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Document 62019CO0140

Ordonnance de la Cour (sixième chambre) du 19 décembre 2019.
EX e.a. contre Bezirkshauptmannschaft Hartberg-Fürstenfeld.
Demandes de décision préjudicielle, introduites par le Landesverwaltungsgericht Steiermark.
Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, et article 99 du règlement de procédure de la Cour – Libre prestation des services – Détachement de travailleurs – Article 56 TFUE – Directive 2014/67/UE – Articles 9 et 20 – Déclaration des travailleurs – Conservation de la documentation salariale – Sanctions – Proportionnalité – Amendes d’un montant minimum prédéfini – Cumul – Absence de plafond – Frais de justice – Irrecevabilité manifeste.
Affaires jointes C-140/19, C-141/19 et C-492/19 à C-494/19.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2019:1103

ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

19 décembre 2019 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, et article 99 du règlement de procédure de la Cour – Libre prestation des services – Détachement de travailleurs – Article 56 TFUE – Directive 2014/67/UE – Articles 9 et 20 – Déclaration des travailleurs – Conservation de la documentation salariale – Sanctions – Proportionnalité – Amendes d’un montant minimum prédéfini – Cumul – Absence de plafond – Frais de justice – Irrecevabilité manifeste »

Dans les affaires jointes C‑140/19, C‑141/19 et C‑492/19 à C‑494/19,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Landesverwaltungsgericht Steiermark (tribunal administratif régional de Styrie, Autriche), par décisions du 11 février 2019 (C‑140/19 et C‑141/19) et du 17 juin 2019 (C‑492/19 à C‑494/19), parvenues à la Cour le 20 février 2019 (C‑140/19 et C‑141/19) et le 26 juin 2019 (C‑492/19 à C‑494/19), dans les procédures

EX (C‑140/19 et C‑141/19),

OK (C‑492/19),

PL (C‑493/19),

QM (C‑494/19)

contre

Bezirkshauptmannschaft Hartberg-Fürstenfeld,

en présence de :

Finanzpolizei,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. M. Safjan, président de chambre, M. L. Bay Larsen (rapporteur) et Mme C. Toader, juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, et à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 56 TFUE, de la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 1996, concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services (JO 1997, L 18, p. 1), et de la directive 2014/67/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, relative à l’exécution de la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services et modifiant le règlement (UE) no 1024/2012 concernant la coopération administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur (« règlement IMI ») (JO 2014, L 159, p. 11).

2        Ces demandes ont été présentées dans le cadre de cinq litiges opposant respectivement EX (affaires C‑140/19 et C‑141/19), OK (affaire C‑492/19), PL (affaire C‑493/19) et QM (affaire C‑494/19) à la Bezirkshauptmannschaft Hartberg-Fürstenfeld (autorité administrative du district de Hartberg-Fürstenfeld, Autriche), au sujet d’amendes qui leur ont été infligées par cette dernière pour diverses violations de dispositions en matière de droit du travail autrichien.

 Le cadre juridique

 La directive 2014/67

3        Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2014/67 :

« La présente directive instaure un cadre commun établissant un ensemble de dispositions, de mesures et de mécanismes de contrôle appropriés en vue de l’amélioration et de l’uniformisation de la mise en œuvre, de l’application et de l’exécution dans la pratique de la directive [96/71], ainsi que les mesures visant à prévenir et à sanctionner toute violation et tout contournement des règles applicables, et est sans préjudice du champ d’application de la directive [96/71]. »

4        L’article 9, paragraphe 1, de cette directive prévoit :

« Les États membres ne peuvent imposer que les exigences administratives et les mesures de contrôle nécessaires aux fins du contrôle effectif du respect des obligations énoncées dans la présente directive et la directive [96/71], pour autant que celles-ci soient justifiées et proportionnées, conformément au droit de l’Union.

À cet effet, les États membres peuvent notamment imposer les mesures suivantes :

a)      l’obligation, pour un prestataire de services établi dans un autre État membre, de procéder à une simple déclaration auprès des autorités nationales compétentes, au plus tard au début de la prestation de services, dans la langue officielle ou l’une des langues officielles de l’État membre d’accueil ou dans une autre langue ou d’autres langues acceptées par l’État membre d’accueil, contenant les informations nécessaires pour permettre des contrôles factuels sur le lieu de travail [...]

