52000DC0730

Troisième rapport de la Commission au Conseil sur la situation de la construction navale dans le monde /* COM/2000/0730 final */


TROISIÈME RAPPORT DE LA COMMISSION AU CONSEIL SUR LA SITUATION DE LA CONSTRUCTION NAVALE DANS LE MONDE

TABLE DES MATIÈRES

1. Introduction

2. Analyse générale du marché

2.1. Parts de marché

2.2. Évolution des prix

2.3. Le segment des porte-conteneurs

3. Surveillance et analyse détaillées du marché

3.1. Mise à jour des études précédentes

3.2. Nouvelles études

3.3. Incidence sur les chantiers de l'UE

4. Suivi des conclusions du Conseil du 9 novembre 1999 et du 18 mai 2000

5. Mesures de soutien actuelles et futures en faveur des chantiers navals 24 de l'UE

5.1. Historique des aides au fonctionnement

5.2. Montant des aides fournies par les États membres

6. Conclusions et recommandations

7. Liste des tableaux et des graphiques

8. Bibliographie

RESUME

Conformément au règlement 1540/98 du Conseil, qui instaure de nouvelles dispositions concernant les aides à la construction navale, la Commission est tenue de faire rapport sur la situation du marché de la construction navale dans le monde. Le premier rapport (COM(1999) 474 final) a été présenté au Conseil le 9 novembre 1999 et le deuxième (COM(2000) 263 final), le 18 mai 2000. Les deux fois, le Conseil a invité la Commission à mettre en oeuvre certaines actions pour redresser la situation. Le présent document, qui constitue le troisième rapport de la série, analyse l'évolution la plus récente du marché mondial de la construction navale et évalue les résultats des actions entreprises en réponse aux demandes formulées par le Conseil.

Le marché mondial de la construction navale continue à connaître de graves difficultés. L'offre reste supérieure à la demande et il ne semble guère que cette situation doive s'améliorer. Malgré une reprise des commandes au cours des huit premiers mois de cette année, rendue possible par la situation favorable du marché des transports de vrac liquide (pétrole brut et produits pétroliers), ainsi que par l'apparition de concepts de navires nouveaux et innovants (porte-conteneurs de très fort tonnage), les prix des navires ne se sont pas remis de l'effondrement qu'ils ont connu en 1997, même si l'on détecte certains signes d'une amélioration par rapport aux faibles niveaux enregistrés à la fin de 1999. Les prix des types de navires autres que les pétroliers ont continué (sauf dans de très rares cas) à baisser au cours des douze derniers mois, tandis que ceux des pétroliers ont connu une légère hausse de l'ordre de 5 à 10%. La faiblesse persistante des prix s'explique par le niveau très bas des offres des chantiers navals coréens.

La Corée du Sud est désormais la première puissance de construction navale dans le monde. Au cours des huit premiers mois de l'an 2000, ses chantiers navals ont enlevé plus de 40% des commandes nouvelles (Japon: 25%, UE + Norvège: 16%, reste du monde: 19%) en termes de tbc (tonnes brutes compensées). Pendant la même période, les chantiers coréens ont accaparé 60% des commandes nouvelles dans l'important segment des porte-conteneurs (Japon: 4%, UE + Norvège: 8%, reste du monde: 25%). Sur le marché des porte-conteneurs de très fort tonnage ("Post-Panamax"), qui commencent à dominer les transports maritimes de ligne, la part de la Corée s'est élevée à 82% (Japon: 4%, UE + Norvège: 0%, reste du monde: 14%). Par ailleurs, les chantiers de l'UE ont continué à dominer le marché des navires de croisière de valeur élevée.

Les analyses détaillées des coûts des commandes de navires, telles qu'elles ont été présentées dans les deux rapports précédents, ont été actualisées afin de prendre en compte certaines hypothèses relatives à l'inflation, ainsi que des informations nouvelles fournies par la Corée sur la situation financière des chantiers navals. Si l'on s'en tient à ces hypothèses, les pertes calculées qu'auraient subies les chantiers coréens se situent entre 4% et 39% des coûts de construction effectifs (le chiffre inférieur se rapportant à un chantier naval dont les dettes ont été réduites considérablement par des annulations comptables). Selon les estimations, la perte moyenne pour l'ensemble des commandes examinées est de l'ordre de 20%. En outre, sept commandes supplémentaires, portant essentiellement sur des types de navires typiques du portefeuille des chantiers de l'UE, ont été examinées depuis le dernier rapport de la Commission. Les résultats de ces examens indiquent qu'à quelques exceptions près, les chantiers coréens continuent d'accepter des commandes à des prix qui ne couvrent pas intégralement les coûts. Les chantiers navals coréens ciblent pratiquement tous les segments du marché, laissant aux chantiers de l'UE principalement les commandes intérieures de moindre importance et les tonnages hautement spécialisés. Aussi ce troisième rapport de la Commission européenne sur la situation de la construction navale dans le monde confirme-t-il les conclusions énoncées par la Commission dans ses deux premiers rapports.

L'ensemble des actions entamées pour résoudre le problème (conformément aux souhaits exprimés par le Conseil de ministres lors de ses réunions des 9 novembre 1999 et 18 mai 2000) se poursuivent actuellement (voir chapitre 4). En particulier, la Commission a déployé des efforts considérables pour obtenir de la Corée des engagements fermes de non-intervention dans le financement des activités de construction navale. Après plusieurs séries de consultations, la Commission européenne et le gouvernement coréen sont parvenus à un accord intitulé "Agreed Minutes relating to the World Shipbuilding Market", signé le 22 juin 2000. Après la signature, les discussions se sont poursuivies en vue de mettre en oeuvre les principes énoncés dans l'accord. Toutefois, aucune approche commune des problèmes n'a pu être dégagée, de sorte que les négociations bilatérales avec la Corée se sont achevées sans résultats.

Les indices que la Commission européenne a pu réunir dans le cadre de la surveillance du marché ont permis à l'industrie de l'UE de rassembler suffisamment d'éléments pour être fondée à déposer une plainte au titre du règlement (CE) nº 3286/94 du Conseil sur les obstacles au commerce. L'industrie a saisi la Commission de sa plainte le 24 octobre 2000. La Commission poursuivra, quant à elle, son exercice de surveillance du marché.

Estimant que le FMI a un certain rôle à jouer en ce qui concerne la restructuration industrielle en Corée, la Commission a établi des contacts avec lui pour souligner les effets que pourrait avoir un comportement des chantiers coréens qui ne serait pas conforme aux règles du marché. Le FMI a examiné la question, mais affirme qu'il n'a pas mandat pour traiter des aspects sectoriels. La Commission tient le FMI au courant de la suite des événements afin d'éviter que les pertes accumulées par les chantiers navals coréens ne soient épongées directement ou indirectement par le gouvernement coréen et d'assurer que les principes du marché soient pleinement appliqués.

La Commission a également examiné les régimes d'aide actuellement mis en oeuvre, conformément au règlement 1540/98 du Conseil, en faveur des chantiers de l'UE, et a conclu que les aides au fonctionnement n'ont pas apporté de solution au problème coréen.

Compte tenu de ce qui précède, il est proposé:

- que la Commission continue à surveiller la situation du marché;

- que la Commission examine dès que possible la plainte déposée par l'industrie au titre du règlement sur les obstacles au commerce et, si la plainte est reçue, agisse avec rigueur en vue d'une action possible de l'OMC;

- parallèlement, que la Commission reste ouverte à toute proposition de la Corée qui répondrait aux préoccupations de l'UE;

- que la Commission et les États membres poursuivent leurs efforts pour réaliser des conditions de concurrence équitables au niveau international pour l'industrie de la construction navale de l'OCDE;

- que la Commission et les États membres continuent à encourager le FMI à veiller à ce que la restructuration des chantiers navals coréens fasse l'objet d'une surveillance étroite et d'une évaluation;

- que la Commission continue à coopérer étroitement avec l'industrie dans les questions touchant à la compétitivité;

- que, conformément aux dispositions de l'article 12 du règlement (CE) 1540/98 du Conseil et sans préjudice des actions décrites ci-dessus, la Commission examine la possibilité de présenter, dès que possible, des propositions de mesures visant à faire face au problème.

