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Document 52008IE1662

Avis du Comité économique et social européen sur la Lutte contre la fraude et la falsification des moyens de paiement autres que les espèces

OJ C 100, 30.4.2009, p. 22–27 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

30.4.2009   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 100/22


Avis du Comité économique et social européen sur la «Lutte contre la fraude et la falsification des moyens de paiement autres que les espèces»

2009/C 100/04

Le 17 janvier 2008, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son Règlement intérieur, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Lutte contre la fraude et la falsification des moyens de paiement autres que les espèces».

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 1er octobre 2008 (rapporteur: M. IOZIA).

Lors de sa 448e session plénière des 21, 22 et 23 octobre 2008 (séance du 23 octobre 2008), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis à l'unanimité.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.   Le Comité économique et social européen déplore que les initiatives prises jusqu'ici pour prévenir et combattre la fraude et la falsification des moyens de paiement autres que les espèces n'aient pas été suffisantes pour endiguer la propagation de ce phénomène. Comme l'a déjà souligné la Commission dans le plan d'action 2004/2007, bien que le cadre juridique communautaire ait été amélioré et renforcé, l'échange d'informations entre acteurs privés et publics n'est pas encore pleinement développé, non plus que la coopération effective entre les autorités compétentes des États membres.

1.2.   La Commission a constaté que le principal obstacle à la mise en œuvre effective d'un système préventif de lutte contre la fraude réside dans la difficulté à échanger des données concernant les auteurs de fraude ou les sujets à risque au sein de l'Union. Pour assurer une prévention efficace, il apparaît nécessaire de développer les systèmes d'échange d'informations sur les responsables des fraudes, à travers l'amélioration des canaux de coopération entre les autorités compétentes des États membres.

1.3.   L'absence d'uniformité des législations sur l'exercice des pouvoirs d'instruction des différentes administrations nationales, ainsi que la plus ou moins grande sévérité des mesures répressives, constituent un autre obstacle à une lutte efficace contre la fraude. Un rapprochement effectif des législations nationales apparaît en conséquence comme la première voie à suivre pour lutter efficacement contre la fraude dans ce secteur, qui constitue une forme de criminalité typiquement transnationale.

1.4.   Dès lors, l'Union européenne doit améliorer sa stratégie de lutte contre la fraude et la falsification des moyens de paiement à travers toute une panoplie de mesures. Pour ce faire, il y a lieu:

de développer les échanges d'informations entre acteurs privés et publics,

de renforcer la coopération entre les autorités compétentes des États membres,

d'harmoniser les législations nationales dans une optique de prévention — notamment en ce qui concerne les dispositions régissant la protection des données au sein de l'UE, afin de permettre les échanges transfrontaliers d'informations — et de répression,

de créer auprès de chaque autorité compétente nationale un fichier informatisé contenant des informations sur les éléments symptomatiques de risques de fraude,

de confier à Europol une mission de contrôle des mesures de prévention et de lutte contre la fraude, ainsi que de coordination des bases de données disponibles,

de diffuser des campagnes d'information ciblées avec l'aide des associations de consommateurs, afin d'attirer l'attention des utilisateurs sur les risques éventuels liés à l'utilisation des moyens de paiement autres que les espèces, de manière à ce qu'ils participent en toute connaissance de cause à des mesures de lutte plus efficaces et rapides.

2.   La diffusion des moyens de paiement autre que les espèces et des fraudes correspondantes

2.1.   Le niveau de développement actuel de l'économie mondiale se caractérise par une forte diffusion des moyens de paiement autres que les espèces, constitués par les cartes de crédit et de débit et les paiements en ligne. Les opérations effectuées au moyen d'instruments de paiement électronique représentent une part croissante, en volume et en valeur, des paiements nationaux et transfrontaliers, part qui est destinée à s'accroître encore compte tenu de l'évolution continue des marchés et des avancées technologiques des systèmes de paiement électronique.

2.2.   La nécessité de garantir le développement des moyens de paiement autres que les espèces au sein de l'Union européenne est liée au processus de libéralisation des mouvements de capitaux et à la réalisation de l'union économique et monétaire. L'économie moderne, fondée sur la technologie, se doit de disposer d'un système de paiement efficace, car en exerçant un effet positif direct sur la compétitivité du secteur financier, il améliore l'efficacité globale du système économique. Il est en effet avéré que les systèmes de paiement électronique stimulent les dépenses de consommation et la croissance économique, dans la mesure où ils facilitent l'achat de biens et services. L'on estime que chaque année 231 milliards d'opérations (en espèces ou autres) sont effectuées dans l'Union européenne, pour une valeur globale de 52 000 milliards d'EUR.

