52000DC0559

Communication de la Commission sur la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne /* COM/2000/0559 final */


COMMUNICATION DE LA COMMISSION sur la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne

COMMUNICATION DE LA COMMISSION

sur la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne

1. Introduction :

1. L'élaboration du projet de Charte des droits fondamentaux se trouve désormais à un moment décisif. Il ressort en effet des Conclusions du Conseil européen de Feira que :

« La Convention a été invitée instamment à poursuivre ses travaux conformément au calendrier établi dans les conclusions du Conseil européen de Cologne, de manière à présenter un projet de document avant le Conseil européen d'octobre 2000. »

2. Un nouvel avant-projet de Charte a été élaboré suite aux travaux intensifs menés par la Convention au cours de ces derniers mois [1].

[1] Cet avant-projet est repris dans le document CHARTE 4422/00, CONVENT 45 du 28 juillet 2000 : « Texte complet de la Charte proposé par le Présidium » .

3. L'avant-projet se fonde sur l'approche retenue par la Convention, dès le début de ses travaux, consistant à rédiger le projet à soumettre au Conseil européen comme s'il devait être ultérieurement intégré dans les traités communautaires avec force juridique contraignante. A l'instigation de son Président, M Roman Herzog, la Convention a en effet considéré que cette approche était la seule qui permettrait de laisser ouvert le choix que, conformément aux conclusions de Cologne, le Conseil européen devra faire, le moment venu, sur la nature de la Charte : proclamatoire ou intégrée dans les traités avec force juridique contraignante.

4. Les travaux menés par la Convention ces derniers mois ont été marqués par une procédure par laquelle chaque membre de la Convention a pu déposer des amendements écrits se fondant sur les textes antérieurs. Plus d'un millier d'amendements ont été déposés, reflétant l'ensemble des sensibilités représentées au sein de la Convention. L'avant-projet représente un compromis formulé par le Présidium. Il vise à intégrer l'ensemble des points de vue et des sensibilités exprimés au sein de la Convention.

5. En vue de la conclusion des travaux de la Convention et de la transmission du projet de Charte au Conseil européen de Biarritz, le Présidium a demandé aux membres de la Convention de formuler avant le premier septembre les observations qu'ils estimeraient opportunes sur l'avant-projet de texte. Il a également fixé la procédure des deux dernières réunions de la Convention :

-les 11 et 12 septembre, les membres de la Convention se réuniront par composante et feront part le 13 septembre à la Convention de leur position sur l'avant-projet ;

-la réunion des 25 et 26 septembre devrait arriver à concilier les points de vue des composantes et autoriser le Président de la Convention, conformément aux conclusions de Cologne, à constater un consensus au sein de la Convention et à transmettre le projet aux Chefs d'Etat et de gouvernement.

6. Dans ce contexte, l'objet de la présente communication est donc :

-en premier lieu de présenter la position de la Commission à l'égard du contenu de l'avant-projet, dans le souci de contribuer positivement à la formation du consensus au sein de la Convention,

-mais aussi de mettre en exergue les questions politiques et institutionnelles qui, de l'avis de la Commission, revêtent une importance particulière, notamment en ce qui concerne la nature de la Charte.

2. Les objectifs de la Charte :

7. Le Conseil européen de Cologne a fixé l'objectif essentiel de la Charte des droits fondamentaux de l'Union : ancrer l'importance exceptionnelle et la portée des droits fondamentaux de manière visible pour les citoyens de l'Union.

Le Conseil européen a donc demandé à la Convention chargée d'élaborer la Charte, plus un travail de révélation que de création, plus un travail de compilation que d'innovation.

8. Mais, les conclusions de Cologne s'insèrent dans le moment historique que traverse la construction européenne. Une Charte des droits fondamentaux s'impose maintenant parce que l'Union européenne est entrée dans une phase nouvelle de son intégration, plus résolument politique. La Charte sera un jalon très important de cette Europe politique, qui est en train de se constituer en un espace intégré de liberté, de sécurité et de justice, conséquence même de la citoyenneté. Elle en constitue un indispensable instrument de légitimité politique et morale, aussi bien pour les citoyens que vis-à-vis de la classe politique, des administrations et des pouvoirs nationaux, ainsi que des opérateurs économiques et sociaux. Elle exprime les valeurs communes qui inspirent l'essence même de nos sociétés démocratiques.

