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Document 62018CO0618

Ordonnance de la Cour (septième chambre) du 17 décembre 2019.
Gabriele Di Girolamo contre Ministero della Giustizia.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Giudice di pace di L’Aquila.
Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Travail à durée déterminée – Accord-cadre CES, UNICE et CEEP – Notion de “travailleur à durée déterminée” – Juges de paix – Article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour – Irrecevabilité manifeste.
Affaire C-618/18.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2019:1090

ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

17 décembre 2019 (*)

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Travail à durée déterminée – Accord-cadre CES, UNICE et CEEP – Notion de “travailleur à durée déterminée” – Juges de paix – Article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire C‑618/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Giudice di pace di L’Aquila (juge de paix de L’Aquila, Italie), par décision du 19 septembre 2018, parvenue à la Cour le 1er octobre 2018, dans la procédure

Gabriele Di Girolamo

contre

Ministero della Giustizia,

en présence de :

Unione Nazionale Giudici di Pace (Unagipa),

LA COUR (septième chambre),

composée de M. P. G. Xuereb, président de chambre, M. A. Arabadjiev (rapporteur), président de la deuxième chambre, et M. T. von Danwitz, juge,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour M. Di Girolamo, par Mes B. Caruso, G. Fontana, S. Giubboni, D. Mesiti, V. De Michele, et S. Galleano, avvocati,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme L. Fiandaca et de M. F. Sclafani, avvocati dello Stato,

–        pour la Commission européenne, par MM. G. Gattinara et M. van Beek, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 267 TFUE et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), des principes de primauté du droit de l’Union, de protection de la confiance légitime et d’effectivité de la protection juridictionnelle, lus à la lumière de la jurisprudence de la Cour en matière de responsabilité des États membres pour violation du droit de l’Union par les juridictions nationales statuant en dernier ressort, ainsi que sur l’interprétation de la clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999 (ci-après l’« accord-cadre »), qui figure à l’annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO 1999, L 175, p. 43).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Gabriele Di Girolamo, juge de paix, au Ministero della Giustizia (ministère de la Justice, Italie), son employeur, au sujet d’une demande tendant à ce qu’il soit enjoint à ce dernier de lui verser une somme de 4 500 euros.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        En vertu de la clause 1 de l’accord-cadre, celui-ci a pour objet, d’une part, d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination et, d’autre part, d’établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs.

4        La clause 2 de l’accord-cadre, intitulée « Champ d’application », dispose, à son point 1 :

« Le présent accord s’applique aux travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre ».

5        La clause 4 de l’accord-cadre énonce :

« 1.      Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent ne soit justifié par des raisons objectives.

2.      Lorsque c’est approprié, le principe du “pro rata temporis” s’applique. 

[...] »

 Le droit italien

6        Intitulé « Institution et fonctions du juge de paix », l’article 1er de la legge n. 374 – Istituzione del giudice di pace (loi no 374, instituant le juge de paix), du 21 novembre 1991 (supplément ordinaire à la GURI no 278, du 27 novembre 1991), dans sa version applicable aux faits en cause au principal (GURI no 244, du 19 octobre 2001) (ci-après la « loi no 374/1991 »), dispose :

« 1.      Il est institué un juge de paix, qui exerce la fonction juridictionnelle en matière civile et pénale et exerce la fonction de conciliation en matière civile selon les règles prévues à la présente loi.

2.      La fonction de juge de paix est exercée par un magistrat honoraire appartenant à l’ordre judiciaire.

[...] »

7        L’article 3 de la loi no 374/1991, intitulé « Cadre organique et tableau des effectifs des justices de paix », énonce, à son paragraphe 1 :

« Le cadre organique des magistrats honoraires affectés aux justices de paix est fixé à 4 700 postes ; [...] »

8        L’article 4 bis de cette loi, intitulé « Stage et nomination », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les magistrats honoraires appelés à exercer la fonction de juge de paix sont nommés, à l’issue de la période de stage et de l’évaluation d’aptitude prévue au paragraphe 7, par décret du ministre de la Justice, après délibération du Consiglio superiore della magistratura [(Conseil supérieur de la magistrature, Italie)]. »

9        L’article 5 de ladite loi, intitulé « Conditions de la nomination », dispose :

« 1.      Pour être nommé juge de paix, il faut répondre aux conditions suivantes :

[...]

d)      être titulaire d’un diplôme (master) en droit ;

[...]

g)      avoir mis fin ou s’engager à mettre fin, avant d’accéder à la fonction de juge de paix, à l’exercice de toute activité de travail salarié, dans le secteur public ou le secteur privé ;

h)      avoir réussi l’examen d’aptitude à l’exercice de la profession d’avocat.

