19.10.2010   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

L 274/1


DÉCISION DE LA COMMISSION

du 26 janvier 2010

concernant l’aide d’État C 56/07 (ex E 15/05) accordée par la France à La Poste

[notifiée sous le numéro C(2010) 133]

(Le texte en langue française est le seul faisant foi.)

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

(2010/605/UE)

LA COMMISSION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne («TFUE») (1), et notamment son article 108, paragraphe 2, premier alinéa,

vu l’accord sur l’Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a),

après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément auxdits articles (2),

considérant ce qui suit:

1.   PROCÉDURE

(1)

Le 21 décembre 2005, la Commission a approuvé le transfert des activités bancaires et financières de La Poste à sa filiale, La Banque Postale (3). Dans sa décision, la Commission a souligné que la question de la garantie illimitée de l’État en faveur de La Poste ferait l’objet d’une procédure séparée.

(2)

Le 21 février 2006, conformément à l’article 17 du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil (4) portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après «le règlement de procédure»), la Commission a informé les autorités françaises de ses conclusions préliminaires quant à l’existence d’une garantie illimitée de l’État qui découlerait du statut de La Poste et qui constituerait une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE et les a invitées à présenter leurs observations. Dans la mesure où cette supposée garantie illimitée de l’État était en vigueur avant le 1er janvier 1958, la Commission a appliqué les règles de procédure concernant les aides existantes, conformément à l’article 1er, point b), du règlement de procédure précité (5).

(3)

La Commission a reçu la réponse des autorités françaises le 24 avril 2006.

(4)

Le 4 octobre 2006, conformément à l’article 18 du règlement de procédure, la Commission a invité la France à supprimer la garantie dont bénéficie La Poste en vertu de son statut sur tous ses engagements au plus tard le 31 décembre 2008

(5)

Le 6 décembre 2006, la Commission a reçu une note des autorités françaises contestant les conclusions présentées par la Commission dans sa lettre du 4 octobre 2006.

(6)

À la suite d’une réunion avec les services de la Commission en charge de la concurrence (ci-après «DG Concurrence»), par lettre du 16 janvier 2007, les autorités françaises ont soumis à la Commission un projet de modification du décret d’application de la loi no 80-539 du 16 juillet 1980 relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l’exécution des jugements par les personnes morales de droit public (6) (ci-après «la loi du 16 juillet 1980»), à savoir le décret no 81-501 du 12 mai 1981 pris pour l’application de la loi du 16 juillet 1980 relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l’exécution des jugements par les personnes morales de droit public (7) (ci-après «le décret du 12 mai 1981»).

(7)

Après une demande de clarification de la Commission, les autorités françaises ont communiqué une note, reçue le 1er février 2007, expliquant la situation des créanciers de La Poste dans le cas où celle-ci se trouverait en difficulté financière.

(8)

Par note du 19 mars 2007, les autorités françaises ont fait une proposition additionnelle, consistant à s’engager, conjointement avec La Poste, à mentionner l’absence de garantie dans tout contrat de financement et prospectus d’émission de La Poste.

(9)

Par lettre du 29 novembre 2007, la Commission a informé la France de sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, du TFUE à l’encontre de cette mesure (ci-après «la décision d’ouverture»).

(10)

La décision d’ouverture a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne  (8). La Commission a invité les intéressés à présenter leurs observations sur la mesure en cause.

(11)

La Commission n’a pas reçu d’observations à ce sujet de la part des intéressés.

(12)

La Commission a reçu les observations de la France par lettre du 23 janvier 2008.

(13)

La Commission a publié sur le site internet de la DG Concurrence un appel d’offres relatif à la réalisation d’une étude sur la garantie illimitée de la République française à La Poste. Quatre offres ont été reçues avant l’échéance fixée au 21 avril 2008. L’étude a été confiée à Mme Sophie Nicinski, professeur des universités, agrégée de droit public, docteur en droit et auteur de publications sur le thème de la garantie de l’État envers les établissements publics industriels et commerciaux. L’expert (ci-après «l’expert de la Commission») a rendu son rapport le 17 novembre 2008.

(14)

À la suite de la parution dans la presse d’informations relatives à l’adoption par le gouvernement français d’un projet de loi entérinant le changement de statut de La Poste, la Commission a demandé à la France le 20 juillet 2009 si elle accepterait de prendre un engagement quant à la transformation de La Poste en société anonyme soumise aux procédures de redressement et liquidation judiciaires de droit commun. Par le même courrier, la Commission a transmis aux autorités françaises le rapport de son expert.

(15)

Par une note transmise le 31 juillet 2009, la France a informé la Commission que le Conseil des ministres du 29 juillet 2009 avait adopté un projet de loi relatif à La Poste et aux activités postales, fixant la transformation de La Poste en société anonyme au 1er janvier 2010. Les autorités françaises ont par ailleurs indiqué qu’elles feraient parvenir leurs observations sur le rapport de l’expert de la Commission.

(16)

Après deux lettres de rappel de la Commission datées du 9 septembre et du 6 octobre 2009, la France a fait connaître, par une note transmise le 27 octobre 2009, ses commentaires sur le rapport de l’expert de la Commission et a transmis un avis de M. Guy Carcassonne, professeur des universités et agrégé des facultés de droit (ci-après «l’expert des autorités françaises»).

(17)

Un amendement au projet de loi relatif à la Poste et aux activités postales a été déposé le 11 décembre 2009 reportant la date de la transformation de la Poste en société anonyme au mois de mars 2010.

2.   DESCRIPTION DE LA MESURE

(18)

La loi no 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et à France Télécom (9) (ci-après «la loi du 2 juillet 1990») a transformé l’ancienne direction générale des postes et télécommunications en deux personnes morales de droit public: La Poste et France Télécom.

(19)

Certaines personnes morales de droit public n’ont pas été qualifiées par la loi d’établissements publics à caractère administratif (EPA) ou d’établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) (10). Tel est le cas de La Poste. Dans son arrêt du 18 janvier 2001 (2e chambre civile) (11), la Cour de cassation a toutefois retenu le principe selon lequel La Poste est assimilée à un EPIC (12). Les conséquences juridiques du statut de La Poste sont les suivantes:

2.1.   INAPPLICABILITÉ À LA POSTE DES PROCÉDURES D’INSOLVABILITÉ ET DE FAILLITE

(20)

L’article premier de la loi du 2 juillet 1990 a qualifié La Poste de personne morale de droit public. Or, en France, les personnes morales de droit public ne sont pas soumises au droit commun en matière de redressement et de liquidation judiciaires d’entreprises en difficulté.

(21)

L’inapplicabilité des procédures d’insolvabilité et de faillite aux personnes morales de droit public découlerait du principe général d’insaisissabilité des biens des personnes morales de droit public reconnu par la jurisprudence française depuis la fin du 19e siècle, et notamment par la Cour de cassation (13).

(22)

En outre, l’article 2 de la loi no 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises (14) (ci-après «la loi du 25 janvier 1985»), qui définit le champ d’application des procédures de redressement et liquidation judiciaires de droit commun en France, devenu l’article L. 620-2 du code de commerce, dispose: «le redressement et la liquidation judiciaires sont applicables à tout commerçant, à toute personne immatriculée au répertoire des métiers, à tout agriculteur et à toute personne morale de droit privé». Il résulte de la lettre de cet article ainsi que de l’interprétation qui en est donnée par la jurisprudence française (15), que les procédures collectives du droit commun ne s’appliquent pas aux personnes morales de droit public.

2.2.   APPLICABILITÉ À LA POSTE DE LA LOI DU 16 JUILLET 1980 ET DU PRINCIPE DE LA RESPONSABILITÉ EN DERNIER RECOURS DE L’ÉTAT POUR LES DETTES DES PERSONNES MORALES DE DROIT PUBLIC

(23)

La loi du 16 juillet 1980 est applicable à La Poste, qualifiée de personne morale de droit public par la loi du 2 juillet 1990.

(24)

Le paragraphe II de l’article premier de la loi du 16 juillet 1980 dispose: «lorsqu’une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné une collectivité locale ou un établissement public au paiement d’une somme d’argent dont le montant est fixé dans la décision elle-même, cette somme doit être mandatée ou ordonnancée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de justice. À défaut de mandatement ou d’ordonnancement dans ce délai, le représentant de l’État dans le département ou l’autorité de tutelle procède au mandatement d’office. En cas d’insuffisance de crédits, le représentant de l’État dans le département ou l’autorité de tutelle adresse à la collectivité ou à l’établissement une mise en demeure de créer les ressources nécessaires; si l’organe délibérant de la collectivité ou de l’établissement n’a pas dégagé ou créé ces ressources, le représentant de l’État dans le département ou l’autorité de tutelle y pourvoit et procède, s’il y a lieu, au mandatement d’office».

(25)

L’alinéa 4 de l’article 3-1 du décret du 12 mai 1981 dispose que «lorsque la mise en demeure est restée sans effet à l’expiration de ces délais (16), le représentant de l’État ou l’autorité chargée de la tutelle procède à l’inscription de la dépense au budget de la collectivité ou de l’établissement public défaillant. Il dégage, le cas échéant, les ressources nécessaires soit en réduisant des crédits affectés à d’autres dépenses et encore libres d’emploi, soit en augmentant les ressources». Enfin, l’alinéa 5 de l’article 3-1 dudit décret prévoit que «si, dans le délai de huit jours après la notification de l’inscription du crédit, la collectivité locale ou l’établissement public n’a pas procédé au mandatement de la somme due, le représentant de l’État ou l’autorité chargée de la tutelle y procède d’office dans le délai d’un mois».

(26)

Le décret précité du 12 mai 1981 a été abrogé et remplacé par le décret no 2008-479 du 20 mai 2008 relatif à l’exécution des condamnations pécuniaires prononcées à l’encontre des collectivités publiques. Néanmoins, l’article 10 du nouveau décret reprend les termes des alinéas 4 et 5 de l’article 3-1 du décret du 12 mai 1981 (17). Il ne modifie donc pas en substance la mesure.

(27)

Par ailleurs, la circulaire du 16 octobre 1989 (18) prévoit que: «en cas d’insuffisance ou d’absence de crédits, situation visée au deuxième alinéa du II de l’article 1er de la loi du 16 juillet 1980, l’ordonnateur est également tenu, avant l’expiration du délai de quatre mois, d’en informer le créancier par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, en précisant le montant de la somme qui sera mandatée ultérieurement. Ce mandatement portera soit sur l’intégralité de la somme due en cas d’absence totale de crédits, soit sur le solde en cas d’insuffisance de crédits».

(28)

Il ressort de l’ensemble de ces dispositions que la loi du 16 juillet 1980 et ses textes d’application sont uniquement destinés à faire exécuter les décisions juridictionnelles passées en force de chose jugée condamnant soit l’État, soit une collectivité locale, soit un établissement public au paiement d’une somme d’argent. Ils ne fixent pas de procédure de redressement ou de liquidation.

(29)

Par ailleurs, la loi du 16 juillet 1980 et ses textes d’application désignent expressément l’État comme l’autorité compétente pour le recouvrement des dettes des établissements publics. L’État dispose de prérogatives importantes: il s’agit, d’une part, du mandatement d’office et, d’autre part, de la création de ressources suffisantes. Ceci conduit à examiner dans quelle mesure les possibilités d’indemnisation ouvertes aux créanciers par la mise en jeu de la responsabilité de l’État en cas de défaillance de La Poste sauraient être assimilées à une forme de garantie.

(30)

Outre les deux éléments précédents (inapplicabilité des procédures d’insolvabilité et applicabilité de la loi du 16 juillet 1980), dans sa décision d’ouverture, la Commission a relevé que des règles applicables à certains EPIC pourraient s’appliquer également à La Poste:

2.3.   TRANSFERT DES OBLIGATIONS D’UN EPIC DISSOUS À UN AUTRE ÉTABLISSEMENT PUBLIC OU À L’ÉTAT

(31)

L’instruction codificatrice No 02-060-M95 du 18 juillet 2002 sur la réglementation financière et comptable des établissements publics nationaux à caractère industriel et commercial (19) (ci-après «l’instruction codificatrice») prévoit que deux hypothèses peuvent se présenter en cas de fermeture d’un EPIC doté d’un comptable public:

soit un nouvel établissement public se substitue à l’ancien EPIC et reprend les biens, droits et obligations de celui-ci,

soit un texte déclare la dissolution de l’établissement public; dans ce cas, «le texte portant dissolution de l’établissement peut, d’ores et déjà, désigner le dévolutaire du solde de liquidation, en général l’État (20)».

(32)

Le guide sur l’organisation financière des créations, transformations et suppressions des établissements publics nationaux et des groupements d’intérêt public du 14 novembre 2006 (ci-après «le guide sur l’organisation financière»), disponible sur le site internet du ministère des finances, précise (21): «Le texte supprimant l’établissement doit explicitement prévoir le transfert des droits, biens et obligations de l’établissement supprimé à la structure qui reprendra son activité ou son patrimoine (c’est-à-dire soit un établissement public ou l’État)» […] «Plus généralement, il doit être prévu que le nouvel établissement est substitué aux personnes morales dont il reprend l’activité dans les droits et obligations résultant des contrats passés pour l’accomplissement des missions qui lui sont attribuées».

(33)

Bien que les dispositions de l’instruction codificatrice et du guide sur l’organisation financière ne soient applicables qu’aux seuls EPIC dotés d’un agent comptable public, certains éléments indiquent que des EPIC non dotés d’un agent comptable public verraient également, en cas de clôture, leurs dettes transférées à l’État ou à un autre établissement public.

(34)

Ainsi, Charbonnages de France a publié dans les notes à ses comptes financiers du 31 décembre 2000 que tous les droits et obligations d’un EPIC doivent, en cas de clôture, être transférés soit à une autre entité juridique de droit public, soit au gouvernement français lui-même, et les termes et conditions d’un tel transfert doivent être précisés dans la loi adoptée pour clôturer l’EPIC en question. Cette affirmation ne se limite pas aux seuls EPIC dotés d’un agent comptable public; d’ailleurs, Charbonnages de France est un EPIC sans agent comptable public.

(35)

Par ailleurs, selon certaines agences de notation, dans l’hypothèse d’une dissolution de l’ERAP (22), bien que l’ERAP soit également un EPIC sans agent comptable public, le solde de sa dette et de ses actifs serait également transféré à l’État. Selon Fitch (23), «en tant qu’EPIC, l’ERAP n’est pas soumis aux procédures de liquidation. Il ne peut être dissous que par une procédure législative et, dans cette hypothèse, le solde de sa dette et de ses actifs reviendront à l’État.» Selon Moody’s (24), «l’ERAP ne peut faire l’objet de restructurations imposées par le tribunal de procédures de liquidation judiciaire. Ainsi, en cas de dissolution de la société, ses actifs/passifs seraient transférés à l’autorité responsable de sa création, à savoir l’État lui-même».

(36)

Au vu de ces éléments, et bien que La Poste ne soit pas dotée d’un agent comptable public (25), il y a lieu d’examiner si, dans l’hypothèse d’une liquidation, le principe du transfert des dettes à l’État ou à une autre entité juridique de droit public est applicable à La Poste compte tenu de l’assimilation de celle-ci à un EPIC. Dès lors, le créancier aurait la garantie de ne pas perdre sa créance et pourrait se contenter d’un taux d’intérêt moindre ou accorder des conditions et des délais de paiement plus favorables qu’en l’absence d’une telle garantie. Un tel transfert aurait donc les mêmes effets qu’une garantie.

2.4.   ACCÈS DIRECT AUX COMPTES DU TRÉSOR

(37)

Toujours selon Fitch (26), «la liquidité de l’ERAP est garantie par son accès immédiat aux comptes d’avance du Trésor». Comme l’ERAP est un EPIC, il y a lieu d’examiner l’accès que pourrait également avoir La Poste aux comptes d’avance du Trésor.

3.   OBSERVATIONS ET PROPOSITIONS DES AUTORITÉS FRANÇAISES

(38)

À la suite de la décision d’ouverture, les autorités françaises ont communiqué leurs observations et leurs propositions à la Commission par une lettre du 23 janvier 2008. Cette lettre complète les observations et propositions développées dans les lettres antérieures des autorités françaises (27) et résumées dans la décision d’ouverture de la procédure.

3.1.   OBSERVATIONS DES AUTORITÉS FRANÇAISES

(39)

Les autorités françaises contestent d’une part l’existence d’une garantie et d’autre part la présence d’un avantage pour La Poste.

3.1.1.   ABSENCE DE GARANTIE

(40)

Selon les autorités françaises, d’une part, les établissements publics ne bénéficient pas d’une garantie automatique du fait de leur statut (A) et d’autre part, le raisonnement de la Commission dans la décision d’ouverture est erroné (B).

A.    Les établissements publics ne bénéficient pas d’une garantie automatique du fait de leur statut  (28)

(41)

En premier lieu, aucun texte, pas plus qu’une décision, ne pose le principe selon lequel l’État garantirait, par principe, indéfiniment, les dettes des EPIC.

(42)

En second lieu, la jurisprudence s’est prononcée sur l’absence de garanties. Notamment, dans son arrêt relatif à la Société de l’hôtel d’Albe  (29), le Conseil d’État a jugé que «l’office national du tourisme doté de la personnalité civile et de l’autonomie financière […] constituait un établissement public, que par suite, l’État ne saurait être tenu d’acquitter les dettes contractées par cet établissement; qu’ainsi, c’est avec raison que le ministre des travaux publics a refusé de faire droit à la demande [du créancier].». Le même raisonnement aurait été suivi en ce qui concerne les collectivités locales dans les deux décisions du Conseil d’État dans l’affaire Campoloro  (30).

(43)

En troisième lieu, la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (31) (ci-après «la LOLF») prévoit que seule une disposition de lois de finances peut créer une garantie (32). Par conséquent, selon l’expert des autorités françaises (33), depuis l’entrée en vigueur complète de la LOLF au 1er janvier 2005, aucune garantie implicite n’a pu légalement être donnée. Les dettes contractées par La Poste depuis le 1er janvier 2005 ne bénéficieraient donc pas d’une garantie implicite. Quant aux dettes contractées avant le 1er janvier 2005, l’expert des autorités françaises estime qu’en l’absence de décision contentieuse, il ne peut être déterminé si la caducité des garanties implicites données avant le 1er janvier 2005 dont l’octroi n’aurait pas été expressément autorisé en loi de finances pourrait — ou non — être écartée sur le fondement du respect des droits constitutionnellement protégés des créanciers.

(44)

En quatrième lieu, si les EPIC bénéficiaient d’une garantie de l’État, le changement de leur statut nécessiterait la mise en place de mesures de préservation des droits des créanciers. Or un tel mécanisme n’a jamais été mis en place. À l’inverse, lors de la transformation au 1er janvier 1991 de l’administration des postes et télécommunications en personne morale autonome (La Poste), l’État a, par arrêté du 31 décembre 1990, accordé une garantie explicite aux dettes contractées antérieurement au 31 décembre 1990 et transférées à La Poste. Ceci n’aurait pas été nécessaire si La Poste, en tant qu’établissement assimilé à un EPIC, avait bénéficié statutairement d’une garantie de l’État. Des dispositions légales et réglementaires ont également été adoptées octroyant une garantie de l’État à certaines activités de l’ERAP et de l’Agence française du développement, qui sont deux EPIC.

(45)

En dernier lieu, les autorités françaises citent un article (34) de M. Labetoulle, ancien président de la section du contentieux du Conseil d’État. Selon M. Labetoulle, «il n’y a, en droit, aucune automaticité dans l’octroi, le bénéfice et l’étendue de cette garantie [une garantie de l’État qui s’appliquerait de plein droit aux établissements publics de l’État]».

B.    Le raisonnement de la Commission relatif à l’existence d’une garantie est erroné  (35)

a)   Le remboursement des créances individuelles n’est pas garanti

1.   La loi du 16 juillet 1980 ne saurait fonder une garantie

(46)

Selon les autorités françaises (36), la loi du 16 juillet 1980 confère à l’autorité de tutelle un pouvoir de substitution à l’exécutif de la personne à laquelle il se substitue. À ce titre, la tutelle ne peut exercer que les compétences de cet exécutif, qui n’incluent pas la possibilité de disposer du budget de l’État. La loi du 16 juillet 1980 ne prévoirait donc pas d’obligation pour l’État d’engager ses propres ressources.

(47)

À l’appui de cette interprétation, les autorités françaises citent les travaux préparatoires de la loi du 16 juillet 1980. Lors de ces débats, le gouvernement se serait opposé aux amendements visant à rendre obligatoire pour l’État le versement d’une subvention exceptionnelle à une collectivité territoriale dont les ressources seraient insuffisantes pour exécuter une décision de justice.

(48)

Les autorités françaises se réfèrent également à des articles de doctrine (37). Ces articles rappelleraient que l’expression «y pourvoit» mentionnée à l’article 1er de la loi du 16 juillet 1980 renvoie à un pouvoir de «substitution», dans lequel «il est de principe que le substituant dispose des mêmes compétences que le substitué», l’attribution d’une subvention exceptionnelle se trouvant par ailleurs «hors de l’exercice d’un pouvoir de substitution» et donc non prévue par la loi du 16 juillet 1980.

(49)

Enfin, les autorités françaises citent les décisions du Conseil d’État du 10 novembre 1999 (38) et du 18 novembre 2005 (39) relatives à l’affaire Campoloro. Le Conseil d’État aurait estimé que la substitution financière de l’État à la commune défaillante ne figure pas dans la liste des obligations imposées par la loi du 16 juillet 1980. Par ailleurs, en recherchant s’il y avait lieu de mettre en jeu la responsabilité de l’État sur le seul terrain de la faute — lourde qui plus est —, le Conseil d’État aurait par principe exclu toute forme de responsabilité «de plein droit» et donc toute forme de garantie.

2.   La responsabilité sans faute de l’État motivée par la seule insuffisance d’actifs ne peut être mise en jeu

(50)

Par ailleurs, les autorités françaises affirment que les possibilités d’indemnisation ouvertes par la mise en jeu de la responsabilité, dans des conditions restrictives, aux créanciers des personnes publiques ne sauraient être assimilées à une forme de garantie. La garantie suppose pour le garant d’assumer le fait du garanti. S’il s’agit d’assumer une faute ou, dans le cas de la responsabilité sans faute, les conséquences d’une action propre, il ne peut être question de garantie.

(51)

Puis les autorités françaises soutiennent qu’en tout état de cause, la responsabilité de l’État n’est pas susceptible d’être engagée au seul motif que le préfet ou l’autorité de tutelle n’a pu prendre aucune mesure susceptible de permettre le remboursement de la créance en raison de la situation financière et patrimoniale de la collectivité ou de l’établissement public.

(52)

Sur le terrain de la faute — lourde qui plus est —, tout d’abord, l’abstention du préfet ou de l’autorité de tutelle de mettre en œuvre ses compétences lorsque aucune mesure n’est susceptible de permettre le remboursement de la créance par la collectivité ou l’établissement public ne saurait par elle-même être fautive.

(53)

Quant à la responsabilité sans faute, deux éléments au moins conduisent à l’écarter:

en premier lieu, la responsabilité de la personne à qui réparation est demandée ne peut être engagée que si le fait (y compris l’abstention) qu’on lui impute a été la cause directe du préjudice. Or, en cas d’insuffisance d’actifs, ce ne serait pas l’action ou l’abstention de l’autorité administrative qui serait à l’origine du préjudice subi par le créancier, mais l’insolvabilité de la collectivité ou de l’établissement public,

en second lieu, la responsabilité sans faute dérive du principe d’égalité devant les charges publiques. Or, selon les autorités françaises, dans le cas d’espèce, on distingue difficilement en quoi le préjudice subi par le créancier pourrait se traduire par une rupture de l’égalité devant les charges publiques. En effet, contrairement à l’affaire ayant conduit à la jurisprudence Couitéas  (40), dans le cas présent, aucune autorité de l’État ne déciderait de ne pas procéder à l’exécution du jugement pour des motifs d’intérêt général. Le cas visé est celui dans lequel l’autorité publique se heurterait à l’impossibilité pratique de prendre des mesures permettant d’exécuter la décision de justice et de rembourser les créanciers, et non pas à une impossibilité décidée en raison d’impératifs d’intérêt général. Selon les autorités françaises, l’invocation de la responsabilité pour rupture de l’égalité devant les charges publiques ne peut donc résulter du seul constat de l’insolvabilité. Concernant l’argument présenté par la Commission au considérant 59 de sa décision d’ouverture selon lequel «si le représentant de l’État privilégiait le maintien de la continuité du service public sur le droit du créancier à voir sa dette remboursée, il ne serait pas exclu que la responsabilité sans faute de l’État puisse être engagée», les autorités françaises reconnaissent que l’exigence de continuité du service public s’impose au représentant de l’État dans l’exécution de la procédure instituée par la loi du 16 juillet 1980. Néanmoins, selon les autorités françaises, même si le juge ordonnait l’indemnisation du créancier, une telle indemnisation aurait pour effet de replacer le créancier dans la situation dans laquelle il aurait été dans le droit commun, puisque, dans ce dernier cas, le bien en question aurait été cédé et la masse des créanciers aurait perçu le montant correspondant. Aucun avantage n’en résulterait donc pour le créancier.

b)   […]  (41)

1.   L’inapplicabilité aux personnes publiques de la procédure de redressement et de liquidation de droit commun n’exclut pas la possibilité de faillite d’un EPIC ou d’une procédure de faillite à son encontre

(54)

Selon les autorités françaises, la Commission fonde son analyse sur sa communication de 2000 relative aux aides d’État sous forme de garanties (42), et plus particulièrement son point 2.1.3, qui dispose que «La Commission estime que constituent également une aide sous forme de garantie les conditions de crédit plus favorables obtenues par les entreprises dont le statut légal exclut la possibilité d’une procédure de faillite ou d’insolvabilité ou prévoit explicitement une garantie de l’État ou une couverture des pertes par l’État».

(55)

Tout en notant que les règles du traité prévalent sur la communication de 2000 relative aux aides d’État sous forme de garanties, les autorités françaises relèvent deux éléments qui, selon elles, ôtent sa portée à ladite communication au cas d’espèce:

la communication de 2000 relative aux aides d’État sous forme de garanties met l’accent sur le fait que l’aide éventuelle découlerait de «conditions de crédit plus favorables» qui seraient imputables à l’exclusion de la possibilité d’une procédure de faillite; or la Commission n’aurait pas démontré l’existence de telles «conditions de crédit plus favorables»,

la communication de 2000 relative aux aides d’État sous forme de garanties vise le cas où le statut légal exclut toute procédure de faillite ou d’insolvabilité et non une procédure en particulier; or la Commission n’aurait pas établi que La Poste ne peut pas faire faillite, ni qu’aucune procédure d’insolvabilité n’est possible.

(56)

Or, selon les autorités françaises, la loi du 25 janvier 1985 n’est qu’une loi de procédure. Le fait que les EPIC n’entrent pas dans son champ d’application ne signifie pas qu’un EPIC ne peut se trouver en situation de cessation de paiements, pas plus qu’elle n’interdit la mise en œuvre à son encontre d’une procédure de redressement, de liquidation ou de faillite ad hoc.

2.   L’application de la «procédure» instituée par la loi du 16 juillet 1980, plutôt que de la procédure collective de droit commun, ne confère aucun avantage au créancier

(57)

Après analyse du considérant 68 de la décision d’ouverture, les autorités françaises concluent que la Commission utilise deux critères pour évaluer si l’application d’une procédure spécifique en cas d’insolvabilité confère un avantage à l’entité soumise à cette procédure par rapport aux entreprises soumises au droit commercial:

un critère de publicité: la procédure qui serait suivie en cas d’insolvabilité de La Poste devrait être définie et rendue publique,

un critère d’équivalence: cette procédure devrait être soit la procédure de droit privé, soit une procédure qui donne aux créanciers de La Poste des droits qui ne sont pas supérieurs à ceux qu’ils auraient en application du droit commercial.

(58)

Bien que les autorités françaises contestent la nécessité du respect de ces deux critères (43), dans la mesure où ces critères sont considérés comme nécessaires et suffisants par la Commission, ils sont retenus par les autorités françaises pour analyser si l’application des dispositions de la loi du 16 juillet 1980 confère un avantage aux créanciers des entités juridiques de droit public par rapport aux créanciers des entreprises soumises aux procédures collectives de droit commun.

(59)

Pour ce qui concerne le critère de publicité, les autorités françaises estiment que la procédure instituée par la loi du 16 juillet 1980 est correctement identifiée par les agences de notation comme étant applicable dans le cas de l’insolvabilité d’un EPIC, comme en témoignent les notes d’agences mentionnées par la Commission s’agissant de l’ERAP.

(60)

Pour ce qui concerne le critère d’équivalence, les autorités françaises distinguent le cas où une exigence de continuité de service public serait applicable du cas où une telle exigence ne serait pas applicable.

i)   la «procédure» instituée par la loi du 16 juillet 1980 analysée au prisme du test d’équivalence — hors exigence de continuité du service public

(61)

Selon les autorités françaises, si La Poste n’était pas en mesure de rembourser ses dettes et si aucune exigence de continuité de service public n’était applicable, la procédure suivante serait suivie: dans le cas improbable d’une difficulté financière avérée et avant d’en arriver à une situation d’insuffisance d’actifs, l’entreprise serait dans un premier temps conduite à engager des négociations avec ses créanciers en vue de mettre en place un plan d’assainissement du passif. Dans un deuxième temps, si le plan n’était pas jugé satisfaisant ou s’il ne permettait pas de mettre un terme aux difficultés financières, et en l’absence d’un nouvel accord avec les créanciers, ceux-ci — ou certains d’entre eux — pourraient saisir le juge compétent pour obtenir la condamnation du débiteur et donc faire reconnaître leur créance. La procédure instituée par la loi du 16 juillet 1980 serait alors mise en œuvre. Elle pourrait conduire, le cas échéant, à ce que l’autorité de tutelle se substitue à l’exécutif de La Poste pour prendre les décisions nécessaires au paiement de ses dettes sur les ressources de l’établissement. Si la procédure instituée par la loi du 16 juillet 1980 butait sur l’insuffisance d’actifs de La Poste, et si l’autorité de tutelle se trouvait donc dans l’impossibilité matérielle, n’ayant plus aucun actif à céder, de créer les ressources nécessaires au paiement de la somme due, la procédure prévue par la loi du 16 juillet 1980 serait terminée.