2.2.1.   Par ailleurs, on a enregistré ces dernières années au niveau mondial une augmentation de la diffusion des instruments de paiement autres que les espèces. En particulier, en 2004, le nombre d'opérations par habitant réalisées avec des moyens de paiement autres que les espèces s'élevait à 142 (dont 32,3 avec des cartes de paiement) dans l'Union européenne (à 25 États membres), à 150 (dont 28,3 avec des cartes de paiement) dans les États européens n'ayant pas adopté l'euro et à 298 (dont 47,5 avec des cartes de paiement) aux États-Unis. En 2006, les mêmes données étaient de 158 (dont 55,2 avec des cartes de paiement) dans l'Union européenne (à 25 États membres), de 166 (dont 50,5 avec des cartes de paiement) dans les États européens n'ayant pas adopté l'euro et de 300 (dont 145,1 avec des cartes de paiement) aux États-Unis. Au sein de l'Union européenne, les pays qui en 2006 ont enregistré le nombre le plus élevé d'opérations par habitant réalisées avec des moyens de paiement autres que les espèces étaient la Finlande, avec 294 transactions, dont 153,9 avec des cartes de paiement, suivie par les Pays-Bas, avec 257 transactions dont 103,2 avec des cartes de paiement et le Royaume-Uni, avec 239 transactions dont 111,4 avec des cartes de paiement (1).

2.2.2.   En 2006, l'Espagne est apparue comme l'État disposant du plus grand nombre de terminaux Point de vente (POS, «Point of sale»), à savoir 1 291 000, avec 1 276 opérations par terminal pour un montant moyen de 52 EUR, suivie par la France, où sont installés 1 142 000 terminaux, avec 4 938 opérations par terminal pour un montant moyen de 51 EUR et par l'Italie, qui compte 1 117 000 terminaux, avec 690 opérations par terminal pour un montant moyen de 93 EUR. Le pays européen où a été effectué le plus grand nombre d'opérations par terminal point de vente est la Finlande, avec un nombre de 7 799 opérations d'une valeur moyenne de 35 EUR, alors que le nombre de terminaux installés est de 105 000. Par contre, l'Irlande est le pays où la valeur moyenne des transactions par carte de crédit et de débit est la plus élevée (94 EUR), alors que le nombre de terminaux points de vente installés est de 53 000 (2).

2.2.3.   L'existence d'un cadre réglementaire harmonisé au sein de l'Union européenne permettra aux prestataires de services de rationaliser les infrastructures et les services de paiement, et aux utilisateurs de bénéficier d'un choix plus large et d'un haut niveau de protection.

2.3.   La possibilité d'utiliser ces instruments de paiement partout dans le monde exige qu'ils soient efficaces, faciles à utiliser, largement acceptés, fiables et disponibles à des coûts relativement bas. Puisque leur efficacité dépend de leur degré de sécurité, il y a lieu de garantir le degré de sécurité technique économiquement viable le plus élevé possible. L'amélioration de ce degré de sécurité doit être mesurée à l'aune des statistiques sur les fraudes et en fixant des paramètres de référence spécifiques en matière de sécurité.

2.3.1.   La multiplication des fraudes peut avoir une influence négative sur la confiance des consommateurs dans les systèmes de paiement, ce qui est considéré comme l'un des principaux obstacles à l'expansion du commerce électronique. La multiplication des fraudes a pour autre conséquence de porter atteinte à la réputation des opérateurs et de fausser la perception qu'ont les consommateurs du niveau de sécurité de l'utilisation des moyens de paiement.

