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Document 52001IE0529

Avis du Comité économique et social sur "Le Deuxième rapport sur la cohésion économique et sociale"

OJ C 193, 10.7.2001, p. 70–76 (ES, DA, DE, EL, EN, FR, IT, NL, PT, FI, SV)

52001IE0529

Avis du Comité économique et social sur "Le Deuxième rapport sur la cohésion économique et sociale"

Journal officiel n° C 193 du 10/07/2001 p. 0070 - 0076


Avis du Comité économique et social sur "Le Deuxième rapport sur la cohésion économique et sociale"

(2001/C 193/15)

Le 25 janvier 2001, le Comité économique et social a décidé, conformément aux dispositions de l'article 23, alinéa 3 de son règlement intérieur, d'élaborer un avis sur "Le Deuxième rapport sur la cohésion économique et sociale".

La section "Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 9 avril 2001 (rapporteur: M. Christie).

Le Comité économique et social a adopté le présent avis à l'unanimité au cours de sa 381e session plénière des 25 et 26 avril 2001(séance du 25 avril 2001).

1. Introduction

1.1. Le Deuxième rapport sur la cohésion économique et sociale jette les bases d'un débat sur l'avenir des politiques européennes de cohésion après 2006. À cette date, jusqu'à dix pays d'Europe centrale et orientale seront devenus membres de l'UE. Dans son deuxième rapport sur la cohésion, la Commission retient l'hypothèse d'une Union de vingt-sept États et s'attaque aux défis que cet élargissement pose aux efforts de cohésion de l'Union.

1.2. Il ressort clairement des données figurant dans le Deuxième rapport que l'élargissement est un défi de taille pour les efforts de cohésion intra-européenne. À quelques exceptions près, le revenu par habitant des pays candidats d'Europe centrale et orientale est sensiblement inférieur à la moyenne européenne (moins de la moitié). Par ailleurs, les infrastructures économiques et sociales de ces pays sont inadaptées aux besoins d'une économie de marché moderne. Compte tenu de l'engagement pris par l'UE à l'article 158 du traité de "réduire l'écart entre les niveaux de développement des diverses régions et le retard des régions ou îles les moins favorisées, y compris les zones rurales", l'élargissement représente inévitablement un défi énorme pour les politiques de cohésion.

1.3. Le Deuxième rapport sur la cohésion précise toutefois que l'élargissement n'est pas le seul défi posé aux efforts de cohésion. L'Europe des Quinze est confrontée à toute une série d'autres évolutions économiques, sociales et territoriales (réformes politiques internes, union économique et monétaire, aspects financiers, etc.) qui soulèvent des questions importantes pour l'orientation future des actions de cohésion. Bien que les actions de l'Union en matière de cohésion soient plus ou moins arrêtées jusqu'en 2006, la Commission a sans aucun doute raison de proposer que la publication de ce Deuxième rapport lance le débat sur les politiques de cohésion après 2006.

1.4. Le Comité économique et social a subdivisé ses observations relatives au Deuxième rapport sur la cohésion en deux volets. Le présent avis constitue le premier volet des travaux du CES; il traite des principes généraux des actions communautaires de cohésion après 2006 et se concentre sur les questions qui doivent, selon la Commission, être abordées dans le cadre de la préparation de la politique à mener après 2006. Cet avis servira de base à la contribution du CES au Forum sur la cohésion organisé par la Commission les 21 et 22 mai 2001. Le deuxième volet de ces observations figurera dans un autre avis, plus détaillé, dans lequel le CES examinera les informations et analyses présentées par la Commission dans son Deuxième rapport sur la cohésion.

2. Le rôle de la politique de cohésion

2.1. Le deuxième rapport sur la cohésion établit très clairement les défis que l'élargissement posera aux efforts de cohésion de l'Union européenne. Depuis l'adoption de l'Acte unique européen, le renforcement de la cohésion économique et sociale a été un principe fondamental de l'Union européenne, et des ressources considérables ont été affectées à cet objectif. Quoique la tâche soit ardue, concevoir une politique de cohésion qui réponde aux besoins d'une Union européenne à 27 pays ne doit pas porter préjudice à l'engagement de l'Union de renforcer la cohésion économique et sociale, ni à celui de soutenir les efforts de développement économique dans toutes les régions défavorisées de l'Union, comme prévu explicitement par l'article 158. A la lumière des nouveaux défis soulevés par l'élargissement, le Comité considère qu'il est essentiel que le débat qui est sur le point d'être entamé sur l'avenir de la politique de cohésion s'inscrive dans le contexte de la réalisation de ces objectifs.

