52004DC0304

Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, Comité économique et social européen et au Comite des régions - Moderniser la protection sociale pour le développement de soins de santé et de soins de longue durée de qualité, accessibles et durables : un appui aux stratégies nationales par la « méthode ouverte de coordination » /* COM/2004/0304 final */


COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU CONSEIL, AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITE DES REGIONS - Moderniser la protection sociale pour le développement de soins de santé et de soins de longue durée de qualité, accessibles et durables : un appui aux stratégies nationales par la « méthode ouverte de coordination »

1. Introduction

Les systèmes de protection sociale mis en place dans les Etats membres ont pour but d'assurer l'accès de tous à des soins de qualité. Leur développement a permis de réduire considérablement le risque de pauvreté, qui était souvent lié autrefois à la maladie, au grand âge ou à l'accident, et contribué largement à l'amélioration considérable de l'état de santé des populations européennes au cours des dernières décennies [1]. Ils représentent donc un élément important du modèle social européen, d'autant que la qualité des soins dispensés en Europe a peu d'équivalent sur la planète.

[1] Par exemple, entre 1960 et 2001, l'espérance de vie des hommes a gagné 8,1 années et celle des femmes, 8,7 années.

La présente communication, annoncée par le Rapport de Printemps 2004 [2], vise à favoriser la définition d'un cadre commun permettant de soutenir les efforts nationaux de réforme et de développement des soins de santé ainsi que des soins de longue durée, pris en charge par la protection sociale, grâce à l'application de la « méthode ouverte de coordination ». De son côté, la résolution adoptée par le Parlement européen le 11 mars dernier appelle à une coopération renforcée en matière de santé et de prise en charge de longue durée, et demande à la Commission de faire des propositions en ce sens au printemps 2004, permettant au Conseil d'appliquer la « méthode ouverte de coordination » à ce domaine et d'adopter des objectifs communs.

[2] COM (2004) 29 final - « Réalisons Lisbonne : Réformes pour une Union élargie »

Cette communication complète ainsi celle qui fait suite aux propositions du « Processus de réflexion à haut niveau sur la mobilité des patients et le développement des soins de santé dans l'Union européenne » (ci-après dénommée "communication sur la mobilité des patients"), lancé à l'initiative des Commissaires David Byrne et Anna Diamantopoulou et composé de représentants des ministres de la santé et de la Commission [3]. Ces deux communications, adoptées ensemble par la Commission, présentent ainsi une stratégie d'ensemble visant à bâtir une vision partagée pour les systèmes de santé européens et les systèmes de protection sociale.

[3] Les conclusions du « HLPR » sont disponibles à : http://europa.eu.int/comm/health/ ph_overview/Documents/key01_mobility_fr.pdf

En effet, la protection sociale permet de répartir, à l'échelle de toute la société, des coûts qui excèdent bien souvent les moyens d'un seul individu ou de sa famille : elle évite ainsi que le recours aux soins ne se traduise par un appauvrissement, et qu'un faible revenu ne limite sérieusement l'accès au système de soins. Ces résultats ont été obtenus grâce à une grande diversité de systèmes - fondés sur l'assurance ou sur la fourniture directe de services -, dont le Traité confère la responsabilité première aux Etats membres. L'importance de cette responsabilité, ainsi que la nécessité d'une meilleure coopération à l'échelle européenne, ont été notamment soulignées par les conclusions de la réflexion du « Processus de réflexion à haut niveau ».

Le rôle des systèmes de soins dans le recul du risque de pauvreté et de maladie, leur contribution à la cohésion sociale et leur part dans l'emploi, ainsi que les conséquences du vieillissement démographique, ont été reconnus depuis longtemps au niveau de l'Union. Dès 1992, une recommandation du Conseil [4] demandait aux Etats Membres de « veiller au maintien et, si nécessaire, au développement d'un système de soins de qualité, adapté à l'évolution des besoins de la population, et notamment à ceux qui découlent de la dépendance des personnes âgées, à l'évolution des pathologies et des thérapeutiques et à la nécessaire intensification de la prévention ». En 1999, les soins de santé furent identifiés par le Conseil comme l'un des quatre domaines de la protection sociale [5] où une coopération renforcée entre Etats membres était nécessaire.

[4] Recommandation du Conseil du 27 juillet 1992 relative à la convergence des objectifs et politiques de protection sociale (92/442/CEE), Journal officiel n° L245 du 26/08/1992 p. 0049 - 0052.

