EUR-Lex Access to European Union law

Back to EUR-Lex homepage

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62016TJ0506

Arrêt du Tribunal (neuvième chambre) du 6 juillet 2017.
Jean-Pierre Bodson e.a. contre Banque européenne d'investissement.
Fonction publique – Personnel de la BEI – Nature contractuelle de la relation de travail – Rémunération – Réforme du système de rémunération et de progression salariale – Confiance légitime – Sécurité juridique – Erreur manifeste d’appréciation – Proportionnalité – Devoir de sollicitude – Article 11, paragraphe 3, du règlement intérieur de la BEI.
Affaire T-506/16.

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2017:468

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

6 juillet 2017 (*)

« Fonction publique – Personnel de la BEI – Nature contractuelle de la relation de travail – Rémunération – Réforme du système de rémunération et de progression salariale – Confiance légitime – Sécurité juridique – Erreur manifeste d’appréciation – Proportionnalité – Devoir de sollicitude – Article 11, paragraphe 3, du règlement intérieur de la BEI »

Dans l’affaire T‑506/16,

Jean-Pierre Bodson, membre du personnel de la Banque européenne d’investissement, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), et les autres membres du personnel de la Banque européenne d’investissement dont les noms figurent en annexe (1), représentés par Me L. Levi, avocat,

parties requérantes,

contre

Banque européenne d’investissement (BEI), représentée initialement par MM. C. Gómez de la Cruz, G. Nuvoli et T. Gilliams, puis par M. Gilliams et Mme G. Faedo, en qualité d’agents, assistés de Me P.‑E. Partsch, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation des décisions, contenues dans les bulletins de salaire d’avril 2013 et postérieurs, faisant application aux requérants de la décision du conseil d’administration de la BEI du 18 décembre 2012 et de la décision du comité de direction de la BEI du 29 janvier 2013 ainsi que de l’article mis en ligne le 5 février 2013 informant le personnel de l’adoption de ces deux décisions et, d’autre part, à la condamnation de la BEI à verser aux requérants une somme correspondant à la différence entre le montant des rémunérations versées en application des décisions susmentionnées et celui des rémunérations dues en application du régime antérieur ainsi que des dommages et intérêts en réparation du préjudice que les requérants auraient prétendument subi en raison de leur perte de pouvoir d’achat,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, R. da Silva Passos et Mme K. Kowalik‑Bańczyk (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Les requérants, M. Jean-Pierre Bodson et les 483 autres personnes physiques dont les noms figurent en annexe, sont des agents de la Banque européenne d’investissement (BEI).

2        Le régime pécuniaire des agents de la BEI prévoit l’octroi d’un traitement de base, de primes et de diverses indemnités et allocations.

3        Certains agents, à savoir ceux qui relèvent des fonctions C à K, bénéficient, dans ce cadre, d’un avancement d’échelon au mérite. À cette fin, la BEI a adopté plusieurs grilles d’avancement d’échelon au mérite et a modifié ces grilles à plusieurs reprises. L’objet de ces grilles est de déterminer, en fonction de la note de mérite attribuée à un agent, le nombre d’échelons dont celui-ci bénéficiera dans le cadre de son avancement.

A.      Système de rémunération et de progression salariale avant la réforme de 2006-2007

4        Jusqu’en 2006, trois grilles d’avancement d’échelon au mérite étaient prévues selon le tableau ci-après :


Note de mérite

A

B+ 

C

Avancement d’échelon

1er tiers

6

4

3

2

0

 

2e tiers

5

3

2

1

0

 

3e tiers

4

3

2

1

0


B.      Système de rémunération et de progression salariale après la réforme de 2006-2007

1.      Système prévu par la réforme de 2006-2007, mais non mis en œuvre

5        Le 12 décembre 2006, le conseil d’administration de la BEI (ci-après le « conseil d’administration ») a décidé, d’une part, de limiter à 4,2 % le taux d’augmentation, pour l’année 2007, du budget des dépenses de personnel et, d’autre part, d’adopter une réforme du système de rémunération et de progression salariale (ci-après la « décision du 12 décembre 2006 »).

6        Le 31 janvier 2007, le comité de direction de la BEI (ci-après le « comité de direction ») a modifié les règles relatives à l’avancement d’échelon résultant du mérite professionnel (ci-après la « décision du 31 janvier 2007 »). Cette décision prévoyait trois grilles d’avancement d’échelon au mérite.

7        La première grille d’avancement d’échelon au mérite, minimale et garantie (ci-après la « grille “2-2-1-0-0” »), prévoyait, pour l’ensemble du personnel, ce qui suit :


Note de mérite

A

[…]

B+

[…]

C

Avancement d’échelon

2

2

1

0

[0]


8        Les deux autres grilles d’avancement d’échelon au mérite présentaient un caractère transitoire et avaient vocation à être appliquées en 2007, lors de l’évaluation des mérites des agents au cours de l’année 2006.

9        D’une part, une grille applicable à la généralité du personnel de la BEI prévoyait ce qui suit :


Note de mérite

A

[…]

B+

[…]

B

C

D

Avancement d’échelon

3

3

2

1

[0]


10      D’autre part, une grille « jeune » réservée aux agents des catégories E à K, non encore promus depuis leur entrée en fonction et classés dans le premier tiers de la ligne salariale, se présentait ainsi :

Note de mérite

A

[…]

B+

[…]

B

C

D

Avancement d’échelon

4

4

3

1

[0]


2.      Système effectivement mis en œuvre entre 2007 et 2011

a)      Grilles d’avancement d’échelon au mérite appliquées entre 2007 et 2011

11      Grâce à des disponibilités dans le budget des dépenses de personnel, la grille d’avancement d’échelon au mérite ci-après a été appliquée lors de l’appréciation, entre 2007 et 2011, des mérites de la généralité des agents de la BEI au cours des années 2006 à 2010 (ci-après la « grille “4-3-2-1-0” ») :


Note de mérite

A

B+

B

C

D

Avancement d’échelon

4

3

2

1

0


12      En outre, les agents mentionnés au point 10 ci-dessus ont bénéficié d’une grille « jeune » spécifique (ci-après la « grille “jeune” “5-4-3-1-0” »), se présentant ainsi :


Note de mérite

A

B+

B

C

D

Avancement d’échelon

5

4

3

1

0


b)      Mesures compensatoires prévues par le protocole d’accord du 18 mars 2009 et la lettre d’accompagnement du même jour

13      Les décisions du 12 décembre 2006 et du 31 janvier 2007 ayant été contestées par de nombreux agents, un accord fixant le cadre procédural d’une procédure de conciliation (ci-après la « procédure de conciliation ») a été signé le 2 juin 2008 par le directeur des ressources humaines de la BEI et par le porte-parole des représentants du personnel (ci-après l’« accord du 2 juin 2008 »). L’objet de cette procédure était de parvenir à un « règlement global pren[ant] en compte la différence existant pour l’ensemble des agents de la BEI entre le système de rémunération avant sa modification par [la] décision […] du 12 décembre 2006 et ses modalités d’application et le système de rémunération résultant de cette décision et de ses modalités d’application ». Dans le cadre de ladite procédure, un actuaire (ci-après l’« actuaire ») a été chargé de créer un outil informatique simulant les salaires et les pensions d’ancienneté avant et après la réforme en question, cela afin de s’assurer du caractère compensatoire des mesures proposées.