2.4.   Les fraudes transnationales sont plus répandues que celles perpétrées à l'intérieur de chaque pays, notamment en ce qui concerne les opérations de paiement à distance, en particulier par Internet. Selon les données de la Commission (3), en 2000, le volume de la fraude concernant les cartes de paiement a été de 600 millions d’EUR, soit environ 0,07 % du chiffre d’affaires du secteur à cette époque, avec une augmentation plus élevée pour les paiements à distance (par téléphone, courrier ou sur Internet). Des études plus récentes ont mis en évidence qu'en 2006, 500 000 entreprises commerciales de l'Union européenne ont été impliquées dans des fraudes réalisées avec des moyens de paiement autres que les espèces, pour un total de 10 millions de transactions frauduleuses et des dommages d'environ un milliard d'euros, montant qui équivaut à près du double de celui que l'on avait enregistré en 2005. Les pays les plus touchés par la fraude sont notamment le Royaume-Uni, la France, l'Italie, l'Espagne et l'Allemagne.

2.5.   La multiplication et le caractère transnational des fraudes commandent de développer une stratégie paneuropéenne cohérente en matière de prévention, dès lors que les mesures déjà adoptées par les États membres, bien qu'efficaces, ne suffisent pas pour contrer la menace représentée par la fraude aux moyens de paiement.

2.6.   Pour répondre aux besoins du marché et susciter la confiance dans l'utilisation des nouvelles technologies, il est en outre nécessaire d'intensifier les efforts en vue de créer une signature électronique sûre, dans le cadre des initiatives déjà adoptées avec la directive 99/93/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 1999. La signature électronique est du reste également nécessaire pour le démarrage du projet d'administration en ligne («e-government»). Le projet STORK, parrainé par l'UE, s'efforce de résoudre les problèmes liés à l'interopérabilité des systèmes.

2.7.   La Commission a mis en évidence que la fraude commise en utilisant des instruments de paiements volés ou contrefaits autres que les espèces, est principalement le fait d'organisations criminelles, souvent dotées d'une structure complexe composée d'hommes, d'outils et de supports logistiques, opérant au niveau transfrontalier et utilisant des techniques très perfectionnées pour la fraude en matière de paiements sur Internet ou la contrefaçon des cartes de paiement. Ces organisations sont capables de modifier rapidement leur modus operandi pour ne pas se faire prendre.

2.7.1.   Des études ont permis de montrer que, dans les cas de fraudes les plus sophistiqués, ces organisations ont coutume d'agir selon des procédures standardisées et éprouvées, en suivant le schéma opérationnel suivant:

repérage d'entreprises commerciales dans lesquelles des membres de l'organisation s'introduisent illégalement pendant la nuit ou se tiennent dans des cachettes appropriées, afin d'installer sur les équipements POS liés aux caisses, pendant les heures de fermeture de l'établissement, des dispositifs électroniques sophistiqués en mesure d'intercepter les codes des bandes magnétiques des cartes de paiement et les codes PIN correspondants,

collecte ultérieure des données mémorisées sur les dispositifs électroniques mentionnés via la récupération matérielle de ces dispositifs ou la transmission électronique des données par le biais des technologies GSM ou Bluetooth, afin de procéder à la confection de supports plastiques clonés intégrant les codes PIN des cartes de paiement,

utilisation, y compris dans des États autres que ceux où a été effectué le clonage des codes, des cartes de crédit et de débit illégalement reproduites, à travers l'achat de biens ou le prélèvement d'espèces auprès de terminaux bancaires.

3.   Cadre juridique communautaire

3.1.   L'un des principaux objectifs de l'Union européenne étant d'assurer le plein fonctionnement du marché intérieur, dont les systèmes de paiement représentent un aspect essentiel, des mesures spécifiques ont été adoptées depuis un certain temps en vue d'appliquer une stratégie commune de lutte contre la fraude aux cartes de paiement, selon deux lignes directrices principales:

harmonisation des dispositions contractuelles régissant les relations entre les émetteurs et les titulaires des cartes et de celles réglementant les modalités d'exécution des paiements,

classification par tous les États membres des fraudes commises à l'aide de cartes de paiement comme infractions pénales punies par des sanctions effectives et dissuasives.