2.      La condition prévue au paragraphe 1, sous h), n’est pas exigée des candidats qui ont exercé :

a)      des fonctions juridictionnelles, y compris en qualité de magistrat honoraire, pendant au moins deux ans ;

b)      des fonctions notariales ;

c)      l’enseignement de matières juridiques dans les universités ;

d)      des fonctions inhérentes aux qualifications de direction et à l’ancienne carrière de direction des greffes et secrétariats judiciaires.

[...] »

10      Aux termes de l’article 7 de la même loi, intitulé « Durée du mandat et confirmation du juge de paix » :

« 1.      Dans l’attente de la réforme globale de l’organisation des juges de paix, le magistrat honoraire qui exerce les fonctions de juge de paix reste en fonction pendant quatre ans et peut être confirmé pour un deuxième mandat de quatre ans et pour un troisième mandat de deux ans. [...]

[...] »

11      L’article 8 de la loi no 374/1991, intitulé « Incompatibilités », dispose :

« [...] 

1 bis. Les avocats ne peuvent pas exercer les fonctions de juge de paix dans le ressort du tribunal dans lequel ils exercent la profession d’avocat [...]

1 ter. Les avocats qui exercent les fonctions de juge de paix ne peuvent pas exercer la profession d’avocat devant la justice de paix à laquelle ils appartiennent et ne peuvent représenter, assister ou défendre, lors des instances ultérieures, les parties à des procédures qui se sont déroulées devant ladite justice de paix. [...] »

12      L’article 9 de cette loi, intitulé « Déchéance, dispense et sanctions disciplinaires », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Le juge de paix est déchu de ses fonctions s’il ne remplit plus l’une des conditions nécessaires pour être admis aux fonctions de juge de paix, par démission volontaire ou lorsque survient un motif d’incompatibilité. »

13      L’article 10 de ladite loi, intitulé « Devoirs du juge de paix », énonce :

« 1.      Le juge de paix est tenu aux devoirs qui incombent aux magistrats ordinaires. Il doit en outre s’abstenir, en sus des cas prévus à l’article 51 du code de procédure civile, dans tous les cas où il a entretenu ou entretient des rapports de travail indépendant ou de collaboration avec une des parties.

[...] »

14      Aux termes de l’article 11 de la même loi, intitulé « Indemnités dues au juge de paix » :

« 1.      Les fonctions de juge de paix sont honoraires.

2.      Les magistrats honoraires qui exercent les fonctions de juge de paix perçoivent une indemnité de 36,15 euros pour chaque audience civile ou pénale, même s’il ne s’agit pas d’une audience de plaidoiries, et pour l’apposition de scellés, et de 56,81 euros pour toute autre procédure attribuée et clôturée ou radiée du rôle.

[...] »

15      L’article 8 bis de la legge n. 97 – Norme sullo stato giuridico dei magistrati e sul trattamento economico dei magistrati ordinari e amministrativi, dei magistrati della giustizia militare e degli avvocati dello Stato (loi no 97 – Règles concernant le statut juridique des magistrats et le traitement économique des magistrats ordinaires et administratifs, des magistrats de la justice militaire et des avocats de l’État), du 2 avril 1979 (GURI no 97, du 6 avril 1979), dans sa version applicable à la date des faits en cause au principal, dispose :

« [...] [L]es magistrats ordinaires, administratifs, comptables et militaires, ainsi que les avocats et procureurs de l’État ont un congé annuel de 30 jours. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

16      M. Di Girolamo exerce des fonctions de Giudice di pace (juge de paix) à l’Ufficio di Avezzano (justice de paix d’Avezzano, Italie), à l’Ufficio di Castel di Sangro (justice de paix de Castel di Sangro, Italie) et à l’Ufficio di Pescina (justice de paix de Pescina, Italie) depuis le mois d’avril 2002. Dans le cadre de ces fonctions, il a tranché 3 039 litiges civils entre l’année 2003 et l’année 2017, et a traité 356 affaires pénales depuis l’année 2002. Il a tenu, pendant la période correspondant aux années 2015 à 2017, au minimum trois audiences par semaine, sauf durant le mois d’août, pendant lequel les délais de procédure sont suspendus.