14      À la suite de la procédure de conciliation, l’administration de la BEI, représentée par le directeur des ressources humaines, a conclu, le 18 mars 2009, un protocole d’accord avec les représentants du personnel prévoyant quatre mesures de nature à compenser globalement les principaux effets de la réforme du système de rémunération et de progression salariale de 2006-2007 ainsi que d’une réforme du régime des pensions adoptée en 2008 (ci-après le « protocole d’accord »).

15      La première mesure compensatoire consistait en l’intégration d’une indemnité compensatrice et de l’indemnité de secrétariat dans le traitement de base au 1er janvier 2010 et donc en la prise en compte de ces deux éléments dans l’assiette de la pension d’ancienneté. La deuxième mesure compensatoire avait trait à la possibilité, pour les membres du personnel, de verser chaque année jusqu’à 12 % de leur prime annuelle récompensant leurs performances à un fonds de pension complémentaire (ci-après le « RCVP »), la somme ainsi versée étant majorée du même montant par la BEI. La troisième mesure compensatoire résidait dans une bonification de l’intérêt crédité sur les capitaux du RCVP. Enfin, la quatrième mesure compensatoire prévoyait la mise en place d’un compte épargne-temps permettant de capitaliser les jours de congés non pris, avec, à terme, la possibilité de capitaliser aussi les heures supplémentaires.

16      Le 18 mars 2009, le directeur des ressources humaines et le porte-parole des représentants du personnel ont également signé une lettre d’accompagnement, jointe au protocole d’accord (ci-après la « lettre d’accompagnement »). Cette lettre confirmait « l’engagement des parties [à] donner un caractère durable [au protocole d’accord] et en particulier à la compensation [pour les] membres du personnel en service au 31 décembre 2008 ». Elle précisait, toutefois, que cet engagement « ne signifi[ait] pas que les autorités compétentes de la [BEI] ne pourraient modifier les éléments ou modalités du système de rémunération […] mis en œuvre ou ce système lui-même ainsi que le régime de pension tels qu’issus de la réforme », mais qu’il « signifi[ait] seulement que, si de telles modifications devaient impacter substantiellement, dans un sens négatif, une large fraction du personnel, la question devrait être abordée dans le même esprit de collaboration que celui ayant présidé à l’élaboration du [p]rotocole [d’accord], avec pour objectif d’assurer le caractère durable des compensations [susmentionnées] ».

c)      Méthode d’adaptation annuelle du barème des traitements de base à l’inflation, adoptée le 22 septembre 2009

17      Par ailleurs, le 22 septembre 2009, le conseil d’administration a arrêté une méthode d’adaptation annuelle du barème des traitements de base à l’inflation calculée au Grand-Duché de Luxembourg et lissée sur trois ans (ci-après la « méthode de 2009 »).

C.      Système de rémunération et de progression salariale issu de la réforme de 2011-2012, appliqué en 2012 et contesté dans le cadre d’un précédent recours

18      Le 13 décembre 2011, le conseil d’administration a approuvé le plan d’activité de la BEI pour les années 2012 à 2014. Il a aussi fixé à 2,8 % l’augmentation, en 2012, du budget des dépenses de personnel pour le personnel en fonction (ci-après la « décision du 13 décembre 2011 »).

19      Le 14 février 2012, le comité de direction a adopté les mesures de mise en œuvre de la décision du 13 décembre 2011 (ci-après la « décision du 14 février 2012 »). Cette décision dispose que :

« a. Les traitements du personnel (fonctions C à K) seront ajustés de 2,8 % pour tenir compte de l’inflation […]

b. Le nombre d’échelons accordés pour chaque note au titre du mérite sera diminué d’une unité […] La grille d’avancement [d’échelon] au mérite [applicable à la généralité du personnel] se présentera par conséquent comme suit :


Note [de] mérite

A

B+

B

C

D

[Avancement d’échelon]

3

2

1

0

0


[…]

d. la grille “jeune” [“4-4-3-1-0” ou “5-4-3-1-0”] sera suspendue.

[…] »

20      Par ailleurs, à l’augmentation de 2,8 % des traitements des agents au titre de l’inflation s’est ajoutée une hausse de 1,7 % financée par la réalisation de diverses économies issues du budget des ressources humaines et, en particulier, par l’utilisation de l’effet dit « de noria », défini par les parties comme l’économie réalisée lors du départ à la retraite de certains agents, suivi soit de leur remplacement par de nouveaux agents plus jeunes et donc moins coûteux, soit de leur non-remplacement. Le pourcentage global d’augmentation pour l’année 2012 a ainsi été porté à 4,5 %.

21      L’exercice d’évaluation portant sur l’année 2011, mené en 2012, a conduit, pour certains agents de la BEI, à des avancements d’échelon conformes à ceux prévus par la grille adoptée par la décision du 14 février 2012 (ci-après la « grille “3-2-1-0-0” »).

22      Les progressions salariales correspondant à ces avancements d’échelon ont été incluses, pour la première fois, dans les bulletins de salaire d’avril 2012.

23      Huit agents de la BEI ont alors contesté devant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne les décisions, contenues dans leurs bulletins de salaire d’avril 2012, faisant application à leur égard des décisions du 13 décembre 2011 et du 14 février 2012 et mettant en œuvre la grille « 3-2-1-0-0 ».

24      Par arrêt du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI (F‑73/12, EU:F:2014:16), le Tribunal de la fonction publique a rejeté le recours de ces agents.

25      Par arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI (T‑240/14 P, EU:T:2016:104), le Tribunal a rejeté le pourvoi formé par lesdits agents contre l’arrêt du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI (F‑73/12, EU:F:2014:16).

D.      Système de rémunération et de progression salariale issu de la réforme de 2012-2013, appliqué en 2013 et contesté dans le cadre du présent recours

26      Entre temps, les organes de la BEI ont à nouveau modifié le système de rémunération et de progression salariale et, en particulier, les règles relatives à l’avancement d’échelon au mérite.

27      Lors de ses réunions des 22 octobre 2012, 19 novembre 2012 et 17 décembre 2012, le comité de rémunérations du personnel de la BEI (ci-après le « comité de rémunérations ») a adopté plusieurs recommandations. Il a notamment, d’une part, recommandé au conseil d’administration de limiter à 2,3 % l’augmentation du budget des dépenses de personnel pour le personnel en fonction et, d’autre part, invité le comité de direction à décider de la répartition de cette augmentation ainsi que du niveau de ressources internes devant, le cas échéant, être mobilisé afin de compléter ledit budget.

28      Le 18 décembre 2012, le conseil d’administration a approuvé le plan d’activité de la BEI pour les années 2013 à 2015. Il a aussi fixé à 2,3 % l’augmentation, en 2013, du budget des dépenses de personnel pour le personnel en fonction (ci-après la « décision du 18 décembre 2012 »). Par ailleurs, le conseil d’administration ne s’est pas opposé à l’utilisation, jusqu’à un plafond de 1 %, de l’« effet de noria », permettant ainsi une augmentation totale des différentes formes d’augmentation salariale de 3,3 %.

