52000DC0622

Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social - L'évolution à venir de la protection sociale dans une perspective à long terme: Des pensions sûres et viables /* COM/2000/0622 final */


COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU CONSEIL, AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL - L'évolution à venir de la protection sociale dans une perspective à long terme: Des pensions sûres et viables

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU CONSEIL, AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL

L'évolution à venir de la protection sociale dans une perspective à long terme: Des pensions sûres et viables

1. Introduction

Les systèmes de pension, comprennent à la fois des régimes publics et privés et reposent habituellement sur trois piliers: les régimes publics de base, les régimes professionnels et les plans de pension individuels. Chacun de ces piliers possède des avantages et des inconvénients qui lui sont propres. Toutefois, dans tous les États membres, la majeure partie des revenus des personnes âgées est assurée par des régimes de pension publics. La combinaison des trois piliers constituant les systèmes de pension offrent aux personnes âgées en Europe un degré sans précédent de prospérité et d'indépendance économique. La perspective du vieillissement de la population et du départ à la retraite de la génération du "baby boom" représente un défi majeur pour cette réalisation historique. Le vieillissement de la population sera d'une telle ampleur que, en l'absence de réformes appropriées, il risque de saper le modèle social européen ainsi que la croissance et la stabilité de l'économie dans l'Union européenne. Les États membres sont donc invités à définir des stratégies claires pour garantir que leurs systèmes de pension soient adéquats sans déstabiliser les finances publiques ou surcharger l'économie.

Alors que chaque État membre reste chargé de son système de pension, il est clair que les États membres ont beaucoup à apprendre les uns des autres. En outre, la viabilité des systèmes de pension déterminera dans une mesure sensible la capacité de l'Union européenne à promouvoir un niveau de protection sociale élevé, ce qui est un des objectifs fondamentaux définis à l'article 2 du traité instituant la Communauté européenne. C'est pourquoi le Conseil a préconisé un échange en coopération sur la viabilité à venir des systèmes de pension et a demandé au groupe à haut niveau sur la protection sociale de préparer une étude sur le sujet. La présente communication propose un cadre destiné à faire avancer ces travaux.

Lors de sa réunion à Lisbonne les 23-24 mars 2000, le Conseil européen a décidé de "charger le groupe à haut niveau sur la protection sociale, compte tenu des travaux effectués au sein du comité de politique économique, (...) en priorité, de préparer sur la base d'une communication de la Commission une étude sur l'évolution future de la protection sociale dans une perspective à long terme, en accordant une attention particulière à la viabilité des régimes de retraite à différentes échéances jusqu'en 2020 et au-delà, si nécessaire." [1] Les conclusions de Lisbonne, évoquant la nécessité de moderniser la protection sociale, ont indiqué comment "il sera plus efficace de relever ce défi dans le cadre d'un effort commun".

[1] Par décision du Conseil du 29 juin 2000 (2000/436/CE) a été institué un comité de la protection sociale. Ce comité remplacera le groupe à haut niveau.

Le Conseil européen a discuté à nouveau des systèmes de pension lors de sa réunion à Santa Maria da Feira les 19-20 juin et souligné en outre que "une attention particulière devrait être donnée à la viabilité des régimes de retraite en définissant deux lignes d'action destinées à mieux prévoir les tendances futures et à connaître dans le détail les stratégies nationales récentes, actuelles ou futures en matière de réforme des régimes de retraite".

La présente communication fait suite à ces demandes en abordant la question de la viabilité des pensions. Par viabilité des systèmes de pension, on entend leur capacité à atteindre des objectifs sociaux sur une base permanente tout en conservant d'autres objectifs politiques importants, comme des finances publiques saines et l'équité entre les générations. La viabilité ne saurait être assurée par un ou divers éléments indépendants. Des taux de croissance économique élevés et des augmentations des emplois sont vitaux et contribueront fortement à la viabilité. Parallèlement, des réformes des systèmes de pension contribueront en soi à garantir leur viabilité, notamment si l'on considère les incertitudes tenant au caractère de long terme de la question. De telles réformes peuvent concerner les paramètres des régimes de pension publics ainsi que la structure du système de pension, à savoir les contributions des trois piliers.

La présente communication entend alimenter les travaux du groupe à haut niveau sur la protection sociale en l'informant de l'évolution à long terme des pensions. Elle rappelle les principaux défis auxquels les systèmes de pension seront confrontés et propose un cadre d'analyse des défis et des réponses politiques.

Les questions liées à la réforme des pensions occupent déjà une place de premier plan dans l'ordre du jour de nombreux États membres (voir en annexe l'aperçu des systèmes de pension et des réformes). Un certain nombre d'États membres ont déjà entrepris des réformes qui peuvent éventuellement concerner les trois piliers des systèmes de pension. Les réformes des régimes de pension publics sont essentiellement axées sur le contrôle de la croissance des dépenses, tandis que des améliorations des régimes professionnels et individuels de pension sont souvent nécessaires pour leur permettre de jouer un plus grand rôle dans la fourniture de revenus pour les personnes âgées. Comme les systèmes sont différents dans chaque État membre, une réponse uniforme à l'échelle de l'Union européenne n'est ni souhaitable ni appropriée. Des régimes viables et des pensions sûres ne pourront être garantis que lorsque chaque État membre aura identifié les changements politiques nécessaires et établi le consensus nécessaire pour leur mise en oeuvre.

Malgré les différences substantielles dans la démarche, les États membres partagent des problèmes vitaux. Du fait du vieillissement de la population, les dépenses publiques pourraient connaître une hausse spectaculaire. Sans réformes, le niveau des dépenses des régimes publics de base pourrait atteindre dans certains États membres 15 à 20% du PIB en 2030. Les engagements de retraite non capitalisés pourraient, dans certains cas, atteindre 200% du PIB. [2] Une forte croissance de la proportion des titulaires de pension exigera inévitablement une augmentation des ressources épargnées par la population active. Les taux d'emploi et les niveaux de productivité des générations en activité seront donc des facteurs importants des conditions de vie des retraités. Tous les États membres ont besoin de moderniser ou d'adapter les systèmes de pension et les pratiques du marché de l'emploi de telle sorte qu'ils arrivent à s'épauler mutuellement et à devenir plus favorables à la promotion de la croissance économique et de la cohésion sociale.