(62)

Donc, selon les autorités françaises, dans l’hypothèse où aucune exigence de service public n’est applicable, l’application de la «procédure» instituée par la loi du 16 juillet 1980 pourrait entraîner la réalisation de l’ensemble de l’actif de La Poste, mais, en cas d’insuffisance d’actifs, cette procédure ne permettrait pas de rembourser l’ensemble des créanciers de La Poste. À la fin de la procédure, les créanciers d’une entité soumise à la loi du 16 juillet 1980, pris globalement, auraient récupéré le même montant que les créanciers d’une entité soumise au droit commercial, à savoir le montant issu de la réalisation de l’actif.

(63)

Cette procédure ne se différencierait de la procédure applicable en droit commercial que sur deux aspects:

l’absence de traitement en masse des créanciers: contrairement à la procédure de droit privé dans laquelle les créances sont traitées en masse et les créanciers sont désintéressés dans l’ordre de privilège décroissant et au prorata des sommes disponibles, la procédure instituée par la loi du 16 juillet 1980 se distingue par le fait que seule l’action du créancier luipermet de préserver ses droits. La logique de la loi du 16 juillet 1980 est celle du «premier arrivé, premier servi»,

c’est le représentant de l’État qui, sous le contrôle du juge administratif (contrôle de la faute lourde comme l’a établi le Conseil d’État dans l’arrêt Campoloro suscité de novembre 2005), assume une fonction équivalente à celle du liquidateur et de l’administrateur judiciaire.

(64)

Les autorités françaises estiment qu’à l’issue de la procédure, les créanciers n’auraient plus de voie de recours. En effet, selon les autorités françaises, la responsabilité de l’État ne peut être engagée sur le seul fondement de l’insuffisance des actifs. De même, dans la procédure de droit privé, les créanciers «ne recouvrent pas leur droit de poursuite individuelle», sauf exception, à l’issue de la liquidation judiciaire (44).

ii)   La procédure instituée par la loi du 16 juillet 1980 analysée au prisme du test d’équivalence en tenant compte de l’exigence de continuité du service public

(65)

Dans l’hypothèse où la continuité du service public devrait être assurée, les autorités françaises admettent que le représentant de l’État, dans l’exercice des pouvoirs conférés par la loi du 16 juillet 1980, pourrait décider de ne pas céder certains actifs nécessaires à l’accomplissement d’une mission de service public. La non-cession de certains biens, pour des motifs tenant à l’exigence de continuité du service public se traduirait, si elle ne faisait pas l’objet d’une indemnisation par l’État, par une moindre réalisation d’actifs et par une diminution corrélative des montants récupérables par les créanciers. La procédure ne confèrerait pas aux créanciers de La Poste des droits supérieurs à ceux qu’ils auraient en application du droit commercial. Selon les autorités françaises, le critère d’équivalence posé par la Commission serait donc a fortiori rempli.

(66)

Les autorités françaises concèdent néanmoins que dans cette hypothèse, la responsabilité sans faute de l’État serait alors susceptible d’être invoquée et de se traduire par une indemnisation des créanciers à hauteur du préjudice qu’ils ont subi, c’est-à-dire au plus à hauteur de la valeur vénale des actifs que le représentant de l’État a décidé légalement de ne pas céder. Selon les autorités françaises, cette éventuelle indemnisation n’aurait néanmoins pas d’autre effet que de replacer le créancier dans la situation qui résulterait de l’application du droit commun et ne pourrait donc pas lui conférer, au regard du test d’équivalence, des droits supérieurs à ceux dont il disposerait dans le droit commun.

(67)

Les autorités françaises concluent que la procédure instituée par la loi du 16 juillet 1980 respecte les critères d’équivalence et de publicité posés par la Commission et qui sont suffisants pour écarter l’existence d’un avantage. Elles estiment qu’il n’est donc pas justifié de soumettre directement La Poste à la procédure de droit commun, lourde et complexe.

3.   Les textes cités par la Commission sur le devenir des obligations après l’épuisement des ressources de l’établissement ne sont pas applicables à La Poste

(68)

Selon les autorités françaises, les textes mentionnés par la Commission dans la décision d’ouverture, notamment au considérant 69, ne sont ni applicables, ni transposables à La Poste.

3.1.2.   ABSENCE D’AVANTAGE

(69)

Selon les autorités françaises, l’analyse de la Commission quant à l’existence d’un avantage sélectif se déploie suivant deux angles:

un raisonnement circulaire qui repose sur la communication de 2000 relative aux aides d’État sous forme de garanties,

une analyse de l’influence présumée de la mesure alléguée sur les agences de notation.

A.    La communication de la Commission de 2000 relative aux aides d’État sous forme de garanties ne permet pas de conclure à l’existence d’un avantage dans le cas d’espèce

(70)

Les autorités françaises estiment qu’au considérant 77 de la décision d’ouverture, la Commission commet une erreur d’interprétation du point 2.1.3 de la communication de 2000 sur les aides d’État sous forme de garanties. Selon les autorités françaises, le point 2.1.3 implique que lorsqu’on est en présence d’une entreprise dont le statut légal exclut la possibilité d’une procédure de faillite ou d’insolvabilité, si cette entreprise bénéficie de conditions de crédit plus favorables, celles-ci sont constitutives d’une aide sous forme de garantie. Selon les autorités françaises, rien n’indique au point 2.1.3 de la communication de la Commission de 2000 relative aux aides d’État sous forme de garanties que la Commission considère que le fait que le statut légal d’une entreprise exclue la possibilité d’une procédure de faillite conduise nécessairement à ce que cette entreprise bénéficie de conditions de financement plus favorables.

(71)

Par ailleurs, les autorités françaises estiment que La Poste ne se trouve pas dans le champ d’application du point 2.1.3 de la communication de la Commission de 2000 relative aux aides d’État sous forme de garanties car cette dernière vise le cas où le statut légal exclut toute procédure de faillite ou d’insolvabilité et non une procédure en particulier. Or, selon les autorités françaises, la Commission n’a pas établi que La Poste ne pouvait pas faire faillite, ni qu’aucune procédure d’insolvabilité n’était applicable.

B.    Absence d’imputabilité et de ressources d’État

(72)

Au considérant 79 de la décision d’ouverture, la Commission rappelle l’influence qu’exercent les agences de notation sur les conditions de crédit obtenues par les entreprises.

(73)

Après avoir rappelé les faiblesses des agences de notation, les autorités françaises affirment que la position soutenue par une agence de notation, lorsqu’elle n’est pas sous-tendue par une analyse exacte du cadre légal en vigueur, ne saurait fonder un avantage imputable à l’État susceptible d’être constitutif d’une aide d’État. En outre, quand bien même cette appréciation ouvrirait en pratique à un EPIC un accès avantageux au crédit, ceci ne lui donnerait en droit et en pratique aucun accès à des ressources d’État, ce qui serait nécessaire pour caractériser une aide d’État.

(74)

Les autorités françaises ajoutent que les analyses des agences ne se situent pas sur un plan juridique objectif mais reposent sur une appréciation subjective de ce que serait le soutien de l’État en cas de difficulté de l’entreprise considérée.

C.    Circularité du raisonnement

(75)

Selon les autorités françaises, le raisonnement de la Commission est circulaire:

la Commission se fonderait essentiellement sur les dires des agences denotation pour mettre en évidence un avantage économique,

le marché et les agences de notation auraient intégré l’absence de garantie de l’État sur La Poste, mais continueraient d’exprimer un doute qui ne proviendrait que de la position exprimée par la Commission.

D.    Absence d’effet sur la notation de La Poste

(76)

En tout état de cause, selon les autorités françaises, la décision d’ouverture n’établit pas que la notation de La Poste serait plus élevée en raison d’une prétendue garantie illimitée de l’État.

a)   La doctrine des agences de notation ne suffit pas à mettre en évidence un quelconque effet

(77)

Les autorités françaises formulent plusieurs remarques concernant l’étude de Standard and Poor’s intitulée Influence of Government Support on Ratings, citée par la Commission au considérant 80 de la décision d’ouverture. Dans cette étude, Standard and Poor’s distingue plusieurs catégories de «government supported postal companies»; la classification détermine la méthodologie appliquée par Standard and Poor’s pour déterminer la notation de ladite entité.

(78)

Les autorités françaises relèvent que l’appartenance à la catégorie 1 (45) répond à des critères larges, comme la nature de l’activité ou l’environnement économique et social, mais ne fait pas référence au statut de l’opérateur noté.

(79)

Les autorités françaises notent qu’au 22 novembre 2004, la poste française et la poste italienne étaient classées dans la catégorie 2 (46). Les autorités françaises déduisent du document de Standard and Poor’s que les performances financières de Poste Italiane ne justifiaient pas la notation de la poste italienne. Selon les autorités françaises, la poste italienne bénéficiait donc d’une notation influencée par celle de son propriétaire, et cela alors même que Poste Italiane a un statut de SpA de droit commun.

(80)

Les autorités françaises relèvent que Standard and Poor’s a finalement classé La Poste dans la catégorie 3 (47). Selon les autorités françaises, les réformes importantes menées depuis fin 2004 ont progressivement conduit Standard and Poor’s à classer La Poste dans cette troisième catégorie. Les autorités françaises en déduisent qu’il ne peut être établi que la notation de La Poste est imputable à son seul statut ou à un quelconque mécanisme de garantie de l’État, et que cette notation puisse être constitutive d’aide d’État.

(81)

Les autorités françaises concèdent néanmoins que l’étude de Standard and Poor’s de 2004 évoquait la question du statut de La Poste. Toutefois, les autorités françaises assurent que les échanges qu’elles ont conduits depuis avec Standard and Poor’s auraient permis de clarifier la question. Les autorités françaises auraient également mis en garde Fitch sur l’absence d’une quelconque garantie de l’État sur La Poste, à la suite de quoi l’agence aurait entrepris de reconsidérer la question.

b)   La sphère privée abonde de cas dans lesquels la notation d’une société filiale est liée à celle de la société mère

(82)

Selon les autorités françaises, l’influence de la présence d’un actionnaire majoritaire et stable, qui a été relevée par les agences de notation dans le cas de Poste Italiane indépendamment de toute particularité statutaire, se retrouve dans le cas de groupes privés. Les autorités françaises citent comme exemples un communiqué de Standard and Poor’s du 3 décembre 2003 relatif aux AGF (48), un communiqué relatif à Volkswagen Bank GmbH (49) et un communiqué relatif à VWFS (50). Selon les autorités françaises, ce type d’approche ne constitue donc en aucun cas une particularité du secteur public.

c)   La notation de La Poste ne serait pas modifiée en cas de changement de statut

(83)

À travers l’analyse de la notation de La Poste par Standard and Poor’s, les autorités françaises s’emploient à démontrer que cette notation ne dépend pas du statut de La Poste.

(84)

En premier lieu, les autorités françaises relèvent qu’au moment où elles ont formulé leurs observations, Standard and Poor’s affectait à La Poste la note AA — assortie d’une perspective stable. La dégradation de la note fut justifiée par Standard and Poor’s par la dégradation à venir de la structure financière du groupe liée au versement par La Poste de 2 milliards d’euros pour la réforme du financement des retraites des fonctionnaires, ainsi que par «la plus grande autonomie de La Poste vis-à-vis de son actionnaire». Selon les autorités françaises, cette dégradation, qui n’est pas intervenue à l’occasion d’une évolution du statut de La Poste, ne saurait s’expliquer si la notation de La Poste n’était qu’une conséquence de son statut.

(85)

En second lieu, malgré la précision (51) apportée par Standard and Poor’s dans sa note du 3 avril 2007 et citée au considérant 84 de la décision d’ouverture, les autorités françaises voient difficilement comment La Poste, si elle bénéficiait de la garantie de l’État, pourrait être notée 3 notches en dessous de la notation de l’État. Similairement, si les dispositions de la loi du 16 juillet 1980 étaient interprétées par les agences comme instituant au profit des créanciers des personnes morales visées un mécanisme assimilable à une garantie de l’État, les autorités françaises voient mal comment des collectivités territoriales pourraient être notées BBB+, alors que la notation du souverain est AAA.

(86)

En troisième lieu, les autorités françaises soulignent que la note de Standard and Poor’s du 3 avril 2007 repose sur une énumération des forces et faiblesses de l’entreprise, qui ne mentionne pas le statut. Les deux éléments mentionnés par Standard and Poor’s à l’appui de la notation, à savoir l’importance économique des missions de service public de La Poste et le «strong shareholder backing», seraient des éléments distincts du statut de La Poste. En effet, selon les autorités françaises, par «strong shareholder backing», il ne faut pas entendre un soutien financier contraire au droit de l’Union, mais l’intérêt porté au développement de La Poste par l’État dans des conditions «at arm’s length» (52). Les autorités françaises en concluent que le statut ne constitue pas un élément essentiel de la notation.

(87)

En quatrième lieu, les autorités françaises rappellent que dans cette même note du 3 avril 2007, l’agence de notation précise qu’elle continue de suivre une méthodologie «top down», qui permet de noter une entité jusqu’à deux catégories en dessous du souverain. Selon l’agence, cette méthodologie est justifiée par le fait que l’État devrait rester actionnaire à 100 % de La Poste à moyen terme. Les autorités françaises en concluent que cette approche ne serait en rien justifiée par le statut de La Poste. Enfin, se fondant sur une citation de Standard and Poor’s (53), les autorités françaises soutiennent que ce n’est pas le changement de statut, mais une ouverture du capital qui conduirait Standard and Poor’s à adopter une méthodologie «bottom up» pour La Poste. Elles ajoutent qu’un tel changement de méthodologie ne se traduirait pas nécessairement par un changement de notation compte tenu de l’amélioration attendue des fondamentaux de La Poste.

(88)

En cinquième lieu, les autorités françaises rappellent que la perspective fixée par l’agence de notation est stable, en dépit de la procédure ouverte par la Commission à l’encontre de la garantie illimitée de l’État dont La Poste bénéficierait en raison de son statut. Or, si le statut avait une influence sur la solvabilité de l’entreprise, la perspective de son changement devrait se traduire par une perspective négative et non stable. D’ailleurs, Standard and Poor’s justifie la perspective stable par le fait que l’État devrait rester actionnaire à 100 % de l’entreprise pendant les deux prochaines années, et ce, malgré un possible changement de statut. Se fondant sur une autre citation de Standard and Poor’s (54), les autorités françaises concluent que c’est la performance propre de l’entreprise, ainsi que la possibilité d’un changement de détention actionnariale, qui sont prises en compte par Standard and Poor’s pour déterminer l’évolution de la note et non un possible changement de statut.

(89)

En sixième lieu, citant un autre extrait de la note de Standard and Poor’s de 2007 (55), les autorités françaises soulignent que l’agence de notation ne reprend pas à son compte l’affirmation de la Commission suivant laquelle le statut aurait pour conséquence une amélioration des conditions financières consenties à La Poste. Se fondant sur la citation de Standard and Poor’s selon laquelle: «Les notations de La Poste n’ont pas été affectées par cette recommandation puisque nous considérons qu’un changement dans le statut de La Poste ne reflèterait pas nécessairement une diminution du fort soutien de l’État qui sous-tend les notes de La Poste et qui a été réaffirmé par des décisions récentes du gouvernement» (56), les autorités françaises concluent à l’absence d’influence du statut de La Poste sur sa notation.

E.    Absence d’effet sur les conditions de financement de La Poste

(90)

Enfin, les autorités françaises examinent les conditions de financement effectives de La Poste afin de déterminer si elles sont affectées par une prétendue garantie de l’État.

(91)

Selon les autorités françaises, tant l’annonce par la Commission de l’existence de la prétendue garantie, de sa prétendue incompatibilité avec le droit de l’Union et de sa suppression prochaine par voie de conséquence, que les dénégations des autorités françaises sur l’existence de la garantie faites auprès des agences de notation et auprès de la presse, n’ont eu aucune influence sur les conditions de financement de La Poste. La Poste a ainsi émis un emprunt obligataire de 1,8 milliard d’euros sur deux maturités, 7 et 15 ans, en octobre 2006, juste après l’annonce par la Commission de sa recommandation de mesures utiles. La Poste a mentionné cette recommandation dans le prospectus et a précisé, pendant les conférences avec les investisseurs, qu’elle ne bénéficiait pas de la garantie de l’État. Or, à l’issue de l’émission, le coût de financement de La Poste n’a pas significativement évolué (57). Les deux émissions ont été largement souscrites, par des investisseurs européens présentant un profil habituel pour La Poste, à savoir des investisseurs qui conservent leurs obligations jusqu’à l’échéance. Les autorités françaises concluent que l’annonce de la Commission demandant la suppression de la garantie alléguée et la publicité faite en ce qui concerne la position de l’État sur cette question ont été sans influence sur les conditions de financement de La Poste sur le marché obligataire. Les marchés considèreraient en effet que les conditions de financement de La Poste ne reposent pas sur l’existence en droit, ou en fait, d’une quelconque garantie.

(92)

Les autorités françaises concluent que:

l’analyse développée par la Commission dans sa décision d’ouverture de procédure est erronée: La Poste ne bénéficie en effet d’aucune garantie del’État,

la Commission n’a pas démontré l’existence d’un avantage pour La Poste qui découlerait de son statut,

la Commission n’a par conséquent pas démontré l’existence d’une aide en faveur de La Poste.

3.2.   PROPOSITIONS DES AUTORITÉS FRANÇAISES

(93)

Néanmoins, afin de lever tout doute de la Commission, les autorités françaises ont indiqué qu’elles étaient prêtes, si la Commission acceptait de clore la procédure par une décision d’absence d’aide conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement de procédure, à mettre en œuvre les mesures suivantes:

une clarification du décret d’application de la loi du 16 juillet 1980,

l’insertion d’une mention précisant l’absence de garantie dans les contrats de La Poste impliquant une créance,

un dispositif de rétrocession par La Poste à l’État d’un éventuel effet négatif sur le «spread» qui serait lié à la non-soumission de La Poste aux procédures collectives de droit commun.

3.2.1.   CLARIFICATION DU DÉCRET D’APPLICATION DE LA LOI DU 16 JUILLET 1980

(94)

Selon les autorités françaises, il ne s’agit pas de modifier la substance des dispositions en cause mais seulement de clarifier leur interprétation. Aussi proposent-elles de modifier le décret d’application de la loi (58). La modification porterait sur le quatrième alinéa de l’article 3-1 du décret qui organise le pouvoir de tutelle conféré au préfet ou à l’autorité de tutelle. La modification doit permettre de supprimer tout doute du point de vue de la Commission quant à la portée de l’expression «y pourvoit». Il est donc proposé de préciser que le représentant de l’État ou l’autorité chargée de la tutelle dégage les ressources au sein du budget de la collectivité ou de l’établissement.

(95)

Ainsi modifiée, la disposition du décret deviendrait:

«Lorsque la mise en demeure est restée sans effet à l’expiration de ces délais, le représentant de l’État ou l’autorité chargée de la tutelle procède à l’inscription de la dépense au budget de la collectivité ou de l’établissement public défaillant. Il dégage, le cas échéant, les ressources nécessaires au sein du budget de la collectivité ou de l’établissement soit en réduisant des crédits affectés à d’autres dépenses et encore libres d’emploi, soit en augmentant les ressources» (modifications soulignées).

(96)

Selon les autorités françaises, cette proposition, en lien avec les observations et les articles de doctrine transmis lors des discussions antérieures à la lettre d’ouverture, exclut que, dans le cadre de la procédure instituée par la loi du 16 juillet 1980, le préfet ou le représentant de l’État puisse augmenter les ressources de la collectivité ou de l’établissement concerné par une subvention de l’État ou une injection de ressources publiques.

3.2.2.   INSERTION D’UNE MENTION PRÉCISANT L’ABSENCE DE GARANTIE DANS LES CONTRATS DE LA POSTE IMPLIQUANT UNE CRÉANCE

A.    La proposition initiale des autorités françaises

(97)

Au considérant 59 de la décision d’ouverture, la Commission considère que la proposition des autorités françaises de modification du décret d’application de la loi du 16 juillet 1980«ne permet pas d’exclure que dans l’hypothèse où les ressources de La Poste seraient épuisées, le créancier qui n’aurait pas obtenu le remboursement de sa créance dans le cadre de l’application de la loi de 1980 se tourne vers la justice pour engager la responsabilité de l’État sur le fondement de la rupture de l’égalité devant les charges publiques».

(98)

Bien que les autorités françaises contestent que la responsabilité de l’État sur le seul fondement de l’insolvabilité de La Poste puisse être engagée, afin de lever les doutes de la Commission, les autorités françaises font une proposition fondée sur l’exception de risque accepté. Cette exception, qui s’applique aussi bien au régime de responsabilité de l’État pour faute que sans faute, se fonde sur le principe selon lequel le préjudice résultant d’une situation à laquelle la victime s’est sciemment exposée ne lui ouvre pas droit à réparation [voir arrêts du Conseil d’État Sille  (59) et Meunier  (60)].

(99)

Dès lors, afin de s’assurer de l’application de cette exception, les autorités françaises proposent de confirmer officiellement aux créanciers de La Poste que leur créance ne bénéficie pas de la garantie de l’État et, qu’en cas d’insolvabilité, l’État ne serait pas tenu de se substituer financièrement à l’entreprise pour le paiement de la créance. Une telle information n’est pas contraire à la loi, la loi ne prévoyant nullement qu’en cas d’insolvabilité de La Poste, l’État devrait se substituer financièrement à l’entreprise pour payer ses dettes.

(100)

Au-delà de la clarification du décret d’application de la loi du 16 juillet 1980, les autorités françaises s’engagent donc, conjointement avec La Poste, pour chaque opération, à porter la mention suivante dans le contrat de financement (pour tout instrument couvert par un contrat):

«L’émission/le programme/l’emprunt ne bénéficient d’aucune garantie d’aucune sorte, directe ou indirecte, de la part de l’État. En cas d’insolvabilité, l’État ne serait pas tenu de se substituer financièrement à La Poste pour le paiement de la créance.»

B.    Les doutes exprimés par la Commission dans la décision d’ouverture

(101)

Au considérant 61 de la décision d’ouverture, la Commission a fait état des doutes suivants à l’égard de la proposition susmentionnée des autorités françaises:

l’exception de risque accepté est une règle établie par la jurisprudence qui pourrait évoluer,

«cette proposition, découlant des principes fondamentaux du droit public,par le biais d’instruments de droit secondaires, semble imparfaite, car ces instruments seraient susceptibles d’être annulés assez facilement en cas de conflit»,

enfin, les créances de La Poste ne sont pas seulement financières mais aussi commerciales ou d’autre nature; or, ces cas de figure ne sont pas traités par la proposition complémentaire des autorités françaises.

C.    Éléments apportés par les autorités françaises pour répondre à ces doutes

(102)

Ainsi qu’il a été rappelé plus haut, selon les autorités françaises, la responsabilité sans faute de l’État ne saurait être engagée sur le seul fondement de l’insuffisance d’actifs de La Poste, puisque l’engagement de la responsabilité de l’État suppose une décision de l’État de faire ou de ne pas faire, et qu’ici on se heurte à une impossibilité pratique de faire. La proposition des autorités françaises n’a donc de valeur qu’en tant que mesure complémentaire de clarification vis-à-vis de créanciers, la proposition permettant, au demeurant, grâce à l’exception de risque accepté, d’écarter tout risque de mise en jeu de la responsabilité sans faute de l’État.

(103)

Selon les autorités françaises, la première objection de la Commission reviendrait à considérer que même si le droit interne d’un État membre ne prévoit pas une disposition, le seul risque de revirement jurisprudentiel, c’est-à-dire de changement du droit interne, suffirait à fonder une aide d’État. Les autorités françaises contestent ce raisonnement. Selon elles, l’exception de risque accepté constitue un principe général du droit public abondamment confirmé par la jurisprudence, jamais contredit et largement commenté. La Commission ne saurait fonder une potentielle mesure d’aide sur un éventuel changement du droit, qui est en l’espèce plus qu’improbable.

(104)

La deuxième objection de la Commission porte sur le fait qu’il s’agit d’instruments de droit secondaire facilement annulables en cas de conflit. Certes, la loi et le règlement prévalent sur le contrat. Mais pour que l’objection de la Commission ait une réelle portée, encore faudrait-il qu’elle excipe d’un texte de rang supérieur. Or, selon les autorités françaises, rien ne vient étayer l’objection de la Commission sur ce point.

(105)

En revanche, les autorités françaises admettent que la troisième objection, qui consiste à constater que les émissions obligataires ne sont pas les seuls instruments créateurs de créances est pertinente, quoique de portée limitée dans le cas de La Poste puisque la dette financière constitue la principale dette de La Poste et qu’elle est très largement obligataire.

D.    Extension de la proposition

(106)

Les autorités françaises ont donc précisé qu’elles seraient prêtes, si la Commission clôturait la procédure formelle d’examen par une décision d’absence d’aide au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement de procédure, à étendre leur proposition d’inscription de l’absence de garantie à l’ensemble des contrats impliquant une créance. Selon les autorités françaises, cette extension permettrait d’écarter tout risque de mise en jeu de la responsabilité sans faute de l’État fondée sur la seule insolvabilité de La Poste. Par ailleurs, le cas de la mise en jeu de la responsabilité sans faute de l’État pour cause de décision de l’autorité de tutelle de ne pas céder des actifs nécessaires à la continuité du service public n’aurait d’autre effet que de placer les créanciers de La Poste dans la situation dans laquelle ils seraient s’ils étaient créanciers d’une société anonyme.

E.    Appréciation par les autorités françaises de la qualification d’aide des mesures à la suite de leurs propositions

(107)

Selon les autorités françaises, les deux mesures de clarification proposées ci-dessus permettraient d’éclairer les créanciers de La Poste sur leurs droits. En conséquence, les autorités françaises ne sauraient être considérées, comme le fait la Commission dans sa décision d’ouverture au considérant 74, comme «responsables des attentes créées dans les chefs des créanciers de La Poste quant à l’existence d’une garantie» et comme entretenant volontairement une «situation juridique opaque» qui pourrait conduire l’État à «être obligé de rembourser les dettes de La Poste si celle-ci n’était plus en mesure de respecter ses engagements».

(108)

En effet, selon les autorités françaises, d’une part, la non-soumission de La Poste aux procédures collectives de droit commun et sa soumission aux dispositions de la loi du 16 juillet 1980 ne permettent pas de conclure à l’existence d’une garantie de l’État; d’autre part, les mesures de clarification proposées permettent d’écarter toute responsabilité de l’État dans la foi alléguée du marché dans une telle garantie.

(109)

Dans ces conditions, aucun effet éventuel ne saurait être imputé à l’État. Le critère de l’imputabilité ne serait donc pas rempli, contrairement à ce qu’affirme la Commission au considérant 76 de la décision d’ouverture.

(110)

De la même manière, le considérant 75 de la décision d’ouverture, dans lequel la Commission se réfère à sa communication de 2000 relative aux aides d’État sous forme de garanties suscitée pour justifier de la présence de ressources d’État, ne tiendrait plus dès lors qu’aucun fait ne viendrait étayer l’existence d’une garantie de l’État.

3.2.3.   DISPOSITIF DE RÉTROCESSION

(111)

Afin de compléter le dispositif proposé, les autorités françaises seraient prêtes à examiner avec la Commission l’approche suivante.

(112)

L’approche proposée résulte de l’analyse de la position de la Commission dans le paragraphe 2.1.3 de sa communication de 2000 relative aux aides d’État sous forme de garanties: «La Commission estime que constituent également une aide sous forme de garantie les conditions de crédit plus favorables obtenues par les entreprises dont le statut légal exclut la possibilité d’une procédure de faillite ou d’insolvabilité ou prévoit explicitement une garantie de l’État ou une couverture des pertes par l’État.» De même, dans sa décision d’ouverture de procédure, la Commission indique au considérant 114 qu’elle estime problématique le fait que «la France ne prenne pas toute mesure utile pour éviter que ce statut produise des effets économiques en faveur d’une entreprise qui opère sur des marchés concurrentiels».

(113)

Les autorités françaises contestent l’applicabilité à La Poste du point 2.1.3 de la communication de la Commission de 2000 relative aux aides d’État sous forme de garanties et soutiennent que la Commission n’a pas été en mesure d’établir que la non-soumission de La Poste aux procédures collectives de droit privé se traduisait par des conditions de financement plus favorables.

(114)

Néanmoins, les autorités françaises ont proposé à la Commission d’étudier avec elle la mise en place d’un dispositif de rétrocession par La Poste à l’État, à l’euro - l’euro, d’un éventuel effet négatif sur le «spread» qui serait lié à la non-soumission de La Poste aux procédures collectives de droit commun, selon un mécanisme de calcul qui serait validé par la Commission et pourrait être audité. Selon les autorités françaises, la mise en œuvre d’une telle approche viendrait compléter les propositions de clarification énoncées plus haut, afin de mettre un terme au mythe de la garantie de l’État tout en écartant définitivement tout risque d’aide.

4.   APPRÉCIATION DE L’AIDE

4.1.   QUALIFICATION D’AIDE

(115)

L’article 107, paragraphe 1, du TFUE dispose: «Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions».

4.1.1.   EXISTENCE D’UNE GARANTIE ILLIMITÉE DE L’ÉTAT: PRÉSENCE DE RESSOURCES ÉTATIQUES

(116)

Ainsi qu’il a été précisé au considérant 56 de la décision d’ouverture, grâce à son statut de personne de droit public assimilée à un EPIC, La Poste bénéficie d’une situation juridique particulière tant pour ce qui concerne le remboursement de ses créanciers que pour le maintien de son existence en cas d’insolvabilité.