[5] En 2000, la santé représentait 27,3 % des dépenses de protection sociale dans l'UE-15, soit le second poste après les pensions de retraite et de réversion (Source : annexe statistique du projet de Rapport conjoint sur l'inclusion sociale 2003, SEC (2003) 1425).

Suite aux Conseils européens de Lisbonne et de Göteborg, qui ont mis l'accent sur la nécessité de réformer et d'adapter les systèmes de protection sociale, y compris les soins de santé, pour faire face au vieillissement démographique et assurer la cohésion sociale, la Commission a identifié trois orientations [6] pouvant servir de cadre à cette réforme. Ces orientations ont été approuvées par le Conseil européen de Barcelone en mars 2002 [7] :

[6] COM (2001) 723 final

[7] 25 : « Le Conseil européen prend acte du premier rapport du Conseil en matière de soins de santé et de soins pour les personnes âgées et invite la Commission et le Conseil à examiner de manière plus approfondie les questions d'accessibilité, de qualité et de viabilité financière à temps pour le Conseil européen du printemps 2003. »

- l'accessibilité des soins sur une base d'universalité, d'équité et de solidarité, prenant en compte les besoins et les difficultés des groupes et des individus les plus désavantagés, mais aussi de ceux qui doivent bénéficier de soins coûteux et longs ;

- l'offre de soins de qualité à la population, s'adaptant aux avancées de la science et aux besoins émergeant avec le vieillissement, et reposant sur une évaluation de leurs bénéfices pour la santé ;

- des mesures assurant la viabilité financière, à long terme, de ces soins et visant à la plus grande efficacité du système.

2. Accessibilité, qualité, viabilité financière : un défi pour les systèmes de soins, une clé du succès de la strategie de lisbonne

Le rapport conjoint de la Commission et du Conseil "Soutenir les stratégies nationales pour l'avenir des soins de santé et des soins aux personnes âgées" du 10 mars 2003 a souligné que les innovations technologiques et thérapeutiques, l'amélioration du bien-être et de l'information des patients, ainsi que le vieillissement démographique, soulèvent aujourd'hui des problèmes nouveaux quant à la capacité des systèmes nationaux à assurer accessibilité et qualité, et à garantir leur viabilité financière à long terme. Ce sont là des enjeux communs à tous les systèmes, que révèlent certains problèmes : les inégalités et les difficultés d'accès persistent, en dépit de l'universalité garantie en principe par les systèmes ; l'offre de services de qualité est parfois insuffisante par rapport aux besoins de la population, avec des temps d'attente excessifs; des déséquilibres financiers se creusent dans certains systèmes.

Les nouveaux Etats Membres vont accroître cette diversité et accentuer certains traits de l'actuelle UE-15. Leurs principaux indicateurs de santé sont en général moins bons que ceux de l'UE-15, singulièrement pour les hommes, et ils consacrent sensiblement moins de ressources à leur système de soins, en dépit d'une croissance continue depuis le début des années 90. Par ailleurs, le vieillissement des professions de santé, s'y fait sentir davantage que dans l'UE-15. La « stratégie de Lisbonne » forme donc un cadre cohérent pour le rattrapage du niveau et de la qualité des soins, et soutenu par une diversité d'instruments, y compris la « méthode ouverte de coordination ».

Dans le même temps, l'intégration de l'Union entraîne une interaction croissante des systèmes de soins :

- les soins de santé ont été reconnus par la jurisprudence de la Cour de Justice comme des services au sens du Traité, et les patients en tant que destinataires de ces services doivent pouvoir bénéficier de la libre prestation de services qu'il garantit [8]. La modernisation du règlement 1408/71 [9] intègre cette dimension et son application est précisée par une proposition de directive, présentée le 13 janvier 2004, relative aux services dans le marché intérieur, qui inclue une définition des services hospitaliers [10] ;

[8] Voir le Rapport de synthèse sur l'application des règles du marché intérieur aux services de santé et la mise en oeuvre par les Etats membres de la jurisprudence de la Cour (SEC (2003) 900).

[9] Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (COM (1998) 779 final); Proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (COM (2003) 596 final); Communication de la Commission au Parlement européen concernant la position commune arrêtée par le Conseil en vue de l'adoption d'un règlement du Parlement européen et du Conseil portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (COM (2004) 44 final)

[10] COM (2004) 2 final

- les citoyens de l'Union font un usage croissant de leur droit à la mobilité [11], pour s'installer dans un autre Etat membre, s'y déplacer temporairement, voire pour y bénéficier de soins.

[11] Plan d'action de la Commission en matière de compétences et de mobilité, COM (2002) 72 final.

