52001DC0211

Communication de la Commission sur la Prévention des conflits /* COM/2001/0211 final */


COMMUNICATION DE LA COMMISSION sur la Prévention des conflits

TABLE DES MATIERES

Introduction

1. Projeter la stabilité

A . Le rôle de l'Union dans la promotion de l'intégration

L'Union et ses voisins

Renforcer la coopération régionale dans un contexte plus large

Etablir des liens commerciaux

B Intégrer la prévention des conflits dans les programmes de coopération

Approche intégrée

Le rôle des Country Strategy Papers

Environnement macro-économique

Soutien à la démocratie, à l'état de droit et à la société civile

Réforme du secteur de la sécurité

Mesures spécifiques en situation post-conflit

C. Traiter de manière plus efficace les questions transversales

Drogues

Petites armes

Gestion et accès aux ressources naturelles

Dégradation de l'environnement

Propagation des maladies transmissibles

Flux migratoires et trafic d'êtres humains

Rôle des opérateurs privés dans les zones instables

2. Réagir rapidement aux conflits naissants

A. Optimiser les instruments communautaires

B. Assurer une réaction rapide de la Communauté

C. Instruments politiques et diplomatiques

Dialogue politique

Représentants spéciaux de l'UE

D. Faire usage des sanctions

E. Adapter les mécanismes de gestion de crises de l'UE

3. Renforcer la coopération internationale sur la prévention des conflits

A. Coopération avec nos pays partenaires

B. Coopération avec les organisations internationales

Coopération avec les Nations Unies

Coopération avec les institutions de Bretton Woods

Coopération avec l'OSCE et le Conseil de l'Europe

Coopération avec les autres

C. Coopération avec les ONG

Conclusion

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le nombre sans cesse croissant de causes de conflit dans le monde appelle une coopération internationale et une action multilatérale d'un genre nouveau. L'UE, qui représente en soi une entreprise de paix et de prospérité, a un rôle important à jouer dans l'effort global de prévention des conflits. Pour cela elle a, à sa disposition, un vaste éventail d'instruments de long terme ou de court terme.

Aussi bien vers ses voisins immédiats qu'à travers le monde, l'Union cherche à projeter la stabilité en soutenant l'intégration régionale et en nouant des liens commerciaux. Sa longue expérience en la matière, lui donne un avantage certain. Le soutien direct aux structures régionales en Afrique ou les concessions commerciales autonomes aux Balkans occidentaux sont des exemples d'instruments ayant une dimension de stabilisation à long terme.

La politique de développement et les autres programmes de coopération constituent les instruments les plus puissants de la Communauté pour traiter les causes profondes de conflit. A cet égard il est nécessaire d'adopter une approche intégrée et véritablement de long terme qui permettra de prendre en compte tous les aspects de stabilité structurelle dans les pays à risque. Ce faisant, la coordination entre la Commission et les Etats membres doit être assurée. A un niveau pratique les documents stratégiques (Country Strategy Papers) élaborés pour chaque pays recevant une aide communautaire seront les outils principaux permettant d'intégrer cette approche dans les programmes de coopération. Des indicateurs appropriés seront également utilisés.

Dans les pays présentant un risque de conflit il peut apparaître nécessaire de concentrer notre aide extérieure en vue d'assurer l'émergence ou la ré-émergence d'un environnement politique favorable (par exemple : soutien à la démocratie, à l'état de droit, à la société civile, aux médias indépendants, à l'égalité des genres). Il peut également s'avérer nécessaire pour la Communauté de s'engager plus avant dans la réforme du secteur de la sécurité. Dans les pays émergeant d'un conflit, la Communauté devrait contribuer à la consolidation de la paix à travers des programmes spécifiques tels que les programmes de réhabilitation.

Une autre façon d'intégrer la prévention des conflits est de trouver des moyens plus efficaces, au sein de l'Union et dans un contexte international plus vaste, de traiter certaines questions transversales ayant un rôle clé dans l'émergence de tensions ou de conflits. Les plus importantes concernent la drogue, les armes légères, les ressources naturelles, la dégradation de l'environnement, les flux migratoires, le trafic d'êtres humains et dans une certaine mesure les intérêts privés dans des zones instables. Les instruments communautaires intervenant dans ces domaines peuvent être développés.

En parallèle de son action préventive de long terme, l'Union devrait améliorer ses capacités à réagir rapidement à la détérioration brutale d'une situation dans un pays donné. Disposer de mécanismes efficaces d'alerte rapide est alors évidemment nécessaire. Dans un contexte de pré-crise, un certain nombre d'instruments communautaires et en particulier le nouveau mécanisme de réaction rapide, peuvent être utilisés. L'UE peut déployer un ensemble d'options depuis le dialogue politique jusqu'au Représentants spéciaux y inclus dans le futur les mécanismes de gestion civile des crises. Il est certes possible de les renforcer, de les rendre plus systématiques et plus flexibles mais en fin de compte ils doivent reposer sur une ligne politique commune à tous les Etats membres.

Considérant que les conflits potentiels ignorent les frontières, il est nécessaire que les actions de préventions de long terme fassent l'objet d'une coopération internationale et que les réponses aux situations de pré-crises soient coordonnées. L'Union renforcera donc sa coopération avec les partenaires internationaux engagés dans la prévention des conflits tels que les Etats-Unis, le Canada, la Russie, le Japon et la Norvège, les principales organisations internationales (notamment Nations Unies et l'OSCE) et les organisations non gouvernementales.

Introduction

L'impact humain et financier des conflits violents plaide pour un effort majeur de prévention des conflits. Cet effort répond avant tout à un impératif moral et politique mais également dans une certaine mesure à des considérations d'ordre économique. Il est moins coûteux de canaliser un conflit potentiel par le dialogue et par une action constructive plutôt que d'être obligé de faire face à ses conséquences lorsque celui-ci a dégénéré en confrontation violente. Compte tenu de son poids, de ses intérêts et de ses aspirations sur la scène internationale ainsi que des ressources considérables qu'elle engage dans le domaine de l'assistance et de la coopération, l'Union a sans aucun doute un rôle à jouer dans cet effort de prévention.

L'UE est elle-même un projet de paix couronné de succès. Tout au long des cinquante dernières années, elle a soutenu la réconciliation et le développement pacifique de l'Europe occidentale aidant à consolider la démocratie et à garantir la prospérité. A travers le processus d'élargissement, la Politique Etrangère et de Sécurité Commune la coopération au développement et les programmes d'assistance extérieure, l'Union cherche aujourd'hui à projeter la stabilité au delà de ses propres frontières.

Les causes de conflit sont extrêmement diverses et prévoir leur évolution est une tâche complexe. A ce titre il est évidemment nécessaire de renforcer notre analyse commune des causes profondes de conflit et de leurs signes annonciateurs. La pauvreté, la stagnation économique, la répartition inégale des ressources, la faiblesse des structures sociales, l'absence de bonne gouvernance, la discrimination systématique, l'oppression des minorités, l'effet déstabilisateurs des flux migratoires, les antagonismes ethniques, l'intolérance religieuse et culturelle, l'injustice sociale, la prolifération des armes de destruction massive et de petit calibre sont autant de facteurs propices aux conflits. Ces signes doivent non seulement être analysés mais des actions adaptées doivent être engagées. Une identification précoce des facteurs de risque augmente les chances de déclencher à temps une action permettant de traiter efficacement les causes sous-jacentes de conflit.

Le nouvel environnement international issu de la fin de la guerre froide offre de nouvelles possibilités de surmonter ces difficultés et de promouvoir un changement pacifique. La combinaison de marchés sans cesse plus libres et plus ouverts, avec l'initiative privée et le développement technologique a apporté, outre la prospérité, de nouvelles opportunités à une majorité de pays et d'individus. Elle a également contribué à l'extension de la démocratie dans le monde. Elle impose aux gouvernements de traiter leurs citoyens avec équité et d'accepter le contrôle démocratique. Elle les engage à dialoguer et à coopérer avec leurs partenaires internationaux.

Mais l'envers de la globalisation existe également et le commerce international ne parvient pas à réduire la fracture entre riches et pauvres. Le trafic de drogues est aujourd'hui une entreprise plus florissante que l'industrie sidérurgique ou l'industrie automobile. Le commerce illégal des diamants finance non seulement les conflits mais les entretient aussi. La liste des maux est sans cesse plus longue : trafic d'êtres humains et en particulier des femmes, dégradation de l'environnement, criminalité internationale, prolifération des armes petites et grandes, épidémie de sida et autres maladies. Ces maux ne sont pas seulement des menaces pour la prospérité mais sont également au coeur des conflits violents qui frappent le monde.

L'action isolée et les instruments bilatéraux classiques sont impuissants à traiter ces problèmes qui appellent une coopération internationale et une action multilatérale d'un genre nouveau. L'Union européenne a le devoir d'essayer de traiter les nombreuses questions transversales liées aux conflits et est bien placée pour le faire. Elle en a le devoir parce qu'elle est le principal promoteur de l'ouverture des marchés et de la coopération et son principal bénéficiaire. Elle est bien placée pour le faire parce qu'elle possède les moyens et l'autorité pour avoir un impact réel.

La liste des instruments de l'Union ayant un rôle direct ou indirect dans la prévention des conflits est longue : la coopération au développement et l'assistance extérieure, la coopération économique et les instruments de politique commerciale, l'aide humanitaire, les politiques sociales et environnementales, les instruments diplomatiques tels que le dialogue politique et la médiation, les sanctions notamment économiques et enfin les nouveaux instruments de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense (y inclus le recueil d'information afin d'anticiper les situations de conflit potentiel et faire le suivi des accords internationaux). A travers ces instruments l'Union est déjà hautement engagée dans la prévention des conflits. Néanmoins elle peut et doit améliorer le ciblage et l'efficacité de son action dans ce domaine. Elle doit être capable de répondre à temps et de manière adaptée en associant les différents instruments dont elle dispose, à des situations spécifiques. En définitive, plus qu'une simple question de prise de décision adaptée ou de procédure il s'agit fondamentalement d'une volonté politique commune de réagir.

Cette communication met en évidence ce que l'UE fait déjà, les instruments qu'elle a à sa disposition et suggère pour l'avenir certaines actions possibles dans le domaine de la prévention des conflits. Elle s'inscrit dans le droit fil du Rapport conjoint présenté par la Commission et le Secrétaire Général/Haut Représentant au Conseil européen de Nice sur « l'amélioration de la cohérence et l'efficacité de l'action de l'Union Européenne dans le domaine de la prévention des conflits » (14088/00). Elle est aussi une contribution au programme d'action qui pourrait être adopté par le Conseil européen de Göteborg.

Dans un souci de clarté, la communication fait une distinction entre la prévention à long terme («Projeter la stabilité»), et la prévention à court terme (« Réagir rapidement aux conflits naissants »). Elle aborde également la manière d'améliorer la coordination et la coopération internationales en matière de prévention des conflits.

1. Projeter la stabilité

A . Le rôle de l'Union dans la promotion de l'intégration

L'Union et ses voisins

Il y a un peu plus de cinquante ans, les pays qui constituent aujourd'hui l'UE étaient engagés dans un conflit dévastateur. En 1945, il aurait été difficile d'imaginer le degré de stabilité et de prospérité que l'Union connaît aujourd'hui. Or si les ennemis d'hier sont arrivés si loin, c'est en grande partie grâce à la vision de quelques pères fondateurs. Ceux-là ont su donner à l'Europe un avenir, en abolissant les barrières et en encourageant la coopération entre Etats, sur la base de valeurs et d'intérêts communs, tant au plan politique qu'au plan économique. Cela représente une expérience unique et une leçon importante pour un monde en proie à l'animosité entre les Etats et luttant pour établir entre eux des relations pacifiques.