[...]

b)      l’obligation de conserver ou de fournir, sur support papier ou en format électronique, le contrat de travail ou tout document équivalent [...] et/ou d’en conserver des copies, y compris, s’il y a lieu, les informations supplémentaires [...] les fiches de paie [...] et les preuves du paiement des salaires ou des copies de documents équivalents ; ces documents doivent être conservés pendant la durée du détachement en un lieu accessible et clairement identifié du territoire de l’État membre de détachement [...] 

[...] »

5        L’article 20 de ladite directive dispose :

« Les États membres établissent le régime de sanctions applicable en cas d’infraction aux dispositions nationales adoptées en vertu de la présente directive et prennent toutes les mesures nécessaires pour que lesdites dispositions soient appliquées et respectées. Les sanctions ainsi prévues doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. Les États membres notifient ces dispositions à la Commission au plus tard le 18 juin 2016. Ils notifient à la Commission sans délai toute modification ultérieure de celles-ci. »

 Le droit autrichien

6        L’article 19, paragraphe 1, du Lohn- und Sozialdumping-Bekämpfungsgesetz (loi de lutte contre le dumping salarial et social, BGBl. I, 44/2016), dans sa version applicable à l’affaire au principal (ci-après le « LSD-BG »), prévoit :

« Les employeurs et entreprises de mise à disposition de main-d’œuvre ayant leur siège dans un État membre de l’Union européenne ou un État de l’Espace économique européen (EEE) ou dans la Confédération suisse ont l’obligation de déclarer l’emploi de travailleurs détachés en Autriche ou de travailleurs mis à disposition en Autriche. La déclaration doit être effectuée de manière distincte pour chaque détachement et chaque mise à disposition. Les modifications a posteriori des indications au titre des paragraphes 3 ou 4 doivent être déclarées immédiatement. »

7        L’article 26, paragraphe 1, du LSD-BG est rédigé comme suit :

« Quiconque, en tant qu’employeur ou entreprise de mise à disposition de main‑d’œuvre au sens de l’article 19, paragraphe 1 :

1.      ne procède pas à la déclaration requise, notamment des modifications postérieures des données (déclaration de modification) en violation de l’article 19, ou n’y procède pas à temps ou de manière complète ou

[...]

3.      ne tient pas à disposition les documents nécessaires en violation de l’article 21, paragraphe 1 ou paragraphe 2 ou ne les met pas immédiatement à disposition des autorités fiscales [...] sous forme électronique,

commet une infraction administrative passible d’une amende prononcée par l’autorité administrative de district d’un montant de 1 000 à 10 000 euros par travailleur concerné et, en cas de récidive, de 2 000 à 20 000 euros. »

8        L’article 27, paragraphe 1, du LSD-BG dispose :

« Quiconque ne transmet pas les documents nécessaires, en violation de l’article 12, paragraphe 1, point 3, commet une infraction administrative passible d’une amende prononcée par l’autorité administrative de district de 500 à 5 000 euros par travailleur concerné, et, en cas de récidive, de 1 000 à 10 000 euros. [...] »

9        L’article 28 du LSD-BG est libellé comme suit :

« Quiconque en tant que

1.      employeur ne tient pas à disposition les documents relatifs aux salaires en violation de l’article 22, paragraphe 1 ou paragraphe 1 bis, [...]

[...]

commet une infraction administrative passible d’une amende prononcée par l’autorité administrative de district d’un montant de 1 000 à 10 000 euros par travailleur concerné, et, en cas de récidive, de 2 000 à 20 000 euros, et, lorsque plus de trois travailleurs sont concernés, d’un montant de 2 000 à 20 000 euros par travailleur concerné, et, en cas de récidive, de 4 000 à 50 000. »

 Les litiges au principal et les questions préjudicielles

10      EX, OK, PL et QM ont détaché des travailleurs en vue d’effectuer des prestations sur un chantier situé en Autriche, dans le cadre d’un projet de construction visant la création d’un réseau de distribution de gaz à Grafendorf bei Hartberg (Autriche).

11      Sur la base de constats opérés lors d’un contrôle effectué le 3 janvier 2018, l’autorité administrative du district de Hartberg-Fürstenfeld a infligé des sanctions administratives aux requérants au principal.

