31992D0262

92/262/CEE: Décision de la Commission, du 1er avril 1992, relative à une procédure d'application des articles 85 et 86 du Traité CEE (IV/32.450 - Comités armatoriaux franco- ouest-africains) (Les textes en langues espagnole, danoise, allemande, anglaise, française et néerlandaise sont les seuls faisant foi)

Journal officiel n° L 134 du 18/05/1992 p. 0001 - 0035


DÉCISION DE LA COMMISSION du 1er avril 1992 relative à une procédure d'application des articles 85 et 86 du traité CEE (IV/32.450 - Comités armatoriaux franco-ouest-africains) (Les textes en langues espagnole, danoise, allemande, anglaise, française et néerlandaise sont les seuls faisant foi.) (92/262/CEE)

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉES EUROPÉENNES,

vu le traité instituant la Communauté économique européenne,

vu le règlement (CEE) no 4056/86 du Conseil, du 22 décembre 1986, déterminant les modalités d'application des articles 85 et 86 du traité aux transports maritimes(1) , et notamment son article 11 paragraphe 1 et 19 paragraphe 2,

vu les demandes des 10 et 20 juillet 1987 tendant à faire constater une infraction et présentées conformément à l'article 10 du règlement (CEE) no 4056/86,

vu la décision de la Commission du 18 mai 1990 d'engager la procédure dans cette affaire,

après avoir donné aux entreprises intéressées (dont la liste figure en annexe) l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission et leurs autres observations conformément à l'article 23 paragraphe 1 du règlement (CEE) no 4056/86,

Après avoir entendu le Conseil national des chargeurs du Cameroun et le Conseil gabonais des chargeurs, conformément à l'article 23 paragraphe 2 du règlement (CEE) no 4056/86,

après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes dans le domaine des transports maritimes,

considérant ce qui suit:

I. LES FAITS Introduction

(1) La présente décision fait suite à des plaintes déposées respectivement par l'Association des armateurs danois et le gouvernement danois, au titre de l'article 10 du règlement (CEE) 4056/86, visant à faire constater des infractions aux règles de concurrence commises par des compagnies maritimes opérant entre les ports français et les ports desservant onze États de l'Afrique de l'Ouest et du Centre, dans le cadre d'ententes qualifiées de «comités armatoriaux»(2) , dont l'objet est d'assurer, entre leurs membres, un partage des cargaisons transportées par navires de ligne.

A. Le marché

1. Les services de transports de ligne

(2) La présente décision vise des pratiques observées sur le marché des services assurés par des navires de ligne pour le transport de marchandises diverses (general cargo) entre la France et les pays suivants: Sénégal, Gabon, République centrafricaine, Niger, Burkina Faso, Guinée, Congo, Mali, Togo, Bénin et Cameroun.

Ces services de transport sont normalement offerts à partir ou à destination de ports français mais peuvent également être assurés à partir ou à destination de ports situés dans des États membres de la Communauté voisins de la France.

(3) Les échanges commerciaux entre la France et les pays d'Afrique de l'Ouest (voir données chiffrées en annexe II) peuvent être opérés par les voies suivantes:

i) transport aérien: ce mode de transport ne concerne que des quantités limitées de marchandises à haute valeur ajoutée. Exprimé en tonnage cette part de trafic est négligeable;

ii) transport par tramps: il s'agit de navires spécialement affrétés par les chargeurs pour le transport en vrac de catégories particulières de marchandises pour lesquelles ces navires sont spécialement équipés (pétrole, minerais, céréales, etc.);

iii) transport de ligne: il s'agit de services réguliers assurant le transport de marchandises diverses (general cargo); sur les liaisons euro-africaines les compagnies maritimes disposent de navires porte-conteneurs, mais aussi de navires break-bulk ou conventionnels pouvant transporter certaines marchandises en vrac (grumiers, bananiers) ou de navires mixtes pouvant transporter à la fois des conteneurs et des marchandises en vrac.

(4) Les services de transports de ligne constituent un marché distinct de celui constitué par les services de transport par tramps. Cette spécificité s'est renforcée au cours des années récentes en liaison avec la généralisation des services de ligne par conteneurs: ce nouveau mode de transport permet de tels gains de productivité par rapport au transport de type traditionnel (selon certaines études ce gain de productivité serait de l'ordre de 1 à 3 et atteindrait même 1 à 7 en ce qui concerne les opérations portuaires qui peuvent être réalisées beaucoup plus rapidement, permettant une rotation accélérée des navires)(3) que le transport en vrac, sur des navires affrétés, de marchandises conteneurisables ne constitue plus une alternative économiquement justifiable. Par ailleurs l'affrètement de navires ne peut se justifier (pour des marchandises non conteneurisables) qui si le chargeur considéré dispose d'une cargaison suffisamment importante ou cherche au coup par coup à s'associer à d'autres chargeurs.

(5) Le secrétariat des comités armatoriaux (Secrétama) a, à la demande de la Commission, procédé à une estimation du trafic de ligne entre la France et certains des onze États africains cités au considérant 2 (Sénégal, Togo, Bénin, Gabon, Congo, Niger). Se référant à la balance commerciale établie par les douanes françaises en quatre-vingt-dix-neuf postes, Secrétama a estimé que faisaient l'objet de transport de vrac (principalement sur navires affrétés et, marginalement, par navires de ligne équipés pour transporter des marchandises en vrac) les postes suivants: «céréales», «acier», «sucre», «huiles et combustibles minéraux» et «malt»; un armateur hors conférence, actif sur le trafic entre l'Europe et l'Afrique de l'Ouest, a suggéré qu'il conviendrait d'ajouter à cette liste les postes «minerais métallurgiques» et «sel, soufre». Les autres catégories de marchandises seraient transportées par navires de ligne.

Cette approche est en substance confirmée par l'expert en économie maritime cité par les parties françaises des comités armatoriaux, qui suggère que le trafic potentiel des lignes régulières entre l'Europe et l'Afrique de l'Ouest doit être estimé à partir des statistiques du commerce extérieur produites par Eurostat en défalquant de ces données les chiffres des catégories 10 (céréales), 25 (sel, soufre), 27 (combustibles minéraux) et 89 (navigation maritime ou fluviale).

(6) Ces estimations conduisent la Commission à considérer que les services de ligne constituent le moyen de transport exclusif pour la plus grande partie des catégories de produits faisant l'objet d'échanges commerciaux entre la France et l'Afrique de l'Ouest et du Centre, notamment les marchandises conteneurisables ainsi que, pour une part, des marchandises transportées en vrac.

(7) En 1989 (dernières données disponibles), les échanges commerciaux entre la France et les onze États d'Afrique de l'Ouest et du Centre mentionnés au considérant 2 ont atteint un montant global de 9,4 millions de tonnes à l'importation (vers la France) et de 1,61 millions de tonnes à l'exportation.

En 1980, ces montants s'établissaient respectivement à 5,2 millions de tonnes et 2,3 millions de tonnes.

Il est à relever que la forte progression globale des importations françaises est due à l'accroissement des achats de matières premières (essentiellement le pétrole exploité au Gabon, au Cameroun et au Congo) qui ne sont normalement pas transportées par navires de ligne. En revanche, la baisse du flux de marchandises dans le sens nord-sud (- 29 %) a directement affecté les services de transport de ligne.

En dépit de cette évolution négative, qui résulte principalement des difficultés auxquelles sont confrontées les économies des États d'Afrique de l'Ouest et du Centre, et malgré les gains de productivité qui ont résulté notamment de la généralisation du transport par conteneurs(4) , les conférences Mewac (Mediterranean West Africa Conference) et Cowac (Continent West Africa Conference) (section sud), auxquelles appartiennent la plupart des membres des comités armatoriaux, ont pu relever leur tarif général de, respectivement, 39 % et 34 % de 1980 à 1985 pour les stabiliser à ce niveau de 1985 à 1989.

2. L'offre des services de ligne

(8) L'annexe I de la présente décision reprend la liste des compagnies maritimes membres des comités armatoriaux. Ces compagnies sont, avec la compagnie danoise Maersk Line, les seules à offrir des services de transports de ligne réguliers entre les ports français et ceux desservant les onze États africains cités au considérant 2.

B. L'environnement juridique

Il a été allégué par les armateurs français membres des comités armatoriaux que la mise en place de ces comités ainsi que l'ensemble des pratiques visées par les plaintes résulteraient de la volonté des pouvoirs publics concernés exprimée au travers de textes ayant force juridique. Avant d'examiner les modalités de fonctionnement et les pratiques des comités armatoriaux, il convient donc de prendre en compte l'environnement juridique dans lequel s'insère leur activité.

1. Le code de conduite de la CNUCED

(9) Jusqu'aux années qui ont suivi la deuxième guerre mondiale, les trafics de ligne entre l'Europe et l'Afrique de l'Ouest et du Centre étaient exploités par les seuls armements européens organisés pour la plupart en conférences maritimes.

La volonté exprimée par les États africains, dès leur indépendance, de participer activement au trafic généré par leur commerce extérieur s'est manifestée par:

- la constitution de compagnies maritimes nationales,

- l'insistance de ces compagnies à être admises au sein des conférences et à bénéficier, dans ce cadre, d'un système «équitable» de partage des cargaisons.

(10) Ces revendications ont abouti en 1974 à l'adoption par la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED) d'un code de conduite pour les conférences maritimes de ligne qui prévoit notamment que les armements nationaux des pays situés de part et d'autre d'une liaison maritime donnée se partagent à parts égales les cargaisons transportées par la conférence opérant sur cette liaison, les armements des pays tiers membres de la conférence étant admis à participer au trafic transporté par cette conférence pour une part significative, de l'ordre de 20 %.

Cette disposition s'est généralement traduite par l'application par les conférences d'une clef de répartition dite des 40:40:20, soit: 40 % de la cargaison conférentielle à chacun des armements nationaux des pays situés de part et d'autre d'une liaison bilatérale donnée et le résidu (20 %) aux armements des pays tiers membres de la même conférence.

La clef de répartition 40:40:20 a été en principe adoptée par les deux conférences maritimes opérant entre la France et l'Afrique de l'Ouest et du Centre, à savoir Mewac à partir et à destination des ports français méditerranéens et Cowac, à partir et à destination des ports de la façade occidentale de la France. La plupart des membres des comités armatoriaux sont également membres de ces conférences (voir en annexe).

2. Les résolutions de la CMEAOC

(11) En 1975 les ministres africains des transports des États de l'Afrique de l'Ouest et du Centre ont mis en place un organisme permanent de concertation sous le nom de Conférence ministérielle des États de l'Afrique de l'Ouest et du Centre pour le transport maritime (CMEAOC).

Cet organisme a adopté au cours de plusieurs sessions des résolutions relatives au développement de flottes marchandes africaines qui, notamment, invitent les États membres à adopter des réglementations maritimes visant à:

- réserver en priorité du fret au bénéfice de leurs armements nationaux,

- adopter des systèmes de contrôle du fret sur la base de la clef de répartition 40:40:20.

Ces résolutions se réfèrent, pour la plupart, au code de conduite de la CNUCED, et concernent donc le trafic de ligne.

Toutefois d'autres résolutions de la CMEAOC portent sur l'extension au secteur des vracs (qui n'est pas couvert par le code CNUCED) des mesures destinées à assurer la participation des États d'Afrique de l'Ouest et du Centre au transport engendré par leur commerce extérieur.

3. Les réglementations des États d'Afrique de l'Ouest et du Centre

(12) Les États africains dont les relations maritimes de ligne avec la France sont couvertes par l'activité des comités armatoriaux ont adopté(5) , sur la base des résolutions de la CMEAOC, des réglementations relatives au partage des cargaisons. Ces réglementations:

- bien que se référant au code de conduite de la CNUCED, sont, dans la plupart des cas applicables à l'ensemble du fret engendré par le commerce extérieur de chacun des États considérés, y compris le fret transporté par navire de tramp; seule la réglementation du Mali limite au seul trafic de ligne l'application de la clé de répartition 40:20:20(6) ,

- confient à des organes administratifs ou parapublics africains, et non pas aux armateurs, la charge d'opérer la répartition des cargaisons; seuls trois États africains sur les onze cités au considérant 2 ont adopté des réglementations prévoyant la mise en place de comités d'armateurs chargés d'opérer une répartition du trafic.

4. Les «accords bilatéraux»

(13) Le 3 novembre 1981 le directeur général de la Société togolaise de navigation maritime et le directeur de la flotte de commerce au ministère français de la mer sont convenus «de mettre en place pour une période d'essai de six mois un système de répartition des transports des marchandises françaises ou togolaises du commerce bilatéral chargées sur les navires de lignes régulières de conférence, des ports français vers les ports du Togo (et vice versa), selon les principes du code de conduite des conférences maritimes et notamment sa clé de répartition des cargaisons (soit 40 % pour les armements de chacun des deux pays, et 20 % pour les armements des pays tiers)». La mise en place d'un comité de programmation a été prévue à cet effet.

(14) Les 9 et 10 février 1981 des «délégations des ministères chargés de la marine marchande en France et au Sénégal se sont rencontrées à Dakar» et ont eu des entretiens dont le contenu a donné lieu à un procès-verbal. Ces entretiens ont permis d'élaborer un «projet de protocole» prévoyant «pour une période transitoire» la mise en place d'un «comité de la desserte maritime entre la France et le Sénégal . . . chargé d'organiser le transport maritime de ligne régulière entre la France et le Sénégal selon la clé de répartition 40:40:20».

Les deux administrations s'engageaient à «contrôler la bonne application du système» au travers d'une «commission mixte maritime chargée notamment de contrôler les relations maritimes entre les deux pays».

Cette commission mixte ne s'est jamais réunie.

(15) Le 17 février 1977, la France et le Gabon ont conclu un «accord de coopération en matière de marine marchande». L'article premier de cet acccord dispose que: «les deux parties s'accordent réciproquement les mêmes droits en ce qui concerne la navigation des navires battant leur pavillon respectif. En tout état de cause, les navires battant pavillon de l'une des deux parties ne jouiront pas dans les ports et les eaux territoriales de l'autre partie d'un traitement moins favorable que celui accordé à la nation la plus favorisée.» L'article 4 dispose que: «en application de l'article 1er ci-dessus pour le transport des marchandises échangées entre la France et le Gabon et empruntant la voie maritime, quel que soit le port d'embarquement ou de débarquement, tout armement relevant de l'un des deux pays ne jouira pas dans l'autre d'un traitement moins favorable que l'armement national au cas où y serait appliquée une réglementation sur le partage des cargaisons.»

C. Le comportement des entreprises

1. Les accords armatoriaux

a) Modalités générales

(16) Les onze textes constitutifs des comités armatoriaux se présentent sous des formes et des intitulés divers selon les relations bilatérales en cause(7) .

Ces documents de base sont généralement complétés par des «textes d'application» tels que des avis aux armateurs et aux chargeurs émis par le secréteriat du comité (Secrétama), ou des «modalités pratiques d'application».

Les signataires de ces accords bilatéraux sont les armements français et la compagnie nationale battant pavillon de l'État africain concerné. Dans certains cas (Guinée, Cameroun, Mali, Gabon), les accords sont, de plus, contresignés, par les organismes chargés, contre rétribution, d'assurer le contrôle de leur application, à savoir, du côté français, la société Secrétama et, du côté africain, le conseil des chargeurs(8) .

b) Objet des accords armatoriaux

(17) Les accords armatoriaux visent essentiellement les objectifs suivants:

- assurer une «répartition équilibrée du trafic» entre le pavillon français et celui de l'armement africain concerné «sans négliger la part normale du pavillon tiers»; cette répartition est opérée selon une clef 40 : 40 : 20 issue du code de conduite de la CNUCED (voir considérant 10) mais s'étend, dans le cas des comités armatoriaux, à la totalité du trafic,

- application de cette règle de partage à toutes les marchandises (de toute nature) d'origine français (dans le sens nord-sud) ou en provenance de l'État africain concerné (dans le sens sud-nord) transportées par des navires de lignes régulières. Il est précisé(9) que, «dans un premier temps», cette répartition est limitée aux marchandises chargées ou déchargées dans les ports français et que sont exclues de l'accord les marchandises transitant par le territoire français ou celui de l'État africain concerné.

c) Règles de fonctionnement

(18) Les accords armatoriaux prévoient les règles générales de fonctionnement suivantes, avec certaines variantes selon les trafics bilatéraux en cause: réunion nensuelle à une date fixe d'un comité(10) qui, compte tenu:

- des performances déjà réalisées par chaque armement pendant la période de référence précédente,

- des quotas alloués à chaque armement,

- du flux prévisionnel de trafic,

détermine, pour chaque armement «une autorisation de chargement». L'ensemble des autorisations de chargement (en unités payantes) délivrées aux armements des pays tiers ne peut dépasser 20 % de la totalité du trafic considéré(11) .

