61992V0001

Avis de la Cour du 10 avril 1992. - Avis rendu en vertu de l'article 228, paragraphe 1, deuxième alinéa du traité. - Projet d'accord entre la Communauté, d'une part, et les pays de l'Association européenne de libre échange, d'autre part, portant sur la création de l'Espace économique européen. - Avis 1/92.

Recueil de jurisprudence 1992 page I-02821
édition spéciale suédoise page I-00041
édition spéciale finnoise page I-00071


Sommaire
Motifs de l'arrêt
Dispositif

Mots clés


1. Accords internationaux - Accord créant l'Espace économique européen - Comité mixte - Compétence pour examiner la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes et de la Cour de l'Association européenne de libre-échange et pour préserver l'interprétation homogène de l'accord - Admissibilité - Condition - Obligation, énoncée sous une forme liant les parties contractantes de l'accord, de respecter la jurisprudence de la Cour de justice

2. Accords internationaux - Accord créant l'Espace économique européen - Comité mixte - Compétence pour régler tout différend relatif à l'interprétation et à l'application de l'accord - Admissibilité - Condition - Obligation, énoncée sous une forme liant les parties contractantes de l'accord, de respecter la jurisprudence de la Cour de justice

3. Accords internationaux - Accord créant l'Espace économique européen - Compétence de la Cour de justice pour interpréter les dispositions de l'accord - Admissibilité

4. Accords internationaux - Accord créant l'Espace économique européen - Système d'arbitrage - Admissibilité

5. Accords internationaux - Accord créant l'Espace économique européen - Possibilité offerte aux juridictions des États de l'Association européenne de libre-échange de demander à la Cour d'interpréter l'accord - Admissibilité eu égard à l'effet contraignant des réponses de la Cour

6. Accords internationaux - Accords de la Communauté - Compétence de la Communauté - Concurrence - Accord portant sur la répartition des compétences respectives des parties contractantes dans le domaine de la concurrence - Admissibilité

(Traité CEE, art. 85 et suiv.)

Sommaire


1. Afin de parvenir à une interprétation aussi uniforme que possible des dispositions de l'accord créant l'Espace économique européen et de celles de la législation communautaire reprises en substance dans l'accord, l'article 105 de ce dernier confère au comité mixte, composé de représentants des parties contractantes, compétence pour procéder à l'examen permanent du développement de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes et de la Cour de l'Association européenne de libre-échange ainsi que pour agir de manière à préserver l'interprétation homogène de l'accord. Si cette compétence comportait la possibilité, pour le comité mixte, de méconnaître le caractère contraignant des décisions de la Cour de justice dans l'ordre juridique communautaire, l'attribution de cette compétence porterait atteinte à l'autonomie de l'ordre juridique communautaire dont la Cour de justice doit assurer le respect, en vertu de l'article 164 du traité CEE, et serait incompatible avec ce traité.

Toutefois, le "procès-verbal agréé ad article 105" consacre le principe selon lequel les décisions prises par le comité mixte en vertu de cette disposition ne peuvent, en aucun cas, affecter la jurisprudence de la Cour de justice.

Par conséquent, la compétence qu'attribue l'article 105 de l'accord créant l'Espace économique européen au comité mixte pour préserver l'interprétation homogène de l'accord n'est compatible avec le traité CEE que si ce principe, garantie essentielle, indispensable à l'autonomie de l'ordre juridique communautaire, est énoncé sous une forme qui lie les parties contractantes.

2. En vertu de l'article 111 de l'accord créant l'Espace économique européen, le comité mixte, saisi par la Communauté ou un État membre de l'Association européenne de libre-échange, est compétent pour régler tout différend relatif à l'interprétation et à l'application de l'accord, y compris, selon l'article 105, paragraphe 3, les différends qui portent sur une divergence de jurisprudence et qu'il n'a pu résoudre, conformément à la procédure prévue par ce dernier article.

L'attribution d'une telle compétence soulevant le problème de savoir si elle comporte la possibilité, pour le comité mixte, de méconnaître le caractère contraignant des décisions de la Cour de justice dans l'ordre juridique communautaire, il convient d'observer que l'article 105, paragraphe 3, établit un lien entre la procédure de cet article et celle de l'article 111 de l'accord et que ce lien impose une interprétation systématique et cohérente de ces deux dispositions. Une telle interprétation implique nécessairement que le principe énoncé au "procès-verbal ad article 105", selon lequel les décisions prises par le comité mixte en vertu de cette disposition ne peuvent, en aucun cas, affecter la jurisprudence de la Cour de justice, s'applique également lorsque le comité mixte tente de régler un différend en recherchant une solution acceptable pour les parties contractantes, conformément à l'article 111. Cette interprétation est d'ailleurs la seule qui soit cohérente avec la compétence que l'article 111, paragraphe 3, attribue à la Cour de justice pour l'interprétation des règles pertinentes, si le différend porte sur l'interprétation des dispositions de l'accord, qui sont identiques en substance aux règles correspondantes du droit communautaire.

Il s'ensuit que les compétences que l'article 111 de l'accord créant l'Espace économique européen attribue au comité mixte ne portent pas atteinte au caractère contraignant de la jurisprudence de la Cour de justice et à l'autonomie de l'ordre juridique communautaire, dès lors qu'il est établi que le principe énoncé au "procès-verbal agréé ad article 105" lie les parties contractantes.

3. L'article 111, paragraphe 3, de l'accord créant l'Espace économique européen attribue à la Cour de justice, en cas de différend portant sur l'interprétation des dispositions de l'accord identiques en substance aux règles correspondantes du droit communautaire, compétence pour l'interprétation des règles pertinentes.

Bien que les compétences conférées par le traité CEE à la Cour de justice ne puissent être modifiées que dans le cadre de la procédure visée à son article 236, un accord international conclu par la Communauté peut toutefois lui attribuer de nouvelles compétences, comme celle d'interpréter des dispositions d'un tel accord, à condition que cette attribution ne dénature pas la fonction de la Cour telle qu'elle est conçue dans le traité CEE, à savoir celle d'une juridiction dont les décisions sont contraignantes.

S'il est vrai que la saisine de la Cour de justice en vertu de l'article 111, paragraphe 3, de l'accord n'a pas pour but de lui confier le règlement du différend, qui reste soumis au comité mixte, il n'en demeure pas moins que l'interprétation que doit donner la Cour de justice a un caractère contraignant, ainsi qu'il en résulte des termes mêmes de l'accord.

Il s'ensuit que, si la Cour de justice est appelée à se prononcer en vertu de l'article 111, paragraphe 3, de l'accord créant l'Espace économique européen, tant les parties contractantes que le comité mixte sont liés par l'interprétation donnée par la Cour aux règles en cause. Par conséquent, la compétence que cette disposition attribue à la Cour pour interpréter les dispositions de l'accord, à la demande des parties contractantes, est compatible avec le traité CEE.