17      Il ressort de la demande de décision préjudicielle que la rémunération des juges de paix est liée au travail effectué et calculée par rapport au nombre d’actes prononcés. En conséquence, pendant la période de congé du mois d’août, le requérant au principal n’a perçu aucune indemnité. À cet égard, la juridiction de renvoi relève que, à la différence des juges de paix, dont le mandat est à durée déterminée, les magistrats ordinaires, employés à durée indéterminée, ont droit à des congés payés de 30 jours par an.

18      Le 28 juillet 2017, M. Di Girolamo a saisi le Giudice di Pace di L’Aquila (juge de paix de L’Aquila, Italie) d’une demande tendant à ce qu’il soit enjoint au ministère de la Justice de lui verser une somme de 4 500 euros. Selon le requérant au principal, cette somme lui serait due, à titre d’indemnité, pour le mois d’août 2016. Celle-ci correspondrait au montant auquel pourrait prétendre un magistrat professionnel disposant de la même ancienneté que lui, à titre d’indemnité pour congé annuel payé.

19      Dans le cadre de ce recours, le juge de renvoi avait, par une décision du 31 juillet 2017, saisi la Cour d’une première demande de décision préjudicielle portant, notamment, sur l’interprétation de la clause 4 de l’accord-cadre. Dans cette demande, ledit juge avait expressément reconnu qu’il n’était pas compétent pour connaître de la demande d’indemnité pour congé annuel payé dont il était saisi, celle-ci relevant, en vertu du droit national, de la compétence des juridictions du travail ou, selon la qualification qu’il convient de donner à la relation d’emploi liant les juges de paix au ministère de la Justice, des juridictions administratives.

20      Par l’ordonnance du 6 septembre 2018, Di Girolamo (C‑472/17, non publiée, EU:C:2018:684), la Cour a rejeté cette première demande de décision préjudicielle comme étant irrecevable, en considérant que la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE suppose que la juridiction de renvoi soit compétente pour statuer sur le litige au principal, afin que celui-ci ne soit pas considéré comme purement hypothétique.

21      Il ressort de la présente demande de décision préjudicielle que le juge de renvoi est toujours, à la suite du renvoi de l’affaire devant lui à l’issue de la procédure préjudicielle ayant donné lieu à ladite ordonnance de la Cour, appelé à statuer sur la demande introduite par M. Di Girolamo le 28 juillet 2017. Dans cette demande de décision préjudicielle, le juge de de renvoi indique qu’« il convient de qualifier le recours en injonction de payer formé par le requérant [...] d’action en réparation en nature des dommages résultant du défaut d’application du droit de l’Union », action qui pourrait relever de la compétence des juges de paix.

22      Dans ces conditions, le Giudice di pace di L’Aquila (juge de paix de L’Aquila) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Convient-il d’interpréter les principes généraux du droit de l’Union en vigueur, relatifs à la primauté du droit de l’Union, à la sécurité juridique, à la protection de la confiance légitime, à l’égalité des armes dans le procès, à la protection juridictionnelle effective, au droit à un tribunal indépendant et plus généralement à un procès équitable, visés à l’article 47 de la [Charte], lu en combinaison avec l’article 267 TFUE, à la lumière de la jurisprudence de la Cour en matière de responsabilité de l’État italien pour violation manifeste de la réglementation communautaire par la juridiction de dernière instance, ressortant des arrêts [du 30 septembre 2003, Köbler (C‑224/01, EU:C:2003:513), du 13 juin 2006, Traghetti del Mediterraneo (C‑173/03, EU:C:2006:391), et du 24 novembre 2011, Commission/Italie (C‑379/10, non publié, EU:C:2011:775)], en ce sens que ces dispositions et la jurisprudence citée de la Cour de justice s’opposent à l’adoption par un État membre, à son propre bénéfice et au bénéfice de ses administrations publiques, comme dans l’affaire en cause en l’espèce, d’une législation telle que celle introduite par la legge n. 18/2015 (loi no 18/2015) avec l’intention déclarée de mettre en œuvre les arrêts précités de la Cour de justice, mais en substance dans l’objectif d’en réduire les effets à néant et d’influencer la juridiction nationale qui, conformément au nouveau texte de l’article 2, paragraphes 3 et 3 bis, de la legge 13 aprile 1988, n. 117 (loi no 117 du 13 avril 1988), sur la responsabilité civile des magistrats, prévoit une notion de responsabilité du juge pour dol ou faute grave “en cas de violation manifeste de la loi ainsi que du droit de l’Union européenne”. En effet, cette réglementation interne place la juridiction nationale devant une alternative – dans laquelle, quelle que soit l’option qu’il choisit, le juge engage sa responsabilité civile et disciplinaire envers l’État dans les affaires auxquelles les pouvoirs publics sont parties au fond – dont les termes sont, comme en l’espèce, d’enfreindre la législation interne en la laissant inappliquée et en appliquant le droit de l’Union européenne, tel qu’il est interprété par la Cour, ou au contraire d’enfreindre le droit de l’Union européenne, en appliquant les règles du droit interne qui s’opposent à la reconnaissance de la protection effective et sont contraires à l’article 1er, paragraphe 3, et à l’article 7 de la directive 2003/88, aux clauses 2 et 4 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée et à l’article 31, paragraphe 2, de la [Charte], tel qu’il est interprété par la Cour dans les arrêts [du 1er mars 2012, O’Brien (C‑393/10, EU:C:2012:110), et du 29 novembre 2017, King (C‑214/16, EU:C:2017:914)] ? 