(19) Les accords armatoriaux prévoient la mise en place d'un dispositif de contrôle du respect par les armements membres du comité des allocations qui leur sont allouées.

À cette fin, Secrétama(12) , dans le sens nord-sud, et le conseil des chargeurs de l'État africain considéré(13) , dans le sens sud-nord visent, pour chaque chargement, les manifestes qui doivent obligatoirement leur être présentés par les armements.

Les armements doivent, par ailleurs, fournir les données à partir desquelles Secrétama établit des statistiques des réalisations des comités armatoriaux.

Secrétama et les conseils africains de chargeurs disposent du pouvoir de procéder à des contrôles physiques des chargements.

Ces organismes de contrôle assurent leurs prestations pour le compte des comités armatoriaux contre rémunération par les membres de ces comités.

Il est à noter par ailleurs qu'un des accords armatoriaux (France-République centraficaine) impose aux organismes de contrôle (Secrétama et conseil centrafricain des chargeurs) de «rendre compte à l'Armement national centrafricain et à l'armement français, au moins une fois par mois, de la bonne application de l'accord et en particulier, de la situation des réalisations des deux pavillons nationaux ainsi que du pavillon tiers».

(20) Un dépassement des allocations peut donner lieu, selon le cas, soit à un ajustement au cours du mois suivant, soit, en cas, notamment, de dépassements répétés, à la perception par les autorités africaines d'une amende.

Dans plusieurs cas (comités France-Mali, France-Guinée, France-Niger, France-Burkina Faso, France-Congo), l'accord armatorial prévoit à cette fin que: «tout cas de non-application des modalités pratiques de mise en oeuvre de l'organisation du trafic, sera signalé aux intéressés à toutes fins utiles». L'accord armatorial France-République centrafricaine est plus explicite: «les infractions aux dispositions de l'accord (chargement sans agrément, dépassement des droits, non-visa des manifestes . . .) sont immédiatement signalées par Secrétama au Conseil centrafricain des chargeurs afin que soient appliquées aux contrevenants les dispositions prévues dans ce cas par la réglementation centrafricaine». De même, l'accord France-Mali prévoit-il que: «l'Office national des transports et les structures maliennes dans les ports de transit appliqueront aux contrevenants, en relation avec les autorités compétentes au pays de transit, les sanctions prévues par la réglementation malienne aussi bien dans le trafic nord-sud que dans le trafic sud-nord».

2. La mise en oeuvre des accords armatoriaux

a) Extension du partage des cargaisons à la totalité du trafic

(21) Les comités armatoriaux procèdent, comme prévu par les accords qui les constituent, à un partage entre leurs membres de la totalité des onze trafics de ligne qu'ils gouvernent; cela exclut qu'une concurrence puisse être exercée sur les membres de ces comités par des armateurs indépendants non agrées par les comités. La Commission n'a d'ailleurs pas connaissance qu'une compagnie maritime ait pu assurer, de façon significative et durable, des services réguliers de ligne sur les routes maritimes contrôlées par les comités armatoriaux en l'absence d'agrément par ces derniers.

Cette situation ressort clairement des pièces suivantes:

i) Note du mois d'avril 1989 d'un dirigeant de Delmas ayant exercé des fonctions de président de comités armatoriaux et de cogérant de Secrétama; cette note qui a pour objet de recommander l'extension à d'autres trafics euro-africains du système des comités armatoriaux franco-africains, résume ainsi la position des comités en ce qui concerne le champ d'application du partage de cargaisons: «il apparaît essentiel de ne pas transiger sur ce point car il serait à la fois inefficace et illogique de ne partager qu'une partie du trafic de ligne, tout en laissant les outsiders libres de toute action. Ce serait au surplus la fin du régime conférentiel . . .»

ii) Note datée du 2 mars 1988 dans laquelle le même auteur, préconisant toujours l'extension à d'autres trafics euro-africains du système des comités armatoriaux, confirme que l'objet de ces derniers est d'opérer un partage de cargaisons entre armateurs membres de conférences et armateurs independants agréés: «cette idée consiste en "un toit" ou "parapluie" neutre (type Secrétama) sous lequel s'abriteraient la Cowac et les outsiders réguliers. Il vaut mieux ne pas insister sur le fait que ce système existe déjà sur d'autres trafics (il a fait l'objet de plaintes danoises auprès de la Commission européenne).»

iii) Compte-rendu du 1er mars 1988 d'une réunion (toujours consacrée à l'extension à d'autres trafics du mécanisme des comités armatoriaux): «the relevant Conference lines agree in principle on a sharing of the national share between themselves and the independent lines of the same flag. Of course this could not be written in the minutes and neither was it noted the way the sharing of the totality of the trade is envisaged. The idea is to get together, under a single roof or umbrella, the Conference and the independent lines. This roof can be called a neutral body (of the Secrétama type).»

iv) Télex du 16 juin 1988 dans lequel la compagnie allemande Woermann annonce à Cowac la mise en place entre la République fédérale et le Nigeria d'un mécanisme similaire à celui des comités armatoriaux ainsi décrit: «such scheme will cover all German cargo shipped and received via whatever port of loading/discharge and administered by a neutral body very soon now being established in Germany. Through that scheme the necessary programming arrangements will be made along the experience gained in other continental countries already (Secrétama shipowner committees) where no major problems exist.»

v) Procès-verbal de la réunion du 2 juin 1986 du comité armatorial France-Sénégal au cours de laquelle le président de ce comité: «a relevé que des chargements sur navires tiers hors conférence de/vers Dakar échappent au contrôle du comité». Cette intervention, ainsi formulée, vise, de toute évidence, à attirer l'attention des participants à la réunion sur une situation incidente et considérée comme anormale. Si les membres du comité étaient soumis à une concurrence habituelle et régulière de la part d'opérateurs extérieurs cela serait su d'eux et le président n'aurait pas à «relever» une telle évidence.

vi) Préambule du formulaire adressé par Secrétama le 8 avril 1981 aux armements désireux d'opérer entre la France et le Sénégal: «nous avons pris note de votre intention de participer au trafic entre la France et le Sénégal . . . Nous tenons à vous informer que cette participation implique, de votre part, pour obtenir votre agrément auprès du comité armatorial, votre accord sur un certain nombre de principes . . .» Le lien logique ainsi établi entre l'intention d'une compagnie de participer à un trafic bilatéral et son agrément par le comité armatorial concerné atteste l'impossibilité pour cette compagnie d'opérer sur ce trafic sans cet agrément.

vii) «Avis aux armements» émis par Secrétama le 8 avril 1981: «Nous tenons à rappeler aux armements intéressés au trafic entre la France et le Sénégal qu'ils doivent, pour être agréés sur ce trafic, prendre contact avec le secrétariat désigné par le comité armatorial comme secrétariat à Paris. Il est en outre précisé, pour éviter tout malentendu, que depuis le 1er avril 1981, le visa des manifestes de chargement par les contrôleurs de Secrétama est obligatoire pour le trafic en cause.»

viii) Lettre du 7 mars 1986 à Maersk Line par laquelle Secrétama attire l'attention de l'armement danois «sur le fait, qu'actuellement la part de trafic franco-sénégalais attribuée aux pavillons autres que français et sénégalais, dans le cadre de l'accord bilatéral correspondant, est déjà absorbée par un très grand nombre d'armements. Ajouté aux armements franco-sénégalais, ce trafic est déjà plus que suffisamment couvert réduisant ainsi les tonnages mensuels à enlever par chaque ligne à des proportions ridiculement minuscules. Nous sommes certains qu'un armement de ligne traditionnel comme le vôtre comprendra aisément l'inutilité d'ajouter des capacités supplémentaires sur ce trafic et qu'il ne saurait ainsi maintenir une demande d'y participer.» Il apparaît bien ainsi que l'offre éventuelle de nouvelles capacités ne pourrait être envisagée, de l'aveu de Secrétama, qu'au travers d'une entrée de Maersk dans le comité armatorial et que, à l'inverse, l'exclusion de Maersk de ce comité signifie son exclusion du trafic.

b) Effets du partage de cargaisons étendu à la totalité du trafic

(22) Le partage de cargaisons opéré selon les modalités décrites au considérant 18 est opéré armement par armement. Ainsi, si globalement les armements battant pavillon français disposent en principe, de droit, de 40 % du trafic bilatéral la répartition entre eux de ces 40 % est prédéterminée. De même un partage des 20 % alloués aux armements tiers est opéré armement par armement. Aussi la mise en oeuvre des accords armatoriaux a-t-elle pour principal effet de geler les parts de marché au sein du quota alloué aux armements français et tiers, soit, 60 % du trafic de ligne concerné.

(23) L'effet second de ce partage - même s'il est présenté comme la seule justification de l'existence des comités armatoriaux - est de réserver à l'armateur du pays africain concerné les 40 % de cargaisons restants. Toutefois seules les compagnies maritimes camerounaise et gabonaise, qui disposent chacune de deux navires, sont en mesure d'exploiter une partie de cette allocation. Les autres armateurs (ainsi que les compagnies camerounaise et gabonaise pour la part de cargaisons qu'elles ne peuvent transporter elles-mêmes) cèdent les droits de trafics correspondant à l'allocation de 40 %.

Les armateurs africains sont tous membres soit de Cowac, soit de Mewac, soit de ces deux conférences dont les règlements internes prévoient que les compagnies membres ne peuvent se livrer à des opérations d'échanges ou d'affrètement d'espaces qu'auprès d'autres membres de la conférence. Il en résulte que les droits de trafic africains sont nécessairement cédés à des armateurs conférentiels membres des comités armatoriaux(14) . Il résulte également de ce dispositif que les armateurs qui, en vertu des règles de partage appliquées par les comités armatoriaux, bénéficient des allocations de cargaisons les plus substantielles sont les mieux placés pour exploiter les prétendus droits de trafic africains: étant assurés de pouvoir transporter un volume minimal de cargaisons en vertu de leurs propres droits de trafics, ils sont susceptibles d'assurer le transport de toute cargaison supplémentaire à un moindre coût marginal que leurs concurrents qui ne se voient allouer que des cargaisons plus modestes. Cet avantage joue en faveur des compagnies nationales françaises qui ne sont que quatre ou cinq (regroupées en deux entités) à se partager les 40 % alloués au pavillon français(15) alors que les 20 % alloués aux pavillons tiers sont répartis entre un nombre de compagnies qui atteint dans certains cas la vingtaine (annexe I).

(24) Il apparaît ainsi que, si le mécanisme mis en place par les accords armatoriaux n'a aucunement favorisé l'émergence de flottes de ligne africaines il renforce, en revanche, la position commerciale des armements français sur les trafics en cause. En contrepartie, la partie africaine est intéressée aux résultats financiers des armements qui opèrent effectivement sur ces trafics, au travers de:

- la rémunération versée par les armateurs à l'organisme chargé, du côté africain, de contrôler le partage du trafic (voir considérant 19),

- la commission versée aux armements africains pour rétrocession de leurs droits de trafics aux armements qui disposent de navires pour exploiter ces droits.

c) Fermeture du trafic

(25) Les comités armatoriaux ne peuvent contrôler efficacement leurs trafics respectifs que si ceux de leurs membres qui chargent au-delà de leurs allocations sont sanctionnés, de même que les armements indépendants qui chercheraient à opérer sans l'agrément des comités. C'est pourquoi les membres des comités ont cherché à obtenir des autorités africaines l'adoption de réglementations protégeant leurs activités et prévoyant des sanctions, lorsque de telles réglementations n'étaient pas encore en vigueur. C'est ce que confirme le président du comité France-Sénégal dès 1981 (note du 19 mai 1981): «. . . tout le dispositif prévu est prêt à fonctionner du coté des armateurs . . . il est évident que tout ceci sous-entend qu'entre-temps aura été mis en place un système efficace de sanctions administratives contre les armateurs qui contreviendraient aux règles de la répartition du trafic». Cette approche est confirmée dans une note ultérieure dans laquelle le même auteur, préconisant l'extension à d'autres trafics euroafricains du dispositif des comités armatoriaux indique que (note d'avril 1989): «tout cela . . . suppose un contrôle à destination (dans les ports africains) des manifestes dûment visés et l'application de sanctions pour non-respect de la réglementation maritime ainsi mise en place». Les pièces suivantes se rapportent aux efforts déployés par des armements membres des comités armatoriaux en vue d'obtenir l'adoption par les autorités africaines de mesures prévoyant des sanctions à l'encontre des armements qui ne respecteraient pas la discipline des comités:

i) Télex du 30 juin 1981 adressé aux autorités sénégalaises: «les armateurs nationaux français du comité armatorial . . . sont très heureux d'apprendre la signature imminente de l'arrêté concernant les sanctions à appliquer aux armateurs contrevenant à la réglementation du trafic maritime arrêtée par le comité armatorial. Dès que cette signature sera intervenue, les armateurs nationaux français sont prêts à porter la rétrocession à 10 %.» (Il s'agit de la commission versée par les armements français à la compagnie maritime sénégalaise pour l'exploitation de ses droits de trafic.)

ii) Procès-verbal de la réunion du 30 juin 1987 du comité armatorial France-Burkina au cours de laquelle le représentant du Conseil burkinabé des chargeurs (CBS) s'inquiète de constater que l'application de la clé de répartition 40:40:20 s'exerce, en fait, au détriment de la partie burkinabé et demande que soient modifiées les modalités de cette application; l'échange de vues est ainsi rapporté: «L'armement français accepte sous réserve que le trafic soit entièrement bouclé. Le CBS estime que le bouclage du trafic ne doit pas être considéré comme une condition.»

iii) Procès-verbal de la réunion du 28 juillet 1988 du comité armatorial France-Mali:

L'armement français au cours de la discussion souligne la nécessité d'aboutir à un fonctionnement efficace de cet accord(16) et insiste sur les dispositions qu'il sera nécessaire de prendre au Mali afin d'obtenir un contrôle sans faille du système mis en place. Il relève notamment qu'il conviendra de disposer rapidement de textes réglementaires permettant d'appliquer effectivement aux contrevenants (chargeurs et armateurs) les sanctions.»

iv) Document de travail de juin 1987 remis au président de la Société de navigation malienne par le directeur des relations extérieures de la compagnie française Delmas, dans la perspective de la mise en place du comité armatorial France-Mali dans lequel il est indiqué que: «l'intervention des autorités maliennes est nécessaire pour fixer des sanctions pour tout manquement à la réglementation du trafic concerné. (. . .) Dans un système de partage basé sur la coopération entre armateurs nationaux des deux pays partenaires, les sanctions s'appliquent essentiellement aux armateurs. Mais les chargeurs ont également des obligations, en particulier celle d'indiquer sur le connaissement la destination malienne des marchandises. Un manquement à cette obligation doit également être sanctionné. Plusieurs exemples de décisions portant sanctions ont été mis à la disposition des autorités maliennes.» Ces exemples de décisions concernent des infractions commises sur des trafics autres que France-Mali, où des comités armatoriaux étaient déjà opérationnels.

v) Lettre du 29 juillet 1988 adressée au directeur général le l'Office national des transports (Mali) et au président de la Société de navigation malienne, par l'armement national français (SNCDV-Delmas, Société navale de l'Ouest et Société navale caennaise), dans laquelle ce dernier «se félicite de l'heureux aboutissement des entretiens qui viennent d'avoir lieu avec ses partenaires maliens et qui se traduit par la signature d'un accord relatif à l'organisation du trafic maritime entre la France et le Mali. Il souhaite que cet accord se traduise par une organisation efficace du trafic maritime entre les deux pays au profit des deux parties. À cet égard il assure ses partenaires maliens de sa collaboration complète dans ce domaine en vue d'aboutir aux résultats recherchés et pour sa part souhaite que, de leur côté, ses partenaires mettent en place le plus rapidement possible le dispositif réglementaire permettant le suivi complet de l'organisation du trafic et le redressement des irrégularités qui pourraient être constatées.»

vi) Procès-verbal de la réunion du 30 juin 1987 du comité armatorial France-Burkina: «SNCDV pose le problème de la maîtrise du trafic et de son contrôle. (. . .) Secrétama demande ce qui se passe en cas de présentation de manifestes non visés. SNCDV informe que dans d'autres pays existe une solidarité entre les douanes et les conseils de chargeurs permettant un contrôle strict du trafic. Sur question de SNO, M. Bouda précise que l'arrêté portant sur les sanctions a été mis au point . . . Sur une autre question de SNO, le CBC précise que la sanction visera l'armateur.»

vii) Procès-verbal de la réunion du 9 décembre 1987 du comité armatorial France-Gabon: «SNCDV rappelle l'absence d'un texte juridique prévoyant des sanctions à l'arrivée au Gabon. Il précise que la partie française serait heureuse de connaître les sanctions prévues pour les détournements de trafic. Il insiste sur le fait que, compte tenu de la tendance libérale qui prévaut en Europe et pour garantir les résultats, l'armement français est obligé de compter sur la partie gabonaise et sur la mise en vigueur de certaines législations en Afrique.»

