52006DC0481

Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen Efficacité et équité des systèmes européens d’éducation et de formation {SEC(2006) 1096} /* COM/2006/0481 final */


[pic] | COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES |

Bruxelles, le 8.9.2006

COM(2006) 481 final

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU CONSEIL ET AU PARLEMENT EUROPÉEN

Efficacité et équité des systèmes européens d’éducation et de formation

{SEC(2006) 1096}

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU CONSEIL ET AU PARLEMENT EUROPÉEN

Efficacité et équité des systèmes européens d’éducation et de formation

1. INTRODUCTION

1. Le Conseil européen de printemps de 2006[1] a mis en évidence le double défi auquel les systèmes européens d'éducation et de formation doivent faire face, lorsqu’il a conclu qu’ils étaient indispensables au développement à long terme du potentiel de l'UE en matière de compétitivité ainsi qu'à la cohésion sociale. Il a précisé que le rythme des réformes devait s'accélérer afin de garantir l'existence de systèmes d'éducation et de formation de grande qualité, à la fois efficaces et équitable. Ces questions sont au cœur de la réalisation des objectifs assignés à l'Union européenne dans le cadre du partenariat de Lisbonne pour la croissance et l'emploi ainsi que de la méthode ouverte de coordination en matière d’inclusion sociale et de protection sociale.

2. Dans toute l’Europe, dans le contexte des restrictions des dépenses publiques et des défis posés par la mondialisation, l'évolution démographique et l'innovation technologique, une attention accrue est accordée au renforcement de l’efficacité dans le secteur de l'éducation et de la formation. Il va de soi que cette amélioration est souhaitable. Néanmoins, on part fréquemment du principe que les objectifs d’efficacité et d’équité s’excluent mutuellement. Il s’avère trop souvent que les systèmes d’éducation et de formation actuels reproduisent, voire accentuent, les inégalités existantes.

3. Or, il ressort des données disponibles que l’équité[2] et l’efficacité[3], envisagées dans une plus large perspective, se renforcent mutuellement. La présente communication se concentre sur les politiques pour lesquelles ce principe se vérifie. Elle vise à informer les responsables politiques des évolutions dans les autres États membres et des travaux de recherche disponibles au niveau de l’UE, pour faciliter leur prise de décision dans le processus actuel de réforme des systèmes. Le document de travail des services de la Commission[4] expose de façon détaillée les données sur lesquelles elle repose.

1.1 Faire face aux défis économiques et sociaux

4. L’Union européenne est confrontée à quatre défis socio-économiques étroitement liés: la mondialisation et l’émergence de pays nouvellement industrialisés et très compétitifs, la démographie – et plus précisément le vieillissement de la population européenne et les flux migratoires – l’ évolution rapide de la nature du marché du travail, et la révolution des TIC , découlant du progrès technologique. Chacun d’eux a une incidence sur la tâche difficile consistant à assurer une bonne formation à tous les citoyens. Les personnes dotées de faibles qualifications sont davantage exposées au chômage et à l’exclusion sociale. En 2004, 75 millions de citoyens de l’UE étaient peu qualifiés (32% de la main-d’œuvre). Or, il faut savoir que d’ici 2010, seuls 15% des nouveaux emplois iront à des personnes ayant uniquement accompli la scolarité de base[5].

5. Les politiques d’éducation et de formation peuvent avoir un effet positif très net sur les résultats économiques et sociaux, y compris sur le développement durable et la cohésion sociale. Toutefois, les injustices en matière d’éducation et de formation entraînent aussi d’énormes coûts cachés, qui apparaissent rarement dans les systèmes de comptabilité publique. Aux États-Unis, l’abandon des études supérieures par un jeune de 18 ans a, sur toute la durée de sa vie, un coût global estimé à 450 000 dollars (350 000 euros). Ce coût englobe les pertes en matière d’impôt sur le revenu, une demande accrue de soins de santé et d’aide publique, et les dépenses liées à des taux plus élevés de criminalité et de délinquance[6]. Au Royaume-Uni, si 1% de plus des membres de la population active étaient titulaires d’un diplôme d’études secondaires au lieu de ne posséder aucune qualification, le bénéfice pour le pays s’élèverait à environ 665 millions de livres sterling par an, au travers d’une diminution de la criminalité et d’un accroissement des revenus potentiels[7].

