52006IP0462

Résolution du Parlement européen sur les partenariats public-privé et le droit communautaire des marchés publics et des concessions (2006/2043(INI))

Journal officiel n° 313 E du 20/12/2006 p. 0447 - 0452


P6_TA(2006)0462

Les partenariats public-privé et le droit communautaire des marchés publics et des concessions

Résolution du Parlement européen sur les partenariats public-privé et le droit communautaire des marchés publics et des concessions (2006/2043(INI))

Le Parlement européen,

- vu le Livre vert de la Commission sur les partenariats public-privé et le droit communautaire des marchés publics et des concessions (COM(2004)0327),

- vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 5, alinéa 2, relatif au principe de subsidiarité, et ses articles 43 à 49 relatifs à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services, ainsi que les principes de transparence, d'égalité de traitement, de proportionnalité et de reconnaissance mutuelle qui en découlent,

- vu les directives en vigueur dans le domaine des marchés publics,

- vu la charte européenne de l'autonomie locale, adoptée par le Conseil de l'Europe le 15 octobre 1985,

- vu l'article I-5 du traité établissant une Constitution pour l'Europe,

- vu l'article 45 de son règlement,

- vu le rapport de la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs et les avis de la commission des affaires économiques et monétaires, de la commission des transports et du tourisme ainsi que de la commission du développement régional (A6-0363/2006),

A. considérant que, ces dix dernières années, de multiples partenariats public-privé (PPP) ont été mis en œuvre dans de nombreux États membres,

B. considérant que les diverses formes de PPP ne répondent, jusqu'à présent, à aucune définition valable à l'échelle européenne et que le droit communautaire en vigueur ne contient pas, à ce sujet, de dispositions particulières,

C. considérant que les PPP peuvent être décrits comme une coopération à long terme, régie par contrat, entre autorités publiques et secteur privé visant à l'exécution de missions publiques, laquelle voit les ressources requises placées sous une gestion commune et les risques du projet adéquatement répartis en fonction des compétences de gestion des risques dont disposent les partenaires du projet,

D. considérant que les PPP sont fréquemment des structures juridiquement, financièrement et commercialement complexes qui réunissent des entreprises privées et des autorités publiques en vue de la réalisation et de la gestion communes de projets d'infrastructures ou de la fourniture de services publics,

E. considérant que les projets de PPP sont essentiellement recherchés par des autorités locales et municipales, mais que, dans le même temps, ces projets sont nécessaires au niveau européen, notamment pour la mise en œuvre des réseaux transeuropéens de transport,

F. considérant que les PPP ne constituent pas une première étape vers la privatisation de services publics,

G. considérant que la vocation des contrats de PPP est de faire bénéficier les autorités publiques des capacités de conception, de construction et de gestion des entreprises privées et, si nécessaire, de leurs capacités de financement,

H. considérant qu'une coopération entre les autorités publiques et les entreprises peut générer des synergies et des effets positifs en termes d'intérêt public, permettre une utilisation plus efficace des deniers publics, offrir une solution autre que la privatisation en période de pénurie de moyens budgétaires et contribuer, par l'acquisition du savoir-faire détenu par les entreprises privées, à une modernisation des administrations publiques,

I. considérant que les PPP entrent, par principe, dans le champ d'application des dispositions du traité sur le marché intérieur, notamment les principes de transparence, d'égalité de traitement, de proportionnalité et de reconnaissance mutuelle, ainsi que dans le champ d'application des dispositions de droit communautaire dérivé sur les marchés publics,

J. considérant qu'il est nécessaire de garantir aux investisseurs privés que les clauses contractuelles ne seront pas modifiées pendant la durée du contrat,

K. considérant que tout régime juridique applicable aux PPP devrait respecter l'autonomie des collectivités locales et régionales, dans la mesure où ce droit est consacré par la législation nationale des États membres,

L. considérant que les PPP représentent l'un des moyens d'organiser l'accomplissement des missions des autorités publiques et que ces dernières doivent demeurer en situation de décider de remplir une mission par elles-mêmes, par leurs propres entreprises ou par des tiers du secteur privé,

M. considérant qu'il convient de sensibiliser davantage les citoyens à l'impact des PPP.

Observations générales

1. se félicite de la présentation par la Commission du Livre vert précité sur les partenariats public-privé et le droit communautaire des marchés publics et des concessions, d'un rapport sur les résultats de la consultation sur le Livre vert, de même que d'une communication sur d'éventuelles suites à donner dans le domaine des PPP (COM(2005)0569);