29      Le 23 janvier 2013, la direction générale du personnel de la BEI a adressé au comité de direction une note lui demandant d’approuver des mesures d’exécution de la décision du 18 décembre 2012 (ci-après la « note du 23 janvier 2013 »). Les mesures d’exécution proposées prévoyaient, premièrement, une adaptation des salaires du personnel au titre de l’inflation de 1,8 % pour l’année 2013, inférieure à celle de 3,6 % résultant de l’application de la méthode de 2009, deuxièmement, le retour à la grille « 2-2-1-0-0 », déjà adoptée en 2007 en tant que grille minimale et garantie, laquelle pouvait être financée par une hausse du budget des dépenses de personnel de 1,2 %, et, troisièmement, un maintien de la politique existante en matière de promotions et de reclassements, impliquant une hausse de 0,3 % dudit budget.

30      Le 29 janvier 2013, le comité de direction a approuvé les mesures de mise en œuvre de la décision du 18 décembre 2012 proposées par la direction générale du personnel (ci-après la « décision du 29 janvier 2013 »). Cette décision a permis d’adopter en particulier la grille d’avancement d’échelon au mérite ci-après, identique à la grille « 2-2-1-0-0 », adoptée le 31 janvier 2007, et applicable à l’ensemble du personnel :


Note [de] mérite

A

B+

B

C

D

[Avancement d’échelon]

2

2

1

0

0


31      Le 5 février 2013, un article mis en ligne sur l’intranet de la BEI (ci-après l’« article du 5 février 2013 ») a informé le personnel de l’approbation, le 29 janvier 2013, par le comité de direction, du budget des dépenses de personnel et, en particulier, de la fixation à 1,8 % de l’augmentation du barème des traitements de base au titre de l’inflation pour l’année 2013 ainsi que de l’adoption de la grille « 2-2-1-0-0 » pour l’exercice d’évaluation des mérites des agents au titre de l’année 2012.

32      L’exercice d’évaluation portant sur l’année 2012, mené en 2013, a conduit, pour chacun des requérants, à un avancement d’échelon conforme à celui prévu par la grille « 2-2-1-0-0 ».

33      Les progressions salariales correspondant à ces avancements d’échelon ont été incluses, pour la première fois, dans les bulletins de salaire d’avril 2013.

II.    Procédure et conclusions des parties

34      Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique le 15 mai 2013, les requérants, ainsi que deux autres agents de la BEI, ont introduit le présent recours, qui a été enregistré sous le numéro F‑45/13.

35      Par ordonnance du 9 juillet 2013, le président de la troisième chambre du Tribunal de la fonction publique a suspendu la procédure dans l’affaire F‑45/13 jusqu’à ce que la décision mettant fin à l’instance dans l’affaire F‑73/12 soit passée en force de chose jugée.

36      Par lettre déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique le 11 novembre 2013, les requérants ont informé le Tribunal que les deux autres agents mentionnés au point 34 ci-dessus se désistaient de leur recours.

37      Par ordonnance du 3 décembre 2013 du président de la troisième chambre du Tribunal de la fonction publique, les noms des deux personnes mentionnées aux points 34 et 36 ci-dessus ont été radiés de la liste des requérants.

38      La procédure a été reprise à la suite du prononcé de l’arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI (T‑240/14 P, EU:T:2016:104).

39      La BEI a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal de la fonction publique le 21 juin 2016. À cette occasion, elle s’est exprimée sur l’incidence des arrêts du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI (F‑73/12, EU:F:2014:16), et du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI (T‑240/14 P, EU:T:2016:104), sur la présente affaire.

40      En application de l’article 3 du règlement (UE, Euratom) 2016/1192 du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 2016, relatif au transfert au Tribunal de la compétence pour statuer, en première instance, sur les litiges entre l’Union européenne et ses agents (JO 2016, L 200, p. 137), la présente affaire a été transférée au Tribunal dans l’état où elle se trouvait à la date du 31 août 2016 et doit être traitée conformément au règlement de procédure du Tribunal. Cette affaire a ainsi été enregistrée sous le numéro T‑506/16.

41      Par mesure d’organisation de la procédure, adoptée sur le fondement de l’article 89, paragraphe 3, sous b), du règlement de procédure, le Tribunal a invité les requérants à indiquer s’ils avaient des observations à présenter en ce qui concerne l’incidence, sur la présente affaire, des arrêts du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI (F‑73/12, EU:F:2014:16), et du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI (F‑83/12, EU:F:2014:15), ainsi que des arrêts du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI (T‑240/14 P, EU:T:2016:104), et du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI (T‑241/14 P, EU:T:2016:103).

42      Les requérants ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

43      Par mesure d’organisation de la procédure, adoptée sur le fondement de l’article 89, paragraphe 3, sous b), du règlement de procédure, le Tribunal a invité les parties à prendre position sur la recevabilité des conclusions en annulation dirigées contre l’article du 5 février 2013, au regard, d’une part, des dispositions de l’article 41, premier alinéa, du règlement du personnel applicable aux agents de la BEI (ci-après le « règlement du personnel ») et, d’autre part, de la jurisprudence selon laquelle les actes présentant un caractère purement informatif ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation.

44      Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

45      Les requérants concluent, chacun en ce qui le concerne, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler :

–        les décisions contenues dans leurs bulletins de salaire d’avril 2013, faisant application des décisions du 18 décembre 2012 et du 29 janvier 2013 ;

–        toutes les décisions contenues dans les bulletins de salaire postérieurs faisant application des mêmes décisions ;

–        et, pour autant que de besoin, l’article du 5 février 2013 ;

–        condamner la BEI au paiement :

–        d’une somme correspondant à la différence entre le montant des rémunérations résultant des décisions du 18 décembre 2012 et du 29 janvier 2013 et celui des rémunérations dues en application du régime antérieur sur le fondement, à titre principal, de la grille « 4-3-2-1-0 » et de la grille « jeune » « 5-4-3-1-0 » ou, à titre subsidiaire, pour ceux d’entre eux ayant eu une note A, de la grille « 3-2-1-0-0 » et, pour ceux relevant de la grille « jeune », de la grille « jeune » « 4-3-2-0-0 », la somme correspondant à ladite différence étant augmentée d’intérêts de retard courant à compter du 12 avril 2013 et, ensuite, le 12 de chaque mois, jusqu’à apurement complet, calculés au niveau du taux de la Banque centrale européenne (BCE) augmenté de trois points ;

–        de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison de leur perte de pouvoir d’achat, ce préjudice étant évalué ex æquo et bono, et à titre provisionnel, à 1,5 % de la rémunération mensuelle de chacun d’entre eux ;

–        le cas échéant, à défaut pour la BEI de les produire spontanément, inviter cette dernière, au titre de mesures d’organisation de la procédure, à produire les documents suivants :

–        le procès-verbal de la réunion du conseil d’administration du 18 décembre 2012 ;

–        le procès-verbal de la réunion du comité de direction du 29 janvier 2013 ;

–        la note du 23 janvier 2013 ;

–        le plan d’activité de la BEI pour les années 2013 à 2015 ;

–        condamner la BEI aux dépens.