1. Introduction

Le présent rapport de la Commission sur la situation du marché de la construction navale dans le monde est le troisième de la série. Il complète et développe les deux premiers rapports présentés au Conseil de ministres le 9 novembre 1999 sous la référence COM(1999) 474 final et le 18 mai 2000 sous la référence COM(2000) 263 final. Dans le contexte de ce rapport, l'expression "construction navale" désigne exclusivement la production de navires marchands, à l'exclusion des navires militaires, des installations offshore et des petits navires.

Le troisième rapport s'inscrit dans le prolongement de la démarche et des conclusions des deux premiers. C'est la raison pour laquelle certains éléments des rapports antérieurs ne sont pas répétés. Au nombre de ces éléments figurent l'analyse de l'offre et de la demande à long terme, les observations générales sur la nature des contrats dans le secteur de la construction navale et sur les études réalisées, l'analyse du secteur financier de la Corée du Sud, les précisions relatives à certains chantiers navals examinés, ainsi que la description de la méthodologie utilisée. Toutefois, les informations contenues dans les deux premiers rapports ont été actualisées le cas échéant et leurs éléments essentiels sont rappelés quand cela est jugé nécessaire. C'est notamment le cas des études de coût détaillées qui ont été effectuées pour les commandes de navires attribuées à des chantiers asiatiques, puisque le modèle de calcul des coûts sur lequel reposent ces études est réappliqué à chaque fois que des informations nouvelles ou plus précises sont recueillies.

Ce troisième rapport de la Commission contient des informations actualisées sur les parts de marché et sur l'évolution des prix. En outre, de nouvelles analyses de coût afférentes à des commandes passées à des chantiers navals sud-coréens ont été réalisées depuis le dernier rapport, et leurs résultats sont présentés. Le rapport contient également une évaluation des résultats des différentes actions demandées par le Conseil.

2. Analyse générale du marché

Depuis la présentation des deux premiers rapports, peu de progrès ont été accomplis en ce qui concerne l'analyse de l'écart entre l'offre et la demande de capacités de construction navale. Les trois principales associations de constructeurs de navires, à savoir AWES (Association de constructeurs et réparateurs de navires européens) et SAJ (Association des constructeurs de navires japonais), d'une part, et KSA (Association des constructeurs de navires coréens), d'autre part, ont des vues divergentes sur l'ampleur de cet écart, ainsi que sur l'évolution future de l'offre et de la demande. Néanmoins, tous s'accordent à penser que l'écart entre l'offre et la demande se creusera au cours des années à venir, en raison de l'accroissement de la productivité des chantiers, de la reconversion de certains chantiers de réparation en chantiers de construction de navires neufs, ainsi que de l'arrivée sur le marché de nouveaux concurrents, comme la République populaire de Chine.

Il reste à voir à quel moment la législation à adopter prochainement par l'UE et les règles de l'OMI relatives aux pétroliers produiront leurs effets sur la demande et si l'accroissement de la demande profitera aux chantiers navals de l'UE.

La capacité totale de construction de navires neufs dans le monde s'élève actuellement à quelque 21 millions de tbc (tonnes brutes compensées, une mesure qui tient compte à la fois de la taille du navire et des moyens à mettre en oeuvre pour construire le type de navire en question; source: OCDE et AWES). D'ici à 2005, cette capacité devrait passer à quelque 24 millions de tbc. La production totale de navires neufs a atteint 17,1 millions de tbc en 1997, 18,0 millions de tbc en 1998 et 17,5 millions de tbc en 1999 (source: Lloyd's Register of Shipping), ce qui montre que la demande est nettement inférieure à l'offre et qu'il ne faut pas s'attendre à une hausse significative des prix des navires neufs résultant d'un accroissement de la demande, du moins à court terme.

2.1. Parts de marché

Lorsqu'il s'agit d'analyser l'évolution actuelle du marché, les chiffres des nouvelles commandes donnent le meilleur aperçu de la situation effective. Les carnets de commandes et les livraisons permettent d'analyser l'évolution à moyen et à long terme de l'industrie, mais ces chiffres sont fondés sur des commandes passées antérieurement. Il convient de se rappeler que, dans la construction navale, les délais de réalisation peuvent atteindre trois ans. En particulier, les données relatives aux livraisons actuelles peuvent donner lieu à des conclusions erronées, car ces livraisons sont le résultat de commandes passées en 1998, quand les chantiers navals coréens se trouvaient dans une situation difficile en raison de la non-disponibilité de financements assurés par des établissements financiers intérieurs. Les carnets de commandes et les livraisons des années 1997 à 1999 ont été analysés dans le deuxième rapport de la Commission et, comme les chiffres relatifs à l'ensemble de l'an 2000 ne sont pas encore disponibles, cette analyse n'est pas actualisée dans le présent rapport.

Les statistiques de la construction navale sont souvent exprimées en tonnes brutes ou en termes de valeur de production. Les deux types de données sont entachées d'un certain biais, dont la direction n'est cependant pas la même dans les deux cas. Les données exprimées en tonnes brutes décrivent la construction navale en termes de volume physique et attribuent dès lors une part plus importante aux régions où la production de pétroliers et de vraquiers est prédominante. Si, en revanche, on s'en tient aux valeurs de production, on constate que les régions produisant des navires complexes, tels que des navires de croisière, des ferries et du tonnage spécialisé, arrivent en tête. Pour éviter l'un et l'autre de ces deux biais, l'analyse présentée dans ce rapport retient comme unité de mesure la tbc, qui reflète le mieux le contenu en construction navale.

Le graphique ci-après contient des informations sur l'évolution des nouvelles commandes depuis 1997, les chiffres étant exprimés en tbc et ventilés par grandes régions de construction navale. Il est suivi d'une brève analyse.

Figure 1 - Parts de marché en termes de nouvelles commandes, exprimées en pourcentage des volumes en tbc, 1997-2000 (*)

>REFERENCE A UN GRAPHIQUE>

Source: Lloyd's Register of Shipping

(*) Les chiffres relatifs à l'an 2000 couvrent les huit premiers mois de l'année.

Le graphique illustre l'accroissement notable qu'a connu la part de marché coréenne en termes de nouvelles commandes depuis la crise économique asiatique de 1997. L'année 1998 constitue une exception, car les chantiers coréens ont éprouvé des difficultés à s'attirer des commandes en raison de la non-disponibilité de financements assurés par des établissements financiers intérieurs. Au niveau mondial, les carnets de commandes se sont bien remplis au premier semestre de l'an 2000, le volume mensuel moyen de commandes reçues ayant pratiquement doublé par rapport à 1999, puisqu'elles se sont chiffrées au total à 10.895.762 tbc. En termes de tbc, 74% de ces commandes "additionnelles" ont été passées à la Corée. Les carnets de commandes coréens sont donc remplis (en partie jusqu'en 2004), ce qui permet aux chantiers navals de viser des niveaux de prix plus élevés (où les commandes spéculatives cessent). En outre, il semble que la demande soit désormais partiellement satisfaite. Au cours des huit premiers mois de l'an 2000, la Corée a accaparé environ 40% du marché mondial, alors qu'en 1999, sa part de marché n'était que de l'ordre de 33%. Les parts du Japon et de l'UE étaient de 24% et de 16% respectivement. Cette progression de la Corée s'est surtout effectuée au détriment du Japon, bien que l'UE ait également perdu des parts de marché. Les chantiers de l'UE ont presque totalement renoncé à la construction de pétroliers standard et de vraquiers de faible valeur, et ont perdu une grande partie de leurs parts de marché dans le secteur des porte-conteneurs. Désormais, leur production est axée de plus en plus sur les navires à passagers et le tonnage spécialisé.