[2] Communication de la Commission "Vers un marché unique pour les retraites complémentaires" (COM(99) 134 final. Le comité de politique économique devrait présenter sous peu des chiffres plus à jour des implications du vieillissement pour les dépenses publiques.

Comme l'a montré la stratégie pour l'emploi, une réflexion collective au niveau de l'Union européenne peut aider les États membres à bien définir la place de ces questions dans le programme des travaux de politique interne. Un vaste échange concernant les expériences et les idées permettant d'embrasser la diversité des pratiques dans l'ensemble de l'Union européenne élargira la gamme des options politiques. Enfin, en montrant comment la viabilité des pensions peut être assurée par des formules adéquates, une telle coopération faisant intervenir tous les acteurs renforcera la confiance du public dans les systèmes de pension.

La modernisation et la réforme des régimes de pension est un processus complexe qui fait intervenir un large éventail d'intérêts et d'acteurs. Les moyens d'existence d'une large tranche de la population, potentiellement vulnérable, en dépendent. Il est nécessaire de respecter des attentes légitimes et de conserver un équilibre équitable et durable entre les droits et les devoirs. Les réformes devraient être suffisantes pour relever les défis à affronter, crédibles, transparentes et nettes dans leurs répercussions et donner à la population le temps suffisant pour s'adapter. Ce processus de réforme exige que tous les acteurs concernés participent et s'attellent au changement. Il est de ce fait urgent de concevoir des stratégies de réforme globales bien avant que ne se concrétisent des problèmes financiers aigus.

Il s'agit ainsi de favoriser un effort commun qui définisse des façons pratiques de rendre viables des régimes de pension adéquats tout en conservant des finances publiques saines et en maintenant l'équité entre les générations. Pour atteindre l'objectif stratégique global défini à Lisbonne, il importe au plus haut point que la Commission et les États membres réussissent dans cette voie. À l'inverse, en abordant tous les facteurs comme les résultats de l'emploi et de l'économie qui influencent les régimes de pension, et en ne se limitant pas aux paramètres de conception des pensions, la présente communication réaffirme que c'est grâce à la stratégie de renforcement mutuel des politiques sociales et économiques définie à Lisbonne que l'Europe a les plus grandes chances de garantir la sécurité et la viabilité des systèmes de pension à l'avenir.

2. Les défis posés aux systèmes de pension

Le gros des ressources dont disposent les personnes âgées est fourni par les systèmes de pension. Dans l'ensemble des mesures d'aide aux personnes après la retraite, les pensions représentent la plus grande part, et la principale source de revenus au titre des pensions est constituée par les régimes publics. Les prestations de vieillesse et de survie représentent ensemble près de 45% du total des dépenses de protection sociale dans l'Union européenne ou près de 12% du PIB (voir les graphiques ci-dessous). [3] La plupart des dépenses au titre des prestations de vieillesse et de survie sont assurées par les régimes de pension obligatoires et financées par les cotisations de sécurité sociale et les impôts généraux. En outre, comme elles sont les principales bénéficiaires des soins de santé et à long terme, les personnes âgées constituent le segment de la société qui dépend le plus des régimes de protection sociale. Le deuxième poste en importance parmi les dépenses de protection sociale est constitué par les soins de santé, qui représentent plus de 7% du PIB.

[3] Ces chiffres ne tiennent pas compte des impôts et des prélèvements sur les prestations sociales. Il est difficile de calculer des statistiques de ces dépenses sociales nettes, et elles ne sont pas très répandues.

>REFERENCE A UN GRAPHIQUE>

Au cours des dernières décennies, les systèmes de pension européens ont atteint leurs objectifs sociaux avec un succès remarquable. Les régimes publics ont apporté une transformation dans la sécurité des revenus et la situation relative des revenus des titulaires de pensions de vieillesse. Elle a rendu les personnes âgées indépendantes et leur a permis de jouir d'une période prolongée de loisirs après leur vie de travail.

Le risque de pauvreté au moment de la vieillesse, autrefois répandu, a été fortement réduit, de même que le nombre de personnes qui doivent s'en remettre à leurs descendants ou compter sur des prestations d'aide sociale subordonnées à un examen des revenus. Les régimes de pension ont obtenu ces résultats en dépit d'un accroissement sensible de l'espérance de vie et du nombre de retraités au fil des décennies.

Le plus grand défi, et celui qui possède certainement un caractère de long terme pour les systèmes de pension actuels, est le vieillissement démographique. Toutefois, la nécessité de réformer les régimes de pension ne tient pas seulement à la modification de l'équilibre démographique. Il existe une interaction critique entre la viabilité financière des pensions, la croissance économique et l'emploi qui ne saurait être négligée. D'un côté, une hausse de la croissance économique et de l'emploi pourrait ouvrir de nouvelles perspectives. Le renforcement des effectifs au travail est fondamental pour stabiliser, voire réduire les taux de dépendance économique. D'un autre côté, les régimes de pension doivent mieux fonctionner, qu'il s'agisse d'atteindre leurs objectifs sociaux ou de soutenir les objectifs de croissance et d'emploi de l'Europe.

2.1. Les implications du changement démographique

Au cours des décennies à venir, le nombre des personnes âgées va augmenter brutalement par rapport aux effectifs de la population active. Aucune mesure politique modérée ne sera capable de neutraliser ce changement dans la structure démographique de l'Union européenne. Toutefois, ce n'est pas le ratio démographique de dépendance des personnes âgées qui compte pour la viabilité des pensions, mais le ratio de dépendance économique.