4. Le règlement de différends par la voie de l'arbitrage, prévu à l'article 111, paragraphe 4, de l'accord créant l'Espace économique européen, n'est pas de nature à porter atteinte à l'autonomie de l'ordre juridique communautaire, étant donné qu'aux termes mêmes de cette disposition, aucune question d'interprétation des dispositions de l'accord, identiques aux dispositions correspondantes du droit communautaire, ne peut être réglée dans ce cadre.

5. L'article 107 de l'accord créant l'Espace économique européen permet aux États membres de l'Association européenne de libre-échange d'autoriser leurs juridictions à demander à la Cour de justice des Communautés européennes une décision sur l'interprétation d'une disposition de l'accord. Eu égard au fait que le libellé de la disposition citée garantit un effet contraignant aux réponses que la Cour de justice pourra être appelée à donner, ce mécanisme, respectant la fonction de la Cour de justice et les exigences du bon fonctionnement de la procédure préjudicielle, est compatible avec le droit communautaire.

6. La compétence de la Communauté pour conclure des accords internationaux résulte non seulement d'une attribution explicite par le traité CEE, mais également d'autres dispositions du traité et des actes pris, dans le cadre de ces dispositions, par les institutions de la Communauté. Par conséquent, la Communauté a compétence, en vertu des règles de concurrence du traité CEE et des actes pris pour leur application, pour conclure des accords internationaux dans ce domaine. Cette compétence comporte nécessairement la possibilité, pour la Communauté, d'accepter des règles conventionnelles sur la répartition des compétences respectives des parties contractantes dans le domaine de la concurrence, dès lors que ces règles ne dénaturent pas les compétences de la Communauté et de ses institutions telles qu'elles sont conçues dans le traité CEE

Motifs de l'arrêt


La Cour de justice a été saisie d'une demande d'avis, déposée au greffe de la Cour le 27 février 1992, formulée par la Commission des Communautés européennes au titre de l'article 228, paragraphe 1, deuxième alinéa, du traité instituant la Communauté économique européenne, aux termes duquel:

"Le Conseil, la Commission ou un État membre peut recueillir au préalable l'avis de la Cour de justice sur la compatibilité de l'accord envisagé avec les dispositions du présent traité. L'accord qui a fait l'objet d'un avis négatif de la Cour de justice ne peut entrer en vigueur que dans les conditions fixées selon le cas à l'article 236."

I - Exposé de la demande d'avis

Le 14 décembre 1991, la Cour a émis l'avis 1/91 sur la compatibilité avec les dispositions du traité CEE d'un projet d'accord portant sur la création de l'Espace économique européen (ci-après respectivement "accord" et "Espace EE"). Selon cet avis, le système de contrôle juridictionnel, que l'accord envisageait de mettre en place, était incompatible avec le traité.

Des négociations entre la Commission et les pays de l'AELE ont abouti le 14 février 1992 à certaines modifications. Par la présente demande, la Commission a sollicité l'avis de la Cour sur la compatibilité avec le traité CEE des dispositions de l'accord ainsi renégociées et, plus particulièrement, des articles 56 et 111 nouveaux.

Le texte des dispositions modifiées de l'accord était joint à la demande d'avis. La Cour rend son avis sur la base de la version française du texte de l'accord. Ci-après, l'expression "Cour" ou "Cour de justice" se rapporte à la Cour de justice des Communautés européennes.

II - Procédure

Conformément à l'article 107, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, la demande d'avis a été signifiée au Conseil et aux États membres. Aucune observation n'a été déposée.

Sur demande, le Parlement européen a été admis à présenter des observations.

Les avocats généraux ont été entendus par la Cour en chambre du conseil, conformément à l'article 108, paragraphe 2, du règlement de procédure, le 31 mars 1992.

III - Analyse de l'accord renégocié

Les modifications apportées à l'accord concernent le préambule, la quatrième partie intitulée "Concurrence et autres règles communes" (articles 56 et 64), le chapitre 3 de la septième partie intitulée "Dispositions institutionnelles" et les protocoles 33, 34 et 35.

Au préambule de l'accord, il est ajouté le considérant suivant:

"Considérant que, dans le plein respect de l'indépendance des tribunaux, l'objectif des parties contractantes est d'arriver et de maintenir une interprétation et une application uniformes du présent accord et de celles des dispositions de la législation communautaire qui sont en substance reprises dans l'accord et d'arriver à un traitement égal des individus et des opérateurs économiques au regard des quatre libertés et des conditions de concurrence."

Dans la quatrième partie de l'accord, intitulée "Concurrence et autres règles communes", les articles 56 et 64 nouveaux sont libellés comme suit:

"Article 56

1. Les cas individuels tombant dans le champ d'application de l'article 53 sont traités par les autorités de surveillance conformément aux dispositions ci-après:

a) les cas individuels où seul le commerce entre États de l'AELE est affecté sont traités par l'autorité de surveillance de l'AELE;

b) sans préjudice du sous-paragraphe c), l'autorité de surveillance de l'AELE décide également, conformément aux dispositions de l'article 58 du protocole 21 et des règles adoptées pour sa mise en oeuvre, du protocole 23 et de l'annexe XIV, des cas où le chiffre d'affaires des entreprises concernées sur le territoire des États de l'AELE est égal ou supérieur à 33 % de leur chiffre d'affaires sur le territoire couvert par le présent accord;

c) la Commission des Communautés européennes décide de tous les autres cas, ainsi que de ceux visés au sous-paragraphe b) ci-dessus dès lors que le commerce entre États membres de la Communauté est affecté, prenant en compte les dispositions prévues à l'article 58, au protocole 21, au protocole 23 et à l'annexe XIV.

2. Les cas individuels tombant dans le champ d'application de l'article 54 sont traités par l'autorité de surveillance sur le territoire de laquelle est découverte une position dominante. Les règles prévues au paragraphe 1, sous b) et c), ci-dessus s'appliquent si la position dominante existe sur les territoires des deux autorités de surveillance.

3 (1). Les cas individuels tombant sous l'alinéa c) du paragraphe 1, dont les effets sur le commerce entre les États membres de la Communauté ou sur la concurrence à l'intérieur de la Communauté sont insignifiants, sont traités par l'autorité de surveillance de l'AELE.

4. Les termes 'entreprise'et 'chiffre d'affaires'sont aux fins de l'application du présent article définis au protocole 22.

Article 64

1. Si l'une des autorités de surveillance considère que l'application par l'autre autorité de surveillance des articles 61 et 62 et de l'article 5 du protocole 14 n'est pas conforme au maintien de conditions égales de concurrence sur le territoire couvert par le présent accord, des échanges de vues ont lieu endéans deux semaines conformément à la procédure prévue au protocole 27, paragraphe f).

