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Document 62018CO0166

Ordonnance de la Cour (sixième chambre) du 21 juin 2018.
Idroenergia Scrl contre Agenzia delle dogane e dei Monopoli - Ufficio delle Dogane di Caserta.
Demande de décision préjudicielle, introduite par la Commissione tributaria regionale per la Campania.
Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, et article 94 du règlement de procédure de la Cour – Absence de précisions suffisantes concernant le contexte factuel et réglementaire du litige au principal ainsi que les raisons justifiant la nécessité d’une réponse à la question préjudicielle – Irrecevabilité manifeste.
Affaire C-166/18.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2018:476

ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

21 juin 2018 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, et article 94 du règlement de procédure de la Cour – Absence de précisions suffisantes concernant le contexte factuel et réglementaire du litige au principal ainsi que les raisons justifiant la nécessité d’une réponse à la question préjudicielle – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire C‑166/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Commissione tributaria regionale per la Campania (commission fiscale régionale pour la Campanie, Italie), par décision du 1er février 2017, parvenue à la Cour le 1er mars 2018, dans la procédure

Idroenergia Scrl

contre

Agenzia delle Dogane e dei Monopoli – Ufficio delle Dogane di Caserta,

LA COUR (sixème chambre),

composée de M. C. G. Fernlund, président de chambre, MM. S. Rodin et E. Regan (rapporteur), juges,

avocat général : M. E. Tanchev,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du principe de protection de la confiance légitime.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Idroenergia Scrl à l’Agenzia delle Dogane e dei Monopoli – Ufficio delle Dogane di Caserta (agence des douanes et des monopoles – bureau des douanes de Caserte, Italie) (ci-après le « bureau des douanes de Caserte ») au sujet du paiement des droits d’accise sur l’électricité.

 Le litige au principal et la question préjudicielle

3        Idroenergia est, selon ses affirmations, une coopérative d’entreprises qui utilise de l’énergie autoproduite à partir de sources renouvelables.

4        Par un avis de recouvrement du 23 juillet 2014, le bureau des douanes de Caserte a réclamé à Idroenergia le paiement de droits d’accise sur l’électricité concernant les années 2009 à 2014 pour un montant total de 213 897,99 euros, au motif que cette société ne pouvait pas bénéficier de l’exonération de ces droits prévue par une disposition du droit national au bénéfice des auto-producteurs, dès lors que les utilisateurs finals de l’électricité produite par Idroenergia, à savoir les associés de la coopérative, sont des personnes juridiquement distinctes de cette société.

5        Estimant que cet avis de recouvrement avait été émis en violation du principe de protection de la confiance légitime, Idroenergia a saisi la Commissione tributaria provinciale di Caserta (commission fiscale provinciale de Caserte, Italie) d’un recours visant à l’annulation de celui-ci. À l’appui de son recours, Idroenergia a fait valoir, d’une part, que l’Ufficio delle Dogane di Torino (bureau des douanes de Turin, Italie), lors de l’examen de sa demande de licence de producteur d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable, lui avait indiqué, après avoir vérifié la conformité de sa demande, qu’elle n’était pas tenue au paiement de droits d’accise sur l’électricité, et, d’autre part, que le bureau des douanes de Caserte lui avait attribué un « code d’entreprise » pour son installation en tant qu’auto-producteur, en approuvant le régime fiscal qu’elle avait adopté.

6        La Commissione tributaria provinciale di Caserta (commission fiscale provinciale de Caserte) a rejeté ce recours, au motif qu’Idroenergia avait indûment bénéficié de l’exonération des droits d’accise sur l’électricité, dès lors qu’elle n’avait pas la qualité d’auto-producteur, ne remplissant ni la condition de consommation « pour ses propres besoins » ni celle de production « par ses propres installations », prévues par la législation nationale applicable. Selon cette juridiction, Idroenergia n’exerce pas l’activité déclarée consistant à produire de l’électricité à partir de sources renouvelables en vue de sa distribution à ses associés au sein de la coopérative, mais se procure de l’électricité en vue de sa revente à des tiers et ne dispose d’ailleurs ni d’employé ni d’une structure industrielle ou administrative.

