ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

14 juin 2017 ( 1 )

«Renvoi préjudiciel — Directive 2004/39/CE — Marchés d’instruments financiers — Article 4, paragraphe 1, point 2 — Notion de “services d’investissement” — Annexe I, section A, point 1 — Réception et transmission d’ordres portant sur un ou plusieurs instruments financiers — Inclusion éventuelle de l’intermédiation en vue de la conclusion d’un contrat de gestion de portefeuille»

Dans l’affaire C‑678/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), par décision du 10 novembre 2015, parvenue à la Cour le 16 décembre 2015, dans la procédure

Mohammad Zadeh Khorassani

contre

Kathrin Pflanz,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. E. Juhász, C. Vajda (rapporteur), Mme K. Jürimäe et M. C. Lycourgos, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 novembre 2016,

considérant les observations présentées :

pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et J. Möller, en qualité d’agents,

pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

pour le gouvernement portugais, par MM. L. Inez Fernandes, M. Figueiredo et J. Dias Lopes ainsi que par Mme M. Rebelo, en qualité d’agents,

pour le gouvernement du Royaume-Uni, par MM. D. Robertson et M. Holt ainsi que par Mme V. Kaye, en qualité d’agents, assistés de M. B. Kennelly, QC, et de Mme M. Gray, barrister,

pour la Commission européenne, par MM. K.-P. Wojcik et I. Rogalski, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 8 février 2017,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4, paragraphe 1, point 2, ainsi que de l’annexe I, section A, point 1, de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les marchés d’instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil (JO 2004, L 145, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Mohammad Zadeh Khorassani à Mme Kathrin Pflanz au sujet de la négociation, par cette dernière, d’un contrat de gestion du patrimoine conclu entre M. Khorassani et une tierce personne.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 2004/39

3

Les considérants 2, 20 et 31 de la directive 2004/39 énoncent :

« (2)

Depuis quelques années, les investisseurs font davantage appel aux marchés financiers, où ils trouvent un éventail élargi de services et d’instruments, dont la complexité s’est accrue. Cette évolution justifie une extension du cadre juridique communautaire, qui doit englober toutes les activités offertes aux investisseurs. À cette fin, il convient d’atteindre le degré d’harmonisation nécessaire pour offrir aux investisseurs un niveau élevé de protection et pour permettre aux entreprises d’investissement de fournir leurs services dans toute la Communauté, qui constitue un marché unique, sur la base de la surveillance exercée dans l’État membre d’origine. En conséquence, la directive 93/22/CEE [du Conseil, du 10 mai 1993, concernant les services d’investissement dans le domaine des valeurs mobilières (JO 1993, L 141, p. 27),] devrait être remplacée par une nouvelle directive.

[...]

(20)

Aux fins de la présente directive, l’activité de réception et de transmission d’ordres devrait également comprendre la mise en relation de deux ou plusieurs investisseurs permettant ainsi la réalisation d’une transaction entre ces investisseurs.

[...]

(31)

L’un des objectifs de la présente directive est de protéger les investisseurs. [...] »

4

Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2004/39 :

« La présente directive s’applique aux entreprises d’investissement et aux marchés réglementés. »

5

L’article 4, paragraphe 1, points 1, 2, 4, 5, 9 et 16, de cette directive dispose :

« 1.   Aux fins de la présente directive, on entend par :

1)

“entreprise d’investissement” : toute personne morale dont l’occupation ou l’activité habituelle consiste à fournir un ou plusieurs services d’investissement à des tiers et/ou à exercer une ou plusieurs activités d’investissement à titre professionnel ;

[...]

2)

“services et activités d’investissement” : tout service et toute activité répertoriés à la section A de l’annexe I et portant sur tout instrument visé à la section C de la même annexe ;

[...]

4)

“conseil en investissement” : la fourniture de recommandations personnalisées à un client, soit à sa demande soit à l’initiative de l’entreprise d’investissement, en ce qui concerne une ou plusieurs transactions portant sur des instruments financiers ;

5)

“exécution d’ordres pour le compte de clients” : le fait de conclure des accords d’achat ou de vente d’un ou de plusieurs instruments financiers pour le compte de clients ;

[...]