2.2. Le débat sur l'avenir des mesures de cohésion sera sans aucun doute axé en grande partie sur leurs incidences budgétaires: quel sera le coût de la politique de cohésion et comment financer les dépenses supplémentaires? Si ces questions sont cruciales du point de vue économique et politique, elles ne devraient pas masquer les avantages économiques significatifs directs et indirects qui découlent de l'amélioration des perspectives et performances économiques des régions défavorisées de l'Union. La politique de cohésion porte des fruits sur les plans économique et social bien au-delà des frontières des régions bénéficiaires, mais elle doit aussi contribuer à renforcer la compétitivité de l'Union dans son ensemble. Cet objectif ne pourra être atteint que si la politique de cohésion cible résolument le développement économique et social des zones concernées, et renforce ainsi la capacité de l'Union dans son ensemble.

2.3. Il ressort du Deuxième rapport sur la cohésion que les actions menées depuis 1988 ont considérablement atténué les disparités économiques dans l'Union européenne. Dans les trois États membres les moins prospères (Grèce, Espagne et Portugal), le revenu moyen par habitant est passé de 68 % de la moyenne de l'Union en 1988 à 79 % en 1999, ce qui représente une réduction d'un tiers de l'écart initial. Ces chiffres traduisent également une amélioration considérable dans les États les plus pauvres et montrent l'importance du rôle que les actions de cohésion ont joué par le passé et qu'elles continueront de jouer à l'avenir.

2.4. Les fonds structurels ont aussi joué un rôle clé pour stimuler la mutation économique en dehors des régions de l'objectif 1, c'est-à-dire dans les régions industrielles en déclin et dans les zones rurales et périphériques, et accordé des aides aux ressources humaines, conformément à l'objectif 3 (ancien objectif 4). Quoique l'impact de ces mesures soit difficilement quantifiable, il n'en reste pas moins que leur effet qualitatif a été considérable. La raison en est que le processus de développement économique régional qui doit être suivi afin de pouvoir bénéficier de l'aide communautaire à la cohésion a été en soi un catalyseur de premier ordre pour améliorer les performances économiques de nombreuses régions. Cela a nécessité que les États membres adoptent une approche du développement économique régional au coeur de laquelle on trouve la concentration des efforts, la programmation des interventions, le partenariat et l'additionnalité, approche qui aurait pu autrement ne pas être suivie et qui a engendré des avantages économiques et sociaux non négligeables. Ainsi, les actions de cohésion de l'UE ont clairement apporté une "valeur ajoutée" dans la mutation économique des régions en déclin industriel et des régions rurales et périphériques.

3. Thèmes spécifiques

3.1. Rôle de la politique de cohésion dans l'Union élargie à 27 États membres et dans un monde économique et social en évolution rapide

3.1.1. Depuis 1988, la politique de cohésion est un élément central des efforts consentis par l'UE en vue de créer une "union de plus en plus étroite" entre ses citoyens. Le Comité considère qu'il est essentiel de poursuivre la convergence économique entre les régions de l'Union par le biais de politiques actives pour préserver le modèle de société européen. Les actions de cohésion reflètent et renforcent ce modèle de société, dans lequel l'égalité des chances et l'octroi de garanties sociales fondamentales par les politiques publiques nationales et européennes sont des valeurs sociales et politiques essentielles. Ces actions visent principalement à améliorer les possibilités des régions défavorisées, c'est-à-dire des régions dont le handicap économique relatif pourrait s'accentuer dans la mesure où les forces de l'intégration économique s'intensifient au niveau mondial et européen et où le rythme des évolutions technologiques et sociales s'accélère. Comme la Commission le reconnaît dans son Deuxième rapport sur la cohésion, ces forces conjuguées ont tendance à déboucher sur une répartition territoriale inégale de l'activité économique, les régions les plus proches du "coeur" du marché tirent davantage profit de celui-ci que les régions situées à sa "périphérie" économique et géographique - et encore faut-il que ces dernières en tirent un quelconque avantage. Les efforts de cohésion de l'Union ont dans une large mesure aidé les régions défavorisées à lutter contre les conséquences du processus d'intégration économique, susceptibles d'être néfastes sur le plan économique et source de fractures sur le plan social.

3.1.2. L'élargissement posera des défis fondamentalement nouveaux, en terme d'économie, de politique et d'action publique, aux efforts de cohésion de l'Union. Le Deuxième rapport sur la cohésion met clairement en évidence que les besoins des pays candidats en matière de développement économique régional sont considérables. Pour relever ces défis, l'Union doit engager des actions de cohésion durables et ciblées adaptées aux besoins spécifiques des pays candidats en matière de développement économique. Une attention particulière devrait être accordée à la promotion du rôle des femmes dans l'emploi.

