Bruxelles, le 7.7.2016

COM(2016) 448 final

RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL

fondé sur l’article 10 de la décision-cadre 2008/841/JAI du Conseil du 24 octobre 2008 relative à la lutte contre la criminalité organisée


RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL

fondé sur l’article 10 de la décision-cadre 2008/841/JAI du Conseil du 24 octobre 2008 relative à la lutte contre la criminalité organisée

1.Introduction

1.1.Contexte

Les premières mesures prises par l’Union européenne en vue de l’incrimination des infractions liées à une organisation criminelle remontent à 1988, avec l’adoption de l’action commune 98/733/JAI relative à l’incrimination de la participation à une organisation criminelle dans les États membres de l’Union européenne 1 . Cet instrument, adopté par le Conseil sur la base de l’article K.3 du traité sur l’Union européenne, a introduit une définition de la criminalité organisée dans le droit international.

Cette action commune a été suivie par la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée (ci-après la «convention de l'ONU»), adoptée par la résolution 55/25 de l’Assemblée générale des Nations unies du 15 novembre 2000, qui est devenue le principal instrument international de lutte contre la criminalité transnationale organisée. L’Union européenne (auparavant dénommée Communauté européenne) a participé aux négociations de ladite convention, qu’elle a signée et à laquelle elle est partie 2 .

Le 19 janvier 2005, la Commission a présenté une proposition de décision-cadre relative à la lutte contre la criminalité organisée 3 . Celle-ci visait à amplifier les résultats de l’action commune 98/733/JAI et de la convention de l'ONU, par une cohérence accrue dans le rapprochement des législations, afin de lutter plus efficacement contre la criminalité organisée à l’échelle de l’Union européenne.

L’issue des négociations s’est avérée moins ambitieuse que la proposition initiale. La Commission, soutenue par la France et l’Italie, a décidé de publier une déclaration 4 remettant en question la valeur ajoutée de l’instrument du point de vue de la réalisation du rapprochement minimal nécessaire.

1.2.Principaux éléments et objectif de la décision-cadre

Le préambule de la décision-cadre 2008/841/JAI du Conseil du 24 octobre 2008 relative à la lutte contre la criminalité organisée souligne que l’objectif de l’Union européenne est d’améliorer les capacités communes de l’Union et de ses États membres afin, notamment, de lutter contre la criminalité transnationale organisée.

Cet objectif, qui relève des politiques de l’Union relatives à la coopération judiciaire en matière pénale, doit être poursuivi, en particulier, par le rapprochement des législations. Le champ d’application de cet instrument devrait donc englober les infractions généralement commises dans le cadre d’une organisation criminelle. Il devrait également prévoir des sanctions correspondant à la gravité de ces infractions commises par des personnes physiques et morales.

La décision-cadre est principalement axée sur l’incrimination des infractions relatives à la participation à une organisation criminelle (article 2 de la décision-cadre) en se fondant sur les définitions de l’article 1er.

1.3.Finalité du présent rapport et méthode d’évaluation

Le programme européen en matière de sécurité 5 , adopté par la Commission européenne le 28 avril 2015, met en évidence la nécessité d’aider les États membres à développer la confiance mutuelle, à exploiter pleinement les instruments de partage de l’information existants et à promouvoir la coopération opérationnelle transfrontière entre les autorités compétentes. Cet objectif doit être atteint par une meilleure utilisation et mise en œuvre des instruments juridiques en vigueur de l’UE. C’est la raison pour laquelle la Commission, dans son rôle de gardienne des traités, contrôle la transposition des instruments pertinents de l’Union.

En application de l’article 10 de la décision-cadre 6 , les États membres étaient tenus d’adopter les mesures d’exécution nécessaires et d’en informer le Conseil et la Commission avant le 11 mai 2010. La Commission devait rédiger un rapport sur la base de ces informations. Le Conseil devait ensuite vérifier, avant le 11 novembre 2012, si les États membres avaient pris les mesures nécessaires pour se conformer à la décision-cadre.

À l’expiration du délai de transposition, le 11 mai 2010, seuls quatre États membres (BE, CY, IE et NL) avaient adressé leur notification à la Commission. D’autres États membres ont communiqué leurs mesures de transposition après cette date.