6. Les politiques de réduction de ces coûts peuvent avoir des retombées positives en termes d’équité et d’efficacité. Les États membres peuvent maximaliser les rendements réel et à long terme de leurs systèmes d'éducation et de formation en prenant en compte, outre l'efficacité, l'équité, lorsqu'ils prennent des décisions concernant la réforme de ces systèmes.

2. INT É GRER L’EFFICACIT É ET L’ É QUIT É DE FAÇON PROSPECTIVE DANS LES STRAT É GIES D’APPRENTISSAGE TOUT AU LONG DE LA VIE

7. Les investissements dans l’éducation et la formation mettent du temps à porter leurs fruits. Par conséquent, lors de la fixation des priorités en matière de dépenses, les gouvernements devraient prévoir une planification à long terme aux niveaux local et national. Comme le montre la section suivante, l’enseignement préprimaire a le taux de retour le plus élevé de tout le continuum d’apprentissage tout au long de la vie, en particulier chez les personnes les plus défavorisées, et les résultats de cet investissement s’accroissent au fil du temps.

Figure 1: Retours sur investissement à différents niveaux de l’apprentissage tout au long de la vie

[pic] Source: Cunha et autres (2006), adaptation par l’EENEE[8]

8. Cette nécessité de planifier les investissements à long terme fait ressortir l’importance des stratégies nationales d’éducation et de formation tout au long de la vie que les États membres ont convenu d’adopter d’ici fin 2006. Les cadres nationaux et européens des certifications faciliteront la validation de l’apprentissage dans tous les contextes. Cette reconnaissance revêt de l'importance pour la promotion de l'équité, car les personnes les moins favorisées sont nombreuses à acquérir des connaissances et compétences clés[9] dans le cadre de l’éducation non formelle et informelle. Faire en sorte que tout apprentissage soit validé et transférable, afin d’éliminer les «impasses» dans les parcours d’apprentissage, constitue à la fois un gain d’efficacité et d’équité[10].

9. Une culture de l’évaluation est nécessaire au sein des systèmes d’éducation et de formation. Pour être efficaces à long terme, les politiques doivent reposer sur des données solides. Pour que les États membres soient mieux en mesure de comprendre et d’assurer un suivi à ce qui se passe dans leurs systèmes, ils doivent disposer de canaux leur permettant de produire et consulter les travaux de recherche pertinents, d'une infrastructure statistique assurant la collecte des données nécessaires, et de mécanismes d'évaluation des progrès accomplis au regard des politiques mises en place.

10. Les politiques éducatives à elles seules ne peuvent pas remédier aux inégalités en matière d'enseignement. Différents facteurs personnels, sociaux, culturels et économiques se conjuguent pour limiter les possibilités d’éducation. Des démarches transsectorielles sont importantes, pour établir un lien entre les politiques d’éducation et de formation et les politiques ayant trait à l'emploi, à l'économie, à l'inclusion sociale, à la jeunesse, à la santé, à la justice, au logement et aux services sociaux. Ces politiques devraient également être conçues de manière à corriger les déséquilibres régionaux en matière d’éducation et de formation.

Les États membres devraient mettre en place une culture de l’évaluation. Ils devraient élaborer des politiques pour tout le continuum de l’apprentissage tout au long de la vie, qui prennent pleinement en compte l’efficacité et l’équité, de façon combinée et à long terme, et qui complètent les politiques menées dans des domaines connexes.

3. ASSURER L’EFFICACIT É ET L’ É QUIT É AU TRAVERS DES POLITIQUES D’ É DUCATION ET DE FORMATION

3.1. Enseignement préprimaire: se concentrer sur l’apprentissage à un âge précoce

11. Une grande quantité de données indiquent que la participation à un enseignement préprimaire de qualité a des bénéfices durables du point de vue des résultats obtenus et de la socialisation pendant la scolarité et la carrière des individus, parce qu’elle facilite l’apprentissage ultérieur[11].