L'essor de la production de navires de croisière, dont les valeurs en tbc sont comparativement élevées, a eu pour effet de stabiliser la situation globale de la construction navale dans l'UE. Toutefois, dix chantiers seulement de l'UE opèrent actuellement dans ce domaine, et le nombre de chantiers qui pourraient se reconvertir aisément à la construction de navires de croisière est limité par des contraintes techniques et commerciales. En outre, les chantiers coréens et japonais recherchent activement des commandes de navires de croisière (le Japon ayant d'ailleurs déjà enlevé deux commandes importantes dans ce domaine). Le fait que des commandes de ferries pour passagers ont récemment été passées à la Corée semble indiquer que les chantiers navals coréens sont d'ores et déjà en train de se constituer le savoir-faire indispensable pour construire de grands navires à passagers et que la transition de ferries complexes à des navires de croisière devrait être possible à moyen terme. L'analyse ci-dessus permet de penser que les chantiers de l'UE opèrent toujours globalement dans un environnement commercial comparativement stable et que leurs carnets de commandes sont toujours relativement bien garnis. Toutefois, la situation peut varier considérablement d'un État membre et d'un chantier naval à l'autre, en fonction du portefeuille de produits. Les plus menacés sont les chantiers de taille petite et moyenne, spécialisés dans la construction de cargos marchands, tels que des porte-conteneurs, des transporteurs de produits pétroliers ou des méthaniers. En général, ces chantiers ne sont pas en mesure de compenser une perte de parts de marché par la construction de grands navires de croisière ou par des commandes de la force navale, même si leur compétitivité d'ensemble en termes de productivité semble bonne. L'évolution récente semble indiquer que les grands chantiers navals commencent à rencontrer des problèmes similaires, notamment lorsqu'ils sont incapables d'enlever certaines commandes stratégiques et que d'autres segments du marché leur sont devenus inaccessibles en raison de la concurrence coréenne.

2.2. Évolution des prix

Dans cette industrie, il est rare que les prix des navires neufs fassent l'objet d'une surveillance régulière, ce qui s'explique par la nature des marchés de construction navale, qui doivent être considérés comme d'importants projets d'ingénierie ponctuels où les coûts et le prix sont déterminés par de nombreux paramètres, tels que les caractéristiques techniques du navire, les délais de livraison, la longueur éventuelle de la série, les conditions de financement, etc. C'est la raison pour laquelle les prix déclarés se réfèrent souvent à certains types de navires standard, tels que ceux figurant dans le tableau ci-dessous. Ces informations se fondent principalement sur des données communiquées par des courtiers maritimes qui ne prennent pas toujours en considération la totalité du marché et qui peuvent avoir intérêt à adresser des signaux positifs (ou négatifs) au marché. Les informations de cette nature doivent donc être utilisées avec prudence. C'est sur ces chiffres que le gouvernement coréen a fondé son analyse de la situation de la construction navale au niveau mondial lors des négociations qu'il a menées avec la Commission au titre des "Agreed Minutes", mais, comme il sera montré plus loin, ces résultats ne donnent qu'un aperçu incomplet de la situation.

Tableau 1 - Évolution des prix des navires neufs (prix de fin d'année en millions d'USD)

>EMPLACEMENT TABLE>

Source: Clarkson World Shipyard Monitor

Tableau 2 - Évolution des prix des navires neufs (variations annuelles en pourcentage)

>EMPLACEMENT TABLE>

Un examen des prix de ces types de navires importants au cours des années 1997 à 2000 montre clairement que l'accroissement de la demande de 1998 à 1999 et le nombre comparativement élevé de commandes passées au début de l'an 2000 n'ont eu qu'un impact positif limité sur les prix. En moyenne (mathématique), les prix des navires neufs restent toujours d'environ 13% en deçà de leurs niveaux de 1997 et ne commencent qu'à retrouver leurs niveaux de 1998. Les prix des pétroliers et de certains types de vraquiers ont connu une forte tendance à la hausse, qui s'explique par la demande soutenue de capacités de transport permettant l'application de taux de fret plus élevés, ce qui suscite des commandes de navires neufs. Les chantiers navals coréens n'étant plus guère en mesure d'accepter des commandes à exécuter rapidement et les chantiers de l'UE ne recherchant pas de commandes à ces niveaux de prix toujours très bas, les armateurs doivent payer une prime par rapport aux prix de 1998 et 1999. En outre, le marché a commencé à anticiper l'impact de la législation imminente de l'UE et des futures règles de l'OMI sur les pétroliers, qui limiteront l'utilisation de tonnages anciens. La situation actuellement favorable du marché des petits pétroliers et la crainte d'assister à une hausse importante des prix lorsque la législation sera entrée en vigueur ont stimulé la demande, de sorte que les chantiers navals ont pu demander des prix plus élevés pour ces types de navires. Dans les domaines où les chantiers coréens s'efforcent toujours de conquérir des parts de marché et où la concurrence intracoréenne est rude, par exemple dans les segments des grands porte-conteneurs et des grands méthaniers, les prix n'accusent, selon le Clarkson World Shipyard Monitor, qu'une tendance limitée à la hausse et restent encore de plus de 20% en deçà de leurs niveaux d'avant la crise économique asiatique. Il convient de noter que le prix des transporteurs de GNL, tel qu'il est donné par Clarkson (175 millions d'USD à la fin du mois d'août 2000), n'est pas confirmé par les investigations de la Commission: en effet, les prix de commandes récentes de ce type de navire, placées en Corée, étaient de 152 et de 165 millions d'USD respectivement. Vu qu'un nombre limité seulement de transporteurs de GNL sont produits chaque année (et que ce nombre est même égal à zéro certaines années), le niveau effectif des prix est sans doute plus proche du chiffre donné par Clarkson pour l'année 1999.

La Commission n'est pas convaincue de la validité de l'approche décrite plus haut, telle qu'elle a été suggérée par le gouvernement coréen. Les informations ci-dessus ne permettent pas d'évaluer valablement l'évolution des prix et ce, pour trois grandes raisons:

- très souvent, les prix de différents contrats, même quand ceux-ci portent sur le même type de navires, ne sont pas directement comparables. La construction en série, les différences entre les caractéristiques techniques ou entre les montages financiers ont une incidence sensible sur les prix, et les indications de prix par type de navires ne donnent pas un aperçu complet des niveaux effectifs des prix;

- la liste des types de navires que donne Clarkson comme référence est limitée et ne donne aucune information sur certains types de navires importants, tels que les porte-conteneurs "Post-Panamax";

- le système actuel de relevé des prix pour certains types de navires ne permet d'obtenir qu'un simple instantané, mais non d'effectuer une analyse de l'évolution des prix à long terme, ni une évaluation des pratiques des différents chantiers en matière de fixation des prix.

Afin de combler ces lacunes, la Commission procède actuellement à une analyse distincte de l'évolution des prix, en comparant les niveaux de prix pratiqués en Corée par type de navires et par chantier naval. La méthodologie de cette analyse consiste à établir un "prix de base", qui est le niveau de prix moyen pour les contrats reçus au cours de la période allant d'avril 1999 à avril 2000, et à comparer le chiffre ainsi obtenu au prix moyen des contrats enregistrés depuis avril 2000 (lorsque les "Agreed Minutes" avec la Corée ont été paraphées). Actuellement, l'ensemble de données sous-jacent contient les prix d'environ 250 commandes passées à des chantiers coréens. Ces prix sont exprimés en USD/tbc. Cette analyse devrait permettre de savoir dans quelle mesure les différents chantiers navals coréens ont relevé leurs prix et, le cas échéant, quels sont les types de navires concernés.

Le graphique ci-dessous présente l'évolution globale des prix pour l'ensemble des chantiers navals coréens.

Figure 2 - Évolution des prix pour l'ensemble des chantiers navals sud-coréens

>REFERENCE A UN GRAPHIQUE>

On constatera qu'après avoir atteint un niveau très bas à la fin de 1999, les prix sont repartis à la hausse et ont augmenté d'environ 6% en moyenne, mais que leur progression est très lente et que les prix actuels n'atteignent pas leur niveau du printemps de 1999.