(117)

À titre liminaire, la Commission rappelle que La Poste n’est pas soumise au droit commun en matière de redressement et de liquidation d’entreprises en difficulté (61). Les autorités françaises ne contestent pas ce point, mais nient qu’il existe un quelconque mécanisme équivalent à une garantie étatique en faveur de La Poste. Cependant, selon le point 1.2, alinéa 2, quatrième tiret de la communication de 2008 de la Commission sur l’application des articles 107 et 108 du TFUE aux aides d’État sous forme de garanties (ci-après «la communication de 2008 sur les garanties») (62), les conditions de crédit plus favorables obtenues par les entreprises dont le statut légal exclut la possibilité d’une procédure de faillite ou d’insolvabilité ou prévoit explicitement une garantie de l’État ou une couverture des pertes par l’État, sont regardées comme une aide sous forme de garantie. Il convient donc d’examiner les arguments des autorités françaises tendant à démontrer qu’il n’existe aucune garantie étatique.

A.    Garantie sur le remboursement des créances individuelles

(118)

Afin d’établir s’il existe une garantie sur les créances individuelles, il convient tout d’abord d’examiner si une telle garantie est exclue par les textes ou par la jurisprudence, ainsi que le soutiennent les autorités françaises (a).

(119)

La Commission examinera ensuite la démarche d’un créancier de La Poste en vue du règlement de sa créance dans l’hypothèse où La Poste serait en difficulté financière et ne pourrait honorer ses dettes (b). La Commission déterminera si la procédure suivie est telle que le créancier de La Poste est dans une situation comparable au créancier d’une entreprise soumise au droit commercial.

a)   Contrairement à ce qu’affirment les autorités françaises, le droit français admet l’existence de garanties implicites et plus particulièrement l’existence d’une garantie de l’État du fait du statut d’établissement public

1.   Examen des arguments des autorités françaises  (63)

(120)

En premier lieu, les autorités françaises affirment qu’aucun texte, pas plus qu’une décision, ne pose le principe selon lequel l’État garantirait les dettes des EPIC.

(121)

La Commission observe que s’il n’existe pas de texte ou décision stipulant explicitement une garantie de l’État en faveur des EPIC — de même d’ailleurs qu’il n’existe pas de texte ou décision excluant explicitement toute garantie de l’État en faveur des EPIC —, ceci n’exclut pas la présence d’une garantie implicite.

(122)

En second lieu, selon les autorités françaises, la jurisprudence se serait prononcée sur l’absence de garanties, notamment, dans l’arrêt relatif à la Société de l’hôtel d’Albe  (64) et dans l’affaire Campoloro  (65).

(123)

Comme ceci a été souligné par son expert, la Commission observe que dans l’arrêt Société de l’hôtel d’Albe, le Conseil d’État refuse uniquement de faire droit à la demande du créancier adressée directement au ministre des travaux publics. L’intervention d’une garantie suppose une situation d’insolvabilité. L’arrêt cité ne concerne pas la situation précise dans laquelle la garantie est susceptible de jouer. Un mécanisme de garantie n’implique pas que sur simple demande du créancier, l’État soit tenu d’acquitter la dette d’un établissement public.

(124)

L’analyse de la Commission relative à l’affaire Camporolo est présentée dans la section 4.1.1 A b) 3) de la présente décision. Comme il sera montré, l’affaire Camporolo montre au contraire que le régime de responsabilité de l’État dans la mise en œuvre de la procédure de recouvrement des dettes des établissements publics présente toutes les caractéristiques d’un mécanisme de garantie.

(125)

En troisième lieu, l’expert des autorités françaises soutient que les dettes contractées par La Poste depuis l’entrée en vigueur de la LOLF, le 1er janvier 2005, ne peuvent bénéficier d’une garantie implicite. Quant aux dettes contractées avant le 1er janvier 2005 et dont la durée se prolongerait au-delà, l’expert des autorités françaises reconnaît que deux thèses peuvent s’affronter:

selon la première thèse, les motifs d’ordre constitutionnels (notamment l’égalité devant les charges publiques et le droit de propriété) qui ont conduit le Conseil constitutionnel (66) à écarter la caducité des garanties dont l’octroi n’a pas été expressément autorisé en loi de finances valent aussi bien pour les garanties implicites que pour les garanties explicites: dès lors, dans l’hypothèse où il existerait une garantie implicite des dettes de La Poste, l’absence d’autorisation en loi de finances de cette garantie n’entraînerait pas sa caducité pour les dettes contractées par La Poste avant le 1er janvier 2005,

selon la seconde thèse, les titulaires d’une garantie implicite supposée nesauraient revendiquer des droits aussi indiscutables et décisifs; dès lors, dans l’hypothèse où il existerait une garantie implicite des dettes de La Poste, l’absence d’autorisation en loi de finances de cette garantie entraînerait sa caducité également pour les dettes contractées avant le 1er janvier 2005.

(126)

La Commission note que l’expert des autorités françaises admet qu’il n’est pas certain que l’absence d’autorisation en loi de finances d’une garantie implicite entraîne la caducité de cette dernière pour les dettes contractées avant le 1er janvier 2005. D’un point de vue plus fondamental, la Commission estime que pour déterminer si la garantie implicite accordée par l’État à La Poste a été rendue caduque par la LOLF ou non, il convient d’examiner depuis quand La Poste bénéficie de cette garantie implicite et non les dates d’engagement des dettes contractées par La Poste. En effet, la garantie examinée ici est une garantie liant l’État et La Poste (les créanciers de La Poste n’en sont que des bénéficiaires indirects): d’ailleurs, la garantie porte non seulement sur le remboursement des créances individuelles (voir section 4.1.1 A de la présente décision), mais également sur le maintien de l’existence de La Poste et/ou de ses obligations (voir section 4.1.1 B de la présente décision). La garantie implicite de l’État en faveur de La Poste étant antérieure au 1er janvier 2005, la Commission estime que l’argument selon lequel il ne peut exister de garantie implicite depuis le 1er janvier 2005 n’est pas pertinent.

(127)

Dans le considérant 110 de sa décision du 25 juillet 2001 relative à la LOLF (67), le Conseil constitutionnel a précisé que les garanties accordées antérieurement à l’entrée en vigueur de la LOLF et qui n’ont pas été recensées ne sont pas frappées de caducité. Selon l’expert de la Commission, ce raisonnement s’applique parfaitement à l’existence de garanties implicites liées au statut des établissements publics qui n’auraient pas encore été recensées mais qui demeurent néanmoins valides.

(128)

L’expert des autorités françaises exprime néanmoins des doutes sur le fait que les motifs qui ont conduit le Conseil constitutionnel à écarter la caducité des garanties dont l’octroi n’avait pas été autorisé en loi de finances valent aussi bien pour les créances implicites que pour les créances explicites. Selon lui, les titulaires d’une garantie implicite supposée ne sauraient revendiquer des droits aussi indiscutables et décisifs que ceux d’une garantie explicite.

(129)

Outre le fait que l’argument de l’expert des autorités françaises se limite à formuler des doutes et donc n’est pas décisif, la Commission note que rien dans le considérant 110 ne suggère que seules les garanties explicites ne sont pas frappées de caducité. L’article 61 de la LOLF, auquel le considérant se rapporte, ne se limite pas non plus aux seules garanties explicites. Dès lors, la Commission estime que l’avis du Conseil constitutionnel selon lequel la sanction d’un éventuel défaut d’autorisation de loi de finances ne saurait être la caducité d’une garantie s’applique aux garanties implicites comme aux garanties explicites. Aussi la Commission estime-t-elle que l’absence d’autorisation en loi de finances de la garantie implicite accordée par l’État à La Poste ne rend pas cette dernière caduque.

(130)

Par ailleurs, ainsi que l’a relevé l’expert de la Commission, le champ d’application de l’obligation de faire figurer dans une loi de finances les garanties de l’État se limite à «l’octroi» de telles garanties. Le fait d’octroyer une garantie couvre les cas dans lesquels par une manifestation explicite de volonté, l’État décide de conférer sa garantie à un organisme ou à une opération. Le champ d’application de l’obligation d’inscrire les garanties en loi de finances ne couvre donc pas les garanties nées d’un statut ou d’une obligation jurisprudentielle, caractérisées par leur caractère implicite et automatique. Cette seconde catégorie ne relève pas d’une décision de l’État mais du fait que l’État se place dans un cadre juridique préexistant dont la garantie n’est qu’un effet. L’existence de cette seconde catégorie n’entrant pas dans le champ de l’article 34 de la LOLF explique que la jurisprudence sur la garantie du fait des concessionnaires perdure postérieurement à 2001. Elle explique aussi qu’à chaque fois que l’État est actionnaire ou associé d’une société ou d’un groupement pour lequel le code de commerce ne limite pas la garantie des dettes, il ne soit pas tenu de le préciser dans une loi de finances.

(131)

La Commission conclut que l’argument des autorités françaises fondé sur la LOLF n’est pas convaincant et que le fait qu’aucune loi de finances ne précise que l’État offre sa garantie à La Poste du fait de son statut n’exclut pas l’existence d’une telle garantie. En tout état de cause, la Commission souligne qu’elle n’est pas liée par la qualification en droit français de la mesure en tant que garantie, ni même par le fait qu’il s’agirait d’une garantie tombant sous le coup de la LOLF. Du point de vue de la Commission, seule est pertinente la qualification de cette mesure au regard du droit communautaire et en particulier à la lumière de la communication sur les garanties. La Commission souligne que le droit communautaire reconnaît l’existence d’une garantie implicite lorsqu’un État membre est juridiquement tenu de rembourser une créance d’une autre personne en cas de défaillance de celle-ci (68).

(132)

En quatrième lieu, selon les autorités françaises, si les EPIC bénéficiaient d’une garantie de l’État, le changement de leur statut nécessiterait la mise en place de mesures de garanties de nature à préserver les droits des créanciers nés antérieurement à la transformation de la personne publique concernée. Comme un tel mécanisme na jamais été mis en place (voir en particulier la transformation de France Télécom, de Gaz de France, d’EDF et d’ADP) (69), cela prouverait qu’il n’existe aucune garantie.

(133)

Comme l’explique l’expert de la Commission, une telle affirmation procèderait d’une interprétation très large de la protection constitutionnelle du droit de propriété. À suivre l’argument des autorités françaises, la protection du droit de propriété commanderait que toute créance soit préservée. Étant donné que la protection constitutionnelle du droit de propriété ne concerne pas uniquement le cas dans lequel celui-ci dépend d’une personne publique, une telle interprétation reviendrait à dire qu’en cas d’événement dans la vie de n’importe quelle société, les créances devraient être protégées si elles sont «fragilisées» par l’évolution intervenue. Or, rien en l’état actuel du droit positif français ne préserve les créances. S’il fallait ensuite limiter l’argument aux cas des créances garanties par l’État, cela signifierait qu’un droit de propriété garanti à l’origine par l’État devrait bénéficier d’une protection constitutionnelle supérieure aux autres droits de propriété. Rien ne va dans ce sens. Enfin, une créance est un droit personnel qui ne saurait se confondre avec le droit de propriété, qui par essence est un droit réel. Il ne saurait être question d’étendre aux droits personnels la protection accrue dont bénéficient les droits réels.

(134)

La Commission conclut que le droit de propriété ne commande pas qu’une mesure spécifique soit prévue pour garantir les droits des créanciers au moment de la transformation d’un EPIC en société soumise aux procédures de redressement et de liquidation judiciaires. Dès lors, l’absence de telles mesures ne constitue pas un indice de l’inexistence d’une garantie implicite.

(135)

Selon les autorités françaises, à l’inverse de la situation précédente, il n’aurait pas été nécessaire d’accorder une garantie explicite aux dettes contractées par l’administration des postes et télécommunications qui ont été transférées à La Poste, si cette dernière avait bénéficié statutairement d’une garantie de l’État. Ce fut pourtant fait par un arrêté du 31 décembre 1990

(136)

La Commission souligne que le fait que les autorités françaises aient décidé d’accorder une garantie explicite ne démontre pas qu’il n’existait pas de garantie implicite. Le même raisonnement est applicable à l’argument des autorités françaises relatif à la garantie accordée par l’État à certaines activités de l’ERAP et de l’Agence française du développement. Le fait que l’État ait décidé, dans certains cas, de donner sa garantie explicite même si une garantie implicite existait déjà, pourrait s’expliquer notamment par un souci de transparence et la volonté d’accroître la sécurité juridique des créanciers. En effet, comme l’affirme l’expert des autorités françaises, «les titulaires d’une garantie implicite supposée ne sauraient revendiquer des droits aussi indiscutables et décisifs que ceux d’une garantie explicite».

(137)

En dernier lieu, les autorités françaises citent un article (70) de M. Labetoulle, ancien président de la section du contentieux du Conseil d’État. Cet article sera examiné, de même que la jurisprudence Campoloro, dans la section de la présente décision relative à l’engagement de la responsabilité de l’État (71).

(138)

La Commission conclut que:

d’une part, contrairement aux affirmations des autorités françaises, aucuntexte, ni aucune décision n’exclut l’existence d’une garantie de l’État enfaveur de La Poste,

d’autre part, le fait qu’aucun texte ne prévoie expressément cette garantien’exclut pas l’existence d’une garantie implicite.

2.   L’existence de garanties implicites liées au statut d’établissement public est confirmée par une note du Conseil d’État français

(139)

L’existence d’une garantie implicite liée au statut d’établissement public est confirmée par une note du Conseil d’État produite en 1995 dans l’affaire du Crédit Lyonnais et déjà citée dans la décision d’ouverture (72). Dans cette note, le Conseil d’État a fondé une garantie implicite sur la seule nature d’établissement public de l’organisme: «À l’occasion du projet de loi relatif à l’action de l’État dans les plans de redressement du Crédit Lyonnais et du Comptoir des Entrepreneurs, le Conseil d’État a […] estimé que la garantie de l’État à cet établissement découlera, sans disposition législative explicite, de la nature même d’établissement public de l’organisme» (73).

(140)

La Commission a demandé à de multiples reprises aux autorités françaises de bien vouloir lui transmettre l’intégralité de cette note.

(141)

Les autorités françaises ont répondu (74) que la note en question, qui n’a pas été rendue à la demande du gouvernement, n’avait pas été formalise dans un document officiel. Selon les autorités françaises, la note visée par la Commission serait constituée par la seule phrase en question du rapport annuel.

(142)

Par ailleurs, selon les autorités françaises, cet avis ne serait pas transposable à La Poste car il s’applique à un établissement public avec comptable public précisément créé à l’effet d’assurer la gestion du soutien de l’État au redressement du Crédit Lyonnais, il est antérieur à la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) et son application serait contraire à la jurisprudence ultérieure du Conseil d’État.

(143)

La Commission relève que l’interprétation des autorités françaises, selon laquelle l’avis du Conseil d’État ne serait pas transposable à La Poste, contredit les termes même de l’avis. En effet, dans ce dernier, le Conseil d’État ne fait aucunement référence à la mission de l’établissement. Par ailleurs, il se réfère à la nature d’établissement public et non à celle des établissements publics avec comptable public. D’ailleurs, les autorités françaises n’expliquent pas pourquoi cet avis ne serait applicable qu’aux seuls établissements publics avec comptable public.

(144)

En ce qui concerne les arguments des autorités françaises selon lesquels l’avis ne serait pas applicable car il est antérieur à la LOLF et contraire à la jurisprudence ultérieure du Conseil d’État, la Commission a montré ci-dessus que la LOLF ne fait pas obstacle à l’existence d’une garantie implicite de l’État en faveur de La Poste.

(145)

La Commission considère donc que l’avis du Conseil d’État est applicable à La Poste et que ce dernier admet l’existence d’une garantie étatique découlant de la nature publique d’un organisme.

(146)

Par ailleurs, l’existence de garanties implicites qui découlent d’un acte administratif ou législatif qui «produit et comporte des conséquences financières pour l’État» est confirmée par la note du ministre de l’économie des finances et de l’industrie du 22 juillet 2003 ayant pour objet le «Recensement des dispositifs de garantie implicite ou explicite accordée par l’État». Cette note démontre que la garantie de l’État peut découler d’actes juridiques de natures très différentes (75).

(147)

La Commission relève également que dans une notice explicative annexée à cette note, plus précisément dans la partie 3 intitulée «l’expérience des appels en garantie et la jurisprudence du Conseil ont permis d’affiner un certain nombre de cas d’école de garantie implicite qu’il importe d’identifier», les autorités françaises indiquent que «Certaines modalités juridiques impliquent par construction la responsabilité de leurs actionnaires, en particulier les sociétés en nom collectif (SNC) et les GIE (groupement momentané d’entreprises). Dans le cas de ces deux dernières formes, les tiers rechercheront systématiquement l’actionnaire étatique. Il en est de même de la création d’établissements publics et de certaines prises de participation dans des société anonymes». Ainsi, les autorités françaises elles-mêmes rappellent que la création d’un établissement public implique une garantie implicite de l’État en faveur des créanciers de cet établissement.

b)   Le créancier de La Poste est assuré de voir sa créance remboursée

(148)

La Commission entend à présent examiner la démarche d’un créancier de La Poste en vue du règlement de sa créance dans l’hypothèse où La Poste serait en difficulté financière et ne pourrait honorer ses dettes. La Commission déterminera si, à l’issue d’une procédure définie à l’avance et rendue publique, le créancier de La Poste est dans une situation comparable au créancier d’une entreprise soumise au droit commercial.

(149)

Cet examen montrera que:

les obstacles traditionnels s’opposant au règlement d’une créance d’unorganisme de droit privé n’existent pas s’agissant des établissements publics (1),

la procédure de recouvrement des dettes des établissements publics condamnés par une décision de justice fixée par la loi du 16 juillet 1980 ne conduit en aucun cas à la disparition de la dette (2),

le régime de responsabilité de l’État dans la mise en œuvre de la procédure de recouvrement des dettes des établissements publics présente toutes les caractéristiques d’un mécanisme de garantie (3),

même s’il n’obtenait pas satisfaction, le créancier peut faire produire des effets de droits à l’erreur légitime qu’il a commise lors de la formation dela créance sur le fait qu’elle serait toujours honorée (4).

1.   Les obstacles traditionnels s’opposant au règlement d’une créance d’un organisme de droit privé n’existent pas s’agissant des établissements publics

(150)

Ainsi qu’il a été précisé dans la description de la mesure, La Poste n’est pas soumise au droit commun en matière de redressement et de liquidation judiciaires d’entreprises en difficulté. Le créancier de La Poste ne risque donc pas de voir sa créance disparaître du fait du déclenchement d’une procédure judiciaire de liquidation (76) ou d’obtenir le remboursement seulement partiel de sa créance initiale à l’issue de la procédure de redressement ou de liquidation judicaire de droit commun.

(151)

Par ailleurs, comme l’a souligné l’expert de la Commission, la personnalité morale de La Poste n’est pas un obstacle à l’existence d’une garantie par l’État français. En effet, s’il existe des sociétés commerciales, par exemple les sociétés anonymes (SA) et les sociétés à responsabilité limitée (SARL), où les associés ne sont pas tenus de rembourser les dettes de la structure à laquelle ils participent, il existe a contrario de nombreuses catégories de sociétés ou de personnes morales ayant une activité commerciale dans lesquelles les associés privés répondent des dettes de la société créée. Il en va ainsi des sociétés en nom collectif, des groupements d’intérêt économique et des sociétés civiles. Il n’existe donc pas de principe explicite de droit commun en matière de garantie des dettes par les associés. On ne peut donc affirmer qu’en l’absence de texte, le principe applicable serait celui d’une absence de garantie vis-à-vis des dettes et des pertes. L’indépendance conférée par une personnalité morale, de même que l’existence d’un patrimoine propre, n’est pas, en droit français, un critère permettant de déterminer le régime de garantie des dettes contractées par une personne morale. Il peut également être déduit des considérations précédentes que rien n’empêcherait le législateur de prévoir qu’un établissement public puisse être institué par une personne publique qui ne supporterait les pertes qu’à concurrence de son apport ou de sa dotation initiale.

(152)

L’expert de la Commission a complété le raisonnement en recherchant l’existence d’un principe (implicite) de droit commun en matière de garantie des dettes lorsque les associés ou les membres d’une structure ne se sont pas placés dans un cadre offert par le législateur et a trouvé la réponse dans les articles 1871 et suivants du code civil. Ces articles traitent des associés n’ayant pas immatriculé leur société. L’article 1871-1 du code civil prévoit le mécanisme suivant: «à moins qu’une organisation différente n’ait été prévue, les rapports entre associés sont régis, en tant que de raison, soit par les dispositions applicables aux sociétés civiles, si la société a un caractère civil, soit, si elle a un caractère commercial, par celles applicables aux sociétés en nom collectif». Or, il a été précisé ci-dessus que les sociétés civiles et les sociétés en nom collectif faisaient partie des personnes morales dont les membres répondent indéfiniment des dettes. L’expert en déduit que si un principe de droit commun devait émerger, ce serait un principe de garantie des dettes des personnes morales que l’on crée.

(153)

Dans leur note transmise le 27 octobre 2009, les autorités françaises contestent cette conclusion. Cette dernière ne serait fondée sur aucun texte, la référence à l’article 1871-1 du code civil concernant les «rapports entre associés» et non à l’égard des tiers. Il y aurait donc un silence des textes, dont on ne pourrait déduire un principe de garantie, à moins d’enfreindre les droits de la défense en droit français comme en droit de l’Union.

(154)

La Commission relève néanmoins que l’article 1872-1 du Code civil fixe que chaque associé d’une société non immatriculée contracte en son nom personnel et est seul engagé à l’égard des tiers. Chaque associé est donc indéfiniment responsable des dettes qu’il a contractées. La Commission n’entend naturellement pas déduire de cette seule considération que l’État est responsable des dettes de La Poste, mais estime que l’argument de son expert selon lequel si un principe de droit commun devait émerger, ce serait un principe de garantie n’est pas invalidé par l’argument présenté par les autorités françaises. Par ailleurs, la Commission rappelle que dans la notice explicative annexée à la note du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 22 juillet 2003 (77), les autorités françaises font elles-mêmes le parallèle entre la responsabilité de l’actionnaire pour la SNC et celle de l’État pour l’établissement public.

(155)

Sur le fondement des éléments précédents, la Commission conclut que:

contrairement aux créanciers des entreprises soumises au droit commercial, les créanciers de La Poste (étant donné que cette dernière n’est pas soumise au droit commun en matière de redressement et de liquidation judiciaires d’entreprises en difficulté) ne risquent pas de voirleur créance disparaître totalement ou en partie au terme d’une procédure judiciaire de liquidation,

la personnalité morale de La Poste ne fait pas obstacle à la garantie de l’État en faveur de La Poste,

en l’absence de limitation explicite de la responsabilité de l’État à l’égard de La Poste, les créanciers de La Poste peuvent légitimement se fonder sur le principe selon lequel l’État supporte les dettes de La Poste, bien que La Poste bénéficie de la personnalité juridique.

2.   La procédure de recouvrement des dettes des établissements publics condamnés par une décision de justice fixée par la loi du 16 juillet 1980 ne conduit en aucun cas à la disparition de la dette

(156)

La Commission entend à présent examiner la procédure de recouvrement des dettes des établissements publics condamnés par une décision de justice, afin de déterminer si cette procédure peut conduire à une extinction de la créance détenue sur La Poste avec un résultat, pour le créancier, similaire au résultat issu de l’application des procédures judiciaires, comme l’affirment les autorités françaises. Cette procédure a été fixée par la loi du 16 juillet 1980 et par divers textes d’application (78), cités dans la section de la présente décision relative à la description de la mesure.

i)   La loi du 16 juillet 1980 confère à l’État des prérogatives importantes: le mandatement d’office et la création de ressources suffisantes

(157)

Ainsi que précisé dans la description de la mesure, la loi du 16 juillet 1980 dispose que: «si l’organe délibérant de la collectivité ou de l’établissement n’a pas dégagé ou créé de ressources, […] l’autorité de tutelle y pourvoit et procède, s’il y a lieu, au mandatement d’office». De plus, le décret du 12 mai 1981, non modifié sur ce point par le décret de 2008, précise que le représentant de l’État ou l’autorité chargée de la tutelle «dégage, le cas échéant, les ressources nécessaires soit en réduisant des crédits affectés à d’autres dépenses et encore libres d’emploi, soit en augmentant les ressources».

(158)

La loi du 16 juillet 1980 et ses mesures d’application désignent donc l’État comme l’autorité compétente pour recouvrer les dettes des établissements publics. En outre, elles lui confèrent des prérogatives importantes: le mandatement d’office et la création de ressources suffisantes.

(159)

Les autorités françaises réfutent l’idée selon laquelle les ressources visées pourraient être les ressources de l’État. Ainsi qu’indiqué dans la partie relative aux observations de l’État membre (79), les autorités françaises soutiennent en effet que la loi du 16 juillet 1980 confère à l’autorité de tutelle uniquement un pouvoir de substitution. À ce titre, la tutelle ne pourrait exercer que les compétences de cet exécutif, qui n’incluent pas la possibilité de disposer du budget de l’État. À l’appui de cette interprétation, sont cités les travaux préparatoires de la loi du 16 juillet 1980, des articles de doctrine, ainsi que les décisions du Conseil d’État relatives à l’affaire Campoloro. Les autorités françaises reconnaissent néanmoins que la loi de 1980 n’interdit pas par principe une intervention financière de l’État au soutien de la personne publique en cause.

(160)

La Commission reconnaît que les textes ne prévoient pas explicitement d’obligation pour l’État de verser une subvention exceptionnelle à un établissement public en cas de difficulté financière. Ceci n’invalide en rien la démonstration de l’existence d’une garantie implicite.

(161)

La Commission reconnaît également que les ressources à dégager sont d’abord des ressources propres de l’établissement. Cela n’empêche pas de constater qu’une fois les ressources propres épuisées, seuls des fonds étatiques peuvent honorer les dettes de l’établissement public débiteur (80). Cette constatation est conforme au fait qu’un mécanisme de garantie est subsidiaire, en ce sens que les ressources du débiteur sont mobilisées avant celles de son garant.

ii)   La loi du 16 juillet 1980 et ses mesures d’application ne prévoient pas de procédure de liquidation-disparition avec disparition des obligations; la situation d’insuffisance de trésorerie est couverte ou n’est que temporaire

(162)

La Commission va à présent examiner l’interprétation des autorités françaises, selon laquelle à l’issue de la procédure fixée par la loi du 16 juillet 1980, certains créanciers pourraient voir leur créance disparaître sans voie de recours (81) et que leur situation serait équivalente à celle des créanciers des entreprises soumises aux procédures judiciaires.

(163)

L’expert de la Commission (82) relève que la loi du 16 juillet 1980 et son décret d’application tendent à démontrer que seules deux hypothèses sont envisageables en cas d’insuffisance de crédits: soit l’autorité de tutelle dégage les ressources nécessaires, soit le paiement est différé. À aucun moment, la procédure n’indique qu’en cas d’insuffisance durable de trésorerie, elle s’arrêterait.

(164)

En effet, si la situation d’insuffisance de crédits est prévue par la loi du 16 juillet 1980 et ses mesures d’application, cette situation n’est censée qu’être temporaire, dans l’attente de la création de ressources supplémentaires, seule issue envisagée par les textes. À aucun moment, il n’est envisagé que cette création de ressources supplémentaires soit impossible ou, à son tour, insuffisante. Postérieurement à cette étape de création de ressources, les textes indiquent que l’autorité compétente procède au mandatement d’office. La circulaire de 1989 susvisée est encore plus précise concernant l’insuffisance de crédits, en insistant sur son caractère nécessairement temporaire, puisque, dans ce cas, il faut indiquer au créancier le solde qui sera mandaté ultérieurement. Selon l’expert de la Commission, «à la lecture des textes, les créanciers peuvent acquérir la certitude qu’à défaut d’être honorée immédiatement, leur créance sera honorée ultérieurement».

(165)

En outre, l’expert de la Commission note à juste titre que la procédure prévue par le droit français est uniquement une procédure de recouvrement des créances, à l’exclusion d’une procédure de liquidation. S’agissant des personnes privées, la situation de cessation de paiement est liée par les textes à celle de liquidation. Ainsi, le risque d’une cessation des paiements peut déclencher une procédure de sauvegarde (83) et la liquidation judiciaire est expressément présentée comme la conséquence d’une cessation des paiements (84). En revanche, s’agissant des personnes publiques en général et des établissements publics en particulier, en occultant la situation de cessation des paiements et en ne la liant aucunement à celle de liquidation, le législateur et le pouvoir réglementaire laissent entendre aux créanciers que leurs créances seront indéfiniment honorées, le cas échéant par un tiers tel que l’État.

(166)

Enfin, l’expert de la Commission note que la réforme de 2008, intervenue après l’adoption de la décision d’ouverture, n’a pas conduit les autorités françaises à préciser que les ressources à dégager doivent être propres à l’établissement public et ne sauraient impliquer des ressources étatiques. Une telle précision aurait pourtant pu constituer un signal fort à l’encontre des créanciers à une date à laquelle les procédures engagées par la Commission liaient expressément une garantie de l’État à la formulation lacunaire des textes. Le fait de ne pas avoir procédé à la clarification qui s’imposait alimente l’affirmation selon laquelle l’État français ne souhaite pas démentir qu’il est susceptible de fournir lui-même les ressources nécessaires.

(167)

Dans leur note transmise le 27 octobre 2009, les autorités françaises soutiennent que l’affirmation de l’expert de la Commission selon lequel «à la lecture des textes, les créanciers peuvent acquérir la certitude qu’à défaut d’être honorée immédiatement, leur créance sera honorée ultérieurement» reposerait sur une lecture biaisée de textes qui — outre qu’il s’agit de textes de niveau infra-réglementaire (des circulaires) — n’établissent aucunement une éventuelle substitution de ressources d’État à celles de l’établissement. Rien n’interdirait l’apparition d’établissements publics mis en sommeil dont les créanciers ne parviendraient pas à obtenir qu’ils acquittent leurs dettes. Les autorités françaises estiment par ailleurs que les établissements publics pourraient ne pas honorer leur créance sans pour autant se retrouver mécaniquement en situation de cessation de paiements.