12      Par décisions des 10 et 11 octobre 2018, cette autorité a infligé des amendes d’un montant respectif de 35 000 euros et de 134 000 euros à EX, en sa qualité d’employeur, en raison du non-respect de plusieurs obligations prévues par le LSD-BG relatives notamment à la déclaration de détachement auprès de l’autorité nationale compétente ainsi qu’à la conservation de la documentation salariale.

13      De même, par décisions du 15 mars 2019, l’autorité administrative du district de Hartberg-Fürstenfeld a infligé des amendes d’un montant de 58 500 euros à OK, PL et QM, également en leur qualité d’employeurs et, en substance, pour les mêmes motifs.

14      Les requérants au principal ont introduit un recours contre ces décisions devant la juridiction de renvoi, le Landesverwaltungsgericht Steiermark (tribunal administratif régional de Styrie, Autriche).

15      Cette juridiction doute de la conformité au droit de l’Union, et, en particulier, au principe de la proportionnalité, des sanctions prévues par une réglementation nationale, telle que le LSD-BG, qui, si elle laisse aux juridictions une certaine marge d’appréciation dans la détermination des sanctions en cas de non-respect d’obligations relatives à la déclaration de travailleurs et à la conservation de documents salariaux, réduit fortement celle-ci en raison de la combinaison du principe du cumul des amendes, de l’existence de circonstances affectant le taux de l’amende et du taux élevé de l’amende minimale, de sorte que, même lorsque l’amende infligée est la plus basse de l’échelle prévue par cette réglementation, son montant global demeure très élevé.

16      Cette juridiction précise également que, en cas de rejet du recours, en application du droit autrichien, la contribution aux frais de procédure qui serait imposée à chacun des requérants au principal s’élèverait à un montant équivalent à 20 % de l’amende infligée.

17      Dans ce contexte, le Landesverwaltungsgericht Steiermark (tribunal administratif régional de Styrie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes, libellées de manière identique dans chacune des affaires jointes :

« 1)      L’article 56 TFUE ainsi que la [directive 96/71] et la [directive 2014/67] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils font obstacle à une norme nationale qui prévoit, en cas de manquements à des obligations formelles applicables en matière d’emploi transfrontalier de main d’œuvre – tels que le non-respect de l’obligation de tenir à disposition les documents relatifs aux salaires ou l’omission de déclaration au service central de coordination – des amendes très élevées, en particulier des amendes minimales élevées prononcées de façon cumulative pour chaque travailleur concerné ?

2)      Dans l’hypothèse où il serait répondu par la négative à la première question :

L’article 56 TFUE ainsi que la [directive 96/71] et la [directive 2014/67] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils font obstacle, en cas de manquements à des obligations formelles applicables en matière d’emploi transfrontalier de main d’œuvre, à ce que des amendes administratives cumulatives puissent être prononcées sans limite maximale absolue ?

3)      L’article 56 TFUE doit-il être interprété en ce sens qu’il fait obstacle à une réglementation nationale qui, en cas de cessation anticipée et/ou d’interruption de l’activité temporaire dans l’État d’accueil, prévoit obligatoirement une déclaration de modification au service central de coordination ?

4)      L’article 56 TFUE doit-il être interprété en ce sens qu’il fait obstacle à une réglementation nationale qui ne prévoit pas de délai adéquat pour la déclaration de modification ?

5)      L’article 56 TFUE et l’article 9 de la directive [2014/67] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils font obstacle à une réglementation nationale qui prévoit que, même en soumettant a posteriori des documents appropriés et pertinents dans un délai adéquat, il n’est pas satisfait à l’exigence de mise à disposition des documents ?

6)      L’article 56 TFUE et l’article 9 de la directive [2014/67] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils font obstacle à une réglementation nationale en vertu de laquelle les prestataires de services étrangers se voient réclamer la présentation de documents dont l’étendue va au-delà de celle des documents cités à l’article 9 de la directive [2014/67], qui ne sont ni pertinents ni opportuns et qui ne sont pas précisés en droit national (par exemple les relevés de salaire, fiches de salaire, listes de paie, fiches de retenue d’impôt, enregistrement et désenregistrement, assurance maladie, listes de notification et d’allocation de surtaxe, documents relatifs au classement dans la grille des salaires, attestations) ? »

18      Par décision du président de la Cour du 23 octobre 2019, les affaires C‑140/19, C‑141/19 et C‑492/19 à C‑494/19 ont été jointes.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur les première et deuxième questions

19      En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence, la Cour peut à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.