Depuis le 1er décembre 2014, la décision-cadre ne s’applique plus au Royaume-Uni, car ce dernier a exercé son droit de se retirer de cet instrument juridique en vertu de l’article 10, paragraphe 4, du protocole nº 36 annexé aux traités. Même si, par le passé, le Royaume-Uni a adopté des dispositions législatives nationales mettant en œuvre la décision-cadre et en a informé la Commission, le présent rapport n'inclut pas cet État membre. En vertu de l’article 2 du protocole nº 22 sur la position du Danemark, ce dernier est lié par la décision-cadre puisqu'elle a été adoptée avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.

La description et l’analyse figurant dans le présent rapport reposent essentiellement sur les informations fournies par les États membres, complétées par des informations et les résultats d’une étude externe accessibles au public 7 . Après l’expiration de la période de transition prévue à l’article 10, paragraphe 3, du protocole nº36 annexé aux traités (1er décembre 2014), la Commission a demandé aux États membres de notifier leurs mesures de transposition nationales des instruments qui relevaient de l'acquis de l’ancien troisième pilier, y compris la décision-cadre, par l’intermédiaire de la base de données MNE («mesures nationales d’exécution»). Au moment de la rédaction du présent rapport, tous les États membres avaient communiqué ces mesures.

Le rapport analyse les articles 1er à 8. Il n’aborde pas les articles 9 à 12 car ces dispositions ne requièrent pas de mise en œuvre. Les critères d’évaluation retenus par la Commission dans le cadre de ce rapport sont les critères généraux adoptés en 2001, qui sont pertinents pour évaluer la mise en œuvre des décisions-cadres (effet utile, clarté et sécurité juridique, pleine application et respect du délai de transposition) 8 . En outre, des critères spécifiques à la décision-cadre sont également utilisés; ils sont plus amplement détaillés dans l’analyse disposition par disposition ci-dessous.

Dans un souci de cohérence, les dispositions nationales en rapport avec la décision-cadre sont évaluées de manière distincte pour les États membres qui fondent leur législation sur une infraction autonome telle que visée à l’article 2, d'une part, et pour les États qui adoptent des approches différentes, d'autre part.

2.Évaluation

2.1.Évaluation des dispositions nationales pertinentes des États-membres qui fondent leur législation sur une infraction autonome

La vue d’ensemble présentée ci-après ne comprend pas le Danemark, la Suède ni le Royaume-Uni. Par conséquent, lorsque le rapport mentionne «tous les États membres», il désigne uniquement les 25 autres États membres.

2.1.1.Définitions (article 1)

L’article 1er énonce deux définitions utiles pour délimiter le champ d’application de la décision-cadre, à savoir les définitions d’«organisation criminelle» et d’«association structurée».

En ce qui concerne la définition d’«association structurée»une association qui ne s’est pas constituée au hasard pour commettre immédiatement une infraction et qui n’a pas nécessairement de rôles formellement définis pour ses membres, de continuité dans sa composition ou de structure élaborée»), trois États membres (BG, HR, IE) ont adopté la formulation de la décision-cadre, tandis que quatre autres (CZ, EE, LT, ES) y ont ajouté des éléments complémentaires, essentiellement la division des tâches ou des fonctions au sein de l’organisation criminelle. Sept États membres (BE, CY, FI, EL, LU, RO, SK) précisent que l’association doit disposer d’une structure, tandis que onze autres (AT, DE, FR, HU, IT, LV, MT, NL, PL, PT, SI) ne font aucune référence à la définition d’«association structurée».

Onze États membres (AT, BE, BG, FI, EL, HU, LU, PT, RO, SK, ES) mentionnent le critère de la continuitéétablie dans le temps»). Les dispositions nationales de l'Estonie et de la Lituanie font référence à une organisation permanente, ce qui limite potentiellement le champ d’application de cette disposition en excluant les organisations criminelles non permanentes. Les autres États membres (HR, CY, CZ, DE, FR, IE, IT, LV, MT, NL, PL, SI) ne font aucune mention de cet élément dans leur législation interne.

En ce qui concerne les membresplus de deux personnes agissant de façon concertée»), la majorité des États membres (AT, BE, BG, HR, CY, EE, FI, EL, HU, IE, IT, LT, LU, PT, RO, SK, ES) mentionnent directement la participation d’au moins trois personnes. La Lettonie limite le champ d’application de cette disposition aux groupes composés d’au moins cinq personnes. La législation tchèque fait référence à un nombre minimal de deux personnes agissant de façon concertée, tandis que six États membres (DE, FR, MT, NL, PL et SI) ne mentionnent pas ce critère dans leur législation nationale.