Un examen des prix par type de navires confirme les constatations faites plus haut: les pétroliers et les vraquiers bénéficient de la bonne santé du marché des transports et la demande de navires neufs qui en résulte a entraîné une hausse des prix (cet effet étant particulièrement prononcé dans le cas des pétroliers). Quant aux prix des porte-conteneurs, ils ont augmenté au premier semestre 2000, mais se sont quelque peu tassés par la suite, notamment parce que les taux de fret ne sont pas repartis à la hausse comme dans le cas des transporteurs de vrac liquide et que l'accroissement du tonnage des navires représente une nouvelle économie d'échelle qui permet aux armateurs d'opérer à des taux de fret comparativement faibles. L'ensemble des grands chantiers navals coréens ciblent ce segment du marché, qu'ils considèrent comme plus rentable que la construction de pétroliers et de vraquiers. Cette concurrence intracoréenne a entravé toute hausse soutenue des prix des porte-conteneurs. Le comportement général des grands chantiers coréens en matière de fixation des prix est hétérogène, car les situations financières diffèrent d'un chantier à l'autre. La nécessité d'attirer en permanence de nouvelles commandes est sans doute plus impérieuse pour certains que pour d'autres, ce qui a pour effet de faire baisser les prix de certaines commandes spécifiques importantes.

2.3. Le segment des porte-conteneurs

Comme il a été souligné dans les deux premiers rapports, les porte-conteneurs constituent le segment le plus important du marché en termes de tbc dans le secteur de la construction de navires à vocation commerciale, et ils ont figuré, par le passé, parmi les principaux produits issus des chantiers japonais et européens. Il a également été précisé dans le premier rapport que les chantiers coréens ont conquis une part non négligeable du marché des porte-conteneurs depuis 1997. À l'heure actuelle, la situation de ce segment du marché se présente comme suit:

Figure 3 - Parts de marché en termes de nouvelles commandes de porte-conteneurs, exprimées en pourcentage du volume en tbc, 1997-2000 (*)

>REFERENCE A UN GRAPHIQUE>

Source: Lloyd's Register of Shipping

(*) Les chiffres afférents à l'an 2000 couvrent les huit premiers mois de l'année.

La Corée du Sud a consolidé sa position dominante dans le segment des porte-conteneurs. Le groupe des "autres pays" qui est représenté, dans ce segment, par des pays tels que la Chine, Taïwan et la Pologne, a refait une partie du terrain perdu, principalement par la construction de porte-conteneurs "collecteurs" de petit tonnage. La position de l'UE semble s'affaiblir constamment dans ce segment du marché, même si l'on tient compte de la forte dépréciation de l'euro par rapport au dollar depuis janvier 1999. L'appréciation notable qu'a connue le yen au cours de l'année écoulée n'a fait qu'aggraver les problèmes rencontrés par les chantiers navals japonais.

La Corée domine le segment des très grands porte-conteneurs (Post-Panamax), qui deviennent rapidement le navire standard pour les transports de ligne intercontinentaux. Les porte-conteneurs Post-Panamax représentaient 65,5% (en tbc) des commandes de porte-conteneurs passées au cours des huit premiers mois de l'an 2000. Ce type de navire a été inventé en Europe en 1988, mais, en raison de la logistique complexe requise au niveau mondial pour mettre en place des services de transport faisant appel à des navires de cette taille (par exemple l'agrandissement des installations portuaires, l'adaptation des voies navigables et le développement des liens avec l'arrière-pays), il n'a été possible que très récemment de mettre en service un grand nombre de ces bateaux. C'est la raison pour laquelle les commandes de ce nouveau type de navire ont été très soutenues en 2000, puisque 85 navires ont été commandés, dont 70 (soit 82% du total) à des chantiers navals coréens. Le Japon a enlevé 4% des commandes de porte-conteneurs Post-Panamax, tandis que l'UE n'a reçu aucune commande, bien que plusieurs chantiers navals de l'UE affirment s'être spécialisés dans ce type de navire. La part du reste du monde était de 14%.

L'exploitation de très grands porte-conteneurs d'une capacité allant jusqu'à 8.000 EVP (unité d'équivalent vingt pieds, qui correspond à un conteneur normalisé) entre des plates-formes portuaires majeures exige l'existence de services "de collecte" faisant appel à des porte-conteneurs d'une capacité plus réduite (entre 200 et 2.500 EVP) pour assurer la liaison avec des ports plus petits. Comme les chantiers navals coréens ne sont pas spécialisés dans la construction de ces navires plus petits et ne disposent actuellement d'aucune capacité de construction à court ou à moyen terme, les commandes de ces navires sont passées ces derniers temps à des chantiers de l'UE et à des chantiers polonais. Bien qu'il s'agisse là d'un développement positif pour les chantiers concernés, il importe de se rappeler que ces commandes ne constituent qu'un "à-côté" de la construction des très grands navires et qu'elles n'égalent ni en volume, ni en valeur les commandes de navires Post-Panamax.

3. Surveillance et analyse détaillées du marché

Afin de se procurer les données dont elle a besoin, la Commission a recours à des consultants, dont les travaux réguliers ont permis de définir un modèle de ventilation des coûts, comprenant tous les éléments qui, tant au niveau de la construction des navires proprement dite qu'au niveau du chantier naval en général, ont une incidence sur le coût. Les éléments du coût qui servent à construire le modèle englobent les coûts directs (matériaux, main-d'oeuvre, équipements, etc.) et les coûts indirects (financement du navire et des installations de production, frais généraux, assurances, etc.). Le calcul du prix de construction comprend également une marge bénéficiaire de 5%. Le modèle est détaillé à l'annexe I du premier rapport.

À mesure que l'étude progresse, des informations supplémentaires sont recueillies et utilisées pour valider les analyses de coûts antérieures. Par conséquent, les 18 commandes passées à la Corée et étudiées dans les deux premiers rapports ont été recalculées et les résultats révisés sont présentés ci-dessous. Comme le soulignait déjà le premier rapport, tous les paramètres reposent sur une approche prudente afin que les coûts minimaux calculés pour des projets déterminés ne puissent être contestés. L'analyse actualisée s'accompagne désormais d'hypothèses sur l'inflation. Les commandes passées maintenant étant exécutées sur une période de deux à trois ans, il est de pratique courante d'évaluer les coûts futurs au moment de la livraison.

3.1. Mise à jour des études précédentes

Dans le cadre du rapport COM(1999) 474 final, neuf commandes passées à des chantiers navals sud-coréens ont été examinées. Treize commandes supplémentaires ont été analysées pour le second rapport COM(2000) 263 final. Neuf de ces commandes ont été passées à six chantiers sud-coréens et quatre à quatre chantiers de la République populaire de Chine. La Commission a veillé à opérer une sélection équilibrée des cas à étudier, en tenant compte de l'objectif général de l'exercice, de l'urgence relative de la question et de la disponibilité de données significatives pour la comparaison. Les projets sélectionnés ne sont pas tous des commandes confirmées et, dans certains cas, le financement n'est pas encore assuré, ce qui pourrait modifier le prix des commandes à la hausse ou à la baisse, selon le cas. La Commission est néanmoins convaincue que les informations prises en compte dans l'analyse sont les meilleures dont on puisse disposer actuellement.

Le tableau suivant résume les observations actualisées concernant les 18 commandes susmentionnées passées en Corée:

Tableau 3 - Comparaison des montants des commandes et des coûts de construction calculés pour les navires neufs sélectionnés (mise à jour)

>EMPLACEMENT TABLE>

(*) Ces commandes ont également été recalculées sur la base de nouvelles informations concernant l'endettement des entreprises.

Il convient de noter que, selon le modèle, aucune des commandes étudiées n'a été acceptée à un prix économiquement rentable; en d'autres termes, le prix convenu ne permet pas de couvrir les coûts directs et une partie adéquate des frais généraux et du service de la dette (à savoir le remboursement du capital et des intérêts), ni de dégager un bénéfice.

Dans une série de cas, les prix n'atteignent pas non plus le seuil de rentabilité (c'est-à-dire le prix normal, bénéfice non compris). En moyenne, les pertes enregistrées par les chantiers coréens dans le cadre de ces commandes s'élèvent à 20% environ des coûts réels de construction, en tenant compte de l'inflation. Certaines commandes semblent presque rentables, mais sont exécutées par des chantiers navals qui sont parvenus à réduire leur endettement, soit en émettant de nouvelles actions (HHI), soit en rééchelonnant leur dette (remboursements différés, moratoires sur les intérêts, annulations, échanges de créances contre actifs), comme c'est le cas pour Daewoo et Halla/Samho. L'actualisation des analyses de coûts ne signifie pas que la Commission approuve la nouvelle situation d'endettement, qu'elle considère comme non conforme aux dispositions de l'OMC. En effet, les créanciers des chantiers coréens sont essentiellement des instituts financiers placés sous le contrôle de l'État et les autorités publiques sud-coréennes ont apporté (et continuent à apporter) une aide considérable aux chantiers en difficulté. Toutefois, conformément à la méthodologie du modèle de coût, l'évolution de l'endettement des chantiers est prise en compte (ainsi, les dettes effacées ne sont pas comprises dans le calcul des coûts).

