux entreprises plus de 400 millions d’euros chaque année. Ces coûts élevés restreignent encore les possibilités d’accès aux marchés d’autres États membres pour les PME compétitives désireuses de faire de la sous-traitance.

- Les législations relatives au contrôle des investissements étrangers dans les entreprises stratégiques en matière de défense , que certains États membres ont révisée ces dernières années (en 2002 au Royaume-Uni, en 2004 en Allemagne et en 2005 en France) ne tiennent souvent pas compte de la dimension européenne.

- Les États membres coopèrent ou se coordonnent trop peu souvent, ou seulement pour des actions ponctuelles, en ce qui concerne la définition des besoins, la R & D ou la mise en place de programmes de production communs. Les besoins en matière de défense étant fixés dans une perspective nationale, les divergences qui en résultent sont encore exacerbées par l’utilisation de normes non harmonisées, qui entravent la coopération dans les programmes de R & D et de production.

- Les exigences de compensation ( offsets ), que de nombreux États membres continuent d’appliquer dans le cadre des marchés publics de défense, sont sources de distorsions. Bien qu’étant souvent considérées comme contribuant au maintien des dépenses consacrées à la défense et comme reflétant, dans une certaine mesure, les faiblesses dans la structure actuelle de l’industrie et des marchés européens de la défense, le danger existe que, du fait de ces pratiques, les pays acheteurs ne recherchent pas forcément le produit le plus compétitif, mais celui qui leur apportera les commandes de compensation les plus intéressantes.

2.3. Marchés extérieurs

Les gouvernements européens sont libres de choisir leurs partenaires commerciaux en matière de défense. Aussi, malgré la nette préférence pour les fabricants nationaux, une part significative des équipements militaires européens est importée, en particulier des États-Unis. Alors que la plupart des marchés européens sont ouverts aux fabricants américains, les entreprises européennes trouvent souvent porte close lorsqu’elles tentent d’exporter leurs équipements de défense aux États-Unis. Dans ce contexte, il est d’autant plus difficile pour les industries européennes de la défense de répartir leurs coûts et de préserver et développer leur savoir-faire technique.

2.4. Conclusion

Pour la santé de l’industrie européenne de la défense, et pour que l’Europe soit à la hauteur de ses ambitions en matière de sécurité et de défense, il est vital que la compétitivité à long terme du secteur s’améliore. Les efforts d’ajustement industriel devraient viser une spécialisation accrue conduisant à une chaîne d’approvisionnement mieux intégrée et une BITD européenne compétitive.

Jusqu’à présent, l’adaptation de l’industrie de la défense s’est principalement effectuée dans un cadre national . Exception faite de quelques fusions transnationales couronnées de succès dans l’Union, la plupart des efforts européens de coopération ont généralement pris la forme d’entreprises ou de programmes conjoints, sans grande influence sur la compétitivité. Cela a ralenti la consolidation, la spécialisation, la modernisation et la restructuration de l’industrie européenne de la défense et a limité la libération de capitaux susceptibles d’être mis à profit de manière plus efficace dans d’autres secteurs de l’économie.

Si l’industrie continue à s’adapter au rythme des rares nouveaux programmes de défense et sur la base de dépenses relativement faibles dans la recherche et l’investissement, il deviendra de plus en plus onéreux de maintenir les capacités de production et, ce qui est plus important au plan stratégique, les installations de R & D en Europe. Les capitaux ont déjà commencé à migrer vers les États-Unis et d’autres régions du monde, à la recherche de rendements plus alléchants.

Une telle approche n’est plus tenable si l’Europe veut conserver une BITD substantielle et dynamique. Sans réorientation des politiques, l’industrie européenne risque de devenir un acteur et un fournisseur de niche pour des maîtres d’œuvre principalement non européens, compromettant ainsi l’aptitude de l’outil industriel à développer en toute autonomie les capacités dont la PESD a besoin.

Une stratégie dynamique est indispensable pour améliorer l’approche aujourd’hui disparate en Europe à l’égard de l’industrie de la défense. Cette nouvelle stratégie doit améliorer la compétitivité de cette industrie, la préparer aux défis futurs, stimuler sa capacité à innover, préserver et créer plus d’emplois de haute qualité et développer davantage ses atouts actuels.