Seuls trois États membres (BE, LU, SK) font référence au critère du profitpour en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel») dans leur législation interne. Cela signifie que la définition adoptée dans tous les autres États membres est plus large et ouvre le champ d’application de cette disposition aux organisations criminelles qui ne sont pas nécessairement motivées par le profit.

En ce qui concerne les infractions principalesinfractions punissables d’une peine privative de liberté ou d’une mesure de sûreté privative de liberté d’un maximum d’au moins quatre ans ou d’une peine plus grave»), les seuils maximaux les plus bas du nombre d’années d’emprisonnement prévus dans les législations nationales sont les suivants:

au moins trois ans dans trois États membres (BE, CY, EE);

plus de trois ans dans cinq États membres (AT, BG, HR, LT, SI);

au moins quatre ans dans quatre États membres (FI, IE, LU, MT); la Finlande élargit en outre le champ d’application à deux autres infractions pour lesquelles la peine maximale encourue est de moins de quatre ans;

au moins cinq ans dans deux États membres (FR et HU);

plus de cinq ans dans un État membre (SK);

aucune indication concernant le niveau des infractions principales dans huit États membres (CZ, DE, IT, NL, PL, PT, RO, ES), ce qui signifie que le champ d’application s’étend à toutes les infractions pénales; l'Allemagne limite le champ d’application en excluant certaines infractions spécifiques commises à l’encontre de l’état de droit démocratique;

en Grèce et en Lettonie, une liste d’infractions graves sont considérées comme des infractions principales; cette liste n'englobe pas toutes les infractions pour lesquelles la durée maximale d’emprisonnement est d’au moins quatre années en Lettonie, tandis que la situation n’est pas claire en Grèce.

2.1.2.Infractions relatives à la participation à une organisation criminelle (article 2)

La décision-cadre concerne principalement l’incrimination de comportements liés à la participation à une organisation criminelle. L’article 2 contraint les États membres à ériger en infraction dans la législation nationale au moins l’un des types de comportements suivants:

a) le fait pour toute personne de participer activement, d’une manière intentionnelle et en ayant connaissance soit du but et de l’activité générale de l’organisation criminelle, soit de son intention de commettre les infractions en cause, à ses activités criminelles, y compris en fournissant des informations ou des moyens matériels, en recrutant de nouveaux membres, ainsi que par toute forme de financement de ses activités, en sachant que cette participation contribuera à la réalisation des activités criminelles de cette organisation;

b) le fait pour toute personne de conclure avec une ou plusieurs personnes un accord visant à exercer une activité qui, si elle aboutit, reviendrait à commettre les infractions visées à l’article 1er, même lorsque cette personne ne participe pas à l’exécution proprement dite de l’activité.

L’état d’avancement de la transposition de l’article 2 est le suivant:

quatre États membres (BG, HR, EL, MT) prévoient ces deux infractions [article 2, points a) et b)];

vingt et un États membres (AT, BE, CY, CZ, DE, EE, FI, FR, HU, IE, IT, LV, LT, LU, NL, PL, PT, RO, SK, SI, ES) ne couvrent que l’article 2, point a), incriminant ainsi la participation à une organisation criminelle. En Belgique, la législation nationale restreint l’infraction de participation à une organisation criminelle à des cas où il est recouru à l’intimidation, à des menaces, à la violence, à la fraude, à la corruption ou à des structures commerciales.

En ce qui concerne la transposition de l’article 2, point a):

six États membres (BG, FR, LT, LV, PL, SI) mentionnent généralement la participation à une organisation criminelle, sans préciser le type d’activités considéré (commission d’infractions pénales ou autres activités qui ne sont pas nécessairement de nature criminelle);

huit États membres (BE, CY, CZ, IE, IT, LU, RO, SK) incluent explicitement d’«autres activités» dans leur définition d’un comportement constituant une participation, ou incriminent la participation et le soutien à une organisation criminelle;

huit autres États membres (AT, DE, EE, EL, ES, MT, NL, PT) citent un ou plusieurs cas spécifiques d’«autres activités» inclus dans la décision-cadre (comme la fourniture d’informations ou de moyens matériels, le recrutement de nouveaux membres et le financement des activités d’une organisation criminelle);

trois États membres (HU, HR, FI) limitent explicitement le champ d’application, en excluant toute infraction principale réellement commise (HR) ou les infractions aussi graves ou plus graves que l’infraction autonome (FI), ou en le limitant uniquement à l’acte préparatoire (HU);

tous les États membres, excepté quatre (CY, FR, HU, IE) incriminent certaines des formes les plus graves de la participation à une organisation criminelle, comme l’établissement, la direction, l’organisation, la promotion, etc.;

neuf États membres (AT, BE, HR, CY, EL, FI, IE, LU, SK) font explicitement référence à l'intention et/ou à la connaissance de l’auteur de l’infraction concernant le but et l’activité générale de l’organisation criminelle et/ou la commission des infractions principales.