3.2. Nouvelles études

Depuis le dernier rapport de la Commission, de nouvelles commandes passées à des chantiers coréens ont été analysées de manière approfondie. L'objectif était de couvrir la plus grande partie possible de la construction navale coréenne, en examinant davantage d'entreprises et de commandes spécifiques susceptibles d'intéresser les chantiers de l'UE. Les commandes étudiées sont les suivantes:

- porte-conteneurs de 6 250 EVP (4 unités), 45 500 tbc, à construire par Hanjin Heavy Industries & Construction Co. Ltd. (HHIC);

- porte-conteneurs de 5 608 EVP (2 unités), 43 225 tbc, à construire par Hanjin Heavy Industries & Construction Co. Ltd. (HHIC);

- porte-conteneurs de 1 200 EVP (8 unités), 11 250 tbc, à construire par Hanjin Heavy Industries & Construction Co. Ltd. (HHIC);

- porte-conteneurs de 7 200 EVP (7 unités), 55 000 tbc environ, à construire par Hyundai Heavy Industries;

- transporteur de gaz naturel liquéfié (GNL), 71 250 tbc, à construire par Daewoo Heavy Industries;

- transporteur Suezmax (2 unités), 36 000 tbc, à construire par Hyundai Heavy Industries;

- transporteur de produits pétroliers (2 unités), 20 800 tbc, à construire par Shina Shipbuilding.

Les résultats des analyses de ces sept contrats sont résumés dans le tableau ci-dessous.

Tableau 4 - Comparaison des montants des commandes et des coûts de construction calculés pour les navires neufs sélectionnés (nouvelles analyses)

>EMPLACEMENT TABLE>

C'est la première fois que des commandes passées auprès de HHIC sont analysées. HHIC est une société anonyme qui est cotée à la Bourse coréenne depuis 1956. Elle est membre à part entière du groupe Hanjin et opère dans le domaine de la construction et de la réparation navales, de la construction, de l'organisation d'usines et de la logistique. HHIC est généralement considéré comme un opérateur avisé qui, contrairement à d'autres chantiers, n'a pas adopté une stratégie d'expansion massive sans tenir compte du marché. Il n'est donc pas étonnant que ce chantier propose des prix qui semblent correspondre aux coûts de construction réels (même lorsque l'inflation est prise en compte). Selon le modèle de coût, les commandes reçues par HHIC ne permettent pas de dégager de bénéfices, mais couvrent les coûts.

La commande passée par Hapag-Lloyd à Hyundai et la commande d'un transporteur de GNL à Daewoo ont été choisies pour faire l'objet d'études de coût détaillées, car les commandes de navires de ce type doivent être à la portée des chantiers de l'UE et une première série d'indications laisse à penser que ces derniers auraient pu subir un préjudice. Ces deux commandes ont dû être recalculées sur la base de nouvelles informations concernant l'endettement des entreprises. La réduction massive de la dette a modifié la situation: avant le rééchelonnement de la dette, le prix normal était de 92,4 millions d'USD pour le porte-conteneurs commandé à HHI et de 171,0 millions d'USD pour le transporteur de gaz commandé à Daewoo, ce qui aurait entraîné une perte de 19% et 12% respectivement. Comme on l'a vu, la révision des analyses de coûts ne signifie pas que la Commission accepte la nouvelle situation d'endettement telle quelle.

La commande du transporteur de produits pétroliers passée à Shina est la première à être étudiée pour ce chantier spécifique. Avec 350 salariés, Shina fait partie des petits chantiers navals coréens. Il est toutefois devenu très actif dans la production de transporteurs de produits handysize pour des clients européens, alors que, dans le passé, 75% de ses livraisons étaient destinées à des clients coréens. Shina s'est moins endetté que d'autres chantiers coréens, de sorte que les coûts financiers imputables au projet sont moindres. Toutefois, si l'on suppose un taux d'inflation réaliste, la commande ne couvre pas l'ensemble des coûts et se soldera donc par une perte d'exploitation.

3.3. Incidence sur les chantiers de l'UE

Comme dans les deux premiers rapports sur la situation de la construction navale dans le monde, on peut supposer une incidence négative sur les chantiers communautaires lorsque le montant de l'offre du chantier coréen ne couvre pas les coûts et est suffisamment bas pour que les chantiers de l'UE ne puissent pas soumissionner, alors qu'ils auraient été compétitifs si les prix avaient été fixés de manière adéquate. La présomption est encore plus forte si l'armateur a l'habitude de passer commande à des chantiers de l'UE. Toutefois, même dans les secteurs où les concurrents asiatiques détenaient déjà d'importantes parts de marché, cette politique des prix agressive peut avoir un effet négatif sur le marché dans son ensemble et peut, à ce titre, être considérée comme préjudiciable.

Sur les nouvelles commandes étudiées passées en Corée, quatre peuvent être considérées comme ayant une incidence sur les chantiers de l'UE. Le montant des trois commandes passées à HHIC semble être fixé à un niveau économiquement rentable et ne peut donc être considéré comme déloyal envers les chantiers de l'UE. Les éléments essentiels des quatre cas susceptibles de causer un préjudice aux chantiers communautaires se présentent de la manière suivante.

- La commande de porte-conteneurs de 7 200 EVP passée à Hyundai Heavy Industries émane d'une importante compagnie européenne de transport de conteneurs, qui exploitera ultérieurement le navire. Il s'agit d'un des porte-conteneurs post-Panamax pour lesquels les chantiers coréens soumissionnent activement, car ces commandes sont jugées plus rentables que celles de vraquiers ou de transporteurs. Comme le montre l'analyse, cette commande n'a guère de chances d'être rentable.

- Les transporteurs de GNL sont des navires hautement spécialisés et coûteux. Un savoir-faire considérable est nécessaire pour la construction des réservoirs et des machines du navire, et les chantiers de l'UE ont dominé ce segment de marché dans le passé. Entre 1990 et 1998, 63% des commandes de transporteurs de GNL ont été passées au Japon, l'UE détenant 27% du marché et la Corée, 10%. En 1999, les commandes de transporteurs de GNL étaient exécutées à raison de 43% par le Japon et à raison de 57% par la Corée. Aucun contrat n'a été attribué à l'UE. C'est là un nouvel exemple de pénétration de la Corée dans un segment de grande valeur qui était auparavant entre les mains du Japon et de l'UE. Bien que la commande puisse dégager un mince bénéfice si l'on tient compte de la nouvelle situation de Daewoo en matière de dettes, le résultat est une nouvelle érosion d'un créneau de l'UE.

- Le montant de l'offre pour le transporteur Suezmax de HHI ne peut être considéré comme étant économiquement rentable. Même si les chantiers de l'UE ne soumissionnent plus guère pour les contrats de transporteurs, cette commande contribue à la poursuite de l'érosion des prix sur le marché et montre que l'augmentation déclarée des prix pour ce type de transporteurs n'est pas générale.

- La commande de deux transporteurs de produits pétroliers à Shina peut être considérée comme préjudiciable aux chantiers de l'UE pour trois raisons: a) dans le passé, l'armateur traitait avec des chantiers de l'UE, alors qu'aujourd'hui, il s'adresse exclusivement à des chantiers asiatiques (Chine et Corée), b) le faible montant de l'offre contribue à l'érosion générale des prix et c) la demande potentielle de ce type de transporteurs s'est considérablement accrue en raison de l'adoption prochaine, par l'UE, de dispositions législatives en matière de sécurité maritime. L'augmentation actuelle de la demande n'a pas bénéficié jusqu'à présent aux chantiers de l'UE, dans la mesure où la quasi-totalité des commandes est passée à des chantiers asiatiques.