46      La BEI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours en annulation comme étant non fondé ;

–        partant, débouter les requérants de leur demande indemnitaire ;

–        condamner les requérants aux dépens.

III. En droit

A.      Sur la méconnaissance d’engagements de confidentialité par les requérants

47      La BEI fait valoir que l’accord du 2 juin 2008 dispose que :

« La [BEI], le [c]ollège [des représentants du personnel], les agents qui prendront part à la procédure […] de conciliation […] signeront un engagement de confidentialité portant sur tous les documents produits ou établis aux fins de la conciliation, avis exprimés, suggestions formulées, propositions présentées, concessions faites et autres informations dont ils auront pris connaissance dans le cadre de la procédure […] de conciliation. Notamment, ils ne pourront en faire état dans une éventuelle procédure ultérieure. »

48      La BEI estime que les requérants ont méconnu leurs engagements de confidentialité en déposant devant le Tribunal, premièrement, un document du 6 mars 2009, intitulé « Principaux paramètres et hypothèses utilisés dans le cadre du développement d’un outil de simulation de[s] rémunération[s] et de[s pensions de] retraite future[s] », deuxièmement, une lettre du 9 mars 2011 adressée par l’actuaire à l’un d’entre eux décrivant les hypothèses retenues pour la détermination des rémunérations dans le cadre de simulations et, troisièmement, un compte rendu d’une réunion du 19 novembre 2008 entre les représentants du personnel, le département des ressources humaines de la BEI et leurs consultants respectifs.

49      En conséquence, la BEI demande au Tribunal de considérer que les arguments présentés par les requérants et tirés des documents en question ne sauraient lui être opposés.

50      Le Tribunal constate, à cet égard, que la BEI n’identifie pas les arguments des requérants qui devraient être écartés des débats et estime qu’il sortirait de son rôle en suppléant à cette lacune.

51      En tout état de cause, la BEI n’apporte pas la preuve que les requérants auraient signé l’engagement de confidentialité visé dans l’accord du 2 juin 2008.

52      Il n’y a par conséquent pas lieu de faire droit à la demande susmentionnée de la BEI.

B.      Sur les conclusions en annulation

53      Le Tribunal estime qu’il y a lieu d’examiner distinctement les conclusions en annulation, selon qu’elles sont dirigées contre l’article du 5 février 2013, d’une part, et contre les décisions contenues dans les bulletins de salaire, d’autre part.

1.      Sur les conclusions dirigées contre l’article du 5 février 2013

54      À titre liminaire, en premier lieu, il convient de rappeler que les litiges purement internes entre la BEI et ses agents sont soumis à un régime particulier. Ces litiges, qui s’apparentent, par nature, aux litiges entre les institutions de l’Union européenne et leurs fonctionnaires ou agents, sont soumis au contrôle juridictionnel au titre de l’article 270 TFUE et de l’article 50 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne (voir, en ce sens, arrêts du 15 juin 1976, Mills/BEI, 110/75, EU:C:1976:88, points 5 à 18, et du 23 février 2001, De Nicola/BEI, T‑7/98, T‑208/98 et T‑109/99, EU:T:2001:69, points 93, 94 et 100).

55      En outre, le conseil d’administration a adopté le règlement du personnel le 20 avril 1960 et, pour ce qui concerne le présent litige, l’a modifié, en dernier lieu, le 1er janvier 2009. L’article 41, premier alinéa, dudit règlement dispose que « [l]es différends de toute nature d’ordre individuel entre la [BEI] et les membres de son personnel sont portés devant la Cour de justice [de l’Union européenne] ».

56      Ainsi, s’agissant des litiges survenant entre la BEI et ses agents, seuls les différends d’ordre individuel peuvent être portés devant le Tribunal. Par conséquent, si les agents de la BEI peuvent, sous certaines conditions, dans le cadre d’un litige d’ordre individuel, exciper de l’illégalité de mesures de portée générale, ils ne sont en revanche pas recevables à en demander directement l’annulation (voir, en ce sens, arrêt du 28 septembre 2011, De Nicola/BEI, F‑13/10, EU:F:2011:161, point 54).

57      En second lieu, il résulte d’une jurisprudence constante que, faute de pouvoir affecter les intérêts de son destinataire ou de modifier la situation juridique de celui-ci par rapport à la situation antérieure à sa réception, un acte purement informatif n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation (voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2012, Sina Bank/Conseil, T‑15/11, EU:T:2012:661, points 30 et 31 et jurisprudence citée).

58      En l’espèce, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l’article du 5 février 2013 se borne à informer le personnel de la BEI de l’adoption de la décision du 29 janvier 2013, laquelle vise à produire des effets juridiques à l’égard d’une catégorie de personnes, à savoir les agents de la BEI, envisagée de manière générale et abstraite et constitue, par suite, une mesure de portée générale. Il s’ensuit que cet article, d’une part, ne constitue pas lui-même un acte de portée individuelle et, d’autre part, présente un caractère purement informatif.

59      Par conséquent, les conclusions tendant à l’annulation de l’article du 5 février 2013 sont, à double titre, irrecevables.

2.      Sur les conclusions dirigées contre les décisions contenues dans les bulletins de salaire

60      Les requérants soutiennent, par voie d’exception, que les décisions du 18 décembre 2012 et du 29 janvier 2013, dont leurs bulletins de salaire d’avril 2013 et des mois postérieurs ont fait application, sont illégales.

61      Au soutien de cette exception d’illégalité, ils soulèvent quatre moyens, tirés, respectivement :

–        le premier, de la violation du protocole d’accord, des conditions fondamentales des contrats d’emploi, des droits acquis, du principe de bonne foi dans les relations contractuelles ainsi que du principe de protection de la confiance légitime ;

–        le deuxième, de la violation des principes de sécurité juridique et de prévisibilité ;

–        le troisième, d’une erreur manifeste d’appréciation, du caractère irrégulier des motifs des décisions du 18 décembre 2012 et du 29 janvier 2013, d’une violation du règlement du personnel, d’une violation du principe de proportionnalité et d’une violation du devoir de sollicitude ;

–        le quatrième, d’une violation de l’article 11, paragraphe 3, du règlement intérieur de la BEI.

a)      Sur le premier moyen, tiré de la violation du protocole d’accord, des conditions fondamentales des contrats d’emploi, des droits acquis, du principe de bonne foi dans les relations contractuelles ainsi que du principe de protection de la confiance légitime

62      Il convient d’examiner de façon distincte l’argumentation présentée par les requérants au soutien du premier moyen, selon qu’elle est fondée, premièrement, sur des règles et principes de nature contractuelle, deuxièmement, sur le respect des droits acquis et, troisièmement, sur le principe de protection de la confiance légitime.