Une plus grande espérance de vie due à des normes sociales plus élevées, de meilleurs traitements médicaux et un abaissement des taux de fertilité sont les éléments moteurs d'une tendance séculaire au vieillissement de la population. Cette tendance n'est pas nouvelle et elle est appelée à se poursuivre. Les progrès de la médecine ne donnent aucun signe de ralentissement et les prévisions démographiques avancées par le passé ont eu tendance à sous-estimer l'allongement de l'espérance de vie. Les taux de fertilité sont à l'heure actuelle sensiblement inférieurs au niveau qui est nécessaire pour assurer le remplacement complet de la population actuelle. Une hausse de ces taux pourrait se produire si certains des obstacles et éléments dissuasifs existants à la constitution de ménages et à la procréation (tenant notamment au marché du travail, au logement et à la garde des enfants) sont éliminés. Les taux de fertilité ont tendance à être plus élevés dans les États membres qui pratiquent une saine politique de conciliation de la vie familiale avec la vie professionnelle. Néanmoins, ils restent trop faibles pour empêcher le vieillissement de la population.

Le nouveau fait majeur au cours des décennies à venir sera l'arrivée à l'âge de la retraite de l'importante cohorte du "baby boom", c'est-à-dire des personnes nées après la fin de la deuxième guerre mondiale. Cette "excroissance" démographique se reflétera tout d'abord par un vieillissement de la main-d'oeuvre puis, à partir de 2010, par une forte augmentation du nombre de titulaires de pension puis par un accroissement des besoins de soins de santé et à long terme.

Le ratio de dépendance des personnes âgées va connaître une hausse spectaculaire au cours des 30 à 40 années à venir. D'après les projections démographiques à long terme d'Eurostat, le nombre de personnes actives par titulaire de pension va diminuer de moitié d'ici à 2050 pour passer de 3,5 à 1,8 au niveau de l'Union européenne (voir le tableau 1). L'effet démographique du "baby boom" d'après-guerre commencera à diminuer aux alentours de 2030 pour disparaître selon toute attente après le milieu du siècle [4].

[4] Le groupe de travail du comité de politique économique examinant les implications du vieillissement sur les dépenses publiques est en train d'établir des projections de l'importance des dépenses nationales pour les pensions publiques par rapport au PIB jusqu'à 2050. Dès qu'elles seront disponibles, elles serviront d'indicateurs approximatifs de l'importance du défi démographique affectant les régimes de pension publics.

L'augmentation du nombre de personnes âgées sera telle que la progression du ratio de dépendance des personnes âgées ne peut être enrayée ni par une hausse soudaine de la fertilité ni par un niveau d'immigration réaliste. Les changements dans la fertilité ne commencent à avoir des répercussions sur le marché de la main-d'oeuvre qu'au bout de vingt années. Toutefois, l'immigration peut contribuer à une hausse du niveau de l'emploi, mais son impact positif dépend de la mesure dans laquelle les migrants peuvent être suffisamment intégrés dans le marché de l'emploi.

Tableau 1: Projections de base concernant les ratios de dépendance des personnes âgées dans les États membres de l'Union européenne (personnes de plus de 65 ans par rapport à la tranche des 20-64 ans)

>EMPLACEMENT TABLE>

Toutefois, la viabilité des pensions ne dépend pas du ratio de dépendance démographique mais de ses effets sur le ratio de dépendance économique (sensiblement supérieur) et les transferts. Il est donc beaucoup plus pertinent, pour évaluer les perspectives de viabilité des régimes de pension, d'examiner le nombre effectif de personnes exerçant une activité professionnelle par rapport aux personnes sans activité. Actuellement, le ratio de dépendance économique (personnes âgées de 20 ans et plus sans travail en proportion du total de la population exerçant une activité professionnelle) est de 0,86 dans l'Union européenne, ce qui signifie qu'il y a presque autant de membres de la population active sans travail que de membres de cette population qui travaillent. Dans le groupe des adultes qui ne travaillent pas, près de 6 sur 10 ont moins de 65 ans, et perçoivent pour la plupart des prestations de divers types. On peut s'attendre à ce que le ratio de dépendance économique soit défavorablement affecté par la hausse du ratio de dépendance des personnes âgées, mais en réduisant le nombre de personnes inactives au sein de la population active, il sera possible de soulager le fardeau financier qu'imposera le vieillissement aux personnes ayant un emploi. Ainsi une question cruciale est la suivante: dans quelle mesure sera-t-il possible de neutraliser l'impact du vieillissement sur les taux de dépendance économique en faisant progresser les taux globaux de l'emploi-

2.2.

>REFERENCE A UN GRAPHIQUE>

Dimensions politiques et économiques de la réforme des pensions

Les réformes pour rendre viables les systèmes de pension peuvent fort bien être difficiles sur le plan politique. Elles devront réunir un consensus aussi large que possible. Elles doivent impérativement être globales et ne pas se limiter exclusivement aux pensions. Un élément majeur en sera le succès d'une stratégie de croissance économique. Maintenir la viabilité des pensions face au vieillissement rapide implique un équilibre entre les cotisations et les droits et entre les populations actives et retraitées. Il s'agit d'un défi politique majeur.

Une stratégie globale destinée à garantir des pensions adéquates face au changement démographique ne saurait être mise au point et en oeuvre que sur la base d'un consensus au sein des générations et entre elles. Il importe que tous les intéressés participent et s'engagent. Un tel accord devrait être le gage d'une plus grande stabilité et d'une plus grande prévisibilité des régimes de pension.

La confiance dans les systèmes de pension et une large acceptation sont d'une importance cruciale pour leur viabilité. Les régimes publics de pension financés par retenue à la source sont devenus un sujet d'intenses préoccupations car les répercussions du vieillissement sur ces régimes sont immédiates et très nettes, tandis que dans le cas des régimes par capitalisation l'impact sera beaucoup plus difficile à prévoir. Les gouvernements peuvent dissiper ces préoccupations en formulant une stratégie claire et crédible pour assurer la viabilité des régimes de pension publics.

Des politiques macro-économiques saines et des réformes structurelles favorables à la croissance créant un environnement favorable pour l'économie et l'activité sont critiques pour la viabilité à venir des régimes de pension. La stratégie intégrée énoncée à l'occasion du Sommet de Lisbonne crée un contexte excellent pour que les États membres relèvent ce défi.