9. La Charte combinerait pragmatisme et ambition, de façon optimale. Elle représenterait une réelle valeur ajoutée par rapport à la profusion de textes juridiques ou politiques existants dans le domaine des droits de l'homme en Europe.

La Charte est pragmatique, en ce qu'elle ne doit pas céder à la tentation de la « nouveauté à tout prix », en restant dans le cadre fixé par le mandat de Cologne.

Sa valeur ajoutée est cependant ambitieuse. Elle résulte notamment :

-du travail de codification réalisé à partir de sources d'inspiration diverses : Convention européenne des droits de l'homme, traditions constitutionnelles communes, Charte sociale européenne, Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, droit communautaire primaire et dérivé, conventions internationales diverses (Conseil de l'Europe, ONU, OIT), jurisprudence de la Cour de justice et de la Cour européenne des droits de l'homme ;

-de l'intégration dans la Charte, à côté des droits civils et politiques classiques et des droits du citoyen résultant des traités, des droits économiques et sociaux fondamentaux, « dans la mesure où ils ne justifient pas uniquement des objectifs pour l'action de l'Union » ;

-de la consécration de certains « droits nouveaux » qui, bien que déjà existants, ne sont pas encore explicitement consacrés au niveau de droits fondamentaux, en dépit des valeurs qu'ils visent à protéger, tels que la protection des données à caractère personnel et les principes de bioéthique ou le droit à une bonne administration.

10. Au-delà de la visibilité des droits fondamentaux, il faut souligner que la Charte apportera une significative sécurité juridique. Elle permettra ainsi d'améliorer le niveau de protection actuel des droits fondamentaux dans l'Union, en dépassant l'actuel système de nature essentiellement prétorienne.

Dans les traités actuels, l'article 6 du Traité de l'Union européenne est la norme de référence en matière de droits fondamentaux. Dans son paragraphe 1, il fixe les principes généraux sur lesquels se fonde l'Union et dont la violation grave et persistante peut mener à la mise en oeuvre du mécanisme de sanction de l'article 7 TUE. De son côté, le paragraphe 2 énumère les sources des droits fondamentaux respectés par l'Union, dont une au moins (les traditions constitutionnelles communes aux Etats membres) a un contenu difficilement saisissable. L'adoption de la Charte, même abstraction faite de sa nature juridique finale, donne un contenu précis aux droits fondamentaux visés à l'article 6, paragraphe 2. Cela pourrait également faciliter l'appréciation du contenu des principes énoncés à l'article 6 paragraphe 1, ainsi que celle des dispositions y renvoyant (articles 7 et 49 TUE).

11. La Charte s'adresse aux institutions et organes de l'Union, ainsi qu'aux Etats membres uniquement quand ils agissent dans le champ du droit de l'Union. Toutes les mesures prises dans ce champ pourront donc être appréciées au regard du catalogue de droits et libertés fixés par la Charte. Elle est donc un instrument de contrôle de l'exercice des compétences dévolues par les traités aux institutions et aux organes de l'Union, au regard de la protection des droits fondamentaux.

12. Au moment où l'Union développe une véritable Politique étrangère et de sécurité commune, dans laquelle le respect des droits fondamentaux joue un rôle essentiel, l'adoption d'un catalogue de droits permettra de donner une réponse claire à ceux qui accusent l'Union de faire usage de « deux poids et deux mesures » en matière de droits de l'homme, sur le plan externe et interne. Avec la Charte, l'Union se dotera d'un catalogue explicite, qu'elle devra elle-même respecter dans la mise en oeuvre de ses politiques tant internes qu'externes.

13. On ne peut éviter d'aborder les éventuelles répercussions de l'adoption de la Charte sur l'élargissement de l'Union. Il faut avant tout dissiper tous les doutes quant aux effets de la Charte à l'égard de l'élargissement. La Charte n'est pas un instrument ajoutant des conditions supplémentaires aux pays candidats. En réalité, l'acceptation de l'acquis communautaire, par exemple en matière de protection des données à caractère personnel, implique déjà l'acceptation et le respect des normes et principes qui figureront dans la Charte. La Charte vient, au contraire, expliciter les normes en matière de droits fondamentaux, apportant une sécurité juridique qui bénéficie autant aux pays candidats qu'aux citoyens en général. En cela, elle confirme sa nature de jalon très important de l'Europe politique.