7        Idroenergia a interjeté appel contre la décision de la Commissione tributaria provinciale di Caserta (commission fiscale provinciale de Caserte) devant la juridiction de renvoi. Par ce recours, elle demande la réformation de cette décision et l’annulation de l’avis de recouvrement du 23 juillet 2014, au moyen pris de la violation du principe de protection de la confiance légitime, tel que prévu par le droit national.

8        Dans ces conditions, la Commissione tributaria regionale per la Campania (commission fiscale régionale pour la Campanie, Italie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Le principe de protection de la confiance légitime s’oppose-t-il à une réglementation nationale en vertu de laquelle l’impôt demeure dû en tout état de cause, même dans les cas, comme celui faisant l’objet du présent litige, dans lesquels le comportement de l’administration fiscale pendant plusieurs années a légitimement convaincu l’assujetti qu’il n’était pas tenu de [payer] l’impôt en cause ? »

 Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

9        En vertu de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsqu’une demande de décision préjudicielle est manifestement irrecevable, la Cour, l’avocat général entendu, peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

10      Il convient de faire application de ladite disposition dans la présente affaire.

11      Selon une jurisprudence constante de la Cour, la procédure instituée à l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher (voir, notamment, arrêt du 27 novembre 2012, Pringle, C‑370/12, EU:C:2012:756, point 83).

12      La nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées. En effet, la Cour est uniquement habilitée à se prononcer sur l’interprétation d’un texte de l’Union à partir des faits qui lui sont indiqués par la juridiction nationale (ordonnance du 5 octobre 2017, OJ, C‑321/17, non publiée, EU:C:2017:741, point 12).

13      La juridiction de renvoi doit également indiquer les raisons précises qui l’ont conduite à s’interroger sur l’interprétation de certaines dispositions du droit de l’Union et à estimer nécessaire de poser des questions préjudicielles à la Cour. Celle-ci a déjà jugé qu’il est indispensable que la juridiction nationale donne un minimum d’explications sur les raisons du choix des dispositions du droit de l’Union dont elle demande l’interprétation ainsi que sur le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige qui lui est soumis (ordonnance du 27 octobre 2016, Uber Belgium, C‑526/15, non publiée, EU:C:2016:830, point 22).

14      Ces exigences concernant le contenu d’une demande de décision préjudicielle figurent de manière explicite à l’article 94 du règlement de procédure, dont la juridiction de renvoi est censée, dans le cadre de la coopération instaurée à l’article 267 TFUE, avoir connaissance et qu’elle est tenue de respecter scrupuleusement (ordonnances du 3 juillet 2014, Talasca, C‑19/14, EU:C:2014:2049, point 21, et du 27 octobre 2016, Uber Belgium, C‑526/15, non publiée, EU:C:2016:830, point 20).

15      Ainsi, aux termes dudit article 94, toute demande de décision préjudicielle contient « un exposé sommaire de l’objet du litige ainsi que des faits pertinents, tels qu’ils ont été constatés par la juridiction de renvoi ou, à tout le moins, un exposé des données factuelles sur lesquelles les questions sont fondées », « la teneur des dispositions nationales susceptibles de s’appliquer en l’espèce », ainsi que « l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal ».

16      Lesdites exigences sont également reflétées dans les recommandations de la Cour de justice de l’Union européenne à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles (JO 2016, C 439, p. 1), dont le point 15 reproduit en substance les dispositions de l’article 94 du règlement de procédure.

17      En outre, il ressort du point 16 de ces mêmes recommandations que « la juridiction de renvoi doit fournir les références précises des dispositions nationales applicables aux faits du litige au principal et identifier avec précision les dispositions du droit de l’Union dont l’interprétation est sollicitée ».