3.1.2.1. En outre, la Commission devrait étudier de nouvelles manières - novatrices - de répondre aux défis soulevés par l'élargissement. Par exemple, il pourrait être très utile de rechercher de meilleures synergies entres les actions entreprises au titre des fonds structurels, les crédits aux investissements de la Banque européenne d'investissement et les capitaux privés disponibles. Ces synergies ont un fort potentiel qui pourrait susciter un accroissement des investissements productifs dans les pays candidats.

3.1.3. Parallèlement, les actions de cohésion de l'Union doivent continuer de lutter contre les problèmes régionaux qui se posent toujours dans les quinze États membres. Bien que les actions menées depuis 1988 aient donné d'excellents résultats, il est probable que l'aide au titre des politiques de cohésion reste un élément clé du développement économique des régions défavorisées des Quinze après 2006. Toutefois, de même que la politique de cohésion en faveur des régions des pays candidats devrait être conçue pour répondre à leurs besoins spécifiques en matière de développement compte tenu de leur contexte économique et social, l'aide accordée au titre de la cohésion aux régions défavorisées des quinze États membres actuels après 2006 devrait être elle aussi adaptée à ce que seront alors leurs exigences et priorités, lesquelles pourront être différentes de celles auxquelles tentent de répondre les actions de cohésion actuelles.

3.1.4. Depuis 1988, de nombreuses leçons ont été tirées en ce qui concerne l'efficacité des actions de cohésion, et les actions ont été adaptées en conséquence. Dans le contexte des défis qui se posent à l'Union, il est essentiel que la future politique de cohésion prenne en compte les expériences passées en intégrant les pratiques les meilleures au vu des résultats obtenus et en réglementant la politique de cohésion en fonction de celles-ci. Dans ce cadre, nous invitons instamment la Commission à poursuivre le développement et l'amélioration de ses techniques d'évaluation de l'efficacité des interventions entreprises au titre des fonds structurels.

3.2. La cohésion dans le contexte des autres politiques communautaires

3.2.1. Il est essentiel que les objectifs de toutes les politiques communautaires soient, dans la mesure du possible, cohérents. Si tel n'est pas le cas, il faudra adapter certaines politiques afin de remédier aux problèmes créés par des décisions prises dans le cadre d'autres politiques. Les mesures arrêtées doivent être véritablement coordonnées, ce pourquoi il importe d'assurer la cohérence des activités de cohésion de l'UE et des autres politiques communautaires. Néanmoins des tensions entre les différentes politiques sont inévitables. Par exemple, bien que, comme le souligne le Deuxième rapport, la stabilité macroéconomique contribue à la convergence économique au niveau national, il est possible qu'en raison de certaines contraintes imposées aux politiques budgétaires nationales aux fins de la stabilité (par exemple par le biais du pacte de stabilité et de croissance), les gouvernements aient plus de mal à financer des politiques destinées à réaliser la convergence économique. De même, bien que le marché intérieur ait été bénéfique, et le soit toujours, pour l'ensemble de l'Union, il est possible qu'il ait contribué à l'émergence, au niveau de l'Union, d'un modèle de développement économique "centre/périphérie".

3.2.2. Les conflits entre les objectifs des différentes politiques européennes pourraient devenir plus aigus encore. Les communautés qui vivent de l'agriculture et celles qui vivent de la pêche, par exemple, craignent que les réformes actuelles des politiques agricole et de la pêche ne suscitent d'importants problèmes économiques et sociaux en leur sein. Non seulement ces réformes auront-elles des effets négatifs dans les régions spécifiques de l'UE à 15, mais encore contribueront-elles sans aucun doute aux problèmes régionaux dans les pays candidats.

3.2.3. Il est bien entendu indispensable de développer ces domaines d'action afin d'améliorer la compétitivité, les normes environnementales et les niveaux de productivité, ce dont l'UE dans son ensemble doit tirer profit. De plus, il est nécessaire de procéder à des réformes spécifiques, par exemple dans le secteur de la PAC, pour que l'UE puisse satisfaire à ses obligations internationales. Il serait à la fois malencontreux et inefficace que l'UE évite de prendre certaines décisions uniquement en raison de l'impact qu'elles auraient sur la cohésion. Par ailleurs, il est certainement équitable de suggérer que ceux qui tirent directement profit des réformes des politiques au niveau de l'UE, y compris l'élargissement, doivent être disposés à dédommager les régions qui sont tout à fait ou relativement défavorisées par ces mêmes réformes, par une contribution accrue aux efforts de cohésion de l'UE.