En ce qui concerne l’infraction visée à l’article 2, point b):

deux États membres (Grèce, Malte) incriminent l’association de malfaiteurs pour toute infraction pénale (excepté les infractions passibles d’une peine autre que l’emprisonnement, ainsi que celles visées par la loi sur la presse, dans le cas de Malte). En Grèce, la législation exclut les infractions principales relevant de la participation à une organisation criminelle, mais inclut des actes délictueux commis en vue d’obtenir des avantages financiers ou d’autres avantages matériels, ou de porter atteinte à la vie, à l’intégrité physique ou à la liberté de procréer d’une personne, à moins que ces actes ne soient passibles d’une peine d’emprisonnement de moins d’un an;

pour deux États membres (Bulgarie, Croatie), le champ d’application des infractions principales est limité aux infractions passibles d’une peine d’emprisonnement de plus de trois ans. La Bulgarie prévoit une restriction supplémentaire, à savoir lorsque l’objectif est d’obtenir des avantages matériels ou d’exercer une influence illicite sur des organes de l’État ou du gouvernement local.

2.1.3.Responsabilité des personnes morales (article 5)

Cette disposition est une clause type figurant dans plusieurs instruments de l’UE. Tous les États membres (excepté Chypre) ont adopté des dispositions législatives concernant la responsabilité pénale ou non pénale des personnes morales impliquées dans des infractions relatives à la participation à une organisation criminelle (article 2). Chypre a ratifié la convention de l'ONU, mais n’a pas transposé les dispositions concernées dans son ordre juridique national.

Le premier paragraphe a trait à la responsabilité des infractions visées à l’article 2 commises pour le compte d’une personne morale par une personne qui la représente, qui prend des décisions en son nom ou qui exerce une autorité en son sein. Tous les États membres prévoient des dispositions en la matière, mais seuls 15 d’entre eux (AT, CZ, DE, FI, EL, HU, IE, IT, LV, LT, PL, PT, SK, SI, ES) font expressément mention de la responsabilité pour défaut de supervision ou d’encadrement de la part d’une personne visée au paragraphe 1 ayant rendu possible la commission de l’infraction en question (article 5, paragraphe 2). Dans certains États membres, cette possibilité peut découler d’une interprétation souple des dispositions fondamentales relatives aux comportements de personnes morales consistant non seulement à agir, mais aussi à ne pas agir; la Cour suprême aux Pays-Bas et la Cour de cassation en Belgique confirment cette interprétation.

Tous les États membres disposent d’une définition de la «personne morale» et reconnaissent que la responsabilité des personnes morales au titre des paragraphes 1 et 2 est sans préjudice de l’engagement de poursuites pénales à l’encontre des personnes physiques auteurs ou complices de toute infraction visée à l’article 2.

2.1.4.Sanctions (articles 3, 4 et 6)

2.1.4.1.Sanctions à l’encontre des personnes physiques (article 3)

Conformément à l’article 3, paragraphe 1, les États membres veillent à ce que les infractions visées à l’article 2 soient passibles d’une peine d’emprisonnement maximale de deux ans au moins ou, en cas d’association de malfaiteurs dans le cadre de la criminalité organisée, de la même peine d’emprisonnement maximale que l’infraction en vue de laquelle l’association est conclue.

En ce qui concerne l’infraction relative à la participation à une organisation criminelle [article 2, point a)], les durées d’emprisonnement pour l'infraction de base, prévues par la législation nationale, sont les suivantes:

jusqu’à deux ans (FI);

jusqu’à trois ans (AT et HR);

entre un et trois ans (BE, LU et ES);

jusqu’à cinq ans (DE et FR);

entre un et cinq ans (HU, IT, PT et RO);

entre trois mois et cinq ans (PL et SI);

jusqu’à six ans (NL);

entre un et six ans (BG);

entre deux et sept ans (MT);

jusqu’à dix ans (CY et EL);

entre deux et dix ans (CZ);

entre cinq et dix ans (SK);

entre trois et 12 ans (EE);

jusqu’à 15 ans (IE);

entre trois et 15 ans (LT);

entre huit et 17 ans (LV).