Si une solution n'a pas été trouvée d'un commun accord à la fin de ce délai de deux semaines, l'autorité compétente de la partie contractante affectée par la distorsion de concurrence peut immédiatement adopter des mesures provisoires en vue d'y remédier.

Des consultations ont lieu au sein du comité mixte de l'EEE en vue de trouver une solution communément acceptable.

Si dans les trois mois, le comité mixte de l'EEE n'a pas été capable de trouver une telle solution, et si la pratique en question cause ou menace de causer une distorsion de concurrence en affectant les échanges entre les parties contractantes, les mesures provisoires peuvent être remplacées par des mesures définitives, strictement nécessaires pour compenser les effets d'une telle distorsion. Les mesures qui apportent le moins de perturbation au fonctionnement de l'accord doivent être choisies par priorité.

2. Les dispositions du présent article s'appliquent également aux monopoles d'État qui sont établis après la signature du présent accord."

Dans la septième partie de l'accord relative aux dispositions institutionnelles, la section 3, intitulée "the EEA courts" a été supprimée (anciens articles 95 à 103). Désormais cette partie contient un chapitre 3, intitulé "Homogénéité, procédure de surveillance et règlement des différends", dont les dispositions sont libellées comme suit:

Section 1: de l'homogénéité

"Article 105 (2)

1. Afin de parvenir à l'objectif, que les parties contractantes se sont fixé, d'arriver à une interprétation aussi uniforme que possible des dispositions du présent accord et de celles de la législation communautaire qui sont reprises en substance dans le présent accord, le comité mixte de L'EEE agit conformément au présent article.

2. Le comité mixte de l'EEE procède à l'examen permanent du développement de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes et de la Cour AELE. A cette fin, les arrêts de ces Cours sont transmis au comité mixte de l'EEE qui agit de telle sorte à préserver l'interprétation homogène du présent accord.

3. Si dans un délai de deux mois après que le comité mixte de l'EEE a été saisi d'une divergence de jurisprudence de ces deux Cours, celui-ci n'a pas réussi à préserver l'interprétation homogène de l'accord, la procédure prévue à l'article 111 peut s'appliquer.

Article 106

Dans le souci d'assurer une interprétation du présent accord aussi uniforme que possible, dans le plein respect de l'indépendance des tribunaux, un système d'échange d'informations concernant les arrêts et/ou jugements rendus par la Cour de justice des Communautés européennes, le Tribunal de première instance des Communautés européennes, la Cour AELE et les juridictions de dernière instance des États de l'AELE est établi par le comité mixte de l'EEE. Ce système comprend:

a) la transmission au greffe de la Cour de justice des Communautés européennes des arrêts et/ou jugements rendus par les juridictions précitées sur l'interprétation et l'application du présent accord, d'une part, et du traité établissant la Communauté économique européenne et le traité établissant la Communauté européenne du charbon et de l'acier tels qu'amendés ou complétés, de même que les actes adoptés en application desdits traités pour autant qu'ils concernent des dispositions qui sont identiques en substance au présent accord, d'autre part;

b) le classement de ces arrêts et/ou jugements auprès du greffe de la Cour de justice des Communautés européennes y inclus, si nécessaire, la reproduction et la publication de traductions et résumés;

c) la communication par le greffe de la Cour de justice des Communautés européennes de tous les documents pertinents aux autorités nationales compétentes qui sont désignées par chaque partie contractante.

Article 107

Les dispositions permettant à un État de l'AELE d'autoriser ses juridictions de demander à la Cour de justice des Communautés européennes une décision sur l'interprétation d'une disposition de l'accord EEE figurent au protocole 34.

Section 2: de la procédure de surveillance

Article 108

1. Les États de l'AELE instituent une autorité de surveillance indépendante, appelée ci-après l'autorité de surveillance de l'AELE, de même qu'ils créent des procédures analogues à celles qui prévalent dans la Communauté, y inclus des procédures en vue d'assurer le respect des obligations prévues par l'accord et le contrôle de la légalité des actes de l'autorité de surveillance de l'AELE en matière de concurrence.

2. Les États de l'AELE instituent une Cour de justice ci-après dénommée Cour AELE. La Cour AELE est compétente, conformément à un accord séparé conclu entre les États de l'AELE, notamment pour:

a) les actions concernant la procédure de surveillance à l'égard des États de l'AELE;

b) les recours contre les décisions prises par l'autorité de surveillance de l'AELE dans le domaine de la concurrence;

c) le règlement des différends entre deux ou plusieurs États de l'AELE.

Article 109

1. La Commission des Communautés européennes agissant sur base du traité instituant la Communauté économique européenne, du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier et du présent accord, d'une part, et l'autorité de surveillance de l'AELE, d'autre part, veillent au respect des obligations qui incombent aux parties contractantes en vertu du présent accord.

2. En vue d'assurer une surveillance uniforme à l'intérieur de l'EEE, la Commission des Communautés européennes et l'autorité de surveillance de l'AELE coopèrent, échangent des informations et se consultent sur toute question de politique de surveillance et les cas individuels.

3. La Commission des Communautés européennes, d'une part, et l'autorité de surveillance de l'AELE, d'autre part, reçoivent toute plainte relative à l'application de l'accord. Elles se communiquent mutuellement les plaintes reçues.

4. Chacune de ces instances instruit les plaintes qui relèvent de sa compétence de surveillance et répercute, le cas échéant, les plaintes qui relèvent de la compétence de surveillance de l'autre instance à cette dernière.

5. En cas de désaccord entre les deux instances sur la suite à donner à la plainte ou sur le résultat de l'instruction, chacune des deux instances peut saisir le comité mixte de l'EEE qui est alors chargé de traiter l'affaire conformément à l'article 111 ci-après.

Article 110

Les décisions prises par l'autorité de surveillance de l'AELE et la Commission des Communautés européennes qui comportent, à la charge des personnes autres que les États, une obligation pécuniaire forment titre exécutoire. Il en est de même des jugements rendus dans le cadre du présent accord par la Cour de justice des Communautés européennes, le Tribunal de première instance des Communautés européennes et la Cour AELE.

L'exécution forcée est régie par les règles de la procédure civile en vigueur dans l'État sur le territoire duquel elle a lieu. La formule exécutoire est apposée, sans autre contrôle que celui de la vérification de l'authenticité du titre, par l'autorité que chaque partie contractante désignera à cet effet et dont elle donnera connaissance aux autres parties contractantes, à l'autorité de surveillance de l'AELE, à la Commission des Communautés européennes, à la Cour de justice des Communautés européennes, au Tribunal de première instance des Communautés européennes et à la Cour AELE.