9)

“gestion de portefeuilles” : la gestion discrétionnaire et individualisé de portefeuilles incluant un ou plusieurs instruments financiers, dans le cadre d’un mandat donné par le client ;

[...]

16)

“ordre à cours limité” : l’ordre d’acheter ou de vendre un instrument financier à la limite de prix spécifiée ou plus avantageusement et pour une quantité précisée ».

6

L’article 21 de ladite directive, intitulé « Obligation d’exécuter les ordres aux conditions les plus favorables pour le client », énonce, à ses paragraphes 1 à 3 :

« 1.   Les États membres exigent des entreprises d’investissement qu’elles prennent toutes les mesures raisonnables pour obtenir, lors de l’exécution des ordres, le meilleur résultat possible pour leurs clients compte tenu du prix, du coût, de la rapidité, de la probabilité de l’exécution et du règlement, de la taille, de la nature de l’ordre ou de toute autre considération relative à l’exécution de l’ordre. Néanmoins, chaque fois qu’il existe une instruction spécifique donnée par les clients, l’entreprise d’investissement exécute l’ordre en suivant cette instruction.

2.   Les États membres exigent des entreprises d’investissement qu’elles établissent et mettent en œuvre des dispositions efficaces pour se conformer au paragraphe 1. Les États membres exigent notamment des entreprises d’investissement qu’elles établissent et mettent en œuvre une politique d’exécution des ordres leur permettant d’obtenir, pour les ordres de leurs clients, le meilleur résultat possible conformément au paragraphe 1.

3.   La politique d’exécution des ordres inclut, en ce qui concerne chaque catégorie d’instruments, des informations sur les différents systèmes dans lesquels l’entreprise d’investissement exécute les ordres de ses clients et les facteurs influençant le choix du système d’exécution. [...] »

7

L’annexe I, section A, de la même directive mentionne, en tant que services et activités d’investissement :

« 1.

Réception et transmission d’ordres portant sur un ou plusieurs instruments financiers.

2.

Exécution d’ordres au nom de clients.

3.

Négociation pour compte propre.

4.

Gestion de portefeuille.

5.

Conseil en investissement.

6.

Prise ferme d’instruments financiers et/ou placement d’instruments financiers avec engagement ferme.

7.

Placement d’instruments financiers sans engagement ferme.

8.

Exploitation d’un système multilatéral de négociation (MTF). »

La directive 2006/73/CE

8

Aux termes du considérant 81 de la directive 2006/73/CE de la Commission, du 10 août 2006, portant mesures d’exécution de la directive 2004/39 en ce qui concerne les exigences organisationnelles et les conditions d’exercice applicables aux entreprises d’investissement et la définition de certains termes aux fins de ladite directive (JO 2006, L 241, p. 26) :

« Les conseils d’ordre général concernant un type d’instrument financier ne constituent pas des conseils en investissement au sens de la directive 2004/39/CE, la présente directive précisant en effet qu’aux fins de la directive 2004/39/CE, le conseil en investissement doit être restreint aux conseils portant sur des instruments financiers particuliers. [...] »

9

L’article 52 de la directive 2006/73, intitulé « Conseil en investissement », dispose, à son deuxième alinéa, qu’une recommandation personnalisée, au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 4, de la directive 2004/39 doit recommander la réalisation d’une opération relevant des catégories suivantes :

« a)

l’achat, la vente, la souscription, l’échange, le remboursement, la détention ou la prise ferme d’un instrument financier particulier ;

b)

l’exercice ou le non-exercice du droit conféré par un instrument financier particulier d’acheter, de vendre, de souscrire, d’échanger ou de rembourser un instrument financier. »

Le droit allemand

10

Conformément à l’article 823, paragraphe 2, du Bürgerliches Gesetzbuch (code civil), l’obligation de réparer le dommage causé incombe à celui qui contrevient à une loi protectrice des intérêts d’autrui.