Seuls quatre États membres (BG, HR, EL, MT) prévoient en outre l’infraction d’association de malfaiteurs dans le cadre de la criminalité organisée dans le contexte de l’article 2, point b). Dans la législation interne de Malte, la peine encourue dépend de l’infraction en vue de laquelle l’accord est conclu. La Bulgarie fixe la durée maximale de la peine à six ans et la Croatie, à trois ans. En Grèce, l’infraction d’association de malfaiteurs dans le cadre de la criminalité organisée est passible d’au moins six mois d’emprisonnement (au moins trois mois si l’infraction constitue un acte délictueux passible d’au moins un an d’emprisonnement).

Il convient de souligner que la majorité des États membres vont au-delà de leur obligation de base et prévoient des sanctions plus sévères pour des comportements aggravés qui ne sont pas régis par la décision-cadre et sont liés à l’infraction principale visée à l’article 2:

en fonction du rôle de la personne au sein du groupe criminel organisé, par exemple les fondateurs, les décideurs ou les dirigeants de l’organisation criminelle (BE, BG, DE, HR, EE, EL, IT, LT, LU, LV, MT, NL, PL, PT, SI, ES);

en raison de la gravité de l’infraction principale (CZ, DE, FR, IT, PL, RO, ES);

en raison de caractéristiques spécifiques, telles que le recours à des outils particuliers ou à des matières dangereuses (EL, IT, LT, PL);

en raison du nombre élevé de participants à l’organisation criminelle (IT, MT).

2.1.4.2.Circonstances aggravantes (article 3, paragraphe 2)

Conformément à l’article 3, paragraphe 2, les États membres veillent à ce qu’une infraction principale commise dans le cadre de la criminalité organisée puisse être considérée comme une circonstance aggravante dans leur système national.

En général, les législations nationales de tous les États membres se caractérisent par le principe de l'individualisation des peines, selon lequel toute sanction pénale peut potentiellement être aggravée ou atténuée en fonction de circonstances particulières, décidées au cas par cas. Ce principe couvre également le cas particulier d’une infraction commise dans le cadre d’une organisation criminelle.

En ce qui concerne les dispositions juridiques visant spécifiquement les circonstances aggravantes, les approches suivantes ont été recensées:

la législation nationale de l'Irlande considère la commission d’une infraction dans le cadre d’une organisation criminelle comme une circonstance aggravante qui ne s’applique qu’aux infractions passibles d’une peine maximale d’emprisonnement supérieure à quatre ans, ce qui correspond exactement à la durée minimale prévue par l’article 3, paragraphe 2;

en Slovénie, les circonstances aggravantes concernent les infractions passibles d’une peine d’emprisonnement supérieure au seuil de trois ans;

dans la législation interne de six États membres (HR, CZ, FI, HU, LT, PL), le fait qu’une infraction soit commise dans le cadre d’une organisation criminelle constitue une circonstance aggravante générale pour toutes les infractions pénales (et non pas uniquement les infractions graves);

la législation interne de 11 États membres (AT, BE, BG, CY, DE, IT, LV, MT, PT, SK, ES) mentionne explicitement comme une circonstance aggravante, pour une liste d’infractions principales les plus graves, le fait qu’elles ont été commises dans le cadre d’une organisation criminelle. Il n’est pas précisé si la liste en question couvre toutes les infractions passibles d’une privation de liberté d’au moins quatre ans;

la législation nationale de six États membres (EE, EL, FR, LU, NL, RO) ne mentionne pas expressément que la commission d’une infraction dans le cadre d’une organisation criminelle constitue une circonstance aggravante.

2.1.4.3.Possibilité de réduction ou d’exemption de la peine encourue pour l’auteur de l’infraction (article 4)

En dépit du caractère facultatif de l’article 4 («Chaque État membre peut [...]»), tous les États membres prévoient des circonstances entraînant une exonération de la responsabilité pénale, ou une exemption ou réduction de la peine dans le cadre de circonstances atténuantes applicables aux infractions visées à l’article 2.