3.2.   La première ligne directrice inclut les mesures suivantes:

la recommandation de la Commission 87/598/CEE du 8 décembre 1987 sur les «Relations entre institutions financières, commerçants-prestataires de services et consommateurs», qui a introduit un code européen de bonne conduite en matière de paiement électronique, en vue de garantir l'adoption de systèmes de protection des consommateurs,

la recommandation de la Commission 88/590/CEE du 17 novembre 1988, concernant les relations entre titulaires et émetteurs de cartes, invitant les émetteurs des moyens de paiement à adopter des clauses contractuelles communes en ce qui concerne la sécurité du moyen de paiement et des données afférentes, ainsi que les obligations incombant au titulaire de la carte en cas de perte, de vol ou de contrefaçon du moyen de paiement,

la recommandation de la Commission 97/489/CE du 30 juillet 1997, ayant pour objet d'assurer un degré élevé de protection des consommateurs lors de l'utilisation des instruments de paiement électronique. La recommandation précise notamment les informations devant figurer dans les conditions contractuelles relatives aux conditions d'émission et d'utilisation d'un instrument de paiement électronique,

la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, qui institue de nouvelles mesures dans le cadre du dispositif de lutte antiblanchiment, en prévoyant des dispositions limitant l'utilisation d'espèces,

la directive 2007/64/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 concernant les services de paiement dans le marché intérieur, visant à assurer la coordination des dispositions nationales régissant les exigences prudentielles, à garantir l'accès au marché de nouveaux prestataires de services de paiement, à fixer des exigences d'information et à définir les droits et obligations des utilisateurs et prestataires de services de paiement.

3.3.   S'agissant de la deuxième ligne directrice, et compte tenu de l'augmentation des fraudes et du fait que les mesures préventives ont essentiellement été adoptées au niveau national, les mesures suivantes ont été prises:

communication de la Commission COM(1998) 395 intitulée «Un cadre d’action pour lutter contre la fraude et la contrefaçon des moyens de paiement autres que les espèces», dans laquelle la Commission a présenté un cadre de mesures qui visent à promouvoir un environnement de sécurité approprié pour les instruments de paiement et les systèmes sous-jacents,

décision du Conseil 2000/642/JAI du 17 octobre 2000 relative aux modalités de coopération entre les cellules de renseignement financier des États membres en ce qui concerne l'échange d'informations, qui a établi des règles minimales concernant la coopération entre ces cellules,

communication de la Commission COM(2001)11 du 9 février 2001 intitulée «Prévention de la fraude et de la contrefaçon des moyens de paiement autres que les espèces», au moyen de laquelle la Commission a lancé le Plan d'action 2001-2003 de l'Union européenne pour la prévention de la fraude. Il est affirmé dans ce plan que la prévention se fonde sur la coopération entre les pouvoirs publics et les entreprises actives dans le secteur des systèmes de paiement. Il est souligné dans ce contexte que les améliorations les plus importantes sont celles relatives à l'adoption de dispositifs techniques qui augmentent la sécurité des paiements, comme l'introduction des cartes à puce, des mécanismes de notification rapide de perte ou de vol des instruments de paiement et l'adoption de dispositifs (codes PIN ou autres codes) pour empêcher ou limiter autant que possible la possibilité de commettre des fraudes,

un élément essentiel d'une stratégie efficace pour la prévention des fraudes est l'échange d'informations, qui doit être mis en œuvre entre les banques et les pouvoirs publics au sein des États membres et entre ceux-ci. À cette fin, le plan préconise l'adoption d'un dispositif permettant d'établir un dialogue permanent entre toutes les parties concernées par la lutte contre la fraude (émetteurs de cartes de crédit, associations bancaires, opérateurs de réseau, Europol, polices nationales). La Commission se propose en outre d'organiser des rencontres internationales avec la participation de hauts dirigeants des forces de l'ordre et de magistrats, afin de les sensibiliser à la problématique de la fraude sur les paiements et à ses conséquences sur les systèmes financiers,

décision-cadre du Conseil 2001/413/JAI du 28 mai 2001 concernant la lutte contre la fraude et la contrefaçon des moyens de paiement autres que les espèces. Cette décision-cadre demande que les États membres prévoient des sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives incluant des privations de liberté et pouvant aller jusqu'à l'extradition, pour les fraudes commises avec des cartes de paiement, réalisées également au moyen d'instruments informatiques, électroniques ou d'autres dispositifs spécialement adaptés, et consistant à:

voler ou obtenir illégalement un instrument de paiement;

contrefaire ou falsifier un instrument de paiement en vue d'une utilisation frauduleuse;

recevoir, obtenir, transporter, vendre ou céder à un tiers ou détenir et utiliser de manière frauduleuse un instrument de paiement obtenu illégalement, faux ou falsifié,