12. L’expérience en Europe et aux États-Unis montre que les programmes d’intervention précoce, en particulier ceux destinés aux enfants défavorisés, peuvent produire d’importants bénéfices socio-économiques, qui subsistent à l’âge adulte[12]. Ces effets positifs concernent l’amélioration des résultats scolaires, le non-redoublement, les taux d’emploi, les revenus, la prévention de la criminalité, les relations familiales et la santé. Cependant, pour compenser une situation défavorisée pendant toute la durée du cycle éducatif, ces programmes au niveau préprimaire doivent être suivis d'autres interventions, notamment une aide à l'apprentissage des langues et un soutien à l'adaptation sociale, faute de quoi leurs effets bénéfiques tendent à disparaître. Un manque d'investissement dans l'apprentissage précoce débouche sur la nécessité de prendre des mesures correctives nettement plus onéreuses à des étapes ultérieures de la vie, ce qui est moins efficace sur le plan des coûts et peut entraîner des dépenses accrues liées à la criminalité, à la santé, au chômage et à d’autres politiques sociales.

13. Plusieurs pays européens ont mis en place des politiques de dépenses ayant pour but de renforcer l’éducation précoce et de prendre des mesures à l’égard des enfants en situation défavorisée, dès leur plus jeune âge (par ex. BE, ES, FR, IT, HU). De telles politiques étant extrêmement efficaces sur les plans de l’efficacité et de l’équité, il est justifié de leur accorder un degré de priorité élevé dans l’affectation des dépenses publiques et privées.

14. Il convient de se pencher attentivement sur le type d’enseignement pour la petite enfance et sur la pédagogie à utiliser. Les programmes axés sur l’apprentissage ainsi que sur les compétences individuelles et sociales tendent à donner de meilleurs résultats et, par conséquent, à avoir des répercussions plus importantes d'un bout à l'autre de la vie[13]. L’offre d’enseignants du préprimaire spécialement formés devra être améliorée dans bon nombre de pays. L’engagement parental est indispensable à la réussite de l’enseignement préprimaire et peut, dans le cas des personnes défavorisées, être encouragé par le biais de programmes spéciaux d’éducation parentale et de sensibilisation des personnes marginalisées.

L’enseignement préprimaire affiche le rendement le plus élevé sur les plans des résultats obtenus et de l’adaptation sociale des enfants. Les États membres devraient investir davantage dans l’enseignement préprimaire. Celui-ci constitue en effet un moyen efficace de jeter des bases pour l'apprentissage ultérieur, la prévention des abandons scolaires, l'amélioration de l'équité des résultats et le relèvement des niveaux globaux de compétences.

3.2. Enseignements primaire et secondaire: améliorer la qualité de la formation de base pour tous

15. Les systèmes d’éducation et de formation obligatoires devraient assurer à chacun l’enseignement de base et les compétences clés dont il a besoin pour réussir dans une société fondée sur la connaissance. Cet aspect est particulièrement important pour certains groupes défavorisés et dans le cas où les États membres pourvoient aux besoins de nombreux migrants et membres de minorités ethniques. Les systèmes éducatifs comportant un «tracking»[14] précoce des étudiants accentuent les différences de niveau d’études liées à l’origine sociale, ce qui rend les résultats obtenus par les élèves et les écoles encore plus inéquitables[15]. Le tracking est jugé efficace par certains États membres, où des écoles entières sont adaptées à des groupes d'étudiants présentant des besoins et un niveau d’instruction similaires. Toutefois, cette efficacité est remise en cause par les données disponibles. L'acquis des élèves présente de plus grands écarts dans les pays européens (par ex. DE, LI, LU, NL, AT) qui groupent les élèves selon leurs aptitudes à un âge précoce que dans les pays dotés de systèmes scolaires plus intégrés.

16. Un tracking précoce a des effets particulièrement négatifs sur les niveaux d'instruction des enfants défavorisés. Cela est en partie dû au fait qu'il tend à les aiguiller vers des formes d'éducation et de formation moins prestigieuses. Retarder le tracking jusqu’à l’enseignement secondaire supérieur, en prévoyant simultanément la possibilité de changer de type d'école, peut permettre de réduire la ségrégation et de promouvoir l'équité sans que l'efficacité en pâtisse[16].