La force et la capacité d'attraction du modèle de l'Union européenne est illustré aujourd'hui par le processus d'élargissement en cours. En leur offrant une perspective d'intégration européenne, l'UE a déjà aidé les pays d'Europe Centrale et Orientale dans leur combat pour devenir des démocraties stables et des économies de marchés viables. Cette perspective a été un moteur pour la réunification de cette région. Elle a permis de réduire de manière drastique les différents frontaliers et les tensions nationalistes et de progresser dans l'intégration des minorités dans la société. La perspective d'adhésion et les stratégies de partenariat qui l'accompagnent (partenariats d'adhésion) ont également largement stimulé le développement économique des pays candidats et par là même consolidé le processus de réforme dans son ensemble.

De la même manière, les cinq pays des Balkans occidentaux, guidés par la perspective d'adhésion et le processus d'association et de stabilisation lancé en 1999, sont en train d'intégrer progressivement le modèle européen dans leurs propres structures.

L'établissement de relations avec l'Union à un niveau régional s'avère également pour les autres pays situés à ses frontières un puissant stimulant pour la coopération. Ces relations peuvent agir comme un élément stabilisateur à l'intérieur des Etats ou entre eux. C'est dans cet esprit que les douze pays tiers méditerranéens poursuivent une coopération régionale avec la Communauté dans le cadre du processus euro-méditerranéen (Processus de Barcelone). Dans ce cadre, ils sont invités à mettre en place avec la Communauté, d'ici 2010, une vaste zone euro-méditerranéenne de libre-échange. L'ensemble du processus sert finalement un objectif de prévention des conflits, dans le contexte difficile du processus de paix au Moyen-Orient et des autres tensions dans la région (voir Encadré).

Renforcer la coopération régionale dans un contexte plus large

Au delà du continent européen, le modèle de l'UE peut également servir d'exemple pour d'autres régions, en encourageant les Etats à réduire leurs tensions politiques, à créer des interdépendances économiques et par suite une confiance mutuelle renforcée entre eux.

Le Mercosur regroupant l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay, et qui reçoit depuis sa création en 1991 le soutien de l'Union, en est un exemple frappant. Il a joué un rôle important dans la consolidation de la démocratie et de l'état de droit dans chacun de ses pays membres et notamment au Paraguay. C'est aussi dans ce cadre que ces pays ont commencé à mettre en place des mesures de confiance dans le domaine de la défense. Vis-à-vis du Mercosur comme de nombreuses organisations régionales de par le monde, une grande partie de l'assistance de la Communauté sert à renforcer les capacités régionales communes [1].

[1] La Communauté soutient actuellement l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEEAO), le Marché Commun de l'Afrique de l'Est et du Sud, la Communauté du Développement Sud africaine ainsi que le Cariforum et le Forum des Iles du Pacifique. Cette année, un important projet (environ 15 millions d'euros) sera lancé pour contribuer à accroître la capacité administrative de la SADC. La Commission envisage également de soutenir la Communauté Economique et Monétaire Centre Africaine et l'Association pour la Coopération régionale en Asie du Sud. L'établissement d'une Union douanière entre les 6 pays du Groupe de San José, en Amérique Centrale, sera aussi soutenu par la Commission.

De la même manière, un important objectif de l'Accord de Cotonou entre l'UE et les 77 pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) est-il d'améliorer la coopération économique et commerciale entre ces pays sur une base régionale. Dans ses relations avec les six pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG), la Communauté cherche également à stimuler leur intégration au sein d'une union douanière. A cet égard, elle espère qu'à un certain stade le Yémen pourra rejoindre la coopération dans le CCG.

L'assistance communautaire peut également être directement affectée à des structures régionales ayant un clair mandat de prévention des conflits. A ce titre, la Commission soutient le mécanisme de prévention, gestion et résolution des conflits de l'O.U.A., le mécanisme de prévention des conflits de la CEDEAO, le Processus de Paix de Lusaka en République Démocratique du Congo (dans le cadre de la SADC) et les Négociations de Paix du Burundi. La Commission a l'intention de développer son soutien à de telles initiatives. Elle est prête notamment à soutenir les initiatives de la SADC sur les armes légères et le trafic de drogue.

En outre, la Commission joue un rôle actif dans plusieurs initiatives régionales visant des objectifs de stabilité et de sécurité telles que la « Dimension septentrionale » avec les pays du pourtour de la Mer Baltique ou le Forum régional de l'ANASE (ARF).

La Commission donnera une plus grande priorité à son soutien à l'intégration régionale et en particulier aux organisations régionales ayant un clair mandat de prévention des conflits.

Etablir des liens commerciaux

L'intégration commerciale est un élément important du modèle UE et une composante essentielle du développement à l'echelle mondiale de l'interdépendance entre les pays. En soutenant leurs réformes économiques et commerciales et en leur garantissant un accès privilégié au marché communautaire, la Communauté aide les pays en voie de développement à s'intégrer dans l'économie mondiale. Moteur de la croissance économique et de la réduction de la pauvreté, la politique commerciale de la Communauté contribue à la prévention des conflits.

A travers le SPG (Système des Préférences Généralisées) qui accorde des préférences tarifaires à taux variables, la Communauté offre un accès privilégié au marché européen à la plupart des produits en provenance des pays en voie de développement. Ces préférences s'accompagnent généralement de mesures de renforcement des capacités administratives liées au commerce, afin d'aider les pays concernés à faire pleinement usage de ces possibilités. Dans le cadre de l'accord de Cotonou, tous les pays ACP bénéficient jusqu'en 2008 du libre accès pour la grande majorité de leurs produits. Des préférences supplémentaires sont accordées aux pays d'Amérique Latine engagés dans la lutte contre la production et le trafic de drogues.

Le 26 février 2001, le Conseil a étendu pour les pays les moins avancés (PMA) le libre accès sans droits de douane et sans quotas à tous leurs produits à l'exception des armes (Initiative "Everything but Arms"). L'accès pour les bananes , le sucre et le riz est néanmoins initialement soumis à une période de transition. La Communauté qui est déjà le principal marché d'exportation des PMA, deviendra, avec cette initiative sans précédent, de loin leur plus important partenaire commercial.

Un bon exemple de politique commerciale remplissant une fonction de stabilisation à long terme dans des régions instables est le régime autonome étendu graduellement aux 5 pays des Balkans de l'Ouest en échange de leur engagement à la réforme et la coopération régionale. Dans le cadre du processus d'association et de stabilisation, les cinq pays bénéficient aujourd'hui d'un régime tarifaire très favorable à l'exportation vers la Communauté. 85 % de leurs produits entrent aujourd'hui dans l'Union sans droit.

La politique commerciale peut également être utilisée dans l'autre sens. Les préférences peuvent en effet être suspendues afin d'essayer d'empêcher la détérioration d'une situation alarmante. Par exemple, en 1997, à la suite d'un examen par la Commission de rapports attestant de l'étendue du travail forcé, le Conseil a suspendu les préférences SPG à l'égard de la Birmanie. Cette suspension est toujours d'application.

B Intégrer la prévention des conflits dans les programmes de coopération

Les conflits violents sont rarement des phénomènes spontanés, survenant sans donner de signe préalable. Lorsque les peuples recourent aux armes, il s'agit généralement de l'aboutissement d'un processus graduel de détérioration aux causes profondes et souvent bien connues. Faute d'avoir su traiter l'extrême pauvreté, les inégalités flagrantes de distribution de richesse, la rareté et la dégradation des ressources naturelles, le chômage, le faible niveau d'éducation, les tensions ethniques ou religieuses, les querelles régionales ou de frontières, la désorganisation de l'état ou l'absence de mécanismes de résolution pacifique des différends, des sociétés entières ont été vouées au chaos, à la détresse et en fin de compte, à la longue et difficile reconstruction.

La politique de développement et les autres programmes de coopération [2] constituent sans aucun doute les instruments les plus puissants à la disposition de la Communauté pour traiter les causes profondes de conflits. Mais à fin d'assurer une utilisation optimale de ces instruments, il est nécessaire d'adopter une approche authentiquement de long terme, identifiant et ciblant les besoins le plus « en amont » possible. La Commission a récemment entrepris des efforts pour recentrer la politique de développement sur la réduction de la pauvreté et accroître son impact et l'efficacité de sa mise en oeuvre [3]. Cette approche suppose d'agir en complémentarité avec les Etats membres et les autres donateurs.

[2] Le terme d'autres programmes de coopérations renvoie aux programmes concernant les pays qui ne sont pas considérés comme pays en voie de développement au sens de l'OCDE/CAD. P.M : En termes financiers, sur la période 2000-2006, les actions extérieures (Catégorie 4 du budget des Communautés) et celles en faveur des pays d'Europe Centrale et Orientale représentent respectivement 36 et 11,8 milliards d'euros. Le FED (pour les pays ACP) représente lui 13,5 milliards d'euros pour la période 2000-20007.

[3] Voir la Déclaration du conseil et de la Commission sur la politique de développement de la Communauté du 10 Novembre 2000.

Bien que l'UE soit déjà le plus grand donateur d'aide au monde, il est évident qu'un effort plus soutenu d'assistance extérieure, conformément aux lignes directrices internationales, accroîtrait dans le même temps la capacité de prévention des conflits de l'UE sur le long terme.

Approche intégrée

Traiter les causes profondes de conflit suppose de créer, resaurer ou consolider la stabilité structurelle dans toutes ses composantes. La stabilité structurelle est une notion initialement développée par la Commission dans sa Communication de 1996 sur la prévention des conflits [4] et reprise par la suite par le Comité d'Aide au Développement (CAD) de l'OCDE dans ses Lignes Directrices sur les conflits, la paix et la coopération pour le développement de 1997. Elle est caractérisée par un développement économique durable, la démocratie et le respect des droits de l'homme, l'existence de structures politiques viables et des conditions environnementales et sociales saines, ainsi que l'existence d'une capacité à gérer le changement sans recourir au conflit. Toutes ces composantes doivent être prises en compte de manière intégrée. Plus important encore, les programmes de coopération sont de plus en plus fondés sur la stratégie propre des pays concernés. Il est en effet aujourd'hui largement reconnu que l'appropriation de la stratégie par le pays partenaire est une condition de succès, permettant en outre de prendre en considération la situation, l'histoire et la culture de ces pays.

[4] « l'UE et la question des conflits en Afrique : Consolidation de la paix, prévention des conflits et au delà » (Mars 1996/ SEC (1996) 332)

Bien qu'il soit difficile de procéder à une telle évaluation, il semble qu'un certain nombre de stratégies réussies en terme de prévention des conflits puissent être identifiées. Cela s'applique tant à la Communauté européenne qu'aux autres acteurs de la scène internationale. Si l'on revient sur la politique récente de la Communauté européenne dans les zones vulnérables et notamment en phase de reconstruction, il apparaît que dans quelques cas elle est parvenue, moyennant une approchée intégrée, à maintenir ou rétablir une certaine stabilité structurelle.

A cet égard, le Salvador et le Guatemala représentent un bon exemple d'approche intégrée, fondée sur la mise en oeuvre des accords de paix dans ces pays et sur une coopération étendue à tous les secteurs essentiels au rétablissement de la stabilité structurelle. De manière générale, notre stratégie avec l'Amérique Latine est aujourd'hui fondée sur une approche intégrée.

La stratégie intégrée que la Communauté s'efforce de mettre en place dans la région des Balkans est un exemple marquant de prévention à long terme, fondée sur la reconstruction et la consolidation (voir Encadré). Certes ce modèle n'est pas transposable tel quel à d'autres pays qui ne rechercheraient pas l'adhésion à l'Union. Mais l'établissement d'un processus clair et structuré offrant des avantages tangibles et concrets, en échange d'engagements en faveur de la paix et de la stabilité régionale constitue certainement une approche à développer davantage dans d'autres pays/régions.