11

L’article 1er du Kreditwesengesetz (loi sur le secteur du crédit), du 9 septembre 1998 (BGBl. 1998 I, p. 2776), tel que modifié par la loi du 16 juillet 2007 (BGBl. 2007 I, p. 1330) (ci-après le « KWG »), prévoit, à son paragraphe 1a :

« [...] Les services financiers sont :

1.

la négociation d’opérations relatives à l’acquisition et à la vente d’instruments financiers (négociation d’investissements),

1a.

la fourniture de recommandations personnalisées à des clients ou à leurs représentants, en ce qui concerne des transactions portant sur des instruments financiers particuliers lorsque la recommandation est fondée sur un examen de la situation personnelle de l’investisseur ou est présentée comme adaptée à cette personne et n’est pas exclusivement diffusée par des canaux de distribution ou destinée au public (conseil en investissement) [...] »

12

L’article 32, paragraphe 1, du KWG dispose :

« Toute personne qui souhaite [...] fournir des services financiers sur le territoire national à titre professionnel ou pour un volume qui nécessite l’existence d’une entreprise organisée de façon commerciale doit obtenir l’agrément écrit de la Bundesanstalt [für Finanzdienstleistungsaufsicht (Autorité fédérale de surveillance des services financiers, Allemagne)] [...] »

Le litige au principal et la question préjudicielle

13

Au mois de novembre 2007, Mme Pflanz, qui ne dispose pas de l’agrément en vue de la fourniture de services financiers au titre de l’article 32, paragraphe 1, du KWG, a recommandé à M. Khorassani un investissement dénommé « Grand-Slam ». Dans ce contexte, elle l’a amené à conclure un contrat de services avec GSS AG ainsi qu’un contrat de gestion du patrimoine avec D. AG, ces deux sociétés étant établies au Liechtenstein. Il ressort de la décision de renvoi que ce dernier contrat prévoit l’acquisition et la vente ainsi que la gestion d’instruments financiers, au sens d’une activité de gestion de portefeuille financier.

14

M. Khorassani s’est engagé à effectuer un versement unique de 20000 euros et des versements mensuels de 1000 euros, majorés, pour chacun d’eux, de 5 % d’agios. Au mois de décembre 2007, l’intéressé a payé au total 27000 euros, sur lesquels 19731,60 euros ont été retenus à titre d’avance sur honoraires de gestion et 1285,71 euros à titre d’agios. Par la suite, M. Khorassani s’est rétracté desdits contrats et a demandé le remboursement du montant versé ainsi que des dommages-intérêts.

15

Le Landgericht Berlin (tribunal régional de Berlin, Allemagne) a déclaré irrecevable le recours dirigé contre les sociétés établies au Liechtenstein, pour défaut de compétence internationale, et a rejeté le recours intenté contre Mme Pflanz comme étant non fondé.

16

Ayant bénéficié d’un remboursement de 6803,03 euros, M. Khorassani a été débouté de son appel introduit devant le Kammergericht Berlin (tribunal régional supérieur de Berlin, Allemagne) et tendant à l’obtention du reste du montant réclamé. Cette juridiction a considéré que Mme Pflanz n’avait pas fourni de services financiers, au sens de l’article 1er, paragraphe 1a, deuxième phrase, points 1 et 1a, du KWG, soumis à agrément en vertu de l’article 32, paragraphe 1, du KWG, dès lors que tant le conseil en investissement que la négociation d’investissement effectués par celle-ci portaient non pas sur une opération relative à l’acquisition et à la vente d’instruments financiers, mais sur un contrat de gestion du patrimoine, qui, tout en ayant vocation à servir ultérieurement à l’acquisition et à la vente d’instruments financiers concrets, ne constituait pas lui-même un instrument financier. Dès lors, ladite juridiction a jugé que M. Khorassani n’avait pas droit à des dommages-intérêts au titre des dispositions combinées de l’article 823, paragraphe 2, du code civil et de l’article 32, paragraphe 1, du KWG.