1)      Sur la violation du protocole d’accord, des conditions fondamentales des contrats d’emploi et du principe de bonne foi dans les relations contractuelles

i)       Arguments des parties

63      Les requérants soutiennent, en substance, que, en adoptant les décisions du 18 décembre 2012 et du 29 janvier 2013, la BEI est revenue sur des engagements, de nature contractuelle, résultant du protocole d’accord. Selon les requérants, le fait pour la BEI de ne pas avoir respecté des obligations souscrites lors de la signature du protocole d’accord s’analyse comme une violation de ce protocole, des conditions fondamentales de leurs contrats d’emploi ainsi que du principe de bonne foi dans les relations contractuelles.

64      D’abord, ils font valoir que la relation d’emploi entre la BEI et ses agents est de nature contractuelle et que la force obligatoire des contrats s’oppose à ce que la BEI puisse modifier unilatéralement les éléments essentiels des conditions d’emploi des agents. C’est pourquoi une précédente réforme du système de rémunération et de progression salariale, décidée le 10 novembre 1987, aurait été soumise à l’approbation des agents de la BEI, lesquels auraient alors eu le choix d’accepter ou de refuser de signer des avenants à leurs contrats d’emploi.

65      Ensuite, les requérants expliquent que la BEI a, dans le protocole d’accord, pris des engagements contractuels correspondant à des éléments essentiels des relations d’emploi et ayant modifié leurs contrats individuels. Ces engagements contractuels auraient consisté, d’une part, en l’adoption et en le maintien de mesures compensant les effets négatifs de la réforme du système de rémunération et de progression salariale de 2006-2007 et, d’autre part, en un financement desdites mesures. En outre, il ressortirait de la lettre d’accompagnement que les parties au protocole d’accord voulaient conférer un caractère durable à ce dernier et que cette volonté s’est exprimée par un engagement à définir de nouvelles mesures compensatoires si une modification du système de rémunération venait à porter atteinte aux mesures compensatoires fixées par ledit protocole.

66      Enfin, les requérants estiment que les engagements contractuels pris par la BEI dans le protocole d’accord ont été méconnus par les décisions du 18 décembre 2012 et du 29 janvier 2013.

67      En effet, la limitation à 3,3 % de l’augmentation du budget des dépenses du personnel en fonction, résultant du taux de 2,3 % fixé par la décision du 18 décembre 2012, augmenté de 1 % par l’utilisation de l’« effet de noria », ne permettrait, compte tenu de l’augmentation de 0,3 % affectée aux promotions et reclassements, de ne financer qu’à hauteur de 1,8 % l’adaptation du barème des traitements de base au coût de la vie et qu’à hauteur de 1,2 % la progression salariale liée à l’avancement au mérite. Or, une augmentation minimale de 6,2 % du budget des dépenses de personnel serait nécessaire pour respecter – outre la méthode de 2009, laquelle impliquait une augmentation de 3,6 % – le protocole d’accord, dont les mesures compensatoires avaient été définies, pour la généralité du personnel, sur le fondement de la grille « 4-3-2-1-0 » et, pour certains agents, sur le fondement de la grille « jeune » « 5-4-3-1-0 », le maintien de ces deux grilles emportant une augmentation des dépenses de personnel de, respectivement, 2,4 % et 0,2 %.

68      En d’autres termes, l’insuffisante augmentation du budget des dépenses de personnel retenue par le conseil d’administration aurait conduit le comité de direction à ne pas appliquer la grille « 4-3-2-1-0 » et la grille « jeune » « 5-4-3-1-0 », à défaut de disposer du financement nécessaire pour les mettre en œuvre, et à adopter la grille minimale « 2-2-1-0-0 ». Cette modification de la grille entraînerait une progression salariale moins élevée et, par conséquent, une perte de rémunération par agent d’environ 1 % à 3 % l’an, perte que les mesures compensatoires définies dans le protocole d’accord ne pourraient compenser. De plus, cette progression salariale moins élevée affecterait négativement les contributions au RCVP. Dans ces conditions, la modification unilatérale de la grille « 4-3-2-1-0 » et de la grille « jeune » « 5-4-3-1-0 », ayant pour effet de limiter la progression salariale, aurait nécessité l’adoption de mesures compensatoires additionnelles.

69      La BEI conteste l’argumentation des requérants.

ii)    Appréciation du Tribunal

70      En premier lieu, il convient d’analyser si, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la BEI pouvait modifier de façon unilatérale le système de rémunération et de progression salariale de ses agents, nonobstant la nature contractuelle de leurs relations de travail.

71      À cet égard, il y a lieu de relever que, selon l’article 13 du règlement du personnel, « [l]es relations entre la [BEI] et les membres de son personnel sont réglées en principe par des contrats individuels dans le cadre [dudit] règlement », lequel « fait partie intégrante de ces contrats ». L’article 15 du même règlement prévoit, en outre, que « [l]es contrats individuels entre la [BEI] et les membres de son personnel prennent la forme de lettres d’engagement », que « [l]es personnes engagées contresignent leur lettre d’engagement ainsi qu’un exemplaire [dudit] règlement » et que « [l]a lettre d’engagement fixe la rémunération, la durée et les autres conditions de l’emploi ».

72      L’article 20, premier alinéa, du règlement du personnel énonce que « [l]e barème des traitements de base relatif aux catégories de fonctions définies à l’article 14 figure en [a]nnexe I [dudit] [r]èglement ». L’annexe I dudit règlement prévoit que « [l]e barème des traitements de base fait l’objet de mises à jour régulières ».

73      L’article 20, deuxième alinéa, du règlement du personnel prévoit que « [l]es traitements de base sont abondés d’indemnités, applicables à toutes ou à certaines catégories de personnel » et que « [l]a liste des indemnités figure en [a]nnexe II [dudit] [r]èglement ».

74      Enfin, l’article 22 du règlement du personnel dispose que « [c]haque membre du personnel fait l’objet d’une appréciation annuelle qui lui est communiquée », que « [l]a procédure à suivre pour cette appréciation est fixée par une décision intérieure » et que, « [p]our les fonctions C à K, les avancements d’échelon résultent du mérite professionnel tel qu’il est exprimé par la note globale de l’appréciation annuelle ».

75      Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que les relations entre les requérants et la BEI, même si elles ont une origine contractuelle, relèvent essentiellement d’un régime réglementaire. En ce sens, la BEI dispose, pour poursuivre la mission d’intérêt général qui lui incombe, d’un pouvoir d’appréciation pour organiser ses services et fixer unilatéralement la rémunération de son personnel, cela nonobstant les actes juridiques de nature contractuelle qui sont à la base desdites relations de travail (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI, F‑73/12, EU:F:2014:16, point 55, confirmé sur pourvoi par arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑240/14 P, EU:T:2016:104, point 39).

76      La circonstance qu’une précédente réforme du système de rémunération et de progression salariale, décidée en 1987, aurait été soumise à l’accord de chaque agent n’infirme pas cette conclusion, dès lors qu’une pratique, de surcroît isolée, ne saurait altérer les compétences attribuées aux organes de direction de la BEI (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI, F‑73/12, EU:F:2014:16, point 59, confirmé sur pourvoi par arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑240/14 P, EU:T:2016:104, point 45).

77      En deuxième lieu, la possibilité pour la BEI de modifier unilatéralement la rémunération de son personnel n’a pas été affectée par le protocole d’accord (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑240/14 P, EU:T:2016:104, point 49).