3.3. La cohésion dans le contexte des politiques économiques nationales

3.3.1. Les politiques nationales des différents États membres jouent un rôle crucial dans l'élaboration du contexte général qui influencera de manière significative les perspectives économiques des régions de l'UE. Aussi est-il essentiel que les États membres reconnaissent l'impact régional de leurs politiques économiques et s'assurent - dans toute la mesure du possible - que leurs politiques nationales renforcent la convergence économique régionale et non le contraire. En effet, les études de la Commission sur les régions soulignent régulièrement que la convergence économique régionale est réelle au niveau de l'UE mais que l'on enregistre des disparités économiques régionales au niveau des différents États membres. Cette situation est en grande partie due à l'impact négatif des politiques économiques nationales sur les régions. Le Comité propose que lors du prochain examen des politiques de cohésion, une attention accrue soit prêtée à l'impact régional des politiques économiques nationales et que des modalités soient prévues afin qu'il soit tenu compte dans le processus d'élaboration des politiques économiques nationales des effets économiques régionaux de celles-ci, lorsque ce n'est pas encore le cas.

3.4. La réforme des politiques de cohésion en préparation de l'élargissement

3.4.1. La préparation des politiques de cohésion en vue de l'élargissement constitue un défi majeur d'ici à 2006. Dans la présente partie de l'avis, nous examinerons les questions spécifiques devant selon la Commission fournir matière à réflexion. Nous développerons plus amplement ces considérations lors de la prochaine étape de nos délibérations.

3.4.2. Principes fondamentaux des actions de cohésion

3.4.2.1. De l'avis du Comité, les principes fondamentaux qui ont sous-tendu les actions de cohésion menées depuis 1988 doivent continuer à former la base des actions de cohésion après l'élargissement - concentration, programmation, additionnalité et partenariat. Durant chacune des précédentes périodes de programmation, ces principes ont apporté une contribution positive qui a permis aux fonds structurels d'atteindre leurs objectifs. C'est pourquoi, dans le contexte de l'élargissement, nous invitons instamment la Commission à rechercher des modalités permettant de renforcer l'efficacité de ces principes.

3.4.3. Implications financières de l'élargissement

3.4.3.1. L'extension des politiques de cohésion en vue d'honorer les obligations découlant de l'élargissement de l'Union nécessiteront un accroissement des ressources financières attribuées à ces politiques. Quoique le Comité reconnaisse que ce seront probablement les États membres les plus riches qui prendront à leur charge la plus grande partie de l'accroissement des dépenses de cohésion, l'augmentation des moyens budgétaires affectés à la cohésion est une conséquence inévitable de l'élargissement. Toutefois, l'élargissement entraînera des avantages économiques pour tous les États membres, en particulier pour les économies dynamiques situées au coeur géographique du marché intérieur. Dès lors, une partie de l'accroissement de la charge financière supporté par ces pays en raison de l'élargissement sera compensée par les avantages économiques que celui-ci entraînera. Le Comité souscrit à l'avis de la Commission selon lequel"... pour rester crédible, la politique régionale et de cohésion doit pouvoir s'appuyer sur des ressources financières appropriées pour faire face aux besoins résultant du nouveau contexte"(1).

3.4.4. Aide aux régions en retard de développement (Objectif 1)

3.4.4.1. L'un des principaux problèmes suscités par l'élargissement sera celui des critères d'éligibilité aux aides de l'objectif 1 après 2006. Cette difficulté est imputable à la modification de l'éligibilité à l'objectif 1 qu'entraînerait le maintien des critères actuels d'éligibilité. L'élargissement entraînera une diminution prononcée de la moyenne communautaire du revenu par habitant, et une stricte application de la règle des 75 % du PIB par habitant au titre de l'objectif 1 aura pour conséquence que nombre des régions bénéficiaires actuelles (UE15) ne pourront plus bénéficier d'aide au terme de l'actuelle période de programmation. Dès lors, une partie importante des discussions menant à l'élargissement portera sur les modalités de définition d'une politique de cohésion qui répondra aux besoins spécifiques des régions défavorisées des futurs nouveaux États membres, tout en tenant compte de la nécessité de poursuivre le développement économique des régions défavorisées des États membres actuels.

3.4.4.2. Le Comité estime que les régions où le développement est en retard par rapport à la moyenne communautaire doivent continuer à bénéficier d'une priorité dans le cadre des actions de cohésion. Par ailleurs, le Comité est favorable au maintien de critères transparents, valables dans l'ensemble de l'Europe, pour déterminer les régions éligibles à l'aide au titre de l'objectif 1, ainsi qu'à la préservation du système actuel où la Commission désigne seule les régions qui satisfont ces critères.