3. MESURES ENVISAGÉES AFIN DE RENFORCER LE MARCHÉ EUROPÉEN DE LA DÉFENSE

Ce chapitre de la communication présente une vaste gamme de mesures , auxquelles la Commission continuera de travailler en collaboration étroite et active avec ses partenaires, en particulier l’AED, afin d’obtenir les meilleurs résultats possible. Ces mesures visent à améliorer la coordination générale, à renforcer le marché intérieur des équipements de défense et à soutenir l’indispensable processus d’adaptation et de modernisation en Europe.

3.1. Améliorer le fonctionnement du marché intérieur pour les produits de défense

3.1.1. Une nouvelle législation

Pour la Commission, améliorer le fonctionnement du marché intérieur des produits de défense est une priorité. La présente communication s’accompagne dès lors d’une proposition de directive concernant les transferts de produits liés à la défense ainsi que d’une proposition de directive relative aux marchés publics de défense. Ces deux initiatives sont destinées à contribuer à la construction progressive d’un marché européen des équipements de défense, dans lequel tout fournisseur établi dans un État membre pourra desservir, sans restriction aucune, l’ensemble des autres États membres. Ces propositions, qui définissent un cadre essentiel pour le renforcement de l’industrie de la défense et l’amélioration de sa compétitivité, devraient être mises en œuvre au plus tôt.

La directive proposée concernant les transferts intracommunautaires des produits liés à la défense vise à faciliter ces transferts en supprimant des formalités administratives inutiles. La sécurité d’approvisionnement s’en trouvera améliorée pour les gouvernements de l’UE qui achètent des équipements de défense à des fournisseurs établis dans un autre État membre. En réduisant considérablement les frais encourus pour obtenir une licence et en permettant aux intégrateurs de systèmes d’ouvrir leurs chaînes d’approvisionnement dans des conditions plus prévisibles, les nouvelles dispositions vont accroître les possibilités offertes aux PME compétitives de fournir des composants ou des sous-systèmes et, partant, contribueront à rendre le marché européen plus dynamique.

La directive proposée relative aux marchés publics dans le domaine de la défense améliorera l’ouverture et la compétitivité des marchés de défense dans l’Union, en tenant compte de leurs caractéristiques particulières, comme la sécurité d’approvisionnement et la sécurité de l’information. Elle va rationaliser la mosaïque de réglementations applicables dans ce domaine. En améliorant la transparence et le jeu de la concurrence, elle aidera les PME à trouver des marchés de sous-traitance et à soumissionner pour les remporter. En spécifiant de nouvelles règles applicables en matière d’achat d’armements, de munitions et de matériel de guerre ainsi que pour certains équipements de sécurité non militaires sensibles, cette initiative devrait restreindre le recours à l’article 296 et le réserver aux cas exceptionnels, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice; elle devrait en outre contribuer à améliorer encore l’ouverture des marchés de défense, dans la droite ligne des efforts antérieurs en ce sens de la Commission[3] et de l’AED.

3.1.2. Autres mesures

Le fonctionnement du marché européen des équipements de défense peut encore être amélioré en minimisant d’autres obstacles à son intégration .

La Commission va promouvoir l’utilisation d’un référentiel commun de normes dans le but de faciliter l’ouverture des marchés dans ce domaine. Elle a réuni les différents acteurs concernés en vue de l’élaboration d’un manuel de normalisation en matière de défense et collabore avec l’AED pour encourager son utilisation. La Commission invite les États membres à faire pleinement usage de ce manuel dans le cadre de leurs marchés publics de défense.

La nouvelle directive relative aux transferts intracommunautaires et la directive sur les marchés publics de défense verraient leur efficacité augmentée dans un climat de confiance mutuelle renforcée entre les États membres . Pour cela, un dispositif commun est nécessaire qui offre des garanties adéquates, assorties de possibilités de vérification, tant en ce qui concerne le financement des technologies qu’en matière d’approvisionnement. Il est possible qu’un tel dispositif garantissant la sécurité d’approvisionnement et celle de l’information industrielle doive être mis en place progressivement, en commençant par les États membres déjà prêts à accepter une dépendance mutuelle mais, in fine, il vise à couvrir l’ensemble des États membres. Dès 2008, la Commission étudiera , en étroite coopération avec les États membres, les possibilités d’élaborer un système européen en matière de sécurité de l’information , en vue de permettre l’échange d’informations sensibles entre les États membres et les entreprises européennes. Il s’agira, durant cette réflexion, d’envisager ce que pourraient être le champ d’application, le contenu et les modalités d’un tel système.