78      En effet, d’une part, ce protocole n’avait pas vocation, indépendamment de sa valeur juridique, à affecter le caractère unilatéralement modifiable de la rémunération du personnel (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑240/14 P, EU:T:2016:104, point 50).

79      D’autre part, il résulte explicitement des termes, cités au point 16 ci-dessus, de la lettre d’accompagnement que la BEI demeure compétente pour modifier les éléments ou les modalités du système de rémunération, alors même que ces modifications affecteraient le contenu du protocole d’accord (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI, F‑73/12, EU:F:2014:16, point 58, confirmé sur pourvoi par arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑240/14 P, EU:T:2016:104, point 57).

80      Il s’ensuit que, même après la conclusion du protocole d’accord, la BEI conservait la faculté de modifier unilatéralement les éléments de la rémunération de ses agents ainsi que le protocole d’accord lui-même, cette faculté faisant partie des conditions d’emploi et de la nature dudit protocole (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑240/14 P, EU:T:2016:104, points 51 et 52).

81      En troisième lieu, il convient d’observer, en toute hypothèse, que, contrairement à ce que prétendent les requérants, le protocole d’accord ne contient aucune disposition garantissant, directement ou indirectement, le maintien de la grille « 4-3-2-1-0 » et de la grille « jeune » « 5-4-3-1-0 », de sorte qu’il ne résulte pas de ce protocole que le passage à la grille « 2-2-1-0-0 » aurait dû donner lieu à l’adoption de nouvelles mesures compensatoires.

82      Il ressort en effet du dossier, et notamment du compte rendu de la réunion du 19 novembre 2008, que les mesures compensatoires prévues par le protocole d’accord ont été arrêtées après avoir fait l’objet de simulations réalisées par l’actuaire, en prenant en considération comme seul « paramètre fixe » la grille « 2-2-1-0-0 », la grille « 4-3-2-1-0 » et la grille « jeune » « 5-4-3-1-0 » n’étant mentionnées que comme une autre hypothèse. Or, spécialement dans le cadre d’une simulation à long terme et d’un contexte budgétaire incertain, il apparaît cohérent d’avoir pris comme base de calcul un élément stable plutôt qu’une mesure transitoire dont la pérennité était par nature aléatoire et qui, d’ailleurs, n’avait été retenue en 2007 que grâce à des disponibilités dans le budget affecté à la gestion des ressources humaines (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI, F‑73/12, EU:F:2014:16, point 63).

83      Les requérants ont, certes, produit, en annexe à leur réponse à la mesure d’organisation de la procédure mentionnée au point 41 ci-dessus, trois attestations émanant d’agents ayant participé, en qualité de représentants du personnel, à la procédure de conciliation ayant conduit à la signature du protocole d’accord. Les auteurs de ces attestations certifient, l’un, que les mesures compensatoires alors en discussion auraient été définies sur le fondement de la grille « 4-3-2-1-0 » ainsi que de la grille « jeune » « 5-4-3-1-0 » et, les deux autres, que seule la grille « 4-3-2-1-0 » aurait été utilisée pour définir lesdites mesures compensatoires.

84      Toutefois, ces attestations n’ont pas été produites lors du dépôt de la requête, conformément à l’article 35, paragraphe 1, sous f), du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique, mais en réponse à une mesure d’organisation de la procédure prise postérieurement à la clôture de la phase écrite de la procédure, sans que soit apportée aucune explication de nature à justifier, en application de l’article 42 du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique du 25 juillet 2007, de l’article 57 du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique du 21 mai 2014 ou encore de l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure, le retard dans la présentation de ces pièces. En effet, dans leur réponse à la mesure d’organisation de la procédure, les requérants se sont bornés à indiquer qu’ils avaient produit lesdites attestations devant le Tribunal dans le cadre de l’instance ayant donné lieu à l’arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI (T‑240/14 P, EU:T:2016:104). En outre, bien que les trois attestations produites aient été établies postérieurement à l’introduction de la requête, les requérants ne justifient pas avoir été dans l’impossibilité de les faire établir avant le dépôt de la requête et, par suite, de les produire dès le stade du premier échange de mémoires. Dès lors, ces attestations doivent être rejetées comme irrecevables (voir, en ce sens, arrêts du 28 janvier 2016, Slovénie/Commission, T‑667/14, EU:T:2016:34, point 16, et du 28 juin 2016, AF Steelcase/EUIPO, T‑652/14, non publié, EU:T:2016:370, points 29 à 33).

85      Dans ces conditions, le Tribunal estime que les requérants ne démontrent pas que les mesures compensatoires figurant dans le protocole d’accord, et notamment celles liées au RCVP, auraient été définies sur la seule base de la grille « 4-3-2-1-0 » et de la grille « jeune » « 5-4-3-1-0 ».

86      Dès lors, il n’est pas établi que la réforme du système de rémunération et de progression salariale adoptée le 29 janvier 2013 par le comité de direction aurait remis en question les mesures compensatoires prévues par le protocole d’accord.

87      En tout état de cause, s’agissant de la nécessité de mesures compensatoires additionnelles, il y a lieu de constater que les requérants se fondent sur une prémisse erronée, à savoir que les mesures compensatoires que la BEI aurait dû mettre en œuvre devaient compenser dans leur intégralité les effets négatifs de la réforme du système de rémunération et de progression salariale. Or, les requérants n’ont pas été en mesure de mentionner un quelconque fondement sur lequel cette prémisse reposerait.

88      Il résulte de ce qui précède que, compte tenu de la possibilité pour la BEI de modifier unilatéralement le système de rémunération et de progression salariale de son personnel ainsi que de la nature et du contenu du protocole d’accord, la BEI n’a, en adoptant les décisions du 18 décembre 2012 et du 29 janvier 2013, puis en les appliquant aux requérants, méconnu ni le protocole d’accord, ni les conditions fondamentales des contrats d’emploi des requérants, ni le principe de bonne foi dans les relations contractuelles.

2)      Sur la violation des droits acquis

89      Les requérants invoquent un droit au maintien des mesures compensatoires prévues par le protocole d’accord, impliquant le maintien de la grille « 4-3-2-1-0 » ainsi que de la grille « jeune » « 5-4-3-1-0 » ou, à défaut, l’adoption de mesures compensatoires additionnelles.

90      Les requérants prétendent ainsi qu’il existerait un droit acquis au maintien non pas d’un droit individuel, mais d’un régime d’avancement d’échelon au mérite déterminé.

91      À cet égard, d’une part, il ressort d’une jurisprudence constante qu’une règle nouvelle s’applique immédiatement, sauf dérogation, aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la règle ancienne. Il n’en va autrement que pour les situations nées et définitivement réalisées sous l’empire de la règle précédente, qui créent des droits acquis. Un droit est considéré comme acquis lorsque le fait générateur de celui-ci s’est produit avant la modification législative. Toutefois, tel n’est pas le cas d’un droit dont le fait constitutif ne s’est pas réalisé sous l’empire de la législation qui a été modifiée (arrêt du 22 décembre 2008, Centeno Mediavilla e.a./Commission, C‑443/07 P, EU:C:2008:767, points 61 à 63 ; voir, également, arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑240/14 P, EU:T:2016:104, points 88 à 90 et jurisprudence citée).