La croissance économique est un facteur déterminant essentiel des finances publiques. Bien que la plupart des régimes publics de pension possèdent des sources de revenus qui leur sont propres sous forme de cotisations de sécurité sociale, les contributions générales du gouvernement à l'ensemble des régimes de protection sociale [5] représentent en général près de 10% du PIB pour toute l'Union européenne. Ce lien entre le budget général des gouvernements et les systèmes spécifiques de financement des régimes de pension a pour effet qu'une hausse incontrôlée des dépenses de pension pourrait déstabiliser les finances publiques. À l'inverse, la capacité des gouvernements à soutenir les régimes de pension dépend d'autres facteurs qui déterminent la santé des finances publiques.

[5] Aucune donnée n'est disponible concernant les cotisations générales des gouvernements aux seuls régimes de pension.

Côté ressources, une aptitude constante des gouvernements à collecter impôts et cotisations est vitale. Cette capacité peut être affectée par l'évasion fiscale, des différences d'un pays à l'autre ou par une plus grande mobilité de l'assiette des impôts et de ce fait par la possibilité pour les activités économiques de migrer vers des pays où se trouve le meilleur équilibre entre impôts/cotisations et services publics. La réduction de la charge fiscale globale, en particulier sur la main-d'oeuvre, pour dégager des incitations à la croissance et à l'emploi, doit aussi être prise en compte. Côté dépenses, l'évolution d'autres postes des budgets publics sera importante. Dans un contexte de politiques macro-économiques saines et de discipline budgétaire, le défi consistera à veiller à ce que toute hausse des dépenses de pension n'évince pas d'autres postes de dépenses légitimes des budgets publics. Un poste de dépenses courantes majeur est le service de la dette de l'État qui devrait être réduit dans la perspective des coûts liés au vieillissement. Il conviendrait donc de procéder à des préparatifs suffisants en vue d'une hausse de ces coûts.

Le recours à des retraites privées par capitalisation par le biais de régimes professionnels ou personnels peut constituer un instrument utile pour alléger la charge qui pèse sur les finances publiques. Du coup, les performances des actifs financiers deviennent un facteur plus important du niveau de vie des personnes âgées. La dynamique du marché financier sera affectée par l'évolution démographique avec une demande d'actifs financiers qui ira croissant, une large cohorte économisant pour sa retraite.

Dans de nombreux États membres, le processus de réforme est déjà bien engagé. Il est recherché un équilibre entre deux objectifs: fournir aux personnes âgées des revenus sûrs et suffisants et assurer la viabilité des systèmes. Tandis que les mesures diffèrent sur le plan des détails, en pratique, elles ont en commun d'être axées sur la limitation des transferts qui seront nécessaires ultérieurement, en particulier ceux dont sont responsables les gouvernements, ou sur l'accroissement des ressources financières disponibles. Ces mesures comprennent le relèvement de l'âge officiel de la retraite ou du nombre d'années de cotisations requises pour avoir droit à une pension complète, la réduction de la pension versée en proportion des rémunérations antérieures, ou l'établissement d'un rapport plus étroit entre cette pension et les cotisations, la création de fonds spéciaux destinés à financer les transferts à venir ou l'incitation au développement de régimes privés de pension par capitalisation. [6] Ces réformes auraient souvent avantage à s'intégrer dans une stratégie plus complète englobant la réforme de la protection sociale, la promotion de l'emploi et des politiques macro-économiques. Il faudrait tirer parti du climat économique sain qui règne actuellement pour introduire des réformes complètes.

[6] La Commission publie des rapports réguliers sur les politiques des États membres dans le domaine de la protection sociale. Le dernier en date est intitulé: Rapport sur la protection sociale en Europe 1999 (COM(2000) 163 final).

2.3. Le lien entre la viabilité des pensions, la stratégie de Lisbonne et la promotion de l'emploi

Les systèmes de pension actuels ont tendance à favoriser la sortie anticipée du marché du travail et servent fréquemment à réduire les effectifs tout en évitant les licenciements. Ils ne tiennent souvent pas compte des différences dans les besoins des individus. Certains régimes de pension offrent une couverture insuffisante aux travailleurs les plus mobiles et les plus souples. Plus généralement, il faut revoir les éléments incitatifs de la structure des régimes de pension pour veiller à ce qu'ils deviennent favorables à l'emploi.

Le Conseil européen de Lisbonne a formulé une stratégie globale pour une croissance économique durable avec des emplois plus nombreux et de meilleure qualité et une plus grande cohésion sociale. Le changement démographique implique la nécessité de mobiliser une main-d'oeuvre nombreuse dans le contexte d'une population active vieillissante et en régression. Cela imposera des défis supplémentaires pour l'ensemble des politiques économiques, sociales et de l'emploi citées par Lisbonne. Les systèmes de pension doivent être compatibles avec la réalisation de tous les éléments de cette stratégie et capables d'y contribuer de manière positive. Les principaux défis pour les systèmes de pension à cet égard ont trait à leur interaction avec les marchés de l'emploi. La viabilité des pensions, mais aussi la perspective d'une contraction des marchés de la main-d'oeuvre et la pénurie de compétences à l'avenir rendent urgente la mise au point d'une stratégie de mobilisation du potentiel de plein emploi de la société.

Les conclusions du Conseil européen de Lisbonne ont établi que, sur la base d'une croissance économique durable de 3% du PIB, les États membres devraient s'acheminer vers un taux d'emploi moyen total de 70%, supérieur à 60% pour les femmes, en 2010. Le type d'augmentation de l'emploi dont nous avons besoin pour atteindre ces objectifs a un rôle essentiel à jouer pour garantir la viabilité des systèmes de pension. Manifestement, il sera peut-être nécessaire d'ajuster dans le même temps d'autres paramètres (par exemple, l'âge de la retraite, le niveau des cotisations ou les niveaux relatifs des pensions). Relever les niveaux actuels d'activité des femmes et des travailleurs les plus âgés sera vital. La réforme des systèmes de pension a un rôle clé à jouer à cet égard par le biais d'une amélioration des incitations à l'emploi.