14. Dans l'intérêt d'une réussite de la Charte, il convient non seulement de mettre en relief ses objectifs et sa valeur ajoutée, mais également d'exprimer, en toute clarté, qu'elle n'aura pas certaines implications dont la perspective a peut-être nourri, ici et là, quelques préoccupations :

a) La Charte ne sera un véhicule ni pour l'extension ni pour la réduction des compétences de l'Union et de la Communauté, telles qu'établies par le TUE et par le TCE. La Charte est neutre à l'égard de la répartition des compétences. Toute modification des compétences relèverait exclusivement de la conférence intergouvernementale et non de la Convention.

La neutralité de la Charte par rapport aux compétences de l'Union et de la Communauté résulte d'ailleurs de la nature même des droits fondamentaux. Etant donné qu'ils assurent la protection des individus contre les excès éventuels de la puissance publique, les droits fondamentaux ont pour objet principal de permettre le contrôle de l'exercice des compétences existantes à un niveau politique donné, quel que soit par ailleurs ce niveau.

Dans la mesure où les droits fondamentaux constituent aussi des valeurs guidant l'action de la Communauté et de l'Union, il est clair que cette action doit être menée dans le cadre des compétences de celles-ci et dans le respect du principe de subsidiarité. Ceci est vrai en particulier pour ceux des droits fondamentaux dont la mise en oeuvre exige des mesures d'application, et notamment pour les droits et principes sociaux.

b) La Charte ne demandera pas, comme les discussions au sein de la Convention l'ont montré, de modification des Constitutions des Etats membres. D'un côté, il est clair qu'elle ne remplace pas les Constitutions nationales dans son champ d'application, pour ce qui est du respect des droits fondamentaux au niveau national ; d'un autre côté, elle reprendra essentiellement des droits déjà existants dans différents textes, ainsi que dans les traités.

c) La Charte ne modifiera pas les recours et l'architecture juridictionnels offerts par les traités, car son dispositif ne prévoit pas d'ouvrir des voies d'accès nouvelles à la juridiction communautaire. Le droit à un tribunal, lequel peut être un tribunal communautaire ou national, sera mis en oeuvre, conformément aux voies juridictionnelles existantes :

-soit par un recours devant la Cour de justice, notamment selon les articles 230, 232 et 235/288 TCE, pourvu que les conditions de recevabilité respectives soient remplies,

-soit par une procédure judiciaire nationale aboutissant, le cas échéant, à une demande préjudicielle au sens de l'article 234 TCE.

d) La Charte n'implique, ni n'empêche, l'adhésion à la Convention européenne des droits de l'homme. L'élaboration de la Charte a de nouveau attiré l'attention sur la question de l'adhésion éventuelle de la Communauté ou de l'Union à la CEDH. Au vu du mandat conféré à la Convention par le Conseil européen de Cologne, il est clairement admis, depuis le début des travaux, que cette question n'est pas de la compétence de la Convention.

Mais l'existence d'une Charte n'amoindrira pas l'intérêt de l'adhésion, qui aurait pour effet d'établir une tutelle externe des droits fondamentaux au niveau de l'Union. De même, une adhésion à la CEDH ne priverait nullement d'intérêt l'élaboration d'une charte de l'Union européenne. La question est aussi d'actualité à la lumière de l'arrêt récent de la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg ayant pour objet un acte de droit communautaire primaire (requête nº 24 833/94 dans l'affaire Matthews contre Royaume Uni, arrêt du 18 février 1999).

3. Le contenu de l'avant-projet :

15. L'avant-projet appelle quelques observations générales reprises ci-dessous.

3.1. La structure

16. L'avant-projet comporte 52 articles, précédés d'un préambule introductif. En outre des dispositions générales reprises à la fin du texte (articles 49 à 52), les articles sont regroupés autour de six valeurs fondamentales : la dignité (articles 1 à 5), les libertés (articles 6 à 19); l'égalité (article 20 à 24); la solidarité (article 25 à 36) ; la citoyenneté (articles 37 à 44) et la justice (articles 45 à 48).