La Commission s'assurera que sa politique de développement et ses autres programmes de coopération visent plus clairement à traiter les causes profondes de conflit de manière intégrée.

Le rôle des Country Strategy Papers

A un niveau pratique, les instruments propres à assurer la prise en compte d'une telle approche intégrée de la prévention des conflits sont les documents de stratégies élaborés pour chaque pays recevant une aide financière de la Communauté (Country Strategy Papers). De tels documents sont actuellement préparés pour tous les pays en développement en Afrique, Caraïbes, Pacifique, Asie, Amérique Latine et en Méditerranée. Par la suite, tous les autres pays qui reçoivent une aide financière de la Communauté auront un tel document.

Un évaluation des situations de conflits potentiels sera faite dans les tous les Country Strategy Papers, au moyen notamment d'indicateurs de conflits potentiels. Ceux-ci porteront sur des paramètres tels que les équilibres de pouvoir politique et économique, le contrôle des forces de sécurité, la composition ethnique du gouvernement d'un pays ethniquement divisé, la représentation des femmes dans les instances de prise de décisions, la dégradation potentielle des ressources environnementales etc. Ils permettront de mieux identifier les conflits potentiels à un stade précoce. Un modèle d'indicateur, actuellement développé pour le compte de la Commission par le « Conflict Prevention Network (CPN) [5] », devrait être disponible avant la fin du premier semestre 2001.

[5] Le CPN est un réseau d'institutions académiques, d'ONGs et d'experts indépendants, actifs dans le domaine de la prévention des conflits. Il a été établi en 1997, suite à une Résolution de PE et est soutenu financièrement par la Commission. Il constitue une source de recherches pour la Commission sur les questions de prévention des conflits.

Dans le cas des pays dont l'analyse visée plus haut aura mis en évidence des facteurs de risque (« pays à risque »), il conviendra alors d'intégrer des mesures de prévention de conflits dans les programmes de coopération les concernant. Les indicateurs de conflits rendront plus aisée l'intégration de telles mesures dans des secteurs aussi divers que le transport, le développement rural, l'énergie, l'environnement, la santé, la recherche ou l'éducation. En guise d'outil pratique de programmation permettant l'identification de projets contenant une dimension de prévention des conflits, la Commission développera d'ici la fin de l'année 2001 un « Guide de la prévention des conflits », sur la base de travaux déjà entrepris dans le contexte des pays ACP. Des outils d'évaluation d'impact des conflits pourront également être développés, en liaison avec les Etats membres.

Enfin, dans le but d'améliorer la cohérence et l'efficacité des efforts de prévention des conflits de l'UE, la coordination entre la Commission et les Etats membres devrait être renforcée. Comme première mesure, les CSP et documents de stratégie préparés par les EM devraient faire l'objet d'un échange systématique. Il existe aussi des possibilités d'établir un échange plus régulier d'information (analyses-pays, meilleurs pratiques, initiatives stratégiques) entre desk officers de la Commission, de l'Unité Politique du Conseil et des Etats membres. Ce système pourrait s'inspirer du réseau Electronic Bulletin Board mis en place en 1998 pour les pays africains. La coordination opérationnelle sur le terrain devra, quant à elle, suivre les lignes directrices adoptées par le CAG en janvier 2001.

Dans le contexte de l'initiative prise en Septembre 2000 à la réunion informelle des ministres des Affaires Etrangères pour améliorer l'efficacité de l'aide extérieure de l'Union (« exercice post-Evian »), la Commission et les Etats membres travaillent étroitement avec le Secrétariat du Conseil pour établir des « fiches synthétiques » sur les relations entre l'Union et certain pays tiers. Ces fiches constituent une base d'information pour une meilleure coordination et complémentarité entre l'aide communautaire et celle des Etats membres, dans le cas des pays avec un potentiel de conflit [6].

[6] Conseil Affaires Générales du 22 Janvier 2001

La Commission :

-utilisera dans tous les Country Strategy Papers des indicateurs appropriés pour analyser les situations de conflit potentiel ;

-développera des outils pratiques de programmation pour intégrer des mesures de prévention des conflits dans les programmes de coopération avec des pays à risque ;

-échangera systématiquement les Country Strategy Papers avec les documents correspondant des Etats membres ;

-mettra en place, sur une base pilote, et en collaboration étroite avec l'Unité Politique du Conseil, un système d'échange régulier entre desk officers de la Commission, de l'Unité Politique du Conseil et des Etats membres sur deux zones instables : Balkans, et Région des Grands Lacs.

Environnement macro-économique

Un environnement macro-économique sain est nécessaire à la stabilité structurelle. La Commission apporte une contribution substantielle à la stabilisation macro-économique et soutient les réformes économiques par une aide budgétaire et plus récemment par une contribution substantielle à l'initiative multilatérale en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) qui a pour objet d'aider ces pays à supporter la charge de leurs dettes. En 1999, la Communauté a engagé un milliard d'euros sur les fonds du FED en faveur des États ACP et 54 millions d'euros en faveur des pays d'Amérique latine et d'Asie du Sud-Est.

La Communauté a également mis sur pied ou prévoit des actions d'aide macro-économique en faveur de la Bulgarie, de l'Albanie, de la Bosnie, de l'ARYM, du Kosovo, du Monténégro, de la Moldova, du Tadjikistan et de l'Ukraine. L'objectif général est clairement la prévention des conflits en favorisant une stabilisation de l'environnement économique de ces pays.

La Communauté soutient également activement l'initiative lancée par la Banque mondiale et le FMI qui élaborent des cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté (PRSP) pour certains pays bénéficiaires d'aides et qui créent de nouveaux instruments financiers tels que la facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance (voir aussi coopération avec les institutions de Bretton Woods au chapitre 3).

Dans ce contexte, une attention particulière a également été accordée aux pays pauvres très endettés touchés par un conflit. Pour permettre à ces pays d'entamer le processus d'allégement de la dette PPTE, les Conseils de la Banque mondiale et du FMI sont convenus récemment que la clause de limitation dans le temps (sunset clause) serait prolongée jusqu'à la fin 2002. Dès lors que ces pays mettent en oeuvre des programmes soutenus par la Banque et le Fonds dans le cadre de leurs PRSP, leurs problèmes de dette seront examinés au cas par cas dans le cadre de la PPTE renforcée.

Finalement soulignons que la réduction de la pauvreté, qui est un facteur crucial dans la réduction des risques de conflits, ne peut être atteinte que si l'économie est en phase de croissance. Aussi, les mesures visant la réduction de la pauvreté doivent-elles être accompagnées de mesures visant la croissance économique.

La Commission envisage de cofinancer les instruments de financement de la Banque mondiale et du FMI qui appuieront la mise en oeuvre des PRSP dans les États ACP.

Soutien à la démocratie, à l'état de droit et à la société civile

Les pays à risque sont généralement ceux où le processus démocratique est le moins avancé et où tout soutien extérieur, pour des raisons évidentes, est particulièrement difficile à mettre en oeuvre. Dans de telles conditions, le soutien communautaire devrait viser, par l'intermédiaire d'actions ciblées, à ouvrir la voie à un environnement démocratique plus favorable. De telles actions pourraient s'inspirer de la longue expérience que la Commission possède dans ce domaine, en particulier à travers ses programmes bilatéraux, régionaux et horizontaux [7].

[7] Programmes de coopération bilatéraux ou horizontaux financés par les règlements suivant : PHARE (pour les pays d'Europe Centrale et Orientale), TACIS (pour la Communauté des Etats Indépendants), CARDS (pour les Balkans), MEDA (pour les pays méditerranéens), ALA (pour les pays d'Asie et d'Amérique Latine) ou les programmes financés par le FED (avec les pays ACP). Depuis 1994, l'Initiative Européenne pour la Démocratisation et les Droits de l'Homme octroie également un soutien (100 millions d'euros en 2000), sur une base thématique et pour tous pays, aux ONGs et organisations internationales actives dans ces domaines.

Dans le domaine de la transition et des élections démocratiques, la Communauté est particulièrement active, par exemple, par des programmes d'éducation pour les électeurs ou des cours de formation pour observateurs électoraux. En Afrique du Sud en 1994 et en Cisjordanie/Bande de Gaza en 1996, le soutien de la Commission, à la fois en termes d'assistance et d'observation electorales, s'est avéré une contribution réussie à l'atténuation d'une situation de conflit. Dans le domaine des activités parlementaires, la Commission a soutenu des actions visant à permettre aux parlementaires de remplir leur rôle démocratique, comme en 1998 en Éthiopie. Dans le domaine des droits civils et politiques, l'aide de la Communauté a permis notamment d'apporter une assistance juridique aux victimes de violations des droits de l'homme, comme par exemple en Arménie où la Commission a soutenu en 1998 un programme d'aide juridique de la fédération internationale des droits de l'homme. Dans le domaine de la liberté d'expression et des médias, les financements de la Communauté ont servi à soutenir le développement d'une presse et d'une diffusion indépendantes, en développant par exemple le niveau de professionnalisation. En République Fédérale de Yougoslavie, le soutien de la Commission et des Etats membres a aidé à convaincre l'opinion publique d'une alternative possible à Milosevic. Dans le domaine de la bonne gouvernance, la Commission apporte son soutien au programme « Partnership for Governance Reform in Indonesia » (voir Encadré).

Dans le cadre de son action en faveur de la société civile, la Commission soutient également les initiatives développées par et pour des femmes. Ce soutien s'inscrit dans le cadre du processus de Pékin, lancé à la Conférence mondiale sur les femmes en 1995. Par exemple, la Commission participe à la promotion du dialogue euro-arabe des femmes, à l'établissement d'un Centre pour femmes à Gaza, et à des initiatives intercommunautaires lancées à Chypre par des femmes. Une résolution du Conseil Européen [8] souligne l'importance d'une perspective d'égalité des genres dans les opérations d'urgence et la prévention des conflits. Dans un rapport d'octobre dernier [9], le Parlement européen invite les Etats membres à encourager systématiquement la participation des femmes dans les processus formels de résolution des conflits. La Commission, quant à elle, prépare une communication sur l'égalité des genres dans la coopération au développement, qui permettra d'identifier certains domaines où une action spécifique est requise.

[8] Résolution du Conseil européen sur l'intégration de l'égalité des genres dans le dévéloppement (20 Decembre 1995)

[9] Rapport du PE sur la participation des femmes dans la résolution pacifique des conflits (Octobre 2000).

Pour les pays à risque, la Commission engagera, là où la situation l'exige, des actions ciblées visant à ouvrir la voie à un environnement démocratique plus favorable. En particulier, une importance accrue sera accordée au soutien aux processus électoraux, aux activités parlementaires et à l'administration de la justice.

Ce faisant, la Commission s'efforcera d'assurer une égalité de participation des hommes et femmes dans la vie sociale, économique et politique.

Réforme du secteur de la sécurité

Le secteur de la sécurité ne représente pas un domaine traditionnel de coopération pour la Communauté. Cependant, dans de nombreux pays, il peut apparaître nécessaire pour atteindre une stabilité structurelle de réaliser une complète révision du secteur de la sécurité (police, forces armées, structures de contrôle démocratique sur les forces de sécurité). Au Salvador et au Guatemala en 1998, l'action de la Communauté a contribué à développer le professionnalisme et l'impartialité des services de police (en accord avec des standards reconnus au niveau international). Dans ces pays, la Commission a financé des équipements et des programmes de formation (droits de l'homme, cours d'éthique etc).