introduire, altérer ou supprimer illégalement des données informatiques ou perturber illicitement le fonctionnement d'un logiciel ou d'un système informatique;

produire, recevoir, vendre ou créer illégalement des instruments, logiciels ou tout autre moyen spécialement adapté pour commettre les infractions précitées;

cette décision a en outre établi un cadre de coopération internationale spécifique, sur la base duquel les États membres doivent se prêter mutuellement assistance pour les recherches liées aux procédures concernant les infractions visées par la décision-cadre. À cette fin, les États membres désignent des points de contact opérationnels ou bien peuvent utiliser des structures opérationnelles existantes pour l'échange d'information et pour d'autres contacts entre les États membres

communication de la Commission COM(2004) 679 du 20 octobre 2004, concernant «Un nouveau Plan d’action de l’UE (2004-2007) pour la prévention de la fraude sur les moyens de paiement autres que les espèces». Avec ce plan d'action 2004-2007, la Commission souhaite développer les initiatives existantes visant à prévenir la fraude, afin de contribuer au maintien et au renforcement de la confiance dans les paiements compte tenu de la multiplication des cas de piratage de données contenues dans les systèmes informatiques ou d’usurpation d’identité. L'objectif prioritaire de la Commission consiste à garantir la sécurité des produits et des systèmes de paiement et à accroître la coopération entre les autorités publiques et le secteur privé, grâce aux mesures suivantes:

le renforcement et la réorganisation du fonctionnement du groupe d’experts de l’UE en matière de prévention de la fraude,

la mise en œuvre par les fabricants d'instruments de paiement, les prestataires de services de paiement et les autorités d'une approche coordonnée et structurée, afin de garantir aux utilisateurs le niveau de sécurité économiquement viable le plus élevé possible pour les paiements électroniques,

l'échange d'informations entre les parties concernées en vue de la détection précoce et de la notification des tentatives de fraude,

l'intensification de la coopération entre administrations de l’UE dans la lutte contre la fraude sur les paiements et le renforcement des capacités d’investigation des autorités répressives nationales,

l'introduction de nouvelles modalités de signalement des pertes et des vols de cartes de paiement dans l’UE.

4.   Observations et propositions

4.1.   Même si le cadre juridique communautaire a été amélioré et renforcé, l'échange d'informations entre acteurs publics et privés n'est pas encore pleinement développé, de même que la coopération effective entre les autorités compétentes des États membres. Pour ce faire, et compte tenu de l'adhésion récente de nouveaux États membres à l'Union européenne, il faut que tous les États aient transposé dans leur législation interne les dispositions contenues dans la décision-cadre et dans les recommandations.

4.1.1   La Commission a constaté que le principal obstacle à la mise en œuvre effective d'un système préventif de lutte contre la fraude réside dans la difficulté à échanger des données concernant les auteurs de fraude ou les sujets à risque au sein de l'Union. À cet égard, le plan d'action 2004-2007 soulignait déjà la nécessité d'harmoniser les dispositions relatives à la protection des données au sein de l'UE, afin de permettre les échanges transfrontaliers d'information, en prévoyant notamment le rapprochement des règles actuellement en vigueur dans l'Union européenne en matière de protection des données personnelles.

4.2.   Pour garantir l'efficacité des mesures de prévention, l'on pourrait évaluer l'opportunité de créer auprès de chaque autorité nationale compétente un registre informatisé dans lequel les sociétés gérant les cartes centraliseraient les informations relatives aux aspects suivants: les points de vente et les transactions présentant un risque de fraude; les données d'identification des points de vente et des représentants légaux des entreprises commerciales vis-à-vis desquelles a été exercé le droit de révocation de la convention régissant la négociation des cartes de paiement pour des motifs de sécurité ou en raison d'actes frauduleux dénoncés auprès de l'autorité judiciaire; les données d'identification des transactions non reconnues par les titulaires de cartes de paiement ou dénoncées par ceux-ci à l'autorité judiciaire; et les données relatives aux guichets automatiques ayant fait l'objet de manipulations frauduleuses. Ce fichier pourra également être utilisé, dans le respect des législations nationales, pour analyser les phénomènes criminels et faciliter la coopération policière, y compris au niveau international, en vue de prévenir et de réprimer les délits commis au moyen de cartes de crédit ou d'autres moyens de paiement.