2. juge prématuré de se livrer à une appréciation des incidences des directives gouvernant les marchés publics et, par conséquent, se prononce contre un réexamen de ces directives; se déclare opposé à l'instauration d'un régime juridique propre aux PPP, mais juge nécessaire une initiative législative dans le domaine des concessions qui respecte les principes du marché intérieur et les seuils et prévoie pour les procédures d'appel d'offres des règles simples, ainsi qu'une clarification dans le domaine des partenariats publics-privés institutionnalisés (PPPI);

3. invite la Commission à étudier sérieusement, dans le cadre de la réglementation des futurs PPP ainsi que de l'analyse d'impact de la législation sur les concessions qui est menée actuellement, les intérêts des collectivités régionales pour ce qui est de leur autonomie, et à associer les représentants des intérêts régionaux aussi bien que locaux à l'élaboration de la future réglementation;

4. souhaite que, afin d'éviter l'insécurité juridique, les contrats déjà conclus de bonne foi conformément au droit national fassent l'objet de périodes de transition;

5. récuse tout moyen de contourner le droit des marchés publics et des concessions;

6. considère que, par principe, le droit des marchés publics devrait d'appliquer dès lors qu'il s'agit de choisir un partenaire privé;

7. est d'avis que l'externalisation de la prestation de services d'intérêt général entraîne l'obligation pour l'autorité adjudicatrice d'attribuer le marché sur le fondement des procédures de marchés publics;

8. estime que la réattribution aux communes de missions qui étaient auparavant exécutées en faisant appel au secteur privé ne peut constituer une solution valable de remplacement des PPP qui soit conforme aux principes de concurrence;

9. juge que les communes et les entreprises qui en émanent ne devraient pouvoir déroger aux principes de concurrence que lorsqu'elles assurent des missions strictement locales sans aucun rapport avec le marché intérieur;

10. souligne l'importance de la transparence, principe dont le respect doit aller de soi lorsqu'il est fait usage des deniers publics et qui devrait entraîner le droit pour les représentants élus de consulter les accords et les dossiers;

11. recommande que les États membres mettent en place des dispositifs transparents susceptibles de garantir aux investisseurs privés la protection de leurs intérêts juridiques et financiers pendant toute la durée d'un marché;

12. estime que l'existence de règles transparentes d'attribution des marchés publics favorise, au profit du citoyen, une concurrence effective et la prévention de la corruption;

13. souligne que l'expression "conflit d'intérêts" devrait être définie au niveau de l'Union, pour permettre de réaliser un partage loyal et équitable des risques;

14. recommande que la mise en œuvre des PPP comprenne l'obligation de rendre compte aux citoyens, afin de satisfaire aux normes en matière de sécurité, d'efficacité et de qualité;

15. recommande que les États membres facilitent la tâche des autorités publiques en améliorant la formation des décideurs ayant pour mission de choisir les partenaires privés appelés à prendre part aux PPP;

16. invite les États membres à prendre des dispositions pour que les répercussions sur les agents des autorités locales soient traitées humainement et en temps utile, et pour que des accords équitables concernant le transfert des employés (du secteur public ou privé) et leurs conditions d'emploi soient encouragés et respectés, conformément à la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements [1];

17. invite les autorités publiques des États membres à respecter les dispositions de la directive 2001/23/CE;

18. se déclare opposé à la création d'une agence européenne des PPP, mais accueille favorablement d'autres formes d'échange d'expériences en matière de bonnes pratiques et de pratiques moins efficaces, comme la mise en réseau des autorités nationales et régionales responsables de la gestion des PPP;

19. incite la Commission et la Banque européenne d'investissement à réunir et à diffuser leurs compétences, spécialement dans les États membres où les autorités publiques n'ont pas une bonne connaissance des PPP;

20. insiste sur le fait que l'expérience acquise en matière de PPP permettra de ne pas reproduire les mêmes erreurs ou les mêmes méthodes inefficaces;

21. se déclare opposé à l'élaboration de règles concernant l'attribution de marchés publics en deçà des seuils applicables au niveau de l'Union; souligne qu'il incombe aux États membres de mettre en œuvre d'une manière effective les principes, inscrits dans les traités, de la transparence, de la non-discrimination et de la liberté de fournir des services en rapport avec les marchés publics sous les seuils fixés et confirme la position selon laquelle l'élaboration au niveau de l'Union de règles gouvernant les marchés publics est une prérogative du Conseil et du Parlement;

22. demande à la Commission de veiller, au moyen du contrôle communautaire des aides d'État, à ce que l'octroi de subventions ne comporte pas de discriminations entre les opérateurs, qu'ils soient privés, publics ou mixtes.