Après l'accomplissement de ces formalités à la demande de l'intéressé, celui-ci peut poursuivre l'exécution forcée en saisissant directement l'organe compétent, conformément à la législation de l'État sur le territoire duquel l'exécution forcée doit avoir lieu.

L'exécution forcée ne peut être suspendue qu'en vertu d'une décision de la Cour de justice des Communautés européennes s'agissant des décisions de la Commission des Communautés européennes, de la Cour de justice des Communautés européennes ou du Tribunal de première instance des Communautés européennes, ou d'une décision de la Cour AELE s'agissant des décisions de l'autorité de surveillance de l'AELE ou de la Cour AELE. Toutefois, le contrôle de la régularité des mesures d'exécution forcée relève de la compétence des juridictions des États concernés.

Section 3: du règlement des différends

Article 111

1. La Communauté ou un État de l'AELE peut soumettre tout différend relatif à l'interprétation ou à l'application du présent accord au comité mixte de l'EEE conformément aux dispositions ci-après.

2. Le comité mixte de l'EEE peut régler le différend. Tous les éléments d'information utiles pour permettre un examen approfondi de la situation en vue de régler le différend et de rechercher une solution acceptable pour les parties contractantes sont fournis au comité mixte de l'EEE. A cette fin, le comité mixte de l'EEE examine toutes les possibilités en vue de maintenir le bon fonctionnement de l'accord.

3. Si le différend porte sur l'interprétation des dispositions du présent accord, qui sont identiques en substance aux règles correspondantes du traité instituant la Communauté économique européenne et du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier ou des actes adoptés en application de ces deux traités et si le différend n'a pas été réglé dans les trois mois après qu'il a été porté devant le comité mixte de l'EEE, les parties contractantes, parties au différend, peuvent se mettre d'accord pour demander à la Cour de justice des Communautés européennes de se prononcer sur l'interprétation des règles pertinentes. Si le comité mixte de l'EEE n'est pas parvenu à une solution du différend dans un délai de six mois à partir de la date à laquelle la procédure a été déclenchée ou si, dans ce même délai, les parties contractantes, parties au différend, n'ont pas décidé de demander à la Cour de justice des Communautés européennes de se prononcer, une partie contractante peut, en vue de remédier au déséquilibre possible:

- soit prendre une mesure de sauvegarde répondant aux conditions de l'article 112, paragraphe 2, et conformément à la procédure prévue à l'article 113;

- soit appliquer l'article 102 mutatis mutandis.

4. Si le différend porte sur le champ d'application ou la durée des clauses de sauvegarde prises en vertu des articles 111, paragraphe 3, ou 112 ou sur la proportionnalité des mesures de rééquilibrage prises en vertu de l'article 114, et si le comité mixte de l'EEE n'est pas parvenu à résoudre le différend dans un délai de trois mois après que le conflit a été porté devant lui, toute partie contractante peut porter le différend à l'arbitrage conformément aux procédures prévues au protocole 33. Aucune question d'interprétation des dispositions du présent accord auxquelles il est fait référence au paragraphe 3 ci-dessus ne peut être réglée dans le cadre de telles procédures d'arbitrage. La sentence arbitrale est contraignante pour les parties au différend."

Le protocole 33, auquel se réfère l'article 111 de l'accord, contient les dispositions suivantes:

"Protocole 33: sur l'arbitrage

1. Si un différend est soumis à l'arbitrage, le tribunal arbitral sera composé de trois membres, à moins que les parties au différend n'en décident autrement.

2. Chacune des deux parties au différend désignera un arbitre dans un délai de trente jours.

3. Les deux arbitres désignés nommeront d'un commun accord un surarbitre qui sera ressortissant d'une des parties contractantes, mais d'une nationalité différente de celle des arbitres désignés. Si les arbitres ne peuvent se mettre d'accord, dans les deux mois suivant leur désignation, le surarbitre sera choisi par eux sur une liste de sept personnes établie par le comité mixte de l'EEE.

Le comité mixte établit et tient à jour cette liste conformément à ses règles de procédure.

4. A moins que les parties contractantes n'en décident autrement, le tribunal d'arbitrage fixe lui-même ses règles de procédure. Il prend les décisions à la majorité."

L'article 107 de l'accord se réfère au protocole 34, rédigé en ces termes:

"Protocole 34: concernant la possibilité pour les Cours et

Tribunaux des États de l'AELE de demander à la Cour de justice des Communautés européennes de se prononcer sur l'interprétation des règles de l'EEE correspondant à des règles communautaires

Article premier

Lorsqu'une question d'interprétation des dispositions du présent accord qui sont identiques en substance aux dispositions des traités établissant les Communautés européennes, tels que modifiés ou complétés, ou des actes adoptés en vertu de ces traités, est soulevée dans une affaire pendante devant l'une des juridictions d'un État de l'AELE, cette juridiction peut, si elle l'estime nécessaire, demander à la Cour de justice des Communautés européennes, de se prononcer sur cette question.

Article 2

Un État de l'AELE, qui entend faire usage du présent protocole, notifie au dépositaire de l'accord et à la Cour de justice des Communautés européennes dans quelle mesure et selon quelles modalités le protocole s'appliquera à ses juridictions.

Article 3

Le dépositaire notifie aux parties contractantes toute notification effectuée conformément à l'article 2."

Le protocole 35 est libellé comme suit:

"Protocole 35: sur la mise en oeuvre des règles de l'EEE

Considérant que le présent accord a pour but de réaliser un Espace économique européen homogène, basé sur des règles communes, sans qu'il soit demandé à aucune partie contractante de transférer des pouvoirs législatifs à aucune institution de l'Espace économique européen; et

qu'en conséquence un tel objectif ne peut être atteint que par des procédures nationales;

Article unique

Afin de régler d'éventuels conflits entre les dispositions résultant de la mise en oeuvre des règles de l'EEE et d'autres dispositions législatives, les États de l'AELE s'engagent à introduire, si nécessaire, dans leur législation une règle aux termes de laquelle les règles de l'EEE prévalent dans ces cas."

IV - Résumé de la demande de la Commission

La Commission déclare avoir renégocié l'accord dans le respect de l'avis de la Cour et la recherche du maximum d'homogénéité possible. La conséquence immédiate de l'avis 1/91 était qu'il fallait renoncer à la création d'une Cour EEE et envisager celle d'une Cour AELE. Les nouvelles dispositions s'articulent autour de quatre thèmes: l'homogénéité dans l'interprétation des dispositions de l'accord, le mécanisme de surveillance, le règlement des différends et la concurrence.