(168)

La Commission va à présent examiner s’il est légalement possible qu’un établissement public condamné par une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée au paiement d’une somme d’argent soit mis en sommeil et que la créance ne soit jamais honorée, ainsi que le soutiennent les autorités françaises. Les dispositions de la loi du 16 juillet 1980 et de ses textes d’application s’imposent à l’État. Dans le scenario le moins favorable pour le créancier, ces textes conduisent l’État à indiquer au créancier le solde qui sera mandaté ultérieurement. A supposer qu’aucun remboursement ne s’ensuive, le créancier aura toujours la possibilité (ce point sera développé dans la section 3 de la présente décision) d’engager la responsabilité de l’État. Dans ces conditions, l’hypothèse théorique d’une mise en sommeil ne conduirait pas en tout état de cause à l’extinction de la dette. D’ailleurs, les autorités françaises n’ont fourni aucun exemple concret où cette situation se serait produite.

(169)

Sur le fondement de ces éléments, la Commission conclut que:

la procédure spécifique définie par la loi du 16 juillet 1980 et ses textes d’application est seulement une procédure de recouvrement des créances àl’exclusion d’une procédure de liquidation; à l’issue de son application, lacréance ne disparaît pas, alors qu’à l’issue de l’application de la procédurede liquidation, le jugement de clôture pour insuffisance d’actifs sans sanction emporte interdiction pour les créanciers de reprendre les poursuites,

la loi du 16 juillet 1980 et ses textes d’application, en prévoyant le reportdans le temps du mandatement et en n’envisageant à aucun moment lasituation de cessation de paiements, laissent les créanciers supposer qu’ilxiste ou qu’il existera toujours des ressources nécessaires pour régler lacréance qu’ils détiennent sur l’entité juridique de droit public,

il s’ensuit que la situation d’insuffisance de trésorerie est couverte, le cas échéant par l’État, ou n’est que temporaire. En revanche, aucune procédure de liquidation ne prévoit la possibilité pour un tiers de devenir responsable des dettes de la personne insolvable, sauf évidemment, lorsqu’il s’agit d’un garant ou d’une société à responsabilité illimitée.

iii)   La subvention exceptionnelle de l’État pour permettre à l’établissement public de faire face à ses obligations est envisageable et envisagée effectivement par certains textes

(170)

À cet égard, l’expert de la Commission a relevé que:

(α)   […] (41)

(171)

Sans que cette démonstration soit nécessaire pour établir la qualification en tant qu’aide d’État de la garantie résultant du statut de La Poste, la Commission constate que les ressources propres mobilisables de celle-ci en cas d’insuffisance de liquidités sont limitées. En effet, tant la cession de biens (85) que l’augmentation des tarifs des prestations du service universel postal (86) sont encadrées de façon très stricte par le législateur français. La difficulté de mobiliser des ressources supplémentaires propres pour faire face à des dettes amplifie la nécessité d’interventions étatiques en cas d’insuffisance de trésorerie. En premier lieu, suivant le mécanisme des vases communicants, l’impossibilité de mobiliser des ressources par la cession de biens augmente la fréquence du recours aux autres mécanismes de garantie (avances, recherche d’une responsabilité de l’État, etc.). En second lieu, l’édiction d’un régime de protection des biens par le législateur pourrait alimenter le contentieux de la responsabilité sans faute de l’État face à une éventuelle défaillance de La Poste (87).

(172)

Dans leur note transmise le 27 octobre 2009, les autorités françaises contestent «l’impossibilité» de mobiliser des ressources propres pour La Poste:

pour ce qui concerne la cession des biens, l’État est libre d’apprécier discrétionnairement s’il juge un bien «indispensable» ou non à l’exécution du service public; en outre, même s’il s’oppose à une telle cession, cela n’implique nullement qu’il doive compenser par des mécanismes de garantie; enfin, dans les faits, l’État ne s’est jamais opposé à une cession de biens sur la base de l’article 23 de la loi du 2 juillet 1990, qui est parailleurs tombé en désuétude consécutivement à l’apport par La Poste en2005 de la quasi-totalité de son patrimoine immobilier (y compris les bureaux de poste) à une filiale non soumise à ce régime d’autorisation préalable,

pour ce qui concerne l’augmentation des tarifs des prestations du service universel postal, les autorités françaises indiquent que l’ARCEP n’arrête pas les tarifs mais fixe un «price cap» pour les seules activités régulées de La Poste sous lequel les tarifs de La Poste évoluent librement (à l’exception du prix du timbre fixé par arrêté du ministre chargé des postes dans le respect du «price cap»); on peut d’ailleurs penser que l’ARCEP serait en peine de refuser une augmentation de tarifs qui serait indispensable à la survie de l’entité et des missions de service public assurées par celle-ci; enfin, ce «price cap» ne porte que sur le secteur régulé, qui représente moins de la moitié du résultat d’exploitation du groupe La Poste.

(173)

La Commission prend note des précisions apportées par les autorités françaises et fait deux observations:

les autorités françaises soutiennent que même si l’État s’opposait à une cession, cela n’impliquerait nullement une garantie. Néanmoins, elles ont reconnu (même si elles contestent que La Poste puisse en retirer un avantage) que l’exigence de continuité du service public s’impose au représentant de l’État dans l’exécution de la procédure instituée par la loi du 16 juillet 1980 (88), ce qui pourrait engager la responsabilité sans faute de l’État pour rupture de l’égalité devant les charges publiques comme démontré ci-après (89),

dans la mesure où un créancier de La Poste ne pourrait pas s’adresser à une autre société du groupe La Poste pour obtenir le remboursement de sa créance, il convient d’examiner la part du secteur régulé et du secteur réservé dans le chiffre d’affaires de La Poste et non dans celui du groupe La Poste. Étant donné le champ de la régulation en France (90), il est clair que les activités régulées représentent une part prépondérante des activités de l’établissement public La Poste. La tarification d’une grande part des activités de La Poste est donc soumise à un «price cap»; de surcroît, les tarifs des services réservés sont fixés par arrêté ministériel.

(β)   Certaines missions et programmes du budget de l’État pourraient être utilisés pour aider un établissement public à faire face au remboursement de ses dettes

(174)

Les programmes identifiés par l’expert de la Commission sont les suivants:

le programme no 823, Avances à des organismes distincts de l’État et gérant des services publics: son objet «est de permettre à l’État d’octroyer des avances à divers organismes, distincts de l’État, gérant des services publics» (91). «Ces avances ont pour finalité de répondre à des situations d’urgence, qu’il s’agisse d’assurer la continuité de l’action publique ou de mettre en œuvre de façon accélérée telle ou telle mesure. Elles autorisent également la couverture provisoire d’un besoin de trésorerie imprévu qu’une ressource durable doit venir assurer ultérieurement de façon pérenne. Elles permettent alors d’éviter un financement bancaire ou de marché et, concomitamment, de prévenir une fragmentation accrue de la dette des administrations publiques ou un accroissement de leur charge d’intérêts»,

au sein de la mission «Participations financières de l’État», figurent deux programmes, intitulés respectivement «Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État» (programme no 731) et «Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État» (programme no 732). Au sein de ce programme, l’action no 01 retrace les «augmentations de capital, dotations en fonds propres, avances d’actionnaire et prêts assimilés».

(175)

Les fonds consacrés à ces avances sont importants. Au titre du programme no 731, une réserve de 85 millions d’euros est expressément prévue. Les crédits de paiement de l’action no 01 du programme no 732 s’élèvent à 660 millions d’euros. Les crédits de paiement du programme no 823 s’élèvent quant à eux à 50 millions d’euros.

(176)

En cas de difficultés financières de La Poste, l’État pourrait puiser dans ces programmes pour secourir La Poste. En effet, aucun texte ne limite les possibilités d’octroi d’avances à des EPIC ayant une activité économique et agissant dans le secteur concurrentiel.

(177)

Dans leur note transmise le 27 octobre 2009, les autorités françaises précisent qu’elles n’ont jamais contesté que les établissements publics peuvent bénéficier d’avances de l’État, au demeurant explicites, mais que cela n’implique aucun droit de tirage des établissements publics sur le budget de l’État; comme indiqué par l’expert de la Commission, le système des avances d’actionnaires est susceptible de bénéficier à toutes les participations financières de l’État, quelle que soit leur forme juridique, ce qui interdit donc d’en tirer toute conclusion pour les seuls EPIC; en outre, et contrairement à ce que soutient l’expert de la Commission, ces avances tiennent pleinement compte des contraintes communautaires dès lors qu’elles s’inscrivent dans une logique d’investisseur avisé.

(178)

La Commission conclut que:

les textes de droit français autorisent voire encouragent l’État à consentir des dotations aux établissements publics de préférence à des prêts bancaires classiques en cas de situation d’insuffisance de trésorerie; l’accès à ces ressources n’est nullement conditionné par le respect préalable des règles sur les aides d’État; ces dotations peuvent constituer les «ressources supplémentaires» visées par la loi du 16 juillet 1980,

ces textes sont connus des créanciers, qui sont donc fondés à estimer que l’autorité de tutelle sera en mesure de trouver les ressources nécessaires afin que leur créance soit réglée,

La Poste ne dispose néanmoins pas de droit de tirage sur ces ressources.

(179)

Considérant que:

la loi du 16 juillet 1980 et ses mesures d’application ne prévoient pas de procédure de liquidation-disparition avec disparition des droits et obligations,

la loi du 16 juillet 1980 et ses mesures d’application n’envisagent à aucun moment que les ressources ne puissent pas être dégagées,

les documents budgétaires montrent que les EPIC peuvent être bénéficiaires d’avances exceptionnelles en cas de besoin de trésorerie urgent;

la Commission estime que l’hypothèse dans laquelle le créancier échouerait à obtenir le règlement de sa créance par l’application des procédures de la loi du 16 juillet 1980 est peu probable.

(180)

En revanche, la Commission n’a pas identifié d’accès direct des établissements publics aux comptes du Trésor, si par «accès direct», on entend la possibilité pour un EPIC de prendre lui-même la décision de puiser directement dans des fonds appartenant à l’État et mis à sa disposition, sans que l’intervention de l’État soit nécessaire.

iv)   La proposition des autorités françaises visant à clarifier le décret d’application de la loi du 16 juillet 1980 est insuffisante

(181)

À titre liminaire, la Commission souligne que les autorités françaises n’ont pas procédé à la modification de la loi du 16 juillet 1980 qui sera analysée dans cette section. Par conséquent, l’examen par la Commission de l’existence d’une garantie en faveur de La Poste doit nécessairement se fonder sur le droit positif et non sur le caractère adéquat ou non des propositions des autorités françaises, jamais entérinées, destinées à exclure toute garantie. Il s’ensuit que l’analyse de la Commission contenue dans cette section a essentiellement pour fin une description complète de la procédure qui s’est déroulée devant la Commission.

(182)

En vue d’établir que les ressources dégagées par l’autorité de tutelle ne peuvent provenir que des seules ressources de la collectivité ou de l’établissement, les autorités françaises ont proposé de modifier le décret d’application de la loi du 16 juillet 1980 de la façon suivante: «Lorsque la mise en demeure est restée sans effet à l’expiration de ces délais, le représentant de l’État ou l’autorité chargée de la tutelle procède à l’inscription de la dépense au budget de la collectivité ou de l’établissement public défaillant. Il dégage, le cas échéant, les ressources nécessaires au sein du budget de la collectivité ou de l’établissement soit en réduisant des crédits affectés à d’autres dépenses et encore libres d’emploi, soit en augmentant les ressources» (modifications soulignées).

(183)

Néanmoins, la Commission relève, ainsi qu’elle l’a fait au considérant 58 de la décision d’ouverture, que les textes, ni dans leur version actuelle, ni dans la version modifiée selon la proposition des autorités françaises, n’excluent que le dégagement des ressources puisse se faire grâce à une augmentation des ressources préalablement rendue possible par une subvention ou une injection de ressources publiques.

(184)

La Commission examinera à présent les recours qui resteraient au créancier dans l’hypothèse peu probable où la procédure fixée par la loi du 16 juillet 1980 ne permettrait pas au créancier d’être remboursé. La Commission examinera notamment le régime de responsabilité de l’État afin de déterminer s’il présente les caractéristiques d’un mécanisme de garantie.

3.   Le régime de responsabilité de l’État dans la mise en œuvre de laprocédure de recouvrement des dettes des établissements publics présenteles caractéristiques d’un mécanisme de garantie

(185)

Selon les autorités françaises, la responsabilité de l’État ne peut en principe être engagée que ce soit pour faute ou sans faute (92). Les autorités françaises reconnaissent néanmoins que dans l’hypothèse où il existerait une exigence de continuité du service public et que cette exigence s’imposerait au représentant de l’État dans l’exécution de la procédure fixée par la loi du 16 juillet 1980, il se pourrait que le juge ordonne l’indemnisation du créancier. Néanmoins, dans cette hypothèse, l’indemnisation n’aurait d’autre effet que de replacer le créancier dans la situation dans laquelle il aurait été dans le droit commun; le créancier ne bénéficierait donc d’aucun avantage.

(186)

La Commission relève néanmoins qu’en droit commun, les créanciers, en tout cas les créanciers chirographaires, ne récupèrent en principe pas la totalité de leur dette. En outre, l’entreprise en liquidation ne voit pas ses dettes payées par un tiers, ce qui est le cas ici.

(187)

Les autorités françaises soutiennent également qu’en tout état de cause, les possibilités d’indemnisation ouvertes aux créanciers par la mise en jeu de la responsabilité ne sauraient être assimilées à une forme de garantie.

(188)

La Commission estime néanmoins, ainsi qu’elle va le démontrer, que l’engagement de la responsabilité de l’État (pour faute ou sans faute) dans la mise en œuvre de la procédure de recouvrement des dettes des personnes publiques visées par la loi du 16 juillet 1980 équivaut à un mécanisme de garantie aux fins du droit communautaire car il assure aux créanciers le paiement de leur créance en obligeant l’État membre à la rembourser en cas de défaillance de La Poste. De surcroît, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) dans l’affaire Campoloro tend à instituer une garantie automatique. Alors qu’il leur était loisible d’y procéder, les autorités françaises n’ont pas limité ces mécanismes de responsabilité ou de garantie.

i)   La jurisprudence antérieure: une manifestation de la spécificité du régime institué par l’affaire de Campoloro

(189)

Ainsi que le relève l’expert de la Commission, lorsqu’un créancier d’une personne publique soumise à la loi du 16 juillet 1980 recherchait la responsabilité de l’État du fait de l’usage des prérogatives prévues par ce texte, antérieurement à l’affaire de Campoloro (examinée ci-dessous), le juge administratif distinguait deux préjudices. D’une part, le créancier subissait un préjudice du fait de l’absence de règlement de sa créance, préjudice qui trouvait sa source dans la seule situation d’insolvabilité du débiteur. D’autre part, le créancier pouvait subir un préjudice distinct du fait des défaillances dans la mise en œuvre des prérogatives de l’État (retard, mauvaise volonté, refus d’engager les procédures, engagement partiel des procédures, etc.). Ce second préjudice ne s’évaluait pas en retenant le montant de la dette, mais plutôt en estimant le coût d’un retard ou d’un refus de faire usage des prérogatives prévues par la loi. C’est la réaction qu’avait adoptée la Cour administrative d’appel de Lyon dans l’affaire de Campoloro  (93).

ii)   L’arrêt rendu par le Conseil d’État en 2005 dans l’affaire de Campoloro

(190)

Selon l’expert de la Commission, l’arrêt rendu par le Conseil d’État dans l’affaire de Campoloro marque un premier tournant en ce que l’une des hypothèses qu’il prévoit n’est plus à proprement parler un cas de responsabilité, mais joue comme un mécanisme de garantie.

(191)

Il convient de rappeler d’abord le considérant de principe de l’arrêt du Conseil d’État de Section du 18 novembre 2005, Société fermière de Campoloro, no 271898:

«considérant que, par ces dispositions, le législateur a entendu donner au représentant de l’État, en cas de carence d’une collectivité territoriale à assurer l’exécution d’une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée, et après mise en demeure à cet effet, le pouvoir de se substituer aux organes de cette collectivité afin de dégager ou de créer les ressources permettant la pleine exécution de cette décision de justice; qu’à cette fin, il lui appartient, sous le contrôle du juge, de prendre, compte tenu de la situation de la collectivité et des impératifs d’intérêt général, les mesures nécessaires; qu’au nombre de ces mesures, figure la possibilité de procéder à la vente de biens appartenant à la collectivité dès lors que ceux-ci ne sont pas indispensables au bon fonctionnement des services publics dont elle a la charge; que si le préfet s’abstient ou néglige de faire usage des prérogatives qui lui sont ainsi conférées par la loi, le créancier de la collectivité territoriale est en droit de se retourner contre l’État en cas de faute lourde commise dans l’exercice du pouvoir de tutelle; qu’en outre, dans l’hypothèse où, eu égard à la situation de la collectivité, notamment à l’insuffisance de ses actifs, ou en raison d’impératifs d’intérêt général, le préfet a pu légalement refuser de prendre certaines mesures en vue d’assurer la pleine exécution de la décision de justice, le préjudice qui en résulte pour le créancier de la collectivité territoriale est susceptible d’engager la responsabilité de la puissance publique s’il revêt un caractère anormal et spécial».

(192)

Le Conseil d’État met ainsi en place un mécanisme à double détente.

(193)

En premier lieu, il organise un régime de responsabilité de l’État fondé uniquement sur une déficience dans l’utilisation des prérogatives instituées par la loi du 16 juillet 1980 et ses mesures d’application. Il s’agit d’un régime de responsabilité pour faute lourde. Le choix d’une faute lourde se justifie par le souhait de ne pas procéder à un transfert automatique de la dette de la collectivité débitrice à l’État. Selon un commentateur avisé (94), «si le préfet prend des mesures pour tenter de dégager des ressources supplémentaires mais que ces mesures s’avèrent insuffisantes compte tenu de l’importance de la dette de la commune, il est vraisemblable que le juge considèrera qu’aucune faute lourde n’a été commise». Ici, la responsabilité pour faute lourde est «classique» et ne joue pas comme un mécanisme de garantie en cas d’insolvabilité de l’organisme débiteur, puisqu’elle ne peut venir pallier la seule situation d’insolvabilité.

(194)

En second lieu, l’arrêt prévoit l’engagement d’une responsabilité sans faute dans deux hypothèses.

(195)

Selon la première hypothèse, «en raison d’impératifs d’intérêt général, le préfet a pu légalement refuser de prendre certaines mesures en vue d’assurer la pleine exécution de la décision de justice». On se situe ici dans un cas classique d’abstention de l’administration justifiée par un motif d’intérêt général, engageant sa responsabilité pour rupture d’égalité devant les charges publiques. Le débiteur n’est théoriquement pas insolvable, mais l’État décide de ne pas épuiser son potentiel de ressources pour un motif d’intérêt général. Cette situation ne fait pas apparaître de mécanisme de garantie, car le préjudice pour le créancier résulte d’une décision de l’État et non pas de la situation financière de solvabilité du débiteur. Cependant, les conséquences sont identiques à celles d’un mécanisme de garantie.

(196)

En revanche, la seconde hypothèse de responsabilité sans faute se rapproche davantage du mécanisme de garantie. Le Conseil d’État juge que «dans l’hypothèse où, eu égard à la situation de la collectivité, notamment à l’insuffisance de ses actifs, […], le préfet a pu légalement refuser de prendre certaines mesures en vue d’assurer la pleine exécution de la décision de justice, le préjudice qui en résulte pour le créancier de la collectivité territoriale est susceptible d’engager la responsabilité de la puissance publique s’il revêt un caractère anormal et spécial». On remarque que le fait générateur de la responsabilité est la seule situation financière de la collectivité débitrice. Le choix d’un régime de responsabilité sans faute allège la charge de la démonstration pesant sur le créancier, puisque celui-ci doit simplement démontrer le fait générateur, le lien de causalité et le préjudice.

(197)

Toujours selon l’expert de la Commission, deux similitudes ressortent entre ce régime de responsabilité et un régime de garantie. En premier lieu, le fait générateur n’est objectivement pas imputable à l’État puisqu’il s’agit de la situation de l’organisme débiteur: ce régime de responsabilité repose sur le même fait que le mécanisme de garantie, à savoir l’insolvabilité du débiteur. En second lieu, le préjudice auquel fait référence le Conseil d’État, en l’absence de toute autre indication, semble être l’absence de règlement de la dette elle-même, fait qui déclenche également la garantie.

(198)

Certes, le Conseil d’État limite l’engagement de la responsabilité de l’État aux préjudices anormaux et spéciaux. Selon l’expert de la Commission, s’agissant du caractère anormal, on peut raisonner par élimination. Soit la dette est de faible importance et on peut légitimement supposer qu’elle ne placera pas un établissement public national (en particulier La Poste) en situation d’insolvabilité. Soit la dette est très importante et le caractère anormal du préjudice en résultera. S’agissant du caractère spécial du préjudice, on peut supposer que les créanciers des établissements publics ayant une dette importante ne sont pas nombreux. Dès lors, la limite instituée par l’arrêt du Conseil d’État n’en est pas réellement une dans la mesure où l’on peut supposer que seule la situation des créances importantes sera véritablement concernée, situation pour laquelle il y aura toujours un préjudice anormalement grave.

(199)

C’est d’ailleurs l’interprétation retenue par la doctrine la plus avisée. Ainsi, selon le commentaire de P. Bon (précité), «dans cette hypothèse qui correspond vraisemblablement au cas d’espèce compte tenu de la disproportion flagrante entre le montant de la condamnation infligée par le juge à la commune et la modicité des ressources de cette dernière, le préfet, est, d’une certaine manière, dans une impasse, dans la mesure où il est douteux qu’il puisse dégager des ressources suffisantes permettant à la commune de s’acquitter intégralement de sa dette. Certes l’équité commande que les deux sociétés requérantes, après tant d’années, soient indemnisées». «Il transforme l’État en assureur obligé des conséquences dommageables de ladite impéritie [celle de la commune]». Selon l’expert de la Commission, le terme adéquat n’est pas «assureur» mais plutôt «garant obligé».

(200)

Dans leur chronique sous l’arrêt Société fermière de Campoloro  (95), C. Landais et F. Lenica, responsables du service de documentation du Conseil d’État à l’époque de la lecture de l’arrêt, soulignent la singularité de cette seconde hypothèse et refusent de l’interpréter comme transférant à l’État la charge des dettes des collectivités territoriales. Mais l’expert de la Commission souligne que si l’interprétation est discutée, c’est qu’elle doit être envisagée à la lecture de l’arrêt. La fin du commentaire est d’ailleurs révélatrice: les commentateurs envisagent un emprunt ou une subvention exceptionnelle. Dès lors, on remarque que ceux qui refusent d’assimiler le régime de responsabilité retenu à un mécanisme de garantie font finalement appel à d’autres éléments du mécanisme de garantie (subvention).

(201)

L’expert de la Commission écarte également l’appréciation faite par D. Labetoulle dans son article sur la responsabilité sans faute en droit administratif (96), cité par le gouvernement français dans ses observations. Cet auteur remarque que le Conseil d’État juge dans l’affaire de Campoloro que la décision légale du préfet est seulement «susceptible d’engager la responsabilité de l’État». Il en déduit qu’il n’existe aucune automaticité. Selon l’expert de la Commission, on ne peut se ranger à cette interprétation. En effet, ce que juge le Conseil d’État, c’est que la décision du préfet est susceptible d’engager la responsabilité de l’État «s’il [le préjudice] revêt un caractère anormal et spécial». L’incertitude pèse non pas sur le principe de l’existence d’une responsabilité et de son engagement si ses éléments constitutifs sont réunis, mais sur l’existence d’un préjudice devant présenter certaines particularités. Toutefois, comme on l’a vu, si le préjudice est spécial et anormal, rien ne s’oppose à ce que la responsabilité soit mise en cause. Dès lors, il y a bien automaticité au niveau du principe même de la mise en jeu d’une responsabilité qui présente toutes les caractéristiques d’une garantie.

(202)

Enfin, l’expert de la Commission relève qu’aucun commentateur de la jurisprudence Campoloro n’envisage que la créance puisse rester impayée.

(203)

L’expert de la Commission conclut que l’arrêt du Conseil d’État précité dans l’affaire de Campoloro a initié un régime de responsabilité qui présente les caractéristiques d’un mécanisme de garantie.

iii)   Le règlement de l’affaire Campoloro par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH)

(204)

La CEDH, dans un arrêt du 6 décembre 2006, Société de gestion du port de Campoloro et Société fermière de Campoloro/France  (97), a réglé l’affaire Campoloro en mettant à la charge de l’État l’intégralité des dettes dues aux sociétés requérantes par la Commune de Santa-Maria-Poggio. L’affaire démontre que l’engagement de responsabilité de l’État français, dans ce cas, joue comme une garantie implicite du passif des autorités publiques et n’est liée à aucune condition de dommage.

(205)

Devant la Cour, les autorités françaises tentaient de se fonder, d’une part, sur l’absence de fait générateur imputable à l’État et, d’autre part, sur l’absence de garantie de l’État envers les autorités publiques disposant d’une personnalité morale. On peut lire que «[Le gouvernement français] considère que seules des raisons objectives tenant exclusivement à l’impossibilité matérielle pour la commune de dégager les recettes suffisantes ont retardé la complète exécution des jugements»; «Le gouvernement soutient dès lors que l’inexécution des jugements rendus ne résulte pas d’une abstention volontaire des autorités nationales, État ou commune. L’absence de crédit n’est pas un prétexte mais une réalité due à l’insolvabilité de la personne morale débitrice»; «L’inexécution de la dette résulte exclusivement des difficultés financières de la commune et ces circonstances n’apparaissent pas de nature à faire échapper la collectivité à ses obligations, ni à transférer la charge de sa dette à l’État (CE, commune de Batz sur Mer, 25 septembre 1970). En droit interne, il n’existe aucun fondement légal à une substitution de la commune par l’État pour le règlement des indemnités. Cette substitution ne saurait pas davantage reposer sur l’article 6, paragraphe 1, de la Convention dans la mesure où une telle solution serait contraire à la notion même de personnalité morale, laquelle suppose une indépendance, un patrimoine distinct». Alors que le gouvernement français tentait précisément de faire valoir les différences, que l’on a mises en évidence ci-dessus, entre le régime de responsabilité et le mécanisme de garantie, ces arguments ne sont finalement par retenus par la Cour.

(206)

Pour compléter la démonstration, il convient aussi de reproduire les arguments des requérants, lesquels ont, au contraire, été retenus par la Cour:

«C’est ainsi qu’aucun dispositif palliatif n’est prévu en droit interne pour faire face à la situation de cessation de paiement de la commune»; «L’État ne saurait se décharger de son obligation d’exécuter les décisions judiciaires en invoquant l’absence de crédit ou l’autonomie des collectivités locales qu’il n’a pas pu garantir à ce jour puisque la commune n’est pas en mesure de s’acquitter de ses dettes. Les requérantes dénoncent en conséquence l’incapacité de l’État à adopter des mesures positives qui auraient permis à la commune d’exécuter l’obligation contributive qui lui incombe». «Les requérantes constatent que le Conseil d’État, dans son arrêt du 18 novembre 2005, a jugé que le législateur a entendu donner au représentant de l’État, en cas de carence d’une collectivité territoriale à assurer l’exécution d’une décision juridictionnelle, le pouvoir de se substituer aux organes de cette collectivité afin de dégager ou de créer les ressources permettant la pleine exécution de cette décision de justice. C’est sur le fondement de ces manquements propres à l’État français que les requérantes demandent la constatation de la violation de l’article 6, paragraphe 1, et la réparation qui s’ensuit, ceci n’emportant aucune contrariété avec la notion même de personnalité morale pas plus qu’avec celles d’indépendance et de patrimoine distinct».

(207)

La Cour a finalement constaté une violation de l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne des droits de l’homme, notamment au motif que: «Il convient donc que ces jugements soient exécutés, la Cour rappelant qu’une autorité de l’État ne saurait prétexter du manque de ressources pour ne pas honorer une dette fondée sur une décision de justice (Bourdov précité, section 30)».

(208)

La Cour a également constaté une violation de l’article 1 du protocole no 1 de la convention européenne des droits de l’homme: «L’impossibilité dans laquelle se sont trouvées les intéressées d’obtenir l’exécution de ces jugements constitue une ingérence dans le droit de propriété de celles-ci, qui relève de la première phrase du premier alinéa de l’article 1 du protocole no 1. Le gouvernement n’a fourni aucune justification pour cette ingérence, et la Cour estime que le manque de ressources ne saurait légitimer une telle omission (ibid)». «Au total, la Cour considère que les sociétés requérantes ont subi et subissent toujours une charge spéciale et exorbitante du fait du non-versement des sommes dont elles auraient dû bénéficier en exécution des jugements précités en date du 10 juillet 1992. Partant, il y a eu violation de l’article 1 du protocole no 1». Enfin, la Cour a mis à la charge de l’État l’intégralité de la dette des communes débitrices: «Eu égard à ce qui précède, la Cour estime qu’il incombe à l’État défendeur d’assurer le paiement aux requérantes ou, le cas échéant, à leurs ayants-droits, des créances dont elles sont bénéficiaires depuis les jugements du tribunal administratif de Bastia du 10 juillet 1992 (ibidem), y compris les intérêts, jusqu’au jour du prononcé du présent arrêt».

(209)

L’expert de la Commission déduit de cette jurisprudence que l’État doit couvrir les dettes des autorités publiques.