Pour les pays à risque, le secteur de sécurité devrait être systématiquement examiné. Là où la Communauté peut apporter une valeur ajoutée, la Commission devrait alors concentrer une partie de son aide dans ce secteur. Là où les Etats membres sont mieux placés pour agir (comme par exemple dans le cas de la réforme des forces armées), ils seront encouragés, lors de la discussion des Country Strategy Papers, à le faire à titre de priorité. De cette manière, la Commission sera capable de s'assurer que le soutien communautaire au secteur de la sécurité vient en complément des efforts des autres partenaires. A titre d'exemple, la Communauté pourrait soutenir la reconversion civile de ressources militaires et d'autres réformes structurelles du secteur de la sécurité. Un cas intéressant a été l'effort significatif réalisé à travers le Centre International pour la Science et la Technologie à Moscou, pour éviter que les scientifiques russes du secteur nucléaire ne transmettent leur savoir à d'autres pays.

Dans les limites de ses compétences, la Commission envisage de s'engager plus activement dans le domaine de la sécurité. Ceci pourra prendre la forme d'actions visant à l'amélioration des services de police, la promotion de la reconversion civile et de la mise hors fonction, tant pour les armes de destruction massive que pour les armes conventionnelles. La Commission pourrait soutenir des formations sur le respect des droits de l'homme visant l'ensemble du secteur de la sécurité.

Mesures spécifiques en situation post-conflit

Une situation de post-conflit (ou de conflit gelé comme au Sud-Caucase) appelle généralement une assistance ciblée à des programmes de réhabilitation. La Communauté s'est engagée dans de telles actions par exemple en Abkhatie /Ossétie du sud (Géorgie), où en accord avec les parties aux conflits, elle a pu financer des projets de réhabilitation dans plusieurs secteurs tels que les fournitures d'eau, de gaz et d'électricité, la construction d'écoles, le développement agricole, le chemin de fer.

Afin d'assurer un climat de sécurité physique propice à la reconstruction, les actions de déminage ont reçu une priorité dans les situations de post-conflit (par ex. en Bosnie). Un projet de règlement concernant les mines antipersonnels, actuellement sur la table du Conseil, prévoie des actions de destruction des mines et des programmes spécifiques de réhabilitation, pour les individus et les communautés les plus affectées. La Commission espère que le Conseil adoptera ce règlement avant la fin du premier semestre 2001.

Un autre domaine important- au delà d'ailleurs de la simple dimension de sécurité- est celui de la Démobilisation, du Désarmement et de la Réintégration (DDR). Trop souvent dans le passé, la communauté internationale a négligé les préoccupations spécifiques des anciens combattants dans les pays émergeant d'un conflit. L'hypothèse a trop souvent été qu'une fois l'accord de paix signé, les combattants de chaque bord retournent calmement dans leurs foyers. Heureusement, la communauté internationale a fini par reconnaître l'importance de prévoir des dispositions pour la réintégration des combattants et d'incorporer de telles dispositions dans la négociation et la mise en oeuvre des accords de paix.

La Commission peut contribuer dans une large mesure à ces efforts. Au Cambodge, la Commission envisage de soutenir le processus de démobilisation, en lien avec des activités qu'elle a prévues notamment dans le Nord-Ouest du pays, où des soldats démobilisés sont susceptibles de s'établir. Au Burundi, dès que ce pays aura mis en oeuvre l'accord de paix, la Commission est prête à financer un programme de réhabilitation. En Erythrée, dès que la situation le permet (processus de paix en cours), la Commission est prête à participer au programme de démobilisation et de réintégration de 200.000 combattants environ, élaboré avec l'aide de la Banque Mondiale. A l'égard de la République Démocratique du Congo, la Commission prépare actuellement un programme de réhabilitation afin d'accompagner d'éventuels progrès dans le processus de paix.

Les enfants victimes de conflits armés sont un problème majeur qui nécessite souvent des interventions pour prévenir la résurgence des conflits à peine terminés. Pendant les conflits, les déplacements et l'insécurité générale peuvent interrompre le parcours scolaire normal des enfants. C'est ainsi que les enfants passent souvent de longues périodes dans des camps de réfugiés sans accès à l'éducation ni à des activités enrichissantes; il ne leur reste alors d'autre choix que de rejoindre les groupes rebelles ou de participer à des activités criminelles après le conflit. Des programmes éducatifs d'urgence ainsi que des mesures de réhabilitation concernant les enfants sont indispensables pour que les enfants et les jeunes adultes ne deviennent pas des éléments perturbateurs dans les situations post-crise. Les enfants sont donc une priorité transversale de l'aide humanitaire de la Communauté européenne et la Commission finance des programmes éducatifs d'urgence pour les enfants victimes de conflits armés dans des pays tels que la RDC, le Soudan, la Sierra Leone, le Kosovo, la Macédoine et le Monténégro. En outre, la Commission apporte son soutien direct aux initiatives internationales visant à améliorer la disponibilité de données de base sur les enfants victimes de conflits armés.

L'importance des processus de réconciliation doit également être gardée à l'esprit. Le soutien très apprécié de l'UE à la Commission de Réconciliation et de Paix en Afrique du Sud est un bon exemple de ce qui peut être fait.

La problématique spécifique du lien entre aide d'urgence, réhabilitation et développement (LRRD) est fondamentale en terme de prévention des conflits. La communication [prochaine] de la Commission sur ce sujet identifie un certain nombre de mesures qui pourraient améliorer la contribution de la Communauté aux efforts internationaux dans les situations de post-conflit. Ceci inclut notamment une meilleure intégration de la perspective de long terme dans les opérations d'urgence, l'adaptation des programmes et instruments de développement afin de relayer plus rapidement et plus efficacement des cations d'urgence et une coordination renforcée entre donateurs.

Dans les situations de post-conflit, l'assistance de la Communauté se concentrera sur la consolidation de la paix et la prévention des conflits futurs, en particulier à travers des programmes de réhabilitation, des mesures de réhabilitation liées aux enfants, des programmes DDR de même que des actions de soutien aux processus de réconciliation.

C. Traiter de manière plus efficace les questions transversales

L'enjeu majeur de la prévention des conflits consiste à trouver des moyens plus efficaces et plus adaptés de traiter les causes de tension ou de conflits. Chaque situation est spécifique comme les conflits qu'elle génère, mais certaines de ces causes ont indéniablement une dimension transversale et méritent d'être appréhendées dans ce sens. C'est le cas notamment des drogues, des petites armes, de l'accès et de la gestion des ressources naturelles, de la dégradation de l'environnement, des maladies transmissibles, des mouvements migratoires massifs, du trafic d'êtres humains et des intérêts privés dans les régions instables. Cette sélection de thèmes n'est en rien exhaustive mais elle constitue un point de départ pour stimuler la discussion au sein de l'Union et partant dans un contexte international plus large. Dans l'un ou l'autre de ces cas, la Commission souhaiterait faire avancer dans les instances internationales appropriées (NU, G8, OCDE etc.) certaines propositions concrètes.

Drogues

Drogues et crimes sont étroitement liés. Des organisations criminelles, qui tirent profit de la production et du trafic de stupéfiants, trouvent avantage à créer des zones de non droit. Les profits rapides et considérables générés par le trafic de drogue et le blanchiment d'argent présentent également, dans une certaine mesure, un attrait important pour les mouvements terroristes ou paramilitaires qui trouvent ainsi une source de financement pour s'approvisionner en armes. Ces phénomènes apparaissent tout au long des deux grandes routes de trafic vers l'Europe : la route e la cocaïne en provenance d'Amérique latine et de l'héroïne en provenance d'Afghanistan.

Les activités extérieures de l'Union en matière de drogue sont couvertes par le Plan d'action de l'UE, pour 2000-2004, adopté au Conseil européen de Feira. Ce plan d'action combine réduction de la demande , réduction de l'offre et coopération internationale (notamment avec les Nations Unies.

Depuis 1996 l'UE soutient les 29 pays et entités de la Caraïbe, aux côtés des Nations Unies à travers un Programme d'action complet. Cette initiative a permis de renforcer les capacités des pays de la région en même temps que la coopération avec l'UE. Les programmes mis en oeuvre par la Commission en Amérique latine sont, eux, davantage centrés sur le soutien au développement (projets de développement alternatif, renforcement institutionnel, réhabilitation des toxicomanes etc.). En Colombie la Commission s'apprête à financer un projet de détection par satellite permettant de d'identifier les cultures illicites. Par ailleurs, la Commission a entrepris de mettre en place des « filtres » sur la route de l'héroïne afghane. Des programmes sont ainsi développés en Iran et en Asie centrale, dans le Caucase du Sud, et bientôt en Ukraine, Moldavie et Biélorussie. Enfin, le Programme Phare Balkans, dont la seconde phase va bientôt démarrer, a déjà permis d'enregistrer des résultats notables.

La Commission concentrera sa coopération et ses actions anti-drogues sur les deux principales routes de trafic à destination de l'Europe à travers les Balkans et entre l'Amérique latine et la Caraïbe. Ce faisant elle continuera à mobiliser l'expertise des Etats membres

Petites armes

Les petites armes sont « les armes de destruction massive » des pauvres. Elles sont responsables de plus de morts et de blessures et ont eu une plus grande influence destructrice sur les structures sociales et politiques que n'importe quelle autre catégorie d'armes. A l'évidence, les zones les plus vulnérables et les plus sujettes aux conflits sont aussi celles où les petites armes circulent le plus facilement et dans une large mesure de manière illégale. Dans les périodes d'après conflit ou d'effondrement des structures de l'état (ex. Albanie en 1997, où 700.000 petites armes ont été volées des stocks centraux), la circulation des petites armes empêche le rétablissement de l'état de droit et crée de nouveaux risques dans la même zone. En outre ces petites armes en circulation peuvent être facilement recyclées dans d'autres conflits.

Outre l'action de l'UE sur le contrôle d es exportations d'armes conventionnelles [10], la Commission a fourni, sur base d'une action commune de décembre 1998, une assistance financière et technique à des projets visant à combattre l'accumulation et la dissémination des armes légères (par exemple au Cambodge, en Afrique du Sud, au Mozambique et en Géorgie/Ossétie du Sud). Un projet de collecte des petites armes dans les Iles Salomon est actuellement à l'examen. La Commission considère que l'UE dispose dans ce domaine d'un grand potentiel d'action. Elle prépare également activement la Conférence des Nations Unies sur le commerce illicite des armes légères et de petit calibre qui se tiendra à l'été 2001.

[10] Voir Code de conduite de l'UE de 1998 sur les exportations d'armes

Dans les pays présentant un potentiel de conflit le secteur des douanes compte tenu de son rôle dans la prévention des trafics en tout genres (notamment de petites armes) mérite une attention particulière. L'aide communautaire dans ce domaine a concerné un certain nombre de pays en particulier dans la région ACP. En Bosnie un des programmes communautaires les plus efficaces a été le programme CAFAO (Customs and Fiscal Administration Office).

Enfin, il est important de noter que tout ce qui est entrepris, dans le cadre communautaire ou de l'Union, pour prévenir la diffusion des armes nucléaires, chimiques, biologiques, à double usage et conventionnelles et pour promouvoir la sécurité dans les secteurs civils respectifs constitue ainsi une contribution à la prévention des conflits.

La Commission donnera une priorité accrue au soutien visant à contrôler la circulation des petites armes. Elle travaillera à l'élaboration d'une position ambitieuse de l'Union en vue de la Conférence prochaine des Nations Unies sur le commerce illicite des armes légères et de petit calibre. Dans le cadre de la gestion des programmes visant les petites armes la Commission examinera de manière détaillée la situation du secteur douanier.