4. Suivi des conclusions du Conseil du 9 novembre 1999 et du 18 mai 2000

Le Conseil Industrie a pris acte des rapports de la Commission lors de ses réunions du 9 novembre 1999 et du 18 mai 2000. Il a invité la Commission, les États membres et l'industrie à mettre en oeuvre une série d'actions dont les résultats intermédiaires sont présentés ci-dessous.

- Après l'entrée en vigueur des "Agreed Minutes" avec la Corée le 22 juin 2000, une première série de consultations a été organisée en Corée les 18 et 19 juillet 2000. Le gouvernement coréen était tout à fait disposé à répondre aux questions de la Commission et a adopté une attitude constructive. Les documents fournis (comptes des chantiers navals et des institutions financières, décisions juridiques applicables au secteur de la construction navale) sont actuellement examinés par la Commission. Un élément essentiel est que les chantiers coréens sont parvenus à se défaire de leur dette ou à la rééchelonner, ce qui allège leur charge financière actuelle et leur permet de maintenir des offres à des prix très bas. Le gouvernement a joué un rôle important à cet égard, mais les détails sont difficiles à établir. Conformément à ses engagements en matière de transparence définis dans les "Agreed Minutes", le gouvernement coréen a réussi à convaincre deux chantiers coréens (Hyundai et Daewoo) d'autoriser la visite d'experts antidumping de la Commission en vue d'étudier plus en détail deux nouvelles commandes sélectionnées par la Commission et l'industrie. Cette visite a eu lieu à la fin du mois de septembre, mais n'a abouti à aucun résultat décisif. Si Hyundai n'a pas pleinement coopéré avec les experts de l'UE, invoquant le secret des affaires, Daewoo a adopté une attitude constructive. La Commission a fait part de son mécontentement aux autorités coréennes pour ce manque de transparence.

- Une seconde série de consultations au titre des "Agreed Minutes" s'est déroulée les 28 et 29 septembre à Bruxelles et a porté, entre autres, sur la question de la fixation des prix. La Corée a indiqué que ses autorités mettraient en place un mécanisme d'examen des prix. Si certains prix sont jugés trop bas, les projets de construction navale en question ne seront pas financés. Le gouvernement coréen a expliqué qu'il demanderait aux banques placées sous son contrôle de comparer les montant des offres et les "prix internationaux" afin d'évaluer la viabilité économique des projets de construction navale. La Commission a signalé que cette approche était absurde, dans la mesure où elle reviendrait à comparer les prix au sein de la Corée, étant donné que ce pays domine le marché international. Cette approche est inacceptable pour l'UE. Il convient plutôt de comparer le montant de l'offre et la "valeur normale", telle qu'elle a été définie par l'OMC et acceptée par la Corée dans le cadre des "Agreed Minutes". Seule cette approche permettra de rétablir les niveaux de prix et des conditions normales de concurrence. De plus, des améliorations en matière de prix devront se concrétiser rapidement. Le gouvernement coréen a déclaré qu'il était impossible de réaliser une telle analyse ascendante des coûts par projet, en raison notamment de l'insuffisance des ressources humaines de la banque KEXIM. La Commission estimant qu'il n'existait plus de marge de manoeuvre, les pourparlers ont été suspendus, sans résultat. À la suite d'une rencontre entre le commissaire chargé du commerce et le ministre coréen du commerce, la Commission a de nouveau envoyé une délégation en Corée les 19 et 20 octobre 2000 en vue d'étudier une nouvelle proposition de la Corée, mais ni les autorités coréennes, ni les représentants des principaux chantiers coréens n'ont proposé de solution appropriée. Le 27 octobre, les autorités coréennes ont informé la Commission que les efforts qu'elles avaient consentis afin de convaincre les chantiers navals d'accepter l'approche de l'UE avaient été vains. Aucune solution à ce conflit bilatéral n'a été proposée.

- À la suite de cet échec, le secteur de la construction navale de l'UE a officiellement déposé une plainte au titre du règlement sur les obstacles au commerce. Il faut jusqu'à 45 jours pour qu'une plainte de ce type soit examinée, cinq à sept mois pour qu'une enquête ait lieu au titre du règlement et 18 à 24 mois supplémentaires pour qu'un groupe spécial de l'OMC se prononce (si la plainte est acceptée par l'OMC). Des chantiers navals japonais et américains ont indiqué qu'ils pourraient appuyer une plainte auprès de l'OMC. En cas de résultat positif, à savoir une décision de l'OMC autorisant des mesures correctives, il conviendra d'examiner les produits auxquels ces mesures doivent s'appliquer, puisque les navires ne sont soumis à aucun tarif douanier. Il s'agit d'un processus long.

- Dans une lettre adressée à la Commission le 27 juillet 2000, le FMI a évalué positivement la situation en Corée, s'alignant sur l'auto-évaluation réalisée par le gouvernement coréen. Le FMI réaffirme qu'il ne dispose d'aucun renseignement sur les activités sectorielles. Il reconnaît que, dans le cas de Halla, ce chantier n'avait d'autre alternative que d'accepter des commandes à un prix minimum couvrant les frais de personnel et d'autres coûts d'exploitation. Ceci était jugé nécessaire afin de maintenir l'entreprise en activité, car les clients de Halla auraient hésité à honorer les contrats existants avec une société en liquidation judiciaire. Le FMI n'émet aucun jugement sur ce comportement contraire aux mécanismes du marché. Dans sa réponse, la Commission a réitéré ses inquiétudes, rappelant que la construction navale est une des principales industries exportatrices de la Corée et que l'acceptation répétée de commandes se traduisant par des pertes pour les chantiers menace la reprise de l'économie coréenne dans son ensemble. La Commission insiste pour que les pertes cumulées des chantiers navals coréens ne soient pas, directement ou indirectement, épongées par le gouvernement coréen et que les principes du marché s'appliquent pleinement.

- L'accord de l'OCDE sur les conditions normales de concurrence sur le marché mondial de la construction navale n'a actuellement aucune chance d'entrer en vigueur, dans la mesure où les États-Unis n'envisagent pas de le ratifier. Deux propositions ont été faites par le Japon et la Corée: le Japon propose d'appliquer l'accord en tenant compte des réserves émises par les États-Unis; quant à la Corée, qui s'était toujours opposée à une telle démarche, elle semble aujourd'hui disposée à appliquer l'accord sans les États-Unis. Les discussions au sein du groupe de travail 6 de l'OCDE, qui a fait de cette question une priorité absolue, ont repris et se poursuivront lors de la prochaine session du 18 au 20 décembre 2000. Même si la Commission se féliciterait de voir les problèmes actuels résolus au niveau de l'OCDE, elle doute que la version actuelle de l'accord permette d'y parvenir.

5. Mesures de soutien actuelles et futures en faveur des chantiers navals de l'UE

5.1. Historique des aides au fonctionnement

Les aides au fonctionnement dans le secteur de la construction navale sont autorisées par la Commission depuis le début des années 70. Pendant de nombreuses années, les taux d'aide ont été très élevés. En 1987, la sixième directive sur la construction navale a introduit une politique plus stricte afin d'accroître l'efficacité et la compétitivité de ce secteur, d'encourager de nouvelles restructurations dans ce sens et d'assurer une concurrence loyale à l'intérieur de l'UE. L'objectif recherché était une suppression progressive des aides au fonctionnement, qui ne sont normalement pas admises dans l'UE pour des raisons bien connues d'inefficacité économique.

Le plafond des aides au fonctionnement était fixé à 28% au cours de la période 1987-1988, avant d'être ramené à 26% en 1989 et à 20% en 1990. Cette politique a été poursuivie par la septième directive sur la construction navale, en vigueur de 1991 à 1993. Le plafond a été réduit à 13% en 1991, puis à 9% à partir de 1992. Les règles de la septième directive en matière d'aides au fonctionnement ont ensuite été prorogées à six reprises.