La mosaïque actuelle des législations nationales régissant le contrôle des investissements étrangers dans les entreprises stratégiques dans le domaine de la défense empêche la consolidation, la suppression des éléments faisant double emploi et le développement d’une industrie plus performante. Elle risque également de se révéler inadaptée, à l’avenir, pour garantir la sécurité d’approvisionnement dans une chaîne de production européanisée . À l’évidence, il est indispensable de trouver un équilibre entre la liberté d’investissement et la protection des intérêts de sécurité en ce qui concerne le contrôle des équipements et autres ressources qui sont considérés comme essentiels. La Commission entamera la réflexion en 2008 par une étude visant à déterminer quelles modalités adopter à l’avenir concernant le contrôle des investissements étrangers dans les entreprises stratégiques pour assurer un approvisionnement compétitif au niveau européen. Celle-ci envisagera la gamme des possibilités dont dispose l’Europe pour préserver ses intérêts essentiels en matière de défense et de sécurité.

La Commission continuera à utiliser, en fonction des besoins, les dispositions pertinentes du traité et les instruments juridiques à sa disposition en vue de garantir une concurrence équitable dans le domaine des biens produits par l’industrie de la défense et d’éviter des distorsions de concurrence sur les marchés non militaires.

- D’un point de vue économique, les pratiques de compensation ( offsets ) sont toutes susceptibles de fausser le fonctionnement des marchés et de freiner l’intégration des marchés européens de la défense. L’objectif ultime consiste, dès lors, à créer les conditions de marché et la structure d’une BITD européenne, dans lesquelles ces pratiques ne seront plus nécessaires, tout en veillant à ce que la position compétitive des entreprises européennes ne soit pas affaiblie par rapport à celle des fournisseurs de pays tiers.

- L’ouverture progressive du marché, accompagnée d’une plus grande sécurité d’approvisionnement entre les États membres et de règles appropriées applicables dans toute l’Union en matière de marchés publics, sera source de transparence accrue et réduira la nécessité, pour les États membres, de recourir à l’article 296. Mais ce contexte d’ouverture des marchés impose d’autant plus de faire en sorte que les règles du jeu soient les mêmes pour tous . Les aides accordées aux industries de la défense devraient dès lors être rendues pleinement transparentes afin que l’indispensable climat de confiance mutuelle puisse s’instaurer.

3.2. Des politiques visant à améliorer la coordination générale

Les États membres doivent assumer leurs responsabilités afin de fournir collectivement les outils industriels et technologiques nécessaires pour les besoins de la PESD. Alors que les capacités militaires relèvent des États membres, ceux-ci pourraient viser le niveau de performance le meilleur et permettre des solutions plus rentables par le partage et la mise en commun des ressources des programmes civils et militaires européens, ainsi que par l’utilisation de technologies à usages multiples et le recours à des normes communes.

3.2.1. Harmonisation de la demande

Un échange de vues permanent concernant la programmation et les investissements dans le domaine de la défense est donc nécessaire. Cela implique que les États membres soient plus transparents entre eux et consentent à se concentrer sur des activités moins nombreuses qu’aujourd’hui, en axant leurs efforts sur les centres d’excellence, qui devraient émerger d’un processus principalement guidé par le marché. Compte tenu, dans le domaine de la défense, de la longueur des délais en matière de R & D, de la durée de vie des produits et des améliorations en cours d’utilisation, l’alignement du calendrier des achats publics par les États membres constitue une première étape nécessaire à la coordination de la demande. L’AED recherche actuellement les moyens de résoudre cette question. De plus, la transparence mutuelle entre les États membres quant à leur programmation à moyen ou long terme permettrait l’identification de possibles projets d’investissement conjoints, d’achats groupés et une spécialisation cohérente. L’AED a déjà commencé à recueillir des informations concernant les dépenses des États membres en matière de défense afin de maximiser les possibilités de coordination des investissements et d’harmonisation de la demande . Cette évolution pourrait également déboucher sur la définition de programmes européens de coopération semblables à ceux que l’Organisme conjoint de coopération en matière d’armement (OCCAR) met en œuvre actuellement.

3.2.2. Mutualisation des investissements dans la R & D

L’Europe consacre actuellement moins de 5 % de ses budgets publics de défense à la R & D[4]. L’augmentation de la proportion des dépenses militaires affectées à la R & D doperait la compétitivité en dynamisant la capacité d’innovation de l’industrie européenne de la défense. Dans le même temps, il convient de chercher à mutualiser les efforts de recherche et à créer des réseaux de ressources à tous les niveaux (politique, industriel et scientifique) dans le domaine de la défense. Cela revêt d’autant plus d’importance du fait de l’impact de la recherche menée en collaboration sur la convergence ultérieure des marchés.