17

Saisie d’un recours en Revision, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) considère que c’est à juste titre que le Kammergericht Berlin (tribunal régional supérieur de Berlin) a jugé que Mme Pflanz n’avait pas fourni à M. Khorassani des conseils en investissement, au sens de l’article 1er, paragraphe 1a, deuxième phrase, point 1a, du KWG, dès lors que cette disposition vise, conformément à l’article 4, paragraphe 1, point 4, de la directive 2004/39, lu en combinaison avec l’article 52 de la directive 2006/73, la fourniture de recommandations personnalisées portant sur des instruments financiers particuliers et non pas sur une activité de gestion de portefeuille. Par conséquent, Mme Pflanz n’avait pas contrevenu à l’article 32, paragraphe 1, du KWG à ce titre.

18

En revanche, la question de savoir si, en amenant M. Khorassani à conclure un contrat de gestion de patrimoine, Mme Pflanz avait fourni à celui-ci un service de négociation d’investissements, au sens de l’article 1er, paragraphe 1a, deuxième phrase, point 1, du KWG, dépendrait de l’interprétation qu’il convient de faire de l’article 4, paragraphe 1, point 2, et de l’annexe I, section A, point 1, de la directive 2004/39.

19

À cet égard, la juridiction de renvoi relève, d’une part, que la version en langue allemande de cette dernière disposition, à savoir « Annahme und Übermittlung von Aufträgen, die ein oder mehrere Finanzinstrument(e) zum Gegenstand haben » (réception et transmission d’ordres ayant pour objet un ou plusieurs instruments financiers), pourrait suggérer que seule la négociation de contrats portant sur l’achat ou la vente d’un instrument financier concret est visée. D’autre part, les versions de cette disposition en langues espagnole (« en relación con »), anglaise (« in relation to ») et française (« portant sur ») pourraient conduire à une interprétation large de ladite disposition, en vertu de laquelle un lien seulement indirect serait nécessaire entre l’opération négociée et l’achat ou la vente d’un instrument financier.

20

S’agissant de l’économie générale de la directive 2004/39, la juridiction de renvoi considère que les précisions apportées à la notion de « conseil en investissement » au considérant 81 et à l’article 52 de la directive 2006/73 pourraient corroborer l’interprétation restrictive susmentionnée, dans la mesure où, selon ces précisions, un conseil en investissement doit porter sur des instruments financiers particuliers, ce qui pourrait reposer sur un raisonnement juridique général qui serait également applicable à l’activité de négociation d’investissements.

21

Cette juridiction estime que la finalité de la directive 2004/39, consistant en la protection des investisseurs, pourrait ne pas exiger l’inclusion, dans le service visé à l’annexe I, section A, point 1, de cette directive, de la négociation d’un contrat de gestion de portefeuille, dès lors que les gestionnaires de portefeuilles sont eux-mêmes soumis aux prescriptions de ladite directive. Toutefois, une lacune dans la protection des investisseurs pourrait subsister lorsqu’un contrat est conclu avec un gestionnaire de portefeuille établi dans un État tiers.

22

Dans ces conditions, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« La réception et la transmission d’un ordre ayant pour objet une activité de gestion de portefeuilles (article 4, paragraphe 1, point 9, de la directive [2004/39]) sont-elles des services d’investissement au sens des dispositions combinées de l’article 4, paragraphe 1, point 2, première phrase, et de l’annexe I, section A, point 1, de [cette] directive ? »

Sur la question préjudicielle

23

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, paragraphe 1, point 2, de la directive 2004/39, lu en combinaison avec l’annexe I, section A, point 1, de cette directive, doit être interprété en ce sens que le service d’investissement consistant en la réception et la transmission d’ordres portant sur un ou plusieurs instruments financiers comprend l’intermédiation en vue de la conclusion d’un contrat ayant pour objet une activité de gestion de portefeuille.

24

L’article 4, paragraphe 1, point 2, de la directive 2004/39 définit les services et les activités d’investissement comme étant tout service et toute activité répertoriés à l’annexe I, section A, de cette directive et portant sur tout instrument financier visé à la section C de cette annexe.

25

Parmi les services et les activités d’investissement énumérés dans ladite section A figure, au point 1 de celle-ci, celui consistant en la réception et la transmission d’ordres portant sur un ou plusieurs instruments financiers.

26

Afin de répondre à la question posée, il convient donc d’interpréter cette dernière disposition, en tenant compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2016, Ognyanov, C‑554/14, EU:C:2016:835, point 31).