2)      En cas seulement de réponse affirmative à la première question, et compte tenu de la position adoptée par la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle, Italie) [dans l’arrêt] no 269/2017 du 14 décembre 2017, après l’arrêt [du 5 décembre 2017, M.A.S. et M. B. (C‑42/17, EU:C:2017:936)], à la lumière de l’article 31, paragraphe 2, de l’article 47 de la [Charte], de l’article 267 TFUE et de l’article 4 TUE, la décision que la Cour devrait adopter dans la présente affaire préjudicielle, constatant que le droit de l’Union s’oppose à l’article 2, paragraphes 3 et 3 bis, de la legge 13 aprile 1988 n. 117, dans le cadre d’une procédure au principal dans laquelle la partie défenderesse est une administration publique de l’État, peut-elle être assimilée à une règle du droit de l’Union d’effet direct et devant être appliquée par la juridiction nationale, permettant d’écarter l’application de la disposition interne contraire ? 

3)      En cas seulement de réponse affirmative à la première question, le magistrat ordinaire ou “togato” peut-il être considéré comme un travailleur à durée indéterminée comparable au travailleur à durée déterminée qu’est le juge de paix, ayant la même ancienneté professionnelle que le magistrat ordinaire, aux fins de l’application de la clause 4 de [l’accord-cadre], si les fonctions judiciaires exercées sont les mêmes, mais les procédures de concours pour accéder aux fonctions différentes, entre les magistrats ordinaires (sur titres et épreuves, avec recrutement permanent et inamovibilité substantielle de la relation de travail à durée indéterminée, sauf dans les cas peu fréquents de manquement grave aux devoirs de la fonction) et les juges de paix (sur titres, avec recrutement à terme, renouvelable discrétionnairement à l’issue de l’évaluation positive périodique par le conseil supérieur de la magistrature, révocable immédiatement en cas d’évaluation négative de l’action du juge honoraire) ? »

 Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

23      En vertu de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsqu’une demande ou une requête est manifestement irrecevable, la Cour, l’avocat général entendu, peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

24      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

25      Selon une jurisprudence constante de la Cour, la procédure instituée à l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 1992, Meilicke, C‑83/91, EU:C:1992:332, point 22, ainsi que ordonnances du 8 septembre 2016, Caixabank et Abanca Corporación Bancaria, C‑91/16 et C‑120/16, non publiée, EU:C:2016:673, point 13, et du 6 septembre 2018, Di Girolamo, C‑472/17, non publiée, EU:C:2018:684, point 22).

26      Dans le cadre de cette coopération, les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Cependant, une demande formée par une juridiction nationale doit être rejetée lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 10 décembre 2018, Wightman e.a., C‑621/18, EU:C:2018:999, point 27 ainsi que jurisprudence citée).

27      Un tel rejet est également possible lorsqu’il apparaît de manière manifeste que la procédure prévue à l’article 267 TFUE a été détournée de son objet et tend, en réalité, à amener la Cour à statuer par le biais d’un litige construit (voir, en ce sens, arrêts du 8 novembre 1990, Gmurzynska-Bscher, C‑231/89, EU:C:1990:386, point 23 ; du 5 décembre 1996, Reisdorf, C‑85/95, EU:C:1996:466, point 16, et du 7 décembre 2010, VEBIC, C‑439/08, EU:C:2010:739, point 42, ainsi que ordonnance du 16 avril 2008, Club Náutico de Gran Canaria, C‑186/07, non publiée, EU:C:2008:227, point 19).