(26) L'on peut tirer de plusieurs pièces versées au dossier la conclusion que la seule adoption par les autorités africaines de réglementations prévoyant des sanctions à l'encontre des armateurs ne respectant pas la discipline des comités armatoriaux n'implique pas que ces sanctions aient effectivement été appliquées par ces autorités. C'est pourquoi les membres des comités armatoriaux se sont employés à obtenir cette application effective. Cela ressort notamment des pièces suivantes:

i) Procès-verbal de la réunion du 6 mai 1987 du comité France-Sénégal: «. . . les armements insistent sur le fait que, dans le cadre de l'organisation actuelle, ce n'est qu'à destination qu'un contrôle efficace des contrevenants peut être effectué, notamment par l'examen des manifestes . . . Cosenam, pour sa part, estime que les amendes ne sont pas assez dissuasives pour empêcher MAERSK Line de charger. SNCDV propose alors une prise de contact des armements avec les douanes sénégalaises. Il est décidé d'organiser une entrevue entre une délégation des armements, la marine marchande sénégalaise et la direction des douanes.»

ii) Procès-verbal de la réunion du 11 septembre 1986 du même comité: «SNCDV souhaite rappeler la demande de contrôle des chargements effectués par un armement outsider au départ de France, qui avait été formulée lors de la dernière réunion plénière. Monsieur Sarr(17) fait alors observer qu'à son point de vue il appartient aux autorités françaises de prendre des dispositions pour empêcher ces chargements . . . Le président fait remarquer que, dans le contexte actuel, on ne peut escompter de la part des autorités françaises une telle mesure . . . SNO souligne qu'il convient d'être réaliste. Un certain nombre de règles de fonctionnement du comité armatorial a été mis au point; les moyens permettant de sanctionner les contrevenants sont au Sénégal et non en France.» Il apparaît donc ainsi, dans ce cas d'espèce, qu'un armement français (SNCDV-Delmas) avait, dès la réunion précédant celle faisant l'objet du compte-rendu, demandé qu'un armement outsider, c'est-à-dire non agréé par le comité armatorial, soit sanctionné pour avoir chargé vers le Sénégal. Il n'a apparemment pas été donné suite à cette requête. C'est pourquoi SNO, venant appuyer la demande de SNCDV, demande qu'un contrôle du trafic en sortie de France soit assuré à destination, au Sénégal.

d) Participation des comités armatoriaux à l'application des amendes

(27) Les sanctions en l'absence desquelles la discipline imposée par les comités armatoriaux risquerait d'être inefficace ne peuvent être appliquées qu'en étroite coordination avec ces derniers. En effet tout navire quittant la France à destination d'un des États africains couverts par l'activité d'un comité armatorial doit soumettre, pour visa, ses manifestes au secrétariat de ce comité. L'absence d'un tel visa l'expose à des pénalités à destination. C'est ce qui ressort en particulier d'un télex du 21 novembre 1988 adressé par le Conseil national des chargeurs du Togo (CNCT) à l'armement hors-comité Maersk, ainsi formulé: «le navire Maersk Mango 8815 qui a chargé au départ de Marseille a été pénalisé pour défaut de cachet Secrétama. En effet, avant tout embarquement dans un port français, l'armement doit s'adresser aux représentants Secrétama pour obtenir l'autorisation de chargement matérialisée par un cachet qui est apposé sur le manifeste.» En conséquence le CNCT a fait procéder à l'impression de formulaires qui ont été adressés à plusieurs reprises aux armements contrevenants et qui portent montant des amendes infligées; ces formulaires portent l'intitulé suivant: «Fret des marchandises embarquées sur M/S (nom du navire) sans cachet Secrétama.»

(28) Les amendes sont normalement infligées par les conseils africains de chargeurs dans les pays de destination des marchandises exportées de France(18) . Ces organismes, qui reçoivent une rémunération des armateurs, dépendent, dans une large mesure, des informations qui leur sont transmises par ces derniers: les comités armatoriaux, à travers leur secrétariat (Secrétama), sont seuls susceptibles de savoir si tel ou tel chargement en sortie de France a reçu leur agrément; par leur présence dans les ports français les armements membres des comités sont les mieux placés pour avoir connaissance d'embarquements de marchandises qui s'opéreraient sans leur aval; il en est de même de Secrétama qui dispose d'antennes dans les principaux ports français.

C'est pourquoi les accords armatoriaux comportent une disposition prévoyant que les cas de non-application des règles qu'ils instituent seront signalés «aux intéressés à toutes fins utiles».

Dans un procès-verbal de la réunion du 6 mai 1987 du comité France-Sénégal, il est indiqué que: «naturellement, si des informations sur des chargements hors-comité parviennent aux armements, il appartient à ces derniers de les faire communiquer à Secrétasen», ce que confirme Secrétama lors de la réunion du 2 juin 1988: «Secrétama rappelle que toutes les informations lui parvenant sur d'éventuels chargements hors comité sont transmises à Secretasen.»

Dans le procès-verbal de la réunion du 30 juin 1987 du comité France-Burkina Faso, Secrétama indique que «s'il a connaissance de chargements en infraction, il avise par télex le conseil des chargeurs du pays destinataire».

Par télex no 2195 adressé le 14 mai 1986 à l'armement Keller Shipping, Secrétama indique que: «tout navire porté à notre connaissance comme ayant chargé sans les autorisations ou visas requis dans le cadre des accords bilatéraux franco-africains que nous gérons sont signalés à destination afin que les mesures nécessaires soient prises».

Le 25 mars 1987, les comités de programmations France-Gabon, France-Burkina Faso et France-Congo se sont réunis en vue de procéder au partage de cargaisons pour le mois suivant. Par télex du même jour, Secrétama a avisé Keller Shipping des autorisations de chargements accordées en sa faveur par les comités de programmation.

Le 27 avril 1987, Keller Shipping a embarqué des cargaisons excédant ces autorisations de chargement.

C'est pourquoi par trois télex du 4 mai 1987 Secrétama a indiqué à Keller Shipping qu'il suspendait le visa des manifestes du navire ayant enfreint la discipline des comités et a ajouté qu'il informait de ces infractions les organes de contrôle africains en leur «demandant d'appliquer la réglementation prévue par les accords maritimes» entre la France et chacun des trois États africains concernés.

Copies de ces trois télex ont été effectivement adressées aux trois organismes africains cités et le 4 juin 1987, Keller Shipping a versé 54 000 francs français d'amende à la Société générale (Paris) au compte SCADOA(19) pour compte de Cotram en vue d'obtenir que son navire soit autorisé à quitter le port de Pointe-Noire (Congo).

(29) À plusieurs autres reprises des messages ont été adressés, soit par Secrétama, soit par des armements membres de comités armatoriaux aux autorités africaines afin de les informer «à toutes fins utiles» d'infractions à la discipline des comités. L'annexe V reprend le détail de ces interventions.

(30) Les conseils africains de chargeurs (ou organes similaires) ont, de leur côté, de façon répétée, sanctionné des infractions à la réglementation du trafic maritime arrêtée par les comités armatoriaux ainsi qu'en attestent les pièces citées à l'annexe VI.

e) Tentatives des membres des comités armatoriaux d'échapper à l'application du droit communautaire

(31) Les membres des comités armatoriaux ont cherché à échapper à l'application du droit communautaire, soit en dissimulant leurs pratiques, soit en favorisant, à l'extrémité africaine du trafic, l'adoption de réglementations plus conformes à leurs intérêts, soit en cherchant à susciter, de la part d'États tiers, des démarches en vue d'entraver la procédure engagée par la Commission. Ceci ressort, en particulier, des documents suivants:

i) dernière phrase du document cité au considérant 21 point ii);

ii) deuxième phrase du document cité au considérant 21 point iii);

iii) note de travail citée au considérant 21 point i) dans laquelle est clairement exprimé le refus de «transiger» sur le principe de l'extension du partage des cargaisons à la totalité du trafic et où il est indiqué que «les États africains doivent s'assurer que la programmation armatoriale est bien suivie par les lignes participantes, car aucun contrôle ni aucune sanction ne sont possibles dans les ports européens»;

iv) déclaration d'un représentant du groupe Delmas à la réunion du 3 mai 1988 de la conférence Mewac: «la garantie de bon fonctionnement d'un système de partage des cargaisons, quel qu'il soit, ne peut émaner, en l'état actuel des législations aux deux extrémités du range Mewac, que des gouvernements africains et des administrations africaines chargés d'appliquer les sanctions»;

v) compte-rendu daté du 7 juillet 1987 par le directeur général de Secrétama d'un entretien avec le président de la compagnie malienne Sonam: «Je lui ai donné toutes explications nécessaires sur les accords existants en insistant sur les limites acutelles de l'application d'un accord armatorial compte tenu des exigences de la CEE . . . Je n'ai pas manqué par ailleurs de lui souligner la nécessité absolue pour un pays enclavé de disposer . . . d'une législation permettant les contrôles et les sanctions à l'arrivée afin de rendre le système efficace et crédible»;

vi) déclaration d'un représentant de l'armement Delmas au cours de la réunion tenue le 9 décembre 1987 avec des responsables gabonais reprise dans un procès-verbal dans les termes suivants: «. . . la partie française serait heureuse de connaître les sanctions prévues pour les détournements de trafic . . . compte tenu de la tendance libérale qui prévaut en Europe . . . l'Armement français est obligé de compter sur la partie gabonaise et sur la mise en vigueur de certaines législations en Afrique»;

vii) extrait d'une note d'avril 1989 déjà citée au considérant 21 point i): «il paraît essentiel et urgent, pour la CMEAOC d'intervenir auprès de la CEE pour que cessent les actions de plus en plus marquées de la DG IV, tant auprès des bureaux de fret en Europe, qu'auprès des conférences maritimes et de Secrétama».

II. APPRÉCIATION JURIDIQUE A. Article 85

1. Applicabilité de l'article 85

(32) Il a été allégué par les membres français des comités armatoriaux que les accords et pratiques visés par les plaintes échapperaient à l'application de l'article 85 puisqu'ils ne résulteraient que d'obligations imposées par des pouvoirs publics. Il convient donc de replacer les faits rapportés ci-dessus dans le cadre plus général des dispositions d'ordre public applicables au transport maritime entre la Communauté et la France, d'une part, et les onze États africains visés au considérant 2, d'autre part.

a) Le code de conduite de la CNUCED

(33) En ce qui concerne, en premier lieu, le code de conduite des conférences maritimes adopté par la CNUCED il y a lieu d'observer que l'article de cette convention internationale qui traite du partage des cargaisons (article 2) se borne à recommander que, lorsqu'une conférence opère sur un trafic de ligne, les armements membres battant pavillons des deux pays situés de part et d'autre de ce trafic aient un droit égal d'accès aux cargaisons transportées par cette conférence, les navires battant pavillon de pays tiers ayant un droit à une «part significative, telle que 20 %» de cette même cargaison transportée par la conférence. L'article 2 ne préconise ni la création de conférences sur des trafics qui en seraient dépourvus ni, moins encore, la création de structures du type des comités armatoriaux, regroupant tous les armateurs, conférentiels et hors conférence, opérant sur un trafic donné. En conséquence les obligations découlant de l'adoption par la CNUCED du code de conduite ne s'imposent, pour autant qu'elles sont ratifiées par les États concernés, qu'aux conférences maritimes Cowac et Mewac qui opèrent entre les ports français et ceux d'Afrique de l'Ouest et du Centre.

b) Les réglementations nationales

(34) S'agissant des réglementations adoptées par dix des onze États africains cités au considérant 2(20) , il y a lieu d'observer que ces réglementations n'imposent pas non plus aux armateurs de procéder entre eux à un quelconque partage des cargaisons de ligne, ni de mettre en place un système de surveillance dans le but de faire infliger par des organes publics africains des amendes aux armements ne respectant par ce partage.

(35) Il a été allégué par les parties françaises des comités armatoriaux que si elles n'avaient pas elles-mêmes institué les comités armatoriaux, «une réglementation beaucoup plus rigide eût été mise en place» par les autorités africaines. Cet argument confirme, en premier lieu, que les armateurs disposaient d'une marge de manoeuvre par rapport aux réglementations africaines. Par ailleurs, il ne peut être accepté que, pour faire échapper leurs pratiques restrictives à l'application de l'article 85, des entreprises se prévalent du fait que, selon elles, en l'absence de ces pratiques, les restrictions de concurrence imposées par les autorités publiques auraient été encore plus sensibles.

(36) De plus, une telle affirmation n'est pas étayée par les faits. Ainsi:

- si pratiquement l'ensemble des États membres de la CMEAOC ont adopté des réglementations en matière de partage de cargaisons similaires à celles en vigueur dans les États africains couverts par l'activité des comités, il semble que ces réglementations ne soient pas appliquées avec la même vigueur dans tous les trafics: le souci manifesté par les membres des comités armatoriaux franco-africains d'étendre à d'autres trafics euro-africains le «modèle» expérimenté dans les trafics visés par la présente décision témoigne que l'adoption de réglementations restrictives par des administrations nationales africaines ne crée pas en elle-même les conditions suffisantes d'un contrôle efficace du trafic. Si, comme il a été allégué, l'existence de réglementations africaines prévoyant le partage de cargaisons imposait aux armateurs une quelconque obligation de procéder eux-mêmes à ce partage au travers de comités armatoriaux, de tels comités auraient aussi été créés entre la France et les États membres de la CMEAOC autres que les onze États visés au considérant 2, la plupart des États d'Afrique de l'Ouest et du Centre ayant adopté, en matière de partage de cargaisons, des réglementations similaires à celles existant dans les États africains couverts par l'activité des comités,

- comme indiqué au considérant 11, les résolutions de la CMEAOC s'étendent, en ce qui concerne le partage des cargaisons, au trafic de vrac et les réglementations nationales qui en découlent s'imposent en principe, dans la plupart des onze États africains couverts par l'activité des comités armatoriaux, à l'ensemble des cargaisons générées par leur commerce extérieur. (voir considérant 12). Or la Commission n'a pas connaissance que les armateurs spécialisés dans le trafic de vrac aient institué un mécanisme de répartition comparable à celui mis en place, pour le trafic de ligne, au travers des comités armatoriaux; elle n'a pas connaissance, non plus, qu'un tel mécanisme soit imposé par les administrations africaines,

- il n'existe aucun lien direct entre l'adoption par un État membre africain d'une réglementation relative au partage des cargaisons et la constitution d'un comité armatorial. Ainsi toute la réglementation adoptée par le Cameroun dans cette matière (et qui ne prévoit d'ailleurs nullement la création de comités armatoriaux) est antérieure à 1978 mais le comité armatorial France-Cameroun n'a été établi qu'en juillet 1987. Il ne peut donc pas être allégué que la création de ce comité résulte d'une obligation imposée par la réglementation camerounaise. Dans d'autres cas (Sénégal, Guinée) le comité armatorial a été institué plusieurs années après l'adoption par ces pays de réglementations relatives au partage de cargaisons et quelques mois avant que ces deux pays adoptent des règlements prévoyant explicitement la création de tels comités dans leurs trafics avec la France(21) . Il est à noter, dans le cas du Sénégal, que les armateurs français ont eux-mêmes indiqué que la réglementation du trafic maritime de ligne franco-sénégalais a été «arrêtée par le comité armatorial» (voir considérant 25 point i). L'arrêté sénégalais, adopté ultérieurement n'intéresse ces armateurs que dans la mesure où il prévoit des sanctions à l'encontre de ceux qui ne respecteraient pas ladite réglementation. Enfin un comité France-Republique centrafricaine a été constitué alors qu'il n'existe pas en Republique centrafricaine de réglementation relative au partage des cargaisons.