En ce qui concerne le premier thème, la Commission souligne l'importance qu'elle attache à l'homogénéité, à savoir une application et une interprétation aussi uniformes que possible de l'accord et des dispositions du droit communautaire qui y sont reproduites en substance. Cet objectif est désormais clairement exprimé dans le préambule de l'accord, par un nouveau considérant, et à l'article 105 (nouveau), paragraphe 1, qui prévoit, en outre, la procédure à suivre en cas d'évolution de la jurisprudence de la Cour de justice ou de divergence entre les jurisprudences de la Cour AELE et de la Cour de justice.

En ce qui concerne l'argument de la Cour selon lequel l'homogénéité ne pouvait être garantie par l'article 6 de l'accord, la Commission fait valoir que la solution idéale ait été que d'ores et déjà les pays de l'AELE acceptent la jurisprudence future de la Cour de justice et que cette disposition soit modifiée en conséquence. Cela s'étant révélé comme totalement inacceptable pour les pays de l'AELE, il est prévu, à l'article 105 (nouveau), une "réception" de la nouvelle jurisprudence de la Cour de justice par des mesures prises par le comité mixte qui feront, dès lors, partie des règles applicables dans l'ensemble de l'EEE. Un procès-verbal agréé entre les parties contractantes précise qu'en aucun cas les décisions du comité mixte, prises en vertu de cette disposition, ne peuvent affecter la jurisprudence de la Cour de justice. Toujours selon la Commission, cela sera confirmé par une déclaration qui sera versée au procès-verbal du Conseil, lors de la conclusion de l'accord.

L'article 106 (nouveau) ne reprend pas le paragraphe 1 de l'article 104 (ancien) et se borne à instituer une procédure d'information réciproque entre la Cour de justice, la Cour AELE et les juridictions de dernière instance des pays de l'AELE.

Enfin, l'article 107 (nouveau) et le protocole 34 (nouveau) mentionnent désormais les "décisions" de la Cour, qui ont dès lors un effet contraignant pour les pays de l'AELE.

Quant au deuxième thème, la Commission observe que le fait de ne pas créer de Cour EEE impliquait la création d'une Cour AELE afin que les pays de l'AELE bénéficient d'une procédure de surveillance similaire à celle qui existe dans la Communauté et que des garanties juridictionnelles identiques, en matière de concurrence, soient accordées aux entreprises.

En ce qui concerne le troisième thème, la Commission souligne que l'article 111 (nouveau) institue une procédure qui vise à tenir compte à la fois de l'avis 1/91 de la Cour et de la nécessité de prévoir une procédure de règlement des différends. Elle précise, à cet égard, que si la Cour AELE n'a aucune compétence en la matière et si l'interprétation des dispositions de l'accord, qui sont en substance identiques à celles du droit communautaire, ne peut être confiée qu'à la Cour de justice, l'adoption d'une procédure de règlement des différends s'impose compte tenu de la portée de l'accord.

Une telle procédure doit se dérouler, autant que faire se peut, au sein du comité mixte et aboutir à un accord politique entre les parties contractantes. Si un tel accord ne peut être atteint, l'article 111 (nouveau) distingue selon que le conflit porte sur une disposition de l'accord qui est en substance identique aux dispositions correspondantes du droit communautaire, ou que le conflit vise une mesure de sauvegarde ou une mesure de rééquilibrage.

Si le différend porte sur une disposition qui est en substance identique aux dispositions correspondantes du droit communautaire, les parties contractantes concernées peuvent décider de demander à la Cour de justice de trancher le point contesté. Si tel est le cas, et bien que ce ne soit pas inscrit dans l'accord, il est convenu que c'est la Commission qui saisira la Cour et lui demandera un avis, au sens de l'article 228 du traité CEE. Si au-delà d'un certain délai, aucun accord n'a été conclu au sein du comité mixte, la partie contractante qui s'estime lésée peut prendre soit une mesure de sauvegarde, soit une mesure de suspension de l'accord.

Si le différend porte sur une clause de sauvegarde ((article 111, paragraphe 3 (nouveau), ou article 112)) ou de rééquilibrage (article 114), le champ d'application et la durée de la validité de la mesure de sauvegarde ou la proportionnalité de la mesure de rééquilibrage peuvent être soumis à l'arbitrage par toute partie contractante. La sentence arbitrale est contraignante pour les parties au litige, mais il est clairement et expressément prévu qu'aucune question d'interprétation de l'accord ne peut être soumise à l'arbitrage. Les arbitres doivent se limiter aux faits et ne peuvent arbitrer en droit. Les modalités de l'arbitrage sont établies par le protocole 33. La Commission estime que dans ces conditions l'arbitrage est conforme aux points 40 et 41 de l'avis 1/91.

S'agissant du quatrième thème, la Commission fait valoir que l'article 56 (nouveau) doit être lu à la lumière des articles 53 et 54 de l'accord. L'application conjointe de cette nouvelle disposition et des articles 85 et 86 du traité CEE amène à une situation dans laquelle, toujours selon la Commission,

la Communauté a compétence:

i) dans les cas d'accords entre entreprises, décisions d'associations d'entreprises et pratiques concertées:

- évidemment pour tous les cas dits "purs", c'est-à-dire où seul l'article 85 est applicable, l'article 53 ne pouvant être en cause que lorsque le commerce entre les parties contractantes est affecté, c'est-à-dire, en l'occurrence, entre la Communauté et les pays de l'AELE;

- pour les cas dits "cas mixtes", c'est-à-dire les cas où il y a une restriction de concurrence et où le commerce est affecté non seulement entre les États membres, mais aussi entre les "parties contractantes", c'est-à-dire entre la Communauté et les États de l'AELE (et où donc l'autorité de surveillance de l'AELE pourrait en principe réclamer également juridiction sur la base de l'article 53 de l'accord).

Dans de tels cas, la Commission décidera sur la base des règles de concurrence communautaires complétées par les règles de l'EEE, et ses décisions vaudront titre exécutoire à travers tout l'Espace économique européen. L'attribution exclusive des cas mixtes à la Commission ressort de l'article 56, paragraphe 1, sous c), qui prévoit que la Commission traitera tous les cas mixtes s'il y a une affectation du commerce entre les États membres;

- pour une forme spécifique de "cas mixtes";

c'est-à-dire de cas où le commerce n'est affecté qu'entre un État membre et un ou plusieurs États de l'AELE.

Sur la base des règles existantes en droit communautaire, la Commission ne pourrait pas traiter un tel cas (les critères de l'article 85 ne seraient pas remplis).

L'instance compétente pour décider de ces cas dans le contexte EEE découle maintenant de l'article 53 de l'accord EEE, qui suppose une affectation du commerce entre les parties contractantes et couvre ainsi la situation susvisée.

