32000Y0824(05)

Initiative de la République portugaise, de la République française, du Royaume de Suède et du Royaume de Belgique en vue de l'adoption de la décision du Conseil instituant Eurojust afin de renforcer la lutte contre les formes graves de criminalité organisée

Journal officiel n° C 243 du 24/08/2000 p. 0015 - 0020


Initiative de la République portugaise, de la République française, du Royaume de Suède et du Royaume de Belgique en vue de l'adoption de la décision du Conseil instituant Eurojust afin de renforcer la lutte contre les formes graves de criminalité organisée

(2000/C 243/05)

LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,

vu le titre VI du traité sur l'Union européenne, et notamment son article 31 et son article 34, paragraphe 2, point c),

vu l'initiative de la République fédérale d'Allemagne ainsi que celle de la République portugaise, de la République française, du Royaume de Suède et du Royaume de Belgique,

vu l'avis du Parlement européen,

considérant ce qui suit:

(1) Les conclusions du Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999, et notamment le point 46 des conclusions, portent sur la création d'une unité (Eurojust) composée de procureurs, de magistrats ou d'officiers de police ayant des prérogatives équivalentes, afin de renforcer la lutte contre les formes graves de criminalité organisée.

(2) Il est nécessaire et urgent d'améliorer davantage la coopération judiciaire entre les États membres de l'Union européenne, notamment dans la lutte contre les formes graves de criminalité qui sont souvent le fait d'organisations transnationales.

(3) L'amélioration effective de la coopération judiciaire entre les États membres requiert sans plus attendre l'adoption au niveau de l'Union des mesures structurelles destinées à faciliter la coordination des actions d'enquête et de poursuites couvrant le territoire de plusieurs États membres.

(4) Il est opportun qu'Eurojust et Europol établissent et maintiennent une coopération étroite.

(5) La présente décision est sans préjudice des conventions et accords existants, et notamment de la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959, ainsi que la convention sur l'entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres de l'Union européenne, adoptée par le Conseil le 29 mai 2000,

DÉCIDE:

Article premier

Création

La présente décision a pour objet d'instituer l'unité de coordination judiciaire Eurojust, ci-après dénommée "Eurojust".

Article 2

Composition

Eurojust est composé, compte tenu des règles constitutionnelles, des traditions juridiques et de la structure interne de chaque État membre, d'un membre national par État membre ayant la qualité de procureur, de magistrat ou d'officier de police ayant des prérogatives équivalentes.

Article 3

Correspondants nationaux

Chaque État membre peut désigner un ou plusieurs correspondants nationaux d'Eurojust, ci-après dénommés "correspondants nationaux". Celui-ci a son lieu de travail dans l'État membre qui l'a désigné.

Article 4

Mandat

1. Eurojust a pour mission d'améliorer et de faciliter la coopération des organes d'enquête et de poursuites compétents des États membres en ce qui concerne la lutte contre les formes graves de criminalité internationale, telles que définies à l'article 5, pour autant que deux États membres ou plus soient affectés par ces formes de criminalité et que le cas requiert une action coordonnée des autorités judiciaires de plusieurs de ceux-ci.

2. Eurojust accomplit son mandat de manière collégiale sous la conduite du président et de l'équipe de direction.

Article 5

Compétence matérielle

Le champ de compétence matérielle d'Eurojust recouvre:

a) les types de criminalité et les infractions pour lesquels Europol a compétence d'agir en application de l'article 2 de la convention Europol du 26 juillet 1995;

b) la traite des êtres humains, telle que définie dans la décision du Conseil du 3 décembre 1998 visant à compléter la définition de la forme de criminalité dite "traite des êtres humains" figurant à l'annexe de la convention Europol(1);

c) les actes de terrorisme tels que définis dans la décision du Conseil du 3 décembre 1998 chargeant Europol de traiter des infractions commises ou susceptibles d'être commises dans le cadre d'activités de terrorisme portant atteinte à la vie, à l'intégrité physique, à la liberté des personnes ainsi qu'aux biens(2);

d) la protection de l'euro, telle que définie dans la décision du Conseil du 29 avril 1999 étendant le mandat d'Europol à la lutte contre le faux-monnayage et la falsification des moyens de paiement(3), ainsi que la lutte contre les autres formes de contrefaçon de monnaie et de moyens de paiement;

e) la criminalité informatique;

f) la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, telle que définie dans la convention du 26 juillet 1995(4) et dans ses protocoles des 29 novembre 1996(5), 19 juin 1997(6) et 27 septembre 1997(7);

g) le blanchiment de l'argent du crime au sens de la convention du Conseil de l'Europe du 8 novembre 1990 sur le même thème et l'action commune 98/699/JAI du 3 décembre 1998 concernant l'identification, le dépistage, le gel ou la saisie et la confiscation des instruments et des produits du crime(8);

h) d'autres formes de criminalité ayant été commises en lien avec les infractions visées dans le présent article.