c) Les «accords bilatéraux»

(37) La France aurait conclu avec certains des États africains couverts par l'activité des comités armatoriaux des accords maritimes bilatéraux. Ces accords, a-t-il été allégué, auraient créé, pour les armateurs, une obligation de s'organiser en comités armatoriaux. Or seuls trois documents présentés comme des accords bilatéraux franco-africains ont été portés à la connaissance de la Commission par les membres des comités armatoriaux:

i) L'accord France-Togo (voir considérant 13) prévoit bien la création d'un comité de programmation dans le cadre de la mise en place d'un système de répartition de cargaisons. Cependant:

- le texte de l'accord replace explicitement ce système de répartition dans le cadre des principes du code de conduite des conférences maritimes, ce qui implique (au moins pour les autorités françaises) que la clé de partage 40 : 40 : 20 n'est applicable qu'aux cargaisons transportées par les conférences,

- l'accord, conclu en 1981, n'est applicable que pour une période d'essai de six mois et aucun document n'a été fourni par les parties concernées à la Commission indiquant que cet accord aurait été reconduit,

- l'accord est conclu, du côté togolais par le directeur général d'une entreprise commerciale qui, même si elle a le statut d'entreprise publique, ne saurait être considérée comme un agent des pouvoirs publics togolais. La Commission considère que le document en cause n'est donc pas un accord d'État à État et n'entraîne pas d'obligations pour les armateurs.

ii) Le texte présenté comme un accord franco-sénégalais (voir considérant 14) n'est, en fait, qu'un procès-verbal d'entretiens maritimes tenus en 1981 entre des délégations des ministères français et sénégalais de la marine marchande. La qualité des membres de ces délégations n'est pas précisée et le texte remis à la Commission n'est pas signé. Le procès-verbal reprend un «projet de protocole» prévoyant «pour une période transitoire» l'organisation du trafic de ligne bilatéral et la création d'un comité de desserte maritime.

La Commission est d'avis qu'un tel texte ne saurait revêtir la qualité d'un accord bilatéral d'État à État et son statut et ses dispositions sont trop imprécis pour entraîner une quelconque obligation à l'égard des opérateurs économiques. Le caractère imprécis et non définitif de ce texte est confirmé par le fait que la commission mixte dont il prévoit la création n'a en fait jamais été activée.

iii) L'accord franco-gabonais (voir considérant 15), pour autant qu'il ait un caractère d'accord bilatéral d'État à État, ne prévoit nullement la mise en place d'un mécanisme de partage de cargaisons géré par un comité armatorial. Il n'entraîne donc pour les armateurs aucune obligation de constitution d'un tel comité.

D'une manière générale il est, de plus, à souligner que des accords bilatéraux n'entraînent en principe pas d'obligations directes pour les opérateurs économiques sauf s'ils sont suivis par l'adoption de textes législatifs ou réglementaires s'inscrivant dans l'ordre juridique interne des États concernés. Tel n'est pas le cas, sur la base des documents fournis par les comités armatoriaux, s'agissant des trois accords visés au présent considerant.

(38) Il apparaît ainsi en définitive que, ni la conclusion des accords armatoriaux, ni la constitution des comités chargés d'appliquer ces accords n'a résulté d'une obligation imposée aux armateurs par des pouvoirs publics français ou africains. Les accords armatoriaux et les pratiques des membres des comités armatoriaux entrent donc dans le champ d'application de l'article 85 paragraphe 1 du traité.

2. Article 85 paragraphe 1

(39) Selon l'article 85 paragraphe 1 du traité, sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, et notamment ceux qui consistent à répartir les marchés.

a) Objet et effet des accords armatoriaux

(40) Les accords armatoriaux ont pour objet et pour effet de répartir au sens de l'article 85 paragraphe 1 point c) entre leurs membres - qu'ils appartiennent ou non à des conférences maritimes - les marchés constitués par les cargaisons transportées par navires de ligne entre la France et les onze États africains visés au considérant 2.

(41) Ces accords ont, en outre, pour effet de limiter, au sens de l'article 85 paragraphe 1 point b), l'offre de services de transport disponible pour les chargeurs souhaitant se livrer à des opérations d'importations ou d'exportations de marchandises entre la France et les onze États africains concernés: les armements tiers qui envisageraient d'offrir de tels services n'ont en effet d'autre choix que d'être cooptés par les membres des comités et de limiter leur offre aux allocations de cargaisons imposées par ces comités ou de renoncer à toute activité sur ces trafics, sauf à risquer de se voir appliquer des sanctions pécuniaires; de même, en raison du gel des parts de marché qui résulte du mécanisme de partage des cargaisons, les armements membres des comités ne peuvent accroître leur offre de services de transport au-delà des allocations fixées par ces comités.

(42) Les accords armatoriaux ont un objet manifestement anticoncurrentiel; il n'est donc pas strictement nécessaire de démontrer qu'ils ont eu un effet néfaste sur la concurrence. C'est pourquoi, en particulier, la Commission n'a pas essayé de déterminer quels auraient été le niveau des taux de fret ou les parts de marché en l'absence des structures mises en place par les comités armatoriaux; un tel exercice aurait, d'ailleurs, relevé d'une pure spéculation.

La Commission considère qu'il suffit à cet égard de constater que la mise en oeuvre d'un système permanent de partage de cargaisons et de surveillance du trafic par des armateurs contrôlant la plus grande partie de ce trafic n'a pu permettre aux forces du marché de jouer librement pour établir un niveau de prix concurrentiel.

b) Affectation du commerce entre États membres

(43) Les accords armatoriaux affectent le commerce entre États membres de la Communauté; en effet:

i) Ces accords visent à cloisonner le trafic entre la Communauté et les onze États africains concernés: sur les routes maritimes couvertes par les comités armatoriaux, les armements français jouissent d'un accès préférentiel par rapport aux armements des autres États-membres de la Communauté ou des pays tiers. Un tel mécanisme a pour effet d'assurer aux premiers un avantage indu dans la concurrence qu'ils livrent, au plan mondial, à l'ensemble des autres armements, y compris ceux appartenant à d'autres États membres de la Communauté;

ii) La mise en oeuvre des accords armatoriaux a également pour effet de fausser la concurrence entre chargeurs européens exerçant des activités sur les marchés africains: ainsi les exportateurs français se trouvent en position défavorable par rapport à leurs concurrents opérant vers les mêmes destinations à partir d'autres États-membres de la Communauté; de même les importateurs français sont-ils désavantagés tant en ce qui concerne l'offre de services de transport disponibles que les taux de fret pratiqués;

iii) Les distorsions susvisées sont susceptibles de se répercuter sur l'activité portuaire, tant en Afrique qu'en Europe: les contraintes résultant pour les chargeurs français des pratiques restrictives des comités armatoriaux découragent les chargeurs d'opérer, à partir des ports français, en provenance ou à destination des pays africains concernés. Les chargeurs français qui ne seraient pas satisfaits de la qualité des services ou du niveau des taux de fret offerts par les membres des comités armatoriaux n'ont, donc, d'autre choix que:

- soit d'opérer à partir de ports situés dans des États-membres voisins de la France. Ces «détournements de trafics» ont pour effet de favoriser l'activité de ces ports par rapport aux ports français même si ces «détournements» sont rendus difficiles par la contrainte imposée aux chargeurs de faire accompagner leurs marchandises de documents indiquant leur origine et leur destination,

- soit de renoncer à leurs opérations commerciales avec les pays africains couverts par l'activité des comités armatoriaux, ce qui a un effet déprimant sur l'activité des ports français.

Il en résulte des distorsions dans la concurrence que se livrent les ports français et les autres ports de la Communauté pour le transport de marchandises en provenance ou à destination de l'Afrique de l'Ouest.

3. Article 2 du règlement (CEE) no 4056/86

(44) La Commission est d'avis que les accords et pratiques concertées faisant l'objet de la présente décision ne constituent pas des ententes techniques au sens de l'article 2 du règlement (CEE) no 4056/86 puisqu'ils visent exclusivement des objectifs commerciaux et ne peuvent donc pas, sur la base de cet article, être soustraits à l'application de l'article 85 paragraphe 1 du traité.

4. Article 3 du règlement (CEE) no 4056/86

(45) Les accords et pratiques concertées faisant l'objet de la présente décision ne sont pas couverts par l'exemption prévue à l'article 3 du règlement (CEE) no 4056/86. En effet ne bénéficient de cette exemption que les accords, décisions et pratiques concertées de tout ou partie des membres d'une ou de plusieurs conférences maritimes, ayant comme objectif la fixation des prix et des conditions de transport et, selon le cas, un ou plusieurs des autres objectifs énoncés par cet article. Or l'objectif des comités armatoriaux n'est pas de fixer des tarifs communs.

De plus, dans le cas d'espèce, les conférences opérant entre la France et l'Afrique de l'Ouest et du Centre sont la Cowac et la Mewac; ces conférences bénéficient de l'exemption prévue à l'article 3 du règlement (CEE) no 4056/86. Le dispositif mis en place par les accords armatoriaux regroupe des compagnies membres de conférences et des armateurs hors conférence dans le seul objectif d'assurer, entre eux, un partage de la totalité de chacun des trafics de ligne considérés. Un tel dispositif n'entre pas dans le cadre prévu par l'article 3 du règlement (CEE) no 4056/86.

5. Article 85 paragraphe 3

(46) La Commission estime, en outre, que les conditions de l'application de l'article 85 paragraphe 3 ne sont pas réunies dans le cas d'espèce.

Certes, il est reconnu que le partage des cargaisons est l'une des activités des conférences maritimes qui, mises en oeuvre dans les conditions prévues par le règlement (CEE) no 4056/86, sont généralement susceptibles de contribuer à assurer une offre de services de transport maritime réguliers, suffisants et efficaces, et cela en prenant en considération les intérêts des usagers dans une mesure équitable. Cette considération a conduit le Conseil à exempter de l'interdiction édictée par l'article 85 paragraphe 1 du traité les accords conférentiels tels que ceux établissant les conférences Mewac et Cowac.

Il a été allégué par les parties françaises membres des comités armatoriaux que ces comités auraient été mis en place à l'initiative des pouvoirs publics pour servir les règles de partage des trafics incombant aux conférences maritimes, en l'absence de mise en place par celles-ci d'organisation propre. Hormis le fait qu'il n'a pas été établi que les comités armatoriaux ont été institués à l'initiative des pouvoirs publics, rien ne justifie que, pour pallier les prétendues carences des conférences, les membres de celles-ci concluent avec les armateurs hors conférences des accords de partage de la totalité du trafic: tous les membres de Cowac et de Mewac opérant entre la France et les onze États africains sont également membres des comités armatoriaux et, s'ils ont été en mesure de mettre en oeuvre avec les armateurs indépendants un dispositif de partage de cargaisons s'étendant à l'ensemble du trafic, il est difficile de comprendre pourquoi ils n'auraient pas été en mesure d'instituer, entre eux et dans le seul cadre conférentiel, semblable discipline. En réalité tout indique que, loin de résulter de la carence du système conférentiel, la création des comités armatoriaux a entraîné la mise à l'écart des conférences, les armateurs conférentiels ayant privilégié un système de cartellisation de la totalité du trafic qui les libère de toute pression concurrentielle extérieure.

(47) Par ailleurs, les accords armatoriaux n'entraînent pas une amélioration de la distrubition des services de transport par rapport à la situation qui aurait prévalu si les membres des comités armatoriaux qui sont également membres de Cowac et de Mewac s'étaient limités à promouvoir un mécanisme de répartition des cargaisons dans le seul cadre de ces conférences, comme prévu par le règlement (CEE) no 4056/86.

(48) Ces accords ne promeuvent pas non plus le progrès technique: en particulier, il est à relever que leur mise en application n'a nullement favorisé le développement des flottes de ligne africaines.

(49) L'extension à la totalité des onze trafics bilatéraux considérés de règles de partage qui n'auraient dû s'appliquer qu'aux seules cargaisons conférentielles a eu ainsi pour résultat d'imposer des restrictions de concurrence s'ajoutant à celles résultant de l'existence des conférences et qui n'étaient pas indispensables pour atteindre l'objectif normalement poursuivi par ces conférences d'amélioration de l'offre de services de transport de ligne tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte.

(50) De plus, cette extension a eu pour effet de donner aux membres des comités armatoriaux la possibilité d'éliminer la concurrence pour la quasi-totalité des services de transport en cause. Tout armateur désireux d'entrer sur l'un des onze trafics bilatéraux considérés doit, en effet, être préalablement coopté par les membres du comité armatorial compétent. Ne pouvant, par définition, pas se prévaloir de past performances il ne se voit offrir qu'une allocation minimale qui ne justifie pas, économiquement, l'investissement initial normalement entraîné par l'ouverture d'une nouvelle liaison maritime. Le nouvel entrant se trouve alors confronté à l'alternative suivante: renoncer à offrir le nouveau service envisagé ou se satisfaire de l'allocation de cargaison offerte en espérant, soit qu'elle sera augmentée en cas d'accroissement global du trafic sur la route maritime considérée ou de retrait du trafic d'autres membres du comité armatorial(22) , soit qu'il pourra rentabiliser l'exploitation de la nouvelle liaison en exploitant des «droits de trafics» achetés à des compagnies africaines(23) . De telles conditions sont de nature à dissuader des armements éventuellement intéressés d'exploiter des services de ligne sur les trafics où opèrent les comités armatoriaux.

Un tel mécanisme de cooptation aboutit donc à exclure toute concurrence effective extérieure aux comités armatoriaux; il n'est en rien assimilable à la procédure d'admission à une conférence maritime telle que prévue par l'article 1 du code de la CNUCED. Dans ce dernier cas, en effet, l'appartenance à la conférence ne constitue pas un préalable pour la participation d'un armateur au trafic puisque ce dernier reste toujours libre d'opérer en dehors de la conférence (outsiders).

(51) Les parties françaises membres des comités armatoriaux ont soutenu que les allocations de cargaisons seraient opérées en unités physiques (c'est-à-dire en tonnage) et que ce mode de répartition laisserait subsister une certaine concurrence «qualitative» (valeur du fret, facilité dans les conditions de chargement et de transport etc .) à l'intérieur des comités armatoriaux. La Commission ne peut pas accepter cet argument: les principaux membres des comités sont partenaires au sein des mêmes conférences (Mewac et Cowac); à ce titre la concurrence qu'ils se livreraient ne peut être que négligeable puisque la coopération développée au sein des conférences en matière de tarifs, d'offre de capacité ou de répartition des tonnages à transporter constitue le fondement de leur fonction stabilisatrice qui, à son tour, justifie qu'elles bénéficient d'une exemption de groupe. De plus, le partage des cargaisons, armement par armement, puis le contrôle de chaque chargement effectué par les armateurs membres des comités ne laissent place à aucune concurrence substantielle. Enfin, la distinction ainsi suggérée par les membres français des comités entre partage «quantitatif» et concurrence qualitative est artificielle: un armateur disposant d'une allocation plus importante de cargaison sera aussi le plus souvent en mesure d'offrir aux chargeurs des services de meilleure qualité que son confrère qui ne dispose que d'une allocation minimale, (par exemple une meilleure fréquence des services, susceptible d'attirer le fret de haute valeur, dont le stockage est coûteux, ou de meilleures conditions pour le transport de porte à porte, l'armateur disposant de cargaisons importantes étant en meilleure position de négociation vis-à-vis des transporteurs terrestres).

B. Article 86

(52) Au sens de l'article 86, est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci.

(53) Les compagnies maritimes membres des comités armatoriaux sont des entreprises au sens de l'article 86.