(210)

Selon la Commission, il en ressort trois éléments importants:

la responsabilité joue comme une garantie implicite. D’une part, l’État français est condamné au paiement de la totalité de la dette et aucune répartition n’a été effectuée entre ce qui pouvait relever de la situation d’insolvabilité de la collectivité publique débitrice et d’éventuels manquements imputables à l’État. Le vocabulaire employé mérite d’être souligné puisque la Cour ne mentionne pas une éventuelle responsabilitéde l’État, mais estime qu’il incombe à l’État «d’assurer» le paiement. Ce vocabulaire procède plus de la garantie que de la responsabilité. Qui plus est, la Cour ne recherche à aucun moment un fait générateur imputable à l’État et s’en tient à la seule situation d’insolvabilité du débiteur. Enfin, la Cour opère finalement un transfert intégral de la dette des communes condamnées vers l’État. Ces divers éléments tendent à démontrer que cerégime de responsabilité fonctionne en réalité comme un mécanisme de garantie. On notera toutefois que les requérants doivent d’abord obtenir une décision de justice reconnaissant leur créance. Par ailleurs, cette garantie est implicite car elle n’est inscrite dans aucun texte. Cela démontre qu’un mécanisme juridique de droit interne peut être interprété comme une garantie implicite,

cette responsabilité couvre les dettes des autorités publiques disposant pourtant de la personnalité morale. L’existence d’une personnalité morale et d’un patrimoine propre a été expressément invoquée par le gouvernement français pour s’opposer à l’engagement de la responsabilitéde l’État français. Cet argument a été écarté par la Cour,

le champ d’application de la garantie de l’État s’étend aux autorités publiques qui en procèdent. La garantie est donc intimement liée au statutde droit public du débiteur.

(211)

Il doit être rappelé que la solution retenue par la CEDH dans l’affaire de Campoloro n’est pas isolée et procède d’une tendance jurisprudentielle très affirmée. Ainsi, dans son arrêt du 13 mai 1980, Artico/Italie  (98), la CEDH a décidé que lorsqu’une défaillance est imputable à une autre personne que l’État, il appartient à cet État, débiteur de la garantie prévue à l’article 6, paragraphe 1, d’agir de manière à assurer au requérant la jouissance effective du droit qui lui est reconnu par cet article. Dans l’affaire du 19 mars 1997, Bourdov/Russie, no 59498/00, la Cour juge également qu’«une autorité de l’État ne saurait prendre prétexte de l’absence de crédit pour ne pas honorer sa dette».

iv)   Examen des observations des autorités françaises

(α)   Observation relative à la différence entre collectivités territoriales et établissements publics

(212)

Selon les autorités françaises (99), la démonstration de l’expert de la Commission n’est nullement conclusive et se borne à renvoyer dos à dos diverses interprétations de l’arrêt Campoloro; surtout, elle ne distingue pas les établissements publics des collectivités locales alors que cette différence est centrale quant à la question de savoir si une créance peut demeurer impayée. Les autorités françaises reprennent ici l’avis de leur expert. Ce dernier remet en cause la prémisse qui soutient les raisonnements de la Commission fondés sur la jurisprudence Campoloro: le raisonnement de la Commission repose sur l’assimilation entre les collectivités territoriales et les établissements publics qui ont en commun d’être des personnes morales de droit public distinctes de l’État. Or, ces deux types d’entités n’ont pas le même statut constitutionnel. Ainsi, l’existence des collectivités locales est une exigence constitutionnelle et l’État a une obligation d’en assurer la survie. Les EPIC n’ont en rien le même statut constitutionnel et peuvent disparaître. Dès lors, la jurisprudence Campoloro qui porte sur les cas de défaut des collectivités locales ne saurait être utilisée s’agissant d’établissements publics.

(213)

La Commission examinera à présent si la différence de statut constitutionnel entre les collectivités territoriales et les établissements publics est susceptible de remettre en cause les conclusions tirées par son expert à partir des décisions prises dans l’affaire Campoloro par la CEDH et le Conseil d’État.

(214)

La Commission constate que ce qui fonde la décision de la CEDH n’est pas la nécessité de préserver l’existence de la collectivité territoriale concernée, mais la préservation des droits du créancier, à savoir son droit à un procès équitable (article 6, paragraphe 1, de la convention européenne des droits de l’homme) et la protection de sa propriété (article 1 du protocole no 1): que le débiteur soit un établissement public ou une collectivité territoriale, les droits du créancier sont enfreints de la même façon.

(215)

Quant à la décision du Conseil d’État, il convient de distinguer les différents régimes de responsabilité:

le régime de responsabilité pour faute lourde est fondé sur une déficience dans l’utilisation par l’État des prérogatives instituées par la loi du 16 juillet 1980: il est donc indépendant de la nature du débiteur: collectivité territoriale ou bien établissement public,

le régime pour responsabilité sans faute est, quant à lui, fondé sur deuxhypothèses:

a)

dans la première hypothèse, le préfet refuse de prendre certaines mesures en raison d’impératifs d’intérêt général: il pourrait s’agir de la nécessité de préserver l’existence de la collectivité territoriale, mais aussi de préserver la mission de service public. L’expert des autorités françaises souligne que l’exigence de continuité ne pèse que sur le service et non sur l’établissement qui le gère. Il n’en demeure pas moins qu’à court terme, dans l’attente d’un éventuel transfert de la mission de service public à un établissement en mesure de l’assumer, la préservation de la continuité de service public peut impliquer pour le préfet de prendre certaines mesures, par exemple la préservation des actifs nécessaires à la mission de service public ou l’augmentation des ressources pour payer la créance. D’ailleurs les autorités françaises reconnaissent que l’exigence de continuité du service public s’impose au représentant de l’État dans l’exécution de la procédure instituée par la loi du 16 juillet 1980;

b)

dans la deuxième hypothèse, le régime de responsabilité sans faute peut être invoqué «dans l’hypothèse où, eu égard à la situation de la collectivité, notamment à l’insuffisance de ses actifs, […], le préfet a pu légalement refuser de prendre certaines mesures en vue d’assurer la pleine exécution de la décision de justice, le préjudice qui en résulte pour le créancier de la collectivité territoriale est susceptible d’engager la responsabilité de la puissance publique s’il revêt un caractère anormal et spécial». Ainsi qu’il a été indiqué plus haut, le fait générateur de la responsabilité est la seule situation financière de la collectivité débitrice. Aussi cette dernière peut-elle être un établissement tout aussi bien qu’une collectivité territoriale.

(216)

En conclusion, la Commission estime que la différence de statut constitutionnel entre les collectivités territoriales et les établissements publics n’invalide pas les conclusions tirées de la jurisprudence Campoloro par l’expert de la Commission. En outre, la Commission remarque que l’argumentaire des autorités françaises vise à contester la pertinence de l’affaire Campoloro dans le cas d’espèce qui ne concerne pas une collectivité territoriale, alors que l’affaire Campoloro a été invoquée en premier lieu par les autorités françaises elles-mêmes pour étayer leur position.

(β)   Observation relative à l’absence de fondement pour engager la responsabilité de l’État

(217)

Par ailleurs, les autorités françaises voient mal sur quel fondement pourrait être engagée la responsabilité sans faute de l’État en cas de défaut d’un établissement public, la responsabilité de l’État dans ce cadre ne pouvant être engagée que si le fait (y compris l’abstention) qu’on lui impute a été la cause directe du préjudice, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

(218)

La Commission constate néanmoins que la décision du Conseil d’État et la décision de la CEDH établissent clairement que la responsabilité sans faute de l’État peut être engagée.

(γ)   Observation relative à l’absence de préjudice anormal et spécial

(219)

Enfin, les autorités françaises voient mal pourquoi le juge viendrait à considérer le préjudice comme «spécial» dès lors qu’il concernerait tous les créanciers de l’établissement, ou comme «anormal» si des créanciers ont accepté de faire crédit à une entité en situation financière incertaine.

(220)

La Commission observe que l’existence d’un préjudice anormal et spécial constitue effectivement une limite de l’engagement de la responsabilité de l’État selon la jurisprudence du Conseil d’État. Les autorités françaises doutent qu’il y ait préjudice anormal, lorsque les créanciers ont accepté de faire crédit à une entité en situation financière incertaine. La Commission relève à cet égard que cet argument présuppose que la garantie n’existe pas (et que les créanciers pensent qu’elle n’existe pas), alors que l’analyse développée ci-dessus démontre le contraire. En effet, si les créanciers ont confiance en l’existence de la garantie, la situation financière de l’établissement sera beaucoup moins déterminante pour tout créancier lorsqu’il décidera d’accorder un crédit à l’établissement ainsi que lorsqu’il négociera les conditions de ce crédit. Par ailleurs, il faut considérer que la dette a pu être contractée alors que l’établissement public n’était pas en péril ou que les difficultés financières ne pouvaient raisonnablement être connues du créancier. En tout état de cause, la notion de préjudice anormal doit être appréhendée au-delà de la question de savoir si l’établissement connaissait ou pas des difficultés financières et même au-delà de la question de savoir si le préjudice a été subi par tous les créanciers ou par un seul. Selon la jurisprudence relative à la responsabilité administrative sans faute (100), le préjudice anormal et spécial s’apprécie en se référant à l’intérêt général. Pour être qualifié de préjudice anormal et spécial, le préjudice doit revêtir pour celui qui le subit une importance hors de proportion avec l’intérêt général poursuivi. La Commission en déduit que le caractère anormal et spécial du préjudice constitue sans aucune doute un filtre qui peut empêcher l’indemnisation pour un certain nombre de créances, mais que ce filtre sera d’autant moins susceptible d’agir que la dette sera importante. Enfin, la Commission rappelle que l’existence d’un préjudice anormal et spécial n’est pas une condition imposée par la jurisprudence de la CEDH. Dès lors, tout créancier peut en principe obtenir une indemnisation de l’État couvrant sa dette au terme d’une procédure judiciaire.

v)   L’absence de limitation de la responsabilité et/ou de la garantie de l’État

(221)

La Commission souligne que, comme on l’a vu ci-dessus, rien n’empêche le législateur, comme il le fait pour certaines sociétés, de prévoir que l’État ne répond des dettes des EPIC qu’à concurrence de son apport (ou dotation) initial(e). En particulier, rien n’empêche le législateur de prévoir une limitation de responsabilité ou tout simplement de préciser que l’État actionnaire ne peut être responsable d’une dette d’un EPIC qu’en cas de faute ou de fait distinct de la simple insolvabilité de l’EPIC, fait qui lui serait personnellement imputable et qui serait à l’origine d’un préjudice particulier. Dès lors, il est loisible au législateur de faire obstacle à la garantie de l’État envers les EPIC et de limiter l’engagement de la responsabilité de l’État s’agissant des préjudices subis par les créanciers. Pourtant ces précisions n’ont pas été apportées par les autorités françaises.

vi)   Conclusion de la Commission

(222)

La Commission conclut des points i) à v) qu’en l’état actuel du droit français, un créancier qui n’aurait pas obtenu le règlement de sa créance par l’utilisation des procédures de la loi du 16 juillet 1980 peut recevoir l’intégralité des sommes correspondant à la créance non honorée en invoquant la responsabilité de l’État en dernier recours, au contraire de ce qui se produit dans le cadre d’une procédure de liquidation de droit commun où le remboursement du créancier est limité par la valeur des actifs disponibles. La responsabilité de l’État est traitée comme une garantie. Elle ne fait l’objet d’aucune limitation par un texte de droit français. Elle est intrinsèquement liée au statut de droit public de l’organisme débiteur.

vii)   Analyse de la proposition française relative à la clause dans les contrats

(223)

Les autorités françaises seraient prêtes, si la Commission adoptait une décision d’absence d’aide, à étendre leur proposition d’inscription de l’absence de garantie à l’ensemble des contrats impliquant une créance. Selon les autorités françaises, cette extension permettrait d’écarter tout risque de mise en jeu de la responsabilité sans faute de l’État fondée sur la seule insolvabilité de La Poste.

(224)

À titre liminaire, la Commission souhaite rappeler que la remarque formulée au considérant 181 est évidemment applicable à la présente section de la présente décision. Par ailleurs, ainsi qu’indiqué dans la décision d’ouverture, la Commission reconnaît qu’il s’agit d’une mesure susceptible de restreindre les possibilités pour le créancier ayant signé un tel contrat d’obtenir le remboursement de sa créance par une action en justice. Elle garde néanmoins des doutes sur la pérennité de cette solution, l’exception pour risque accepté étant une règle établie par la jurisprudence qui pourrait toujours évoluer (le revirement jurisprudentiel est d’autant moins à exclure que la jurisprudence évolue vers une extension du régime de responsabilité sans faute de l’État). En réponse aux observations des autorités françaises, la Commission souligne que les remarques précédentes ne conduisent pas la Commission à nier tout effet à la proposition des autorités françaises, mais à souligner la fragilité du cadre juridique qui en résulterait.

(225)

Par ailleurs, la Commission estime la proposition des autorités françaises insuffisante car la garantie de l’État pourrait jouer pour tout type de responsabilité, incluant notamment la responsabilité extracontractuelle et la responsabilité pénale, qui présentent de ce point de vue les mêmes caractéristiques: il est impossible de prévoir à l’avance, par contrat, envers les débiteurs que l’État n’est pas tenu des dettes de La Poste. D’une manière générale, La Poste peut se trouver débitrice envers un tiers par différents mécanismes juridiques, ce qui impliquerait la garantie de l’État en cas de défaillance. Par exemple, si La Poste devait absorber une autre structure (un autre établissement public), elle se verrait transférer par la même occasion les droits et obligations de cette structure. Si elle devait par la suite honorer les dettes de cette structure vis–à-vis d’un tiers, aucun contrat ni aucun document juridique n’aurait prévu que l’État n’est pas tenu au remboursement des dettes de La Poste vis à vis des créanciers de la structure absorbée, puisque personne ne pouvait le prévoir. Ainsi, par un mécanisme de transformation (fusion, absorption) de certaines structures au sein du secteur public, La Poste peut devenir débitrice de certaines dettes envers des tiers, sans qu’il soit possible par contrat de prévoir une limitation de la garantie de l’État. Le fait d’insérer une telle clause dans les «contrats» avec les «créanciers» est donc insuffisant car elle ne couvre pas toutes les hypothèses. Une telle formulation est susceptible de laisser passer des créances détenues par des tiers non identifiables d’un premier abord. Seul un texte de portée générale indiquant que l’État n’est pas le garant de La Poste, applicable en toute situation et à tout type de tiers est suffisant.

(226)

Enfin, dans l’hypothèse même où les propositions françaises bloqueraient toute possibilité pour un créancier de La Poste d’engager la responsabilité de l’État pour obtenir le remboursement de sa créance (hypothèse qui, selon la Commission, n’est pas vérifiée), ces propositions ne permettent pas d’établir clairement ce qui se passerait en cas d’insolvabilité de La Poste. En effet, un créancier de La Poste qui n’a pu obtenir le remboursement de sa créance en demandant l’exécution de sa créance individuelle pourrait toujours espérer qu’il obtiendra le remboursement de sa créance dans le cadre d’un redressement global de La Poste, financé par l’État comme il sera montré ultérieurement dans la présente décision.

4.   Même s’il n’obtenait pas satisfaction, le créancier peut faire produire des effets de droits à l’erreur légitime sur le fait qu’elle serait toujours honorée, qu’il a commise lors de la formation de la créance

(227)

L’utilisation de la théorie de l’apparence (101) permet de confirmer la démonstration. En effet, même si l’on suivait le raisonnement des autorités françaises, selon lequel il n’existe pas de garantie illimitée en faveur de La Poste du fait de son statut, raisonnement que réfute la Commission, les éléments analysés ci-dessus conduisent légitimement les créanciers à croire qu’une telle garantie existe néanmoins. La théorie de l’apparence amplifie l’effet produit par la concordance d’une série d’indices.

(228)

Les principaux indices pertinents au regard de la théorie de l’apparence sont rappelés ci-après:

concernant la garantie de l’État en faveur des EPIC, différents textes (loi du 16 juillet 1980 et ses mesures d’application) ou documents officiels (documents budgétaires) autorisent le créancier à croire que l’État assumerait les dettes des EPIC en cas d’insuffisance de trésorerie ou engagerait sa responsabilité,

l’absence de clarification de l’état du droit à l’issue de l’affaire Campoloro et des premières procédures engagées par la Commission sur le statut des EPIC alimente également la confiance des créanciers quant à l’existence d’une telle garantie,

l’absence d’indication claire sur les effets d’une situation de cessation des paiements par un EPIC milite également en ce sens,

la réaction des agences de notation entre aussi dans ce cadre, en ce que des tiers, à tort ou à raison, accordent une importance au statut du débiteur pour lui attribuer une note dont le rôle est primordial en matière de financement [ceci sera démontré dans la section 4.1.2.a) de la présente décision].

(229)

Suivant les conclusions de son expert, la Commission conclut que même si, dans l’hypothèse défendue par les autorités françaises, c’était de manière erronée qu’un créancier venait à estimer que l’État est tenu de garantir les dettes des établissements publics et de La Poste en particulier, son erreur serait légitime eu égard aux éléments précités et le droit pourrait y attacher des effets. Si, par exceptionnel, le créancier ne parvenait pas à obtenir le règlement de sa créance, il serait néanmoins assuré qu’elle n’est aucunement susceptible de disparaître.

B.    Garantie sur le maintien de l’existence de La Poste et/ou de ses obligations

(230)

Ainsi qu’il sera démontré, même si, dans un délai raisonnable et après l’utilisation des procédures décrites dans la section précédente, le créancier ne parvenait pas à obtenir le règlement de sa créance, il demeure assuré qu’elle ne disparaîtra pas. Lorsqu’une société de droit privé disparaît, ses droits et obligations sont susceptibles de disparaître avec elle. La procédure de liquidation des sociétés n’offre aucune assurance de règlement des créances. La situation des établissements publics est différente. Comme démontré plus haut, il n’existe aucune procédure de disparition-liquidation des établissements publics en cessation de paiements avec extinction de leurs dettes. En cas de disparition par décision de l’autorité publique, bien qu’aucun texte ne le prévoie expressément, la pratique et certains principes fondamentaux du droit administratif tendent à démontrer que les droits et obligations des établissements publics qui disparaissent en tant que tels sont toujours repris par une autre entité et, à défaut, par l’État. Il n’existe pas de liquidation-disparition de l’établissement public par volonté de l’autorité publique avec disparition de ses droits et obligations. Dès lors, chaque créancier est certain que le droit qu’il tire de sa créance pourra être invoqué à l’encontre d’un autre organisme et que sa créance ne disparaîtra donc pas.

(231)

Cette démonstration se fonde sur l’étude pratique des évolutions organiques affectant les établissements publics. Cette étude, menée par l’expert de la Commission, montre que les dettes des établissements publics sont toujours transférées à une autre personne morale qui ne peut pas les refuser.

(232)

L’expert de la Commission a distingué trois causes de disparition des établissements publics (102): l’arrivée à terme (1), la disparition de la mission (2) et le cas le plus généralement rencontré, le transfert de la mission, impliquant nécessairement un transfert des droits et obligations (3).

a)   Les établissements publics arrivés à terme

(233)

Le cas des établissements publics arrivés à terme se rencontre rarement. Le seul exemple (103) trouvé par l’expert de la Commission montre que les droits et obligations de l’établissement public, dont notamment ses dettes (lesquelles sont expressément visées) sont transférées à d’autres personnes morales de droit public.

b)   La disparition des établissements publics par disparition de leur mission

(234)

La disparition de la mission de l’établissement public implique quasiment toujours la disparition préalable d’une mission de service public. Cela signifie que les autorités publiques ne souhaitent plus voir dans telle ou telle activité une mission d’intérêt général qu’elles doivent assumer ou assurer. Or la tendance est plutôt à identifier comme service public de plus en plus d’activités. Cela explique que ce phénomène reste d’ampleur très limitée.

(235)

Il faut cependant réserver le cas des établissements publics n’exploitant pas de mission de service public, dont la disparition par disparition de la mission n’implique pas la disparition préalable d’une mission de service public. La Poste n’entre pas dans cette dernière catégorie. En tout état de cause, même dans ce cas de figure, la pratique démontre que les droits et obligations de ces établissements sont systématiquement repris par une autre entité juridique de droit public, le plus souvent l’État lui-même, comme le montrent les nombreux textes et exemples identifiés par l’expert de la Commission (104) à partir de l’étude réalisée par S. Carpi-Petit (105).

c)   Le transfert de la mission impliquant un transfert des droits et obligations

(236)

Le transfert de la mission d’un établissement public à une autre entité impliquant un transfert des droits et obligations est le cas le plus fréquent. Le principe de continuité du service public implique un transfert des biens affectés à la mission et, par conséquent, un transfert des droits et obligations.

(237)

Un principe fondamental ressort: dès lors que la mission subsiste, les dettes de l’ancien établissement public sont transférées à l’organisme qui reprend la mission.

(238)

Le plus souvent (106), il y a dévolution de la mission à un seul organisme, ce qui a pour conséquence que le patrimoine est intégralement transféré sans faire l’objet d’un partage. Le même principe vaut dans les hypothèses de dévolution du patrimoine à une personne privée (107).

(239)

Il existe aussi des hypothèses de partage de patrimoine, démontrant là encore une continuité des droits et obligations des établissements publics.

(240)

Le décret no 74-947 du 14 novembre 1974, relatif au transfert à l’Institut de l’audiovisuel des biens, droits et obligations de l’ORTF, matérialise l’existence d’un principe de désignation d’un organisme successeur «par défaut»: article 1er«les biens, droits et obligations de l’Office de radiodiffusion-télévision française qui n’auront pas été transférés […] à l’établissement public de diffusion ou à l’une des sociétés créées par cette loi, pourront être transférés à l’Institut de l’audiovisuel à partir du 1er janvier 1975 par arrêté du Premier ministre».

(241)

Les hypothèses dans lesquelles le patrimoine est transféré en plusieurs étapes confirment la tendance précédemment mise en évidence (108).

(242)

Lorsqu’un établissement public est transformé en société anonyme, il existe plusieurs procédés de «transformation»:

la disparition-suppression: le cas le plus simple est celui de la disparitionpar suppression, l’établissement public étant alors dissous,

la disparition-substitution: la disparition par substitution, selonl’expression de B. Plessix (109), est «la suppression de l’établissementpublic [qui] s’accompagne de la création d’un nouvel être moral, auquelest confiée la mission statutaire dont l’établissement dissous était encharge. En d’autres termes, un nouvel être moral est substitué dans lesdroits et obligations de l’établissement public dissous; un nouvel êtremoral succède aux missions de l’établissement supprimé»,

la transformation sans suppression: la transformation sans suppression, ousans disparition, est une opération reposant sur l’organisation de lacontinuité de la personnalité morale transformée.

(243)

Le législateur s’est engagé ces dernières années dans la transformation sans disparition. Lors des premières transformations et surtout pour France Télécom, le législateur effectue une suppression de l’EPIC, puis procède à l’apport de l’ensemble de ses biens, droits et obligations à une nouvelle personne morale prenant la forme d’une société de droit privé (110). Puis, lors des opérations suivantes, le législateur n’opère qu’un changement de forme juridique sans création de nouvelle personne morale. Il n’y a alors pas d’apport des biens, droits et obligations de l’EPIC, ni cessation d’activité, mais organisation d’une continuité juridique par le législateur, ainsi qu’en témoignent par exemple les termes de la loi no 2004-803 du 9 août 2004, relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, en son article 25: «la transformation en sociétés d’Électricité de France et de Gaz de France n’emporte ni création de personnes morales nouvelles, ni cessation d’activité. Les biens, droits, obligations, contrats et autorisations de toute nature des sociétés Électricité de France et Gaz de France, en France et hors de France, sont ceux de chacun des établissements publics au moment de la transformation de leur forme juridique. Cette transformation ne permet aucune remise en cause de ces biens, droits, obligations, contrats et autorisations et n’a, en particulier, aucune incidence sur les contrats conclus avec des tiers par Électricité de France, Gaz de France […]. Les opérations entraînées par cette transformation ne donnent pas lieu à la perception de droits, impôts ou taxes de quelque nature que ce soit» (111).

(244)

Suivant son expert, la Commission conclut que l’analyse des différentes hypothèses de disparition des établissements publics permet de tirer les conclusions suivantes:

s’il n’existe pas de régime juridique général venant organiser la disparition des établissements publics, la pratique démontre que le texte juridique organise toujours un transfert des droits et obligations de l’établissement venant à disparaître soit vers l’État, soit vers l’entité qui reprend sa mission. À la connaissance de la Commission, il n’existe aucun exemple de texte ayant constaté la disparition des dettes,

ce sont les «droits et obligations» qui sont transférés, le terme obligations visant de manière certaine les dettes. Certains textes utilisent le terme plus vague de «patrimoine». Selon le vocabulaire juridique Cornu (112), le patrimoine est un «ensemble des biens et des obligations d’une même personne (c’est-à-dire de ses droits et charges appréciables en argent)», formulation qui inclurait également les dettes. Le seul exemple trouvé de disparition pure et simple d’un établissement public vise en tout état de cause le transfert des «dettes» elles-mêmes,

même lorsqu’il y a disparition de la mission, en pratique, les droits et obligations de l’établissement sont repris par un autre organisme,

la pratique décrite est en conformité avec l’instruction codificatrice no 02-060-M95 du 18 juillet 2002 et le Guide sur l’organisation financière des créations, transformations et suppressions des établissements publics nationaux. Même si ces textes ne concernent que les établissements dotés d’un comptable public, ce qui n’est pas le cas de La Poste, ils viennent néanmoins confirmer ce que la pratique enseigne, à savoir que les droits et obligations d’un EPIC liquidé reviennent soit à l’État, soit à la personne morale qui reprendra la mission de l’établissement.

(245)

La Commission conclut que cette analyse démontre que le créancier d’un tel établissement public peut nourrir la certitude que sa créance ne disparaîtra pas avec la disparition de l’établissement.

(246)

La démonstration ne serait pas complète sans l’examen de la question de savoir si, à l’instar des successions en droit privé, l’héritier peut refuser la succession, notamment si les dettes sont trop lourdes. Il apparaît que l’option de refuser une succession en droit administratif est très limitée.

(247)

Selon S. Carpi-Petit (113): «au contraire du droit civil qui ouvre l’option à tous les successibles, la faculté d’opter n’est pas un principe général du droit administratif des successions. Elle n’est offerte qu’à certains successibles, en fonction de la nature de l’opération réalisée. Ainsi, les transmissions impliquées par des suppressions pures et simples ne sont pas facultatives. Quant celles ouvertes par des remplacements, leur caractère facultatif dépend de la préexistence du de cujus». Pour ce qui est des suppressions pures et simples, S. Carpi-Petit déduit de son étude exhaustive que «l’absence d’option ouverte au profit de l’État est également applicable en droit administratif. Cela implique que, en ce qui concerne l’existence ou l’absence du droit d’opter, l’hypothèse la plus simple est certainement celle de la suppression d’un établissement public national sans relève de la mission. Dans ce cas, en effet, l’ayant cause est toujours l’État. S’il refuse les biens laissés par l’établissement public supprimé, ceux-ci se retrouvent nécessairement sans maître, ce qui est exclu. Par ailleurs, il n’est pas possible d’imputer la charge de la succession à un autre patrimoine. Ainsi, il n’y a pas de faculté d’opter dans le cas de la suppression pure et simple d’un établissement public national».

(248)

S’agissant des hypothèses de remplacement dans la mission, «il existe deux types de remplacement en droit administratif des successions. Dans la première hypothèse, la personne morale qui remplace la personne physique — de cujus est créée pour cette fonction. Elle constitue alors l’ayant cause universel de la succession. Il semble par conséquent naturel de lui refuser le droit d’opter».

(249)

L’expert de la Commission relève qu’on pourrait objecter à ce raisonnement, s’agissant des suppressions pures et simples d’établissements publics par suppression de la mission, que l’impossibilité pour l’État de refuser les biens n’implique pas forcément l’impossibilité de refuser les dettes. Il semble néanmoins que, s’agissant des personnes publiques, l’impossibilité de refuser une succession repose principalement sur le statut de droit public des établissements publics et non sur l’impossibilité de laisser des biens sans maître.

(250)

Suivant son expert, la Commission conclut que les dettes des établissements publics sont en pratique, toujours transférées à une autre personne morale de droit public en cas de disparition de l’établissement public qui exploitait la mission. Les créanciers de ces établissements publics, dont La Poste fait partie, sont de ce fait assurés que leurs créances non réglées ne s’éteindront pas.

C.    Conclusion sur l’existence d’une garantie étatique en faveur de La Poste

(251)

Sur le fondement des éléments apportés pour démontrer l’existence d’une garantie sur le remboursement des créances individuelles et sur le maintien de l’existence des obligations de La Poste, la Commission conclut que:

les créanciers de La Poste ne rencontrent pas les obstacles habituels dressés en droit privé et en droit public susceptibles de s’opposer au règlement d’une créance,

les créanciers de La Poste peuvent utiliser pour le recouvrement de leurs créances des procédures spécifiques autorisant l’État à contraindre l’organisme débiteur à régler la créance et permettant, le cas échéant, à l’État d’augmenter les ressources de La Poste pour le payement de la créance,

à aucun moment, le droit français ne laisse entendre aux créanciers de La Poste que celle-ci pourrait faire face à une situation définitive d’insuffisance de trésorerie,

en cas d’insuffisance de trésorerie, les documents budgétaires laissent entendre que l’État pourrait accorder une subvention exceptionnelle aux organismes du secteur public, dont La Poste fait partie,

si les procédures précédemment décrites ne permettent pas au créancier d’obtenir satisfaction, il peut engager la responsabilité de l’État pour obtenir le payement total de sa créance,

si les actions précédemment envisagées devaient s’étaler dans le temps, le créancier est certain que sa créance ne disparaîtra pas même si La Poste subissait une évolution organique comme le démontre la pratique.

(252)

Ces particularités sont intrinsèquement liées au statut d’établissement public de La Poste.

(253)

Les procédures décrites ci-dessus impliquent que l’État a un rôle de garant en dernier recours. Il peut donc être légitimement conclu que La Poste bénéficie d’une garantie illimitée de l’État français du fait de son statut d’établissement public.