Dans le même temps, cette interaction a été accompagnée du développement de politiques, au niveau de l'Union, qui ont un impact sur les systèmes de soins de santé, et, plus généralement, sur la santé des européens. Mais ces évolutions n'ont jamais fait l'objet d'une stratégie globale, abordant en même temps le développement et la modernisation de l'offre et du financement des soins, la mobilité des patients et des professionnels dans l'Union élargie, la coopération entre régions et systèmes de santé, mais aussi l'intégration dans l'ensemble des politiques communautaires de l'objectif essentiel que constitue un niveau élevé de protection de la santé humaine. Le « Rapport de Printemps 2004 » appelle donc à renforcer la coordination des politiques nationales, afin de soutenir les efforts de modernisation et de développement de ce secteur qui sont entrepris par tous les Etats Membres, actuels et nouveaux. C'est donc une stratégie globale pour les systèmes de santé que présentent aujourd'hui deux communications de la Commission :

- Cette communication propose des objectifs communs pour le développement et la modernisation de l'offre et du financement des soins, qui permettraient aux Etats membres de définir leur stratégie nationale et de bénéficier des expériences et des « bonnes pratiques » des autres. Cette coordination des politiques nationales complèterait ainsi les trois autres grands domaines de la protection sociale - retraites, inclusion et « Make work pay » - qui ont fait l'objet d'une coordination renforcée depuis 2000.

Une communication fait suite aux recommandations adoptées par le « Processus de Réflexion à Haut Niveau » (HLPR). Elle présente ainsi un ensemble de propositions concrètes, couvrant de nombreux domaines, et permettant d'intégrer l'objectif d'un niveau élevé de protection de la santé humaine, qui est proclamé par le Traité, dans les politiques communautaires.Par ailleurs, l'offre et le financement des soins de santé et des soins de longue durée, représentent des éléments clés de la stratégie de modernisation économique et sociale lancée à Lisbonne en mars 2000, pour trois raisons complémentaires.

La cohésion sociale est renforcée par un accès à des soins de qualité, fondés sur l'universalité, l'équité et la solidarité. Améliorer l'accès aux soins est reconnu comme un moyen de mobiliser le potentiel de main-d'oeuvre de l'Union dans la perspective de la diminution de sa population active. Des recherches récentes [12] montrent à cet égard que la politique de soins de santé devrait être considérée comme un outil des politiques actives de l'emploi, car elle permet de renforcer la capacité d'insertion sociale et professionnelle des demandeurs d'emploi. Pourtant, comme le montre le projet de Rapport conjoint sur l'inclusion [13], les groupes les plus désavantagés connaissent des problèmes de santé plus nombreux et plus importants : par exemple, 16 % du quintile de revenu inférieur déclarent être en mauvaise santé, contre 7 % du quintile supérieur [14]. Or, ces personnes rencontrent souvent plus de difficultés d'accès aux soins, qu'il s'agisse de temps d'attente, de coûts de traitement élevés par rapport à leur revenu, de procédures administratives complexes, et, plus largement, d'une insuffisante prévention (dépistage, vaccination).

[12] Brenner, H., "Unemployment and public health" - Rapport final commandé par la Commission européenne, mai 2002

[13] COM (2003) 773 final

[14] En 2000. Source : indicateurs communs de pauvreté et d'exclusion sociale, Eurostat, ECHP UDB version décembre 2002.

En deuxième lieu, le secteur des soins de santé et des soins de longue durée [15] représentait en 2002 environ 10 % de l'emploi total dans l'Union à 15, et de 4,1 % à 7,1 % dans les nouveaux Etats membres. Avec 1,7 million d'emplois nouveaux entre 1997 et 2002 dans l'UE-15, il est aussi le deuxième secteur créateur d'emplois. Pour être capable de relever les défis résultant des évolutions démographiques et des progrès technologiques, il est essentiel de disposer d'un nombre suffisant de professionnels, et de leur assurer des emplois de qualité. Or, le vieillissement de la main-d'oeuvre s'y fera particulièrement sentir. En 2002, dans l'UE-15 et dans l'UE-25, 11 % de la main-d'oeuvre employée dans ce secteur étaient âgés de 55 à 64 ans, et cette proportion était plus élevée encore pour les médecins [16]. Surtout, une forte proportion des travailleurs de ce secteur (27 %, dans l'UE-15 comme dans l'UE-25) se trouve dans la tranche d'âge des 45-54 ans, ce qui permet de prévoir un « choc démographique » de grande ampleur dans les années à venir. Ces départs en retraite surviendront dans un contexte de vieillissement général, ce qui signifie que le secteur des soins de santé et des « services sociaux » connaîtra la concurrence d'autres secteurs pour le recrutement de nouveaux travailleurs.