2.1.4.4.Sanctions à l’encontre des personnes morales (article 6, paragraphes 1 et 2)

Conformément à l’article 6, paragraphe 1, le comportement d’une personne morale visé à l’article 5, paragraphe 1, (exercice d’un pouvoir de direction fondé sur le pouvoir de représentation ou sur la qualité pour prendre des décisions ou exercer une autorité), doit donner lieu à des amendes pénales ou non pénales et peut être passible d’autres sanctions que celles énoncées dans cet article. En ce qui concerne l’article 5, paragraphe 2, à savoir les cas de défaut de supervision ou d’encadrement, l’article 6, paragraphe 2, fait uniquement mention de l’obligation de prévoir des sanctions ou des mesures qui soient effectives, proportionnées et dissuasives.

Tous les États membres (à l’exception de Chypre, qui ne mentionne pas d’amende spécifique pour les personnes morales) prévoient des amendes pénales ou non pénales pour le comportement des personnes morales dans le cadre des infractions visées à l’article 2.

En ce qui concerne les «autres sanctions» facultatives, notamment la liste non exhaustive énoncée à l’article 6, paragraphe 1, tous les États membres, excepté cinq (AT, DE, EE, FI, IE), prévoient également des mesures autres que des amendes:

(a)les mesures d’exclusion du bénéfice d’un avantage public ou d’une aide publique ont été transposées par 14 États membres (HR, CZ, FR, EL, HU, IT, LU, LV, MT, PL, PT, RO, SI, ES);

(b)les mesures d’interdiction temporaire ou définitive d’exercer une activité commerciale ont été transposées par 15 États membres (BE, HR, CZ, FR, EL, HU, IT, LT, LV, MT, PL, PT, RO, SI, ES);

(c)le placement sous contrôle judiciaire a été transposé par six États membres: (FR, IT, MT, PT, RO, ES);

(d)la mesure judiciaire de dissolution a été transposée par 13 États membres (BE, HR, CZ, FR, HU, LT, LU, LV, MT, PT, RO, SI, ES);

(e)la fermeture temporaire ou définitive d’établissements ayant servi à commettre l’infraction a été transposée par sept États membres (BE, FR, LT, MT, PT, RO, ES).

En outre, 16 États membres (BE, BG, HR, CZ, FR, HU, IT, LT, LV, LU, NL, PL, PT, RO, SK, SI) prévoient des mesures ne figurant pas dans la liste de l’article 6, paragraphe 1, qui sont principalement liées à la confiscation et à la publication du jugement.

2.1.5.Compétence et coordination des poursuites (article 7)

L’article 7 impose aux États membres de veiller à ce que leur compétence couvre au moins les cas qu'il énonce, pour les infractions visées à l’article 2.

Le premier critère est obligatoire et a trait aux actes commis en tout ou en partie sur le territoire d’un État membre, quel que soit le lieu où l’organisation criminelle est basée ou exerce ses activités criminelles. Tous les États membres se conforment à cette disposition consacrant le principe fondamental de la territorialité, qui s’étend, dans la majorité des cas, aux navires de tous types.

Le deuxième critère, la compétence à l’égard des actes commis à l’étranger par des ressortissants nationaux, est également transposé par tous les États membres. Cela permet en même temps à tous les États membres de satisfaire l’exigence prévue à l’article 7, paragraphe 3, qui leur impose soit d’établir leur compétence à l’égard de leurs ressortissants pour les infractions commises à l’étranger, soit de les extrader.

Le troisième critère porte sur les actes commis pour le compte d’une personne morale établie sur le territoire de l’État membre. La législation interne en vigueur dans quatre États membres fait explicitement référence à cette disposition (CZ, IE, IT, NL).

En ce qui concerne la limitation de la compétence à l'égard de ces deux derniers cas [article 7, paragraphe 1, points b) et c)] à des circonstances particulières applicables lorsque les infractions ont été commises en dehors de leur territoire, aucun État membre n’a adopté une telle approche.

L’article 7, paragraphe 2, mentionne l’obligation pour les États membres de coopérer dans des situations transfrontières (conflits de compétence). Tous les États membres disposent d’instruments législatifs en matière de coordination de la lutte contre la grande criminalité transfrontière qui permettent de recourir à Eurojust pour renforcer la coordination et la coopération entre autorités nationales. La mission d’Eurojust consistant à soutenir les États membres à cet égard fait également partie de la proposition de règlement relatif à l’Agence de l’Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale (Eurojust), actuellement en cours de négociation 9 .