Cette compétence entièrement nouvelle sera exercée par la Commission dès lors que les entreprises concernées ont sur le territoire des pays de l'AELE un chiffre d'affaires inférieur à 33 % de leur chiffre d'affaires total dans l'Espace économique européen. Cela ressort de l'article 56, paragraphe 1, sous b), de l'accord EEE.

ii) dans les cas d'abus de position dominante:

- la Communauté est évidemment compétente pour ce qui lui est interne sur la base du seul article 86 et du raisonnement décrit ci-dessus au point i), premier tiret;

- elle est également compétente pour une forme spécifique de cas dits "purs" (parce que l'autorité de surveillance de l'AELE ne pourrait pas réclamer de traiter ces cas), à savoir lorsque la position dominante existe dans la seule Communauté, mais que l'abus affecte le commerce, non seulement entre les États membres, mais aussi entre les parties contractantes. C'est l'article 54 de l'accord qui permet à la Commission de tenir compte également des effets d'un tel abus sur le territoire des pays de l'AELE;

- pour les cas dits "mixtes", c'est-à-dire les cas où une position dominante existe à la fois dans la Communauté et sur le territoire de l'AELE et que cet abus affecte à la fois le commerce entre les États membres et le commerce entre les parties contractantes.

La Commission agira dans ces cas-là sur base des règles du traité de Rome complétées par l'article 54 de l'accord EEE. Cette compétence exclusive de la Communauté ressort de l'article 56, paragraphe 2, en liaison avec le paragraphe 1, sous c), de cette même disposition.

Sur la base de l'accord, l'autorité de surveillance aura compétence:

a) en matière d'accords entre entreprises, décisions d'associations d'entreprises et pratiques concertées:

i) pour tous les cas "purs" AELE, c'est-à-dire où seul le commerce entre les pays AELE est affecté;

ii) pour les cas dits "mixtes" quant il n'y a pas affectation du commerce entre les États membres de la Communauté, mais seulement entre un État membre et un ou plusieurs pays de l'AELE, à condition, toutefois, que les entreprises concernées réalisent 33 % ou plus de leur chiffre d'affaires total dans l'Espace, dans le territoire de l'AELE;

iii) enfin, pour les cas de "minimis" dans la Communauté.

Il s'agit de cas "mixtes" où il y a affectation du commerce entre les États membres et donc en principe compétence communautaire, mais où ces effets dans la Communauté sont tellement négligeables qu'ils tombent dans la catégorie des accords d'importance mineure qui, conformément à la communication de la Commission du 3 septembre 1986 (3), ne sont pas visés par l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE tel qu'interprété par la Cour. Ces accords pourraient toutefois avoir des effets non négligeables sur le territoire des pays de l'AELE. Aussi était-il cohérent que ces cas en fait "purs" AELE soient traités par l'autorité de surveillance de l'AELE. Les entreprises concernées ne pourraient se voir infliger des amendes pour les effets de tels accords dans la Communauté étant donné que l'autorité de surveillance de l'AELE doit reprendre et appliquer l'acquis communautaire, et que la communication de la Commission précitée prévoit expressément que de tels accords ne peuvent faire l'objet d'amendes;

b) dans les cas d'abus de position dominante:

- pour les cas dits "purs", c'est-à-dire où il y a position dominante seulement sur le territoire de l'AELE ou une partie substantielle de celui-ci et l'abus n'affecte que le commerce entre les pays de l'AELE;

- pour une forme spécifique de cas dits "purs" (ainsi appelés, car la Commission n'aurait en tout état de cause pas compétence), à savoir les cas où une position dominante existe dans l'AELE, mais que son abus affecte le commerce entre les parties contractantes.

La Commission déclare ensuite que l'article 56 (nouveau) n'opère aucun transfert de compétence en faveur de l'autorité de surveillance de l'AELE et de la Cour AELE. Elle souligne enfin que l'article 64 (nouveau) permet aux parties contractantes, qui estiment que l'une d'entre elles n'a pas respecté les règles en matière d'aides d'État, de prendre, tout d'abord, des mesures provisoires puis définitives pour remédier aux effets de l'infraction. Ces mesures ne sont pas soumises à l'arbitrage.

V - Résumé des observations du Parlement européen

Le Parlement regrette que la Commission ait saisi la Cour de justice d'un aspect partiel, bien qu'important, de la structure institutionnelle de l'Espace EE. Il estime que la Cour aurait dû être appelée à examiner l'ensemble du système institutionnel et plus spécialement le rôle du Parlement dans la procédure de décision. Le Parlement estime que les compétences qui lui sont attribuées dans l'accord sont en contradiction avec le principe démocratique énoncé dans le préambule.

Concernant la compatibilité du système révisé du contrôle juridictionnel avec le traité CEE, le Parlement observe que le compromis obtenu contient de telles insuffisances qu'une interprétation conforme au traité semble extrêmement difficile. Il est insatisfaisant de confier au comité mixte l'interprétation des arrêts de la Cour et des juridictions de l'AELE. Par ailleurs, l'article 105 et le procès-verbal qui est envisagé contiennent des termes imprécis. Le libellé de l'article 105 et le renvoi à l'article 111 ne garantissent pas que la Cour de justice soit la seule investie de la compétence d'interprétation du droit communautaire. Cette dernière disposition ne contient pas suffisamment de garanties pour éviter une interprétation différente et laisse à l'appréciation du comité mixte le soin de saisir, ou non, la Cour de justice.

A cet égard, le Parlement soulève des réserves sur le fait que ne figure pas dans le texte même du traité la procédure selon laquelle la Cour de justice peut être saisie d'une demande de règlement du différend. Bien au contraire, une autre disposition prise dans un contexte qui n'est pas précisé prévoit que cette saisine doit se faire en conformité avec la procédure de l'article 228 du traité CEE. Enfin, le Parlement observe que les procédures sont à ce point compliquées et les délimitations sont établies de manière si imprécise qu'un réaménagement de textes qui ont fait l'objet de la renégociation s'impose, et cela sous le seul angle de la sécurité juridique et des difficultés à déterminer le droit applicable à une situation donnée.

Prise de position de la Cour

1 Dans le présent avis, la Cour se bornera à examiner, conformément à la demande de la Commission, si les dispositions qui ont été renégociées suite à son avis du 14 décembre 1991 sont compatibles avec le traité CEE.

II

2 A l'instar de l'accord dans la version qui a fait l'objet dudit avis (ci-après "ancienne version"), l'accord compte au nombre de ses objectifs celui de garantir l'homogénéité dans l'interprétation et l'application du droit dans l'Espace EE. Cet objectif, précisé au dernier considérant du préambule et à l'article 1er de l'accord, doit être assuré par la reprise dans le droit qui régira l'espace EE de dispositions textuellement identiques aux dispositions correspondantes du droit communautaire et par les dispositions nouvelles choisies pour régler les litiges.