4.3.   Outre l'échange d'informations sur les sujets responsables des fraudes, il convient de développer la coopération entre les autorités compétentes des États membres, en prévoyant de nouvelles initiatives pour la collecte et l'échange d'informations sur une plus large échelle entre les acteurs impliqués dans la prévention de la fraude, avec un accent particulier sur les forces de police et les sociétés émettrices de cartes de paiement.

4.3.1.   À cette fin, les formes de coopération déjà existantes en matière de lutte contre la falsification de l'euro pourraient être rationalisées de telle sorte que les administrations nationales compétentes soient elles aussi directement associées à la prévention de la fraude liée aux moyens de paiement autres que les espèces.

4.3.2.   À cet égard, l'on pourrait envisager la possibilité d'attribuer à Europol — qui, en vertu de la décision du Conseil du 29 avril 1999 dispose déjà de compétences en matière de lutte contre le faux monnayage et la falsification des moyens de paiement — des missions spéciales de contrôle de l'action de prévention et de lutte contre la fraude liée aux moyens de paiement autres que les espèces, en vue de:

coordonner la gestion des registres informatisés de tous les États membres contenant des informations sur les cas de contrefaçon de cartes de paiement, de manière à permettre l'accès pour les besoins effectifs de l'enquête aux autorités compétentes des autres États membres;

signaler en temps réel à l'émetteur ou au gestionnaire des cartes l'existence de cas de fraude détectés dans d'autres États membres;

faciliter l'échange d'informations prévu par la décision-cadre 2001/413/JAI du 28 mai 2001 entre les forces de police et les autorités judiciaires des États membres.

4.4.   L'on pourrait étudier dans ce contexte l'opportunité de mettre en réseau les forces de police et les organismes d'investigation des États membres engagés dans la lutte contre la fraude et la falsification des moyens de paiement autres que les espèces, en vue de l'échange direct de ces informations via un système de messagerie électronique certifiée, ce également aux fins du partage des bases de données spécifiques.

4.4.1.   Cette initiative, qui requiert toutefois un accord préalable sur les données enregistrées dans ces registres et leur compatibilité avec les législations nationales en matière de protection de la vie privée, constituerait — en accord avec les dispositions de l'article 79 de la directive 2007/64/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 — une avancée sensible vers l'amélioration de la lutte contre la fraude liée aux moyens de paiement autres que les espèces. En effet, les organes d'investigation disposeraient ainsi des informations nécessaires directement, en temps réel et sans charges administratives superflues. Il est néanmoins souhaitable à cet égard d'établir des dispositions minimales au niveau européen concernant le type de données susceptibles d'être échangées, de manière à garantir une plateforme commune d'informations utilisables dans la lutte contre la fraude, dans le respect des dispositions prévues par la directive 1995/46/CE en matière de protection des données personnelles.

4.5.   Les principales entraves à la lutte contre la fraude au sein de l'UE sont l'absence d'uniformité des législations sur l'exercice des pouvoirs d'instruction des différentes administrations nationales et le degré de sévérité variable des mesures répressives. Rien d'étonnant en effet à ce que les fraudes soient principalement commises dans les États où les pouvoirs d'investigation des organes chargés des contrôles sont moins étendus ou dans ceux où les sanctions applicables sont insuffisantes pour jouer un rôle dissuasif. Un rapprochement effectif des législations nationales apparaît comme l'unique stratégie à suivre pour lutter efficacement contre la fraude dans ce secteur, compte tenu du fait que, comme cela a déjà été souligné dans le plan d'action 2004-2007, les précédentes initiatives se sont avérées insuffisantes pour juguler la menace représentée par la fraude relative aux moyens de paiement.

4.5.1.   À ce propos (4), il y a lieu de vérifier que les États membres ont bien transposé dans leur législation pénale interne les cas de délit définis aux articles 2, 3 et 4 de la décision-cadre du Conseil 2001/413/JAI du 28 mai 2001, concernant les infractions liées aux instruments de paiement, à l'utilisation de l'informatique et aux équipements spécialement adaptés. Il convient de s'assurer, dans le respect du principe de souveraineté des États membres, que les sanctions appliquées dans de tels cas sont effectivement dissuasives, y compris en relation avec le niveau de la sanction pénale prévue et, dans le même temps, d'harmoniser au niveau de l'UE les sanctions prévues pour des fraudes d'une telle gravité, à l'instar de ce qui est par exemple prévu dans le cadre de la législation sur la lutte contre le blanchiment d'argent.