Gestion et accès aux ressources naturelles

L'accès aux ressources naturelles est souvent source de tension. Cela peut apparaître à l'intérieur des pays, au niveau local ou national, comme dans un contexte régional. Les sources de conflit peuvent concerner l'eau et autres ressources géologiques (hydrocarbures, pierres précieuses, minéraux) ou même des ressources biologiques telles que les réserves de pêche ou forestières.

Les conflits relatifs aux ressources géologiques sont particulièrement évidents dans plusieurs régions d'Afrique (Libéria, Congo Brazzaville, Soudan etc). La question du commerce illégal des diamants, dont les revenus alimentent des conflits est particulièrement édifiante. Dans un certain nombre de cas le contrôle même de cette source de richesses génère des conflits. La Commission accueille favorablement la réponse que les grandes entreprises de ce secteur cherchent à apporter à ce problème par une certification sur l'origine des diamants. Pour sa part, la Commission participe activement, au processus de Kimberley, qui vise à mettre en place un tel système, conformément à la résolution 55/56 des NU. Il est évident que si ce système avait existé plus tôt, les sanctions prises par les NU contre les 'diamants des conflits' auraient pu être plus efficaces.

Le partage des ressources en eau dans les régions pauvres en eau est une des causes les plus communes et les plus complexes de tensions politiques. De telles situations existent dans la Corne de l'Afrique, dans le bassin du Nil, dans le bassin de la mer d'Aral, y inclus la Vallée Ferghana et au Moyen-Orient. S'y ajoutent parfois des différends concernant la navigation et les frontières. La Commission a soutenu un certain nombre d'initiatives visant les conflits liés à l'eau notamment dans les régions de la Mer d'Aral, de l'Afrique du Sud et de l'Est et du Moyen-Orient.

Un projet particulièrement utile, notamment dans le cadre du processus de paix au Moyen-Orient, a été la mise en place par une équipe israélienne/jordanienne/palestinienne d'EXACT, structure institutionnelle régionale et banque de données pour la gestion de l'eau. Ce projet a permis en effet de poursuivre la coopération technique entre Israël, l'Autorité palestinienne et la Jordanie malgré la situation politique agitée.

À court terme, la prévention des conflits doit garantir la mise en place de mécanismes efficaces assurant le respect des accords nationaux et internationaux sur lesquels se fondent généralement les droits en matière de partage des ressources en eau. Le non respect de ces accords mène tout droit aux conflits intérieurs ou entre Etats. À plus long terme, toute prévention des conflits relative aux besoins en eau doit s'appuyer sur la coopération et une gestion équitable des ressources en eau.

- La Commission jouera un rôle actif dans la Task Force, établi par le Processus de Kimberley, pour l'établissement d'un système de certification des diamants bruts et présentera au Conseil avant la fin de l'année, un document d'orientation présentant les options sur la question.

- Lorsque la volonté de collaborer au niveau régional existe réellement, la Commission soutiendra les actions régionales visant à une gestion équitable des ressources en eau.

Dégradation de l'environnement

La dégradation de l'environnement souvent étroitement liée aux problèmes d'accès aux ressources telle que l'eau peut s'avérer un facteur d'insécurité générant un conflit ou être le résultat d'un conflit par exemple la dégradation de la terre ou le changement climatique peuvent avoir des effets déstabilisateurs sur plusieurs régions à travers la réduction des terres arables, la perte de revenus ou la migration.

Le changement climatique représente peut-être le plus grand enjeu environnemental. L'augmentation attendue du niveau de la mer, les variations extrêmes des modèles climatiques et leurs effets sur la productivité des ressources terrestres et océaniques représentent une menace significative pour une part importante de la population notamment celle vivant dans les petites îles en situation de développement. 60 % de la population mondiale vit dans les zones côtières qui sont les plus vulnérables. Les pertes d'espace habitable et les migrations sont à attendre dans certaines régions. Un autre exemple de risques en terme de sécurité liés à la dégradation de l'environnement concerne la déforestation. Outre les implications globales (les forêts sont importantes pour atténuer les effets du changement climatique) la déforestation génère des conflits entre groupes locaux, gouvernements et industries privées.

Dans cette situation les programmes de coopération de la Communauté peuvent jouer un rôle important en développant la confiance mutuel entre communautés et en renforçant la coopération trans-frontalière.

La Commission traitera des questions de ressources naturelles et de dégradation de l'environnement à travers ses programmes bilatéraux et régionaux et renforcera son soutien à la mise en oeuvre par les pays partenaires des Accords Environnementaux Multilatéraux. Une priorité accrue sera accordée aux projets de réhabilitation environnementale dans les programmes post-conflit.

Propagation des maladies transmissibles

Peu de phénomènes sont plus profondément déstabilisateurs et plus graves dans leur implications sociales et économiques, et par suite au plan de la stabilité politique, que la propagation des maladies principales transmissibles, à savoir le SIDA, la malaria et la tuberculose. En 1999 la population atteinte du SIDA était estimée à plus de 33 millions don't 95% dans les pays en développement. La malaria et la tuberculose réapparaissent dans des zones d'où elles avaient éradiquées. Du fait de leur résistance accrue aux médicaments elles sont en recrudescence. Les ravages occasionnés par le Sida, la malaria et la tuberculose annulent des années d'effort de développement, réduisent brutalement l'espérance de vie, provoquent des changement dans les modèles de production et causent des problèmes sociaux et économiques insurmontables dans les pays affectés.

La Commission a récemment présenté un Programme d'action pour la lutte contre la propagation de ces maladies pour les 5 prochaines années. Le programme, qui repose sur la stratégie de la Communauté en matière de maladies transmissibles, développé dans un contexte de réduction de la pauvreté recherché par l'assistance extérieure, souligne la nécessité d'améliorer l'accès aux soins et aux médicaments. Cet accès amélioré doit être atteint en particulier par l'établissement d'un système global de prix différenciés, de tarifs et autres coûts réduits pour les produits pharmaceutiques, et en renforçant les politiques et capacités de production des pays en voie de développement dans le secteur des produits pharmaceutiques.

Les chances de succès seront d'autant plus élevées qu'une concertation internationale pourra s'exercer à travers les Nations Unies, la Banque Mondiale, l'Organisation Mondiale de la Santé et les ONGs de même qu'avec les partenaires du G8 et l'Industrie. Le sommet EU/US de décembre 2000 a identifié la coopération dans ce domaine comme un élément prioritaire de la coopération transatlantique.

Flux migratoires et trafic d'êtres humains

Bien que les flux migratoires importants (immigrants, demandeurs d'asile, réfugiés intérieurs ou extérieurs) soient plus souvent perçus comme la conséquence plutôt que la cause des conflits, ils peuvent également avoir des effets déstabilisateurs, contribuant à la propagation et à l'aggravation de conflits. Faire face à de tels flux et à leurs effets secondaires sur les populations locales ou voisines est particulièrement ardu pour des pays en voie de développement.

Les travaux du Groupe de Travail de Haut Niveau sur l'Asile et l'Immigration, créé par le CAG de Décembre 1998, constituent une première tentative de développer une politique extérieure de l'UE sur l'asile et l'immigration, en faisant pleinement usage des potentialités offertes par le Traité : politique étrangère, développement et assistance économique, asile et immigration, lutte contre la discrimination fondée entre autres sur le sexe, lutte contre l'immigration illégale. Des Plans d'Action sont actuellement mis en oeuvre avec le Sri Lanka, la somalie, l'Albanie, l'Afghanistan, l'Irak et le Maroc. Ils visent tous à traiter de manière globale les causes de déplacement directement dans les pays d'origine, de manière à limiter les conséquences potentiellement dangereuses, en termes de larges mouvements de population, pour les pays voisins et pour l'Union. Jusqu'à présent cependant, l'approche de l'UE est restée largement réactive.

Les flux migratoires peuvent également être contrôlés par des organisations criminelles. La lutte contre le trafic d'êtres humains, en particulier les femmes et les enfants, fait partie des programmes de coopération de la Communauté. A titre d'exemple, un projet conjoint de l'UE et des Etats Unis, visant à combattre en Russie la traite des femmes devrait commencer prochainement.

La Commission cherchera à approfondir son dialogue avec les organisations internationales spécialisées, en vue de mieux détecter et à un stade plus précoce les flux migratoires déstabilisateurs. De telles organisations pourraient comprendre l'Organisation Internationale pour la Migration (OIM) et le Haut Commissariat pour les Réfugiés (HCR).

Rôle des opérateurs privés dans les zones instables

Les opérateurs privés étrangers jouent un rôle déterminant dans le développement socio-économique d'un pays donné mais peuvent aussi être responsables du maintien ou même de l'émergence de causes structurelles de conflit dans ce pays. Les exemples les plus pertinents sont ceux des compagnies privées dont les activités (par exemple, l'exploitation de ressources naturelles) ont porté préjudice à un développement durable d'un point de vue environnemental et social.

La Communauté participe activement, avec les Etats Membres, aux travaux de l'OCDE sur la mise en oeuvre des Principes Directeurs pour les entreprises multinationales (révisés en juin 2000). Ces Principes visent à encourager un comportement responsable des entreprises dans leurs opérations à l'étranger, notamment dans les pays en développement. Ceci inclut le respect des droits de l'homme des populations locales et la non-ingérence dans les activités politiques locales.

La Communauté est également engagée, aux côtés des partenaires sociaux et d'autres organisations de la société civile, dans plusieurs initiatives en faveur du commerce équitable, de codes de conduite volontaires pour les entreprises investissant à l'étranger etc.. Son rôle est principalement celui de facilitateur, favorisant les rencontres et le dialogue entre différentes parties concernées par ces questions. En 2001 la Commission présentera un Livre Vert sur la responsabilité Sociale des Entreprises (RSE), qui traitera de la question de la prévention des conflits et du rôle que peuvent jouer les entreprises dans ce domaine

La Commission est engagée dans la promotion active des Principes Directeurs de l'OCDE pour les Entreprises Multinationales, qui visent à encourager un comportement responsable des entreprises dans leurs opérations à l'étranger, notamment dans les pays en développement.

2. Réagir rapidement aux conflits naissants

Parallèlement à sa stratégie de prévention à long terme, l'UE sera de plus en plus amenée à réagir par des mesures rapides à la détérioration brutale d'une situation dans un pays donné. La réaction de l'UE à des violations massives des droits de l'homme, à la recrudescence d'actions violentes, à l'agitation en période d'élections à risque, à l'effondrement des structures de l'état ou à la marginalisation d'un groupe ethnique, sera d'autant plus efficace qu'elle aura été prise à un stade précoce.

Disposer de vrais mécanismes d'alerte rapide au niveau de l'UE est fondamental pour assurer une capacité de réponse appropriée. Ces mécanismes doivent servir non seulement à alerter les centres décisionnels et opérationnels de l'UE sur l'imminence d'une crise mais également permettre d'appréhender les causes et conséquences potentielles d'une telle situation, et par suite de définir les réponses adaptées. Cependant, afin de rendre ces mécanismes pleinement efficaces, l'UE doit prouver sa volonté politique à agir de la manière requise pour éviter un conflit ouvert.

La Commission soutient pleinement l'idée d'entreprendre, de manière régulière, au niveau du Conseil des suivis régionaux afin d'identifier et suivre les zones de conflits potentiels. La Commission travaillera en coordination avec le Secrétaire Général/Haut Représentant, en vue d'identifier la meilleure manière de mettre ceci en oeuvre, et notamment d'élaborer des mécanismes d'alerte rapide (indicateurs, réseaux, recueil d'information [11] participation des ONGs etc). Les délégations que la Commission possède dans le monde entier sont un de ses atouts majeurs en matière de suivi des zones instables. Cette information est partagée systématiquement avec l'Unité Politique du Conseil afin d'améliorer les capacités de l'UE en matière d'analyse. La Commission travaille actuellement à renforcer ses outils de communication afin d'assurer que les délégations puissent apporter à temps une contribution substantielle, notamment sur les situations d'instabilité ou de crises.