La participation des femmes constitue évidemment une question-clé. Les femmes continuent de rencontrer des problèmes particuliers pour obtenir l'égalité d'accès au marché de l'emploi, dans l'évolution de leur carrière, en matière de rémunération et pour concilier vie professionnelle et vie familiale. Bien que la création nette d'emplois au cours des dix dernières années environ ait profité dans son intégralité aux femmes, cette croissance n'a pas suivi le rythme de la hausse du nombre de femmes souhaitant travailler et les taux d'emploi des femmes restent inférieurs à ceux des hommes. Les interruptions de carrière pour assurer une garde en sont une raison. De telles périodes pourraient être mieux reconnues dans les systèmes de pension. Il conviendrait aussi de procéder à des ajustements pour inciter plus fortement les femmes à entrer, rentrer et rester sur le marché du travail. Enfin, il y a lieu d'envisager la question de l'individualisation des droits à pension dans ce contexte.

Une autre question essentielle est le départ prématuré des travailleurs les plus âgés du marché du travail. À l'heure actuelle, dans la majorité des États membres, l'âge effectif de départ à la retraite est sensiblement inférieur à l'âge normal prévu par les régimes de pension obligatoires. L'une des principales raisons de cette tendance est que les systèmes de pension continuent d'offrir des incitations substantielles à la retraite anticipée. Dans la plupart des systèmes, continuer à travailler au-delà de la première occasion de partir en retraite implique la nécessité de payer des cotisations sociales sans obtenir des droits à pension supplémentaires. En outre, les revenus du travail peuvent être imposés plus lourdement que les pensions. Les structures d'impôts et de prestations qui subventionnent le départ anticipé du marché du travail, tout en pénalisant les personnes qui travaillent plus longtemps, sapent le principe de la gratification du travail. De telles structures entraînent non seulement un gaspillage de ressources humaines et sapent les objectifs de l'Union européenne en matière d'emploi, elles augmentent aussi sensiblement le coût des régimes de retraite.

Tableau 2: Taux d'emploi par tranche d'âge en 1999

>EMPLACEMENT TABLE>

Source: Enquête sur les forces de travail - Eurostat

Le problème du départ anticipé du marché du travail est aggravé non seulement par les difficultés objectives (comme la désuétude des compétences) qu'éprouvent les travailleurs âgés à retrouver un emploi après un licenciement, mais aussi par des pratiques en matière de gestion qui établissent une discrimination à leur encontre sur le lieu de travail et sur les marchés de la main-d'oeuvre. Dans ces conditions, les régimes de retraite anticipée étaient souvent considérés par les employeurs, les syndicats et les travailleurs comme la seule option socialement acceptable pour réduire les effectifs. Ce parti pris en matière d'âge est souvent reflété dans des pratiques des politiques de l'emploi: les travailleurs les plus âgés constatent à l'occasion qu'ils sont écartés des formules de placement, d'insertion et de formation offertes aux jeunes travailleurs.

Avec le vieillissement, les systèmes de pension ne pourront soutenir le coût du délestage de travailleurs plus âgés dont les compétences sont dépassées ou lié au fait que des pratiques de travail malsaines les forcent à un départ anticipé. En outre, les travailleurs restent de plus en plus assez aptes à continuer de travailler jusqu'à l'âge officiel de la retraite, voire au-delà s'ils le souhaitent.

Le renversement de la tendance au retrait précoce du marché de l'emploi exigera de ménager des possibilités d'emploi plus fortes pour les travailleurs âgés, en réduisant les éléments qui dissuadent de continuer à travailler, sous forme d'options de retraite anticipée et d'autres structures d'impôts et de prestations, tout en mettant plus l'accent sur le maintien de leur capacité à occuper un emploi. Les systèmes de pension devront être adaptés de plusieurs façons pour soutenir l'allongement du travail.

À cet égard, les âges obligatoires pour le départ à la retraite fixés actuellement paraissent de plus en plus inadaptés. Ils ne tiennent pas compte de l'allongement de l'espérance de vie et des meilleures conditions de santé de la majorité des personnes âgées. Des systèmes de départ flexible ou progressif à la retraite avaient déjà été recommandés par le Conseil en 1982 [7]. Ils pourraient servir à promouvoir un renforcement de la participation de la main-d'oeuvre et donc de l'emploi, contribuant ainsi à la viabilité à long terme des systèmes de pension.

[7] Recommandation du Conseil, du 10 décembre 1982, relative aux principes d'une politique communautaire de l'âge de la retraite (82/857/CEE), JO L 357 du 18.12.1982, pp. 27 - 28.

En outre, la promotion d'une participation active devrait tenir compte des différentes catégories de groupes défavorisés. En fait, une stratégie d'inclusion ne se limite pas à réduire le gaspillage de ressources humaines, elle contribue aussi à endiguer quelques-uns des coûts économiques et sociaux liés à l'exclusion sociale en libérant des ressources financières et en contribuant à la viabilité globale.

Les systèmes de pension doivent aussi être adaptés de manière à mieux satisfaire les besoins d'une main-d'oeuvre plus mobile et diverse. En particulier, il conviendrait d'éliminer toute pénalisation des profils de carrière irréguliers ou de la mobilité géographique ou professionnelle. De nombreux régimes de pension professionnelle, en particulier, ont tendance à imposer des coûts substantiels aux personnes qui changent d'emploi ou interrompent leur carrière.

À long terme, le potentiel de création d'emploi de l'Europe ne doit pas être limité par la taille actuelle de sa population. Il serait possible d'attirer des immigrants, notamment des personnes qualifiées, originaires de pays tiers. L'emploi pourrait encore augmenter si les taux de natalité redécollaient. Tandis que les facteurs déterminants des taux de fertilité sont manifestement complexes, des entreprises et des politiques publiques plus favorables à la famille permettant aux parents de concilier plus facilement une carrière professionnelle et des responsabilités familiales pourraient certainement jouer un rôle positif.