Les chercheurs de la défense mettent au point des technologies souvent similaires à leurs équivalents dans le domaine civil, aux stades antérieurs à la conception d’applications spécifiques. Pour éviter les doubles emplois inutiles tout en tenant compte de possibles divergences dans les besoins et priorités de l’action publique en matière de défense et de sécurité civile, il serait utile de rechercher systématiquement les synergies entre les programmes de recherche et de développement , par exemple entre le programme de recherche sur la sécurité du septième programme-cadre et les activités de recherche liées à la défense envisagées ou coordonnées par l’AED.

Par ailleurs, le forum européen pour la sécurité, la recherche et l’innovation a démarré ses travaux en septembre 2007. En 2009, il soumettra un programme conjoint de recherche sur la sécurité, qui formulera des recommandations en matière de programmation de la recherche dans ce domaine aux niveaux européen et national. Ce forum est également chargé d’améliorer les canaux de communication public-privé dans le secteur de la recherche européenne sur la sécurité, ainsi que d’accroître la transparence et la coordination entre les différents programmes et initiatives en cours.

3.2.3. Renforcer les PME

Les actions décrites au point 3.1.1 renforceront en elles-mêmes la situation des PME . Des mesures spécifiques ont également été prévues afin d’encourager ces entreprises à participer au septième programme-cadre pour des projets relevant du domaine de la recherche thématique sur la sécurité ainsi que par l’initiative «Recherche au profit des PME»: entre autres, le taux maximum de remboursement a été porté de 50 à 75 % et des règles simplifiées de participation ont été définies pour les PME. Afin d’aider les PME à trouver et à exploiter les possibilités qu’offre le marché, l’AED a élaboré un code de bonnes pratiques dans la chaîne d’approvisionnement et a mis sur pied un portail internet , qui complètent le code de conduite sur les marchés publics de la défense[5]. La Commission suivra attentivement la mise en œuvre du code de bonnes pratiques de l’AED et, après son adoption, de la directive relative aux marchés publics de défense.

3.3. Politiques d’accompagnement

Les mesures présentées dans les paragraphes précédents contribueront à améliorer la compétitivité de l’industrie européenne de la défense, pour plus de coopération, de spécialisation et d’innovation. Grâce à ces marchés plus compétitifs, des entreprises plus fortes et créatrices d’emplois de haute qualité verront le jour.

3.3.1. Ouverture des marchés étrangers

Une industrie de défense européenne forte et compétitive devrait également tirer profit des possibilités économiques qui s’offrent à elle en dehors de l’UE . Sans perdre de vue la possible influence des différences entre les politiques nationales d’exportation, des ventes accrues aux pays tiers devraient accroître la rentabilité et le rendement des capitaux investis dans la R & D, les installations de production et le capital humain. Pour l’heure, l’industrie européenne de la défense est, de facto, empêchée d’approvisionner le marché américain, à moins de passer par des installations implantées aux États-Unis, en raison des réglementations relatives à la protection de la sécurité nationale, des dispositions instaurant la préférence nationale pour les achats dans le domaine de la défense (« Buy American ») et d’autres mesures. Il est donc difficile pour l’industrie européenne de la défense d’exploiter les possibilités économiques aux États-Unis alors que, pour leur part, les entreprises américaines ont plus facilement accès aux marchés européens.

Si l’Europe veut améliorer son accès au marché américain, il lui faut faire en sorte que son industrie des équipements de défense soit en mesure de rivaliser avec les concurrents américains sur les plans de l’innovation et de la qualité . Une approche plus européenne de la coopération à domicile est un premier pas vers une Europe mois dépendante au plan technologique. En particulier, une action conjointe visant à identifier et développer les technologies et capacités industrielles essentielles, ainsi qu’à les garantir pour l’Union serait un gage de crédibilité accrue et permettrait d’alléger la charge liée aux restrictions ITAR ( International Traffic in Arms Regulations ) concernant les exportations d’armements.