[11] Egalement dans le contexte de la récente initiative sur la Surveillance Mondiale de l'Environnement et la Sécurité (GMES) comme élément de la Stratégie européenne pour l'Espace (COM(2000)597)

La Commission travaillera avec le SG/HR sur les suivis réguliers des zones de conflits potentiels, y inclus la mise en place de mécanismes d'alerte rapide.

A. Optimiser les instruments communautaires

Face à la détérioration d'une situation, l'UE peut faire appel à certains instruments communautaires traditionnels. La Commission peut par exemple déployer des observateurs électoraux (comme par exemple au Zimbabwe) ou fournir une aide économique d'urgence. La crise du Kosovo représente un cas intéressant de soutien financier octroyé de manière rapide aux pays voisins faisant face à un afflux de réfugiés ou personnes déplacées afin d'éviter une déstabilisation de dimension régionale. (voir Encadré). Le soutien au Monténégro illustre aussi la manière dont des programmes d'assistance peuvent rapidement venir en appui d'une stratégie politique définie (voir Encadré). Le déblocage de fonds au titre de la Cash Facility pour l'Autorité Palestinienne est un récent exemple d'aide financière d'urgence. En janvier de cette année, face à la rétention par Israël des recettes fiscales au profit de l'Autorité Palestienne et devant le risque d'effondrement économique des Territoires Palestiniens, la Commission a débloqué en un temps record 30 millions d'euros. D'autres soutiens ont suivi.

La Commission continue à mettre en oeuvre les actions annoncés dans sa communication sur l'assistance et l'observation électorale [12], de manière à permettre le déploiement rapide d'observateurs électoraux formés.

[12] COM (2000) 191 final

En outre, l'assistance humanitaire peut apporter une contribution indirecte et néanmoins appréciable à la prévention des conflits en aidant à prévenir des flux potentiellement déstabilisateurs de réfugiés ou à atténuer leur impact sur des pays voisins (comme par exemple en Fyrom, Albanie, Kenya ou Tanzanie).

Dans le cadre de la coopération au développement, la réforme de la programmation introduira des systèmes de programmation glissante permettant une plus grande flexibilité en répondant à la fois aux besoins et aux niveaux de performance des pays partenaires. Ceci peut servir à la fois pour encourager de manière positive et pour restreindre la coopération. Dans les situations critiques, une pression peut être exercée à travers des mesures négatives telles que la suspension totale ou partielle des programmes de coopération.

B. Assurer une réaction rapide de la Communauté

Le Mécanisme de Réaction Rapide (MRR) adopté par le Conseil le 26 février dernier permettra à la Commission, dans un cadre juridique et financier unique, d'engager une large palette d'actions qui nécessitaient jusqu'à présent des procédures de décisions plus contraignantes. Par exemple, dans une situation de crise, la Commission sera capable d'entreprendre des opérations de court terme, tels qu'assistance ciblée (par ex. Le programme Energie pour la Démocratie de 1999), missions de fact-finding, médiation ou déploiement d'observateurs. Dans les cas où un démarrage immédiat est nécessaire et où des actions à plus longue durée devront suivre, le MRR permettra de lancer des initiatives dans les domaines de la consolidation de la paix, de la reconstruction et du développement. Ces initiatives seront relayées par les instruments communautaires traditionnels.

C. Instruments politiques et diplomatiques

L'Union dispose d'une large palette d'instruments politiques et diplomatiques, mobilisables face à la détérioration grave de la situation dans un pays ou une région donné. Ceux-ci incluent les déclarations formelles ou les démarches diplomatiques, le dialogue politique, les missions de fact-finding ou le déploiement d'observateurs de l'UE et la nomination de Représentants Spéciaux. Parmi ceux-là, le rôle du dialogue politique et celui des Représentants Spéciaux méritent une attention particulière.

De manière générale, il devrait être rappelé que pour que l'UE soit un acteur crédible, elle doit montrer sa capacité à adopter une ligne politique commune sur des questions sensibles. Trop souvent cela n'a pas été le cas.

Dialogue politique

L'UE est engagée dans un dialogue politique plus ou moins formel avec tous les pays avec lesquels elle entretient des relations. Un dialogue de long terme sur des questions politiques telles que les droits de l'homme et la démocratisation peut remplir un rôle d'alerte précoce en mettant en lumière des problèmes pouvant mener à des conflits violents et en contribuant à leur résolution précoce. Le dialogue politique prend également une importance particulière lorsqu'une situation déjà tendue menace de se détériorer plus encore.

Pour être utile dans de telles situations, le dialogue politique doit clairement être plus ciblé, plus flexible dans le temps et plus substantiel qu'il ne l'est à présent. Ceci implique qu'en amont, l'UE soit capable de définir des politiques et positions agréées en temps utile. Ces positions devraient tenir dûment compte de la situation réelle sur le terrain, des attentes et craintes éventuelles des acteurs en présence, de la mesure de leur détermination et enfin de la volonté réelle de l'Union de peser sur de telles situations. Cette volonté passe avant tout par la définition, sinon d'une stratégie commune, au moins d'une approche politique commune des Etats membres.

Tant les principes de l'article 11 de l'accord de Cotonou que le dialogue politique, prévu à son article 8 offrent des possibilités en terme de prévention des conflits dans les pays ACP. La Commission considère qu'un objectif important du dialogue politique est d'empêcher, autant que possible, les situations de difficultés politiques et de tensions de dégénérer en conflits armés. Le dialogue devrait alors permettre des échanges de vues sur les situations de crises et de conflits, des efforts de médiation et de négociation et le soutien aux processus de paix. Lorsqu'il atteint son but, le dialogue politique permet de réduire d'autant les risques de détérioration d'une situation, qui amènerait l'UE à avoir recours aux consultations de l'article 96.

Lorsque la procédure de l'article 96 s'avère néanmoins nécessaire, en cas de violation des "éléments essentiels" de l'accord (respect des droits de l'homme, démocratie et état de droit), le processus de consultation offre à l'UE la possibilité de lancer un message politique fort et d'essayer de trouver des solutions acceptables. Le cas de la Côte d'Ivoire, avec lequel cette procédure a été renouvelée en février 2001 est à ce titre intéressant. En effet, un Comité a été mis en place afin de faciliter le suivi avec les autorités ivoiriennes des mesures éventuellement adoptées, contribuant ainsi à développer une approche coopérative.

La Commission considère que l'instrument de dialogue politique devrait être utilisé de façon plus systématique dans des situations de crise naissante. Un tel dialogue devrait reposer sur une ligne politique forte. Il devrait être plus ciblé, plus flexible dans le temps et plus substantiel que dans le passé. La Commission est prête à travailler avec le SG/HR pour développer des propositions concrètes dans ce domaine.

Représentants spéciaux de l'UE

Les représentants spéciaux de l'UE constituent un autre moyen à la disposition de l'Union pour désamorcer une crise naissante. En effet, si les représentants spéciaux ont été utilisés le plus souvent dans le cas de conflits ouverts (comme dans la région des Grands Lacs ou au Moyen-Orient ou encore dans la Corne de l'Afrique), une mission de diplomatie préventive peut leur être confiée. Les orientations du Conseil du 30 Mars 2000 apportent une plus grande clarté pour la nomination et les tâches des représentants spéciaux.

Néanmoins, pour être plus efficaces et crédibles, les représentants spéciaux doivent être considérés comme des médiateurs de plein droit agissant au nom de l'Union et recevoir un mandat clair du Conseil sur les positions à prendre.

La Commission considère que les représentants spéciaux devraient être utilisés plus largement comme médiateurs, qu'ils devraient être habilités à prendre des positions claires sur les situations pour lesquelles ils auraient été mandatés et que leur mission devrait également pouvoir être de courte durée (par exemple 6 mois). La Commission est prête à travailler avec le SG/HR pour développer des propositions concrètes dans ce domaine.

D. Faire usage des sanctions

Les sanctions sont généralement imposées après l'éclatement de conflits dans le but de priver une cible (un pays, un parti, une entité) des moyens de prolonger ou d'intensifier le conflit. Elles couvrent généralement les armes et autres matériels indispensables dans un conflit armé, les recettes d'exportation, les capitaux étrangers, les autres marchandises importées et la technologie ou les facilités de déplacement. D'autres types de sanctions telles que la suspension du droit à visa ou la réduction de la représentation diplomatique sont quant à elles destinées à envoyer un message politique fort. Les sanctions peuvent cependant aussi être utilisées à titre préventif en interdisant l'accès aux moyens de déclencher un conflit. En pratique, de nombreux régimes de contrôle des exportations (dans des domaines tels que l'énergie atomique, les missiles, la production chimique, les armes légères etc.) constituent une forme de sanctions préventives.

Jusqu'à présent, les sanctions n'ont pas été très efficaces en raison principalement du fait qu'elles ont été conçues et appliquées avec retard et de manière parcellaire. Les sanctions financières prises contre le gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie en 1998-2000, par exemple, auraient pu être ciblées immédiatement et totalement sur les responsables dans le pays; elles auraient ainsi sans doute contribué plus utilement à prévenir les activités du gouvernement de la RFY au Kosovo.

Afin de cibler les sanctions et réduire au minimum leur incidence négative au niveau humanitaire, une analyse préliminaire rigoureuse s'impose. Les "Indicateurs de conflit potentiel" précités pourraient intervenir dans cette analyse et permettre d'identifier, dans une situation donnée, les parties susceptibles de déclencher un conflit. L'analyse devrait dégager la base de pouvoir existante ou potentielle de ces parties. Elle devrait permettre de déterminer ensuite dans quelle mesure la communauté internationale peut effectivement bloquer ou empêcher le développement ou le renforcement de cette base de pouvoir en interdisant l'accès à ses marchés de marchandises, de capitaux, de technologie et autres biens corporels et incorporels. Etant donné que les sanctions causent souvent des distorsions économiques, toute intention d'y avoir recours devra s'appuyer sur leurs avantages politiques potentiels face aux coûts économiques réels susceptibles d'être occasionnés.

De graves violations des droits de l'homme et du droit humanitaire pourraient justifier l'application de sanctions préventives au titre de mesures correctives légitimes. Cependant de manière générale, les sanctions doivent être compatibles avec nos obligations internationales [13] (OMC, accord de Cotonou, accords bilatéraux etc).

[13] La compatibilité avec des obligations internationales est inutile lorsque des sanctions sont prises d'abord par le Conseil de sécurité des Nations unies.

La Commission ouvrira un débat au sein du Conseil sur la manière de garantir la capacité de l'UE de définir et d'appliquer des sanctions préventives.

E. Adapter les mécanismes de gestion de crises de l'UE

Lorsque les prémisses d'un conflit apparaissent, les nouveaux mécanismes civils ou militaires de gestion de crises, développés actuellement dans le cadre de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense (PESD), pourraient être utilisés. Conçus au départ dans un cadre de gestion de crise, ils pourraient tout aussi efficacement remplir une fonction préventive dans un contexte de « pré-crise ». Sur le plan militaire, les modalités de mise en oeuvre des tâches de Petersberg, y compris la coopération avec les pays tiers et autres organisations comme l'OTAN, nécessitent une élaboration plus poussée dans le cadre de la PESD.

Sur le plan civil, dans les domaines identifiés par le Conseil européen de Feira (police, État de droit, administration civile et protection civile), la Commission s'attache avec les États membres à tenter de définir des objectifs concrets. La Commission a déjà proposé un projet de décision concernant des mécanismes de coordination des activités de protection civile des États membres tant en termes de formation qu'en termes de mise en place des équipes d'évaluation. Ce projet devrait être adopté prochainement.