4.6.   L'adoption des initiatives proposées permettrait de lutter efficacement contre la fraude et faciliterait la création de l'espace unique de paiement en euros SEPA (Single Euro Payment Area), dans lequel il serait possible d'effectuer des paiements par des moyens autres que les espèces dans toute la zone euro, à partir d'un compte unique et aux mêmes conditions de base, indépendamment du lieu de résidence des utilisateurs, en mettant ainsi un terme à la distinction actuelle entre paiements nationaux et transfrontaliers.

4.7.   L'Union européenne doit renforcer sa stratégie de lutte contre la fraude et la falsification des moyens de paiement au moyen d'une pluralité d'interventions. L'information du grand public est fondamentale à cet égard. Elle doit sensibiliser davantage les utilisateurs de cartes de crédit et de débit, afin qu'ils prennent mieux conscience des risques éventuels liés à l'utilisation des moyens de paiement autres que les espèces. Ainsi, les consommateurs non avertis sont des proies faciles pour le phénomène d'«hameçonnage» (phishing). Les institutions européennes doivent favoriser cette diffusion de l'information par le biais de campagnes européennes coordonnées par la Commission.

4.8.   À cet égard, les associations de consommateurs et les commerçants jouent un rôle essentiel: une étroite coopération entre ceux-ci pourrait stimuler la mise en œuvre de mesures d'alerte préventive, de sensibilisation et d'information sur les pratiques les plus répandues et celles découvertes depuis peu. Pour atteindre cet objectif, il apparaît nécessaire de promouvoir des campagnes d'information ciblées à l'intention des consommateurs, notamment sous forme de conseils pratiques et aisément accessibles, afin d'améliorer les connaissances relatives au fonctionnement des cartes de paiement et aux précautions à prendre dès l'instant où l'on pense avoir été victime d'une fraude.

4.9.   L'engagement des États membres devrait se traduire également par une aggravation des peines infligées pour les délits de fraude et la répression effective de ces délits. Pour les délits commis dans d'autres pays de l'Union et — pour certains cas particulièrement graves — également dans des pays tiers, le droit pénal devrait pouvoir s'appliquer partout, en étendant l'espace juridique européen. Ces pratiques commencent à se généraliser et les propositions relatives à la poursuite de tels délits et à l'imposition de sanctions se multiplient. Compte tenu du fait que les fraudes relatives aux moyens de paiement sont généralement commises par des groupes organisés et touchent plusieurs États, la Convention et les Protocoles des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, adoptés par l'Assemblée générale le 15 novembre 2000 et le 31 mai 2001, qui prévoient des sanctions pour les infractions de nature transnationale, représentent un instrument de lutte efficace.

Bruxelles, le 23 octobre 2008.

Le Président

du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  Source: Commission des Communautés européennes, COM(2005) 603 final du 1.12.2005, Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les services de paiement dans le marché intérieur, SEC(2005) 1535.

(2)  Source: Rapport annuel de la Banque d'Italie 2007 — Appendice. Les informations ont élaborées à partir de données BCE, BRI, Poste italiane S.p.A. et Banque d'Italie.

(3)  Source: Commission des Communautés européennes, COM(2004) 679 final du 20.10.2004, Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen, à la Banque centrale européenne et à Europol «Un nouveau plan d’action de l’UE (2004-2007) pour la prévention de la fraude sur les moyens de paiement autres que les espèces», SEC(2004) 1264.

(4)  À cet égard, la Commission européenne [SEC(2008) 511 du 22 avril 2008, Document de travail des services de la Commission, Rapport sur les fraudes liées aux moyens de paiement autres que les espèces dans l'UE: la mise en œuvre du plan d'action 2004-2007] souligne la nécessité de sanctions efficaces, au regard du fait que les sanctions appliquées par certains États membres sont trop légères pour être dissuasives, ainsi qu'il ressort de deux rapports présentés par la Commission en avril 2004 [COM(2206) 356] et en février 2006 [COM(2006) 65] sur les mesures prises par les États membres en application de la décision-cadre du Conseil 2001/412/JAI.


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