27

S’agissant du libellé de l’annexe I, section A, point 1, de la directive 2004/39, si la juridiction de renvoi constate une certaine divergence entre les différentes versions linguistiques des termes « portant sur » qui, selon les cas, pourraient suggérer un lien plus ou moins direct entre les ordres et le ou les instruments financiers visés à cette disposition, il y a toutefois lieu de relever que le terme « ordre », dont la réception et la transmission constituent le service ou l’activité d’investissement faisant l’objet de ladite disposition, demeure le même dans les versions linguistiques de cette directive citées par cette juridiction, à savoir celles en langues espagnole, allemande, anglaise et française.

28

Or, même si ce terme n’est pas défini en tant que tel dans la directive 2004/39, il convient de constater que les mots « portant sur un ou plusieurs instruments financiers » ne font que préciser le type d’ordre dont il est question, c’est-à-dire les ordres visant l’achat ou la vente de tels instruments financiers.

29

Cette interprétation du terme « ordre » est confirmée par le contexte dans lequel celui-ci s’insère. Plus particulièrement, il doit être interprété à la lumière de l’annexe I, section A, point 2, de cette directive, qui mentionne le service d’investissement consistant en l'« [e]xécution d’ordres au nom de clients ».

30

En effet, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 42 de ses conclusions, il existe un lien étroit entre le service d’investissement visé au point 1 de cette annexe I, section A, à savoir la réception et la transmission d’ordres, et celui visé au point 2 de ladite section, à savoir l’exécution d’ordres, le premier étant fourni en amont du second et conduisant en principe à la fourniture de ce dernier, que ce soit par la même ou par une autre entreprise d’investissement.

31

Or, le service d’investissement visé à l’annexe I, section A, point 2, de la directive 2004/39, consistant en l’« [e]xécution d’ordres au nom de clients », est défini à l’article 4, paragraphe 1, point 5, de cette directive comme étant « le fait de conclure des accords d’achat ou de vente d’un ou de plusieurs instruments financiers pour le compte de clients ».

32

Il s’ensuit que les ordres faisant l’objet du service d’investissement mentionné à l’annexe I, section A, point 1, de ladite directive sont des ordres d’achat ou de vente d’un ou de plusieurs instruments financiers.

33

Cette interprétation est confirmée par d’autres dispositions de la directive 2004/39. À cet égard, un « ordre à cours limité » est défini à l’article 4, paragraphe 1, point 16, de celle-ci comme étant « l’ordre d’acheter ou de vendre un instrument financier à la limite de prix spécifiée ou plus avantageusement et pour une quantité précisée ».

34

En outre, l’article 21 de ladite directive concerne, conformément à son intitulé, l’obligation d’exécuter les ordres aux conditions les plus favorables pour le client, ce qui comprend, selon le paragraphe 1 de ce dernier article, l’obtention du meilleur résultat possible pour ce client compte tenu, notamment, du prix, du coût, de la rapidité ainsi que de la probabilité de l’exécution et du règlement. En vertu des paragraphes 2 et 3 dudit article, les États membres exigent notamment des entreprises d’investissement qu’elles établissent et mettent en œuvre une politique d’exécution des ordres, qui inclut, en ce qui concerne chaque catégorie d’instruments, des informations sur les différents systèmes dans lesquels l’entreprise d’investissement exécute les ordres de ses clients et les facteurs influençant le choix du système d’exécution.

35

Par conséquent, il découle des termes de l’annexe I, section A, point 1, de la directive 2004/39, interprétés à la lumière du contexte dans lequel s’insère cette disposition, que le service visé à cette dernière ne couvre pas l’intermédiation en vue de la conclusion d’un contrat ayant pour objet une activité de gestion de portefeuille. En effet, même si la conclusion de ce contrat donne lieu, à un stade ultérieur, à la réception et à la transmission d’ordres d’achat ou de vente d’instruments financiers par le gestionnaire du portefeuille dans le cadre de son activité de gestion, ledit contrat n’a pas, en lui-même, pour objet une telle réception ou transmission d’ordres.