Dans les domaines de l'état de droit et l'administration civile, un problème majeur auquel l'Union doit faire face concerne le manque de personnel suffisamment qualifié et disponible pour le déploiement dans des missions internationales. C'est un problème non seulement pour l'Union mais aussi pour les Nations Unies, l'OSCE et d'autres organisations engagées dans des opérations internationales de paix. Selon la Commission, le meilleur moyen pour établir une capacité de l'Union dans ce domaine est de développer des modules communs de formation de même que de convenir de mécanismes permettant la mise à disposition rapide de personnel. Le personnel devant être déployé devrait également recevoir une formation spécifique sur les questions de genre.

En ce qui concerne la formation dans les domaines de l'État de droit et l'administration civile, pour le personnel à déployer pour des missions internationales, la Commission encourage les Etats membres à travailler ensemble et de concert avec les NU et l'OSCE. La Commission est prête à financer de tels programmes de formation avec de fonds communautaires.

En tout état de cause, il devrait être clair que le développement des mécanismes de gestion civile des crises, et leur utilisation à des fins préventives, ne peut constituer une alternative au renforcement des capacités des pays ou régions instables à gérer eux-mêmes de manière pacifique leurs conflits.

3. Renforcer la coopération internationale sur la prévention des conflits

Il est manifestement difficile de rendre l'action internationale cohérente lorsqu'une situation de conflit n'apparaît pas clairement. C'est pourquoi la coopération internationale sous toutes ses formes doit permettre d'identifier le plus tôt possible toute manifestation conflictuelle future. Sur cette base, la coordination d'une action préventive peut s'engager dans un effort de complémentarité. La nécessité d'une véritable coopération internationale est tout aussi impérieuse lorsqu'il s'agit de réagir de façon cohérente à un conflit naissant.

A. Coopération avec nos pays partenaires

La prévention des conflits est une composante importante du dialogue politique de l'Union avec la plupart des pays industrialisés tels que les Etats Unis, le Canada, le Japon, la Russie et la Norvège. Quelles que soient les différences d'approche, l'Union partage avec ces pays un même objectif politique de sécurité internationale et de stabilité. Le dialogue avec ces partenaires devrait être utilisé pour améliorer les échanges d'information et la coordination des activités notamment des démarches dans les enceintes internationales. Il devrait également être utilisé pour développer en commun des indicateurs de conflit. A cet égard, l'expérience de pays tels que le Canada ou la Norvège, qui ont développé des indicateurs de conflit relativement avancés et des systèmes d'alerte rapide pour la coopération au développement est des plus appréciables.

Le réseau de prévention des conflits et de gestion de situations post-conflits (CPR) au sein duquel USAID, CIDA (Canada), la Banque mondiale et certains Etats membres sont particulièrement actifs est utile en ce qui concerne la coordination des donateurs internationaux (ainsi que multinationaux) en matière de prévention des conflits.

Dans les situations de post-conflit, la coordination est également fondamentale. Une approche très prometteuse pour la coordination de notre assistance extérieure dans des zones de post-conflit avec celle de pays partenaires (et également celle d'organisations internationales) est celle des « Amis de ». Cette approche consiste à associer le plus grand nombre de donateurs internationaux dans la coordination des actions dans un pays donné.

La Commission propose d'intégrer plus systématiquement dans le dialogue politique avec les pays partenaires des discussions sur les systèmes d'alerte rapide et le suivi régulier des zones de conflit potentiel.

Dans les situations de post-conflit, la Commission a l'intention de jouer un rôle plus actif dans le cadre des approches « Amis de » et de stimuler l'échange d'information entre donateurs.

B. Coopération avec les organisations internationales

Coopération avec les Nations Unies

Investies du mandat général de maintien de la paix et de la sécurité dans le monde, les Nations unies sont un partenaire clé pour la prévention des conflits. L'Union européenne et les Nations unies coopèrent souvent, dans le cadre d'opérations de maintien de la paix, pour empêcher la réapparition des conflits. Lors de deux opérations récentes en faveur desquelles l'Union européenne a pris un engagement politique important (Kosovo et Timor), les deux organisations se sont entendues sur un partage des tâches conforme à leurs sphères de compétence respectives. Dans le cas du Timor oriental, un Trust Fund géré par la Banque mondiale a représenté un moyen efficace pour contrôler les contributions des différents donateurs (voir Encadré). Dans le cas du Kosovo, la Commission a lancé un exercice sur les « enseignements retirés » de l'expérience du pilier reconstruction économique et développement de l'UNMIK. Le principe de la complémentarité entre les acteurs concernés a été récemment réaffirmé dans la discussion sur la coopération pour la consolidation de la paix, organisée lors de la quatrième réunion à haut niveau entre les organisations des Nations unies et les organisations régionales qui s'est tenue à New York en février 2001.

La Commission suit de près la mise en oeuvre du rapport Brahimi [14] et souscrit entièrement à l'approche exposée dans le rapport à l'égard de la consolidation de la paix. Lorsqu'elle a proposé le mécanisme de réaction rapide (voir ci-dessus), la Commission s'est inspirée des propositions du Secrétaire général des Nations unies concernant l'établissement de projets ayant un impact rapide destinés aux pays qui sortent de crises.

[14] Rapport du 21 août 2000 du panel sur les opérations de paix des NU

En tout état de cause, il y a clairement place pour l'établissement d'un dialogue plus structuré entre les deux parties centré sur l'objectif commun d'une prévention des conflits aux niveaux opérationnel comme politique.

Depuis l'accord-cadre de 1999 conclu entre la CE et les Nations unies, la Commission est désormais mieux placée pour coopérer avec les Nations unies au cofinancement des actions. La proposition de la Commission concernant un nouveau règlement financier de la CE prévoit une plus grande flexibilité en matière de financement des activités des Nations unies, en particulier par le biais du financement des programmes et des contributions non affectées à une fin particulière. La Commission étudie actuellement la possibilité d'apporter un soutien au Trust Fund de l'ONU pour la diplomatie préventive. Ce Fonds a été créé en 1996 pour renforcer la capacité de prévention du Secrétaire général ainsi que son rôle d'alerte précoce dans les situations de crise.

S'agissant des problèmes environnementaux liés aux situations de conflit, le système des Nations unies joue un rôle clé dans la coopération multilatérale. Un grand nombre d'accords multilatéraux sur l'environnement fournissent un cadre juridique pour la coopération et le développement des capacités afin d'atténuer les problèmes environnementaux mondiaux, régionaux ou encore communs.

La prévention des conflits doit constituer un élément pivot du renforcement du dialogue structuré mis en place entre l'Union et le Secrétaire général des Nations unies. La Commission, qui a déjà élaboré un dialogue de programmation avec le HCR et le PAM, propose quant à elle, d'établir un dialogue similaire avec d'autres agences, fonds et programmes.

Au niveau opérationnel, la Commission est disposée à échanger ses Country Stratégy Papers avec les Common Country Assessments des Nations unies. Elle étudie également actuellement la possibilité d'apporter un soutien financier au Trust Fund pour la diplomatie préventive.

Dans le domaine de l'environnement, la Commission a l'intention de soulever la question du lien entre l'épuisement des ressources naturelles et la sécurité au cours des préparatifs du sommet de 2002 sur le développement durable qui se tiendra à Johannesburg, dix ans après Rio.

Coopération avec les institutions de Bretton Woods

En ce qui concerne la coordination avec la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI), un développement important concerne l'élaboration des cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté (PRSP) préparés pour un certain nombre de pays recevant l'aide de ces institutions [15]. Là où ils existent, les PRSP constitueront la pierre angulaire des soutiens de la Banque et du Fonds et des Country Strategy Papers élaborés par la Commission. C'est la raison pour laquelle la Commission a noué un dialogue à la fois avec les pays concernés et avec les institutions de Bretton Woods à propos des PRSP.

[15] Pays éligibles à l'assistance de l'International Development Association (IDA) ou du soutien du Poverty Reduction Growth Facility du FMI. Un certain nombre de PRSP ont déjà été élaboré par exemple pour l'Albanie, la Bosnie, la Mauritanie et la Tanzanie.

Les besoins spécifiques en terme de soutien budgétaire ne devrait pas être négligés dans les situations de post-conflit. Une approche au cas par cas, en étroite coordination avec les institutions de Bretton Woods sera recherchée.

Coopération avec l'OSCE et le Conseil de l'Europe

La Commission poursuit un dialogue permanent avec la Présidence en exercice de l'OSCE (actuellement la Roumanie) et le Secrétariat de l'OSCE. Elle participe également à des programmes ou projets conjoints (droits de l'homme, collecte d'armes légères, etc.). Des discussions approfondies sont en cours avec le centre de prévention des conflits de l'OSCE, afin d'échanger des informations sur la progression des actions de prévention des conflits, en liaison avec le système REACT de l'OSCE (équipes d'assistance et de coopération rapides) et dans le domaine de la formation.

La Commission et le Conseil de l'Europe ont coopéré à des programmes conjoints visant à sensibiliser l'opinion publique aux problèmes liés à la peine de mort en Russie, en Turquie, en Albanie et en Ukraine. L'année dernière, la CE a élargi sa coopération aux questions concernant les Roms en Europe du Sud-Est, la stabilité démocratique dans le Caucase du Nord et le soutien à la réforme du système judiciaire en Moldavie.

La Commission poursuivra sa coopération avec l'OSCE et le Conseil de l'Europe dans le domaine de la prévention des conflits au moyen notamment de l'élaboration de modules/programmes communs de formation du personnel engagé dans les opérations sur le terrain (cf. système REACT de l'OSCE).

Coopération avec les autres

En ce qui concerne l'OCDE, la Commission, qui est membre du groupe d'étude informel du Comité d'Aide au Développement sur les conflits, la paix et la coopération pour le développement, entend y jouer un rôle plus actif. Ce groupe offre un cadre utile pour le renforcement des capacités des donateurs et des pays partenaires en matière de prévention des conflits.

En ce qui concerne le G8, la "réunion au niveau des responsables de la prévention des conflits" du G8 a été instituée au cours de la présidence japonaise du G8 en 2000. À la suite des conclusions de la réunion des ministres des Affaires étrangères de Miyazaki, l'accent a été mis tout d'abord sur les armes de petit calibre et les armes légères, les conflits et le développement, le commerce illégal du diamant, les enfants dans les conflits armés et les forces de police civiles internationales. En 2001, lors de la présidence italienne du G8, le rôle des femmes et la responsabilité sociale des entreprises viendront s'ajouter à la liste.

Dans le cadre de la coopération avec le CICR, outre certaines actions d'aide humanitaire, la Commission a l'intention de renforcer son dialogue au plus haut niveau avec cet organe, ainsi que de maintenir un échange d'information permanent au niveau technique. Elle montrera un intérêt accru au mandat de protection du Comité, garant international des conventions de Genève.

Dans le cadre du G8, la Commission profitera de ce forum pour faire valoir les positions de l'Union sur ces questions et pour promouvoir une certaine cohérence par rapport aux autres instances internationales où ces questions sont débattues.

C. Coopération avec les ONG

Par leur soutien au développement de la société civile et la démocratie, les ONG sont des acteurs essentiels de la prévention à long terme des conflits. Elles sont souvent présentes sur le terrain dans des situations où les structures officielles ont disparu. Elles peuvent aussi remplir le rôle de médiateurs proches des populations et d'observateurs neutres et fiables dans des lieux où il n'y a pas de présence internationale. L'action des ONG spécialisées dans la médiation a eu parfois un impact déterminant sur des situations de crises.