(254)

La garantie illimitée de l’État en faveur de La Poste induit un transfert de ressources d’État au sens du point 2.1 de la communication de 2008 sur les garanties (114). En effet, la Poste ne paye aucune prime pour cette garantie et l’État renonce donc à la rémunération qui normalement accompagne les garanties. D’autre part, la garantie crée un risque d’engagement potentiel et futur sur les ressources de l’État qui pourrait se voir obligé de payer les dettes de La Poste (115).

(255)

Enfin, la garantie illimitée de l’État en faveur de La Poste est imputable à l’État parce qu’elle découle de la combinaison du statut de droit public de La Poste, des principes de droit national et de deux actes législatifs, à savoir la loi du 25 janvier 1985, devenue le code de commerce, et la loi du 16 juillet 1980, ainsi que ses mesures d’application.

4.1.2.   EXISTENCE D’UN AVANTAGE SÉLECTIF

(256)

La garantie est un élément essentiel du soutien de l’État, grâce auquel La Poste bénéficie de conditions de crédit plus favorables que celles qu’elle aurait obtenues si elle avait été jugée sur ses seuls mérites (a). Compte tenu du caractère illimité de la garantie, il n’est pas possible de calculer le montant de la prime de marché que La Poste devrait payer à l’État, ce qui rend inapplicable le dispositif de rétrocession proposé par les autorités françaises (b). Les conditions de crédits plus favorables obtenues par La Poste grâce à la garantie implicite de l’État constituent un avantage sélectif (c).

a)   La garantie est un élément essentiel du soutien de l’État, grâce auquel La Poste bénéficie de conditions de crédit plus favorables que celles qu’elle aurait obtenues si elle avait été jugée sur ses seuls mérites

1.   Les conditions de crédit sont fixées notamment sur le fondement de la notation financière

(257)

Les conditions de crédit sont fixées notamment sur le fondement de la notation financière (116): plus la notation d’une entreprise se dégrade à cause d’un risque d’insolvabilité accru, plus la rémunération exigée par l’investisseur sera élevée. À contrario, une entreprise bénéficiant d’un risque d’insolvabilité très faible pourra emprunter dans des conditions très favorables.

2.   Contrairement à ce qu’affirment les autorités françaises, les agences de notation estiment que la garantie est un élément déterminant du soutien de l’État à La Poste, grâce auquel cette dernière bénéficie d’une notation plus élevée que celle qu’elle aurait obtenue si elle avait été jugée sur ses seuls mérites

i)   La garantie, en tant qu’élément essentiel du soutien de l’État à la Poste, influence la notation financière de La Poste

(α)   Analyses des agences de notation (117) quant à l’existence d’une garantie de la part de l’État en faveur de La Poste

(258)

Dans une étude sur l’influence du soutien de l’État sur les notations des opérateurs postaux, datée du 22 novembre 2004, Standard and Poor’s indique que le statut légal de La Poste, qui lui assure une garantie souveraine ultime, confère aux obligations de La Poste une garantie statutaire ultime de la République française (118).

(259)

Le 3 avril 2007, Standard and Poor’s a confirmé sa conclusion selon laquelle le statut d’établissement public confère à La Poste une garantie ultime de l’État français, même si cette garantie n’est pas immédiate et explicite, ce qui est reflété dans la différenciation de la note entre La Poste et la République française (119).

(260)

Quant à Fitch, autre agence de notation de premier plan, elle a rappelé le 31 mars 2006, au moment où elle a confirmé la notation AAA attribuée à La Poste, que La Poste est un groupe public qui bénéficie de la garantie de l’État français.

(261)

Fitch a néanmoins abaissé le 17 avril 2008 la note de La Poste à AA, en fondant sa décision sur le fait que «le statut d’exploitant public de La Poste ne justifie plus que ses notes soient automatiquement alignées sur l’État». Bien que Fitch indique qu’il «ne présuppose pas l’existence d’une garantie implicite de la part de l’État», il affirme néanmoins que «l’obligation statutaire faite à l’État d’assumer les engagements de La Poste demeure». À cet égard, la Commission rappelle que du point de vue du droit de l’Union, peu importe si l’obligation de l’État de faire face aux engagements de La Poste découle de ce qu’on appelle une garantie en droit national ou d’une simple obligation statutaire. En effet, dans les deux cas de figure, il y a une garantie de l’État du point de vue du droit de l’Union [voir la communication de 2008 sur les garanties qui explique que le garanties publiques peuvent être liées à la forme juridique de l’entreprise elle-même et impliquer une couverture des pertes par l’État (120)].

(262)

Le 4 septembre 2009, Fitch indique (121): «Toutefois, comme elle l’avait indiqué lors de l’abaissement de la note de LP de “AAA” à “AA” en 2008, l’agence ne reconnaît pas l’existence d’une garantie implicite de la part de l’État, en faveur de LP, en matière de liquidité. En effet, depuis 2006, les mécanismes d’aide de l’État ne peuvent être activés que si les besoins de liquidité sont conformes aux règles européennes de concurrence; de ce fait, le statut d’exploitant public de LP ne justifie plus que ses notes soient automatiquement alignées sur celles de l’État. Ainsi, l’accès aux avances du Trésor en cas de crise de liquidité n’est plus assuré, ce qui peut sensiblement retarder le soutien de l’État en cas de besoin.» Fitch estime donc que la garantie en matière de liquidité ne peut plus être activée depuis 2006 car elle n’est pas conforme aux règles européennes de concurrence. Cela confirme que cette agence considère qu’avant cette date, une telle garantie existait et pouvait être activée. Fitch attache une importance déterminante à la lettre de la Commission du 26 février 2006 par laquelle elle avait informé la France de ses conclusions préliminaires quant à l’existence d’une garantie illimitée de l’État (122). Cependant, Fitch ne tient pas compte du fait que la Commission, par cette lettre, a qualifié la garantie d’aide existante et que la lettre du 26 février 2006 ne contient qu’une évaluation préliminaire et non contraignante quant à l’existence de cette garantie, n’empêchant en rien sa mise à exécution, le cas échéant. Ainsi, si une garantie existait avant 2006, son existence et la possibilité de son activation ne sont pas rendues caduques par la lettre de la Commission du 26 février 2006. Ceci ne serait possible que par l’abrogation de la garantie elle-même soit par la France, soit par la Commission sur le fondement d’un acte doté d’effets juridiques contraignants. En conclusion, même si Fitch estime de façon erronée que la lettre de la Commission entraîne la caducité de la garantie, Fitch continue néanmoins de reconnaître le «niveau de soutien exceptionnel que LP peut recevoir de son mandant, ainsi que de la forte probabilité qu’il lui soit fourni en cas de besoin».

(β)   La garantie, en tant qu’élément essentiel du soutien de l’État, influence la notation financière de La Poste

(263)

L’examen des analyses et méthodologies de Standard and Poor’s et Fitch montre que la garantie, en tant qu’élément déterminant du soutien de l’État, influence la notation financière.

—   Standard and Poor’s (S & P) Méthodologie

(264)

Dans l’étude susmentionnée sur l’influence du soutien de l’État sur les notations des opérateurs postaux, S & P explique qu’il détermine la méthodologie à employer pour fixer la notation d’un opérateur postal en fonction du degré estimé du soutien par l’État de cet opérateur. S & P distingue les opérateurs postaux qui bénéficient du soutien de l’État (par exemple, la poste française et la poste italienne) de ceux qui ne bénéficient d’aucun soutien de l’État (par exemple, Deutsche Post et TNT). Au sein de la catégorie des opérateurs postaux qui bénéficient du soutien de l’État, S & P détermine trois sous-catégories:

les entités dont la notation est égale à celui de l’État actionnaire: appartiennent à cette catégorie les entités hautement intégrées dans les mécanises du gouvernement et qui ne feront probablement pas l’objet d’une privatisation; aucun opérateur postal n’est classé dans cette catégorie,

les entités dont la note est déduite de celle de l’État actionnaire par une dégradation (jusqu’à deux catégories c’est-à-dire 6 notches): ce sont les entités qui, bien qu’autonomes dans leurs opérations, sont des institutions fondées sur la politique publique et qui bénéficient d’un support financier direct ou indirect substantiel, même s’il existe un haut niveau d’incertitude quant au niveau et à la rapidité dudit soutien (123); La Poste était classée dans cette catégorie au moins jusqu’au moment où l’étude fut publiée,

les entités dont la notation est fondée sur les mérites propres de l’entité avec une augmentation de la note en fonction du soutien de l’État. La classification dans cette troisième catégorie suppose que l’opérateur postal bénéficie d’un soutien de l’État, mais plutôt sous la forme de politiques, régulation ou d’une possible intervention en cas d’urgence que sous la forme d’une subvention financière régulière directe.

(265)

Dans cette même étude, S & P explique qu’il évalue le soutien que l’État apporte à l’opérateur postal (donc la méthodologie à employer pour déterminer la note dudit opérateur et donc in fine la notation) en fonction de quatre facteurs, qui sont cités dans l’ordre suivant: le statut de l’opérateur, la probabilité de sa privatisation, sa gouvernance et le régime de régulation. Concernant le statut, S & P cite justement le cas de la poste française, en soulignant le soutien «extrêmement fort» de l’État et en ajoutant immédiatement après que La Poste bénéficie d’une garantie statutaire ultime de la République française (124).

(266)

S & P illustre donc la force du soutien «extrêmement fort» apporté par l’État français à La Poste par l’existence d’une garantie statutaire ultime. De ce soutien extrêmement fort, S & P déduit que la note de La Poste peut être déterminée à partir de celle de la République française avec une dégradation pouvant aller au maximum jusqu’à trois catégories, c’est-à-dire 6 notches. En effet, la notation attribuée par S & P à La Poste, bien que progressivement dégradée, n’a jamais été inférieure de plus de 4 notches à la notation de la République française (noté AAA) (125).

(267)

La Commission déduit de ce qui précède que la garantie de l’État dont bénéficie La Poste constitue un élément fondamental dans l’appréciation de S & P selon laquelle La Poste bénéficie d’un «soutien extrêmement fort» de l’État. Or c’est en raison de ce soutien «extrêmement fort» que S & P applique une méthodologie «top-down» à La Poste. Si S & P appliquait une méthodologie «bottom-up», ou pire, n’octroyait aucune augmentation à La Poste de sa notation du fait du soutien de l’État ainsi que c’est le cas pour Deutsche Post et TNT, La Poste aurait une notation inférieure à la notation qu’elle a actuellement. En effet, dans l’étude sur l’influence du soutien de l’État sur la notation des opérateurs postaux, S & P estime que les performances commerciales et financière de Deutsche Poste et TNT sont meilleures que celles de La Poste. Pourtant, les notations de Deutsche Post et de TNT, citées dans l’étude de S & P, sont inférieures à celle de La Poste. Si La Poste était évaluée sur ses mérites propres, elle aurait donc une notation inférieure à celle qu’elle a actuellement grâce au soutien «extrêmement fort» de l’État que S & P illustre par l’existence de la garantie statutaire ultime.

—   Dernières notations

(268)

Dans son évaluation de La Poste en date du 3 avril 2007, S & P mentionne le changement de structure de capital impliquant un changement de statut et une perte de la garantie comme un élément pris en compte dans sa notation (126). S & P précise qu’il prend déjà en compte le changement probable de ces trois éléments (structure du capital, statut juridique et garantie) à long terme. En attendant ce changement, S & P continue d’appliquer une méthodologie «top-down». Or il a été démontré dans le paragraphe précédent que grâce à cette méthodologie, La Poste peut obtenir et obtient une meilleure notation que celle qu’elle aurait obtenue sur le fondement de ses mérites propres.

(269)

La Commission admet néanmoins que dans la même analyse du 3 avril 2007, S & P souligne que la notation de La Poste n’a pas été affectée par la recommandation de la Commission car S & P considère qu’un changement dans le statut de La Poste ne reflèterait pas nécessairement une baisse du soutien de l’État qui fonde la notation de La Poste et que ceci a été démontré par les récentes décisions du gouvernement (127). La Commission relève qu’il existe d’autres éléments que la garantie qui sont pris en compte par S & P lorsque ce dernier arrive à la conclusion que La Poste bénéficie d’un fort soutien de l’État justifiant une méthodologie «top-down». Ces éléments peuvent contrebalancer les pressions qui existent sur le statut de La Poste et qui font anticiper à S & P un changement du statut et une disparition de la garantie à long terme. Il n’en demeure pas moins que S & P considère la garantie comme un élément essentiel du soutien de l’État, ce qui influence la notation.

(270)

Dans son évaluation du 21 janvier 2009, qui a suivi l’annonce faite le 18 décembre 2008 par le président de la République française d’un projet de loi transformant La Poste en société anonyme, S & P a abaissé la note de La Poste à A + avec une perspective négative. La perspective négative a été justifiée par le changement probable dans les deux années à venir du statut légal et de la structure de propriété de l’entreprise (128). Selon S & P, ces initiatives pourraient limiter les possibilités pour l’État de fournir à l’opérateur un soutien exceptionnel en cas de besoin. À nouveau, le statut, auquel la garantie est associée, est cité comme un signe du soutien fort que l’État apporte à La Poste.

—   Fitch Ratings

(271)

Fitch a fondé la note AAA, attribuée à La Poste jusqu’au 17 avril 2008, sur le fait que La Poste est un groupe public qui bénéficie de la garantie de l’État français.

(272)

Le 4 octobre 2006, le jour où la Commission a recommandé à la France de mettre fin à la garantie illimitée dont bénéficie La Poste en tant que personne morale de droit public, l’agence de notation Fitch a revu sa note à la baisse (de AAA stable à AAA négatif), au motif qu’il faut interpréter «la recommandation de la Commission européenne comme le premier signe tangible de pression sur le statut juridique de La Poste et donc, sur ses notes». Cette dégradation de la notation, ainsi que la justification qui en est donnée par Fitch, illustre le lien entre le statut et la garantie dont La Poste bénéficie d’une part et la notation donnée par Fitch d’autre part.

(273)

Le 17 avril 2008, Fitch a abaissé la note à AA. Fitch continue néanmoins à appliquer une méthodologie «top-down», qu’il justifie par le fait que La Poste appartient au secteur public. Comme indiqué plus haut, Fitch a fondé sa décision sur le fait que «le statut d’exploitant public de La Poste ne justifie plus que ses notes soient automatiquement alignées sur l’État». Fitch explique que les notations de La Poste reposent désormais sur la relation de soutien entre la maison mère, en l’occurrence l’État, et sa filiale, La Poste. Fitch utilise à présent également méthodologie «top-down»: la notation de La Poste n’est plus la même que celle du souverain, mais considérant le fort soutien de l’État à La Poste, dont l’obligation statutaire d’assumer les engagements de La Poste constitue un élément essentiel, la notation de La Poste se déduit de celle du souverain et non seulement sur le fondement de la situation économique de l’entreprise. Cette approche, ainsi que la note, ont été confirmées par l’évaluation en date du 4 septembre 2009.

—   Conclusion

(274)

Des analyses précédentes, la Commission conclut que la garantie statutaire ultime de l’État en faveur de La Poste est considérée par Fitch au moins jusqu’en 2008 et par S & P comme un élément essentiel du soutien apporté par l’État à La Poste. Or c’est en raison de ce soutien que les agences de notation ont adopté une méthodologie «top-down», qui a résulté pour La Poste en une notation plus élevée que ce qu’elle aurait obtenu sur le seul fondement de ses propres mérites. La Commission considère donc que la garantie constitue ou a constitué un élément essentiel de la notation de La Poste, même si ce n’est pas le seul élément. Or, dans la mesure où Fitch et S & P sont deux importantes agences de notation et où il est établi que le marché prend en compte leur notation pour évaluer le crédit à accorder à une entreprise donnée, une notation par ces agences (par l’une ou l’autre ou par les deux) meilleure que celle qui aurait été donnée en l’absence de la garantie, est susceptible de produire un avantage pour La Poste quelle n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché.

ii)   Réfutation des arguments des autorités françaises

(α)   Le caractère essentiel de l’existence d’une garantie implicite dans la notation des entités soumises aux dispositions de la loi de 1980 n’est pas contredit par le constat selon lequel leur notation peut être inférieure à celle du souverain

(275)

Les autorités françaises contestent l’impact économique des dispositions de la loi du 16 juillet 1980 en arguant que si les dispositions de la loi du 16 juillet 1980 étaient interprétées par les agences comme instituant au profit des créanciers des personnes morales visées un mécanisme assimilable à une garantie de l’État, on verrait mal comment des collectivités territoriales pourraient être notées BBB + ou AA-. Par ailleurs, les autorités françaises voient difficilement comment La Poste, si elle bénéficiait de la garantie de l’État pourrait avoir une notation inférieure à celle de l’État (129).

(276)

À cet égard, la Commission renvoie à l’analyse de S & P en date du 22 novembre 2004 sur l’influence du soutien de l’État sur la notation des entités postales, à celle en date du 14 juin 2006 sur la notation des entités liées à l’État (130), ainsi qu’à l’étude de 2007 sur La Poste. Selon ces analyses, la notation d’une entreprise qui bénéficie d’un fort soutien de l’État découle de la notation attribuée à l’État; toutefois, elle peut être abaissée de deux catégories (ou 6 notches) dans la mesure où les liens financiers entre ladite entreprise et l’État peuvent évoluer à moyen ou long terme (131). La notation inférieure de La Poste par rapport à l’État peut donc s’expliquer par le fait que S & P anticipe une baisse du soutien de l’État dans les années à venir, ce qui montre bien que le soutien de l’État, dont la garantie est un élément essentiel, permet à La Poste d’obtenir une meilleure note que ce qu’elle aurait autrement obtenu.

(277)

S & P ajoute qu’en 1991, La Poste est devenue une entité autonome de droit public avec un statut d’établissement public, ce qui assure à La Poste une garantie ultime de l’État sur ses obligations, mais pas une garantie immédiate et explicite ainsi que le reflète la différence de notation entre La Poste et la République française (132). Ainsi, bien que S & P dégrade la notation de La Poste par rapport à celle de l’État, S & P considère bel et bien que La Poste bénéficie d’une garantie implicite de l’État du fait de son statut d’établissement public et ceci a une influence directe sur la méthode employée pour fixer la notation.

(278)

Les raisons susmentionnées expliquent pourquoi S & P a décidé de différencier la note de La Poste de celle de l’État. Cependant, la Commission n’est pas tenue de prendre position sur l’analyse des raisons expliquant la différence de la note entre État et collectivités territoriales, étant donné que cette question ne fait pas l’objet de la présente enquête.

(β)   Les autorités françaises tirent des conclusions erronées car elles ne raisonnent pas «toutes choses étant égales par ailleurs»

(279)

Selon les autorités françaises, les analyses des agences de notation reposeraient non pas sur une analyse juridique mais sur une appréciation subjective de ce que serait le soutien de l’État en cas de difficulté de La Poste. Pour étayer cette affirmation, la France renvoie à l’analyse de S & P en date du 3 avril 2007. Comme précisé plus haut, S & P y indique qu’après l’annonce par la Commission de sa lettre recommandant la fin de la garantie, la notation de La Poste a été inchangée car S & P considère qu’un changement de statut de La Poste ne reflèterait pas nécessairement une baisse du soutien fort de l’État qui fonde la notation de La Poste et qui a été réaffirmé par les récentes décisions du gouvernement (133).

(280)

La Commission reconnaît qu’il existe d’autres éléments que la garantie qui sont pris en compte par S & P lorsque ce dernier arrive à la conclusion que La Poste bénéficie d’un fort soutien de l’État justifiant une méthodologie «top-down». Dans le cas présent, les récentes décisions du gouvernement, à savoir notamment, la résolution de la question du financement des retraites des fonctionnaires, le maintien des services réservés à La Poste, le soutien à la distribution du livret A et l’augmentation des tarifs postaux (qui par ailleurs constituent aussi des actes d’autorité publique sinon des aides d’État à part entière), ont pu contrebalancer l’effet de la lettre de recommandation de la Commission. Ceci ne signifie pas que la lettre de recommandation de la Commission et plus généralement les pressions exercées sur le changement de statut de La Poste et donc sur la garantie dont La Poste bénéficie ne sont pas pris en compte par les agences de notation. Naturellement, ces pressions sont prises en compte et analysées comme un affaiblissement du soutien que l’État pourrait apporter à La Poste: elles influencent donc la notation. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le 4 octobre 2006, le jour où la Commission a demandé à la France de mettre fin à la garantie illimitée dont bénéficie La Poste en tant que personne morale de droit public, l’agence de notation Fitch a revu sa note à la baisse (de AAA stable à AAA négatif), au motif qu’il faut interpréter «la recommandation de la Commission européenne comme le premier signe tangible de pression sur le statut juridique de La Poste et donc, sur ses notes», ce qui confirme que le statut juridique est un élément clé.

(281)

Afin d’illustrer la nécessité de raisonner toutes choses étant égales par ailleurs, la Commission rappelle que S & P, dans la même note de 2007, a également précisé qu’un changement dans la structure de propriété de La Poste (et donc une perte de la garantie) conduirait à un changement dans la méthodologie appliquée pour déterminer la notation, mais que ce changement ne conduirait pas nécessairement à changer la note de La Poste, étant donné l’amélioration attendue de la situation intrinsèque de La Poste dans les années à venir( (134). Cela semble confirmer qu’en l’absence de ce statut, pour maintenir la même note La Poste devra améliorer sa situation intrinsèque. En revanche, dans l’hypothèse où la situation intrinsèque de La Poste demeurerait constante, l’affaiblissement du soutien donné par l’État à La Poste devrait conduire à abaisser la note de cette dernière (135).

(γ)   Les arguments des autorités françaises, tendant à démontrer que le statut de La Poste et la garantie qui en résulte ne sont pas les seuls éléments prisen compte par les agences de notation, n’invalident en rien la démonstration de la Commission

(282)

La plupart des observations des autorités françaises destinées à montrer la prétendue «absence d’effet de la garantie sur la notation de La Poste» (136) reviennent uniquement à montrer que la garantie n’est pas le seul élément pris en compte par les agences de notation. Or, ce point est admis par la Commission: il n’invalide en rien le constat selon lequel la garantie est prise en compte par les agences de notation lorsqu’elles déterminent la notation des opérateurs postaux. Par ailleurs, les autorités françaises ne raisonnent pas toutes choses étant égales par ailleurs.

—   Arguments des autorités françaises tirés de la doctrine des agences sur la notation des entités postales

(283)

Les autorités françaises examinent la méthodologie employée par les agences de notation à partir de la note de S & P sur l’influence du soutien de l’État sur la notation des opérateurs postaux (137). Elles soulignent que dans la classification décrite par S & P, l’appartenance à la catégorie 1 répond à des critères larges, mais ne fait pas référence au statut de l’opérateur noté. Les autorités françaises en concluent que le statut ne constitue pas un élément important d’analyse pour les agences de notation.

(284)

La Commission conteste cette analyse et relève que S & P définit clairement le statut des opérateurs comme un des éléments clés pour évaluer l’intensité du soutien de l’État (voir considérants 264 à 267 sur la méthodologie de S & P).

(285)

Par ailleurs, les autorités françaises soulignent que la poste italienne a été classée par S & P dans la même catégorie que La Poste, bien qu’ayant un statut de droit privé et des performances financières ne justifiant pas le classement dans cette catégorie (138).

(286)

Le constat selon lequel un opérateur postal sous statut de droit privé, en l’occurrence Poste Italiane, peut être considéré par une agence de notation comme bénéficiant d’un fort soutien de l’État et être classé dans la même catégorie que La Poste n’invalide en rien la démonstration de la Commission visant à établir que l’existence d’une garantie découlant du statut de La Poste est prise en compte par les agences de notation. En effet, la Commission reconnaît que des entités postales, comme Poste Italiane, peuvent bénéficier de la classification dans la même catégorie que La Poste sans bénéficier d’une garantie dans la mesure où d’autres éléments attestent qu’elles bénéficient également d’un fort soutien de l’État. Pour démontrer que la garantie n’a aucune influence sur la notation, il aurait fallu démontrer que Poste Italiane et La Poste étaient dans une situation strictement comparable au regard des différents éléments pris en compte par les agences de notation pour estimer le soutien de l’État et que la seule différence existant entre les deux entités est l’existence d’une garantie au bénéfice de La Poste. En d’autres termes, pour que la comparaison ait un sens, il est nécessaire d’établir que «toutes choses sont égales par ailleurs», ce que n’ont pas fait les autorités françaises.

(287)

En outre, même si les autorités françaises avaient démontré que les situations de Poste Italiane et de La Poste sont strictement comparables — hormis l’existence d’une garantie au bénéfice de la poste française — (ce qui n’a pas été démontré), l’on note que S & P porte en tout état de cause une appréciation différente sur le degré de soutien apporté par l’État italien et l’État français à leurs postes respectives. En effet, S & P estime que le soutien potentiel apporté par l’État italien à Poste Italiane est «fort», alors que le soutien apporté par l’État français à La Poste est «extrêmement fort» (139). La Commission n’exclut pas qu’il faille voir dans cette différence d’appréciation l’influence de la garantie, dont l’existence a été rappelée par S & P dans la même note juste après l’affirmation selon laquelle La Poste bénéficie d’un soutien extrêmement fort (140). En tout état de cause, il n’y a pas lieu de tirer de conclusion à propos des raisons pour lesquelles Poste Italiane a été à un moment donné classée dans la même catégorie que La Poste. En effet, d’une part, la présente procédure ne porte pas sur ces raisons. D’autre part, la multiplicité des éléments devant être pris en compte par les agences de notation dans l’évaluation ne permet pas conclure sur l’effet spécifique de la présence ou non d’une garantie statutaire ultime sur la notation.

—   Arguments des autorités françaises tirés des notations de la sphère privée

(288)

Les autorités françaises rappellent que «la sphère privée regorge de cas dans lesquels la notation d’une filiale est liée à celle de la mère». Elles concluent que ce type d’approche ne constituerait donc pas une particularité du statut public.

(289)

La Commission ne conteste pas que la notation d’une filiale puisse être liée à celle de sa maison mère, y compris dans le secteur privé et en particulier au degré de soutien estimé que la maison mère est disposée à offrir à sa filiale, qui peut éventuellement se manifester par des engagements de garantie pris par la première. Cet argument ne fait que confirmer l’analyse de la Commission. Il illustre en effet que le statut d’établissement public, ainsi que la garantie qui en découle, est un élément démontrant le soutien de l’État qui a été pris en compte par les agences lors de la notation de La Poste.

—   Arguments des autorités françaises tirés de la notation de La Poste

(290)

Les autorités françaises soulignent également qu’en 2005, la notation de La Poste a été dégradée par S & P à AA- assortie d’une perspective stable, alors qu’aucune évolution du statut n’est intervenue. Les autorités françaises concluent que la notation de La Poste n’est pas qu’une conséquence de son statut (141). Les autorités françaises relèvent également que la note de S & P du 3 avril 2007 sur La Poste que les deux éléments mentionnés par S & P à l’appui de la notation sont l’importance économique des missions de service public et le «strong shareholding backing» et non le statut (142).

(291)

Ainsi qu’indiqué ci-dessus, la Commission reconnaît que l’existence d’une garantie n’est pas le seul élément pris en compte par les agences de notation lorsqu’elles évaluent le degré de soutien que les autorités publiques sont prêtes à apporter à une entreprise qui connaîtrait des difficultés. En s’appuyant sur l’étude de S & P sur l’influence du soutien du gouvernement sur les notations des opérateurs postaux (143), la Commission a néanmoins montré que l’existence d’une garantie est prise en compte par les agences de notation comme un élément essentiel du soutien apporté par l’État à La Poste.

(292)

À cet égard, la Commission conteste l’analyse des autorités françaises selon laquelle le «strong shareholder backing» mentionné par S & P dans sa note du 3 avril 2007 serait distinct de la question du statut public et de la garantie. En effet, de l’étude sur l’influence du soutien de l’État sur la notation des opérateurs postaux, il découle que le statut et la garantie sont bien des éléments essentiels pour estimer le soutien apporté par l’État à La Poste.

(293)

La Commission conteste également l’interprétation par les autorités françaises de la note d’avril 2007 selon laquelle S & P a choisi une méthodologie «top-down» uniquement sur le fondement de son hypothèse selon laquelle La Poste devrait rester actionnaire de La Poste à 100 % à moyen terme et aucunement sur le fondement du statut de droit public de La Poste et de la garantie attachée à ce statut. La Commission rappelle qu’un «changement à venir probable dans la structure du capital», qui, selon les termes de S & P, entraînerait une perte du statut d’établissement public et de la garantie attachée à ce statut, est explicitement pris en compte par S & P dans sa notation (144). Il est donc clair que pour S & P, ce n’est pas seulement le changement de structure du capital qui importe, mais également les implications (perte du statut public et de la garantie), le changement de structure de capital constituant le pas le plus avancé dans le mouvement d’autonomie croissante de La Poste par rapport à l’État.

3.   Les conditions de crédit effectivement obtenues par La Poste

(294)

Les autorités françaises argumentent que l’annonce par la Commission de l’existence de la garantie et de sa suppression prochaine par voie de conséquence n’ont eu aucun effet sur les conditions de financement de La Poste. En effet, cette dernière a obtenu, lors de l’émission d’un emprunt obligataire en octobre 2006, juste après l’annonce par la Commission de sa recommandation de mesures utiles, d’un «spread» sur «mid swap» (145) de 12 points de base pour l’émission à 15 ans et de 4 points de base pour l’émission à 7 ans. Or la précédente émission obligataire, réalisée en 2004, portant sur une obligation à 15 ans, avait conduit à un «spread» de 8 points de base sur le «mid swap». Les autorités françaises concluent que les conditions de financement de La Poste ne reposent pas sur l’existence en droit, ou en fait, d’une garantie.

(295)

La Commission estime que la conclusion des autorités françaises selon laquelle l’annonce de la Commission n’a eu aucun effet sur les conditions de financements n’est pas fondée, puisqu’on constate au contraire une détérioration du «spread», qui passe de 8 points à 12 points.