Article 6

Attributions

Afin de remplir ses missions, Eurojust:

a) peut demander à un État membre d'entreprendre une enquête ou des poursuites sur des faits précis ou d'accepter qu'un autre État membre puisse être mieux placé que lui pour ce faire; cette invitation n'a pas de caractère contraignant. Si un État membre décide de ne pas suivre cette invitation, Eurojust devrait, en principe, être informé de cette décision et des raisons qui la motivent;

b) assure l'information réciproque des autorités compétentes des États membres sur les enquêtes et les poursuites en cours dans plusieurs États membres qui ont des liens entre elles;

c) apprécie l'opportunité d'une coordination des enquêtes et des poursuites menées par plusieurs États membres et demande, le cas échéant, aux autorités compétentes de ces États membres de réaliser cette coordination;

d) assiste les États membres, à leur demande, en vue d'assurer la meilleure coordination des enquêtes et des poursuites; à cet effet, incite, les autorités judiciaires des États membres à se réunir pour se concerter;

e) contribue à simplifier l'exécution des commissions rogatoires internationales dans le respect des règles de procédure en vigueur;

f) en coopération et en concertation avec le Réseau judiciaire européen, établit une base documentaire mise à jour continuellement dans la perspective de fournir des renseignements juridiques et pratiques ainsi que d'assister les autorités judiciaires compétentes des États membres par des conseils et des recherches;

g) apporte son concours à Europol, à sa demande, en lui fournissant notamment des avis, sur la base des analyses de celui-ci.

Article 7

Correspondants nationaux

1. S'il l'estime nécessaire pour la simplification et l'amélioration de ses relations avec Eurojust, chaque État membre crée ou désigne un ou plusieurs correspondants nationaux.

2. Le correspondant national peut être un point de contact du Réseau judiciaire européen.

3. Lorsqu'il existe, le correspondant national centralise et facilite la transmission des informations à Eurojust visées à l'article 9, paragraphe 1. Les relations entre le correspondant national et les services nationaux compétents sont régies par le droit national.

Article 8

Membres nationaux

1. Les membres nationaux visés à l'article 2:

a) sont soumis au droit national de leur État membre d'origine;

b) sont également destinataires de toute information destinée à Eurojust en provenance de leur État membre d'origine;

c) contribuent à l'échange d'informations entre les autorités compétentes des États membres, et les correspondants nationaux, le cas échéant; ils contribuent aussi à la coordination des actions en matière d'enquêtes et de poursuites.

2. Chaque État membre définit la nature et l'étendue des pouvoirs qu'il accorde à son membre national sur son propre territoire. Les autres États membres s'engagent à accepter et à reconnaître les prérogatives ainsi conférées.

3. Dans le respect des obligations liées à la protection des données, le membre national est habilité, conformément aux dispositions de son droit national, à consulter le casier judiciaire de son État membre d'origine, notamment lorsque des personnes sont arrêtées; sous les mêmes réserves, l'habilitation permet l'accès au système informatique Schengen.

4. Le membre national d'un État membre peut contacter directement les autorités compétentes de son pays, selon les modalités définies par ce dernier.

Article 9

Information

1. Les autorités judiciaires des États membres et Europol peuvent échanger avec Eurojust toute information utile à l'accomplissement des missions de celle-ci, notamment lorsque des éléments suffisants existeraient pour qu'une enquête ou des poursuites soient initiées dans plusieurs États membres.

2. Eurojust a la faculté de demander des informations à Europol et aux autorités judiciaires des États membres.

3. Lorsqu'un État membre demande, conformément à l'article 13, paragraphe 1, de la convention du 29 mai 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres de l'Union européenne(9), la création d'une équipe d'enquête commune, il en informe Eurojust.

Article 10

Traitement des affaires

1. En vue de remplir ses missions, Eurojust traite les données relatives aux affaires entrant dans son domaine de compétence.

2. Les données sont relatives aux faits constituant des infractions au sens de l'article 5 et aux personnes qui, au regard du droit national des États membres concernés, sont soupçonnées ou poursuivies pour une ou plusieurs infractions définies à l'article 5.