La mobilisation générale du potentiel économique et social de la société constitue l'exigence politique prépondérante face au vieillissement. Une politique intégrée de croissance de la productivité induite par la technologie, des emplois plus nombreux et de meilleure qualité ainsi qu'une plus grande cohésion sociale, dans l'esprit de Lisbonne, constitue le cadre nécessaire à cette mobilisation.

2.4. Garantir des pensions adéquates et équitables

Les pensions ont assuré aux personnes âgées de jouir à présent de niveaux de vie raisonnables. Toutefois, il subsiste certaines lacunes dans la situation des personnes âgées en matière de revenus. Les taux de pauvreté, en particulier parmi les femmes âgées, sont supérieurs à la moyenne. L'octroi de droits à pension pour l'éducation des enfants ou des soins est donc un élément de solidarité important des systèmes de pension, de même que les taux de cotisation réduits pour les bas salaires. Les faiblesses et le manque d'équité actuels des pensions mettent en question l'objectif de Lisbonne concernant le renforcement de la cohésion sociale. Il sera nécessaire de s'attaquer à de telles carences qui risquent autrement de s'aggraver dans le contexte du vieillissement.

Le revenu net moyen ajusté [8] des personnes appartenant à des ménages percevant au moins une pension (pension de retraite ou pension de survie) est très proche des revenus moyens de la population dans son ensemble. Les systèmes de pension contribuent pour environ 60% du revenu net total de ces personnes. Parmi les autres revenus, figurent les transferts sociaux autres que les pensions, les revenus de la propriété et les revenus du travail (en particulier dans les cas où des titulaires de pension cohabitent au sein d'un ménage avec des personnes qui continuent d'exercer une activité professionnelle).

[8] Le revenu net est ajusté par "équivalent-adulte" pour tenir compte des différences dans la taille et la composition des ménages: le revenu perçu par un ménage est divisé par sa "taille équivalente", calculée à l'aide de l'échelle d'équivalence "OCDE modifiée". Le même revenu équivalent est attribué à chaque membre du ménage (adulte et enfant).

>REFERENCE A UN GRAPHIQUE>

Malgré ce succès, il reste des cas dans lesquels les systèmes de pension n'assurent pas des ressources minimums adéquates aux personnes âgées. Les femmes âgées, qui constituent les 2/3 des titulaires de pension de plus de 75 ans, sont particulièrement exposées au risque de pauvreté dans de nombreux États membres. Dans certains pays, les taux de pauvreté restent plus importants pour les personnes âgées que pour le total de la population, même si l'écart s'est réduit. En l'absence de disposition prévoyant un minimum de pension, des périodes d'emploi de brève durée et des interruptions de carrière se traduisent par des pensions inadéquates, en particulier dans le cas des femmes qui ne bénéficient pas de droits dérivés adéquats.

La participation croissante des femmes au marché de l'emploi devrait se traduire par une meilleure protection au moment de la vieillesse. Toutefois, il arrive toujours plus souvent que les femmes compromettent leur carrière pour des raisons familiales et qu'elles acquièrent par conséquent des droits à pension moins importants que leurs partenaires. Tant que les familles sont stables, les systèmes de pension peuvent assurer une protection adéquate grâce aux prestations dérivées. Avec l'instabilité croissante des familles, la question du partage des droits à pension entre conjoints devient de plus en plus importante.

Il y aura lieu de procéder à des réformes des pensions en pensant à ces insuffisances. En particulier, les réductions des dépenses ne se révéleront peut-être pas aussi avantageuses que prévu si elles entraînent un recours accru à l'aide sociale fondée sur un contrôle des ressources, la charge des dépenses passant des systèmes de pension vers d'autres régimes de protection sociale. Assurément, un recours accru à l'aide sociale soumise à un contrôle des ressources peut contribuer à réduire les dépenses. Toutefois, l'aide sociale subordonnée au contrôle des ressources et le recours à l'aide des membres de la famille peuvent aussi saper les incitations à travailler (à temps partiel en retraite après avoir quitté son emploi principal, ou à percevoir un salaire pour satisfaire les besoins de parents âgés) et à pourvoir à sa propre retraite (les titulaires de bas salaires ne doivent pas compter sur une pension supérieure au niveau de l'aide sociale).

Les réformes visant à promouvoir le rôle des régimes de pension professionnels et personnels devront aussi pallier certaines faiblesse de ces régimes. La longue durée des périodes de cotisation des régimes de pension professionnels permet difficilement aux personnes ne faisant pas partie des effectifs permanents d'une société d'acquérir des droits à pension suffisants. Les coûts élevés de gestion des plans de pensions individuels peuvent les rendre très peu attrayants pour les bas salaires et la pratique consistant à prélever des frais sur les cotisations initiales (avec un effort particulièrement soutenu au début) imposent des coûts élevés aux personnes qui sortent de ce système. Au niveau de l'Union européenne, le manque de coordination entre de tels régimes, notamment dans le domaine de la fiscalité, doit recevoir une solution pour éliminer les obstacles à la mobilité transfrontalière.

Le renforcement du lien actuariel entre cotisations et prestations (mesure qui fortifierait les incitations à travailler dans les régimes de pension) n'affaiblit pas nécessairement la solidarité. De nombreux systèmes de pension possèdent des éléments de redistribution au profit des moins fortunés, par exemple lorsqu'ils garantissent un minimum de pension indépendamment des périodes d'emploi et de cotisation ou que les cotisations sont prélevées sur tous les revenus, mais que les prestations sont plafonnées. D'autre part, les systèmes de pension risquent de pénaliser les travailleurs manuels (d'un point de vue actuariel) si les pensions sont calculées sur la base du dernier salaire ou d'un nombre d'années avec les meilleurs revenus sans tenir compte de toutes les annuités et de l'espérance de vie plus courte.

2.5. Gestion du financement et des dépenses

Une stratégie visant à rendre les pensions viables devrait se concentrer sur la mobilisation générale du potentiel de la société [9] et sur la réforme des systèmes de pension eux-mêmes. En élevant le taux d'emploi de la population active, nous pouvons neutraliser dans une large mesure l'effet du vieillissement démographique sur les ratios de dépendance économique. Ceci relâcherait la pression financière due au vieillissement sur les régimes publics de pension et réduirait la nécessité de procéder à des réductions douloureuses des prestations ou à des hausses des cotisations et des impôts. La mise en oeuvre de la stratégie de Lisbonne renforcera la capacité des systèmes de pension à relever les défis concernant leur caractère adéquat.