Les PPP en tant que marchés publics

23. partage le point de vue de la Commission selon lequel le choix et la commission du partenaire privé dans le cadre de la passation de marchés publics de travaux ou de services doivent, par principe, être régis par les directives sur les marchés publics lorsque le choix et la passation de marché coïncident;

24. estime que l'autorité publique doit pouvoir choisir entre la procédure ouverte et la procédure restreinte;

25. est d'avis que, sur le fondement du principe de transparence, la procédure négociée doit être limitée aux situations exceptionnelles prévues dans les dispositions pertinentes des directives sur les marchés publics;

26. souhaite que, aux fins de la souplesse nécessaire, l'attribution des marchés s'opère par la voie d'un dialogue compétitif lorsqu'il est question d'un marché "juridiquement et financièrement complexe" et prie la Commission de préciser la condition de "complexité juridique et financière" de manière à laisser une marge de manœuvre optimale pour les négociations; est d'avis que la complexité juridique et financière peut être supposée en présence de caractéristiques propres aux PPP, tels le concept du cycle de vie ainsi que le transfert à long terme des risques aux opérateurs privés; estime qu'il importe de supprimer, dans une procédure de dialogue compétitif, le risque que des informations confidentielles soient publiées hors du cadre de la procédure.

Les PPP en tant que concessions

27. prend acte du fait que la Commission escompte prendre une initiative législative au terme d'une analyse d'impact approfondie; estime que, si elle propose une telle législation, la Commission doit permettre aux autorités publiques de choisir, au moyen de procédures souples, transparentes et non discriminatoires, le meilleur partenaire selon des critères définis au préalable;

28. attend d'un éventuel texte législatif une définition précise des concessions par opposition aux marchés publics, ainsi que la fixation de critères de choix dont le respect puisse être objectivement vérifié;

29. est d'avis que les concessions doivent avoir une durée limitée mais variable, qui soit fonction de la durée de l'amortissement de l'investissement privé, afin que les candidats ne soient pas trop longtemps privés d'une mise en concurrence; estime que la durée des relations de partenariat doit être définie de sorte que la libre concurrence ne soit en principe limitée que dans la mesure des besoins visant à garantir l'amortissement des investissements, une rémunération appropriée du capital investi et le refinancement de futurs investissements;

30. est d'avis que le principe de transparence nécessite de publier, dans les documents de l'appel d'offres, les éléments sur lesquels se fonde la définition de la durée du marché, de sorte que les soumissionnaires puissent en tenir compte lors de l'élaboration de leur offre;

31. est d'avis qu'une approche globale du marché (concept du cycle de vie) et une concurrence entre les soumissionnaires en matière d'innovation améliorent l'efficacité lorsque les risques sont répartis de manière optimale en cas de réalisation commune de projets et lorsque existent des spécifications fonctionnelles ainsi qu'un mécanisme de rémunération très incitatif;

32. demande à la Commission de tirer les enseignements de l'expérience du dialogue compétitif en vue de soumettre des recommandations concernant une procédure d'attribution appropriée pour les concessions, étant donné que la souplesse des dialogues compétitifs répond généralement à la complexité des concessions sans remettre en cause le respect des principes de transparence, d'égalité de traitement et de proportionnalité;

33. approuve la Commission lorsqu'elle se demande s'il convient d'instaurer des règles uniformes d'attribution pour tous les PPP de type contractuel, sans considération du fait que le PPP concerné est un marché public ou une concession.