92      D’autre part, l’autorité est libre d’apporter à tout moment au régime de travail du personnel les modifications, pour l’avenir, qu’elle estime conformes à l’intérêt du service, même dans un sens défavorable aux agents (arrêts du 24 avril 2008, Dalmasso/Commission, F‑61/05, EU:F:2008:47, point 78 ; du 25 novembre 2008, Bosman/Conseil, F‑145/07, EU:F:2008:149, point 41, et du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI, F‑83/12, EU:F:2014:15, point 120).

93      Il s’ensuit qu’un agent ne saurait se prévaloir d’un droit acquis que si le fait générateur de ce droit s’est produit sous l’empire d’un statut déterminé, antérieur à la modification décidée par l’autorité (arrêts du 19 mars 1975, Gillet/Commission, 28/74, EU:C:1975:46, point 5, et du 29 novembre 2006, Campoli/Commission, T‑135/05, EU:T:2006:366, point 78).

94      Or, les décisions du 18 décembre 2012 et du 29 janvier 2013 se sont limitées à régler, sur le plan salarial, les effets futurs des mérites dont les agents de la BEI avaient fait preuve au cours de l’année 2012. Dès lors que la modification est intervenue avant même que les évaluations n’aient eu lieu et que les augmentations au titre de l’avancement d’échelon au mérite n’aient été octroyées, la modification ne saurait avoir porté atteinte à un droit acquis des requérants (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑240/14 P, EU:T:2016:104, point 91).

95      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que l’utilisation entre 2007 et 2011 de la grille « 4-3-2-1-0 » et de la grille « jeune » « 5-4-3-1-0 » résulte d’une simple pratique conjoncturelle permise par l’existence de disponibilités budgétaires. Ainsi, ces deux grilles étaient des grilles précaires, lesquelles ne pouvaient donc être constitutives d’un droit acquis des requérants (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑240/14 P, EU:T:2016:104, point 92).

96      Il s’ensuit que le grief tiré de la violation des droits acquis doit être écarté.

3)      Sur la violation du principe de protection de la confiance légitime

97      Les requérants font valoir que, en signant, avec les représentants du personnel et au terme de la procédure de conciliation, le protocole d’accord, qui visait à rétablir la paix sociale au sein de la BEI et devait présenter un caractère durable, et en mettant en œuvre ce protocole pour tous les agents, la BEI a pris des engagements et s’est fixée des obligations, de telle sorte que ledit protocole l’obligeait à l’égard de son personnel dans son action future.

98      Selon les requérants, la décision de modifier leur système de rémunération et de progression salariale irait à l’encontre de leur confiance légitime dans le maintien du système jusque-là applicable, tel qu’il résulterait notamment du protocole d’accord et de l’application qui en a été faite.

99      Or, il est de jurisprudence constante que le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime ne s’étend qu’au particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées. Constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants, émanant de sources autorisées et fiables. En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (voir arrêts du 17 mars 2011, AJD Tuna, C‑221/09, EU:C:2011:153, points 71 et 72 et jurisprudence citée, et du 19 novembre 2009, Denka International/Commission, T‑334/07, EU:T:2009:453, point 148 et jurisprudence citée).

100    En l’occurrence, il résulte des points 81 et 83 ci-dessus que la BEI ne s’est pas engagée, dans le protocole d’accord, à maintenir le système de rémunération et de progression salariale du personnel et, en particulier, à ne pas modifier le montant des mesures compensatoires prévues par ce protocole et à poursuivre l’application de la grille « 4-3-2-1-0 » et de la grille « jeune » « 5-4-3-1-0 ».

101    En outre, s’agissant de ces deux grilles, il a déjà été relevé au point 95 ci-dessus qu’elles présentaient un caractère précaire. Partant, le personnel ne pouvait légitimement s’attendre à ce qu’elles continuent à être appliquées.

102    Dans ces conditions, il y a lieu de constater que les requérants n’ont pas démontré que la BEI leur avait fourni des assurances précises susceptibles de faire naître chez eux des espérances légitimes dans le maintien du système de rémunération et de progression salariale appliqué entre 2007 et 2011.

103    Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime et, par conséquent, le premier moyen dans son ensemble doivent être écartés.

b)      Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des principes de sécurité juridique et de prévisibilité

104    Les requérants soutiennent que les décisions du 18 décembre 2012 et du 29 janvier 2013 méconnaissent les principes de sécurité juridique et de prévisibilité en ce qu’elles ont, pour la seconde fois, modifié, de façon unilatérale et substantielle, le protocole d’accord, trois ans après sa signature, alors que les parties avaient voulu lui donner un caractère durable et stable. De plus, cette modification ne serait pas justifiée par des circonstances impérieuses.

105    D’une part, il y a lieu d’observer qu’il ressort, en toute hypothèse, de l’examen du premier moyen que, comme le rappelle en dernier lieu le point 100 ci-dessus, la BEI ne s’est aucunement engagée à garantir l’immuabilité du système de rémunération et de progression salariale du personnel, ni spécialement celle des dispositions figurant dans le protocole d’accord.

106    D’autre part, ainsi que cela a été relevé au point 86 ci-dessus, les requérants n’ont pas établi que les décisions du 18 décembre 2012 et du 29 janvier 2013 auraient remis en cause des éléments du système de rémunération et de progression salariale prévus dans le protocole d’accord et, en particulier, les mesures compensatoires qu’il avait instaurées.

107    Il s’ensuit qu’il ne saurait être inféré des circonstances de l’espèce que la BEI aurait méconnu le principe de sécurité juridique, ou un prétendu principe de prévisibilité, en adoptant ces décisions, au mépris d’un prétendu engagement de conférer un caractère durable et stable au protocole d’accord.

108    Quant à la question de savoir si les décisions du 18 décembre 2012 et du 29 janvier 2013 étaient justifiées par les circonstances de l’espèce, elle sera examinée dans le cadre du troisième moyen.

109    Par conséquent, le deuxième moyen doit être écarté.

c)      Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, du caractère irrégulier des motifs ainsi que d’une violation du règlement du personnel, du principe de proportionnalité et du devoir de sollicitude

110    Au vu des développements consacrés par les requérants au troisième moyen, il y a lieu de considérer qu’il se divise en quatre branches, tirées, la première, du caractère irrégulier des motifs des décisions du 18 décembre 2012 et du 29 janvier 2013, la deuxième, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation du principe de proportionnalité, la troisième, d’une violation du règlement du personnel et, la quatrième, d’une méconnaissance du devoir de sollicitude.

1)      Sur la première branche, tirée du caractère irrégulier des motifs des décisions du 18 décembre 2012 et du 29 janvier 2013

111    Selon les requérants, la BEI aurait en réalité eu pour objectifs, d’une part, de réaliser des économies supportées par son personnel et, d’autre part, de faire preuve de solidarité à l’égard de situations nationales difficiles. Or, la poursuite de tels objectifs ne saurait être un motif régulier et admissible. Elle serait en particulier incompatible avec le devoir des membres du conseil d’administration, prévu par leur code de conduite, de défendre non pas des points de vue nationaux, mais les intérêts de la BEI.