[9] La teneur éventuelle d'une telle stratégie par rapport au vieillissement en général a été discutée dans le document COM(99)221 final "Vers une Europe pour tous les âges - Promouvoir la prospérité et la solidarité entre les générations", qui s'est concentré sur des politiques actives à l'égard du vieillissement.

Dans son rapport intérimaire au Conseil européen de Feira, le groupe à haut niveau sur la protection sociale a suggéré qu'une analyse des stratégies de réforme des pensions devrait également examiner les modalités de gestion du financement et des dépenses.

Comme on l'a déjà souligné, cette question recoupe celle de l'emploi. D'une part, un moyen efficace de mobiliser davantage de ressources financières pour les régimes de pension consiste à augmenter le nombre de cotisants en relevant le niveau d'emploi. D'autre part, la réforme des systèmes de pension aux fins d'améliorer les incitations sur le marché du travail contribuera à relever les niveaux d'emploi. Le relèvement de l'âge effectif de la retraite peut se traduire par de très importantes économies pour autant que l'on puisse éviter un accroissement des dépenses dans d'autres domaines.

L'étude sur la viabilité des pensions devra en outre analyser les diverses méthodes pour garantir une base de ressources plus large et plus forte des régimes de pension grâce à une diversification des sources de financement en option, par l'accumulation d'actifs financiers et la réduction de la dette publique. Elle devra aussi analyser les moyens de contenir la hausse des coûts des pensions en améliorant l'efficacité et en adaptant les prestations tout en maintenant les objectifs sociaux.

Relever le défi du vieillissement implique une politique globale. Parallèlement à des politiques macro-économiques saines et à des réformes globales des structures qui seront facteurs de croissance, à une augmentation de l'emploi et à l'équilibre des finances publique, il faudra réexaminer la structure des dépenses publiques pour garantir l'avenir de la croissance et un équilibre dans la répartition des dépenses publiques entre générations. Dans ce contexte, des réformes des formules actuelles de pension qui garantissent un niveau adéquat et un équilibre financier tout en rendant les régimes plus favorables à l'emploi sont nécessaires. Les réformes devraient se traduire par des solutions durables aux problèmes à long terme et ne pas se limiter à des mesures "bouche-trous" dans l'urgence.

2.6. Principes directeurs et objectifs des réformes des pensions

Il incombe aux États membres de décider des systèmes de pension qu'ils souhaitent et du dosage politique nécessaire pour conserver aux personnes âgées des revenus adéquats sans mettre en danger la stabilité des finances publiques, ni saper les incitations à l'emploi ou évincer d'autres dépenses publiques essentielles. Toutefois, malgré la diversité considérable au sein de l'Union européenne, les États membres se trouvent face à des défis communs, que l'on a analysés plus haut. Ils partagent aussi des objectifs communs en matière de systèmes de pension et sont attachés à un certain nombre de principes, parmi lesquels l'équité et la cohésion sociale qui caractérisent le modèle social européen. La Commission invite donc les États membres à coordonner leurs efforts et à échanger points de vue et informations sur les pratiques et les réformes en cours ou en projet. Les priorités et les choix nationaux des stratégies et le détail du processus de réforme continuent cependant de relever de la responsabilité des États membres.

Cette coopération entre États membres peut être facilitée si des objectifs et principes communs sont clairement exprimés. Manifestement, il apparaît effectivement des tensions entre certains de ces objectifs et de ces principes, et les États membres devront trouver un équilibre. Dans le cadre du processus amorcé par le Sommet de Lisbonne, la Commission soumet les principes et objectifs suivants au débat:

1. Conserver le caractère adéquat des pensions: Les trois piliers des systèmes de pension, opérant dans des combinaisons décidées par les États membres, devraient permettre aux personnes de rester financièrement autonomes dans la vieillesse et, dans des limites raisonnables, de conserver le niveau de vie atteint au cours de leur vie de travail.

2. Assurer l'équité entre les générations: Les efforts nécessaires pour surmonter le vieillissement démographique devraient être partagés de manière équitable entre les générations actives, qu'il s'agisse de salariés ou de chefs d'entreprise, et les générations à la retraite.

3. Renforcer l'élément de solidarité des systèmes de pension: Personne ne devrait être exclu des systèmes de pension à cause de la faiblesse de ses revenus ou d'un profil de risque défavorable. Les systèmes de pension devraient comporter un élément de redistribution favorable aux personnes ayant peu de possibilités sur le marché du travail ou qui doivent assurer les soins d'enfants, de personnes handicapées ou de personnes âgées vulnérables.

4. Maintenir un équilibre entre droits et devoirs: Les prestations devraient correspondre aux cotisations d'un individu à un système de pension. En particulier, le report du départ à la retraite devrait se traduire par une augmentation des prestations.

5. Veiller à ce que les systèmes de pension soient favorables à l'égalité entre les hommes et les femmes: En particulier, des adaptations sont nécessaires pour renforcer les incitations pour que les femmes entrent, rentrent et améliorent leur situation sur le marché de l'emploi.

6. Assurer la transparence et la prévisibilité: Les membres d'un système de pension devraient clairement savoir ce qu'ils peuvent attendre en matière de prestations dans diverses circonstances.

7. Rendre les systèmes de pension plus flexibles face au changement de société: Les systèmes de pension devraient pouvoir s'adapter aux changements prévisibles de leur environnement économique et démographique.

8. Faciliter la capacité d'adaptation au marché du travail: Les systèmes de pension devraient s'accommoder de la mobilité professionnelle et géographique et laisser une marge de choix individuel concernant par exemple l'âge de la retraite et l'organisation des phases d'apprentissage, de travail et de loisirs.

9. Assurer la cohérence des régimes de pension au sein de l'ensemble du système des pensions: Les piliers des pensions devraient s'étayer mutuellement et être bien coordonnés.