3. Les données portent sur les faits et les personnes. Elles doivent être adéquates, pertinentes et non excessives par rapport aux finalités ainsi que suffisamment précises et complètes pour permettre à Eurojust de remplir sa mission de coordination. Elles comprennent les éléments suivants:

a) si elles proviennent des États membres:

i) les noms, prénoms et, le cas échéant, les alias ou noms d'emprunt des personnes concernées par l'enquête;

ii) la description et la nature des faits, la date de leur commission, leur qualification pénale, le niveau de développement des investigations;

iii) les liens avec les autres États membres concernés, les éléments de fait faisant présumer de l'extension internationale du cas et les coordonnées connues permettant l'identification et la localisation des personnes susceptibles d'être englobées dans l'affaire à l'étranger;

b) si elles proviennent d'Europol ou d'un autre organisme:

i) les noms, prénoms et, le cas échéant, les alias ou noms d'emprunt des personnes concernées par l'enquête;

ii) la description de la nature des faits, la date de leur commission, leur qualification pénale dans les différents États membres concernés, l'état de la procédure dans chacun d'eux;

iii) une analyse des besoins de coordination.

Article 11

Accès aux données

Les données reçues par Eurojust sont protégées. Elles ne sont accessibles, aux fins de consultation et de recherche, qu'aux personnes habilitées et aux membres nationaux.

Article 12

Confidentialité

1. Dès que des informations sont transmises à Eurojust, le personnel, les correspondants nationaux s'ils existent, et les membres nationaux sont tenus à une obligation de confidentialité.

2. L'obligation de confidentialité s'applique à toutes les personnes et à tous les organismes appelés à travailler avec Eurojust.

Article 13

Modification, rectification et effacement des données à caractère personnel

1. À la demande des autorités compétentes d'un État membre, de son membre national ou de son correspondant national s'il existe, et sous leur responsabilité, Eurojust modifie, rectifie ou efface les données à caractère personnel faisant l'objet d'un traitement automatisé, transmises ou introduites par cet État membre, son membre national ou son correspondant national.

2. S'il s'avère que des données à caractère personnel faisant l'objet d'un traitement automatisé sont entachées d'erreur ou que leur introduction et leur conservation sont contraires aux dispositions de la présente décision, Eurojust est tenu de les modifier, de les rectifier ou de les effacer.

3. Dans les cas visés aux paragraphes 1 et 2, tous les destinataires de ces données sont informés sans délai. Ces derniers sont tenus de procéder également à la modification, à la rectification ou à l'effacement subséquents dans leur propre système.

Article 14

Délais de conservation des données à caractère personnel

1. Les données à caractère personnel faisant l'objet d'un traitement automatisé ne sont pas conservées par Eurojust plus que le temps nécessaire pour lui permettre de remplir ses fonctions de coordination des enquêtes ou des poursuites.

2. Les données à caractère personnel faisant l'objet d'un traitement automatisé ne peuvent être conservées au-delà:

a) de la date d'expiration du délai de prescription de l'action publique de l'État membre où il est le plus long, pour autant que deux États membres soient encore concernés par l'enquête et les poursuites;

b) de la date à laquelle est devenue définitive la décision judiciaire du dernier des États membres concernés par l'enquête ou les poursuites ayant motivé la coordination d'Eurojust;

c) de la date à laquelle Eurojust et les États membres concernés ont constaté ou convenu d'un commun accord qu'il n'était plus nécessaire de coordonner l'enquête et les poursuites.

3. En tout état de cause, une vérification des données à caractère personnel faisant l'objet d'un traitement automatisé conservées à Eurojust se fait au plus tard deux ans après leur introduction et ultérieurement tous les cinq ans.

4. Lors de la vérification visée au paragraphe 3, les États concernés et Eurojust peuvent décider de conserver ces données jusqu'à la vérification suivante, si leur conservation reste nécessaire pour permettre à Eurojust de remplir son mandat.

5. Dans le cas où Eurojust a coordonné une enquête ou des poursuites, les États membres informent Eurojust et les États membres concernés de toutes les décisions judiciaires relatives à ce cas et ayant acquis un caractère définitif, afin notamment que soit appliqué le paragraphe 2, point b).

Article 15

Sécurité des données

1. Il appartient à Eurojust de prendre les mesures techniques et les dispositions d'organisation nécessaires à l'exécution de la présente décision pour ce qui concerne la sécurité et la protection des données.

2. Dans le cadre de l'application de la présente décision, Eurojust et chaque État membre prennent les mesures nécessaires pour garantir un niveau de protection des données à caractère personnel correspondant au moins à celui qui résulte de l'application des principes de la convention du Conseil de l'Europe du 28 janvier 1981.

3. Chaque État membre, notamment lorsqu'il existe un correspondant national, et Eurojust prennent, en ce qui concerne le traitement des données à caractère personnel dans les services d'Eurojust, les mesures propres à:

a) en interdire l'accès aux personnes non autorisées;

b) en empêcher la lecture, la copie, la modification ou le retrait par des personnes non habilitées;

c) prévenir, plus généralement, toute intrusion, toute utilisation ou manipulation par des personnes non habilitées;

d) s'assurer que le système est fiable et que les données stockées ne peuvent pas être faussées par une erreur de manipulation.