28      Par ailleurs, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, la justification du renvoi préjudiciel est non pas la formulation d’opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais le besoin inhérent à la solution effective d’un litige (arrêt du 10 décembre 2018, Wightman e.a., C‑621/18, EU:C:2018:999, point 28 ainsi que jurisprudence citée).

29      En l’occurrence, il convient de relever, en premier lieu, que, selon les indications figurant dans la demande de décision préjudicielle, le juge de renvoi est toujours saisi, à la suite du renvoi de l’affaire devant lui à l’issue de la procédure préjudicielle ayant donné lieu à l’ordonnance du 6 septembre 2018, Di Girolamo (C‑472/17, non publiée, EU:C:2018:684), de la demande introduite le 28 juillet 2017 par M. Di Girolamo, tendant à ce qu’il soit enjoint au ministère de la Justice de lui verser une indemnité pour congé annuel non payé.

30      À cet égard, il convient de rappeler que la juridiction de renvoi avait clairement indiqué, dans le cadre de cette première procédure préjudicielle, qu’elle n’était pas compétente pour statuer sur une telle demande d’indemnité pour congé annuel payé (ordonnance du 6 septembre 2018, Di Girolamo, C‑472/17, non publiée, EU:C:2018:684, point 30), celle-ci relevant, selon la qualification qu’il convient de donner, en vertu du droit national, à la relation d’emploi liant le requérant au principal à son employeur, de la compétence soit des juridictions du travail, soit des juridictions administratives.

31      Or, la Cour a considéré que la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE suppose que la juridiction de renvoi soit compétente pour statuer sur le litige au principal, afin que celui-ci ne soit pas considéré comme purement hypothétique, au sens de la jurisprudence citée au point 26 de la présente ordonnance (ordonnance du 6 septembre 2018, Di Girolamo, C‑472/17, non publiée, EU:C:2018:684, point 31).

32      Dans ces conditions, la Cour a jugé que la demande de décision préjudicielle dont elle était alors saisie était manifestement irrecevable (ordonnance du 6 septembre 2018, Di Girolamo, C‑472/17, non publiée, EU:C:2018:684, point 32).

33      En second lieu, dans la présente demande de décision préjudicielle, le juge de renvoi indique qu’« il convient de qualifier le recours en injonction de payer formé par le requérant [...] d’une action en réparation en nature des dommages en raison du défaut d’application du droit de l’Union », action qui pourrait relever de la compétence des juges de paix.

34      Or, cette nouvelle qualification, par la juridiction de renvoi, de la demande à fin d’injonction de payer demeurée inchangée, sur laquelle elle est appelée à statuer, ne saurait suffire à modifier, dans le contexte de la présente affaire, l’appréciation portée par la Cour sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle ayant donné lieu à l’ordonnance du 6 septembre 2018, Di Girolamo (C‑472/17, non publiée, EU:C:2018:684).

35      Par ailleurs, il ressort des éléments du dossier dont dispose la Cour que cette demande à fin d’injonction de verser une indemnité pour congé annuel payé a été introduite par M. Di Girolamo contre le ministère de la Justice, en qualité d’employeur de l’intéressé.

36      En réponse à une demande d’information adressée au juge de renvoi par la Cour, celui-ci a indiqué que, en vertu du droit italien, la partie défenderesse dans une action tendant à la mise en jeu de la responsabilité de l’État est, en général, le gouvernement italien et a confirmé que le recours au principal est dirigé contre le ministère de la Justice en tant qu’employeur public.

37      Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de revenir sur l’appréciation de la recevabilité de la demande de décision préjudicielle à laquelle s’est livrée la Cour dans le cadre du renvoi préjudiciel ayant donné lieu à l’ordonnance du 6 septembre 2018, Di Girolamo (C‑472/17, non publiée, EU:C:2018:684), étant donné que le juge de renvoi n’a pas relevé de fait nouveau justifiant une appréciation nouvelle par la Cour de sa compétence (voir, par analogie, arrêt du 16 décembre 1981, Foglia, 244/80, EU:C:1981:302, point 34).

38      Partant, il convient de constater, en application de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, que la présente demande de décision préjudicielle est manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

39      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

La demande de décision préjudicielle introduite par le Giudice di pace di L’Aquila (juge de paix de L’Aquila, Italie), par décision du 19 septembre 2018, est manifestement irrecevable.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.

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