3.4.4.3. Dans son rapport, la Commission présente quatre options pour l'avenir des financements de l'objectif 1, chacune d'entre elles offrant des solutions différentes pour les difficultés qui apparaîtront dans le sillage de l'élargissement. Ces options sont les suivantes:

- une application stricte du seuil de 75 %: les régions ayant cessé d'être éligibles mais continuant néanmoins à nécessiter une aide peuvent recevoir un soutien par d'autres biais que les mesures de l'objectif 1;

- un régime identique au précédent, mais assorti d'un double système d'aide aux régions ayant perdu leur éligibilité à l'objectif 1, le premier étant destiné aux régions qui dépassent le seuil de 75 % tel qu'il est actuellement calculé et le second à celles qui le dépassent en raison de la chute du niveau moyen de revenu par habitant induite par l'élargissement;

- établissement d'un seuil de PIB par habitant supérieur à 75 %, afin d'étendre l'éligibilité aux régions en retard de développement qui restent en dessous du seuil de 75 % tel qu'il est calculé actuellement;

- établissement de deux critères d'éligibilité: un pour l'Europe des 15 et l'autre pour les pays candidats.

3.4.4.4. Chacune de ces options possède des éléments spécifiques que le Comité juge positifs, mais aucune ne semble apporter la réponse qui convient aux problèmes qui ne manqueront pas de se poser. Le Comité analysera ces options de manière plus détaillée durant la deuxième phase de ses travaux sur le présent avis, mais formule déjà les observations suivantes:

- le Comité estime qu'une politique de cohésion à deux vitesses n'est pas souhaitable (comme proposé dans l'option 4); le Comité craint que cela ne génère des tensions politiques et sociales indésirables dans l'UE et ne donne à penser que l'on assiste à la naissance de deux "classes" de membres de l'Union;

- nous ne considérons pas qu'il convienne que les régions actuellement éligibles au soutien de l'objectif 1, et qui continueront à avoir besoin d'aide après 2006, cessent d'avoir droit à cette aide pour la seule raison que l'élargissement diminuera automatiquement la moyenne communautaire du PIB par habitant. La Commission estime qu'une application stricte du seuil de 75 % à ce stade aurait pour effet que la moitié à peu près de la population de l'Union à 15 qui est actuellement éligible aux aides de l'objectif 1 perdrait le droit à ces aides;

- l'option consistant à relever le seuil d'éligibilité à l'objectif 1 au-delà de 75 % du PIB par habitant présente l'avantage de la transparence et de l'objectivité. En outre, elle garantit que les régions qui continuent à avoir besoin du soutien de cohésion continueront à en bénéficier jusqu'à ce qu'un processus endogène de développement économique ait débuté. Cela est vivement souhaitable. La difficulté consiste toutefois à définir un nouveau seuil qui ne porte pas préjudice au respect du principe de concentration des mesures de cohésion. Il importe que les États membres n'utilisent pas le débat sur le nouveau seuil pour demander qu'il soit fixé à un niveau qui convienne le mieux à leurs régions plutôt que de refléter l'intérêt communautaire;

- le Comité estime que la deuxième option - qui consiste à conserver le seuil de 75 % tout en prévoyant des modalités de suppression progressive des aides pour protéger les intérêts des régions actuellement éligibles - n'est pas sans mérites. Elle prémunit les régions concernées contre une perte brusque de l'aide au développement, avec tout ce que cette perte entraînerait pour leur économie; toutefois, elle suppose que ces régions cesseront à terme d'être éligibles au soutien de cohésion si leur PIB par habitant dépasse le seuil de 75 %, même si elles continuent à pâtir de handicaps considérables en termes de développement économique. De notre point de vue, cela n'est pas acceptable;

- le Comité ne voit pas pourquoi il serait nécessaire d'exclure la possibilité que des instruments spécifiques et ciblés d'aide régionale soient mis sur pied pour aider les régions anciennement éligibles au titre des critères de l'objectif 1 mais qui ne nécessitent plus le type de soutien généralement offert dans ce cadre, par exemple les régions où les problèmes fondamentaux au niveau des infrastructures ont été éliminés. Cela pourrait être réalisé par un recours accru aux instruments horizontaux - par exemple en accroissant les ressources attribuées au Fonds social européen pour intensifier le volet "développement des ressources humaines" de l'aide à la cohésion (à savoir les politiques d'éducation, de formation et de réadaptation professionnelle), ou en mettant sur pied des initiatives communautaires pertinentes pour les problèmes majeurs qui existent dans ces régions sur le plan de la technologie ou de l'investissement;

- la Commission s'interroge sur l'opportunité d'élargir les critères de distribution des ressources et d'y inclure l'emploi. Le Comité craint que le recours à cet indicateur ne fausse l'image que l'on peut avoir de l'ensemble d'une région, car il se peut que certaines zones d'une région connaissent (temporairement peut-être) un essor de leur activité économique. Le danger sous-jacent serait l'émergence d'économies régionales dans lesquelles un noyau relativement réduit, qui enregistre de bons résultats économiques, serait entouré d'une vaste périphérie aux faibles possibilités de développement. Le fil conducteur de l'aide apportée au titre de l'objectif 1 devrait rester l'amélioration des possibilités qu'ont les régions d'activer une croissance économique endogène. Si le taux d'emploi est effectivement un indicateur valable à cet égard, il peut néanmoins donner aisément une image incomplète, voire faussée.