36

Cette conclusion n’est pas infirmée par le fait, invoqué par le gouvernement du Royaume-Uni, que le considérant 20 de la directive 2004/39 énonce que, aux fins de celle-ci, l’activité de réception et de transmission d’ordres devrait également comprendre la mise en relation de deux ou de plusieurs investisseurs permettant ainsi la réalisation d’une transaction entre ces investisseurs.

37

En effet, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 44 de ses conclusions, ce considérant ne vise la mise en relation de deux ou plusieurs investisseurs que dans le cadre de la réception et de la transmission d’ordres. Ledit considérant couvre donc les hypothèses de mise en relation ayant pour objet la réalisation de transactions portant sur un ou plusieurs instruments financiers, ce qui exclut l’intermédiation en vue de la conclusion d’un contrat ayant pour objet une activité de gestion de portefeuille.

38

Les gouvernements allemand et du Royaume-Uni relèvent également que le service de « conseil en investissement », défini à l’article 4, paragraphe 1, point 4, de la directive 2004/39 et répertorié à l’annexe I, section A, point 5, de celle-ci, consiste, aux termes de l’article 52 de la directive 2006/73, à recommander la réalisation d’une opération portant sur un instrument financier particulier. Ils en déduisent que l’absence de mention d’un instrument financier « particulier » à l’annexe I, section A, point 1, de la directive 2004/39 indique que le champ d’application de cette disposition n’est pas limité à la réception et à la transmission d’ordres portant directement sur un instrument financier particulier.

39

Cette argumentation ne saurait être retenue.

40

En effet, le service de conseil en investissement consiste, selon la définition figurant à l’article 4, paragraphe 1, point 4, de la directive 2004/39, en la fourniture de recommandations personnalisées à un client en ce qui concerne des transactions portant sur des instruments financiers. Le considérant 81 de la directive 2006/73 énonce que les conseils d’ordre général concernant un type d’instrument financier ne constituent pas des conseils en investissement au sens de la directive 2004/39, qui doivent être restreints aux conseils portant sur des instruments financiers particuliers, et cette précision est mise en œuvre à l’article 52 de la directive 2006/73. Or, ni ce considérant ni cet article ne sauraient avoir une incidence quelconque sur la portée du service d’investissement visé à l’annexe I, section A, point 1, de la directive 2004/39.

41

La finalité de la directive 2004/39 n’impose pas une interprétation différente de cette disposition. Certes, il ressort, notamment, des considérants 2 et 31 de cette directive que l’un des objectifs de celle-ci est de garantir la protection des investisseurs (voir, en ce sens, arrêt du 30 mai 2013, Genil 48 et Comercial Hostelera de Grandes Vinos, C‑604/11, EU:C:2013:344, point 39).

42

Toutefois, cet objectif ne saurait, en soi, justifier une acception particulièrement large du service d’investissement visé à l’annexe I, section A, point 1, de la directive 2004/39, qui inclurait l’intermédiation en vue de la conclusion d’un contrat ayant pour objet une activité de gestion de portefeuille.

43

En effet, pareille acception irait à l’encontre de l’interprétation de cette disposition résultant, en particulier, du contexte dans lequel celle-ci s’insère.

44

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 4, paragraphe 1, point 2, de la directive 2004/39, lu en combinaison avec l’annexe I, section A, point 1, de cette directive, doit être interprété en ce sens que le service d’investissement consistant en la réception et la transmission d’ordres portant sur un ou plusieurs instruments financiers ne comprend pas l’intermédiation en vue de la conclusion d’un contrat ayant pour objet une activité de gestion de portefeuille.

Sur les dépens

45

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

 

L’article 4, paragraphe 1, point 2, de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les marchés d’instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil, lu en combinaison avec l’annexe I, section A, point 1, de cette directive, doit être interprété en ce sens que le service d’investissement consistant en la réception et la transmission d’ordres portant sur un ou plusieurs instruments financiers ne comprend pas l’intermédiation en vue de la conclusion d’un contrat ayant pour objet une activité de gestion de portefeuille.

 

Signatures


( 1 ) Langue de procédure : l’allemand.