2.1.6.Absence d’obligation de déclaration ou d’accusation émanant de la victime (article 8)

L’article 8 de la décision-cadre impose aux États membres de s’assurer que les enquêtes ou les poursuites concernant les infractions visées à l’article 2 ne sont pas subordonnées à une déclaration ou à une accusation émanant d’une personne victime de l’infraction, du moins en ce qui concerne des faits commis sur le territoire de l’État membre.

Le principe adopté par tous les États membres, pour les infractions visées à l’article 2, est celui des poursuites engagées d’office. Ce principe découle directement de la législation nationale ou de l’absence, dans certains États membres, de conditions subordonnant les poursuites à une déclaration ou à une accusation.

2.2.Évaluation des dispositions nationales pertinentes des États membres qui ne fondent pas leur législation sur une infraction autonome

2.2.1.Transposition de la décision-cadre au Danemark

La législation nationale danoise ne prévoit pas d’infraction autonome concernant l’article 2 ou les définitions de l’article 1er y afférentes.

De manière générale, elle incrimine toute tentative de commission d’infraction pénale et différentes formes de participation à ces infractions, tandis que les sanctions sont déterminées en fonction d'un comportement spécifique. La commission d’une infraction par plusieurs personnes agissant de façon concertée constitue une circonstance aggravante générale pour toutes les infractions pénales. Le Danemark prévoit un large éventail de circonstances atténuantes applicable à toutes les infractions pénales et son système pénal est basé sur la responsabilité horizontale des personnes morales pour toutes les infractions commises, avec des amendes correspondantes. Par ailleurs, les règles générales de compétence comprennent le principe de territorialité et de compétence à l’égard des ressortissants pour les infractions commises à l’étranger. Les poursuites engagées d’office, sans déclaration ou accusation de la part de la victime, constituent une règle générale de la procédure pénale au DK.

2.2.2.Transposition de la décision-cadre en Suède

La législation nationale suédoise ne prévoit pas d’infraction autonome concernant l’article 2.

Elle incrimine les actes préparatoires et, dans la plupart des cas, les tentatives en rapport avec une liste d’infractions qui sont considérées comme étant généralement commises dans le cadre d’une organisation criminelle et qui visent, dans le même temps, à obtenir des avantages et sont passibles d’une peine d’emprisonnement d’une durée maximale d’au moins quatre ans. La sanction prévue pour les actes préparatoires doit être inférieure à la durée maximale et peut être inférieure à la durée minimale de la peine applicable à l’infraction commise, qui ne peut excéder deux années d’emprisonnement (sauf si une peine d’emprisonnement d’au moins huit ans est prévue pour l’infraction commise). En vertu des dispositions nationales, la commission d’une infraction dans le cadre d’une organisation criminelle constitue une circonstance aggravante applicable à toutes les infractions. La définition de la criminalité organisée s’applique à cet égard. Le système pénal suédois est basé sur la responsabilité horizontale des personnes morales pour toutes les infractions commises, avec des amendes correspondantes et des sanctions supplémentaires. Par ailleurs, les règles générales de compétence comprennent le principe de territorialité et de compétence à l’égard des ressortissants pour les infractions commises à l’étranger. La majorité des infractions pénales font l’objet de poursuites engagées d’office, sans déclaration ou accusation émanant des victimes.

3.Conclusions et prochaines étapes

Cet aperçu de la transposition de la décision-cadre dans les États membres révèle plusieurs divergences, qui peuvent être imputées, dans une large mesure, aux différentes traditions juridiques des États membres. La Commission estime que la décision-cadre ne réalise pas le rapprochement minimal requis en ce qui concerne la direction d'une organisation criminelle et la participation à celle-ci, basé sur un concept unique d’une telle organisation. Ainsi, la Commission considère que la décision-cadre permet aux États membres de ne pas introduire le concept d’organisation criminelle, mais de continuer à appliquer le droit pénal national existant, en recourant aux règles générales relatives à la participation à des infractions spécifiques et à la préparation de ces dernières. Cela risque de créer d’autres divergences dans la mise en œuvre concrète de la décision-cadre.

Si la plupart des États membres ont défini des infractions autonomes relatives à la participation à une organisation criminelle, conformément à l’article 2, deux États membres ne l'ont pas fait. Tous les États membres qui prévoient une infraction autonome couvrent la participation à une organisation criminelle [article 2, point a)], tandis que certains d’entre eux couvrent également l’association de malfaiteurs dans le cadre de la criminalité organisée [article 2, point b)]. Aucun État membre n’a choisi d’incriminer de façon distincte une telle association [article 2, point b)].