3.4.5. Élargissement et transferts financiers

3.4.5.1. Les besoins de développement économique des régions en retard de développement des pays candidats diffèrent à bien des égards, et non des moindres, de ceux de nombreuses régions en retard de développement dans l'Union à quinze, régions qui, en 2006, auront bénéficié de presque deux décennies d'aide à la cohésion. En outre, il faut prendre en considération la capacité des régions des pays candidats à absorber le soutien de cohésion disponible au titre des règles actuelles, ainsi que les restrictions concernant le niveau maximal du soutien de cohésion arrêtées lors du Conseil européen de Berlin, ce qui laisse penser que les règles actuelles pour l'objectif 1 qui conviennent à l'Union à quinze sont susceptibles de ne pas être adaptées aux besoins des nouveaux États membres. Il convient de souligner les points suivants:

- la politique de cohésion doit être conçue de telle manière qu'elle réponde aux conditions particulières des régions défavorisées des pays candidats éligibles à une aide. Les conditions économiques et sociales qui prévalent dans les pays candidats sont uniques à bien des points de vue, et la Commission devrait s'assurer que les actions envisagées le soient en tenant compte de ces conditions;

- il est primordial que les enseignements tirés de 25 ans d'expérience en matière d'actions de cohésion se reflètent dans la politique de cohésion qui sera mise sur pied pour faire face à la situation d'après 2006;

- une modulation des taux d'assistance économique disponible pour les régions des pays candidats pourrait être nécessaire afin de tenir compte de (a) la capacité d'absorption de ces régions et (b) de la disponibilité de financements publics et privés.

3.4.6. Régions ultrapériphériques, de montagne et insulaires

3.4.6.1. Les régions ultrapériphériques, de montagne et insulaires - dont l'infrastructure économique et sociale est très faible - continueront à nécessiter une attention particulière dans le cadre des actions de cohésion de l'objectif 1. Les réformes des mesures de cohésion suite à l'élargissement ne doivent pas entraîner un affaiblissement du soutien destiné à ces communautés très vulnérables. Le Comité salue l'engagement d'améliorer le soutien à ces régions, pris par le Conseil européen dans les paragraphes 55 à 57 des conclusions du Sommet de Nice.

3.5. Soutien au titre de l'objectif 2

3.5.1. Le Comité prend acte des observations de la Commission concernant les problèmes auxquels elle est confrontée dans le cadre de la gestion des actions de cohésion au titre de l'objectif 2, en particulier s'agissant du manque de flexibilité du système actuel et du caractère limité des informations statistiques et autres, ce qui complique grandement son action pour ce qui est de la définition des régions éligibles. La Commission propose de passer à un système de "zonage indirect" pour les régions confrontées à des problèmes structurels autres que ceux relevant de l'objectif 1. Dans ce système, les zones éligibles sont désignées par les gouvernements nationaux sur la base d'un ensemble de paramètres établis par la Commission (à l'instar de ce qui se fait pour les Initiatives communautaires). Le CES formule les observations suivantes:

- quoique conscient des mérites de cette approche, la mise en oeuvre de celle-ci doit être prévue de telle manière qu'elle contraigne les États membres à vérifier le respect des règles communautaires - en particulier pour ce qui est du partenariat et de l'additionnalité, pour lesquels des garanties suffisantes sont nécessaires. Si ce n'est pas le cas, on court le risque que les ressources déployées ne reflètent pas comme il convient les besoins et les possibilités locales, ou qu'elles ne suffisent pas pour s'attaquer aux problèmes structurels de ces régions;

- il pourrait être nécessaire d'accorder une attention particulière aux politiques de développement économique qui revêtent un intérêt communautaire plus large, parce que leurs bénéfices ne profitent pas uniquement à un État membre. On pense notamment aux interventions transfrontières.

3.6. Politique de cohésion et valeur ajoutée communautaire

3.6.1. Comme cela a été relevé dans l'introduction, et comme le font clairement apparaître les statistiques présentées par la Commission, les actions de cohésion de l'Union ont apporté des avantages économiques substantiels aux régions de l'objectif 1. Les efforts collectifs ont fourni une "valeur ajoutée" considérable aux régions en retard de développement.