[15] Voir Emploi en Europe 2003, page 37. L'enquête sur les forces de travail inclut les soins de santé, tous les services dits « sociaux », y compris la prise en charge des enfants, et les services vétérinaires.

[16] En 2001, elle allait de 11,7 % pour l'Angleterre à 21,7 % pour la République tchèque et à 33,2% pour le Danemark, par exemple. Voir aussi rapport de la Commission sur la situation sociale en 2003

L'amélioration de la qualité des emplois sera donc indispensable pour prévenir les retraits prématurés du marché du travail, en particulier des personnes occupant les emplois les plus durs et les plus stressants et des travailleurs de plus de 55 ans, mais aussi pour favoriser de nouveaux recrutements. L'amélioration de la productivité et de l'efficacité des prestataires de soins, sera aussi un enjeu clé pour le développement durable de ce secteur. La « e-santé », dont le développement est promu par le Plan d'action eEurope 2005 [17], a ici un rôle essentiel à jouer, à la fois dans l'information, la prévention, l'amélioration de l'offre de soins et dans la formation tout au long de la vie des professionnels [18].

[17] Communication de la Commission « eEurope 2005: une société de l'information pour tous », COM (2002) 263 final.

[18] Voir la Communication de la Commission : « e-santé - améliorer les soins de santé délivrés aux citoyens européens : un plan d'action pour un espace européen de la e-santé », COM (2004) XXX

Le vieillissement démographique aura deux autres effets sur le secteur des soins de santé et de la prise en charge des personnes âgées : la hausse du nombre de personnes âgées de plus de 65 ans (+64 % entre 2002 et 2050, selon le scénario de base d'Eurostat) et celle du nombre de personnes âgées de plus de 80 ans (qui passeront de 14,8 à 37,9 millions aux mêmes dates). Ces évolutions, qui témoignent d'abord de l'amélioration de l'état de santé des Européens, signifient aussi davantage de pathologies liées à l'âge, et posent la question des soins de longue durée. En effet, le vieillissement de la population s'accompagne d'un nombre croissant de personnes âgées vivant seules, du fait de la mobilité des familles, ainsi que d'une participation accrue des femmes à l'emploi, alors qu'elles assurent encore la plus grande part des « soins informels ». La réponse aux besoins de cette population passe donc par le développement d'une offre diversifiée, comprenant des soins à domicile, qui seront, de plus en plus, le choix d'une majorité de personnes et des institutions spécialisées, et débouchant aussi sur une coordination renforcée entre prestataires qui travaillent souvent isolément (services de soins intensifs, soins primaires, services sociaux).

Pour relever ces défis, la réforme des systèmes de protection sociale doit être poursuivie de manière intégrée et coordonnée. La Communication de la Commission Renforcement la dimension sociale de la stratégie de Lisbonne : rationalisation de la coordination dans le domaine de la protection sociale [19] a montré que les soins de santé et les soins pour personnes âgées devait représenter l'un des domaines où doit s'appliquer la « rationalisation » des processus de coordination en matière de protection sociale, ou « streamlining ». Cette « rationalisation » contribuera à renforcer les messages politiques en faveur de la modernisation des systèmes et à assurer leur cohérence avec les autres processus de coordination relevant de la « stratégie de Lisbonne ».

[19] COM (2003) 261 final

Il en découlera :

* une meilleure cohérence avec les processus existants en matière de protection sociale (réforme des retraites, inclusion sociale), et avec lesquels existent de nombreux sujets d'intérêt communs [20]. Dans le cadre de la rationalisation de ces processus, une tâche importante sera d'identifier des questions qui pourraient constituer des objectifs d'ensemble pour toutes les branches de la protection sociale, telles que les questions liées à la dimension de genre, au rôle des soins de santé pour assurer un vieillissement actif ou au rôle des systèmes de protection sociale par rapport aux incitations à l'emploi.

[20] Par exemple, l'accessibilité des soins est un thème important des politiques d'inclusion sociale (cf. projet de rapport conjoint 2003, op.cit.) ; le vieillissement a des conséquences sur la viabilité sociale et financière des régimes de retraite.

* une coordination renforcée avec d'autres processus politiques : la stratégie européenne pour l'emploi, en particulier en ce qui concerne les défis du vieillissement de la main-d'oeuvre employée dans ces secteurs ; et les « grandes orientations de politique économique ». Grâce à la rationalisation, les questions liées à la santé et aux soins de longue durée devraient être mieux reflétées dans la stratégie de Lisbonne, conformément à l'importance qu'elles revêtent pour les citoyens. Comme prévu dans le rapport de printemps 2004, la Commission examinera à l'horizon 2005 les modalités d'intégration de la santé publique dans la stratégie de Lisbonne, et sa contribution à la croissance et au développement durable.