17. L'avant-projet est accompagné d'un exposé des motifs (Document CONVENT 46 annexé à la présente Communication) qui précise les sources sur lesquelles se fondent les articles repris dans la Charte (Traités communautaires, Convention de Rome de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, autres conventions internationale, la jurisprudence de la Cour de justice, par exemple). De l'avis de la Commission, cet exposé des motifs pourrait être un élément utile de l'interprétation ultérieure de la Charte.

3.2. La forme

18. Dans l'esprit des conclusions de Cologne, qui demandent l'élaboration d'une Charte des droits fondamentaux « afin d'ancrer leur importance exceptionnelle et leur portée de manière visible pour les citoyens de l'Union », une volonté de concision et de clarté a présidé à la rédaction de l'avant-projet.

3.3. La liste des droits

19. Conformément aux conclusions de Cologne et dans le respect du principe d'indivisibilité des droits fondamentaux, l'avant-projet reprend, tout en les répartissant selon la structure précitée, les droits de liberté et d'égalité, ainsi que les droits de procédure tels que garantis par la Convention de Rome et les traditions constitutionnelles communes des Etats membres, les droits fondamentaux réservés aux citoyens de l'Union et les droits économiques et sociaux fondamentaux.

20. Par rapport à la liste établie par le Présidium de la Convention comme base de discussion (CHARTE 4112/00), les travaux de la Convention ont amené à l'introduction explicite dans le projet d'autres droits : la liberté de la recherche scientifique (article 13) ; la liberté d'entreprise (article 16) ; la protection de la propriété intellectuelle (article 17) ; le droit à une bonne administration (article 39) ; le droit des enfants (article 23) ; l'accès aux services d'intérêt général (article 34) ; la protection en cas de licenciement injustifié (article 28). L'égalité, exprimée dans le projet du Présidium sous le seul angle de l'interdiction des discriminations, fait l'objet de deux articles spécifiques : l'un posant la règle de l'égalité des personnes devant la loi (article 20) ; l'autre l'égalité entre les hommes et les femmes (article 22). En outre, une référence aux devoirs des personnes, est faite dans le préambule.

21. A l'inverse, certains droits envisagés au départ n'ont pas été repris :

-soit parce qu'ils ont été considérés comme ne fixant que des objectifs politiques qui, en vertu des conclusions de Cologne, ne peuvent être repris dans la Charte, ceci étant le cas du droit au travail ou du droit à une rémunération équitable ;

-soit parce que, sans être exclus de la liste, ils découlent déjà implicitement d'autres dispositions de l'avant-projet, tel étant le cas par exemple du droit de grève, couvert par l'article 26 relatif au droit de négociation et aux actions collectives ou du droit à un revenu minimum qui relève de l'article 32 au titre de l'aide sociale.

22. C'est évidemment pour les droits économiques et sociaux que l'identification par la Convention des droits à reprendre dans l'avant-projet a été la plus difficile. C'est le cas du chapitre IV Solidarité (articles 25 à 36) ou des articles 15 (liberté professionnelle et droit du travail), 22 (égalité entre les hommes et les femmes), et 24 (intégration des personnes handicapées). On peut s'attendre à ce que ces droits constituent encore l'un des éléments les plus délicats pour l'émergence d'un consensus au sein de la Convention.

23. De manière générale, la Commission considère que les droits repris dans l'avant-projet, qu'il s'agisse des droits civils et politiques, des droits des citoyens et des droits économiques et sociaux, constituent un ensemble équilibré. Elle aurait certes préféré que certains droits reçoivent une formulation plus explicite ( comme le droit de grève couvert par l'article 26 relatif aux droits de négociation et d'actions collectives, la liberté syndicale reprise sous l'article 12 ou la dimension européenne de l'exercice de ces droits), voire même une formulation plus forte ( notamment pour la protection de l'environnement à l'article 35 ). Mais, la Commission considère cependant que l'avant-projet constitue une base adéquate pour qu'un consensus puisse se dégager au sein de la Convention.

3.4. Les titulaires des droits

24. Cette question qui semblait complexe au départ a été résolue d'une façon pragmatique : une réponse est apportée pour chaque droit repris dans l'avant-projet. Un large consensus existe à cet égard, consensus auquel la Commission adhère pleinement.

25. Dans le respect du principe d'universalisme des droits, la plupart des droits énumérés dans l'avant-projet sont donnés à toute personne.