3.6.2. Le Comité fait également valoir qu'une "valeur ajoutée" non négligeable a également résulté des actions dans les régions de l'objectif 2 et de l'objectif 3 et de la mise en oeuvre des Initiatives communautaires. Il ne fait aucun doute que la politique de cohésion de l'UE a exigé de nombreux États membres qu'ils adoptent de nouvelles pratiques de développement régional qui engendrent des gains économiques sensibles et contribuent par là au processus de mutation économique. Le respect des principes de concentration, de partenariat, de programmation et d'additionnalité a été une source autonome de "valeur ajoutée" pour les actions de cohésion de l'UE. Il est impératif que cet aspect soit préservé à l'avenir, et que les politiques de cohésion continuent dans l'ensemble à relever de règles communes reflétant les meilleures pratiques de développement économique régional.

3.6.3. Il est également important de souligner que les économies régionales éligibles aux aides ne sont pas les seules bénéficiaires des efforts de cohésion de l'UE. Une grande partie de l'aide octroyée aux régions en retard et devant s'adapter reviendra aux régions plus prospères sous forme d'achat de biens et de services. De plus, les régions en retard de développement deviendront plus prospères et, partant, représenteront d'importants marchés supplémentaires pour les entreprises des régions plus prospères. Sous la double influence de l'achèvement du marché intérieur et de l'union monétaire, la majorité des dépenses effectuées dans l'UE reste dans celle-ci: les importations en provenance de pays tiers représentent un pourcentage relativement réduit du PIB. C'est la raison pour laquelle la réussite des efforts de cohésion de l'UE représente une source additionnelle de demande globale pour l'ensemble de l'UE et, partant, constituent un élément important du processus de croissance économique dans toute l'UE.

3.7. Intervention de la Communauté: mesures horizontales

3.7.1. Le Deuxième rapport sur la cohésion lance le débat sur la territorialité (ou "zonage") de l'aide, par opposition à un recours accru aux mesures horizontales destinées à atteindre des objectifs économiques et sociaux spécifiques et basées sur l'expérience tirée des programmes d'initiatives communautaires ("zonage indirect"). Le Comité a reconnu de longue date (et a vanté) les avantages des instruments horizontaux (y compris les initiatives communautaires) dans la lutte contre les disparités économiques régionales, en raison de leur flexibilité intrinsèque et du fait qu'elles peuvent s'attaquer directement à des problèmes régionaux spécifiques. Par conséquent, en conformité avec les orientations proposées par le Deuxième rapport et comme relevé plus haut dans le présent avis, le Comité considère qu'un système de zonage indirect serait utile pour octroyer des aides à la cohésion à des régions autres que celles en retard de développement (c'est-à-dire les régions de l'objectif 1). En particulier, nous estimons que favoriser la poursuite du développement des ressources humaines doit être une priorité fondamentale dans les régions qui perdront leur éligibilité à l'objectif 1 après 2006, et qu'il convient de consacrer des ressources supplémentaires à cette mission au niveau de l'UE.

3.8. Le rôle de l'UE dans la politique économique régionale

3.8.1. La responsabilité de l'aide au développement économique dans les régions défavorisées de l'UE est actuellement partagée entre les niveaux communautaire, nationaux et régionaux de gouvernement et d'administration. Nous restons convaincus que cette approche est la bonne et que les actions de cohésion doivent continuer à refléter les aspirations qui sous-tendent l'ensemble de l'Union européenne, telles qu'elles sont consacrées dans le traité. La cohésion est une politique où la mise sur pied d'une approche uniforme dans un cadre de responsabilité financière commune offre une valeur ajoutée certaine. Quoiqu'il y ait des domaines spécifiques de la politique de cohésion dont la mise en oeuvre peut être à juste titre laissée aux États membres (dans le respect d'orientations arrêtées au niveau communautaire), la plus grande partie de l'effort total de cohésion doit continuer à être géré conjointement par l'UE et les niveaux nationaux et locaux de gouvernement.

3.8.2. Cette approche de "partenariat" a été un facteur déterminant de la réussite des actions de cohésion depuis 1988. Dès lors, nous plaidons pour qu'elle reste au coeur des actions de cohésion après 2006. Le partenariat combine les avantages techniques qu'une approche "bottom-up" du développement régional peut fournir et ceux d'une approche liée à l'existence d'une responsabilité à l'échelle de l'Union pour l'amélioration du niveau de vie matériel des citoyens dans toutes les régions de l'UE. Un partenariat réel avec les partenaires sociaux à tous les stades de la programmation est primordial pour la bonne application des politiques de cohésion économique et sociale. Toute velléité de réduire le rôle du partenariat dans les actions de cohésion affaiblira la politique menée en la matière.