* Dans ce contexte, la « méthode ouverte de coordination » sera un outil souple, respectueux de la diversité des situations et des compétences nationales, et donc particulièrement adapté à la spécificité des systèmes de soins de santé au sein de l'ensemble des branches de la protection sociale :

* Les objectifs communs, dont un pilier concerne les soins de santé, offriront un cadre politique global pour les réformes, améliorant leur transparence et mettant en lumière les enjeux partagés par les systèmes de soins ;

* La méthode ouverte de coordination contribuera à l'implication des nombreux acteurs de ce secteur, notamment les partenaires sociaux, les professions de santé et les représentants des patients, dont le rôle ne cesse de s'affirmer.

* Les échanges d'expériences permettront d'améliorer la connaissance des différents acteurs sur les réformes possibles. Les indicateurs communs soutiendront ces échanges.

* Enfin, la « méthode ouverte de coordination » favorisera une approche globale et intégrée des problèmes rencontrés aujourd'hui par les différents systèmes, en établissant un lien étroit avec les différents instruments et les différentes politiques concernés par le domaine.

3. Des objectifs communs pour le developpement des systèmes de soins

Le recul du risque de pauvreté lié à la maladie, à l'accident ou à l'âge, ainsi que l'amélioration considérable de l'état de santé des Européens, sont des acquis essentiels des systèmes de protection sociale. Ils doivent continuer à fournir des soins de qualité, accessibles sur une base d'universalité - c'est-à-dire couvrant toute la population - et de solidarité - c'est-à-dire sans lien avec le niveau de richesse, sur la base de contributions collectives -, et viables financièrement. Accessibilité, qualité et viabilité financière forment donc un ensemble global et intégré. De plus, une clé du développement et de la réforme des systèmes réside dans leur capacité à mettre en oeuvre une gouvernance efficace, fondée sur l'implication et la responsabilisation des acteurs concernés - y compris les partenaires sociaux, les autorités régionales et locales, les patients et la société civile - et la coordination entre prestataires de soins, organismes financeurs, ONGs et pouvoirs publics. Au niveau européen, il serait ainsi souhaitable que les partenaires sociaux sectoriels puissent apporter une contribution concrète aux efforts de réforme.

Sur la base des orientations, approuvées en mars 2002 par le Conseil européen de Barcelone, et en s'appuyant sur le Rapport conjoint adopté par la Commission et le Conseil en mars 2003, la Commission propose donc les objectifs communs suivants destinés à soutenir le développement des systèmes dans l'Union élargie.

3.1. Assurer l'accès aux soins : universalité, équité, solidarité

Un succès considérable des systèmes de soins européens a été de rendre accessibles à tous des soins d'une grande qualité. Ils doivent continuer à prévenir le risque de pauvreté ou d'exclusion sociale lié à la maladie, à l'accident ou au grand âge, à la fois pour les bénéficiaires des soins et pour leurs familles. L'universalité de leur couverture doit être fondée sur la solidarité, selon les modalités propres à chaque système. Cette solidarité doit jouer particulièrement en faveur de ceux qui disposent de bas revenus et en faveur des personnes dont l'état de santé nécessite des soins lourds, longs ou coûteux, y compris les soins palliatifs et l'accompagnement des personnes en fin de vie. Cependant, des difficultés d'accès particulières existent pour certains groupes ou individus, qui compromettent leur capacité d'insertion sociale et professionnelle. Par ailleurs, des inégalités dans la répartition régionale de l'offre de soins, ou une offre insuffisante par rapport aux besoins, entraînent des délais anormalement longs dans l'accès aux soins. Les difficultés de recrutement et de gestion de certains personnels aboutissent à des résultats semblables. Les systèmes de soins doivent donc développer une offre de soins suffisante et adaptée aux besoins de la population.

Objectifs :

Assurer un accès à des soins de qualité qui soit fondé sur les principes d'universalité, d'équité et de solidarité.

Prévenir le risque de pauvreté ou d'exclusion sociale lié à la maladie, à l'accident, au handicap ou aux soins rendus nécessaires par le grand âge, à la fois pour les bénéficiaires des soins et pour leurs familles.