1. Le marché en cause

(54) Dans l'affaire Ahmed Saeed(24) , la Cour de justice a dit pour droit que, pour l'application de l'article 86 du traité, une route aérienne individualisée peut, si les possibilités alternatives de transport sont peu interchangeables avec elle, être considérée comme un marché sur lequel peut s'exercer la position dominante d'un transporteur.

Le même raisonnement peut être suivi s'agissant d'une route maritime ou d'un faisceau de lignes maritimes.

Le marché pris en considération pour l'application de l'article 86 est celui constitué par l'ensemble des services de transports maritimes de ligne permettant l'acheminement de marchandises diverses (general cargo) entre la France et les onze États d'Afrique dont la liste est reprise au considérant 2. Ce marché est défini aux considérants 2 à 7.

Du point de vue géographique, la France constitue une partie substantielle du marché commun et les échanges de marchandises diverses transportées par navires le ligne entre la France et les onze États d'Afrique francophone cités au considérant 2 représentent une partie substantielle des échanges des mêmes marchandises entre les mêmes onze États et l'ensemble de la Communauté.

2. Appréciation sur une base collective de la position des membres des comités armatoriaux

(55) Les compagnies membres des comités armatoriaux sont des entreprises juridiquement indépendantes. Cependant certaines d'entre elles sont liées à divers degrés: ainsi, s'agissant des cinq armateurs français qui se partagent en principe 40 % du trafic(25) :

- Delmas contrôle Louis Martin SA ainsi que Maurel et Prom (Delmas dispose également de participations dans des compagnies africaines membres des comités),

- Société navale de l'Ouest et la Société navale caennaise sont regroupées dans le consortium SCADOA (avec les armateurs scandinaves Hoegh et SWAL)(26) .

Ces deux grands groupes attirent à eux seuls la plus grande partie des cargaisons transportées par les membres des comités armatoriaux puisque les compagnies tierces (cross-traders) sont nombreuses à se partager les 20 % qui leur sont globalement alloués (entre onze et vingt et une selon les comités) et que les compagnies africaines (à l'exception, limitée, du Gabon et du Cameroun) n'opérent pas elles-mêmes de navires. Delmas opère, en outre, des «services coordonnés» avec d'autres membres des comités armatoriaux (EWAS, Lloyd, Triestino, Sivomar, Splosna Plovba, Mac Line, Transmare, Setramar et Camship).

(56) Les chargeurs désireux de faire appel aux services des membres des comités s'adressent en principe à l'armateur de leur choix, puisque chacun d'entre eux dispose d'un service commercial propre. Toutefois le dispositif par lequel ces armateurs se partagent, mois par mois, les cargaisons de ligne ainsi que le fait que tout chargement est soumis au contrôle unique d'organes mis en place à cet effet ont pour effet d'éliminer au sein des comités toute concurrence effective, étant entendu que la Commission ne peut reprendre les allégations des entreprises selon lesquelles une «concurrence qualitative» substantielle pourrait continuer de s'exercer dans le cadre rigide des comités armatoriaux (voir considérant 52).

(57) Par ailleurs, la plupart des membres des comités armatoriaux sont également membres des conférences Cowac et Mewac. À ce titre, ils se présentent collectivement face aux chargeurs dans le cadre de consultations régulières, relatives notamment à la fixation des taux de fret.

(58) De l'ensemble des éléments qui précèdent, la Commission conclut que la position sur le marché des armements membres des comités doit être appréciée collectivement.

3. Position dominante

(59) La superposition des accords armatoriaux aux accords conférentiels constitutifs de Mewac et Cowac a eu pour effet d'étendre le partage des cargaisons à la totalité des échanges effectués par navires de ligne à partir ou à destination des ports français entre la France et les onze États africains cités au considérant 2 (voir annexe II).

(60) Il a été allégué que la faculté dont disposent les chargeurs d'opérer à partir ou à destination de ports situés dans des pays voisins de la France, même si elle n'est pas actuellement pleinement utilisée (voir considérant 61), constitue potentiellement une concurrence dont les membres des comités armatoriaux doivent tenir compte. La Commission ne conteste pas l'existence d'une certaine substituabilité entre ports dont les zones d'attraction peuvent se chevaucher (ainsi certaines régions du nord et du nord-est de la France sont équidistantes de ports français - Le Havre, Dunkerque - et de ports de pays voisins tels que Zeebrugge, Anvers ou même Rotterdam). Il doit être toutefois, relevé à cet égard:

i) qu'il serait économiquement irrationnel qu'une partie importante du trafic maritime français transite par des ports de pays voisins de la France alors que ce pays dispose d'infrastructures portuaires nombreuses et adéquates géographiquement les plus proches de la plupart des régions d'origine ou de destination des marchandises: le coût du transport terrestre excède celui du transport maritime dans des proportions telles (pour une distance égale le coût de transport d'un conteneur de 40 pieds est 7 à 8 fois supérieur par rail que par mer et le coût du transport par route est encore plus élevé)(27) que la proximité géographique est, pour le chargeur, un élément décisif du choix du port d'embarquement (ou de débarquement);

ii) qu'il ressort des pièces versées au dossier que les membres des comités armatoriaux se préoccupent vivement de dissuader les chargeurs d'avoir recours à des pratiques qu'ils qualifient de «détournement de trafic» (Detra). À cet effet, les marchandises doivent être accompagnées de documents indiquant leur origine et leur destination, l'absence de ces documents constitue une fraude; par ailleurs, les principaux opérateurs membres des comités armatoriaux (tels Delmas et SCADOA) réalisent aussi une part importante du trafic entre les onze États africains couverts par l'activité des comités et des ports tels qu'Anvers ou Rotterdam. Cela réduit d'autant pour les chargeurs français, la possibilité d'échapper véritablement à l'emprise des membres des comités armatoriaux;

iii) que les considérations qui précèdent sont confirmées en substance par les membres des comités armatoriaux selon lesquels si les «Detra» dépassaient [. . .] des exportations de marchandises originaires de Picardie, Champagne, Lorraine et Alsace, ils seraient limités à [. . .] pour la région parisienne (une estimation de [. . .] en valeur étant avancée comme moyenne nationale). Dès lors, la Commission considère que s'il est possible que des chargeurs français puissent, dans certains cas, s'affranchir des contraintes imposées par les comités armatoriaux, en faisant transiter leurs marchandises par des ports voisins du territoire français, cette concurrence, dans les circonstances décrites ci-dessus, ne suffit pas à faire perdre aux membres des comités armatoriaux leur position dominante.

À cet égard, la Cour de justice a confirmé dans l'affaire Unites Brands(28) que la position dominante n'exclut pas l'existence d'une certaine concurrence ni ne présuppose que le producteur ou les producteurs qui la détiennent aient éliminé toute possibilité de concurrence.

(61) Les parties françaises des comités armatoriaux ont également soutenu que les chargeurs africains bénéficieraient d'une marge appréciable de choix entre différents ports d'Afrique de l'Ouest. Cette allégation ignore les difficultés spécifiques du transport terrestre en Afrique, telles qu'elles ont pu être expérimentées et décrites par un des membres des comités armatoriaux spécialisé dans le transport multimodal entre l'Europe et l'Afrique(29) : le choix entre les différents modes de transport (routier, ferroviaire ou fluvial) dépend principalement de la qualité des infrastructures existantes, voire de facteurs saisonniers ou climatiques. La complexité des formalités administratives et douanières, variant d'un pays à l'autre, doit être également prise en compte ainsi que - s'agissant de transports terrestres sur des pistes parfois mal équipées - la nécessité, pour limiter les conséquences d'accidents techniques, de regrouper les cargaisons en convois de plusieurs véhicules. Les pays et régions enclavés ne disposent donc pas d'un choix substantiel de ports d'approvisionnement dont ils pourraient user en vue, par exemple, d'échapper à d'éventuelles pratiques abusives d'armateurs desservant tel ou tel de ces ports, tandis que les régions côtières dépendent, compte tenu du coût du transport terrestre beaucoup plus élévé qu'en Europe, des ports dont elles sont les plus proches.

De plus les ports présentés comme substituables les uns aux autres (Lomé, Cotonou, Douala, Abidjan et Lagos) sont desservis (en totalité pour les trois premiers et en grande partie pour les deux autres) à partir ou à destination de la France par les compagnies membres des comités armatoriaux.

L'allégation des parties françaises sur la substituabilité des ports africains n'est donc pas de nature à remettre en cause la position dominante des membres des comité armatoriaux sur leur marché.

(62) Dans l'arrêt United Brands, la Cour a dit pour droit qu'il convient, en vue de conclure à une position dominante, d'apprécier la part de marché de l'entreprise ou des entreprises considérées au regard de la force ou du nombre des concurrents. Seul l'armateur danois Maersk Line a opéré hors du cadre des comités avec une certaine régularité entre des ports français et les onze États africains couverts par l'activité des comités armatoriaux (la Commission relève qu'en 1991 le Journal de la marine marchande et du transport multimodal cité par les membres français des comités armatoriaux en réponse à la communication de griefs de la Commission, ne fait plus état, à partir de la France, d'aucun départ vers l'Afrique de l'Ouest de navire appartenant à une compagnie hors comité armatorial). Les navires de Maersk Line ont relié toutes les deux semaines les ports de Rotterdam, Anvers, Le Havre et Marseille/Fos à neuf ports de la côte d'Afrique occidentale, dont Dakar (Sénégal), Lomé (Togo), Cotonou (Bénin) et Conakry (Guinée). Ces navries sont en mesure de charger à partir de Rotterdam et Anvers des cargaisons destinées à l'ensemble des pays d'Afrique de l'Ouest et du Centre y compris les onze États cités au considérant 2. À partir des ports français, ces navires n'ont chargé toutefois de cargaisons qu'à destination de pays africains dont les échanges avec la France ne sont pas couverts par les comités armatoriaux; ceci résulte du fait que, n'étant pas membre des comités armatoriaux, Maersk ne peut obtenir les visas de Secrétama et que tout embarquement non visé par Secrétama est susceptible de donner lieu à destination à l'imposition d'amendes.

Au total les enlèvements de Maersk à partir des ports français vers l'ensemble des pays d'Afrique de l'Ouest ont été depuis 1987 inférieurs à [. . .] de l'ensemble des exportations vers ces pays, cela s'expliquant par le fait que les enlèvements de Maersk à destination des pays africains couverts par l'activité des comités armatoriaux sont négligeables.

(63) Il a été allégué que, sur les trafics entre l'Europe et l'Afrique de l'Ouest, de «nouveaux outsiders» cherchant à s'implanter de façon durable tendent à remplacer les opérateurs temporaires qui, traditionnellement, exerçaient au coup par coup une certaine concurrence sur les conférences. Cette évolution résulte en partie du fait que l'entrée sur des trafics de plus en plus conteneurisés et desservis, du côté africain, par des ports souvent insuffisamment équipés suppose des investissements initiaux importants (notamment la nécessité de gréer les navires et de constituer des parcs de conteneurs) qui, s'ajoutant aux investissements commerciaux, ne sont économiquement justifiés que si l'armateur peut raisonnablement s'attendre à maintenir un service régulier pendant un certain nombre d'années. Tel ne peut pas être le cas s'agissant d'armateurs qui opéreraient en dehors de la structure des comités armatoriaux et seraient susceptibles, par le fait même, de se voir, à tout moment, infliger des amendes(30) . De ce point de vue il peut être considéré que la menace permanente de telles amendes exerce sur les éventuels armateurs intéressés à entrer sur le trafic un effet aussi dissuasif que l'imposition même de ces amendes. S'il est possible que, comme l'affirment les parties françaises membres des comités armatoriaux, des armateurs hors-comités (qu'à l'exception de Maersk Line, elles ne nomment pas) aient pu, occasionnellement, charger des cargaisons en échappant aux sanctions prévues par les réglementations africaines, il reste qu'une telle activité ne peut qu'être précaire et ne répond pas aux besoins de chargeurs opérant de façon régulière sur les trafics en cause. Ces chargeurs ne peuvent, dès lors, éviter de faire appel aux membres des comités armatoriaux pour l'essentiel de leurs besoins, ce qui contribue à conférer à ces derniers une position dominante sur leur marché.

De plus, le fait qu'un armement aussi puissant que Maersk (deuxième armement de ligne mondial) n'est pas parvenu, en dépit d'une volonté évidente, à s'implanter dans les trafics couverts par les comités armatoriaux, confirme l'efficacité du mécanisme d'exclusion des compagnies indépendantes mis en place sur ces trafics.

(64) La Cour de justice a dit pour droit que l'article 86 est applicable à une entreprise détenant une position dominante sur un marché donné, même lorsque cette position est imputable non pas à l'activité de l'entreprise elle-même, mais à la circonstance que, en raison de dispositions législatives ou réglementaires, il ne peut y avoir de concurrence sur ce marché ou il peut uniquement y avoir une concurrence extrêmement limitée(31) .

Les réglementations diverses adoptés par les onze États africains concernés prévoient que l'intégralité de leur trafic maritime avec la France doit être gouvernée par la règle de partage 40 : 40 : 20. Dans le cas d'espèce, les armateurs ont pris l'initiative d'organiser eux-mêmes cette répartition à travers le dispositif des comités armatoriaux et ont obtenu des autorités africaines l'application de régimes de sanctions en vue de protéger leurs activités. Ces comités sont, en France, les seuls organes de gestion du trafic; leurs membres disposent, dès lors, d'une position dominante collective.

(65) D'une façon plus générale, la position dominante collective des membres des comités armatoriaux découle, compte tenu de ce qui précède et en comparaison avec leurs concurrents actuels ou potentiels, de l'importance de la flotte dont ils disposent, du réseau de routes maritimes qu'ils couvrent et de la fréquence des services qu'ils sont en mesure d'offrir aux chargeurs à partir des principaux ports français.

(66) La Commission considère donc, compte tenu de ce qui précède, que la mise en place par un ensemble d'armateurs couvrant la presque totalité du marché de comité armatoriaux a abouti à créer en leur faveur une situation de position dominante collective.

4. L'abus de la position dominante collective

(67) Les pratiques par lesquelles les membres des comités armatoriaux se sont efforcés, sur la base des accords armatoriaux, d'éliminer effectivement toute concurrence des compagnies hors-comité constituent également des abus de position dominante au sens de l'article 86. De telles pratiques ont, notamment, pour effet de limiter, au sens de l'article 86 point b), l'offre de services de ligne proposés aux chargeurs.

(68) Ces pratiques sont notamment les suivantes:

i) Participation effective des comités à l'application des sanctions au travers des informations transmises aux autorités africaines sur les manquements justifiant, selon les membres des comités, de telles sanctions ainsi que des demandes adressées à ces autorités pour que ces sanctions soient appliquées.

Pour les raisons reprises aux considérants 32 à 39, la Commission rejette à cet égard l'allégation des parties françaises selon lesquelles, en agissant de la sorte, les membres des comités armatoriaux n'auraient fait que se soumettre aux réglementations en vigueur dans les États africains considérés. Elle observe, au contraire, que les membres de ces comités ont déployé des efforts renouvelés en vue d'obtenir des autorités africaines par voie réglementaire ce que ces membres ont eux-mêmes appelé le «bouclage» du trafic [voir considérant 25, point ii)] ainsi que la mise en place et l'application d'un mécanisme de sanctions à l'encontre des armateurs hors-comité ou de ceux qui chargent en dépassement de leurs allocations de cargaisons.

La Commission rejette également, comme non fondé, l'argument selon lequel les pratiques susvisées auraient constitué un «moindre mal» par rapport aux dispositifs de contrôle du trafic que les États africains auraient pu, selon des membres des comités, mettre en place, en l'absence de telles pratiques (voir considérants 35 et 36).

La Commission admet enfin que le fait pour une association d'entreprises de faire valoir auprès d'autorités publiques des intérêts communs à ses membres ne constitue pas en lui-même une infraction aux règles de concurrence; dans le cas d'espèce, cependant, les interventions des membres des comités armatoriaux auprès des autorités de certains États africains ont eu pour seul objet d'obtenir l'adoption de mesures destinées à renforcer leur position dominante. Le recours à de telles pratiques ne saurait en tout cas mettre leurs auteurs à l'abri de l'application des règles communautaires de concurrence, étant observé qu'il est pour le moins paradoxal que des entreprises sollicitent d'autorités publiques la couverture de leurs pratiques restrictives pour ensuite soutenir que ces pratiques échappent à l'application de l'article 85 au motif qu'elles auraient été imposées par ces mêmes autorités publiques.

ii) Procédure de cooptation des armements admis à participer aux trafics bilatéraux gérés par les comités.