De nombreux États membres vont au-delà des exigences minimales. Certains d’entre eux ont élargi leurs dispositions nationales en ne mentionnant pas tous les éléments de la définition de la criminalité organisée, comme le critère de la recherche d’un avantage ou la portée des infractions principales, par exemple. En conséquence, la réglementation nationale s’applique à un plus grand nombre d’infractions, par exemple à celles qui n’ont pas nécessairement été commises pour obtenir un avantage (ou du moins lorsque cet avantage ne doit pas être démontré) ou à celles dont le champ d’application va au-delà de celui d’une infraction grave. Outre les infractions visées à l’article 2, de nombreux États membres prévoient des mesures dont la décision-cadre ne fait aucune mention, comme des infractions parallèles concernant certains types de groupes organisés qui se définissent par leur objectif ou leur mode opératoire. Un autre exemple de réglementation nationale dépassant le champ d’application de la décision-cadre réside dans les niveaux des sanctions de base, qui sont plus élevés que ceux prévus par la décision-cadre et qui, dans certains cas, sont encore accrus en raison, par exemple, d’un comportement ou d’un rôle particuliers au sein de l’organisation. Il convient également de noter que les dispositions de nature facultative, comme les circonstances atténuantes ou les sanctions à l’encontre des personnes morales, ont été largement transposées.

De nombreux points pourraient nécessiter des éclaircissements supplémentaires en vue de la bonne mise en œuvre de la décision-cadre. Il s'agit principalement du champ d’application potentiellement limité de la définition d’une organisation criminelle, ainsi que de la transposition correcte de l’article 5 relatif à la responsabilité des personnes morales.

Conformément au programme européen en matière de sécurité, qui appelle une meilleure utilisation et mise en œuvre des instruments juridiques en vigueur de l’Union, la Commission offrira son soutien aux États membres pour atteindre un niveau satisfaisant de mise en œuvre de la décision-cadre. Elle continuera également à contrôler la conformité des mesures nationales avec les instruments de l’Union. L’évaluation tiendra également compte des éventuelles incidences des problèmes décelés sur la bonne mise en œuvre de la décision-cadre.

La Commission engagera des dialogues bilatéraux avec les États membres concernés et fera usage, le cas échéant, des pouvoirs d’exécution qui lui sont conférés par les traités.

Le présent rapport contribuera également à l’évaluation de la nécessité et de l’opportunité d’un réexamen de la décision-cadre.

(1) JO L 351 du 29.12.1998.
(2) Décision 2004/579/CE du Conseil, JO L 261 du 6.8.2004, p. 69.
(3) 2005/0003 (CNS), qui a conduit à l’adoption de la décision-cadre 2008/841/JAI du Conseil.
(4) «La Commission considère que la décision-cadre relative à la lutte contre la criminalité organisée n’atteint pas l’objectif souhaité par la Commission par rapport à l’action commune 98/733/JAI relative à l’incrimination de la participation à une organisation criminelle dans les États membres de l’Union européenne, ainsi que par rapport à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, adoptée le 15 novembre 2000 et à laquelle la Communauté est partie depuis le 29 avril 2004. La décision-cadre ne réalise pas un rapprochement minimal des actes de direction de et de participation à une organisation criminelle, basé sur un concept unique de l’organisation, tel que la Commission l’avait proposé et tel que déjà adopté dans la décision-cadre 2002/475/JAI sur la lutte contre le terrorisme. En outre, la décision-cadre permet aux États membres de ne pas introduire le concept d’organisation criminelle, mais de continuer à appliquer le droit pénal national existant, en ayant recours aux règles générales en matière de participation à et de préparation d’infractions spécifiques.La Commission ne peut dès lors que constater que la décision-cadre ne réalise pas l’objectif de rapprocher les législations en matière de lutte contre la criminalité transnationale organisée comme prévu dans le programme de La Haye.»
(5) COM(2015)185 final.
(6) http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1455280270499&uri=CELEX:32008F0841  
(7) http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/e-library/docs/20150312_1_amoc_report_020315_0_220_part_1_en.pdf  
(8) COM(2001)771 du 13.12.2001, point 1.2.2.
(9) COM(2013)535 final.