En particulier, selon les spécificités propres à leur système, les Etats membres conviennent :

* d'offrir à l'ensemble de la population des soins de qualité adaptés aux besoins. Une attention particulière devra être apportée aux personnes nécessitant des soins longs ou coûteux, aux personnes et aux groupes rencontrant des difficultés particulières d'accès - tels que les minorités ethniques et les migrants - ainsi qu'aux personnes à faible revenu.

* d'assurer l'accessibilité, financière et physique, des systèmes de soins pour les personnes handicapées.

* d'offrir une prise en charge adaptée des personnes âgées, en particulier grâce à une coordination renforcée entre les services d'aide sociale, les soins primaires, les services hospitaliers et les institutions spécialisées.

* de promouvoir des dispositifs de soins palliatifs et d'accompagnement des personnes en fin de vie.

* de réduire, là où c'est nécessaire, les inégalités régionales dans l'offre de soins.

* lorsque c'est nécessaire, de développer des structures adaptées, doté de personnel qualifié, afin d'accroître l'offre et de réduire les délais d'accès aux traitements, en particulier quand ces délais entraînent des inconvénients pour la santé et la qualité de vie des patients. Dans le cadre de la politique de cohésion économique et sociale, un soutien peut être apporté au développement des infrastructures, notamment hospitalières : les instances compétentes pour les fonds structurels, en particulier le FEDER et le Fonds de cohésion, devront examiner comment ce soutien peut être pleinement utilisé dans les régions éligibles.

* de promouvoir une gestion des ressources humaines permettant de faire face aux conséquences du vieillissement démographique dans le secteur des soins de santé et des soins de longue durée, notamment de prévenir ou de résorber les pénuries de certains personnels, grâce à un investissement suffisant dans la formation initiale et continue et à l'amélioration de la qualité des emplois, y compris celle de la santé et de la sécurité au travail. La contribution du Fonds social européen doit être pleinement utilisée dans ce cadre. La communication sur la mobilité des patients complète aussi cet objectif en proposant de promouvoir la mobilité transfrontalière des professionnels de santé et d'améliorer notre connaissance des flux concernés.

* de prendre en compte, dans l'ensemble de ces mesures, les problèmes spécifiques que peuvent rencontrer les hommes et les femmes, notamment dans les politiques de gestion des ressources humaines et de promotion de la qualité des emplois.

3.2. Promouvoir la qualité des soins

Offrir à la fois l'accessibilité et la qualité doit demeurer un objectif fondamental des systèmes européens. Cependant, atteindre cet objectif est devenu aujourd'hui beaucoup plus complexe qu'au moment de la création de ces systèmes, pour deux raisons essentielles :

* L'impact du progrès technique demeure incertain, en particulier dans le contexte d'une société vieillissante. Il peut en effet améliorer l'efficacité du système de soins, accroître l'espérance de vie en bonne santé et augmenter les coûts, notamment des nouveaux médicaments. Par ailleurs, la hausse du niveau d'éducation, notamment pour les « baby boomers » qui commencent à partir en retraite, a les mêmes effets potentiels : elle favorise les comportements plus sains et la prévention, mais elle accroît aussi la demande de soins, notamment innovants.

* L'offre de soins est aujourd'hui plus riche, variée et complexe que lors de la mise en place des systèmes de soins. Les ressources globales investies dans la santé reflètent un choix politique, et cet investissement aura un impact positif sur l'économie à long terme. Néanmoins, dans le contexte de ressources publiques limitées, l'investissement dans n'importe quel secteur a nécessairement des conséquences sur les autres secteurs [21]. Les ressources, largement publiques, qui sont investies dans la santé doivent donc être utilisées de manière aussi efficiente et efficace que possible dans l'objectif d'améliorer la santé.

[21] Selon OECD-Healthcare 1996, les dépenses de santé croissent de 0,5 % lorsque la richesse augmente de 1 %. De surcroît, selon l'étude du Comité de Politique Economique de l'Union européenne publiée en 2001, l'effet « spontané » du vieillissement démographique pourrait accroître la part des dépenses publiques consacrées à la santé et aux soins de longue durée entre 1,7 et 4 points de PIB.

Ces évolutions, que renforcera le vieillissement, imposeront de plus en plus d'évaluer la qualité et le bénéfice réels pour les individus et pour la santé des médicaments, traitements ou modes de prise en charge disponibles. Cela nécessite une approche préventive, permettant d'améliorer le « bien-être » global, ainsi qu'une gouvernance efficace du système de soins, fondée sur une coordination renforcée entre tous les acteurs et leur responsabilisation dans la gestion des ressources et de l'offre de soins.