Article 16

Relations avec les partenaires

1. Eurojust et Europol établissent et maintiennent une coopération étroite, notamment au moyen de rencontres régulières entre leurs dirigeants.

2. Eurojust et le Réseau judiciaire européen entretiennent des relations privilégiées basées sur la concertation et la complémentarité, notamment entre le membre national, les points de contact d'un même État membre et, lorsqu'il existe, le correspondant national.

3. La Commission (Office européen de lutte antifraude) peut, cas par cas, être associée au traitement d'une affaire:

a) à l'initiative d'Eurojust;

b) à sa demande, lorsque les membres nationaux concernés ne s'opposent pas à cette participation.

4. Les magistrats de liaison peuvent, cas par cas et à l'initiative d'Eurojust, être associés aux travaux, lorsque:

a) la coordination des poursuites et de l'enquête concerne des faits commis dans des États membres où ils exercent leurs fonctions;

b) l'État membre qu'ils représentent est concerné par le cas;

c) les autres États membres concernés acceptent cette participation.

Article 17

Personnalité juridique

Eurojust a la personnalité juridique.

Article 18

Organisation et fonctionnement

1. Eurojust adopte son propre règlement intérieur.

2. Eurojust est dirigée par un président. L'équipe de direction comporte au plus, outre le président, deux vice-présidents.

3. Le président et les deux vice-présidents, tous trois choisis parmi les membres nationaux, sont nommés par le Conseil selon les procédures prévues au titre VI du traité, sur proposition des membres nationaux, pour une durée de quatre années.

4. Le président, assisté des vice-présidents, assure:

a) l'exécution des tâches d'Eurojust;

b) l'administration courante;

c) la gestion du personnel.

5. Outre les membres nationaux, d'autres agents sont affectés par le Conseil à Eurojust, selon la procédure prévue par les articles 37 et 38 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes. Le président d'Eurojust est associé à la désignation de ce personnel et procède à son affectation afin que chaque membre national dispose des mêmes moyens.

6. Sous la direction du président, le personnel doit s'acquitter de sa tâche en ayant en vue les objectifs et le mandat d'Eurojust, sans solliciter ni accepter d'instructions d'aucun gouvernement, autorité, organisation ou personne extérieure à Eurojust.

Article 19

Langues

1. Eurojust est assisté par une équipe d'interprètes et de traducteurs.

2. Le rapport annuel au Conseil, visé à l'article 20, paragraphe 1, second alinéa, est rédigé dans les langues officielles des institutions de l'Union européenne.

Article 20

Information du Parlement européen et du Conseil

1. Le président rend compte au Conseil, par écrit et tous les ans, de sa gestion et des activités d'Eurojust.

À cette fin, il présente au Conseil un rapport annuel sur les activités d'Eurojust et sur les problèmes de politique criminelle au sein de l'Union européenne; le président fournit également tout rapport ou toute autre information susceptible de lui être demandée par le Conseil.

2. Eurojust peut également formuler des propositions pour améliorer la coopération judiciaire pénale.

3. La présidence du Conseil adresse chaque année au Parlement européen un rapport spécial sur les travaux menés par Eurojust.

Article 21

Finances

1. Les salaires et émoluments des membres nationaux sont à la charge de leurs États membres d'origine.

2. Les dépenses liées au fonctionnement d'Eurojust autres que celles visées au paragraphe 1 relèvent de l'article 41, paragraphe 3, du traité.

3. Lorsque les membres nationaux agissent dans le cadre des missions d'Eurojust, les dépenses afférentes sont considérées comme des dépenses opérationnelles au sens de l'article 41, paragraphe 3, du traité.

4. Pour les dépenses qui ne relèvent pas du paragraphe 1, la procédure budgétaire fixée dans le traité instituant la Communauté européenne s'applique.

Article 22

Localisation

Le siège d'Eurojust est établi à ...

Article 23

Prise d'effet

La présente décision prend effet le premier jour du troisième mois suivant sa publication au Journal officiel.

Fait à ...

Par le Conseil

Le président

...

(1) JO C 26 du 30.1.1999, p. 21.

(2) JO C 26 du 30.1.1999, p. 22.

(3) JO C 149 du 28.5.1999, p. 16.

(4) JO C 316 du 27.11.1995, p. 48.

(5) JO C 151 du 20.5.1997, p. 1.

(6) JO C 221 du 19.7.1997, p. 11.

(7) JO C 313 du 23.10.1996, p. 1.

(8) JO L 333 du 9.12.1998, p. 1.

(9) JO C 197 du 12.7.2000, p. 1.