17. Un grand nombre d’États membres (par ex. BE-NL, CZ, IE, IT, LV, HU, PT, SK, UK)[17] se sont efforcés d’améliorer l’efficacité par la décentralisation, en accordant une plus grande latitude aux différents établissements en ce qui concerne le contenu des cours, l’affectation des budgets ou la prise de décisions en matière de personnel. Cette décentralisation est généralement motivée par le fait que la connaissance de la situation locale et des besoins spécifiques rend la prise de décision autonome plus efficace. Des systèmes de responsabilisation sous la forme d’examens de sortie centraux et de systèmes d’évaluation interne existent dans la plupart des pays européens (par ex. DK, EE, EL, FR, IE, IT, CY, LV, LT, HU, MT, NL, AT, PL, PT, SI, FI, UK, LI, NO, RO)[18]. Selon certaines données disponibles au niveau international, il semble que la combinaison d'une autonomie locale pour les établissements et de systèmes de responsabilisation centraux soit de nature à améliorer les résultats des élèves. Néanmoins, les systèmes de responsabilisation devraient être conçus de façon à garantir un attachement plein et entier au principe d'équité et à éviter les conséquences potentiellement inéquitables, au niveau local, de décisions décentralisées, par exemple sur la définition des zones de recrutement scolaire. Certains pays ont intégré dans leurs systèmes de responsabilisation des objectifs d'équité et des incitations en la matière, combinés à des mesures de suivi à l’égard des établissements qui n’atteignent pas le niveau d’équité requis.

18. Les facteurs qui revêtent le plus d’importance pour l’efficacité et l’équité sont la qualité, l’expérience et la motivation des enseignants, ainsi que les types de pédagogie qu’ils appliquent. En agissant de concert avec les parents et les services d’aide sociale aux élèves, les enseignants peuvent contribuer de manière essentielle à assurer la participation des plus défavorisés. Cette coopération est particulièrement efficace lorsque les écoles appliquent des stratégies d’inclusion qui sont actualisées en permanence et fondées sur la recherche pédagogique. Les États membres ont déployé des efforts considérables pour trouver le juste dosage de mesures permettant d’encourager des enseignants expérimentés et motivés à accepter ou conserver un poste dans les écoles les plus difficiles[19]. Il conviendrait d’accorder une attention prioritaire à l'élaboration de politiques de recrutement garantissant l’accès des élèves défavorisés à un enseignement de qualité.

L’essentiel de la recherche suggère que les systèmes d’éducation et de formation qui regroupent les élèves selon les aptitudes à un âge précoce, renforcent l'influence de l’origine socio-économique sur le niveau d’études et n’entraînent pas d’augmentation d’efficacité à long terme. L’efficacité et l’équité peuvent toutes deux être améliorées en s’attachant prioritairement à améliorer la qualité des enseignants et les procédures de recrutement dans les zones défavorisées et à mettre au point des systèmes d’autonomie et de responsabilisation qui permettent d’éviter toute injustice.

3.3. Enseignement supérieur: améliorer l’investissement tout en élargissant la participation

19. L’enseignement supérieur est un secteur clé de l’économie et la société fondées sur la connaissance. Il est au cœur du «triangle de la connaissance» formé par l’éducation, l’innovation et la recherche. Comme la Commission l’indique clairement dans sa communication sur la modernisation des universités[20], le secteur de l’enseignement supérieur dans l’UE est confronté à de nombreux défis et doit être modernisé pour pouvoir devenir plus compétitif et favoriser l'excellence. Un défi consiste à mettre en place des systèmes diversifiés qui permettent la participation équitable de tous, tout en restant financièrement viables et en jouant leurs rôles plus efficacement. La Commission a déjà proposé que l’UE se fixe comme objectif, d’ici dix ans, de consacrer au moins 2% du PIB à toutes les activités d’un système d’enseignement supérieur modernisé[21], en vue de créer une société de la connaissance.

20. Le nombre d’étudiants est en hausse constante et les attentes placées dans les universités européennes ne cessent de croître. En revanche, les niveaux de financement n’ont pas augmenté dans la même mesure. Parallèlement, l’accroissement du nombre d’étudiants n’est pas allé de pair avec un renforcement de l’équité, étant donné qu’il a essentiellement profité à des jeunes issus de groupes socio-économiques élevés ou dont les parents ont suivi des études supérieures[22].