(296)

Par ailleurs, même dans l’hypothèse où le «spread» se serait réduit, ce qui n’est pas le cas, la Commission a des doutes sur les conclusions que l’on pourrait en tirer quant à l’influence de l’annonce de la Commission sur les coûts de financement de La Poste, bien d’autres éléments étant également pris en compte par les investisseurs, comme par exemple la structure financière de La Poste qui a pu évoluer entre 2004 et 2006.

(297)

Par ailleurs, même si les conditions de financement avant et après l’annonce de la Commission avaient été identiques ou bien si la différence n’avait pas été significative, cela ne prouverait en rien que la garantie n’influence pas les conditions de crédit. En effet, au moment de l’émission mentionnée par les autorités françaises, la garantie dont bénéficiait La Poste était qualifiée d’aide existante. Elle demeurait donc valide et couvrait les émissions. La garantie devient une aide illégale, le cas échéant, seulement à partir de la date fixée par la présente décision pour sa suppression.

(298)

Enfin, dès lors que la Commission a démontré que la garantie découlant du statut de La Poste est susceptible de procurer un avantage à cette dernière à cause de l’influence positive sur sa notation, la Commission estime qu’elle n’a pas à démontrer les effets concrets que cette garantie a eus dans le passé. En effet, il est un principe constant du régime des aides d’État que la Commission n’a pas à prouver les effets réels des aides, car dans ce cas, les États membres qui ne notifient pas les aides seraient avantagés par rapport à ceux qu’ils le font (146). En effet, un État membre notifiant une garantie illimitée se verrait interdire la mesure à cause de ses seuls effets potentiels, alors qu’un État qui ne l’aurait pas notifiée pourrait se défendre en démontrant que, concrètement, la garantie n’a pas procuré d’avantages à son bénéficiaire. Par ailleurs, comme pour les mesures nouvelles, la Commission doit évaluer la compatibilité des mesures existantes avec les règles du traité pour l’avenir et ne doit pas nécessairement démontrer que dans le passé la mesure a produit des effets incompatibles avec le traité (147). Par ailleurs, la Commission ne peut pas ordonner la récupération des avantages éventuellement déjà octroyés par une aide existante. Par conséquent, une démonstration des effets concrets de la garantie sur les conditions de crédit n’est pas non plus requise.

b)   Compte tenu du caractère illimité de la garantie, il n’est pas possible de calculer le montant de la prime de marché que La Poste devrait payer à l’État, ce qui rend inapplicable le dispositif de rétrocession proposé par les autorités françaises

(299)

Sur le fondement de ce qui précède, la Commission conclut que la garantie dont bénéficie La Poste est illimitée en ce qui concerne la durée, le montant et l’ampleur et n’est pas rémunérée. De surcroît, elle couvre à la fois les activités de service postal universel et les activités concurrentielles. La Commission considère que, compte tenu du caractère illimité de la garantie de l’État en faveur de La Poste et conformément à la pratique décisionnelle de la Commission (148), il n’est pas possible de calculer le montant de la prime de marché que La Poste devrait payer à l’État pour l’octroi de cette garantie illimitée. En effet, pour toute garantie, l’aide est accordée au moment où la garantie est offerte. Or, dans le cas d’une garantie illimitée, qui peut potentiellement couvrir toutes les dettes de l’entreprise et pour un période indéterminée, il est impossible de déterminer par avance le montant de l’aide accordé au moment de l’octroi et donc de calculer une prime de marché adéquate (149). Ceci rend inapplicable le dispositif de rétrocession proposé par les autorités françaises.

c)   Les conditions de crédits plus favorables obtenues par La Poste grâce à la garantie implicite de l’État constituent un avantage sélectif

(300)

L’avantage est sélectif puisque les concurrents de La Poste n’en bénéficient pas: les concurrents de La Poste sont en effet soumis aux procédures judiciaires de redressement et de liquidation; ils ne bénéficient pas de la garantie illimitée de l’État liée au statut d’établissement public.

4.1.3.   DISTORSION DE LA CONCURRENCE ET AFFECTATION DES ÉCHANGES

(301)

La mesure examinée est susceptible de conduire à une réduction des coûts de fonctionnement de La Poste, ce qui aurait pour effet de favoriser La Poste et donc de fausser la concurrence au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE. En outre, vu que les secteurs dans lesquels La Poste est active, notamment la distribution des colis, des envois non adressés ainsi que des lettres dont la distribution n’est pas réservée à La Poste, sont largement ouverts aux échanges intracommunautaires, de telles mesures pourraient avoir un impact défavorable sur les entreprises qui ont, ou qui souhaitent développer, une activité économique similaire en France. À cet égard, il convient de noter qu’en application de la directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l’amélioration de la qualité du service telle que modifiée par les directives 2002/39/CE et 2008/6/CE (150) (ci-après «la directive postale»), l’ensemble des services postaux devront être soumis à la concurrence en France au plus tard le 1er janvier 2011. Dans ces conditions, l’existence d’une garantie illimitée de l’État en faveur de La Poste est susceptible de fausser la concurrence et d’affecter les échanges au sens de l’article 107, paragraphe 1 du TFUE.

4.1.4.   CONCLUSION QUANT À LA NATURE D’AIDE DE LA MESURE

(302)

La garantie de l’État en faveur de La Poste du fait de son statut d’établissement public induit donc un transfert de ressources d’État imputable à l’État et fausse ou menace de fausser la concurrence et les échanges entre États membres en favorisant La Poste. La Commission conclut que cette garantie constitue une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1 du TFUE.

4.2.   COMPATIBILITÉ

(303)

Étant donné que la mesure examinée tombe dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE, il est nécessaire d’examiner si cette mesure peut être déclarée compatible par la Commission au titre des dérogations prévues par les articles 107, paragraphes 2 et 3, et 106, paragraphe 2, du TFUE.

(304)

Il apparaît que la garantie illimitée de l’État en faveur de La Poste ne remplit aucune des conditions d’application des exemptions prévues à l’article 107, paragraphe 2, du TFUE, étant donné que la mesure examinée n’est destinée à aucun des objectifs prévus par ces dérogations.

(305)

Au titre de l’article 107, paragraphe 3, point a), du TFUE, une mesure d’aide peut être déclarée compatible avec le marché intérieur lorsqu’elle est destinée à promouvoir le développement économique de régions communautaires où le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi. Étant donné que la garantie illimitée de l’État en faveur de La Poste est une mesure individuelle octroyée de manière discrétionnaire, qui ne poursuit aucun objectif régional, qu’elle est illimitée dans le temps, qu’elle n’est liée à aucun investissement et qu’elle n’est pas dégressive, la dérogation prévue à l’article 107, paragraphe 3, point a), du TFUE ne s’applique pas.

(306)

S’agissant des dérogations prévues à l’article 107, paragraphe 3, points b) et d), du TFUE, l’aide en question n’est pas destinée à promouvoir la réalisation d’un projet important d’intérêt européen ou à remédier à une perturbation grave de l’économie française. La garantie illimitée de l’État en faveur de La Poste n’est pas non plus destinée à promouvoir la culture et la préservation du patrimoine.

(307)

La dérogation prévue à l’article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE dispose qu’une aide peut être considérée comme compatible si elle est destinée à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elle n’altère pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun. La garantie illimitée de l’État en faveur de La Poste ne concerne ni un investissement, ni de la création d’emploi et constitue, par conséquent, une aide opérationnelle et inconditionnelle. Conformément à sa pratique décisionnelle, la Commission ne peut considérer une telle aide comme destinée à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques.

(308)

Enfin, la garantie illimitée de l’État en faveur de La Poste ne peut être considérée comme compatible sur la base de l’article 106, paragraphe 2, du TFUE. Cette dérogation prévoit que les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ou présentant le caractère d’un monopole fiscal sont soumises aux règles du traité, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union.

(309)

La législation française a confié à La Poste des obligations de service public. À ce titre, l’opérateur postal pourrait percevoir une compensation financière ou jouir de certaines prérogatives dérogeant à certaines règles de droit généralement applicables. Toutefois, de telles mesures financières ou prérogatives doivent être limitées à ce qui est nécessaire pour compenser les coûts additionnels pour La Poste au titre des obligations de service public.

(310)

L’encadrement communautaire des aides d’État sous la forme de compensation de service public définit les conditions dans lesquelles la Commission considère une telle compensation compatible au titre de l’article 106, paragraphe 2, du TFUE. En particulier, la compensation versée ne peut excéder les coûts de fourniture du service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations.

(311)

En l’espèce, une telle analyse supposerait une valorisation de marché de la garantie illimitée de l’État en faveur de La Poste de manière à vérifier que sa valeur ne dépasse pas les coûts nets de fourniture du service postal universel. Or, compte tenu du fait que cette garantie est illimitée, cette analyse est impossible à effectuer, ce qui exclut l’application de la dérogation prévue à l’article 106, paragraphe 2, du TFUE.

(312)

En outre, quand bien même une telle valorisation serait possible, elle ne pourrait bénéficier qu’aux activités couvertes par la mission de «service postal universel». Or, la garantie illimitée de l’État dans sa forme actuelle couvre toutes les activités de La Poste, en ce compris les activités non couvertes par la mission de «service postal universel».

(313)

La Commission est d’avis que le développement des échanges est de ce fait affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union.

(314)

Entre outre, la France n’a pas invoqué d’éléments démontrant la compatibilité de la mesure avec les articles 107, paragraphe 2 ou 3, ou 106, paragraphe 2, du TFUE, mais s’est contentée de contester l’existence de la garantie. Elle n’a donc pas démontré la compatibilité de l’aide alors que la charge de la preuve lui revient en application de la jurisprudence.

(315)

En conclusion, la mesure en cause, même amendée suivant les propositions françaises concernant la clarification du décret d’application de la loi de 1980 et l’inclusion d’une clause limitative dans les contrats de La Poste impliquant une créance, constitue une aide d’État existante au sens de l’article 1er, point b), du règlement (CE) no 659/1999 et, conformément à la pratique décisionnelle de la Commission concernant les garanties illimitées d’État octroyées à des entreprises en charge d’activités économiques (151), cette aide ne remplit aucune des conditions d’application des dérogations prévues par le TFUE. Par conséquent, la garantie illimitée de l’État susmentionnée est incompatible avec le marché intérieur.

4.3.   NEUTRALITÉ EN CE QUI CONCERNE LE RÉGIME DE LA PROPRIÉTÉ

(316)

La Commission, par cette conclusion, ne remet en aucune façon en cause l’appartenance à l’État de La Poste, ni ne conteste le statut de personne morale de droit public en tant que tel. La Commission estime simplement problématique la garantie qui découle de ce statut, en l’état actuel du droit français, pour La Poste.

(317)

Aux termes de l’article 345 du TFUE, l’Union est neutre en ce qui concerne le régime de la propriété dans les États membres et aucune disposition du traité ne fait obstacle à ce que l’État détienne (entièrement ou partiellement) des entreprises. Cela étant, les règles de concurrence doivent s’appliquer de la même manière aux entreprises privées et aux entreprises publiques. Aucun de ces deux types d’entreprises ne saurait être avantagé ou désavantagé par l’application de ses règles. Dans le cas présent, la garantie ne résulte pas de la propriété mais du statut juridique de l’entreprise. Les États membres sont libres de choisir la forme juridique des entreprises mais doivent, dans leur choix, respecter les règles de concurrence du traité. En particulier, le simple fait que la garantie de l’État soit automatiquement liée à un statut juridique particulier n’empêche pas ladite garantie de constituer une aide d’État aux termes de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE si les conditions applicables sont réunies (152). Cette conclusion n’est pas affectée par l’article 345 du TFUE. Au contraire, dans un scénario concurrentiel, le principe de neutralité impliquerait la suppression de tout avantage injustifié au bénéfice des entreprises publiques au détriment de leurs concurrents privés. Une approche identique a été suivie par la Commission, à titre d’illustration, dans le cas concernant les institutions publiques de crédit en Allemagne (153) ainsi que dans le cas relatif à EDF (154).

4.4.   LE PROJET DE LOI RELATIF À LA POSTE ET AUX ACTIVITÉS POSTALES

(318)

Dans leur lettre en date du 31 juillet 2009, les autorités françaises ont communiqué à la Commission le projet de loi relatif à La Poste et aux activités postales, adopté par le Conseil des ministres du 29 juillet 2009, fixant la transformation de La Poste en société anonyme au 1er janvier 2010.

(319)

Un amendement à ce projet de loi a par la suite été adopté reportant la date de transformation de la Poste en société anonyme au mois de mars 2010.

(320)

Dans son article premier, deuxième alinéa, le projet de loi amendé, qui modifie la loi no 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de La Poste et France Télécom, établit que: «La personne morale de droit public La Poste est transformée à compter du 1er mars 2010 en une société anonyme dénommée La Poste […]».

(321)

Les autorités françaises ont précisé que la transformation de La Poste en société anonyme aura pour effet de la soumettre au droit commun applicable aux entreprises en redressement ou liquidation judiciaires.

(322)

La Commission convient que la transformation effective de La Poste en société anonyme prévue par le projet de loi transmis par les autorités françaises supprimera, de ce fait, la garantie illimitée dont elle bénéficie. La Commission considère que cette transformation constitue une mesure apte à éliminer, conformément au droit communautaire, l’aide d’État dont bénéficie actuellement La Poste.

(323)

L’adoption du projet de loi par le Parlement est prévue pour le mois de janvier 2010. Le 4 octobre 2006, conformément à l’article 18 du règlement de procédure, la Commission avait demandé la suppression de la garantie illimitée au plus tard le 31 décembre 2008 Considérant toutefois les circonstances de l’espèce et le fait que les discussions avec les autorités françaises se sont prolongées jusqu’au mois d’octobre 2009 ainsi que le temps nécessaire pour approuver les actes juridiques mettant fin à cette garantie, la Commission estime qu’il est raisonnable de demander aux autorités françaises de supprimer effectivement la garantie illimitée au plus tard le 31 mars 2010,

A ADOPTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

La garantie illimitée octroyée par la France à La Poste constitue une aide d’État incompatible avec le marché intérieur. La France supprime cette aide au plus tard le 31 mars 2010.

Article 2

La Commission considère que la transformation effective de La Poste en société anonyme supprimera de ce fait la garantie illimitée dont celle-ci bénéficie. La suppression effective de cette garantie illimitée au plus tard le 31 mars 2010 constitue une mesure apte à éliminer, conformément au droit de l’Union, l’aide d’État constatée à l’article premier.

Article 3

Dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, la France communique à la Commission une description détaillée des mesures déjà prises et prévues pour se conformer à la présente décision.

Article 4

La République française est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 26 janvier 2010.

Par la Commission

Neelie KROES

Membre de la Commission


(1)  À compter du 1er décembre 2009, les articles 87 et 88 du traité CE sont devenus respectivement les articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne («TFUE»). Dans les deux cas, les dispositions sont, en substance, identiques. Aux fins de la présente décision, les références faites aux articles 107 et 108 du TFUE s’entendent, s’il y a lieu, comme faites respectivement aux articles 87 et 88 du traité CE.

(2)  JO C 135 du 3.6.2008, p. 7.

(3)  Cas N 531/05, Mesures liées à la création de la Banque Postale (JO C 21 du 28.1.2006, p. 2).

(4)  JO L 83 du 27.3.1999, p. 1.

(5)  Étant donné que la qualification d’aide existante a déjà été motivée aux considérants 93 à 97 de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen de l’aide (voir note 2 de bas de page) et que la Commission n’a reçu aucune observation sur ce point, la Commission ne revient plus sur cette question et se limite simplement à confirmer l’évaluation préliminaire contenue dans ladite décision.

(6)  JORF du 17 juillet 1980, p. 1799.

(7)  JORF du 14 mai 1981.

(8)  Voir note 2 de bas de page.

(9)  JORF du 8 juillet 1990.

(10)  En France, outre les pouvoirs publics eux-mêmes comme l’État et les collectivités locales, il existe deux catégories principales de personnes morales de droit public: les établissements publics et les groupes d’intérêt public, institués par la loi no 82-610 du 15 juillet 1982. Au sein des «établissements publics», il est possible d’opérer une distinction de principe entre les établissements publics à caractère administratif (EPA), qui assurent les missions traditionnelles de l’administration, et les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC), qui exercent des activités de nature économique.

(11)  La Cour de cassation a retenu le principe établi par un arrêt de la Cour d’appel de Douai du 22 octobre 1998 qui assimile La Poste à un établissement public à caractère industriel et commercial.

(12)  Dans un rapport au Sénat français de 2003, la Commission des affaires économiques souligne que: «Chacun sait que la maison mère La Poste relève, depuis la réforme de 1990, d’un statut assimilable à celui d’établissement public industriel et commercial.»

(13)  Voir notamment l’arrêt de la Cour de cassation du 21 décembre 1987 (1re chambre civile).

(14)  JORF du 26 janvier 1985, p. 1097.

(15)  Cour administrative d’appel, Paris 15 février 1991, JCP E1991, pan. 742; Cour de cassation, Soc. 6 novembre 1991, JCP E1992, pan. 85, Bull. V no 476.

(16)  Il s’agit des délais mentionnés dans l’alinéa 3 de l’article 3-1 dudit décret.

(17)  L’article 10 du décret no 2008-479 dispose que «lorsque la mise en demeure est restée sans effet à l’expiration de ces délais, le représentant de l’État ou l’autorité chargée de la tutelle procède à l’inscription de la dépense au budget de la collectivité ou de l’établissement public défaillant. Il dégage, le cas échéant, les ressources nécessaires soit en réduisant des crédits affectés à d’autres dépenses et encore libres d’emploi, soit en augmentant les ressources. Si, dans le délai de huit jours après la notification de l’inscription du crédit, la collectivité territoriale ou l’établissement public n’a pas procédé au mandatement de la somme due, le représentant de l’État ou l’autorité chargée de la tutelle y procède d’office dans le délai d’un mois».

(18)  JORF du 20 février 1990.

(19)  Bulletin officiel de la comptabilité publique. NOR: BUD R 02 00060 J.

(20)  Voir chapitre 3 de l’Instruction codificatrice No 02-060-M95 du 18 juillet 2002 sur la réglementation financière et comptable des établissements publics nationaux à caractère industriel et commercial, Bulletin officiel de la comptabilité publique.

(21)  Voir partie IV, B: «Quelles dispositions juridiques prévoir?», p. 21.

(22)  Créé en 1965, l’ERAP est un EPIC dont l’objet social est de prendre, à la demande de l’État, des participations dans des entreprises des secteurs de l’énergie, de la pharmacie et des télécommunications.

(23)  Voir article «Fitch attribue la note préliminaire AAA au programme EMTN garanti de EU-10 MD de ERAP». Consultable sur le site internet de l’ERAP: www.erap.fr/pdf/CP_Fitch_Ratings_fr.pdf/

(24)  Voir article «Moody’s attribue la notation AAA au programme d’EMTN de l’ERAP portant sur 10 milliards d’euros». Consultable sur le site internet de l’ERAP: www.erap.fr/pdf/CP_Fitch_Ratings_fr.pdf/

(25)  En application de l’article 15 de la loi no 90-568 du 2 juillet 1990, la comptabilité de La Poste obéit aux règles applicables aux entreprises du commerce.

(26)  Voir article «Fitch attribue la note préliminaire AAA au programme EMTN garanti de EU-10 MD de ERAP».

(27)  Voir notamment les lettres des autorités françaises des 24 avril 2006, 6 décembre 2006, 16 janvier 2007, 1er février 2007 et 19 mars 2007.

(28)  Voir partie III de la lettre des autorités françaises du 23 janvier 2008.

(29)  Conseil d’État, 1er avril 1938, Société de l’hôtel d’Albe, Recueil du Conseil d’État, p. 341. Voir considérant 33 de la décision d’ouverture.

(30)  Conseil d’État, 10 novembre 1999, Société de gestion du port de Campoloro, Recueil du Conseil d’État, p. 348; Conseil d’État, 18 novembre 2005, Société de gestion du port de Campoloro, Recueil du Conseil d’État, p. 515. Voir considérant 34 de la décision d’ouverture.

(31)  JORF no 177 du 2 août 2001, p. 12480.

(32)  Voir partie IIIB de la note transmise par les autorités françaises le 23 janvier 2008 et observations transmises par les autorités françaises le 27 octobre 2009.

(33)  Voir note des autorités françaises transmise le 27 octobre 2009.

(34)  D. Labetoulle, La responsabilité des AAI dotées de la personnalité juridique: coup d’arrêt à l’idée de «garantie de l’État», dans RJEP/CJEG no 635 octobre 2006.

(35)  Voir partie IV de la lettre des autorités françaises du 23 janvier 2008.

(36)  Voir paragraphe 78 de la lettre des autorités françaises du 23 janvier 2008.

(37)  P. Bon, Le préfet face à l’inexécution par une collectivité territoriale d’un jugement la condamnant pécuniairement, dans RFDA — mars avril 2006, p. 341. C. Landais et F. Lenica, «Le pouvoir de substitution du préfet en cas d’inexécution de la chose jugée par les collectivités territoriales», dans AJDA, 23 janvier 2006, p. 137.

(38)  Conseil d’État, 10 novembre 1999, Société de gestion du port de Campoloro, précité.

(39)  Conseil d’État, 18 novembre 2005, Société de gestion du port de Campoloro, précité.

(40)  Conseil d’État, 30 novembre 1923, Rec. p. 789.

(41)  Des parties de ce texte ont été omises afin de garantir qu’aucune information confidentielle ne soit communiquée. Ces parties sont indiquées par des points de suspension entre crochets, suivis d'une astérisque.

(42)  Communication de la Commission sur l’application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d’État sous forme de garanties (JO C 71 du 11.3.2000, p. 14).

(43)  Selon les autorités françaises, le respect de ces critères est suffisant pour écarter l’existence de tout avantage, mais non nécessaire. Notamment, il serait contre intuitif de considérer que l’existence alléguée d’un doute sur la procédure applicable en cas d’insolvabilité puisse se traduire par de meilleures conditions de financement.

(44)  Article L. 643-11 du code de commerce.

(45)  «Category 1: equalization of ratings with those of the state owner. This first category includes those entities […], generally loss making or with poor financial profiles, and extremely unlikely to be privatized […] given the nature of their activity, as well as their home country’s economic, social and political environment. None of the postal companies currently rated by Standard & Poor’s falls into this category […].»

(46)  «Category 2: notching down with respect to the state owner’s rating. […] La Poste and Poste Italiane currently fall within this category.»

(47)  «Category 3: notching up from the postal entity’s stand-alone rating. […] The entity’s postal activities are still a key public service, but the clear aim of the entity is to achieve a high level of operational and financial independence, either through privatization or commercial autonomy (state ownership, but independent management) […].»

(48)  «Standard & Poor’s Ratings Services lowered its counterparty credit […] ratings on French issuer AGF […] to “A” from “A+” […], following a review of AGF’s parent, the Munich-based Allianz group (AA-/Negative/A-1+). […] The downgrade of AGF, the holding company, is not specific to any issues within the French franchise and generally reflects the Allianz group’s financial leverage and fixed-charge coverage, which are increasingly aggressive relative to the group’s ratings and are a result of the group’s weakened consolidated capital base and reduced earnings.»

(49)  «The ratings also take into account the unchallenged status of both it and its parent, Germany- based Volkswagen Financial Services AG (VWFS), as core and captive finance entities to VW» et «the ratings on VW Bank could moderately diverge (generally not more than one notch) from the ratings on VW or VWFS; currently only its outlook differs».

(50)  «The ratings on Germany-based Volkswagen Financial Services AG (VWFS) are based on its unchallenged status as a core subsidiary of German automaker Volkswagen AG (VW; A- /Negative/A-2) and reflect its strategic importance for and close operational integration into its parent.»

(51)  «La notation d’une entreprise qui bénéficie d’un fort soutien de l’État […] peut être abaissée de deux catégories dans la mesure où les liens financiers entre ladite compagnie et l’État peuvent évoluer à moyen ou long terme.»

(52)  Similairement, selon les autorités françaises, le «fort soutien de l’État» mentionné par la Commission au considérant 84 de la décision d’ouverture est sans rapport avec le statut de l’entreprise ou un quelconque mécanisme de garantie, mais renvoie à des décisions comme la création de La Banque Postale ou la réforme du financement des retraites, qui visent à donner à La Poste les moyens de se développer sur un pied d’égalité avec ses concurrents et «at arm’s length» avec l’État. Cependant, certaines de ces mesures constituent elles-mêmes des aides d’État d’un montant considérable (voir notamment la décision de la Commission du 10 décembre 2007 concernant la réforme du mode de financement des retraites des fonctionnaires de l’État rattachés à La Poste). Par conséquent, elles ne peuvent pas être des indices de l’intérêt de l’État au développement de La Poste dans des conditions «at arm’s length».

(53)  «A change in the group’s ownership structure would lead Standard & Poor’s to shift to a bottom- up rating approach, focusing more on LP’s stand-alone business and financial profiles. This rating approach may not necessarily translate into rating changes given the expected improvement in LP’s stand-alone situation in the coming years.»

(54)  «The ratings could come under pressure if the group significantly underperforms its operational and financial trajectory at the dawn of full postal deregulation, or if an ownership changes occur sooner than we expect.»

(55)  «The EC recently recommended that the French government end this guarantee by year-end 2008, which they believe provides LP with more favorable financing conditions than its competitors in a market in the process of being liberalized.»

(56)  «The ratings on La Poste were unaffected by this recommendation since we consider that a change in La Poste’s status would not necessarily reflect a decrease in the strong state support that underpins LP’s ratings and that has been reaffirmed by recent government decisions.»

(57)  Selon les autorités françaises, le «spread» sur «mid swap» fut de 12 points de base pour l’émission à 15 ans (soit 33 points de base sur OAT) et de 4 points de base pour l’émission à 7 ans. À titre de comparaison, les autorités françaises indiquent que la précédente émission obligataire, réalisée en 2004, portait sur une obligation à 15 ans de 580 millions d'EUR et avait conduit à un «spread» de 8 points de base sur «mid swap». Le «mid swap» est la médiane entre le taux offert et le taux proposé par les banques à un instant pour leurs échanges interbancaires par maturité, c’est-à-dire le taux fixe qu’une banque est prête à échanger contre un euribor 6 mois en règle générale. Ce taux constitue la référence de marché pour les émissions obligataires notamment.

(58)  Décret no 81-501. Au moment où les autorités françaises ont fait leur proposition, le décret d’application était le décret no 81-501 du 12 mai 1981 pris pour l’application de la loi du 16 juillet 1980 relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l’exécution des jugements par les personnes morales de droit public et relatif à la «section du rapport et des études» du Conseil d’État.

(59)  Conseil d’État, 16 novembre 1998, Sille: «Considérant, en premier lieu, que, comme l’ont décidé les premiers juges, si la responsabilité de la puissance publique peut se trouver engagée, même sans faute, sur le fondement du principe de l’égalité des citoyens devant les charges publiques, au cas où une mesure légalement prise a pour effet d’entraîner au détriment d’une personne physique ou morale un préjudice spécial et d’une certaine gravité, il n’en est pas ainsi en l’espèce dès lors que M. Sille, en sa qualité de professionnel de l’immobilier, ne pouvait ignorer les aléas qui pèsent nécessairement sur la réalisation d’un programme immobilier tel que celui qui était projeté en l’espèce et pour la réalisation duquel il fallait notamment modifier les dispositions du plan d’occupation des sols et obtenir l’accord du conseil municipal que M. Sille devait normalement envisager l’éventualité où, face aux résultats négatifs de l’enquête publique et à l’hostilité rencontrée par le projet, celui-ci serait abandonné par la commune; qu’ayant assumé ce risque en toute connaissance de cause, il ne saurait utilement soutenir qu’il a subi un préjudice anormal et que la commune doit supporter les conséquences onéreuses résultant pour lui de la renonciation au projet».

(60)  Conseil d’État, 10 juillet 1996, Meunier: «En estimant qu’il résultait du choix d’installer le commerce dans un tel endroit et d’une lettre du maire relative à la possibilité de mouvements de terrain que l’intéressé avait accepté en connaissance de cause les risques d’instabilité auxquels son établissement était exposé, la cour administrative d’appel a porté une appréciation souveraine. En estimant que le préjudice résultant d’une situation à laquelle l’intéressé s’était sciemment exposé ne lui ouvrait pas droit à réparation, elle n’a pas méconnu les règles qui régissent la responsabilité des personnes publiques».

(61)  Voir, pour plus de détails, les considérants 11 à 13 de la décision d’ouverture.

(62)  JO C 155 du 20.6.2008, p. 10.

(63)  Voir section 3.1.1 A de la présente décision.

(64)  Voir note 29 de bas de page.

(65)  Voir note 30 de bas de page.

(66)  Voir considérant 110 de la décision du Conseil constitutionnel no 2001-448 du 25 juillet 2001: «Considérant que, si l’article 61 a pu, sur le fondement de l’article 34 de la Constitution, prévoir l’obligation d’autoriser en loi de finances, dans un délai de trois ans, toute garantie accordée par l’État, afin d’assurer la clarté sur ses engagements financiers, la sanction d’un éventuel défaut d’autorisation ne saurait être la caducité des garanties concernées; qu’en effet, une telle conséquence serait de nature à porter atteinte à l’égalité devant les charges publiques et, en cas de lésion d’une particulière gravité, au droit de propriété; qu’il ressort au demeurant des travaux parlementaires que l’article 61 a pour objet d’assurer l’information du Parlement sur les garanties accordées par l’État et non de frapper de caducité celles qui, accordées dans le passé, n’auraient pas été autorisées dans les délais prévus; que, dans ces conditions, l’article 61 n’est pas contraire à la Constitution».

(67)  Considérant cité à la note précédente.

(68)  Arrêt du Tribunal du 26 juin 2008, SIC/Commission, T-442/03, Recueil 2008, p. II-1161, points 124 à 127. Voir également la communication sur les garanties.