20      Dans son arrêt du 12 septembre 2019, Maksimovic e.a. (C‑64/18, C‑140/18, C‑146/18 et C‑148/18, EU:C:2019:723), la Cour a été amenée à statuer sur des questions en substance identiques aux première et deuxième questions posées dans les présentes affaires.

21      Le 18 septembre 2019, le greffe de la Cour a communiqué cet arrêt à la juridiction de renvoi et lui a demandé si et, le cas échéant, dans quelle mesure, elle souhaitait maintenir sa demande de décision préjudicielle dans les présentes affaires au vu dudit arrêt.

22      Par lettre du 14 octobre 2019, la juridiction de renvoi a indiqué vouloir maintenir sa demande de décision préjudicielle dans les présentes affaires, sans toutefois motiver son choix.

23      Eu égard notamment aux enseignements issus de l’arrêt du 12 septembre 2019, Maksimovic e.a. (C‑64/18, C‑140/18, C‑146/18 et C‑148/18, EU:C:2019:723), il y a lieu de faire application de l’article 99 du règlement de procédure de la Cour dans les présentes affaires en ce qui concerne les première et deuxième questions.

24      Par ces questions, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 56 TFUE, la directive 96/71 et la directive 2014/67 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale prévoyant, en cas de non-respect d’obligations en matière de droit du travail relatives à la déclaration de travailleurs et à la conservation de documents salariaux, l’imposition d’amendes d’un montant élevé :

–        qui ne peuvent être inférieures à un montant prédéfini ;

–        qui sont imposées de manière cumulative pour chaque travailleur concerné et sans plafond, et

–        auxquelles s’ajoute une contribution aux frais de procédure à hauteur de 20 % de leur montant en cas de rejet du recours introduit à l’encontre de la décision les imposant.

25      Il convient de relever d’emblée qu’il ressort des indications fournies par la juridiction de renvoi que la réglementation nationale en cause au principal ne détermine pas directement les conditions de travail et d’emploi applicables en vertu de la législation autrichienne, mais vise à garantir l’efficacité des contrôles pouvant être opérés par les autorités autrichiennes compétentes afin d’assurer le respect de ces conditions.

26      Or, la Cour a déjà jugé que de telles mesures de contrôle ne relèvent pas du champ d’application de la directive 96/71, celle-ci visant à coordonner les réglementations nationales matérielles relatives aux conditions de travail et d’emploi des travailleurs détachés, indépendamment des règles administratives accessoires destinées à permettre la vérification du respect de ces conditions (arrêt du 12 septembre 2019, Maksimovic e.a., C‑64/18, C‑140/18, C‑146/18 et C‑148/18, EU:C:2019:723, point 26 et jurisprudence citée).

27      Par ailleurs, il résulte des indications de la juridiction de renvoi que le LSD-BG constitue la transposition, en droit autrichien, de la directive 2014/67.

28      À cet égard, il ressort du libellé de l’article 1er de cette directive que celle-ci instaure un cadre commun établissant un ensemble de dispositions, de mesures et de mécanismes de contrôle appropriés en vue de l’amélioration et de l’uniformisation de la mise en œuvre, de l’application et de l’exécution dans la pratique de la directive 96/71, ainsi que les mesures visant à prévenir et à sanctionner toute violation et tout contournement des règles applicables, et est sans préjudice du champ d’application de la directive 96/71.

29      En vertu de l’article 9 de la directive 2014/67, figurent, notamment, parmi les mesures que les États membres peuvent imposer aux fins d’assurer le contrôle effectif du respect des obligations prévues par cette directive et par la directive 96/71, l’obligation, pour un prestataire de services établi dans un État membre et qui souhaite détacher des travailleurs salariés dans un autre État membre, de procéder à une simple déclaration auprès des autorités compétentes de ce dernier État membre ainsi que l’obligation de conserver ou de fournir le contrat de travail ou tout document équivalent, y compris, s’il y a lieu, les fiches de paie et les preuves du paiement des salaires ou des copies de documents équivalents.

30      L’article 20 de la directive 2014/67 impose aux États membres d’établir le régime de sanctions applicable en cas d’infraction aux dispositions nationales adoptées en vertu de cette directive et précise que les sanctions ainsi prévues doivent être effectives, proportionnées et dissuasives.