La Commission a l'intention de mettre l'accent sur la prévention des conflits dans ses contacts avec les ONGs (spécialisées ou non dans les droits de l'homme), de manière à identifier celles qui pourraient jouer un rôle essentiel dans la prévention.

La Commission accordera une priorité accrue, par l'intermédiaire de l'Initiative Européenne pour la Démocratie et les Droits de l'Homme, aux activités contribuant à la prévention des conflits et permettant de traiter les conséquences des conflits.

Conclusion

L'avantage d'une approche fondée sur l'action préventive de long terme n'est plus à démontrer. La nature proportionnée et coopérative de l'approche préventive la rendra en outre toujours plus acceptable à son bénéficiaire qu'une opération de maintien de la paix faisant éventuellement appel à la force. La coopération et la coordination au niveau international permettra aussi d'assurer une complémentarité dans la prévention.

La Commission est déterminée à mobiliser les instruments communautaires plus efficacement et de façon plus coordonnée, afin de soutenir les efforts de prévention d'un conflit. Ces efforts interviendront le plus en amont possible et continueront jusqu'aux dernières phases, celles de la confrontation et de la crise ouverte. Ceci supposera:

¨ D' intégrer des objectifs de paix, démocratie et stabilité politique et sociale dans nos programmes d'assistance. Ceci devra se refléter à la fois dans notre approche général mais aussi par exemple dans le fait de mettre l'accent sur le soutien à établissement d'institutions stables et à l'état de droit (y inclus la police et l'administration de la justice) ;

¨ De prendre en compte dans nos programmes d'assistance des indicateurs d'exclusion politique, ethnique, de marginalisation sociale et régionale, de dégradation environnementale. Tout autre facteur pouvant conduire à des tensions sociales ou une confrontation violente devrait être contrôlé ;

¨ D'apporter une valeur ajoutée aux initiatives internationales sur les questions transversales qui peuvent contribuer à alimenter la tension et le conflit , comme par exemple le crime international, la propagation des armes légères, le commerce des diamants, le trafic de stupéfiants, les « enfants soldats» ;

* De tirer avantage d'autres moyens comme par exemple les instruments relatifs au commerce, ou les instruments dérivés de domaines telles que la justice et les affaires intérieurs, la politique d'immigration, la politique sociale ou environnementale;

* De développer des approches et des instruments nouveaux pour faire face aux conflits et aux situations de crises. Le Mécanisme de Réaction Rapide pour la mobilisation des instruments communautaires est un exemple. La future Communication sur le lien entre aide d'urgence, réhabilitation et développement fournira d'autres moyens d'intervention ;

Parmi les instruments disponibles, l'assistance extérieure de la Communauté est certainement le plus puissant. L'assistance a déjà été utilisée avec succès, par exemple au Salvador et au Guatemala, pour rétablir un certain degré de stabilité structurelle. Elle est actuellement utilisée de manière intégrée dans le processus de reconstruction et de consolidation dans les Balkans Occidentaux. Les propositions pratiques faites dans cette communication aideront à rendre encore plus significatif le rôle de la prévention des conflits dans l'assistance externe.

Quand la situation d'un pays donné se détériore, l'action de prévention à long terme doit céder la place à la réaction rapide fondée sur une politique claire et cohérente. Comme cela est discuté dans cette communication, il existe différents moyens d'améliorer la qualité de notre réponse et en particulier de mieux utiliser les instruments communautaires ou de la PESC. Le rapport conjoint du SG/HR et de la Commission transmis au Conseil Européen de Nice sur la prévention des conflits a également émis des recommandations importantes. La Commission travaillera très étroitement avec les structures appropriées du Conseil et en particulier avec le SG/HR et l'Unité Politique/Secrétariat du Conseil pour la mise en oeuvre de ces recommandations.

En conclusion, notre capacité d'agir en réponse à des conflits est intrinsèquement liée à trois facteurs : une définition claire des objectifs de l'Union, une capacité d'agir et surtout une volonté politique d'agir. L'efficacité de l'action de l'Union dépendra surtout de sa capacité à exprimer une approche politique commune à tous ses Etats Membres. A présent, des conflits d'intérêt tendent encore trop souvent à entraver une prise de décision rapide. La définition de valeurs et d'intérêts communs, se traduisant par un ensemble de priorités et d'objectifs communs sur des questions sensibles, constitue le véritable test de notre capacité à contribuer à la prévention des conflits.

Annexe

Liste des recommandations

La Commission :

Prévention à long terme

* donnera une plus grande priorité à son soutien à l'intégration régionale et en particulier aux organisations régionales ayant un clair mandat de prévention des conflits ;

* s'assurera que sa politique de développement et ses autres programmes de coopération visent plus clairement à traiter les causes profondes de conflit de manière intégrée ;

* utilisera dans tous les Country Strategy Papers des indicateurs appropriés pour analyser les situations de conflit potentiel ;

* développera des outils pratiques de programmation pour intégrer des mesures de prévention des conflits dans les programmes de coopération avec des pays à risque ;

* échangera systématiquement les Country Strategy Papers avec les documents correspondant des Etats membres ;

* mettra en place, sur une base pilote, et en collaboration étroite avec l'Unité Politique du Conseil, un système d'échange régulier entre desk officers de la Commission, de l'Unité Politique du Conseil et des Etats membres sur deux zones instables : Balkans, et Région des Grands Lacs ;

* envisage de cofinancer les instruments de financement de la Banque mondiale et du FMI qui appuieront la mise en oeuvre des PRSP dans les États ACP.

* engagera, pour les pays à risque, là où la situation l'exige, des actions ciblées visant à ouvrir la voie à un environnement démocratique plus favorable. En particulier, une importance accrue sera accordée au soutien aux processus électoraux, aux activités parlementaires et à l'administration de la justice. Ce faisant, la Commission s'efforcera d'assurer une égalité de participation des hommes et femmes dans la vie sociale, économique et politique ;

* envisage, dans les limites de ses compétences, de s'engager plus activement dans le domaine de la sécurité. Ceci pourra prendre la forme d'actions visant à l'amélioration des services de police, la promotion de la reconversion civile, le désarmement et la non prolifération (tant pour les armes de destruction massive que pour les armes conventionnelles). La Commission pourrait soutenir des formations sur le respect des droits de l'homme visant l'ensemble du secteur de la sécurité ;

* concentrera son assistance, dans les situations de post-conflit, sur la consolidation de la paix et la prévention des conflits futurs, en particulier à travers des programmes de réhabilitation, des mesures de réhabilitation liées aux enfants, des programmes DDR de même que des actions de soutien aux processus de réconciliation ;

* concentrera sa coopération et ses actions anti-drogue sur les deux principales routes de trafic à destination de l'Europe à travers les Balkans et entre l'Amérique latine et la Caraïbe. Ce faisant elle continuera à mobiliser l'expertise des Etats membres ;

* donnera une priorité accrue à son soutien visant à contrôler la circulation des petites armes. Elle travaillera à l'élaboration d'une position ambitieuse de l'Union en vue de la Conférence prochaine des Nations Unies sur le commerce illicite des armes légères et de petit calibre. Dans le cadre de la gestion des programmes visant les petites armes, la Commission examinera de manière détaillée la situation du secteur douanier ;

* jouera un rôle actif dans la Task Force, établi par le Processus de Kimberley, pour l'établissement d'un système de certification des diamants bruts et présentera au Conseil avant la fin de l'année, un document d'orientation présentant les options sur la question ;

* soutiendra, lorsque la volonté de collaborer au niveau régional existe réellement, les actions régionales visant à une gestion équitable des ressources en eau ;

* traitera des questions de ressources naturelles et de dégradation de l'environnement à travers ses programmes bilatéraux et régionaux et renforcera son soutien à la mise en oeuvre par les pays partenaires des Accords Environnementaux Multilatéraux. Une priorité accrue sera accordée aux projets de réhabilitation environnementale dans les programmes post-conflit ;

* cherchera à approfondir son dialogue avec les organisations internationales spécialisées, en vue de mieux détecter et à un stade plus précoce les flux migratoires déstabilisateurs. De telles organisations pourraient comprendre l'OIM et le HCR ;

* est engagée dans la promotion active des Principes Directeurs de l'OCDE pour les Entreprises Multinationales, qui visent à encourager un comportement responsable des entreprises dans leurs opérations à l'étranger, notamment dans les pays en développement ;

Prévention à court terme

* travaillera avec le SG/HR sur les suivis réguliers des zones de conflits potentiels, y inclus la mise en place de mécanismes d'alerte rapide ;

* considère que l'instrument de dialogue politique devrait être utilisé de façon plus systématique dans des situations de crise naissante. Un tel dialogue devrait reposer sur une ligne politique forte. Il devrait être plus ciblé, plus flexible dans le temps et plus substantiel que dans le passé. La Commission est prête à travailler avec le SG/HR pour développer des propositions concrètes dans ce domaine ;

* considère que les représentants spéciaux devraient être utilisés plus largement comme médiateurs, qu'ils devraient être habilités à prendre des positions claires sur les situations pour lesquelles ils auraient été mandatés et que leur mission devrait également pouvoir être de courte durée (par exemple 6 mois). La Commission est prête à travailler avec le SG/HR pour développer des propositions concrètes dans ce domaine ;

* ouvrira un débat au sein du Conseil sur la manière de garantir la capacité de l'UE de définir et d'appliquer des sanctions préventives ;

* encourage les Etats membres à travailler ensemble et de concert avec les NU et l'OSCE, en ce qui concerne la formation dans les domaines de l'État de droit et l'administration civile, pour le personnel à déployer pour des missions internationales, la Commission. La Commission est prête à financer de tels programmes de formation avec de fonds communautaires ;

Cooperation internationale

* propose d'intégrer plus systématiquement dans le dialogue politique avec les pays partenaires des discussions sur les systèmes d'alerte rapide et le suivi régulier des zones de conflit potentiel. Dans les situations de post-conflit, la Commission a l'intention de jouer un rôle plus actif dans le cadre des approches « Amis de » et de stimuler l'échange d'information entre donateurs ;

* considère que la prévention des conflits doit constituer un élément pivot du renforcement du dialogue structuré mis en place entre l'Union et le Secrétaire général des Nations unies. La Commission, qui a déjà élaboré un dialogue de programmation avec le HCR et le PAM, propose quant à elle, d'établir un dialogue similaire avec d'autres agences, fonds et programmes.

* est disposée, au niveau opérationnel, à échanger ses Country Strategy Papers avec les Common Country Assessments des Nations unies. Elle étudie également actuellement la possibilité d'apporter un soutien financier au Trust Fund pour la diplomatie préventive.

* a l'intention de soulever la question du lien entre l'épuisement des ressources naturelles et la sécurité au cours des préparatifs du sommet de 2002 sur le développement durable qui se tiendra à Johannesburg, dix ans après Rio.

* poursuivra sa coopération avec l'OSCE et le Conseil de l'Europe dans le domaine de la prévention des conflits au moyen notamment de l'élaboration de modules/programmes communs de formation du personnel engagé dans les opérations sur le terrain (cf. système REACT de l'OSCE).

* profitera, dans le cadre du G8, de ce forum pour faire valoir les positions de l'Union sur les questions d'armes de petit calibre et armes légères, de conflits et développement, de commerce illégal du diamant, des enfants dans les conflits armés, des forces de police civiles internationales, du rôle des femmes et de la responsabilité sociale des entreprises et pour promouvoir une certaine cohérence par rapport aux autres instances internationales où ces questions sont débattues.

* Accordera une priorité accrue, par l'intermédiaire de l'Initiative Européenne pour la Démocratie et les Droits de l'Homme, aux activités contribuant à la prévention des conflits et permettant de traiter les conséquences des conflits.