Comme indiqué au considérant 16 note en bas de page(32) , l'admission des armements tiers (cross-traders) est, dans certains cas, subordonnée à l'acceptation de clauses imposées par les compagnies nationales en vue de protéger leurs intérêts propres. Par ailleurs, l'allocation de cargaison initiale offerte au nouveau candidat est insuffisante pour permettre un développement de son activité dans des conditions économiquement acceptables; ce nouveau candidat ne peut, de plus, anticiper un accroissement substantiel de sa part de marché tant que s'appliqueront les règles imposées par le comité auquel il adhère.

De telles conditions d'admission reviennent en pratique à rejeter l'entrée (sinon purement symbolique) sur le trafic de nouveaux armements tiers ou à la rendre économiquement sans intérêt.

(69) Les comportements susvisés des membres des comités armatoriaux, qui ont pour effet de porter atteinte aux structures de la concurrence dans les trafics maritimes de ligne entre la France et les onze États africains cités au considérant 2 sont, pour les raisons exposées aux considerants 43 à 45, de nature à affecter le commerce entre États membres au sens de l'article 86 point b).

C. Mesures adoptées par la Commission

1. Article 11 paragraphe 1 du règlement (CEE) no 4056/86

(70) Aux termes de l'article 11 paragraphe 1 du règlement (CEE) no 4056/86, si la Commission constate une infraction à l'article 85 paragraphe 1 ou à l'article 86 du traité, elle peut obliger par voie de décision les entreprises et associations d'entreprises intéressées à mettre fin à l'infraction constatée.

La Commission estime devoir, en vertu de ces dispositions, obliger les compagnies maritimes visées par la présente décision à mettre immédiatement fin aux accords armatoriaux ainsi qu'aux pratiques visées au considérant 69.

2. Article 19 paragraphe 2 du règlement (CEE) no 4056/86

(71) Aux termes de l'article 19 paragraphe 2 du règlement (CEE) no 4056/86, la Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d'entreprises des amendes lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles commettent une infraction aux dispositions de l'article 85 paragraphe 1 ou de l'article 86 du traité.

(72) La Commission estime devoir infliger une amende sur base des dispositions de l'article 19 paragraphe 2 du règlement (CEE) no 4056/86 aux membres des comités armatoriaux pour avoir commis des infractions à l'article 85 paragraphe 1 en mettant en oeuvre, dans le cadre des comités armatoriaux, un mécanisme de partage des cargaisons de ligne entre la France et les onze États d'Afrique de l'Ouest et du Centre cités au considérant 2.

(73) Sur la base des mêmes dispositions, la Commission estime qu'il a lieu d'infliger une amende aux membres des comités armatoriaux pour avoir commis des infractions à l'article 86 point b) en ayant:

- effectivement participé à l'application des sanctions imposées aux armateurs qui auraient chargé des cargaisons en dépassement des allocations attribuées par ces comités ou qui auraient opéré sans l'agrément de ces derniers,

- mis en oeuvre une procédure de cooptation des armements admis à participer aux trafics bilatéraux gérés par ces comités.

(74) Pour déterminer le montant des amendes, la Commission a pris en considération les éléments suivants:

a) Nature des infractions

Les infractions visées par la présente décision revêtent un caractère particulièrement grave dans la mesure où elles ont abouti à permettre aux comités armatoriaux de procéder à un partage de la totalité du trafic de ligne entre la France et chacun des onze États africains repris au considérant 2, à la seule exception des cargaisons transitant par des ports européens situés en dehors du territoire français. Ces infractions ont également eu pour effet d'entraver la création d'un marché unique, dans la mesure où elles aboutissent, sur les routes maritimes considérées, à favoriser les compagnies maritimes françaises par rapport à leurs concurrentes établies dans d'autres États membres.

b) Caractère délibéré des infractions

Le règlement (CEE) no 4056/86 a été adopté après d'intenses consultations entre la Commission et les armateurs, au travers de leurs organisations représentatives. Abstraction faite du principe général du droit selon lequel nul n'est censé ignorer la loi, les membres des comités armatoriaux ne peuvent donc, dans ces circonstances, prétendre avoir été dans une situation d'incertitude juridique en ce qui concerne leurs obligations résultant du droit communautaire.

Les parties françaises membres des comités armatoriaux ont, toutefois, allégué qu'elles s'étaient trouvées confrontées à des réglementations divergentes de part et d'autre des trafics sur lesquelles elles opèrent, ce qui aurait entraîné pour elles une situation d'incertitude juridique. La Commission ne conteste pas, à cet égard, que certaines positions adoptées par la CMEAOC et traduites dans le droit interne d'États membres de cette organisation peuvent entrer en conflit avec les règles communautaires de concurrence. Elle considère, cependant, que dans un tel contexte, il appartient aux entreprises concernées d'adopter un comportement de neutralité et de retenue en ne se conformant qu'aux obligations strictes résultant pour elles des législations ou réglementations existantes de part et d'autre. Tel n'a pas été le cas en l'espèce et les membres des comités armatoriaux ont délibérément enfreint le droit communautaire en se livrant de leur propre gré à des comportements restrictifs. De plus, afin d'échapper à l'application du droit communautaire, ils ont délibérément cherché à faire couvrir leurs comportements par des autorités d'États tiers, échappant à la juridiction de la Commission.

c) Comportement des entreprises

L'attention des membres des comités armatoriaux a été, dès 1987, attirée par les plaignants sur les obligations résultant pour eux des règles communautaires de concurrence. Il doit être relevé que ni après le dépôt des plaintes, ni après les demandes de renseignements adressées par la Commission, ni après les vérifications menées par cette dernière aux sièges de Cowac, de Mewac et de Secrétama, le comportement des membres des comités n'a été, en quelque façon que ce soit, modifié. À ce jour, tout indique que les infractions dont il est fait état dans la présente décision n'ont pas cessé.

d) Nature et valeur des produits

Les infractions visées par la présente décision ont exercé un effet sur la totalité des onze trafics de ligne concernés; elles ont donc directement affecté les conditions dans lequelles sont échangées l'ensemble des marchandises (à l'exception des produits de base transportés par tramp) entre la France et les États africains cités au considérant 2.

Il est à noter à cet égard que l'incidence des taux de fret sur les échanges de marchandises transportées par navires de ligne est généralement estimée entre 4 % et 12 %; cette incidence peut être même élevée s'agissant de produits à valeur ajoutée faible ou moyenne qui constituent une part importante des échanges entre l'Europe et l'Afrique(33) .

Il n'est pas possible de porter une appréciation précise sur ce qu'auraient été les parts de marché des membres des comités armatoriaux en l'absence de ces comités. Toutefois, il est évident que leurs parts de marché actuelles ne résultent pas de leur capacité concurrentielle propre, comme cela aurait été le cas sur des trafics ouverts à la concurrence. À cet égard, il est à souligner que l'effet principal résultant du fonctionnement des comités armatoriaux est de geler les parts de marché des armateurs opérant sur leurs trafics. Or les membres des comités armatoriaux qui sont en même temps membres des conférences Cowac et Mewac (voir annexe) transportent plus de 95 % des cargaisons de ces comités, alors que, sur les trafics euro-africains où n'existent pas de comités armatoriaux, la part de marché des conférences serait inférieure à 60 %(34) . Il apparaît donc ainsi que les comités armatoriaux ont eu pour effet, dans une mesure substantielle, de protéger la position des conférences (dont sont membres toutes les compagnies françaises et africaines opérant entre la France et l'Afrique de l'Ouest) contre la concurrence exercée par les armateurs hors-conférence. Un même écart existe en ce qui concerne les niveaux de prix, puisque la section sud de Cowac qui opère à partir ou à destination des ports français a été en mesure de relever de 34 % son tarif général de 1980 à 1989, tandis qu'en section nord (ports situés entre le Cap Nord et Zeebrugge) ce même tarif n'était accru que de 22 % pendant la même période.

e) Degré de participation dans l'accord

Les accords armatoriaux ont été conclus et signés par les compagnies nationales françaises et de chacun des États africains considérés et contresignés dans certains cas par les organismes de contrôle (Secrétama et conseils africains de chargeurs ou organismes assimilés).

La mise en vigueur de ces accords a eu pour principal effet d'asseoir la supprématie des groupes Delmas et Hoegh: sur l'ensemble des onze trafics, ces compagnies auront ainsi transporté, selon les statistiques établies par Secrétama, plus de [. . .] des cargaisons(35) .

Sur la même période, les compagnies dépendant du groupe Delmas (Delmas, L. Martin et Maurel et Prom) auront assuré [. . .] des onze trafics en cause, la part de SCADOA (SNO, SNC, Hoegh et SWAL) s'étant établie à [. . .]. Aucune autre compagnie opérant sur les onze trafics en cause n'a dépassé une part de marché de [. . .], à l'exception des compagnies camerounaise (Camship), gabonaise (Sonatram), et togolaise (Sotonam) dont les capacités réelles de transport sont limitées, en ce qui concerne les deux premières, et nulles, en ce qui concerne la dernière.

Par ailleurs, les compagnies membres des groupes Delmas et SCADOA sont présentes dans chacun des onze trafics, Delmas étant de plus le seul à opérer dans les ports français de la Méditerranée et dans ceux de la façade occidentale de la France (mer du Nord, Manche, Atlantique).

Il ressort, enfin, des données factuelles reprises dans la présente décision (voir considérants 21, 25, 26 et 31 et annexe V) que la plupart des actes reprochés aux armements membres des comités armatoriaux sont le fait ou bien des armements membres de groupe Delmas (soit seuls, soit en association avec les armements membres de SCADOA), ou bien de Secrétama (dont l'un des deux cogérants est le directeur des relations extérieures de Delmas) agissant en sa qualité de secrétariat des comités armatoriaux. La responsabilité du groupe Delmas est donc particulièrement engagée et elle est aggravée du fait que ce groupe contrôle une part de trafic nettement plus élevée que celles de ses partenaires au sein des comités et qu'en conséquence ses actes ont un impact particulièrement sensible sur le marché.

Toutefois la Commission prend aussi dûment en considération le fait qu'en 1991 le groupe Bolloré a pris le contrôle de Delmas et de tous les armements membres de SCADOA et que les nouveaux dirigeants ont récemment adopté des mesures susceptibles de favoriser une concurrence plus équilibrée sur les trafics concernés.

Des armateurs battant pavillons de pays tiers (cross-traders) ont allégué avoir été contraints de se plier à la discipline des comités armatoriaux sauf à devoir renoncer à opérer sur les trafics gérés par ces derniers. La Commission est consciente que en effet, les cross-traders ont bien été confrontés à l'alternative suivante; accepter la contrainte imposée par les comités armatoriaux ou se retirer d'un marché important.

Elle observe, néanmoins, qu'une entreprise soumise à de fortes contraintes visant à l'associer à des pratiques contraires aux règles du traité dispose toujours de la possibilité de recourir soit à la Commission soit au juge national pour demander qu'il soit mis fin auxdites pratiques. C'est pourquoi elle estime qu'il n'y a pas lieu de dispenser du paiement de toute amende les compagnies maritimes qui opèrent en tant que cross-traders sur les trafics gérés par les comités armatoriaux, même s'il doit être tenu compte, pour la fixation du montant de ces amendes, du fait que:

- ces cross-traders ont opéré au sein d'un mécanisme de contrôle du trafic qu'ils n'ont pas pris l'initiative de mettre en place et dont ils n'ont pas tiré profit; dès lors, les amendes qui leur seront infligées doivent être fixées à un niveau nettement moins élévé que celui applicable aux armements fondateurs et seuls bénéficiaires des comités armatoriaux,

- le degré des participation des cross-traders aux pratiques des comités armatoriaux est différent d'une compagnie à l'autre: certaines opérent au sein de plusieurs, voire des onze, comités, d'autres seulement au sein d'un seul comité; de même certaines d'entre elles ont été membres des comités armatoriaux dès leur origine, d'autres n'y ont adhéré que plus récemment. Une clé de répartition du montant des amendes doit donc être utilisée, tenant compte, pour chaque cross-trader, de l'importance des cargaisons qu'il a effectivement transportées sur l'ensemble des trafics couverts par les comités au cours de la période considérée.

Enfin il y a lieu d'exempter du paiement des amendes les quatre armateurs qui, bien que membres des comités, ont contribué à attirer l'attention de la Commission sur les pratiques visées par la présente décision.

S'agissant des compagnies africaines opérant en tant que compagnies nationales au sein des comités armatoriaux il est à noter que:

- leur part dans les cargaisons allouées par les onze comités (1987-1990) s'établit comme suit:

- Sonatram (Gabon) [ . . . ] ([ . . . ] du trafic France-Gabon),

- Sotonam (Togo) [ . . . ] ([ . . . ] du trafic France-Togo),

- Cobenam (Bénin) [ . . . ] ([ . . . ] du trafic France-Bénin),

- Comaunam-Cofama-Sonam (Mali) [ . . . ] ([ . . . ] du trafic France-Mali),

- Camship (Cameroun) [ . . . ] ([ . . . ] du trafic France-Cameroun),

- Cosenam-Express Navigation (Sénégal) [ . . . ] ([ . . . ] du trafic France-Sénégal),

- SNG (Guinée) [ . . . ] ([ . . . ] du trafic France-Guinée),

- Comaunam, Cosenam et SNG ne disposent d'aucun navire; Sotonam a dû cesser en 1988 l'exploitation de ses propres navires (qu'elle a vendus) et a dû renoncer en 1989 à exploiter des navires affrétés; Cobenam a vendu en 1990 son unique petit navire; sur la flotte de Camship, forte de six navires jusqu'en 1987, seuls deux navires de faible capacité restent en service; enfin Sonatram exploite également deux petits navires(36) . Il apparaît ainsi que les cargaisons allouées aux sept compagnies susvisées sont, en fait, pour une large part réaffectées à des navires d'autres compagnies maritimes,

- ces compagnies contrôlent une très faible part du marché (le fait, en particulier, qu'elles ne desservent pratiquement que le trafic du pays dont elles battent pavillon, à l'exclusion d'autres pays africains, affaiblit considérablement leur potentiel de développement) et l'impact de leurs actes est donc peu sensible,

- ces compagnies sont confrontées à de graves difficultés qui menacent leur survie en tant que véritables armateurs, la simple revente de droits de cargaisons (à laquelle certaines d'entre elles limitent leur activité) ne pouvant, selon les critères du code de conduite de la CNUCED, être considérée comme constituant une activité maritime mais plutôt comme un prélèvement opéré sur les armateurs qui assurent effectivement le transport des cargaisons,

- d'une façon générale, ces compagnies n'ont tiré commercialement aucun profit du mécanisme mis en place dans le cadre des comités armatoriaux (ainsi, par exemple, la part de Camship dans les cargaisons allouées par les onze comités est passé de [. . .] en 1987 à [. . .] en 1990).

Il ressort de ce qui précède qu'il ne convient pas d'infliger à ces compagnies des amendes qui auraient pour effet d'affaiblir encore leur présence sur le marché.

f) Durée des infractions

Tous les accords armatoriaux ont été conclus et ont pris leur effet avant l'entrée en vigueur du règlement (CEE) no 4056/86, à l'exception des accords France-Guinée du 29 septembre 1987 et France-Mali du 29 juillet 1988.

Le règlement (CEE) no 4056/86 est entré en vigueur le 1er juillet 1987. Antérieurement à cette date, la Commission n'a pas agi sur base de l'article 89 du traité à l'encontre des infractions visées par la présente décision et il n'y a donc pas lieu de prendre en compte, pour le calcul des amendes, les comportements des entreprises pendant cette période.

g) Nouveauté de l'application du règlement (CEE) no 4056/86 à des cas d'infraction

La présente décision constitue le premier cas d'application du règlement (CEE) no 4056/86 comportant l'imposition d'une amende pour infractions aux articles 85 et 86 du traité. En de telles circonstances, il est d'usage que la Commission fasse preuve de modération dans la fixation du montant de l'amende, afin de tenir compte du fait que les parties visées par la décision peuvent ne pas avoir été pleinement informées des obligations résultant pour elles des règles communautaires de concurrence ou sont susceptibles d'avoir sous-estimé la gravité des infractions qu'elles ont commises.