31      Il découle ainsi de ces dispositions que, si cette directive ne comporte pas de règles plus précises en ce qui concerne l’établissement de telles sanctions, une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, ne peut être considérée comme étant compatible avec l’article 20 de ladite directive que pour autant que les sanctions qu’elle prévoit sont, notamment, proportionnées.

32      À cet égard, selon une jurisprudence constante de la Cour, le principe de proportionnalité exige que les actes adoptés ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que les inconvénients causés par celle-ci ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêt du 25 janvier 2018, F, C‑473/16, EU:C:2018:36, point 56 et jurisprudence citée).

33      Il ressort des décisions de renvoi que la réglementation nationale en cause en principal vise à assurer la protection sociale des travailleurs et à lutter contre le dumping salarial et social.

34      Dans ce contexte, une telle réglementation nationale, qui prévoit des sanctions en cas de non-respect d’obligations en matière de droit du travail relatives à la déclaration de travailleurs et à la conservation de documents salariaux, peut être considérée comme étant appropriée pour garantir le respect de telles obligations et, partant, la réalisation des objectifs légitimes poursuivis (voir, par analogie, arrêt du 12 septembre 2019, Maksimovic e.a., C‑64/18, C‑140/18, C‑146/18 et C‑148/18, EU:C:2019:723, point 38).

35      S’agissant du caractère nécessaire d’une telle réglementation en vue de la réalisation des objectifs poursuivis, il convient de rappeler que la rigueur de la sanction imposée doit être en adéquation avec la gravité de l’infraction qu’elle vise à sanctionner. En outre, les mesures administratives ou répressives permises par une législation nationale ne doivent pas excéder les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation des objectifs légitimement poursuivis par cette législation (arrêt du 12 septembre 2019, Maksimovic e.a., C‑64/18, C‑140/18, C‑146/18 et C‑148/18, EU:C:2019:723, point 39).

36      Dans ces conditions, il importe, en premier lieu, de relever qu’une réglementation nationale telle que celle en cause au principal a pour objet de sanctionner le non-respect d’exigences en matière de droit du travail relatives à la déclaration de travailleurs et à la conservation de documents salariaux.

37      En deuxième lieu, il convient, certes, de relever qu’une réglementation prévoyant des sanctions pécuniaires dont le montant varie en fonction du nombre de travailleurs concernés par le non-respect de certaines obligations en matière de droit du travail n’apparaît pas, en soi, comme étant disproportionnée (arrêt du 12 septembre 2019, Maksimovic e.a., C‑64/18, C‑140/18, C‑146/18 et C‑148/18, EU:C:2019:723, point 41 et jurisprudence citée).

38      Cela étant, la combinaison du montant élevé des amendes prévues pour sanctionner le non-respect de telles obligations avec le cumul sans plafond de ces amendes lorsque l’infraction concerne plusieurs travailleurs peut aboutir à l’imposition de sanctions pécuniaires d’un montant considérable.

39      En outre, la circonstance que de telles amendes ne peuvent, en tout état de cause, être inférieures à un montant prédéfini est susceptible de permettre l’imposition de telles sanctions dans des cas où il n’est pas établi que les faits reprochés présentent une gravité particulière.

40      En troisième lieu, il ressort de la décision de renvoi que, conformément à la réglementation nationale en cause au principal, en cas de rejet du recours introduit à l’encontre de la décision imposant une telle sanction par le destinataire de celle-ci, ce dernier devra s’acquitter d’un montant équivalent à 20 % de cette sanction à titre de contribution aux frais de procédure.

41      Au vu de ces éléments, une réglementation telle que celle au principal n’apparaît pas en adéquation avec la gravité des violations sanctionnées, à savoir le non-respect d’obligations en matière de droit du travail relatives à la déclaration de travailleurs et à la conservation de documents salariaux (voir, par analogie, arrêt du 12 septembre 2019, Maksimovic e.a., C‑64/18, C‑140/18, C‑146/18 et C‑148/18, EU:C:2019:723, point 46).

42      Par ailleurs, la mise en œuvre effective des obligations dont le non-respect est sanctionné par une telle réglementation pourrait être assurée par des mesures moins restrictives, telles que la fixation d’amendes d’un montant moins élevé ou l’institution d’un plafond pour de telles amendes (voir, par analogie, arrêt du 12 septembre 2019, Maksimovic e.a., C‑64/18, C‑140/18, C‑146/18 et C‑148/18, EU:C:2019:723, point 47).