Tableau 5 - Plafonds des aides au fonctionnement dans la construction navale

>EMPLACEMENT TABLE>

Initialement, grâce à la réduction progressive du plafond, les aides au fonctionnement ont favorisé l'évolution vers une compétitivité accrue et la mise en oeuvre de changements structurels. Ce mouvement s'est toutefois essoufflé au cours des dernières années, lorsque le niveau du plafond s'est stabilisé. Globalement, les aides ont servi à protéger les chantiers des rigueurs du marché. Elles ont également représenté des coûts budgétaires importants pour la plupart des États membres. La construction navale est le seul secteur de l'industrie manufacturière à bénéficier systématiquement de ce type d'aide. Il y a tout lieu de se demander si ces dépenses constituent une utilisation judicieuse de ressources publiques limitées. En outre, étant donné l'âpreté de la concurrence que se livrent les chantiers de l'Union européenne, ces aides ont eu tendance à fausser la concurrence au sein du marché commun, en raison notamment de la grande disparité des niveaux d'aide effectifs accordés par les États membres. Par exemple, en 1998, l'Allemagne a accordé aux navires de fort tonnage des aides de 6,4%, les Pays-Bas de 4,4% et la Finlande de 3,1%, alors que la France et l'Italie ont octroyé le maximum autorisé, c'est-à-dire 9% (voir tableau 8 ci-dessous).

En 1997, la Commission a proposé de réorienter les aides d'État de manière à promouvoir et à appuyer les efforts visant à améliorer la compétitivité du secteur, car il était évident que de nombreux chantiers n'étaient pas encore assez compétitifs et étaient distancés, en particulier, par leurs concurrents d'Extrême-Orient. Pour ce faire, il fallait abandonner les aides au fonctionnement au profit d'autres formes de soutien, permettant mieux d'aider la construction navale à réaliser les changements nécessaires pour surmonter ses faiblesses.

Le règlement (CE) n° 1540/98 du Conseil a donc prolongé une dernière fois, pour deux ans, les aides au fonctionnement, jusqu'au 1er janvier 2001. Il a également introduit d'autres mesures, dont le secteur de la construction navale pourra bénéficier jusqu'à la fin de l'année 2003. La plupart des formes d'aide qui seront disponibles à l'avenir pour ce secteur ont un objectif commun, qui est d'encourager l'amélioration des performances des chantiers de l'UE. Ces aides peuvent être résumées comme suit:

- les aides à la restructuration, nécessaires à l'ajustement structurel et à l'amélioration de la compétitivité, peuvent être autorisées à condition qu'elles respectent les lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté;

- les aides à la fermeture, qui comprennent les aides visant à tempérer les répercussions sociales de l'ajustement et celles qui sont destinées à couvrir les autres dépenses normales entraînées par des fermetures totales ou partielles, peuvent être autorisées si elles sont conformes à l'article 4 du règlement concernant les aides à la construction navale. Dans le cas des fermetures partielles, elles facilitent l'ajustement structurel et peuvent donc augmenter la compétitivité des entreprises concernées;

- les aides régionales à l'investissement servant à mettre à niveau ou à moderniser des chantiers existants dans le but d'accroître la productivité de leurs installations peuvent être autorisées à condition que les chantiers se trouvent dans une région éligible et que les aides concernent uniquement les dépenses définies dans les lignes directrices communautaires applicables aux aides à finalité régionale;

- les aides à la recherche et au développement peuvent être autorisées conformément au cadre communautaire pour les aides à la recherche et au développement, car de telles activités sont importantes pour assurer la compétitivité du secteur à moyen et à long terme;

- les aides aux investissements pour l'innovation constituent une nouvelle forme d'aide introduite par le règlement concernant les aides à la construction navale. Ces aides, qui ne s'appliquent pas à d'autres secteurs, peuvent couvrir jusqu'à 10% des dépenses liées à la partie innovante d'un projet;

- les aides visant à rembourser les dépenses supportées par les chantiers navals pour la protection de l'environnement peuvent être autorisées si elles respectent les règles définies dans l'encadrement communautaire des aides d'État pour la protection de l'environnement.

De plus, les aides suivantes sont possibles:

- les aides octroyées comme aides au développement à des pays en voie de développement, étant donné qu'elles sont autorisées par les règles de l'OCDE;

- les aides octroyées sous la forme de facilités de crédit bénéficiant d'un soutien public à des armateurs nationaux et étrangers pour la construction de navires, à condition qu'elles respectent l'arrangement de l'OCDE sur les crédits à l'exportation de navires.

Enfin, il convient de souligner que, conformément au règlement (CE) nº 1540/98 du Conseil, les aides au fonctionnement peuvent être accordées pour des contrats conclus jusqu'à la fin de cette année, concernant des navires livrés jusqu'à la fin de 2003. Cela signifie que les chantiers peuvent continuer à bénéficier de ces versements pour les commandes reçues jusqu'au 31 décembre 2000.

5.2. Montant des aides fournies par les États membres

Depuis le début des années 90, le total annuel des aides d'État octroyées à la construction navale (moyenne sur trois ans) a oscillé entre 1,445 milliard d'euros et 1,720 milliard d'euros (cf. Commission européenne, cinquième, sixième et huitième rapports sur les aides d'État dans l'Union européenne). L'essentiel de ces fonds a été fourni sous la forme d'aides au fonctionnement et d'aides à la restructuration. Le montant des aides au fonctionnement accordées depuis 1990 est compris entre 198 millions et 1,102 milliard d'euros par an.

Les aides au fonctionnement sont liées à la valeur des contrats. En conséquence, la plupart des aides de ce type octroyées ces dernières années concernent des navires de croisière - un marché sur lequel les chantiers de l'UE ont une position dominante au niveau mondial - pour un montant de 1,374 milliard d'euros, soit 24% du total des aides au fonctionnement, entre 1990 et 1998. En 1998, la part des aides destinées aux navires de croisière a atteint 57% du total des aides au fonctionnement et le pourcentage devrait être aussi important en 1999 et en l'an 2000.

Tableau 6 - Aides au fonctionnement octroyées à la construction navale, par an (millions d'euros [valeurs nominales])

>EMPLACEMENT TABLE>

Source: Commission.

Lorsque l'on met en parallèle les aides octroyées à la construction navale et la valeur ajoutée du secteur, on constate que celui-ci bénéficie d'un niveau de soutien élevé. En effet, les aides ont représenté 20% à 26% de sa valeur ajoutée au coût des facteurs entre 1990 et 1998. Au cours de la dernière période pour laquelle on dispose de données (1996-1998), le chiffre correspondant était de 22%. Par comparaison, le montant moyen des aides destinées au secteur manufacturier entre 1996 et 1998 représente 2,3% de la valeur ajoutée du secteur (cf. Commission européenne, Huitième rapport sur les aides d'État dans l'Union européenne, tableau 3. Les chiffres relatifs à la construction navale et aux autres branches manufacturières ne sont pas directement comparables, mais donnent un bon ordre de grandeur).

Une autre manière d'examiner les aides consiste à calculer leur montant par personne occupée. Dans la construction navale, les aides par personne occupée ont atteint 28 000 euros en 1998. On peut comparer ce chiffre au total des aides d'État destinées au secteur manufacturier, par personne occupée, dans l'UE, entre 1996 et 1998: 1 113 euros. Compte tenu de ce taux d'aide élevé par rapport à la valeur ajoutée et par personne occupée, on peut se demander si des ressources publiques limitées sont dépensées de façon optimale et si ces fonds ne pourraient pas être utilisés plus judicieusement.

Tableau 7 - Aides à la construction navale et aides accordées à d'autres secteurs

>EMPLACEMENT TABLE>

(*) Y compris les aides à la restructuration.

(**) Pour la construction navale, les aides annuelles moyennes au cours de la période 1996-1998, à savoir 1,549 milliard d'euros, ont été divisées par l'emploi total en 1999 dans la construction de nouveaux navires (55 463 personnes), tel qu'il est indiqué dans le rapport annuel 1999-2000 de l'AWES.

Sources: Commission européenne, Huitième rapport sur les aides d'État dans l'Union européenne, tableau 3; AWES, rapport annuel 1999-2000.