Tel n'est, de toute évidence, pas le cas en l'espèce puisque, comme indiqué par ailleurs dans le présent point, les membres des comités armatoriaux étaient parfaitement au fait des dispositions s'appliquant à eux en matière de concurrence.

En particulier les principaux membres des comités armatoriaux, qui appartiennent par ailleurs aux conférences Mewac et Cowac étaient pleinement informés du fait que l'exemption de groupe octroyée sur la base du règlement (CEE) no 4056/86 aux conférences maritimes (après d'amples consultations avec les parties concernées) exclut que ces dernières puissent étendre les effets de leurs accords à la totalité des trafics de ligne sur lesquels elles opèrent.

Il n'y a pas lieu dans ces circonstances de faire bénéficier les membres des comités armatoriaux d'un avantage particulier au motif de la nouveauté de l'application du règlement (CEE) no 4056/86 à un cas d'infraction.

h) Situation du secteur

Ainsi qu'indiqué au considérant 7, les échanges de marchandises opérés par les membres des comités armatoriaux se sont sensiblement contractés au cours des dernières années créant une situation de surcapacité accentuée par les progrès de productivité accomplis par la plupart des armateurs. Cette situation peut contribuer à expliquer que les armateurs se soient efforcés de dissuader de nouveaux opérateurs d'entrer sur la trafic.

Il est à relever, cependant, que les restructurations opérées par les armateurs membres des comités armatoriaux ainsi que le contrôle qu'ils ont pu s'assurer sur leurs trafics ont permis de maintenir les taux de fret à un niveau suffisamment rémunérateur pour que de nouveaux opérateurs aient tenté d'entrer sur ces trafics, allant jusqu'à saisir la Commission afin d'être mis en mesure d'atteindre cet objectif.

Les difficultés rencontrées par les membres des comités en raison du déclin du marché sur lequel il opèrent ne peuvent, en aucun cas, justifier les comportements restrictifs qu'ils ont adopté.

Cependant, les conditions dans lesquelles le groupe Bolloré a procédé à l'acquisition de Delmas (et notamment le fait qu'après avoir acquis la majorité du capital de Delmas, Bolloré a été légalement contraint de faire une offre pour les parts minoritaires) ont eu pour résultat d'alourdir sensiblement son endettement et, en conséquence, de fragiliser sa structure financière,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

Les entreprises membres des comités armatoriaux dont la liste est reprise à l'annexe I ont enfreint les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE en procédant au sein de chacun de ces comités au partage des cargaisons transportées par navires de ligne sur les trafics bilatéraux entre la France, d'une part et le Gabon, la Guinée, le Mali, le Cameroun, le Sénégal, le Bénin, la République centraficaine, le Burkina-Faso, le Togo, le Congo et le Niger, d'autre part.

Article 2

Les entreprises destinataires de la présente décision sont tenues de mettre fin à l'infraction constatée à l'article 1er et de s'abstenir à l'avenir de tout accord ou pratique concertée pouvant avoir un objet ou un effet identique ou similaire, y compris tout échange d'information au moyen duquel les participants seraient informés ou informeraient une tierce partie sur les cargaisons chargées par chacun ou par plusieurs d'entre eux.

Article 3

Les dispositions de l'article 2 ne portent pas préjudice au droit des entreprises membres des comités armatoriaux de participer, dans les conditions prévues par le règlement (CEE) no 4056/86, aux activités des conférences maritimes dont elles font éventuellement partie.

Article 4

Les entreprises membres des comités armatoriaux ont enfreint les dispositions de l'article 86 du traité CEE en abusant de leur position dominante collective en:

- participant à la mise en oeuvre de régimes de sanctions à l'encontre des armateurs membres des comités armatoriaux qui n'auraient pas respecté le partage du trafic opéré par ces comités ou des armateurs qui, sans être agréés par les comités, auraient néanmoins tenté d'assurer des services de transport de ligne sur les routes maritimes bilatérales sur lesquelles opèrent les comités armatoriaux,

- appliquant une procédure de cooptation qui aboutit, de fait, à exclure certains armateurs du trafic ou à réduire leur participation dans une mesure sans rapport avec leur force compétitive.

Article 5

Les entreprises destinataires de la présente décision sont tenues de mettre fin aux infractions constatées à l'article 4.

Article 6

Des amendes sont infligées aux entreprises visées par la présente décision en raison des infractions constatées aux articles 1er et 4.

Ces amendes sont les suivantes:

(en écus)

- Delmas (y inclus L. Martin et Maurel et Prom) 11 628 000,

- Hoegh SWAL 651 000,

- RMS Afrika 2 400,

- UWAS 56 400,

- Splosna Plovba 2 800,

- Deep Sea Shipping 3 400,

- East Asiatic Company WAS 55 800,

- I. Messina 4 600,

- Lloyd Triestino 32 800,

- Transmare 12 800,

- Van Uden 10 100,

- Nedlloyd 25 800,

- Compagnie maritime belge 46 000,

- Mac Lines 10 100,

- Société navale de l'Ouest 1 751 000,

- Société navale caennaise 970 000,

- Deutsche Afrika Linien-Woermann 43 200.

Article 7

Les amendes infligées à l'article 6 seront payées dans un délai de trois mois suivant la date de notification de la présente décision, en écus, au compte de la Commission des Communautés européennes no 310-0933000-43, banque Bruxelles-Lambert, agence européenne, rond-point Robert Schumann 5, B-1040 Bruxelles.

Le montant de ces amendes porte intérêt de plein droit à compter de l'expiration du délai précité, au taux appliqué par le Fonds européen de coopération monétaire à ces opérations en écus le premier jour ouvrable du mois au cours duquel la présente décision a été adoptée, majoré de trois points et demi.

Article 8

Les entreprises dont la liste figure à l'annexe I sont destinataires de la présente décision.

La présente décision forme titre exécutoire au sens de l'article 192 du traité CEE.

Fait à Bruxelles, le 1er avril 1992.

Par la Commission Leon BRITTAN Vice-président

(1) JO no L 378 du 31. 12. 1986, p. 4.

(2) La liste des membres des comités armatoriaux figure en annexe.

(3) S. Gilman et M. Graham, The case for conference rate-making authority in the inland sector, juillet 1990.

(4) De 1986 à 1990, la productivité du groupe Delmas (principal opérateur sur les trafics Europe-Afrique de l'Ouest), mesurée par le rapport chiffre d'affaires/effectif employé, a plus que doublé (cf. rapport annuel 1990).

(5) À l'exception de la République centrafricaine.

(6) Voir en annexe III la liste des réglementations visées au présent considérant.

(7) La liste des accords visés au présent considérant est reprise en annexe IV.

(8) La description susvisée a un caractère générique et recouvre des situations particulières diverses. Ainsi par exemple:

- il n'y a pas d'accord armatorial formel France-Togo, de simples circulaires adressées aux armements par Secrétama en tenant lieu,

- l'accord France-Sénégal est complété par un formulaire que les armateurs battant pavillons de pays tiers doivent obligatoirement signer pour être admis à participer au trafic couvert par le comité; la signature de ce formulaire implique l'engagement d'adhérer aux principes de fonctionnement du comité ainsi que d'assurer aux armements français et sénégalais «un régime au moins équivalent de participation au trafic» du pays de pavillon de l'armement signataire,

- le trafic France-Niger est organisé non par un «comité armatorial» mais par une «commission» au sein de laquelle siègent, à côté des armateurs, les représentants de la société Secrétama et ceux du Comité nigérien des usagers des transports (CNUT).

(9) Sauf dans le cas du Gabon.

(10) Les dénominations de ce comité sont diverses selon les accords concernés: comité «de programmation», «de rationalisation des mises en charge» ou «de régularisation des mises en charge»; il en est de même s'agissant «des allocations de cargaisons» qualifiées aussi «d'autorisations de mise en charge» ou de «programmes de mise en charge et des enlèvements», etc.

(11) Une variante de ce dispositif plus flexible, mais répondant aux mêmes principes, a été mise en oeuvre par le comité armatorial France-Gabon afin de permettre d'assurer le chargement effectif du navire exploité par la compagnie Sonatram.

Efin, s'agissant du trafic entre la France et le Bénin, le dispositif décrit ci-dessus n'est applicable que dans le sens nord/sud.

(12) Dans le trafic France/Cameroun, Secrétama exerce son contrôle en conjonction avec le Conseil national des chargeurs du Cameroun (sens nord-sud). Au Sénégal et au Congo, le contrôle des cargaisons est assuré, respectivement, par un ad hoc (Secretasen) et par la direction congolaise de la marine marchande.

(13) Seule la Guinée, dont la compagnie maritime nationale, qui n'opère elle-même aucun navire, n'est pas membre de conférence, fait exception en cédant ses droits de trafic à des membres non conférentiels des comités armatoriaux.

(14) Les contrats d'affrètement de cargaisons sont conclus sur une base bilatérale entre les compagnies africaines détentrices des droits de trafics et les compagnies désireuses d'exploiter ces droits. Les statistiques établies par Secrétama ne font pas ressortir systématiquement l'identité ou le pavillon des compagnies qui assurent le transport des cargaisons africaines dans les trafics pour lesquels ces informations ont été fournies; ainsi il apparaît qu'en 1990, les compagnies françaises ont chargé, grâce au jeu des affrètements, la plus grande part des cargaisons entre la France et les pays suivants:

Gabon (façade méditerranéenne) [. . .] (*),

Niger [. . .],

Congo [. . .],

Burkina [. . .],

Mali [. . .],

Sénégal [. . .],

Republiqué centrafricaine [. . .].

Les statistiques relatives au Togo et au Bénin font apparaître que [. . .] et [. . .] des cargaisons ont été respectivement allouées aux compagnies nationales de ces deux pays; ces compagnies ne disposant pas de navires, ces cargaisons ont donc dû être réallouées, notamment en faveur des compagnies opérant sous pavillon français.

(*) Dans le texte de la présente décision destiné à la publication, certaines informations ont été omises, conformément aux dispositions de l'article 24 paragraphe 2 du règlement (CEE) no 4056/86 concernant la non-divulgation des secrets d'affaires.

(15) Il s'agit de l'accord armatorial France-Mali.

(16) Il s'agit du représentant de l'armement sénégalais.

(17) Sauf au Sénégal et au Congo où cette compétence appartient respectivement au Secretasen et à la direction de la marine marchande.

(18) SCADOA: Service commun d'armements desservant l'Ouest africain formé par les compagnies L- Hoegh et Hoegh/Transatlantic (Norvège) Société navale caennaise (France) et Société navale de l'Ouest (France).

(19) Le onzième État (République centrafricaine) n'a adopté aucune réglementation relative au partage des cargaisons.

(20) L'accord armatorial France-Sénégal est entré en vigueur le 1er avril 1981 tandis que l'arrêté no 6678 est daté de juillet 1981 (voir annexe III); de même le règlement guinéen du 3 décembre 1987 est postérieur à l'accord armatorial de septembre 1987. Il est à observer, à cet égard, que cet accord armatorial ne se réfère à aucune disposition guinéenne d'ordre public alors que le règlement guinéen du 3 décembre 1987 fait référence dans ses attendus à l'existence de l'accord armatorial.

(21) Le retrait d'un armement participant au partage des 20 % réservés aux compagnies battant pavillon d'États tiers entraîne, en principe, une redistribution de ces 20 %.

(22) De telles transactions ne sont toutefois autorisées qu'entre compagnies membres de conférence.

(23) Affaire 66/86, Recueil 1989, p. 803.

(24) Auxquels s'ajoute une partie des 40 % de «droits» africains qui ne sont pas exploités par des navires africains.

(25) À la fin du mois de juin 1991, le groupe Bolloré Technologies a acquis les intérêts du groupe Hoegh sur les trafics ouest-africains avant de prendre, au mois d'août suivant, le contrôle du groupe Delmas.

(26) Pr S. Gilman et M. Graham The case for conference rate making authority in the inland sector, juillet 1990.

(27) Affaire 27/76, Recueil 1978, p. 207.

(28) «Intermodal Services Africa: Transport as a daily challenge» in CMB News No 5, mai 1990.

(29) Ces amendes peuvent, dans certains cas, être très élevées (voir annexe VI) jusqu'à atteindre 50 % du montant du fret.

(30) Affaire 311/84, CBEM contre CLT et IPB; arrêt du 3 octobre 1985; Recueil 1985, p. 3261.

(31) «. . . transportation costs are clearly a barrier to trade and in that sense ought to be analysed exactly like a customs tariff» (Juda/Abrahamsson).

Selon les membres français des comités armatoriaux, les dépenses de fret auraient représenté, en 1987, 11,3 % de la valeur du commerce extérieurdes pays de l'Afrique de l'Ouest et du Centre.

Une étude indépendante a fait ressortir qu'en Côte-d'Ivoire l'incidence des taux de fret par rapport aux prix fob atteignait en 1986 18 % pour les véhicules automobiles importés et respectivement, 53 % et 35 % pour les bois et les fruits exportés (E. Gouvernal, Politiques maritimes et développement, ministère de la coopération et du développement, Paris, 1988).

(32) Selon les informations transmises par les membres français des comités armatoriaux.

(33) Ce chiffre est à considérer comme un minimum: les statistiques de Secrétama font état de cargaisons allouées à des compagnies africaines (Cobenam, Satonam) qui, faute de navires, n'ont pu en assurer le transport par elles-mêmes ou à d'autres compagnies africaines (Sonatram, Camship) qui ne disposent que de capacités limitées (deux petits navires chacune) dont il n'est pas établi qu'elles leur ont permis d'assurer la totalité de leurs cargaisons.

(34) Par comparaison, Delmas, sur l'ensemble des trafics (africains et non africains) qu'il couvre, opère sur la base d'une flotte d'une cinquantaine de navires modernes et performants.

ANNEXE I

Liste des armements participants ou admis à participer au trafic du comité armatorial (Liste fournie par Secrétama)

SénégalGabonRépublique

centrafricaineNigerBurkina FasoGuinéeCongoCamerounBéninTogoMaliMembre d'une

conférenceRMS Afrika×

OT African Line×××××

UWAS××××××××××

Splosna Plovba×××××××××××

L. Hoegh××××××××××××

SWAL××××××××××××

Deep Sea Shipping×

East Asiatic Company××××××××

I. Messina××

Lloyd Triestino××××××××××××

Transmare××××××××××××

Van Uden××××××××

Nedlloyd××××××××××

Cobelfret×

Compagnie maritime belge××××××××××

Mac Lines××××××××××××

Grimaldi×

Delmas××××××××××××

Sivomar××××××××

Sotonam××××××

Société navale de l'Ouest××××××××××××

Société navale caennaise××××××××××××

L. Martin××××××××××××

Camship×××××××××××

Compagnie maritime zairoise××××××

Cobenam××××

Express Navigation×××××××××××

Maurel et Prom×××

Sitram×××××××××××

Société navale guinéenne×

Comaunam×

Keller Shipping×××××××××××

Sonatram××

Cosenam××

Deutsche Afrika Linien-Woermann×××××××××××

Compagnie maritime belge NV

Management WAD

Katelijnevest 61

B-2000 Antwerpen

MAC LINES

(Mediterranea Container Lines)

C/Arlaban 1

E-28014 Madrid

Grimaldi Compania di navigazione SPA

Palermo operative Departments

via Fieschi 17

I-16121 Genova

Navale Delmas Afrique (SNCDV)

Tour Delmas-Vieljeux

31-32, quai de Dion-Bouton

F-92811 Puteaux cedex

SIVOMAR

Immeuble Sivomar - BP 1395

Abidjan

Côte-d'Ivoire

SOTONAM

93, voie Express

BP 4086 Lomé Port

Lomé

Togo

Société navale de l'Ouest

Tour Franklin - Cedex 11

F-92081 Paris-la-Défense

Société navale caennaise

58, avenue Pierre Berthelot

BP 6246

F-14066 Caen cedex

SOFIMAR

Tour Delmas-Vieljeux

31-32, quai de Dion-Bouton

F-92800 Puteaux cedex

Camship

18, rue Joffre - BP 4054

Douala

Cameroun

Compagnie maritime zairoise (CMZ)

6e étage - UZB Center

place de la Poste - BP 9496

Kinshasa

Zaire

Cobenam

BP 2032

Cotonou

Bénin

Express Navigation

96, avenue du président Lamine Gueye

BP 2413

Dakar

Sénégal

Maurel et Prom

c/o Navale Delmas Afrique (SNCDV)

Tour Delmas-Vieljeux

31-32, quai de Dion-Bouton

F-92811 Puteaux cedex

Sitram

4, avenue Lamblin - BP 1546

Abidjan

Côte d'Ivoire

Société navale guinéenne

BP 6

Conakry

Guinée

Comaunam

BP 799

Nouakchott

Mauritanie

Keller Shipping

Holbeinstrasse 68

PO Box 3479

CH-4002 Basel

Sonatram

(Société nationale de transports maritimes)

BP 3841

Libreville

Gabon

Cosenam

(Compagnie sénégalaise de navigation maritime)

BP 683

Dakar

Sénégal

Deutsche Afrika Linien-Woermann Linie

PO Box 500369/Palmaille 45

D-2000 Hamburg 50

RMS Afrika

Hafenstrasse 27-29

D-4100 Duisburg 13

OT African Line

ABS House

No 1 Frying Pan Alley

UK-London E1 7HS

UWAS (u./West African Service)

c/o Managers POL, ESC, DSR

107 A1 Wosska Polskiego

70483 Szczecin

Pologne

SPLOSNA PLOVBA PO

Obala 55, PO Box 60

YU-66 320 Portoroz

LEIF HOEGH and Co

PO Box 2596 Solli

N-Oslo

Scandinavian West Afrika Lines Ltd

(SWAL)

Fack S-403-36

S-Goeteborg

Deep Sea Shipping

Henningsens Allé 8

DK-2000 Copenhague

East Asiatic Company (Was)

Holbergsgade 2

DK-1099

Copenhague

Gnazio Messina & C.