Les PPPI et les prestations internes

34. salue la volonté de la Commission de prendre une initiative dans le domaine des PPPI étant donné l'insécurité juridique qui entoure manifestement ces outils;

35. prend acte du souhait des praticiens d'obtenir des éclaircissements sur l'application du droit des marchés publics à la création d'entreprises public-privé dans le cadre de l'attribution de marchés ou de concessions, et invite la Commission à procéder aux clarifications requises dans les meilleurs délais;

36. est d'avis que les "opérations internes" sans procédure d'appel d'offres ne doivent pas être étendues, car cela soustrairait certains secteurs à l'exigence de se conformer aux règles du marché intérieur et de la concurrence;

37. juge nécessaire, eu égard au principe de transparence et à l'interdiction de toute discrimination, que la législation sur les marchés publics s'applique à la création d'un PPPI et en cas de transfert partiel à un partenaire privé dans le cadre d'un PPPI, dès lors que l'acte de création ou le transfert entretient un rapport matériel et temporel avec l'attribution d'un marché public;

38. comprend, étant donné le foisonnement de la jurisprudence en la matière, l'insécurité juridique générale qui affecte l'application des critères de la prestation interne et, par conséquent, invite la Commission à définir, sur la base de la jurisprudence de la Cour de justice, des critères établissant un cadre de référence stable pour la prise de décision des autorités publiques et à étudier la possibilité d'incorporer ces critères dans la législation communautaire;

39. est convaincu que la fixation d'un seuil, quel que soit le mode de sa définition, pour la participation minimale d'un autorité publique adjudicatrice à une entreprise dont le capital est détenu en commun avec des partenaires privés se traduirait par la protection permanente de certaines participations et que, dès lors, toute limite posée pour la discussion est problématique;

40. est d'avis que si le premier appel d'offres en vue de la création d'une entreprise mixte était précis et complet, il n'est pas nécessaire de prévoir un nouvel appel d'offres;

41. demande que soit précisée la notion de "contrôle analogue" exercé par l'autorité publique organisatrice sur le prestataire de services, notamment pour ce qui concerne les cas où des entreprises mixtes effectuent, pour le compte et dans le cadre des missions de l'autorité publique organisatrice, des prestations qui sont principalement financées ou garanties par elle.

Coopération entre autorités publiques

42. se déclare généralement favorable, dans l'intérêt de l'autonomie des autorités locales et d'une action efficace de l'administration, aux formes de coopération au niveau des autorités locales, notamment pour obtenir des effets de synergie, pour autant qu'elles n'induisent pas d'abus contribuant à fermer le marché;

43. juge nécessaire que la Commission éclaircisse l'insécurité juridique à propos des coopérations entre autorités publiques qui découle de la jurisprudence de la Cour de justice;

44. se range à l'avis de la Cour de justice exprimé dans son arrêt rendu dans l'affaire C-84/03 Commission/ Espagne [2], selon lequel les accords de coopération entre autorités publiques ne peuvent se soustraire, de manière générale, à la législation sur les marchés publics en recourant à une forme juridique du droit national; est d'avis qu'il convient de distinguer les mesures qui sont purement organisationnelles et/ou administratives et les marchés publics conclus entre autorités administratives;

45. estime que les situations de coopération entre autorités publiques ne relèvent pas de la législation sur les marchés publics lorsque:

- il s'agit d'une coopération entre des autorités locales,

- les missions dont la réalisation a été confiée à ces autorités locales doivent être considérées comme des questions de réorganisation administrative, ou bien lorsque les pouvoirs de surveillance dont sont investies les autorités locales concernées sont analogues à ceux qu'elles exercent sur leurs propres services, et

- les activités sont exercées principalement pour le compte des autorités locales concernées;

46. se déclare opposé à l'application de la législation sur les marchés publics dans les cas où les autorités publiques entendent effectuer des missions, sur leur territoire, avec d'autres autorités publiques en tant que mesure de réorganisation administrative, sans confier la prestation de services en question à des tiers opérant sur le marché;

47. estime que le transfert de compétences entre autorités publiques ne relève pas du champ d'application de la législation communautaire sur les marchés publics;

48. considère, toutefois, que l'application de la législation sur les marchés publics demeure indispensable lorsque les autorités publiques offrent des services sur le marché comme des entreprises privées dans le cadre de la coopération entre de telles autorités, ou font exécuter des missions publiques par des entreprises privées ou par d'autres autorités publiques hors du cadre de cette coopération;

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* *

49. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission ainsi qu'au Comité économique et social européen et au Comité des régions.

[1] JO L 82 du 22.3.2001, p. 16.

[2] Recueil 2005, p. I-139.

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