Les aides liées à des incitations, telles que les aides à la recherche et au développement, les aides à l'innovation ou les aides régionales à l'investissement, ne semblent avoir été utilisées que de manière négligeable. On ignore les raisons du manque d'intérêt pour ces formes d'aide. Peut-être que leurs règles ne sont pas suffisamment adaptées aux particularités de la construction navale. Il est possible aussi que, tant que des aides au fonctionnement liées au contrat étaient disponibles, de nombreux chantiers n'ont pas estimé nécessaire d'exploiter les possibilités offertes par d'autres types d'aides, pourtant proposés depuis plusieurs années. Il serait utile de rechercher les raisons du faible recours à ces aides.

Tableau 8 - Aides à la construction navale en pourcentage de la valeur c

>EMPLACEMENT TABLE>

ontractuelle des navires, de 1996 à 1998

6. Conclusions et recommandations

La Commission a poursuivi sa surveillance du marché et l'analyse détaillée de certaines commandes passées à des chantiers coréens. Les conclusions de ces travaux confirment globalement les constatations des rapports précédents, à savoir que le marché mondial de la construction navale continue à connaître de graves difficultés.

L'offre est toujours supérieure à la demande et, malgré une hausse des commandes au cours des huit premiers mois de l'année en raison des conditions favorables du marché, les prix des navires n'ont pas totalement regagné le terrain perdu depuis 1997. Ils présentent toutefois quelques signes d'amélioration par rapport à leur faible niveau de fin 1999.

La faiblesse persistante des prix est due aux pratiques des chantiers coréens. Les analyses détaillées montrent que ces chantiers acceptent toujours des commandes à des prix qui ne couvrent pas la totalité des coûts.

La République de Corée est aujourd'hui le premier constructeur de navires du monde. Elle a continué à accroître sa part de marché aux dépens des chantiers japonais et des chantiers de l'UE. Les chantiers coréens visent pratiquement tous les segments du marché, ne laissant généralement aux chantiers de l'UE que de petites commandes intérieures et les tonnages hautement spécialisés. L'UE ne conserve un rôle dominant que sur le marché des navires de croisière.

Outre ses travaux de surveillance, la Commission a mené les diverses actions relevant de ses compétences énoncées dans les conclusions du Conseil Industrie du 18 mai.

Dans le domaine de la politique commerciale, la Commission a engagé des négociations avec la Corée dans le cadre des dispositions régissant les consultations dans l'accord bilatéral. La Corée n'a toutefois pas tenu tous ses engagements et n'a pas pu approuver certaines mesures d'application concrètes.

Dans ces conditions, à moins que la Corée ne soit disposée à accepter l'instauration d'un mécanisme efficace de surveillance des prix, la Commission considère qu'une action commerciale est nécessaire et souhaitable. La Commission examinera le bien-fondé de la plainte déposée par l'industrie européenne au titre du règlement sur les obstacles au commerce et, si elle la juge recevable, ouvrira une enquête.

La Commission considère donc:

- que cette enquête doit être menée avec énergie, en vue de lancer une action auprès de l'OMC pour obtenir réparation du préjudice subi par l'industrie communautaire;

- qu'un accord immédiat avec la Corée éviterait le risque d'un conflit bilatéral;

- que l'établissement de conditions égales pour tous reste l'un des objectifs de l'Union. La mise en oeuvre rapide de l'accord de l'OCDE ne résoudrait toutefois pas les problèmes auxquels l'industrie européenne sera confrontée à court terme;

- qu'il convient d'étudier la possibilité d'une application rapide de l'arrangement de 1994 sur les crédits à l'exportation de navires, même si ce texte ne remédiera pas directement aux difficultés du secteur et aux pratiques déloyales de la Corée.

Pour ce qui est des contacts avec le FMI, aucun résultat concret n'a encore été obtenu en ce qui concerne l'arrêt des pratiques de concurrence déloyale des chantiers coréens. Cependant, le FMI est désormais pleinement conscient des préoccupations de l'UE en la matière. En conséquence, même si le rôle du FMI dans les questions sectorielles est limité, de nouveaux efforts sont nécessaires pour lancer un signal politique et montrer que l'on maintient la pression dans ce domaine.

La Commission a également examiné sa propre position à l'égard des aides d'État et a conclu que les aides au fonctionnement n'ont pas résolu le problème coréen.

Compte tenu de ce qui précède, il est proposé:

- que la Commission continue à surveiller la situation du marché;

- que la Commission examine dès que possible la plainte déposée par l'industrie au titre du règlement sur les obstacles au commerce et, si la plainte est reçue, agisse avec rigueur en vue d'une action possible de l'OMC;

- parallèlement, que la Commission reste ouverte à toute proposition de la Corée qui répondrait aux préoccupations de l'UE;

- que la Commission et les États membres poursuivent leurs efforts pour réaliser des conditions de concurrence équitables au niveau international pour l'industrie de la construction navale de l'OCDE;

- que la Commission et les États membres continuent à encourager le FMI à veiller à ce que la restructuration des chantiers navals coréens fasse l'objet d'une surveillance étroite et d'une évaluation;

- que la Commission continue à coopérer étroitement avec l'industrie dans les questions touchant à la compétitivité;

- que, conformément aux dispositions de l'article 12 du règlement (CE) 1540/98 du Conseil et sans préjudice des actions décrites ci-dessus, la Commission examine la possibilité de présenter, dès que possible, des propositions de mesures visant à faire face au problème.

7. Liste des tableaux et des graphiques

Fig. 1 - Parts de marché en termes de nouvelles commandes, 8 exprimées en pourcentage des volumes en tbc, 1997-2000

Tableau 1 - Évolution des prix des navires neufs 10 (prix de fin d'année en millions d'USD)

Tableau 2 - Évolution des prix des navires neufs 10 (variations annuelles en pourcentage)

Fig. 2 - Évolution des prix pour l'ensemble des chantiers navals sud-coréens

Fig. 3 - Parts de marché en termes de nouvelles commandes 13 de porte-conteneurs, exprimées en pourcentage du volume en tbc, 1997-2000

Tableau 3 - Comparaison des montants des commandes et des coûts 16 de construction calculés pour les navires neufs sélectionnés (mise à jour)

Tableau 4 - Comparaison des montants des commandes et des coûts 18 de construction calculés pour les navires neufs sélectionnés (nouvelles analyses)

Tableau 5 - Plafonds des aides au fonctionnement dans la construction navale

Tableau 6 - Aides au fonctionnement octroyées à la construction navale, 26 par an (millions d'euros [valeurs nominales])

Tableau 7 - Aides à la construction navale et aides accordées 27 à d'autres secteurs

Tableau 8 - Aides à la construction navale en pourcentage de la valeur 28 contractuelle des navires, de 1996 à 1998

8. Bibliographie

Rapport de la Commission au Conseil sur la situation de la construction navale dans le monde, COM(1999) 474 final

Deuxième rapport de la Commission au Conseil sur la situation de la construction navale dans le monde, COM(2000) 263 final

Règlement (CE) nº 1540/98 du Conseil du 29 juin 1998 concernant les aides à la construction navale, Journal officiel L 202 du 18.7.1998 p. 1 à 10

Règlement (CE) n° 3286/94 du Conseil, du 22 décembre 1994, arrêtant des procédures communautaires en matière de politique commerciale commune en vue d'assurer l'exercice par la Communauté des droits qui lui sont conférés par les règles du commerce international, en particulier celles instituées sous l'égide de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), Journal officiel L 349 du 31.12.1994 p. 71 à 78

Rapport de la Commission - Cinquième rapport sur les aides d'État dans le secteur des produits manufacturés et certains autres secteurs de l'Union européenne, COM(1997) 170 final

Sixième rapport sur les aides d'État dans le secteur des produits manufacturés et certains autres secteurs de l'Union européenne, COM(1998) 417 final

Huitième rapport sur les aides d'État dans l'Union européenne, COM(2000) 205 final

"Accord de l'OCDE sur les conditions normales de concurrence dans l'industrie commerciale de la construction et de la réparation navale", acte final signé en décembre 1994 par la Commission des Communautés europénnes, et les gouvernements de la Finlande, du Japon, de la République de Corée, de la Norvège, de la Suède et des Etats-Unis d'Amérique

"Arrangement de l'OCDE sur les crédits à l'exportation de navires", 1994