21. On a coutume de croire qu'un système d'enseignement supérieur «gratuit» (entièrement financé par l'État) est, en soi, équitable. Or, cette hypothèse n’a pas été confirmée par la réalité, dans la mesure où le principal facteur de participation est l'origine socio-économique. L’essentiel de la recherche montre que les rendements privés sont habituellement élevés pour ceux qui ont bénéficié de l’enseignement supérieur, et que ces gains ne sont pas entièrement compensés dans les systèmes d’imposition progressive. Ceci peut entraîner un effet deredistribution inverse. Cet effet régressif est particulièrement aigu lorsque les systèmes scolaires accentuent l'influence du milieu socio-économique sur le niveau d'études. Pour assurer un équilibre plus équitable entre, d’une part, les coûts pris en charge par les individus et la société et, d’autre part, les bénéfices revenant à chacun[23] et contribuer à fournir aux universités les fonds supplémentaires dont elles ont besoin, de nombreux pays font appel aux principaux bénéficiaires directs de l’enseignement supérieur, à savoir les étudiants, pour qu’ils investissent dans leur propre avenir en acquittant des droits d’inscription (par ex. BE, ES, IE, NL, AT, PT, UK, LI)[24]. Il semble également, selon les données disponibles, que les effets des droits d’inscription sur le marché puissent améliorer la qualité de l’enseignement et de la gestion dans les universités et renforcer la motivation des étudiants[25].

22. Il va de soi que si l’instauration de droits d'inscription ne va pas de pair avec l'octroi d'une aide financière aux étudiants plus démunis, elle risque d’aggraver les injustices dans l'accès à l'enseignement supérieur. Les personnes les plus défavorisées sont souvent les moins enclines à s’exposer à des risques et des dettes, et sont davantage susceptibles d’hésiter à consacrer du temps à des études, au lieu de gagner de l'argent, lorsque des rendements privés après l'obtention du diplôme ne sont pas garantis. Cet aspect revêt une importance particulière lorsque le montant des droits d'inscription est fondé sur une estimation des taux de retour futurs, sur la base de l’hypothèse implicite que l’économie continuera à rétribuer les diplômés dans la même mesure qu'aujourd'hui. En se portant garant d’emprunts bancaires et en offrant des prêts remboursables en fonction des revenus futurs, ainsi que des bourses accordées ou non sous condition de ressources, les gouvernements peuvent encourager l’accès à l’enseignement supérieur des étudiants moins bien nantis. De tels systèmes ont déjà été mis en place dans plusieurs pays européens (par ex. BE, ES, FR, IE, IT, LV, LT, NL, AT, PT, UK, LI). Ils sont trop récents pour pouvoir avoir fait l’objet d’une étude approfondie. Néanmoins, il ressort de données en provenance d’Australie et des États-Unis que des droits d'inscription assortis d’une aide financière ciblée débouchent sur une augmentation du nombre d'étudiants sans effet négatif sur l’équité[26].

23. En raison des injustices subies plus tôt dans le cycle éducatif, il est fréquent que les élèves issus de milieux défavorisés n’atteignent pas le niveau de qualifications nécessaire pour accéder à l'enseignement supérieur. Et même ceux qui y parviennent hésitent souvent à envisager d'aller à l'université[27]. Des politiques visant à renforcer l’efficacité et l'équité des systèmes scolaires sont indispensables, de même que des mesures destinées à faire changer les perceptions culturelles de l'enseignement supérieur. À cette fin, il serait utile que les élèves soient informés des possibilités et avantages offerts par l’enseignement supérieur, dans le cadre de visites scolaires, de programmes de parrainage et d’une orientation tout au long de la vie. Il est également essentiel de s’adresser aux familles, lorsque les enfants sont relativement jeunes[28]. Les universités devraient être encouragées à élaborer des politiques globales de sensibilisation des personnes marginalisées et d’accès à l’enseignement, qui pourraient comprendre la mise en place de programmes tremplins et de places réservées.