Via G. d'Annunzio 91

Casella postale 1951

I-16121 Genova

Lloyd Triestino SpA

Piazza dell'Unita d'Italia 1

BP 583/584

I-34121 Trieste

Linea Transmare SpA

Via Freschi, N. 1/22

I-16121 Genova

Van Uden Maritime BV

postbus 1123

NL-3000 BC Rotterdam

Nedlloyd Lijnen BV

Trade Directorate Europe

Dept LTE

PO Box 240

NL-3000 DH Rotterdam

Cobelfret

Sneeuwbeslaan 14

B-2610 Antwerpen

ANNEXE II

Estimation du trafic de ligne entre la France et les onze États d'Afrique de l'Ouest et du Centre couverts par l'activité des comités armatoriaux; estimation de la part de marché des comités armatoriaux (1988)

SénégalTogoBéninGabonCongoNigerGuinéeRépublique centrafri-

caineCamerounMaliBurkina Faso

Trafic total283,2117,084,1172,7123,3118,7229,343,8443,768,175,5

Trafic de ligne145,837,820,9102,950,026,195,710,6107,124,425,6

Comités

armatoriaux130,845,438,6109,099,646,082,829,6107,825,962,3

%90 120 185 106 199 176 87 279 101 106 243

Note méthodologique

Les statistiques du commerce extérieur de la France établies par les douanes n'opèrent pas de ventilation selon le mode de transport de marchandises. Le professeur Bauchet, expert cité par les comités armatoriaux, a proposé de circonscrire le trafic de ligne en déduisant du trafic total les postes de la balance commerciale correspondant à des marchandises normalement transportées par navires de tramp: céréales (poste 10), sel (poste 25), huiles et combustibles minéraux (poste 27), navigation (poste 89); le secrétariat des comités armatoriaux (Secrétama) suggère d'ajouter à cette liste les postes 72 (fonte, fer et acier), 11 (malt) et 17 (sucre). Les données reprises dans la présente annexe s'appuient sur cette méthodologie. Elles appellent les commentaires suivants:

- dans les quatre trafics les plus importants en volume (Cameroun, Sénégal, Guinée et Gabon) les comités armatoriaux couvrent approximativement la totalité du trafic de ligne (entre 90 % et 106 %),

- dans les autres trafics la part des comités armatoriaux dépasse le seul trafic de ligne, tel qu'il peut être estimé sur la base de la méthodologie adoptée, notamment dans le cas des plus petits trafics (République Centrafricaine, Burkina Faso). Il apparaît donc que sur ces trafics les membres des comités armatoriaux transportent aussi des marchandises qui habituellement sont chargées sur navires de tramp, mais qui, lorsque les volumes concernés sont très faibles, peuvent faire l'objet d'un transport par navires de ligne (céréales, malt etc.).

ANNEXE III

Réglementations en vigueur dans les États africains dont les échanges extérieurs avec la France sont couverts par les comités armatoriaux Bénin Ordonnance no 79-49 du 13 septembre 1979

Décret no 79-240 du 13 septembre 1979

Arrêté no 23 du 14 mai 1984

Arrêté no 24 du 14 septembre 1984

Burkina Faso Décret no 82-0358 du 15 septembre 1982

Arrêté d'application du 5 mars 1984

Guinée Décret no 423 du 4 août 1981

Arrêté no 10924 du 3 décembre 1987

Cameroun Loi no 74/19 du 5 décembre 1974

Décret no 70/309 du 13 novembre 1975

Arrêté no 39 du 16 janvier 1976

Loi no 78/09 du 12 juillet 1978

Congo Décret no 85-045 du 22 janvier 1985

Loi no 27-85 du 19 juillet 1985

Circulaire du 11 décembre 1985

Gabon Ordonnance du 7 septembre 1978

Sénégal Décret no 78-179 du 2 mars 1978

Arrêté interministériel no 8454 du 25 juillet 1980

Arrêté interministériel no 14460 du 21 octobre 1987

Arrêté interministériel no 6678 du 8 juillet 1981

Mali Décret no 180 du 23 juillet 1985

Arrêté no 5415 du 21 mai 1986

Niger Arrêté no 56 du 13 novembre 1985

Togo Ordonnance no 80-11 bis du 9 janvier 1980

Arrêté ministériel no 4 du 19 février 1981

Arrêté interministériel no 25 du 6 novembre 1985

Arrêté no 8 du 19 septembre 1988.

ANNEXE IV

Accords armatoriaux (ou documents tenant lieu d'accords armatoriaux) 1) France-Togo Circulaire du 8 février 1982 de Secrétama aux armements

Avis de Secrétama aux armements (28 janvier 1982)

2) France-Bénin Modalités pratiques de mise en oeuvre de l'accord entre les armements nationaux français et béninois relatif à l'organisation du trafic maritime France-Bénin (Cotonou, le 14 mars 1985)

3) France-Sénégal Modalités pratiques de mise en oeuvre de l'organisation du trafic maritime France-Sénégal (non daté)

Lettre aux armements du président du comité armatorial (26 juin 1981)

Circulaire no P/PL/010733 de Secrétama, invitant les armements ayant manifesté «l'intention de participer au trafic entre la France et le Sénégal» à soumettre leurs manifestes pour visa à compter du 1er avril 1981.

4) France-République Centrafricaine Organisation du trafic France-République centrafricaine (et vice versa ) (non daté)

5) France-Niger Modalités pratiques de mise en charge de l'organisation du trafic maritime France-Niger et vice versa (non daté)

Circulaire de Secrétama à tous les armements participant au trafic France-Niger comprenant en annexe le texte relatif aux modalités de mise en charge de l'organisation du trafic France-Niger et annonçant la mise en oeuvre de l'accord à compter du 1er janvier 1986.

6) France-Gabon Avis de Secrétama aux armateurs de lignes régulières desservant le trafic France-Gabon et vice versa (30 novembre 1978)

Avis de Secrétama aux chargeurs (30 novembre 1978)

Modalités de gestion de l'accord maritime franco-gabonais - secteur Nord-Manche-Atlantique (suite réunion plénière du 9 décembre 1986)

Document de Secrétama intitulé «Accord franco-gabonais, documents de base» (12 mars 1980)

Avis de Secrétama aux armateurs

Avis de Secrétama aux chargeurs

Avis de Secrétama aux armateurs de lignes régulières desservant le trafic France-Gabon et vice versa (13 décembre 1978)

7) France-Cameroun Accord armatorial (13 février 1985)

Règlement intérieur du comité de programmation chargé de la mise en oeuvre de l'organisation du trafic maritime France-Cameroun et vice versa (15 mai 1987)

8) France-Mali Accord armatorial (29 juillet 1988)

Règlement intérieur du comité de programmation chargé de la mise en oeuvre de l'organisation du trafic maritime France-Mali et vice versa (non daté)

9) France-Guinée Accord armatorial (29 septembre 1987)

Règlement intérieur du comité de programmation chargé de la mise en oeuvre de l'organisation du trafic maritime France-Guinée et vice versa (non daté)

Circulaire de Secrétama à «tous les armements tiers agréés au trafic France-Guinée» (16 septembre 1987)

10) France-Burkina Faso Modalités pratiques de mise en oeuvre de l'organisation de trafic maritime France-Burkina Faso et vice versa (non daté)

Avis de Secrétama aux chargeurs (non daté; référence 861233)

11) France-Congo Protocole d'accord pour l'organisation du trafic maritime entre la France et la république populaire du Congo et vice versa (non daté)

Modalités pratiques de mise en oeuvre de l'accord entre les armements nationaux français et congolais relatif à l'organisation du trafic maritime France-république populaire du Congo (non daté)

ANNEXE V

Pièces relatives à la participation des comités armatoriaux à la mise en oeuvre des amendes pour non-respect de la discipline imposée par les comités armatoriaux 1. Le 21 décembre 1987, Secrétama avise par télex no 4650 le Conseil national des chargeurs du Cameroun que le «navire ROTA serait actuellement en train de charger 3 000 t de farine ... pour Douala». Secrétama précise: «les armements participant au trafic ne semblant pas avoir donné leur accord pour ce lot, merci de prévenir à destination de ce chargement non autorisé». Secrétama ajoute: «par ailleurs, vous rappelons navires suivants n'ont pas fait l'objet de visa» (suivent les noms de deux navires avec les dates et lieux d'embarquement).

2. Les 13 et 26 mai 1986, Secrétama a adressé des télex (nos 1220 et 2321) au Conseil national des chargeurs togolais pour l'informer des départs prochains d'un port français d'un navire appartenant à un armateur italien hors-comité armatorial; Secrétama a, dans les deux cas, précisé qu'il n'avait pas visé les manifestes correspondants et a conclu ces télex par la formule suivante: «Nous vous demandons de prendre à destination les dispositions nécessaires et vous remercions de nous tenir informés des suites de cette affaire.»

3. Les 10 février et 10 mars 1986, Secrétama a adressé deux télex (nos 690 et 1165) pour informer le Conseil gabonais des chargeurs des départs d'un port français de deux navires appartenant respectivement à des armements danois et israélien, tous deux hors-comité armatorial. Ainsi que dans le cas visé au paragraphe précédent, et dans les mêmes termes, Secrétama a indiqué qu'il n'avait pas visé les manifestes correspondants et a invité le Conseil gabonais des chargeurs à «prendre les dispositions nécessaires» et à le tenir informé des suites de l'affaire.

4. Le 9 mars 1988, l'armateur Delmas a signalé par télex à Secrétama et au Conseil national des chargeurs du Cameroun qu'un chargement embarqué dans un port français par un armateur néerlandais membre du comité armatorial et présenté comme destiné au Tchad aurait, en fait, partiellement le Cameroun comme destination finale. Delmas a conclu son télex en ces termes: «nous espérons donc que ce lot a priori sans dérogation sera pénalisé à destination».

5. Le 19 avril 1988, SCADOA(1) a informé par télex no 7467 le Conseil national des chargeurs du Cameroun et Secrétama du départ d'un port français de deux navires à destination du Cameroun, en infraction aux règles du comité armatorial. SCADOA conclut en ces termes: «souhaitons que des sanctions soient prises contre ces deux navires».

6. Par télex no 174 du 27 avril 1988, le représentant à Paris du Conseil national des chargeurs du Cameroun a informé le siège de son organisme à Douala du chargement dans un port français par des navires grec et libérien hors-comité armatorial de cargaisons en infraction avec les règles de ce comité. Ce télex se termine par la formule suivante: «l'ensemble des parties membres de l'accord armatorial souhaite que les sanctions les plus sévères soient infligées à tout chargeur ou armateur en infraction».

7. Par télex no 6457 du 27 octobre 1988, Camship a signalé à Secrétama l'embarquement dans un port français à destination du Cameroun d'un navire ghanéen, en infraction aux règles du comité armatorial; Camship a prié Secrétama de prendre les «dispositions requises pour de tels cas».

8. En octobre 1989, l'armateur Delmas a signalé par télex à Secrétama deux départs de navires d'un port français à destination du Cameroun, en infraction aux règles du comité armatorial. Par télex nos 4978 et 5142 des 4 et 19 octobre 1989, Secrétama a informé Delmas qu'il avait bien transmis copies des télex de ce dernier au Conseil national des chargeurs du Cameroun «pour suite à donner».

(1) Voir considérant 44.

ANNEXE VI

Pièces relatives à des amendes infligées pour non-respect de la discipline imposée par les comités armatoriaux 1. Le 12 février 1986, le CNCT (Conseil national des chargeurs togolais) a adressé à l'armateur danois hors comité Maersk le procès-verbal no 021/CNCT/86 par lequel il confirme avoir encaissé un chèque de 1 032 255 francs CFA à titre d'amende pour marchandises chargées irrégulièrement au départ de Marseille à destination de Lomé.

2. Par lettre du 25 mars 1986, le CNCT a constaté que Maersk avait chargé des marchandises à partir de ports français «sans le cachet de Secrétama». Une amende de 4 226 847 francs CFA a été imposée à cet armateur; par procés-verbal, le 2 avril, le CNCT a confirmé avoir encaissé cette somme.

3. Le 31 mars de la même année, le CNCT a adressé à Maersk un formulaire de paiement pour une amende de 7 070 537 francs CFA, dont il est précisé qu'elle correspond à 50 % de la valeur du fret; le motif de l'amende est ainsi libellé: «Marchandises embarquées sans cachet Secrétama».

4. Par lettre adressée à Maersk le 2 mai 1988, le CNCT a consenti à annuler deux pénalités: l'une concernait des marchandises apparemment embarquées à Marseille mais dont Maersk avait pu prouver qu'elles étaient en transit dans ce port, l'autre concernait l'embarquement d'effets personnels sans valeur commerciale d'un agent de cette compagnie maritime.

5. Le 13 juin 1988, Maersk a reçu du CNCT l'injonction de payer 3 098 750 francs CFA pour l'embarquement irrégulier de huit camions à partir de Marseille.

6. Par télex du 21 novembre 1988, le CNCT a confirmé à Maersk qu'un navire de cet armateur ayant embarqué à Marseille «a été pénalisé pour défaut de cachet Secrétama».

7. Dans un «Rapport de présentation» joint à un projet d'arrêté interministériel sénégalais d'octobre 1987, l'administration sénégalaise se réfère à des «sanctions ... appliquées dans notre commerce maritime avec la France». Dans un procès-verbal tenu par le comité armatorial France-Sénégal le 5 mai 1987, l'armateur Cosenam estime que «les amendes ne sont pas assez dissuasives pour empêcher Maersk Line de charger», confirmant ainsi que des amendes sont effectivement appliquées.

8. Le procés-verbal de la réunion du 2 juillet 1986 du comité armatorial France-Niger reprend le titre suivant:

«Réalisations d'OT Africa Line sans autorisation (double pénalisation en cas de dépassement: amende et introduction des résultats en statistiques).»

Cette formulation implique qu'au cas où OT Africa Line, membre du comité armatorial, dépasserait son allocation, il se verrait imposer une amende et qu'en outre le tonnage chargé en excédent serait débité de son allocation pour le mois suivant.

Il est mentionné plus loin dans le même procès-verbal que «le président souligne qu'un arrêté ministériel prévoit le paiement d'une amende et confirme qu'OT Africa Line a été sanctionné pour l'embarquement objet de la présente discussion».

9. Dans le procès-verbal du 2 juin 1986 du comité armatorial France-Sénégal, il est indiqué dans le cadre d'un débat portant sur le contrôle des chargements hors-accord armatorial que les armateurs Nedlloyd et Woermann ont été pénalisés.