Certains droits sont cependant donnés aux personnes répondant à une qualité spécifique :

-les enfants (article 23) ;

-les travailleurs pour ce qui concerne certains des droits sociaux,

-les citoyens de l'Union : la liberté de travailler, de chercher un emploi, de s'établir ou de prester librement des services dans tout Etat membre (article 15 2) ; l'accès égal aux prestations de sécurité sociale et à l'aide sociale dans un autre Etat membre (article 32 2) ; le droit de participer aux élections du Parlement européen (article 37) et aux élections municipales (article 38) ; la liberté de circulation et de séjour sur le territoire des Etats membres (article 43 1) et la protection diplomatique et consulaire (article 44),

-les citoyens de l'Union et les personnes résidant dans l'Union : le droit d'accès aux documents des institutions (article 40) ; la saisine du médiateur (article 41) et le droit de pétition devant le Parlement européen (article 42).

Il faut remarquer aussi que certains droits accordés aux citoyens de l'Union pourront être accordés aux ressortissants de pays tiers, tel étant le cas de la liberté de circulation (article 43 2).

Certaines dispositions ne posent pas des droits subjectifs qui puissent être directement invoqués par des individus, mais plutôt des principes opposables aux autorités communautaires ou nationales dans l'exercice de leurs compétences, législatives ou exécutives. Tel est notamment le cas de l'accès aux prestations de sécurité sociale (article 32 paragraphe 1), de l'accès aux services d'intérêt général (article 34), de la protection de l'environnement (article 35) ou de la protection des consommateurs (article 36).

3.5. La portée des droits garantis et leurs limitations

26. Les droits, à l'exception de certains d'entre eux, peuvent être limités dans leur exercice en vue de respecter d'autres intérêts légitimes, qu'il s'agisse d'intérêts publics, comme la lutte contre les infractions pénales ou d'intérêts privés, notamment lorsque les droits ou libertés d'autrui sont en cause.

La Commission soutient l'approche d'un article horizontal (article 50 1) susceptible de s'appliquer à la quasi-totalité des droits, approche qui reçoit désormais un large appui au sein de la Convention. Retenue de préférence à celle consistant à préciser sous chaque droit les limitations qui peuvent lui être apportées, cette approche, tout en évitant des répétitions alourdissant le texte, donne toutes les garanties nécessaires à une protection effective des droits. Les limitations ne peuvent porter que sur l'exercice du droit, sans remettre en cause son essence même ; elles doivent être prévues par l'autorité législative compétente au niveau national ou communautaire et être nécessaires pour des objectifs d'intérêt général poursuivis par l'Union ou pour d'autres intérêts légitimes dans une société démocratique ou pour la protection des droits et libertés d'autrui ; elles doivent enfin respecter le principe de proportionnalité.

27. S'agissant des droits repris des traités, il est prévu qu'ils s'exercent dans les conditions et limites définies par les traités (article 50 2).

3.6. Le niveau de protection

28. La Commission partage pleinement la volonté exprimée à l'article 51 de l'avant-projet visant à empêcher que l'interprétation de la Charte limite ou porte atteinte aux droits de l'homme et libertés fondamentales reconnus, dans leur champ d'application respectif, par les divers textes en vigueur au sein de l'Union.

29. De même, la Commission partage pleinement la volonté de veiller à ce que des conceptions divergentes des droits fondamentaux ne se développent pas en Europe, dans le cas où, contrairement aux souhaits qu'elle a formulés à de nombreuses reprises, une adhésion à la Convention de Rome ne pourrait se réaliser. C'est pourquoi, elle apporte son soutien à la disposition de l'avant-projet (article 50 3) qui vise à assurer une homogénéité entre l'interprétation des dispositions de la Convention de Rome et des dispositions correspondantes de la Charte, tout en respectant le principe de l'autonomie du droit communautaire.

3.7. Les autorités soumises au respect de la Charte

30. La Commission apporte son complet soutien à la solution retenue dans l'avant-projet (article 49 1) consistant à soumettre au respect de la Charte, les institutions et organes de l'Union, ainsi que les Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. Le champ d'application de la Charte couvrirait ainsi, de façon homogène, l'ensemble des activités menées par les institutions et organes de l'Union et par les autorités nationales dans les trois piliers de l'Union. Ceci couvrirait bien entendu les domaines plus particulièrement sensibles relatifs au maintien et au développement de l'Espace de Liberté, de Sécurité et de Justice.