L’accès gratuit à l’enseignement supérieur ne garantit pas nécessairement l’équité. Pour renforcer à la fois l’efficacité et l’équité, les États membres devraient mettre en place les conditions et les incitations requises pour engendrer des investissements publics et privés plus importants, notamment, le cas échéant, au moyen de droits d’inscription, combinés à des mesures financières d’accompagnement pour les personnes défavorisées. Des mesures spécifiques s'imposent également au niveau scolaire. Les établissements d'enseignement supérieur devraient offrir une gamme de cours et d'incitations plus diversifiée, pour répondre à des besoins économiques et sociaux de plus en plus variés.

3.4. Enseignement et formation professionnels: améliorer la qualité et la pertinence

24. Étant donné que notre population vieillit, le taux de chômage des jeunes - qui demeure élevé dans l’Union européenne - constitue un problème de plus en plus grave. D'ici 2050, la part d’Européens âgés d’au moins 65 ans augmentera de 65%, tandis que celle des personnes en âge de travailler (15 à 64 ans) diminuera de 20%[29]. On constate également une demande accrue de travailleurs plus qualifiés. Les nouveaux venus sur le marché du travail ayant les niveaux d’études les plus bas sont les plus exposés au chômage. Si une intervention précoce pour augmenter la participation à l’enseignement et relever le niveau d’études est le moyen le plus efficace d’améliorer les perspectives d’emploi, le passage du monde de l’éducation à celui du travail n’en est pas moins décisif. Selon les données disponibles, il semble que, dans les pays dotés de systèmes d’enseignement et de formation professionnels (EFP) bien développés, les participants puissent espérer en retirer un bénéfice raisonnable en termes de revenus[30]. Si l’on veut augmenter l’attractivité des systèmes professionnels, il est indispensable d’éliminer les impasses qu’ils comportent, de telle sorte que les intéressés puissent accéder à l’enseignement supérieur. Les États membres devraient mettre au point des filières souples et claires passant par l’enseignement professionnel et menant à un apprentissage ultérieur et à l’emploi. Cette démarche devrait permettre d’aboutir à un meilleur équilibre - reflétant mieux les besoins du marché du travail - de personnes diplômées de l’enseignement supérieur et dotées de qualifications professionnelles.

25. Compte tenu des défis inhérents au vieillissement de la population, de meilleures perspectives dans le domaine de l’éducation des adultes sont importantes, tant pour l’équité que pour l’efficacité, en particulier pour amener les personnes peu qualifiées à suivre à nouveau un apprentissage et les aider à mieux s’adapter à un marché du travail en transformation. Les employeurs ont tendance à offrir une formation en situation de travail aux personnes plus qualifiées, ce qui est très bénéfique à l’intéressé et à l’employeur sur le plan des revenus[31]. En revanche, les entreprises se sont révélées peu enclines à offrir une formation aux personnes défavorisées, peu instruites ou dépourvues des compétences de base.

26. Seuls 10,8% des adultes européens participent à une activité formelle, non formelle ou informelle d’apprentissage tout au long de la vie, ce qui est largement en deçà du niveau de référence fixé pour l’UE, à savoir une participation de 12,5% d’ici 2010. Les données relatives au niveau d’études antérieur des personnes en situation d’apprentissage non formel (figure 2) montrent que celles se trouvant au bas de l’échelle des qualifications sont les moins susceptibles de participer à un apprentissage ultérieur et d’améliorer ainsi leurs perspectives d’emploi.

Figure 2: Participation des 25-64 ans à l’apprentissage non formel, par niveau d’études (en %), 2003

[pic]■ EU 25: 6,5 % ■ EU 25: 16,4 % ■ EU 25: 30,9 %

Source: EUROSTAT: Enquête sur les forces de travail (EFT), module ad hoc, 2003

Population cible: 25-64 ans. Période de référence: 12 mois

27. Les bénéfices culturels et sociaux de la formation sont importants dans la mesure où ils débouchent sur un sentiment d’engagement social et peuvent aider les adultes à réintégrer le cycle d’apprentissage. Sur le plan de l’équité, il est nécessaire que les chômeurs et les personnes ayant échoué dans le système éducatif obligatoire aient accès à des programmes de formation des adultes financés par les pouvoirs publics. Toutefois, le bilan de la capacité de ces programmes à élargir les perspectives d’emploi des adultes défavorisés s’est généralement révélé médiocre[32]. Deux démarches peuvent contribuer à améliorer cette situation.