3 Les nouvelles stipulations de l'accord prévoient les mécanismes suivants.

4 Selon l'article 108, paragraphe 2, les États de l'AELE doivent instituer une juridiction, dénommée Cour AELE. Un accord séparé, à conclure entre les États de l'AELE, attribuera à la Cour AELE une compétence pour connaître notamment des actions concernant la procédure de surveillance à l'égard des États de l'AELE, des recours contre les décisions prises par l'autorité de surveillance de l'AELE dans le domaine de la concurrence et du règlement des différends entre deux ou plusieurs États de l'AELE.

5 En vertu de son article 6, qui n'a pas été modifié, les dispositions de l'accord doivent, pour leur mise en oeuvre et leur application, être interprétées conformément à la jurisprudence de la Cour de justice antérieure à la date de signature de l'accord et relative aux dispositions correspondantes du traité CEE, du traité CECA et des actes de droit communautaire dérivé.

6 Afin d'atteindre l'objectif d'une interprétation aussi uniforme que possible des dispositions de l'accord et des dispositions correspondantes du droit communautaire, l'article 105, paragraphe 2, de l'accord prévoit que le comité mixte procède à l'examen permanent du développement de la jurisprudence de la Cour de justice et de la Cour AELE. Le comité mixte agit de manière à préserver l'interprétation homogène de l'accord. Selon un "procès-verbal agréé ad article 105", les décisions prises par le comité mixte en vertu de cette disposition ne peuvent, en aucun cas, affecter la jurisprudence de la Cour de justice.

7 En vertu de l'article 105, paragraphe 3, la procédure prévue à l'article 111 peut s'appliquer si, dans un délai de deux mois après qu'il a été saisi d'une divergence entre les jurisprudences des deux Cours, le comité mixte n'a pas réussi à préserver l'interprétation homogène de l'accord.

8 L'article 111 de l'accord prévoit une procédure pour le règlement des différends relatifs à l'interprétation ou à l'application de l'accord. Selon les paragraphes 1 et 2 de cet article, la Communauté ou un État de l'AELE peut soumettre tout différend à cet égard au comité mixte qui peut le régler.

9 Si le différend porte sur l'interprétation des dispositions de l'accord, qui sont identiques en substance aux règles correspondantes du droit communautaire, et s'il n'a pas été réglé dans les trois mois après qu'il a été porté devant le comité mixte, l'article 111, paragraphe 3, permet aux parties contractantes, parties au différend, de se mettre d'accord pour demander à la Cour de justice de se prononcer sur l'interprétation des règles pertinentes.

10 L'article 111, paragraphe 4, détermine les conditions dans lesquelles les parties contractantes peuvent soumettre leur différend à l'arbitrage. Il dispose, à cet égard, que le différend doit porter sur le champ d'application ou la durée des clauses de sauvegarde ou sur la proportionnalité des mesures de rééquilibrage et n'avoir pas pu être réglé par le comité mixte dans un délai de trois mois après que le conflit a été porté devant ce dernier. Il précise, en outre, que l'arbitrage se déroule conformément aux procédures prévues au protocole 33, qu'aucune question d'interprétation des dispositions de l'accord qui sont identiques en substance aux dispositions correspondantes du droit communautaire ne peut être réglée dans le cadre de ces procédures et que la sentence arbitrale est contraignante pour les parties au différend.

11 Enfin, le protocole 34, auquel renvoie l'article 107 de l'accord, contient des dispositions permettant aux États de l'AELE d'autoriser leurs juridictions à demander à la Cour de justice une décision sur l'interprétation d'une disposition de l'accord qui est identique en substance à une disposition de droit communautaire.

III

12 Par rapport à l'ancienne version de l'accord, les nouvelles dispositions relatives au système de règlement des différends se distinguent essentiellement par les points suivants.

13 En premier lieu, l'accord n'institue plus une Cour EEE. La Cour AELE ne sera compétente que dans le cadre de l'AELE et ne présentera pas de liens personnels et fonctionnels avec la Cour de justice.

14 En second lieu, l'accord prévoit deux procédures, l'une qui vise à préserver l'interprétation homogène de l'accord et l'autre qui tend à régler des différends entre les parties contractantes. Au cours de cette dernière procédure, la Cour de justice peut être saisie pour se prononcer sur l'interprétation des règles pertinentes.

15 En troisième lieu, les États de l'AELE peuvent autoriser, conformément à l'article 107 et au protocole 34, leurs juridictions à demander à la Cour de justice de rendre une décision et non pas, selon les termes employés dans son ancienne version, de "s'exprimer" sur l'interprétation d'une disposition de l'accord.

16 En quatrième lieu, l'accord ne contient plus de disposition qui oblige la Cour de justice à tenir dûment compte de la jurisprudence d'autres juridictions.

IV

17 Dans son avis du 14 décembre 1991, la Cour a constaté que l'objectif de l'homogénéité dans l'interprétation et l'application du droit dans l'Espace EE se heurtait aux divergences existant entre les finalités et le contexte de l'accord, d'une part, et ceux du droit communautaire, d'autre part. C'est compte tenu de cette contradiction que la Cour a conclu que le système juridictionnel envisagé était de nature à mettre en cause l'autonomie de l'ordre juridique communautaire dans la poursuite des objectifs qui lui sont propres.

18 Dès lors que les divergences relevées subsistent, il convient d'examiner si les nouvelles dispositions de l'accord, qui ont remplacé celles que la Cour avait considérées comme incompatibles avec l'autonomie du droit communautaire, sont susceptibles de soulever des objections similaires.

19 A cette fin, il convient de constater que l'accord ne prévoit plus l'institution de la Cour EEE, mais envisage la mise en place d'une Cour AELE par un accord séparé à conclure entre les États de l'AELE. A cet égard, il suffit d'observer que, contrairement à ce qui avait été envisagé pour la Cour EEE, la Cour AELE ne connaîtra pas des différends entre les parties contractantes et n'exercera ses compétences qu'à l'intérieur de l'AELE.

20 Il reste donc à examiner si les procédures pour le règlement des différends, prévues aux articles 105 et 111 de l'accord, sont compatibles avec le traité CEE et, notamment, avec son article 164.

21 Afin de parvenir à une interprétation aussi uniforme que possible des dispositions de l'accord et de celles de la législation communautaire reprises en substance dans l'accord, l'article 105 de cet accord confère au comité mixte la compétence pour procéder à l'examen permanent du développement de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes et de la Cour AELE ainsi que pour agir de manière à préserver l'interprétation homogène de l'accord.

22 Si cet article devait être entendu comme comportant la possibilité, pour le comité mixte, de méconnaître le caractère contraignant des décisions de la Cour dans l'ordre juridique communautaire, l'attribution d'une telle compétence à ce comité porterait atteinte à l'autonomie de l'ordre juridique communautaire dont la Cour doit assurer le respect, en vertu de l'article 164 du traité CEE, et serait donc incompatible avec le traité.