L’importance du marché américain ne doit cependant pas faire perdre de vue les nouveaux défis et perspectives que pourraient représenter les économies émergentes à croissance rapide ainsi que le retour possible d’autres grands concurrents. Pour que les entreprises européennes puissent tirer parti de ces possibilités économiques, dans le cadre du code de conduite européen en matière d’exportation d’armements, la Commission a présenté il y a peu une stratégie renouvelée pour l’accès au marché des économies émergentes [6]. Dans le cadre de cette initiative, la Commission cherchera à apporter une solution aux principaux obstacles qui entravent l’accès aux marchés de défense étrangers et qui sont recensés dans la base de données sur l’accès aux marchés.

3.3.2. Gérer le changement

Anticiper et gérer le changement et les restructurations font partie intégrante de la politique industrielle. Alors qu’une industrie qui réussit à relever les défis du marché créera des possibilités et générera des avantages nouveaux, des coûts d’ajustement sont néanmoins toujours possibles, et notamment des pertes d’emplois, dans certaines régions et/ou catégories de travailleurs .

Les conséquences économiques et sociales que pourrait avoir le renforcement de l’intégration des marchés dans le secteur de la défense doivent faire l’objet d’un dialogue social actif favorisant la gestion du changement et des restructurations. Plusieurs des réformes adoptées dans le cadre du plan d’action de 2005 dans le domaine des aides d’État, par exemple concernant l’aide à finalité régionale et l’aide à la formation, peuvent aussi contribuer à anticiper et à accompagner les changements structurels, tout comme les fonds structurels et le Fonds social européen en particulier.

3.3.3. Améliorer la gouvernance de marché dans l’industrie européenne de la défense

La création de l’AED a confirmé l’intention qu’a l’Europe de mettre en place un cadre efficace pour promouvoir et renforcer la coopération en matière d’armements et développer les capacités de défense.

Le fait que la Commission siège au comité directeur de cette agence est une reconnaissance de son rôle dans ce domaine sensible et constitue une base solide pour que des mesures de coordination soient convenues entre différentes actions. De plus, l’AED et la Commission posent le même diagnostic: l’Union a besoin d’une industrie de la défense qui soit compétitive et, pour cela, un marché à l’échelle européenne est indispensable.

Les possibilités offertes par l’Union ne peuvent être pleinement exploitées que si toutes les parties intéressées coopèrent efficacement . La solution passe par un dialogue structuré avec les organes compétents des États membres, dans le cadre du deuxième pilier et de l’AED et dans le respect de la répartition actuelle des compétences, afin d’optimiser les synergies entre tous les pans de l’action publique qui ont une incidence sur la compétitivité de l’industrie de la défense.

À cet égard, l’Union devrait disposer d’un mécanisme approprié menant, au niveau européen, la réflexion concernant les défis et les questions essentielles qui se posent en matière de sécurité et de défense, y compris en matière de compétitivité industrielle, en s’appuyant sur les compétences techniques nationales existantes en la matière, notamment des laboratoires d’idées ( think tanks ) . La Commission examinera les solutions les plus indiquées pour y parvenir avec toutes les parties intéressées.

4. CONCLUSION

Le moment est venu de prendre des mesures énergiques pour rendre les industries européennes de la défense plus compétitives. En clair: si rien ne change, les citoyens européens continueront à payer trop pour leur défense et leur sécurité au regard de ce qu’ils en retirent et l’industrie européenne de la défense verra sa compétitivité décliner.

La stratégie décrite dans la présente communication permettra d’instaurer des conditions plus propices pour que l’industrie européenne de la défense se prépare aux défis de demain en améliorant sa compétitivité, en stimulant l’innovation et, en construisant sur ses forces actuelles, en créant un marché plus équitable ainsi qu’en préservant et en créant des emplois de haute qualité. Cette stratégie vise à garantir que l’industrie européenne de la défense puisse fournir les meilleures capacités pour répondre aux besoins de la PESD.

Les États membres, l’AED et la Commission doivent prendre les mesures nécessaires, tant individuellement que collectivement, pour promouvoir la coordination d’une politique globale de renforcement du marché intérieur pour l’industrie européenne de la défense. La présente communication expose la contribution de la Commission à cet objectif commun.

[1] The Cost of Non-Europe in the Area of Security and Defence .

[2] Long-term vision – A perspective on industry , adopté par le comité directeur de l’AED en septembre 2006.

[3] COM(2006) 779.

[4] À savoir 9 milliards d’euros sur un budget total de 193 milliards d’euros en 2005 pour l’UE-24.

[5] http://www.eda.europa.eu/ebbweb/

[6] COM(2007) 183.