28. Premièrement, les programmes réussis de formation professionnelle et d’éducation des adultes reposent souvent sur des partenariats entre des entreprises, le secteur public, les partenaires sociaux et des organisations locales du troisième secteur[33]. Ils sont centrés sur des groupes cibles spécifiques et sur leurs besoins. En outre, les partenariats au niveau de l’enseignement secondaire supérieur offrent un environnement d'apprentissage différent à des jeunes qui, sinon, risqueraient d'abandonner leurs études[34]. Il va de soi que de telles initiatives ont un coût. Cependant, les coûts de l'inaction et du grand nombre d'abandons qui en découlent sont considérablement plus élevés[35].

29. Deuxièmement, la formation doit être étroitement liée aux besoins des employeurs en compétences. Il convient de l’adapter au marché du travail en faisant participer les entreprises, non seulement dans le cadre de partenariats, mais aussi en renforçant la composante «en cours d’emploi». Pour mieux rapprocher l’offre et la demande et faciliter les choix de formation et de carrière, les gouvernements devraient diffuser davantage d’informations sur les besoins en compétences existant sur le marché du travail. Le soutien de l’État à des programmes de formation organisés à l’échelle de l’industrie tout entière ou d’un secteur en particulier est potentiellement propre à encourager l’investissement privé, car le partage des frais généraux fait baisser les coûts à supporter par les entreprises et les travailleurs[36]. En outre, le risque de débauchage – élément qui dissuade souvent les employeurs d’investir dans la formation – est ainsi réduit. Les employeurs devraient investir dans l’éducation et la formation pour rester compétitifs et pour que les entreprises s’acquittent de leur responsabilité sociale, qui consiste à devenir des «organisations apprenantes»[37]. Les programmes de formation liés au marché du travail et axés sur les besoins en compétences de l'économie régionale et locale se sont révélés particulièrement efficaces pour élargir les perspectives d'emploi des personnes défavorisées[38].

Les États membres devraient mettre en place diverses filières bien définies passant par l’EFP et menant à l'apprentissage ultérieur et à l'emploi. Ils devraient également améliorer les programmes publics de formation destinés aux chômeurs et aux apprenants défavorisés. Il est possible d’améliorer la qualité et la pertinence de tels programmes en encourageant les partenariats entre parties prenantes aux niveaux régional et local et en facilitant la participation du secteur privé.

4. ACTION DE L’UNION EUROP É ENNE

30. Pour faire face aux défis exposés dans la présente communication, le plus grand rôle échoit clairement aux États membres. Outre les recommandations qui leur sont adressées, une action est également nécessaire à l’échelle de l’Union européenne. Tous les pays doivent faire face aux incidences de la concurrence économique et de l’évolution sociale sur le plan mondial, qui varient toutefois selon la situation de chacun d’eux. La valeur ajoutée d'une approche européenne réside dans l’avantage que les divers systèmes d’éducation et de formation peuvent retirer d’un apprentissage mutuel et d’échanges de bonnes pratiques.

31. Le nouveau programme dans le domaine de l'éducation et de la formation tout au long de la vie favorisera la mobilité de millions de personnes, en les dotant de nouvelles compétences et en les aidant à s’adapter au marché du travail européen. En outre, grâce à la coopération transnationale ainsi instaurée, il renforcera la qualité et l’interconnexion de nos établissements d’éducation et de formation. Ce programme fonctionnera en synergie avec les nouveaux mécanismes des Fonds structurels, qui soutiendront les réformes des systèmes et des projets destinés à élargir l’offre d’enseignement et de formation.