Objectif :

Promouvoir des soins de qualité afin d'améliorer l'état de santé et la qualité de vie des personnes.

En particulier, et selon les spécificités propres à leur système, les Etats membres devraient veiller à :

* Promouvoir des pratiques et des traitements qui ont un bénéfice effectif pour la santé et la qualité de vie, sur la base d'une évaluation scientifique appropriée. Les coûts et les bénéfices des médicaments, des matériels et des traitements doivent être évalués, selon des procédures propres aux systèmes nationaux concernés, et en développant une coopération européenne dans ce domaine.

* Intégrer la dimension de genre dans la définition des politiques de prévention et de santé, afin de mieux prendre en compte les problèmes spécifiques des hommes et des femmes et d'améliorer l'efficacité de leur prise en charge.

* Assurer un haut niveau de formation initiale et continue des professionnels, dans le cadre d'une formation tout au long de la vie.

* Développer des politiques de santé et de sécurité au travail fondées sur la prévention des risques et permettant d'assurer des emplois de meilleure qualité à tous les travailleurs, et en particulier aux travailleurs vieillissants, afin de contribuer à la réduction de la mortalité prématurée (avant 65 ans) et à la hausse de la durée de vie sans incapacités majeures.

* Affecter les ressources financières et humaines aux régions, aux services et aux différents types de soins en fonction des besoins effectifs, de manière à obtenir le meilleur impact possible sur la santé et la qualité de vie des bénéficiaires. La communication sur la mobilité des patients complète cet objectif en proposant d'identifier des « centres de référence » et de promouvoir leur mise en réseau.

* Promouvoir une gouvernance qui favorise la capacité d'adaptation des systèmes aux besoins, en particulier grâce à une coordination efficace entre les acteurs concernés (budgets publics, assureurs, professions de santé, hôpitaux, institutions et organismes de prévention, y compris les établissements d'enseignement, autorités régionales et locales impliqués dans les systèmes de santé, patients et citoyens).

* Définir les droits des patients et de leur famille, ainsi que les modalités d'implication de la société civile organisée. La communication sur la mobilité des patients complète cet objectif en proposant de rassembler et d'améliorer l'information disponible en matière de droits des individus et de règles européennes et nationales de prise en charge des soins.

3.3. Garantir la viabilité financière de soins accessibles et de qualité

Continuer à offrir des soins de qualité et accessibles, sans nuire au financement d'autres secteurs ou politiques prioritaires, est un défi majeur pour tous les Etats Membres, actuels et nouveaux. Ils sont confrontés à la nécessité d'assurer un financement adéquat de leur système de soins, afin qu'il offre des prestations de qualité tout en s'adaptant aux besoins nouveaux, notamment liés au vieillissement, et aux progrès techniques. Une part importante des dépenses de santé et de soins pour les personnes âgées est financée par les budgets publics, qui sont soumis aux exigences du pacte de stabilité et de croissance. Afin d'assurer que des ressources publiques suffisantes soient disponibles pour satisfaire les besoins du système de soins, il est indispensable que les Etats Membres bénéficient de positions budgétaires saines et durables. La réduction accélérée des dettes publiques et l'augmentation des taux d'emploi constituent des moyens importants pour contribuer à la soutenabilité des finances publiques.

Dans ce contexte, les Etats membres mettent en oeuvre depuis longtemps des mesures ou des réformes destinées à assurer l'équilibre financier des systèmes, et qui s'appuient sur divers instruments : les taux de remboursement, afin de responsabiliser ou d'orienter la demande ; les prix et volumes des actes, afin de contrôler certains produits ou prescriptions ; la fixation des budgets, en particulier dans le secteur hospitalier ; le développement d'outils de pilotage fondés sur des objectifs de santé, sur les résultats obtenus et les pathologies traitées, sur une responsabilité accrue des professionnels et des financeurs dans la gestion des ressources ; la définition de nouveaux équilibres entre les différentes modalités possibles de financement, notamment dans le but de renforcer la responsabilité des acteurs concernés. Il n'y a pas de solution unique pour répondre à ce défi : la recherche de la viabilité financière devrait donc continuer à s'appuyer sur une combinaison de ces différents instruments.

De façon générale, les Etats Membres doivent prendre des mesures appropriées pour assurer une gestion saine du financement public des soins de santé et des soins de longue durée, en se concentrant sur le besoin d'amélioration de la qualité et de l'efficacité des dépenses publiques.

Objectif :

Assurer la viabilité financière à long terme de soins accessibles à tous et de qualité.