23 Toutefois, aux termes du "procès-verbal agréé ad article 105", les décisions prises par le comité mixte en vertu de cette disposition ne peuvent, en aucun cas, affecter la jurisprudence de la Cour de justice.

24 Ce principe constitue une garantie essentielle indispensable à l'autonomie de l'ordre juridique communautaire.

25 Par conséquent, la compétence qu'attribue l'article 105 au comité mixte pour préserver l'interprétation homogène de l'accord n'est compatible avec le traité CEE que si ce principe est énoncé sous une forme qui lie les parties contractantes.

26 En vertu de l'article 111, le comité mixte, saisi par la Communauté ou un État de l'AELE, est compétent pour régler tout différend relatif à l'interprétation et à l'application de l'accord, y compris, selon l'article 105, paragraphe 3, les différends qui portent sur une divergence de jurisprudence et qu'il n'a pu résoudre, conformément à la procédure prévue par ce dernier article.

27 Or, l'attribution d'une telle compétence au comité mixte soulève le même problème que celui évoqué au point 22 du présent avis.

28 A cet égard, il convient toutefois d'observer que l'article 105, paragraphe 3, établit un lien entre la procédure de cet article et celle de l'article 111 de l'accord et que ce lien impose une interprétation systématique et cohérente de ces deux dispositions. Une telle interprétation implique nécessairement que le principe énoncé au "procès-verbal agréé ad article 105" s'applique également lorsque le comité mixte tente de régler un différend en recherchant une solution acceptable pour les parties contractantes, conformément à l'article 111.

29 Il s'ensuit que les compétences que l'article 111 attribue au comité mixte ne portent pas atteinte au caractère contraignant de la jurisprudence de la Cour et à l'autonomie de l'ordre juridique communautaire, dès lors qu'il est établi que le principe énoncé au "procès-verbal agréé ad article 105" lie les parties contractantes.

30 L'interprétation selon laquelle le comité mixte est tenu de respecter le principe susmentionné dans le cadre de l'article 111 est la seule qui soit cohérente avec la compétence que son paragraphe 3 attribue à la Cour de justice pour l'interprétation des règles pertinentes.

31 Se pose alors la question de savoir si l'attribution de cette dernière compétence à la Cour de justice est compatible avec le traité.

32 Les compétences conférées par le traité à la Cour ne peuvent être modifiées que dans le cadre de la procédure visée à son article 236. Toutefois, un accord international conclu par la Communauté peut lui attribuer de nouvelles compétences à condition que cette attribution ne dénature pas la fonction de la Cour telle qu'elle est conçue dans le traité CEE.

33 C'est dans ce contexte qu'il a été admis, dans l'avis du 14 décembre 1991, qu'un accord international conclu par la Communauté pouvait conférer à la Cour une compétence pour l'interprétation des dispositions d'un tel accord, à condition que ses décisions aient un effet contraignant. En effet, la fonction de la Cour, telle qu'elle est conçue dans le traité CEE, est celle d'une juridiction dont les décisions sont contraignantes.

34 Il est vrai que la saisine de la Cour de justice en vertu de l'article 111, paragraphe 3, de l'accord n'a pas pour but de lui confier le règlement du différend, qui reste soumis au comité mixte. Mais il n'en reste pas moins que l'interprétation que doit donner la Cour de justice a un caractère contraignant, ainsi que cela résulte des termes mêmes des deux versions linguistiques de l'accord qui ont été soumises à la Cour et qui utilisent l'expression en français "se prononcer" et en anglais "(to) give a ruling".

35 Il s'ensuit que, si la Cour est appelée à se prononcer en vertu de l'article 111, paragraphe 3, de l'accord, tant les parties contractantes que le comité mixte sont liés par l'interprétation donnée par la Cour aux règles en cause. Par conséquent, la compétence que cette disposition attribue à la Cour pour interpréter les dispositions de l'accord, à la demande des parties contractantes, parties au différend, est compatible avec le traité CEE.

36 Quant aux procédures d'arbitrage, il suffit de relever que, selon l'article 111, paragraphe 4, de l'accord, aucune question d'interprétation des dispositions de l'accord, identiques aux dispositions correspondantes du droit communautaire, ne peut être réglée dans ce cadre. Il s'ensuit que le règlement de différends par la voie de l'arbitrage n'est pas de nature à porter atteinte à l'autonomie de l'ordre juridique communautaire.

V

37 En ce qui concerne les dispositions de l'accord permettant aux États de l'AELE d'autoriser leurs juridictions à demander à la Cour de justice une décision sur l'interprétation d'une disposition de l'accord, il suffit de constater que le libellé de l'article 107 garantit un effet contraignant aux réponses que la Cour de justice pourra être appelée à donner. Ce mécanisme satisfait ainsi aux exigences formulées dans l'avis du 14 décembre 1991 (Rec. p. I-6101) et est, dès lors, compatible avec le droit communautaire.

VI

38 Il convient d'apprécier, enfin, la compatibilité avec le traité CEE des règles contenues à l'article 56 de l'accord pour la répartition des compétences en matière de concurrence entre l'autorité de surveillance de l'AELE et la Commission des Communautés européennes.

39 Ainsi qu'il découle de la jurisprudence de la Cour (arrêt du 31 mars 1971, Commission/Conseil, 22/70, Rec. p. 263, dit AETR, arrêt du 14 juillet 1976, Kramer, 3/76, 4/76 et 6/76, Rec. p. 1279, et avis 1/76 du 26 avril 1977, point 3, Rec. p. 741), la compétence, pour la Communauté, de conclure des accords internationaux résulte non seulement d'une attribution explicite par le traité, mais également d'autres dispositions du traité et des actes pris, dans le cadre de ces dispositions, par les institutions de la Communauté.

40 Par conséquent, la Communauté a la compétence, en vertu des règles de concurrence du traité CEE et des actes pris pour leur application, de conclure des accords internationaux dans ce domaine.

41 Il convient de relever que cette compétence comporte nécessairement la possibilité, pour la Communauté, d'accepter des règles conventionnelles sur la répartition des compétences respectives des parties contractantes dans le domaine de la concurrence, dès lors que ces règles ne dénaturent pas les compétences de la Communauté et de ses institutions telles qu'elles sont conçues dans le traité.

42 Il s'ensuit que l'article 56 de l'accord est compatible avec le traité CEE

Dispositif


En conclusion,

LA COUR

émet l'avis suivant:

Sont compatibles avec le traité instituant la Communauté économique européenne,

1) les dispositions de l'accord relatives au règlement des litiges, pour autant que le principe, selon lequel les décisions prises par le comité mixte ne peuvent en aucun cas affecter la jurisprudence de la Cour de justice, est énoncé sous une forme qui lie les parties contractantes,

2) l'article 56 de l'accord relatif à la répartition des compétences en matière de concurrence