Sur le plan juridique, cette solution est d'ailleurs en ligne avec la jurisprudence constante de la Cour de justice qui a rappelé, en de nombreuses occasions, l'obligation des Etats membres de respecter les droits fondamentaux dans l'application du droit communautaire.

31. Ainsi que déjà souligné plus haut, il est clair que l'élaboration de la Charte ne remet pas en cause, de quelque façon que ce soit, les compétences de l'Union ou le principe de subsidiarité. Les dispositions introduites à cet égard dans l'avant projet (article 49) et dans son préambule, ont une valeur déclaratoire qui est utile pour dissiper tout malentendu sur ce point. Loin d'étendre les compétences de l'Union, la Charte, en tant que somme des valeurs communes reconnues dans l'Union, sera, au contraire, l'instrument explicite permettant d'assurer le contrôle de l'exercice de ces compétences telles que fixées par les traités.

4. La nature juridique de la Charte

32. Au stade actuel des travaux, les considérations relatives au contenu de la Charte doivent continuer à retenir l'attention de façon prioritaire et ceci aussi longtemps que le projet de Charte n'aura pas été finalisé. En effet, c'est seulement en garantissant un niveau élevé d'ambition de la Charte que la question de sa nature juridique et de son insertion dans les traités présentera de l'importance.

33. Cette question a été posée par les chefs d'Etat et de gouvernement eux-mêmes. Les conclusions de Cologne précisent en effet, qu'après la proclamation conjointe de la Charte par le Parlement européen, le Conseil et la Commission : « il faudra examiner si, et le cas échéant, la manière dont la Charte pourrait être intégrée dans les traités. »

C'est d'ailleurs dans cette perspective que, dès le début de ses travaux, la Convention s'est orientée vers la rédaction d'un projet de Charte dont le contenu permettrait d'envisager une intégration dans les traités.

34. La Commission relève aussi que le Parlement européen, dans sa résolution adoptée en mars 2000, ainsi que plusieurs gouvernements des Etats membres, ont pris clairement position en faveur d'une intégration de la Charte dans les traités. Il en est de même pour de nombreuses organisations non gouvernementales.

35. Pour sa part, la Commission considère qu'en raison de son élaboration impliquant tous les pouvoirs législatifs et exécutifs nationaux et de l'Union représentés au sein de la Convention, la Charte, à condition bien sûr que son niveau d'ambition soit élevé, produira des effets « proclamatoires » indépendamment de la valeur juridique qui lui sera formellement attribuée.

Cependant, à la lumière de l'avant-projet, la Commission estime que l'intégration de la Charte dans les traités pourrait permettre de remédier à quelques faiblesses du système actuel de protection des droits fondamentaux dans l'Union. Ce système se caractérise en effet par une protection indirecte au travers des principes généraux de droit communautaire, une protection essentiellement prétorienne fixée par la jurisprudence au gré des affaires portées devant les juridictions et par une protection qui n'est pas immédiatement visible par les bénéficiaires directs.

36. Comme il a déjà été souligné plus haut, les conclusions du Conseil européen de Cologne posent également la question relative à la manière dans laquelle la Charte pourrait être intégrée dans les traités. A supposer que le Conseil européen soit enclin à attribuer une nature contraignante à la Charte et à l'intégrer dans les traités, il est évident que ceci impliquerait des conséquences importantes dans la dynamique politique actuelle de l'Union. Notamment, il faudrait se pencher sur les modalités techniques qui permettraient d'insérer la Charte à l'avenir dans les traités, suivant les méthodes propres aux révisions des traités.

37. C'est pourquoi, dès que le projet de Charte aura été finalisé et en fonction de son évolution, la Commission présentera une communication sur la question de la nature juridique de celle-ci.

5. Conclusions

38. En conclusion :

a) la Commission apporte son soutien de principe à l'avant-projet de Charte repris dans le document CONVENT 45 du 28 juillet ; elle comprend cependant que, suite aux observations qui ont été présentées par les membres de la Convention, des adaptations de l'avant-projet sont encore possibles et se réserve donc la possibilité de réexaminer le texte dans une phase ultérieure ;

b) la Commission présentera une communication sur la nature juridique de la Charte lorsque le projet de celle-ci aura été finalisé par la Convention.