3.8.3. Il va de soi que le processus d'élargissement et d'approfondissement de l'Union européenne offre des avantages différents aux différentes économies. L'élargissement accroîtra considérablement la taille du marché intérieur de l'UE et fournira par conséquent de nouvelles et considérables opportunités économiques à tous les États membres de l'Union. Il est primordial que tant les pays candidats que les régions défavorisées du point de vue économique des actuels États membres puissent partager ces gains économiques. C'est là le fondement de la responsabilité financière commune de l'UE pour les actions de cohésion. Toute velléité d'affaiblissement de cette notion de responsabilité financière commune est, de notre point de vue, appelée à affaiblir la cohésion économique et sociale de l'UE et doit donc être évitée.

3.8.4. Parallèlement, comme le font apparaître de manière évidente les règlements régissant l'application des politiques de cohésion, une grande partie de leur mise en oeuvre relève - et doit continuer à relever - des États membres concernés, ce qui est conforme au principe général de la subsidiarité ancré dans différents chapitres du traité. Toutefois, il ne faut pas que cette latitude puisse compromettre la capacité de la Commission de garantir qu'il soit recouru aux meilleures pratiques de mise en oeuvre dans chaque État membre.

4. Conclusions

4.1. L'élargissement constitue un défi énorme pour les efforts de cohésion économique et sociale dans l'ensemble de l'Union européenne. Pour relever ce défi, il faudra que des ressources plus importantes soient attribuées aux politiques communautaires de cohésion. C'est là une conséquence inévitable de l'élargissement.

4.2. Le Comité est favorable à la poursuite de l'aide territoriale au titre de l'objectif 1 et estime qu'une partie substantielle des efforts de cohésion de l'UE doit cibler ces régions. Le principe de la concentration de ces efforts ne doit pas être remis en question.

4.3. Le Comité a examiné les options présentées par la Commission s'agissant des implications de l'élargissement pour les régions actuellement éligibles à un soutien au titre de l'objectif 1 des actions de cohésion. La position du Comité est la suivante: les critères d'éligibilité à l'objectif 1 ne doivent pas aboutir à exclure les régions qui reçoivent actuellement une aide et dont le développement économique continuera à dépendre de ce soutien de cohésion. La meilleure façon de ce faire est de relever le seuil actuel au-delà de 75 %.

4.4. Les actions de cohésion de l'UE offrent une valeur ajoutée considérable aux régions défavorisées. Non seulement ces actions ont-elles un impact direct sur le niveau de vie et l'emploi, mais encore offrent-elles des avantages indirects considérables dus à l'application des principes de concentration, de programmation, de partenariat et d'additionnalité que les États membres doivent suivre pour la mise en oeuvre de l'aide à la cohésion. Ces actions devraient également prendre en compte le principe d'égalité des chances dans le domaine de l'emploi des femmes.

4.5. Le Comité reconnaît la validité des arguments de la Commission en faveur d'un régime de "zonage indirect" permettant d'apporter une assistance en dehors des régions de l'objectif 1. Toutefois, si cette modification du système est mise en oeuvre, elle doit s'accompagner de règlements qui garantissent que les principes de concentration, de programmation, de partenariat et d'additionnalité continuent à être observés par les États membres, si nécessaire en intensifiant les mécanismes de surveillance et d'évaluation.

4.6. Le Comité recommande que la Commission recherche des moyens d'exploiter au maximum les activités menées par la Banque européenne d'investissement en conjonction avec des capitaux du secteur privé en vue d'accroître le rôle qu'elles jouent dans les actions de cohésion de l'UE. Une stratégie de développement économique qui associe ces partenaires est susceptible de dégager des synergies considérables.

4.7. Les politiques de cohésion doivent continuer à s'inscrire dans un cadre de responsabilité financière commune et dans celui de l'intérêt commun de l'Union. Le Comité souhaite voir garanti que les politiques des États membres continuent à relever d'objectifs établis conjointement au niveau de l'Union européenne.

4.8. Le bon fonctionnement de la surveillance et du partenariat est primordial pour que la réussite des actions de cohésion perdure. Le Comité estime que ces éléments sont essentiels pour la réussite des politiques de cohésion après l'extension de celles-ci aux pays candidats. Dès lors, la Commission devrait prendre des mesures, en tant que de besoin, pour aider les pays candidats à concevoir et à mettre en oeuvre les dispositifs institutionnels nécessaires pour faciliter tant la surveillance que le partenariat.

4.9. Le Comité souscrit aux dix priorités en matière de cohésion économique et sociale que la Commission désigne comme devant être au coeur des efforts de cohésion dans l'avenir. Dans le contexte de l'élargissement et compte tenu de l'impact des réformes actuelles des politiques sur les régions de l'UE à 15, ces priorités devraient garantir que les actions de cohésion tiennent compte des défis les plus importants auxquels l'Union européenne est confrontée en termes de cohésion.

Bruxelles, le 25 avril 2001.

Le Président

du Comité économique et social

Göke Frerichs

(1) Deuxième rapport sur la cohésion, Conclusions et recommandations, page XXXVII.

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