(69)  Voir paragraphes 62 à 68 de la note des autorités françaises en date du 23 janvier 2008.

(70)  Voir note 34 de bas de page.

(71)  Section 4.1.1 A b) 3) de la présente décision.

(72)  Voir note 39 de bas de page de la décision d’ouverture. La note n’est pas publique, mais elle fut mentionnée dans le rapport pour 1995.

(73)  Cette partie de la note a été rendue publique par les rédacteurs du Rapport pour 1995 (p. 219).

(74)  Note des autorités françaises transmise à la Commission le 9 septembre 2008.

(75)  Voir le point 5 de l’annexe à cette note qui mentionne des actes différents dont par exemple «la lettre ministérielle ou toute autre base».

(76)  Rappelons que le jugement de clôture pour insuffisance d’actifs sans sanction à l’issue d’une procédure judiciaire de liquidation emporte l’interdiction pour le créancier de reprendre les poursuites: sa créance est donc définitivement perdue.

(77)  Voir considérant 147 de la présente décision.

(78)  Les termes des textes applicables, la loi du 16 juillet 1980, le décret du 20 mai 2008 remplaçant le décret du 12 mai 1981 et la circulaire du 16 octobre 1989, ont été rappelés dans la section de la présente décision relative à la description de la mesure.

(79)  Voir section 3.1.1 B) a) 1) de la présente décision, qui elle-même se réfère à la section IV.A.1, p. 19-20 de la lettre du 23 janvier 2008 des autorités françaises.

(80)  En effet, ainsi que le souligne l’expert de la Commission, dans l’hypothèse où les ressources de l’établissement public sont insuffisantes, les possibilités permettant à l’autorité de tutelle de pourvoir à la situation sont limitées. Les ressources nécessaires peuvent tout d’abord provenir de ressources existantes affectées à d’autres dépenses et désaffectées pour honorer la dette. Elles peuvent ensuite provenir de la cession des biens ou de l’augmentation des tarifs si ces procédés sont envisageables. L’établissement public peut aussi contracter un prêt. Toutefois, si ces quelques possibilités ne sont pas envisageables, il ne reste que la solution d’une dotation de l’État actionnaire.

(81)  Dans l’hypothèse où il n’existe pas d’exigence de continuité de service public.

(82)  Rapport de l’expert, section I.2.A.2, p. 18.

(83)  Article L. 620-1 du code de commerce.

(84)  L’article L. 640-1 du code de commerce dispose que «il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l’article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible».

(85)  La Poste a vu ses biens déclassés par la loi du 11 décembre 2001, dite loi Murcef. Néanmoins cette loi dispose que «lorsque les conditions de la cession ou de l’apport d’un bien compromettent la bonne exécution par La Poste de ses obligations législatives et réglementaires ou des engagements pris dans le cadre de son contrat de plan […], l’État s’oppose à la cession ou à l’apport ou subordonne leur réalisation à la condition qu’ils ne portent pas préjudice à la bonne exécution desdites obligations».

(86)  Les tarifs des prestations relevant du secteur réservé sont approuvés par l’ARCEP, le régulateur postal. Les tarifs des prestations relevant du secteur universel sont encadrés par l’ARCEP.

(87)  Voir section 4.1.1 A b) 3) de la présente décision.

(88)  Voir paragraphes 112 et 113 de la note transmise par les autorités françaises le 23 janvier 2008.

(89)  Voir section 4.1.1 A b) 3) de la présente décision.

(90)  Selon l’autorité de régulation française (l’ARCEP), le champ de la régulation s’étend aux activités de services postaux qui comprennent la levée, le tri, l’acheminement et la distribution des envois postaux dans le cadre de tournées régulières. En sont exclus: la distribution de publicité non adressée, la course urbaine et le transport exprès.

(91)  Voir présentation stratégique du projet annuel de performances.

(92)  Pour plus de précisions sur la position des autorités françaises, voir notamment section 3.1.1 B a) 2) de la présente décision.

(93)  Cour administrative d’appel, Lyon, 6 juin 1996, Société fermière de Campoloro, no 95LY00935.

(94)  P. Bon, cité dans la note 37 de bas de page.

(95)  Voir note 37 de bas de page.

(96)  Voir note 34 de bas de page.

(97)  No 57516/00.

(98)  Série A no 37.

(99)  Voir note transmise le 27 octobre 2009.

(100)  Conseil d’État, 29 décembre 2004, Société d’aménagement des coteaux de Saint-Blaine, no 257804: l’indemnisation des servitudes d’utilité publique est possible lorsque le propriétaire supporte une charge spéciale et exorbitante hors de proportion avec l’objectif d’intérêt général poursuivi.

Cour administrative d’appel, Bordeaux, 14 octobre 2003, M. et Mme Claude X, no 99BX01530: l’interruption de la circulation automobile sur des voies communales endommagées à la suite d’un glissement de terrain peut occasionner un préjudice anormal et spécial au propriétaire enclavé. Le juge administratif considère notamment que la durée du préjudice (la circulation a été interrompue pendant sept mois le temps de réaliser les travaux) confère à celui-ci un caractère anormal et spécial qui dépasse les charges que les deux usagers de la voie publique doivent normalement s upporter et doit en conséquence être indemnisé.

Tribunal administratif, Montpellier, 23 juin 1999, M. Van der Velden, no 97-03716: la fermeture définitive d’un camping en raison du risque majeur d’inondation a causé au propriétaire un préjudice anormal et spécial de nature à lui ouvrir le droit à réparation dans la mesure où cette fermeture a provoqué la cessation de l’unique activité professionnelle de l’intéressé et la perte totale de son fonds de commerce.

(101)  La notion d’erreur légitime de nature à faire produire des effets de droits est liée à la théorie de l’apparence. Selon le vocabulaire juridique Cornu, l’apparence est «l’aspect résultant — intentionnellement ou non — de la réunion de signes extérieurs par lesquels se manifestent ordinairement un état, une fonction (qualité de mandataire, d’héritier, de propriétaire, etc.) et qui font croire que la personne parée de ces signes a réellement cet état ou cette fonction». La théorie de l’apparence est une «théorie prétorienne en vertu de laquelle la seule apparence suffit à produire des effets à l’égard des tiers qui, par suite d’une erreur légitime, ont ignoré la réalité». La théorie de l’apparence est utilisée en jurisprudence et a même conduit à des solutions très célèbres (CEDH, 7 juin 2001, Kress). Elle est utilisée en droit privé lorsqu’il faut faire produire des effets de droit à un contrat dont l’une des parties s’est fiée légitimement à une simple apparence. On peut aussi citer l’exemple du domicile apparent, ou, en droit public, celui des fonctionnaires de fait dont les décisions sont susceptibles de demeurer régulières. Elle présente l’avantage de faciliter la démonstration de l’existence d’un attribut juridique ou d’un effet de droit lorsque aucun texte n’affirme expressément et explicitement sa présence.

(102)  Distinction réalisée à partir des développements de la thèse de S. Carpi-Petit, Les successions en droit administratif, PUR, 2006.

(103)  Cela ressort de l’arrêté du 15 juillet 2002 (JORF du 23 juillet 2002) fixant les modalités de liquidation de l’université thématique d’Agen, dont l’article 1 dispose que le liquidateur est chargé «de proposer au ministre chargé de l’enseignement supérieur la répartition entre les universités Bordeaux I et Bordeaux IV des biens, des créances, des dettes et du solde du compte de liquidation subsistant à l’issue de la période de liquidation».

(104)  

Décret no 53-404 du 11 mai 1953 portant mise en liquidation de la Caisse de compensation pour la décentralisation de l’industrie aéronautique, JORF du 12 mai 1953, article 3: «conformément à l’article 7 du décret du 24 mai 1938 susvisé, les installations et les équipements appartenant à la caisse ainsi que les sommes restant disponibles après apurement du passif, deviendront la propriété de l’État» (ici, il est évident que le solde est positif).

Décret no 75-926 du 6 octobre 1975 relatif à la suppression de la bourse d’échanges de logements, article 2: «les opérations de paiement des dettes de recouvrement des créances et de liquidation des biens de la bourse d’échanges de logements, ainsi que,» s’il y échet, les actions en justice tant en demande qu’en défense la concernant seront de la compétence du ministre de l’économie et des finances. Les écritures seront passées sur un compte spécial du Trésor 904.14 intitulé «Liquidation d’établissements publics de l’État, d’organismes para-administratifs ou professionnels et liquidations diverses».

Décret no 81-1009 du 12 novembre 1981 portant suppression de l’Institut Auguste Comte pour l’étude des sciences et de l’action: le boni éventuel de liquidation est reversé à l’État.

Décret no 83-1185 du 27 décembre 1983 portant dissolution de l’établissement public chargé de l’aménagement de la ville nouvelle de Lille-Est: «l’actif et le passif de l’établissement public d’aménagement de la ville nouvelle de Lille-Est sont transférés à cette date à la communauté urbaine de Lille dans les conditions fixées par la convention en date du 5 décembre 1983 susvisée, à l’exception des biens énumérés à l’annexe du présent décret qui sont transférés à l’institut de recherche des transports».

Décret no 83-1263 du 30 décembre 1983 relatif à la dissolution du service national d’examen des permis de conduire: les opérations sont retracées dans le compte spécial du Trésor «Liquidation d’établissements publics».

Décret no 87-590 du 30 juin 1987 fixant les conditions de liquidation du Centre mondial informatique et ressources humaines, article 1er: «à compter du 1er juillet 1987, date de dissolution du Centre mondial informatique et ressources humaines (CMIRH), les biens meubles ainsi que les droits et obligations de cet établissement sont dévolus à l’État».

Décret du 17 novembre 1987 relatif à la dissolution du Centre d’étude des systèmes et des technologies avancées (JORF du 18 novembre 1987) et décret no 87-1167 du 31 décembre 1987 fixant les conditions de liquidation, article 1er: «les biens, droits et obligations du Centre d’études des systèmes et technologies avancées (CESTA) sont dévolues à l’État à compter du 1er janvier 1988, date de dissolution de cet établissement».

Arrêté du 28 septembre 1988 fixant les conditions de l’achèvement de la liquidation de l’Agence de l’informatique (JORF du 23 décembre 1988): les opérations de liquidation sont assurées par le ministre de l’industrie et de l’aménagement du territoire.

Décret no 93-775 du 26 mars 1993 relatif à la suppression de l’établissement public dénommé «Musée de la Poste» (JORF du 30 mars 1993): transfert des droits et obligations à La Poste.

Décret du 26 décembre 1996 portant dissolution de l’établissement public Caisse française des matières premières (JORF du 29 décembre 2006): «les biens, droits et obligations de cet établissement sont transférés à l’État».

Décret no 97-882 du 26 septembre 1997 portant liquidation de l’Établissement public du centre de conférences international de Paris: le solde de liquidation est reversé à l’État.

Décret no 99-1151 du 29 décembre 1999 portant dissolution de l’Établissement public du Musée national de la Légion d’honneur, article 2: «les missions ainsi que les biens, droits et obligations de cet établissement public sont transférés à compter de la même date à l’ordre national de la légion d’honneur».

Décret no 2000-1126 du 22 novembre 2000 portant dévolution du solde de liquidation de l’Établissement public d’aménagement de la ville nouvelle du Vaudreuil: le solde est transféré au budget de l’État et l’article 2 précise que «les droits et obligations nés de l’activité de l’établissement ou durant la période de liquidation et non connus à la fin de la période de liquidation sont transférés à l’État».

Décret no 2001-1383 du 31 décembre 2001 portant dissolution de l’Établissement public chargé de l’aménagement des rives de l’Étang de Berre: l’article 6 prévoit qu’un décret déterminera le transfert à l’État des éléments d’actif et de passif subsistant à la clôture du compte de liquidation ainsi que des droits et obligations nés de l’activité ou durant la période de liquidation et non connus à la fin de celle-ci. Le décret no 2004-234 du 17 mars 2004 portant diverses dispositions relatives à la liquidation de l’Établissement public chargé de l’aménagement des rives de l’Étang de Berre transfère à l’État des «contentieux nés de l’activité».

Décret du 29 avril 2004 portant dissolution du Syndicat mixte pour le développement de la zone industrielle et portuaire Eure-Calvados (JORF du 6 mai 2004) article 4: «les charges existant à la date de liquidation du syndicat mixte sont réparties entre ses membres, en conformité avec ses statuts».

(105)  S. Carpi-Petit, Les successions en droit administratif, PUR, 2006.

(106)  

Arrêté du 24 février 2004 portant dissolution des Houillères de bassin du centre et du Midi (JORF du 28 février 2004): transfert des activités, biens, droits et obligations à Charbonnage de France.

Ordonnance no 59-80 du 7 janvier 1959 portant réorganisation des monopoles fiscaux des tabacs et allumettes: création de l’établissement public SEITA avec dotation.

Décret no 65-116 du 17 décembre 1965 relatif au regroupement de la Régie autonome des pétroles et du Bureau de recherches du pétrole: «l’ensemble des biens, droits et obligations de la Régie autonome des pétroles et du Bureau de recherches de pétrole est de plein droit transféré à l’entreprise de recherches et d’activités pétrolières».

Décret no 67-796 relatif au regroupement des Mines domaniales de potasse d’Alsace et de l’Office national industriel de l’Azote, article 2: «l’ensemble des biens, droits et obligations des Mines domaniales de potasse d’Alsace et de l’Office national industriel de l’azote est de plein droit transféré à l’Entreprise minière et chimique».

Décret no 68-369 du 16 avril 1968 portant fusion des Houillères du bassin du centre et du midi: «l’ensemble des biens, droits et obligations des houillères de bassin ainsi supprimées est de plein droit transféré aux Houillères du bassin du centre et du midi».

Décret no 69-69 du 24 janvier 1969 relatif au transfert de l’ORTF: «à compter du 1er janvier 1969 les biens mobiliers et immobiliers, droits et obligations de l’Office de coopération radiophonique sont transférés à l’ORTF».

Décret no 93-1176 du 13 octobre 1993 portant dissolution de l’Établissement public de l’Opéra de la Bastille, article 2 «les biens, droits et obligations de l’Établissement public de l’Opéra de la Bastille sont transférés à l’Établissement public du parc de La Villette».

Décret no 2000-1294 du 26 décembre 2000 portant dissolution de l’Établissement public chargé de l’aménagement de la ville nouvelle d’Évry et transfert de ses droits et obligations à l’Agence foncière et technique de la région parisienne, article 2: «l’actif et le passif de l’Établissement public chargé de l’aménagement de la Ville nouvelle d’Évry sont transférés à cette date à l’Agence foncière et technique de la région parisienne» […] «elle assume l’ensemble des droits et obligations se rattachant à l’activité exercée par l’Établissement public».

Décret no 2004-103 du 30 janvier 2004 relatif à Ubifrance, Agence française pour le développement international des entreprises: «transfert à UbiIFrance […] des droits, obligations, biens immobiliers et mobiliers du Centre français du commerce extérieur».

Loi no 2004-105 du 3 février 2004 portant création de l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, article 6: «Sous réserve de la dissolution, par délibération de son assemblée générale, de l’association dénommée “Association nationale de gestion des retraités des Charbonnages de France et des Houillères du bassin ainsi que de leurs ayants droit”, les biens, droits et obligations de cette association sont transférés à l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs».

Décret no 2004-186 du 26 février 2004 portant création de l’Université en sciences des organisations et de la décision de Paris-Dauphine«les biens, droits et obligations de l’Université Paris IX sont transférés à l’Université Paris-Dauphine».

(107)  

Loi no 80-495 du 2 juillet 1980 portant modification du statut du Service d’exploitation industrielle des tabacs et allumettes: article 2 «le patrimoine de l’établissement à caractère industriel et commercial dénommé “Service d’exploitation industriel des tabacs et allumettes” est apporté à la société créée par la présente loi, selon les modalités fixées par l’autorité compétente».

Voir également le décret no 80-1025 du 19 décembre 1980 relatif aux apports de biens, droits et obligations de la Caisse nationale des marchés de l’État, des collectivités et établissements publics à la société dite CEPME.

Loi no 88-50 du 18 janvier 1988 relative à la mutualisation de la Caisse nationale de crédit agricole, article 1er: «Le patrimoine de la Caisse nationale de crédit agricole et celui du Fonds commun de garantie sont dévolus à la société prévue au premier alinéa ci-dessus, titulaire de l’ensemble des droits et obligations de la Caisse nationale et du Fonds commun de garantie, avec les garanties et sûretés qui leur sont attachées».

Décret du 19 avril 1989 autorisant le Centre d’études des systèmes d’information des administrations à faire apport de l’ensemble de ses biens, droits et obligations à une société anonyme dénommée Cesia et portant dissolution de cet établissement.

Loi no 92-665 du 16 juillet 1992 portant adaptation au marché unique européen de la législation applicable en matière d’assurance et de crédit: apport à une société anonyme de l’ensemble des biens, droits et obligations de l’EPIC Caisse nationale de prévoyance.

Décret no 2001-1213 du 19 décembre 2001 autorisant l’établissement public de l’État dénommé «Agence pour la diffusion de l’information technologique» à faire apport de son patrimoine à une société anonyme portant le même nom, portant dissolution de cet établissement public et autorisant le transfert au secteur privé de cette société.

(108)  On peut se référer à l’exemple de l’opération de suppression de la Caisse nationale des marchés de l’État, des collectivités et établissements publics: le décret no 80-1025 du 19 décembre 1980 dispose que les biens, droits et obligations, de l’établissement public sont apportés à une société anonyme (CEPME) et l’établissement public reçoit des actions en échange. Puis, par décret no 80- 1076 du 23 décembre 1980 l’établissement public est supprimé et son patrimoine est apporté à l’État. Le même mécanisme est mis en place pour la suppression de l’Agence pour la diffusion de l’information technologique (Décret no 2001-1213 du 19 décembre 2001).

(109)  «Établissements publics», J-cl. admi. fasc. 135, 2007.

(110)  Par exemple, loi no 80-495 du 2 juillet 1980 relative à la transformation du Service d’exploitation des tabacs et allumettes en société nationale; Loi no 96-660 du 26 juillet 1996 relative à l’entreprise nationale France Télécom, article 1er: «La personne morale de droit public France Télécom mentionnée à l’article 1er est transformée à compter du 31 décembre 1996 en une entreprise nationale dénommée France Télécom, dont l’État détient directement plus de la moitié du capital social»; «Les biens, droits et obligations de la personne morale de droit public France Télécom sont transférés de plein droit, au 31 décembre 1996, à l’entreprise nationale France Télécom». Cette procédure est évidemment la seule envisageable lorsque c’est un service de l’État doté d’un budget annexe qui est «transformé» en société de droit privé. Loi no 93-1419 du 31 décembre 1993 relative à l’Imprimerie nationale, article 1er: «L’ensemble des droits», biens et obligations de l’État attachés aux missions des services relevant du budget annexe de l’Imprimerie nationale est apporté à une société nationale, dénommée «Imprimerie nationale»; plus récemment, article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001, no 2001-1276 du 28 décembre 2001, transformant le service à compétence nationale DCN en société anonyme et lui apportant les droits, biens et obligations de l’État relatifs au service.

(111)  Il est procédé de la même manière pour ADP par la loi no 2005-357 du 20 avril 2005, relative aux aéroports, article 1er: «L’établissement public Aéroports de Paris est transformé en société anonyme. Cette transformation n’emporte ni création d’une personne morale nouvelle, ni conséquence sur le régime juridique auquel sont soumis les personnels».

(112)  G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF.

(113)  Voir S. Carpi-Petit, Les successions en droit administratif, précité, p. 207.

(114)  Voir note 61 de bas de page.

(115)  Arrêt du Tribunal, EPAC/Commission, affaires jointes T-204/97 et T-270/97, Recueil 2000, p. II- 2267, points 80 et 81.

(116)  La notation financière est le passage obligé du financement des entreprises sur les marchés des capitaux; elle est en outre de plus en plus utilisée comme référence pour les emprunts bancaires. Voir à ce propos la note 46 de bas de page de la décision d’ouverture de la procédure.

(117)  Il s’agit de Standard & Poor’s et Fitch, deux des plus importantes agences de notation de niveau mondial.

(118)  Extrait de «International Postal Entities: Influence of government support on ratings» Standard and Poor’s, 22 novembre 2004: «La Poste’s legal status, which ensures a last-recourse sovereign guarantee, confers the ultimate statutory guarantee of the Republic of France on its obligations».

(119)  Extrait de «Ratings direct» sur La Poste, S & P, 3 avril 2007: «In 1991, LP previously part of the government bureaucracy became an independent publicly owned entity with EP status, which ensures LP an ultimate state guarantee on its obligations, but not a timely and explicit guarantee as reflected by the rating differentiation between LP and the Republic of France».

(120)  Voir point 1.2, deuxième et quatrième tirets, de la communication sur les garanties.

(121)  Voir article «Fitch confirme la note “AA” attribuée à La Poste», Fitch Ratings, Paris/Londres, le 4 septembre 2009.

(122)  Voir considérant 2 de la présente décision.

(123)  Extrait de «International Postal Entities: Influence of government support on ratings». Standard and Poor’s, 22 novembre 2004: «Category 2: notching down with respect to the state owner’s ratings. The second category includes those entities that, while autonomous in their operations, are largely public-policy-based institutions, still in receipt of substantial direct or indirect financial backing from the State. There is, however, a high level of uncertainty surrounding the level and/or timeliness of this state support. A top-down approach that assumes notching down from the sovereign rating by up to two categories (six notches) applies to such postal entities. La Poste and Poste Italiane currently fall within this category.».

(124)  Extrait de «International Postal Entities: Influence of government support on ratings». Standard and Poor’s. 22 novembre 2004: «Unlike the credit quality of companies that operate in a commercial manner at arm’s length from the government, like SingPost, Deutsche Post or TPG, a major factor underpinning La Poste’s robust credit quality is its extremely strong State support. La Poste’s legal status confers the ultimate statutory guarantee of the Republic of France (AAAA/Stable/A-1+) on its obligations».

(125)  La dernière dégradation de la note de La Poste a été effectuée le 21 janvier 2009, peu de temps après que le président de la République française a annoncé la transformation de La Poste en société anonyme: la note de La Poste a été dégradée à A+, ce qui confirme encore une fois que, toutes choses étant égales par ailleurs, le statut d’entité publique de La Poste a bien une influence importante sur la notation.

(126)  Extrait de «Ratings direct» sur La Poste, S & P, 3 avril 2007: «S & P continues to follow a top- down rating methodology for La Poste — which allows for a governement supported entity to be rated by up to two categories below the sovereign — as we expect the French state to remain La Poste’s 100 % shareholder in the medium term. The ratings nevertheless already factor in the long-term likelihood of a change in the group’s capital structure, which would require a change in its current “établissement public” legal status and result in the loss of the state’s ultimate guarantee on LP’s financial obligations, the elimination of which was recently recommended by the European Commission».

(127)  Extrait de «Ratings direct» sur La Poste, S & P, 3 avril 2007: «The EC recently recommended that the French government end this guarantee by year-end 2008, which they believe provides La Poste with more favorable financing conditions than its competitors in a market in the process of being liberalized. The ratings on La Poste were unaffected by this recommendation since we consider that a change in La Poste’s status would not necessarily reflect a decrease in the strong state support that underpins La Poste’s ratings and that has been reaffirmed by recent government decisions».

(128)  Extrait de «ADP news» du 21 janvier 2009: «S & P lowers ratings on La Poste with negative outlook» […] «The announced legal status and ownership change will give the company a greater autonomy from the government, which is why its rating has a four-notch differential with the rating on the Republic of France, rated AAA/A-1 + with a “stable” outlook. S & P’s “negative” outlook reflects concerns that the changes in the company’s legal status and ownership, likely to take place in the next two years as part of a capital hike, could pressure the ratings. These initiatives could limit the government’s ability to provide the postal operator with exceptional support without improving its standalone profile in the short term, as the capital hike should not decrease La Poste’s debt relative to its cash generation».

(129)  Voir paragraphe 197 des observations transmises par la France le 23 janvier 2008.

(130)  «Rating Government-Related Entities: A Primer», Standard and Poor’s, 14 juin 2006.

(131)  Voir également «Ratings direct» sur La Poste, S & P, 3 avril 2007: «The entities’ credit standing is linked to that of the government, but ratings can be notched down from those on the State by up to two categories as the financial links between these companies and the state may be increasingly subject to change in the medium or long term» […] (La qualité de signature des entités est liée à celle du gouvernement, mais les notations peuvent être abaissées de deux catégories dans la mesure où les liens financiers entre ladite entreprise et l’État peuvent évoluer à moyen ou long terme).

(132)  Extrait de «Ratings direct» sur La Poste, S & P, 3 avril 2007: «In 1991, La Poste became an independent publicly owned entity with Établissement Public status, which ensures La Poste an ultimate State guarantee on its obligations, but not a timely and explicit guarantee as reflected by the rating differentiation between La Poste and the Republic of France».

(133)  Extrait de «Ratings direct» sur La Poste, S & P, 3 avril 2007: «The EC recently recommended that the French government end this guarantee by year-end 2008, which they believe provides La Poste with more favorable financing conditions than its competitors in a market in the process of being liberalized. The ratings on La Poste were unaffected by this recommendation since we consider that a change in La Poste’s status would not necessarily reflect a decrease in the strong state support that underpins La Poste’s ratings and that has been reaffirmed by recent government decisions».

(134)  Extrait de «Ratings direct» sur La Poste, S & P, 3 avril 2007: «A change in the group’s ownership structure would lead Standard and Poor’s to shift to a bottom-up rating approach, focusing more on La Poste’s stand-alone business and financial profiles. This rating approach may not necessarily translate into rating changes given the expected improvement in La Poste’s stand-alone situation in the coming years» (un changement dans la structure de propriété du groupe conduirait Standard and Poor’s à passer à une approche de notation ascendante se concentrant davantage sur les profils commercial et financier propres de La Poste. Cette approche de notation ne se traduirait pas nécessairement par un changement de la notation, étant donné l’amélioration attendue de la situation intrinsèque de La Poste dans les années à venir).

(135)  Extrait de «Ratings direct» sur La Poste, S & P, 3 avril 2007: «The ratings on La Poste could be downgraded, however, if state backing for the company were to weaken» (les notations de La Poste pourraient toutefois être abaissées si le soutien de l’État pour cette entreprise venait à faiblir).

(136)  Voir section 3.2.1.D de la présente décision et partie V.4 des observations soumises par les autorités françaises le 23 janvier 2008.

(137)  Partie V.4. a) des observations transmises par la France le 23 janvier 2008.

(138)  Voir paragraphe 186 des observations transmises par la France le 23 janvier 2003.

(139)  Voir table 1 dans «Ratings direct» sur La Poste, S & P, 3 avril 2007.

(140)  Extrait de «International Postal Entities: Influence of government support on ratings», Standard and Poor’s, 22 novembre 2004: «Unlike the credit quality of companies that operate in a commercial manner at arm’s length from the government, like SingPost, Deutsche Post or TPG, a major factor underpinning La Poste’s robust credit quality is its extremely strong State support. La Poste’s legal status confers the ultimate statutory guarantee of the Republic of France (AAAA/Stable/A-1+) on its obligations».

(141)  Voir paragraphe 196 des observations transmises par la France le 23 janvier 2008.

(142)  Voir paragraphe 198-200 des observations transmises par la France le 23 janvier 2008.

(143)  «International Postal Entities: Influence of government support on ratings», Standard and Poor’s, 22 novembre 2004.

(144)  Extrait de «Ratings direct» sur La Poste, S & P, 3 avril 2007: «The ratings nevertheless already factor in the long-term likelihood of a change in the group’s capital structure, which would require a change in its current “établissement public” legal status and result in the loss of the state’s ultimate guarantee on LP’s financial obligations, the elimination of which was recently recommended by the European Commission». Par ailleurs, les faiblesses identifiées de La Poste incluent: «Likely capital structure change at company or bank level in the long term».

(145)  Le «mid swap» est la médiane entre le taux offert et le taux proposé par les banques à un moment considéré pour leurs échanges interbancaires par maturité, c’est-à-dire le taux fixe qu’une banque est prête à échanger contre un euribor 6 mois en règle générale. Ce taux constitue la référence de marché pour les émissions obligataires notamment.

(146)  Arrêt de la Cour du 14 février 1990, France/Commission, «Boussac», C-301/87, Rec. p. I-307, point 33.

(147)  Arrêt du Tribunal du 11 mars 2009, TF1/Commission, T-354/05, Rec. p. II-471, points 166 et 167.

(148)  En particulier, dans sa décision EDF [paragraphe 57 de la décision 2005/145/CE de la Commission du 16 décembre 2003 relative aux aides d’État accordées par la France à EDF et au secteur des industries électriques et gazières (JO L 49 du 22.2.2005, p. 9)], la Commission a considéré que «l’impossibilité pour EDF d’être soumise à une procédure de redressement et de liquidation judiciaires, et par conséquent de faire faillite, équivaut à une garantie générale portant sur l’ensemble des engagements de l’entreprise. Une telle garantie ne peut faire l’objet d’aucune rémunération selon les règles du marché. Cette garantie, qui est illimitée dans sa couverture, dans le temps et dans son montant, constitue une aide d’État».

(149)  Voir la communication sur les garanties point 2.1, troisième alinéa.

(150)  JO L 15 du 21.1.1998, p. 14.

(151)  Voir par exemple, la décision 2005/145/CE.

(152)  Voir notamment le point 1.5 de la communication sur les garanties qui confirme le principe de neutralité, ainsi que le point 1.2 qui explique qu’une garantie étatique peut découler du simple fait de la forme juridique (deuxième et quatrième tirets de ce point).

(153)  Cas E 10/2000, «Anstaltslast und Gewährträgerhaftung», point 5 de la proposition de mesures utiles du 8 mai 2001. Consultable sur le site internet de la Commission: http://ec.europa.eu/community_law/state_aids/comp-2000/e010-00-1.pdf/

(154)  Voir décision 2005/145/CE.