En particulier, et selon les spécificités propres à leur système, les Etats membres devraient veiller à :

* Développer des politiques de prévention et d'orientation à l'entrée des filières de soins permettant de réduire le recours à une prise en charge lourde, en particulier les soins hospitaliers et les soins intensifs, et renforcer dans ce but la coordination entre les différents prestataires de soins (soins primaires, hôpitaux, services sociaux locaux). Cet objectif complète ainsi l'action entreprise dans le cadre du programme d'action communautaire pour la santé [22], qui soutient les démarches de prévention dans le but d'améliorer l'état de santé et de réduire les dépenses futures en soins de santé.

[22] Décision n° 1786/2002/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002 adoptant un programme d'action communautaire dans le domaine de la santé publique (2003-2008) - Déclarations de la Commission JO n° L 271 du 09.10.2002.

* Atteindre un rythme viable d'évolution des dépenses, au moyen de mesures adaptées à la situation et aux spécificités de chaque système, par exemple des mesures incitatives appropriées pour les prestataires et pour les patients, ou des mesures de promotion de nouveaux traitements ou de nouveaux produits qui réduisent les coûts en rendant le même service ;

* Assurer un financement adéquat du système, afin de répondre aux besoins nouveaux liés au vieillissement, aux changements de la société, et au progrès technique ;

* Offrir des soins au meilleur rapport coûts-bénéfices possible, grâce, en particulier, à une évaluation de l'apport effectif pour la santé des médicaments, procédures ou modes de prise en charge, et à un financement fondé sur l'activité et les besoins réels ;

* Améliorer l'efficacité du système, grâce, notamment, à la décentralisation, à la responsabilisation et à l'implication des différents acteurs (autorités publiques locales et régionales, institutions de sécurité sociale et autres financeurs, professions de santé et hôpitaux, patients) dans la gestion des ressources et de l'offre de soins.

4. Les prochaines étapes

L'organisation et les modalités de financement du secteur des soins de santé et de la prise en charge des personnes âgées relèvent de la compétence première des Etats membres qui doivent, dans l'exercice de cette compétence, respecter les grandes libertés et les règles définies par le Traité. La valeur ajoutée de la « méthode ouverte de coordination » est donc de permettre l'identification de défis communs et de soutenir les efforts de réforme conduits par les Etats membres.

Sur la base de cette communication, il serait souhaitable de parvenir à un accord sur les « objectifs communs » en 2004. Les Etats membres, y compris les nouveaux adhérents, devraient présenter avant le prochain « Sommet de Printemps », en mars 2005, des « rapports préliminaires » qui présenteraient les défis auxquels leur systèmes sont confrontés au niveau national, les réformes en cours et les orientations politiques de moyen terme. Ces rapports comprendraient des données statistiques et, le cas échéant, des objectifs chiffrés. Ils seraient, à ce stade préliminaire, nécessairement brefs.

Ils feraient ensuite l'objet d'une analyse par la Commission, afin de prendre en compte l'avis et la contribution des Etats membres au moment de la fixation des « objectifs communs » du processus de protection sociale « rationalisé ». Cette « rationalisation » donnera lieu en 2006 à une première série de « stratégies de développement et de réforme » des soins de santé et de longue durée, couvrant la période 2006-2009. Les conclusions de l'examen de ces stratégies seraient présentées dans le Rapport conjoint sur la protection sociale et l'inclusion sociale de 2007.

Compte tenu de la diversité des thèmes et des enjeux abordés par les « objectifs communs », le comité de protection sociale et les autres instances compétentes (comité de l'emploi, comité de politique économique, futur « groupe de haut niveau en matière de services de santé et de soins médicaux » créé parallèlement par la Commission) devraient établir des relations de coopération étroite, comprenant notamment l'établissement d'un programme de travail qui identifierait les sujets relevant de chacun.

En ce qui concerne les indicateurs, la Commission proposera de commencer en 2004 à identifier des indicateurs possibles pour ces objectifs, et les « rapports intérimaires » du Printemps 2005 contribueront à cette tâche, en présentant des données nationales. Cela permettra de dresser un premier tableau comparatif des différentes situations nationales et d'en mesurer le progrès par rapport aux objectifs énoncés. Ce travail devra s'appuyer sur les actions entreprises depuis plusieurs années dans le cadre du programme d'action en matière de surveillance de la santé [23], puis du programme d'action en matière de santé, dans la perspective de la création d'un prototype du futur système communautaire de surveillance de la santé. Il s'appuiera aussi sur les travaux d'Eurostat en matière de statistiques de santé. Enfin, une coopération avec des organisations internationales, telles que l'OCDE et l'OMS sera aussi nécessaire.