43      Partant, il y a lieu de considérer qu’une réglementation nationale telle que celle en cause au principal va au-delà des limites de ce qui est nécessaire pour garantir le respect des obligations en matière de droit du travail relatives à la déclaration de travailleurs et à la conservation de documents salariaux et pour assurer la réalisation des objectifs poursuivis (voir, par analogie, arrêt du 12 septembre 2019, Maksimovic e.a., C‑64/18, C‑140/18, C‑146/18 et C‑148/18, EU:C:2019:723, point 48).

44      Compte tenu de ce qui précède, il n’y a pas lieu d’examiner la compatibilité d’une telle réglementation avec l’article 56 TFUE.

45      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux première et deuxième questions préjudicielles que l’article 20 de la directive 2014/67 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale prévoyant, en cas de non-respect d’obligations en matière de droit du travail relatives à la déclaration de travailleurs et à la conservation de documents salariaux, l’imposition d’amendes d’un montant élevé :

–        qui ne peuvent être inférieures à un montant prédéfini ;

–        qui sont imposées de manière cumulative pour chaque travailleur concerné et sans plafond, et

–        auxquelles s’ajoute une contribution aux frais de procédure à hauteur de 20 % de leur montant en cas de rejet du recours introduit à l’encontre de la décision les imposant.

 Sur les troisième à sixième questions

46      En vertu de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsqu’une demande de décision préjudicielle est manifestement irrecevable, la Cour, l’avocat général entendu, peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

47      Il convient de faire application de cette disposition dans les présentes affaires en ce qui concerne les troisième à sixième questions.

48      En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales, la nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci respecte scrupuleusement les exigences concernant le contenu d’une demande de décision préjudicielle et figurant de manière explicite à l’article 94 du règlement de procédure de la Cour (arrêt du 19 avril 2018, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi, C‑152/17, EU:C:2018:264, point 21 et jurisprudence citée).

49      Ainsi, il est notamment indispensable, comme l’énonce l’article 94, sous c), du règlement de procédure, que la décision de renvoi contienne l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal (voir, en ce sens, arrêt du 19 avril 2018, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi, C‑152/17, EU:C:2018:264, point 22 et jurisprudence citée).

50      Il importe également de souligner que les informations contenues dans les décisions de renvoi servent non seulement à permettre à la Cour de fournir des réponses utiles, mais également à donner aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres intéressés la possibilité de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Il incombe à la Cour de veiller à ce que cette possibilité soit sauvegardée, compte tenu du fait que, en vertu de cette disposition, seules les décisions de renvoi sont notifiées aux intéressés (ordonnance du 23 mai 2019, Trapeza Peiraios, C‑105/19, non publiée, EU:C:2019:452, point 14 et jurisprudence citée).

51      En l’occurrence, force est de constater que, s’agissant des troisième à sixième questions, les décisions de renvoi ne répondent manifestement pas à ces exigences.

52      En effet, les décisions de renvoi n’exposent pas les raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à poser ces questions préjudicielles ni la nature de ses doutes sur la compatibilité de la réglementation nationale visée par ces questions avec le droit de l’Union.

53      Dans ces conditions, la Cour n’est pas en mesure de donner une réponse utile aux troisième à sixième questions posées dans chacune des affaires jointes et il convient de constater, en application de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, que ces questions sont manifestement irrecevables.

 Sur les dépens

54      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

L’article 20 de la directive 2014/67/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, relative à l’exécution de la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services et modifiant le règlement (UE) no 1024/2012 concernant la coopération administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur (« règlement IMI »), doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale prévoyant, en cas de non-respect d’obligations en matière de droit du travail relatives à la déclaration de travailleurs et à la conservation de documents salariaux, l’imposition d’amendes d’un montant élevé :

–        qui ne peuvent être inférieures à un montant prédéfini ;

–        qui sont imposées de manière cumulative pour chaque travailleur concerné et sans plafond, et

–        auxquelles s’ajoute une contribution aux frais de procédure à hauteur de 20 % de leur montant en cas de rejet du recours introduit à l’encontre de la décision les imposant.

 Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.

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