18      Il y a lieu de souligner, à cet égard, que les informations fournies dans les demandes de décision préjudicielle servent non seulement à permettre à la Cour de donner des réponses utiles aux questions posées par la juridiction de renvoi, mais également à procurer aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres intéressés la possibilité de présenter des observations, conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Il incombe à la Cour de veiller à ce que cette possibilité soit sauvegardée, compte tenu du fait que, en vertu de ladite disposition, seules les demandes de décision préjudicielle sont notifiées aux parties intéressées, accompagnées d’une traduction dans la langue officielle de chaque État membre, à l’exclusion du dossier national éventuellement transmis à la Cour par la juridiction de renvoi (voir, notamment, arrêt du 5 juillet 2016, Ognyanov, C‑614/14, EU:C:2016:514, point 20, ainsi que ordonnance du 8 septembre 2016, Google Ireland et Google Italy, C‑322/15, EU:C:2016:672, point 17).

19      En l’occurrence, la décision de renvoi ne répond manifestement pas à ces exigences.

20      Certes, la question posée porte sur l’interprétation du principe de protection de la confiance légitime, lequel fait partie de l’ordre juridique de l’Union et doit, à ce titre, être respecté par les États membres dans l’exercice des pouvoirs que leur confèrent les dispositions du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2009, Plantanol, C‑201/08, EU:C:2009:539, point 43 et jurisprudence citée).

21      Toutefois, la juridiction de renvoi se borne, à cet égard, à reproduire textuellement un extrait de l’argumentation développée par Idroenergia à l’appui de son recours au principal, dans lequel celle-ci présente de manière générale quelques arrêts de la Cour concernant ce principe, sans, en revanche, aucunement faire référence à une disposition précise du droit de l’Union dans le cadre de laquelle les autorités italiennes exerceraient, en l’occurrence, leurs pouvoirs. En particulier, elle n’identifie pas les dispositions de ce droit sur la base desquelles serait fondée l’exonération des droits d’accise sur l’électricité prévue par la législation nationale applicable au litige au principal.

22      Ainsi, il y a lieu de constater que la juridiction de renvoi ne fournit aucune explication quant au lien qu’elle établit entre le droit de l’Union et cette législation nationale.

23      Par ailleurs, il convient de relever que, s’agissant du cadre réglementaire du litige au principal, la juridiction de renvoi se limite à se référer à certaines dispositions de droit national, sans fournir ni la teneur exacte de chacune de ces dispositions ni les références et intitulés précis de la réglementation dont ces dispositions sont issues, et sans indiquer les éléments nécessaires à la compréhension de l’ensemble de la réglementation nationale pertinente susceptible de s’appliquer au litige au principal.

24      De surcroît, la juridiction de renvoi n’établit pas clairement les éléments factuels pertinents, se bornant, à cet égard, à se référer, pour l’essentiel, aux affirmations éparses formulées par Idroenergia à l’appui de son recours au principal, ainsi qu’aux constatations effectuées par le bureau des douanes de Caserte et par la Commissione tributaria provinciale di Caserta (commission fiscale provinciale de Caserte). Notamment, la juridiction de renvoi ne décrit pas la nature exacte des activités exercées par Idroenergia, alors même que l’octroi de l’exonération des droits d’accise sur l’électricité faisant l’objet du litige au principal dépend précisément de celles-ci.

25      En raison de ces lacunes, la demande de décision préjudicielle ne permet donc pas à la Cour de fournir une réponse utile à la juridiction de renvoi afin de trancher le litige au principal ni ne donne aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres parties intéressées la possibilité de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

26      Il convient cependant de relever que la juridiction de renvoi conserve la faculté de soumettre une nouvelle demande de décision préjudicielle lorsqu’elle sera en mesure de fournir à la Cour l’ensemble des éléments permettant à celle-ci de statuer (ordonnance du 5 octobre 2017, OJ, C‑321/17, non publiée, EU:C:2017:741, point 22).

27      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater, en application de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, que la présente demande de décision préjudicielle est manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

28      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) ordonne :

La demande de décision préjudicielle introduite par la Commissione tributaria regionale per la Campania (commission fiscale régionale pour la Campanie, Italie), par décision du 1er février 2017, est manifestement irrecevable.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.

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