10. Garantir des finances publiques saines et viables: Des réformes doivent garantir que la charge fiscale des pensions publiques est fixée à un niveau approprié et que d'autres dépenses publiques essentielles ne sont pas évincées.

3. les prochaines étapes

3.1. Initiatives de la Commission

En plus du cadre exposé dans la présente communication, la Commission entreprendra les initiatives suivantes pour étayer l'échange en coopération sur la viabilité des pensions:

-Pour mesurer la prise de conscience et les attentes du public concernant la modernisation des systèmes de protection sociale, réalisation d'une enquête Eurobaromètre sur les pensions et la réforme des pensions en 2001.

-Examen des enquêtes statistiques communautaires pertinentes aux fins de veiller à ce que les questions de protection sociale en général et les problèmes de pensions en particulier soient couverts de façon adéquate.

-Proposition d'un échange d'informations sur les questions couvertes par la présente communication avec les pays candidats à l'adhésion et, dans le cadre de la coopération bilatérale, avec les États-Unis et le Japon.

La Commission poursuivra aussi ses efforts pour contribuer à un meilleur fonctionnement des régimes de retraite complémentaire:

-La proposition de directive portant sur la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux institutions de retraite complémentaire permettra aux régimes privés de pension par capitalisation de tirer le meilleur parti des possibilités d'investissement, de fixer des normes élevées pour la protection des bénéficiaires et d'ouvrir la voie à la gestion transfrontalière des régimes de pension professionnels. Le renforcement de la sécurité et de l'efficacité de ces institutions, admises à profiter pleinement du marché unique, devrait contribuer à la sûreté et à la viabilité des systèmes de pension. [10]

[10] Ici sera insérée une référence à un document COM (dont l'adoption est prévue à la même date que la présente communication).

-Comme suite à sa communication intitulée Vers un marché unique pour les retraites complémentaires du 11 mai 1999 (COM(99) 134 final), la Commission présentera une initiative concernant le régime fiscal des pensions complémentaires transfrontalières au début de l'année prochaine.

-Le Forum des Pensions, créé à la suite d'une suggestion du groupe de haut niveau sur la libre circulation des personnes, examinera comment traiter les obstacles à la mobilité transfrontalière de la main-d'oeuvre par rapport aux retraites complémentaires.

Enfin, la Commission prendra de nouvelles initiatives concernant l'évolution à venir de la protection sociale pour soutenir l'effort de coopération par rapport à tous les objectifs relatifs à la modernisation et au renforcement de la protection sociale approuvés par le Conseil le 17 décembre 1999 (J.O. C 2000/C 8/7).

3.2. Mise en place du cadre de l'étude: La requête de Lisbonne

Comme cela a été dit dans l'introduction, le Conseil européen de Lisbonne a chargé le groupe à haut niveau sur la protection sociale "de préparer, sur la base d'une communication de la Commission, une étude sur l'évolution future de la protection sociale dans une perspective à long terme, en accordant une attention particulière à la viabilité des régimes de retraite". Le groupe à haut niveau sur la protection sociale présentera un rapport intérimaire de ses travaux au Sommet de Nice en décembre 2000.

La Commission propose que l'exposé des défis et des réponses politiques discutées dans la présente communication constitue pour le groupe à haut niveau sur la protection sociale un cadre pour la poursuite de ses travaux d'analyse et d'échange en cours sur les questions de la réforme des pensions.

L'analyse à réaliser dans ce cadre devrait se fonder, autant que possible, sur des sources de données et des hypothèses harmonisées. Dans ce contexte, les travaux entrepris par le Comité de politique économique revêtiront une importance particulière. [11]

[11] Le Comité de politique économique travaille actuellement sur les implications du vieillissement sur les finances publiques. Il s'agit de fournir une évaluation quantitative des finances publiques et des conséquences économiques du vieillissement. Les projections existantes en matière de dépenses nationales ont été passées en revue et des projections faisant intervenir des indicateurs communs et des hypothèses macroéconomiques et démographiques communes sont en cours de mise au point en coopération avec l'OCDE. Les résultats seront soumis au Conseil Ecofin de novembre et communiqués au groupe de travail à haut niveau sur la protection sociale.

Autant que faire se peut, il conviendrait d'utiliser des données longitudinales tenant compte de toutes les dimensions en cause (démographie, économie, emploi, social) et de leurs interactions. Dans l'analyse des tendances d'avenir, l'étude devrait également tenir compte de tous les objectifs politiques pertinents fixés au niveau de l'Union européenne et notamment des objectifs d'emploi fixés à Lisbonne et des conclusions qui devront être adoptées à Nice.

L'analyse devrait aussi tirer parti de l'expérience acquise dans le processus en cours de réformes multiples mis en oeuvre dans les États membres. La Commission suggère que l'étude constitue la base d'une mise à jour régulière des informations concernant la réforme des pensions dans les États membres.

Enfin, l'analyse devrait progressivement inclure les pays candidats à l'adhésion. L'efficacité et la viabilité des régimes dans les nouveaux États membres adhérant à l'Union constituera un sujet de préoccupation commun sur les plans économique et social. Les réformes en cours dans les pays candidats sont intéressantes. Ces questions doivent bénéficier d'une plus grande attention dans la perspective de l'élargissement prochain, tout en soulignant que les systèmes de pension continuent de relever de la responsabilité des autorités nationales.

Annexe: Aperçu des systèmes nationaux de pension et des mesures de réforme récentes [12]

[12] Sources: DG MARKT, Étude des régimes de retraite des États membres de l'Union européenne, Mai 2000, pour la colonne "principales caractéristiques des systèmes de pension", Rapport de la Commission sur la mise en oeuvre des grandes orientations des politiques économiques pour 1999 (COM(2000) 143 final) pour la colonne "évolutions récentes des régimes publics de retraite". Pour plus de détails, se reporter au Rapport sur la protection sociale en Europe 1999 (COM(2000) 163 final) et à MISSOC - La protection sociale dans les États membres de l'Union européenne, DG EMPL, publication annuelle.

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