32. Dans le cadre de la stratégie de Lisbonne révisée et du programme de travail «Éducation et formation 2010», l’Union européenne aide les États membres à élaborer et mettre en œuvre leurs politiques en matière d’éducation et de formation en facilitant l'échange d'informations, de données et de bonnes pratiques, par le jeu de l'apprentissage mutuel et de l'évaluation par les pairs. L’efficacité et l’équité formeront un thème prioritaire dans ces travaux, et l’Union européenne accordera un soutien particulier à la mise en place d’une culture de l’évaluation et à l’échange de bonnes pratiques dans le domaine de l’enseignement préprimaire. La Commission entend également faire avancer les travaux concernant l’éducation des adultes ainsi que la création d'un cadre européen des certifications et d'un cadre européen de statistiques et d'indicateurs. Ces travaux s'appuieront sur les recherches en matière d’efficacité et d’équité financées par le septième programme-cadre de l’UE pour la recherche et le développement.

[1] Conseil européen des 23 et 24 mars 2006, conclusions de la présidence, point 23.

[2] L’équité désigne le degré auquel les individus peuvent bénéficier de l’éducation et de la formation, en matière de possibilités, d’accès, de traitement et de résultats. Un système est équitable si les résultats de l’éducation et de la formation sont indépendants du milieu socio-économique et d'autres facteurs conduisant à un handicap éducatif et que le traitement reflète les besoins spécifiques des individus en matière d'apprentissage. Les injustices fondées sur l’appartenance à l’un ou l’autre sexe ou à une minorité ethnique, un handicap, des disparités régionales, etc., ne forment pas le thème principal du présent document, mais doivent être prises en considération dans la mesure où elles contribuent aux désavantages socio-économiques globaux.

[3] L’efficacité porte sur la relation, dans un processus, entre les moyens mis en œuvre et les résultats obtenus. Un système est efficace si les moyens mis en œuvre donnent un résultat maximal. L’efficacité relative des systèmes éducatifs est généralement mesurée à l’aide des résultats de tests et d’examens, tandis que leur efficacité par rapport à la société tout entière et à l’économie est jugée à l’aune de leurs taux de retour sur les plans privé et social.

[4] Staff Working Paper (SWP) (SEC (2006) 1096)

[5] SWP, p. 5

[6] SWP, pp. 13-14

[7] SWP, pp. 12-13

[8] Réseau européen d'experts en économie de l'éducation (EENEE): www.education-economics.org

[9] COM(2005)548, 2005/0221 (COD), «Proposition de recommandation du Parlement européen et du Conseil sur les compétences clés pour l'éducation et la formation tout au long de la vie»

[10] SWP, pp. 15-16

[11] SWP, pp. 15-16, 18

[12] SWP, pp. 18-19

[13] SWP, pp. 18-19

[14] Ce terme désigne la répartition des enfants dans des écoles distinctes en fonction des aptitudes qu’ils présentent avant l’âge de 13 ans. Bien que le tracking n’implique pas forcément de séparation entre filière théorique/générale et filière professionnelle, il tend à y revenir, dans la pratique. Cette définition n'englobe pas le «streaming» (regroupement en classes homogènes), qui consiste à adapter le programme d'études à différents groupes d'enfants selon leurs aptitudes, mais au sein d’un même établissement.

[15] SWP, pp. 19-20

[16] SWP, p. 22

[17] SWP, pp. 22-23

[18] SWP, pp. 23-24

[19] SWP, p. 25

[20] COM (2006) 208 final

[21] COM (2006) 208 final. Voir également COM (2006) 30 et COM (2005) 152

[22] SWP, pp. 25-26

[23] Le taux privé moyen de rendement de l’enseignement supérieur est légèrement inférieur à 9% dans dix pays de l’OCDE.

[24] SWP, pp. 27-29

[25] SWP, p. 28

[26] SWP, p. 29

[27] SWP, p. 28

[28] SWP, p. 29

[29] SWP, p. 30

[30] SWP, p. 30

[31] SWP, p. 31

[32] SWP, pp. 33-34

[33] Le Conseil et la Commission ont reconnu l’importance du dialogue social: http://ec.europa.eu/comm/employment_social/social_dialogue/

[34] SWP, pp. 34-37

[35] SWP, pp. 12-14

[36] SWP, pp. 34-35, 37-38

[37] COM(2006)136, «Mise en œuvre du partenariat pour la croissance et l’emploi: faire de l’Europe un pôle d’excellence en matière de responsabilité sociale des entreprises»

[38] SWP, p. 38