112    En premier lieu, il a déjà été rappelé au point 92 ci-dessus que l’autorité est libre d’apporter à tout moment au régime de travail du personnel les modifications qu’elle estime conformes à l’intérêt du service, même dans un sens défavorable aux agents. De plus, les possibilités budgétaires sont un des facteurs dont l’administration peut tenir compte dans la politique du personnel (voir arrêt du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI, F‑83/12, EU:F:2014:15, point 134 et jurisprudence citée).

113    En second lieu, il est vrai que, comme cela ressort notamment des recommandations formulées par le comité de rémunérations à l’issue de ses réunions des 22 octobre, 19 novembre et 17 décembre 2012 ainsi que des débats de la réunion du conseil d’administration du 18 décembre 2012, la BEI a pris en compte la situation politique et économique dans les États membres, de telle sorte que ces considérations ont pesé sur sa décision de limiter l’augmentation des dépenses salariales pour l’année 2013.

114    Toutefois, il importe d’observer que les décisions du 18 décembre 2012 et du 29 janvier 2013 s’inscrivent dans une réflexion à long terme tendant à tenir compte, d’une part, des efforts demandés à la BEI et à son personnel pour répondre à la crise économique par un accroissement considérable de son volume d’activités et, d’autre part, de l’attention portée par les gouvernements et les opinions publiques aux rémunérations et primes des personnels des banques en général. Dans ce contexte, le comité de rémunérations avait souligné, dans ses recommandations, non seulement la nécessité de maîtriser l’augmentation du budget des dépenses de personnel et de modifier le régime de rémunération dans le sens d’une plus grande flexibilité, d’un renforcement du lien entre les performances et les primes et d’un alignement avec les meilleures pratiques internationales, mais aussi la nécessité de motiver et de retenir un personnel faisant preuve d’un haut niveau de performance.

115    Dans ces conditions, il apparaît que, si le souci de tenir compte des difficultés rencontrées dans certains États membres n’était pas absent des préoccupations de la BEI, il n’est, en tout état de cause, pas établi que celle-ci aurait adopté les décisions du 18 décembre 2012 et du 29 janvier 2013 dans le souci de faire preuve de « solidarité » à l’égard de la situation nationale difficile de certains États membres et de prendre ainsi en compte des intérêts strictement nationaux. La BEI fait observer, à cet égard, que, si sa volonté avait effectivement été de prendre en compte de tels intérêts, elle n’aurait pas consenti une hausse de 3,3 % du budget total des dépenses destinées au personnel en fonction.

116    La première branche du troisième moyen doit, en conséquence, être écartée.

2)      Sur la deuxième branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation du principe de proportionnalité

i)      Arguments des parties

117    Selon les requérants, la BEI a limité l’augmentation du budget des dépenses de personnel pour le personnel en fonction à 2,3 %, alors que, selon la direction générale du personnel, une augmentation de ce budget de 5,1 % était nécessaire afin de financer, d’une part, une adaptation annuelle des salaires à l’inflation de 3,6 % conformément à la méthode de 2009 et, d’autre part, le coût, évalué à 1,5 %, des avancements au mérite, des promotions et des reclassements. Cette limitation aurait conduit la BEI à changer la grille d’avancement d’échelon au mérite et à réduire ainsi la progression des traitements de base des agents de 1 % à 3 % par rapport aux années précédentes.

118    D’abord, les requérants contestent ces mesures en faisant valoir que la situation financière de la BEI est saine et que son objectif n’est pas de maximiser ses profits. En outre, l’adoption de la grille « 2-2-1-0-0 » n’entraînerait, par rapport au maintien de la grille « 4-3-2-1-0 » et de la grille « jeune » « 5-4-3-1-0 », qu’une économie de 5 500 000 euros, soit 1,3 % de l’ensemble des coûts de personnel, ou 0,9 % des coûts annuels administratifs, ou 0,008 % du programme de prêts de la BEI ou encore 0,001 % du total des actifs de la BEI et, par rapport au maintien de la grille de l’année antérieure « 3-2-1-0-0 », qu’une économie encore plus faible de 130 000 euros. Ainsi, l’économie réalisée serait trop marginale pour être utile.

119    Ensuite, la limitation des dépenses consacrées à la progression salariale litigieuse serait d’autant moins fondée que la BEI n’aurait dépensé, en 2011 et en 2012, que, respectivement, 97 % et 96 % du budget alloué au personnel, de telle sorte que le maintien des grilles antérieures pouvait être intégralement financé au moyen des ressources ainsi dégagées. De manière plus générale, seul le personnel aurait été affecté par la volonté de la BEI de réaliser des économies alors que d’autres économies auraient pu être réalisées, notamment en reportant la création de l’Institut BEI, dont le coût serait estimé à 2 500 000 euros par an, en adaptant les contrats du personnel nouvellement recruté ou en encourageant des départs à la retraite. Par ailleurs, la limitation à 2,3 % de l’augmentation du budget des dépenses de personnel destinées au personnel en fonction et le changement de grille n’auraient fait l’objet d’aucune évaluation et d’aucun rapport préalable permettant de justifier les décisions prises par la BEI.

120    Enfin, la grille adoptée attribuerait le même avancement d’échelon pour les notes C et D ainsi que pour les notes A et B+, ce qui méconnaîtrait l’objectif de la BEI de rémunérer la performance et, par suite, l’objet même d’une grille d’avancement au mérite.

121    La BEI s’oppose à l’ensemble des arguments avancés par les requérants.

ii)    Appréciation du Tribunal

122    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le principe de proportionnalité exige, selon la jurisprudence de la Cour, que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 17 octobre 2013, Schaible, C‑101/12, EU:C:2013:661, point 29 et jurisprudence citée).

123    En ce qui concerne le contrôle juridictionnel du respect de ces conditions, la Cour a reconnu au législateur de l’Union, dans le cadre de l’exercice des compétences qui lui sont conférées, un large pouvoir d’appréciation dans les domaines où son action implique des choix de nature tant politique qu’économique ou sociale et où il est appelé à effectuer des appréciations et des évaluations complexes. Ainsi, il ne s’agit pas de savoir si une mesure arrêtée dans un tel domaine était la seule ou la meilleure possible, seul le caractère manifestement inapproprié de celle-ci par rapport à l’objectif que les institutions compétentes entendent poursuivre pouvant affecter la légalité de cette mesure (voir arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑240/14 P, EU:T:2016:104, point 117 et jurisprudence citée).

124    Ces considérations s’appliquent également, par voie d’analogie, au contrôle de la proportionnalité des décisions prises par la BEI dans le cadre de la réforme du système de rémunération et de progression salariale. Or, ladite réforme impliquait pour la BEI des choix de nature politique, économique et sociale, dans le cadre desquels elle était appelée à effectuer des appréciations complexes, de sorte qu’elle disposait d’une large marge d’appréciation dont il faut tenir compte lors de l’appréciation de la proportionnalité des mesures en cause (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑240/14 P, EU:T:2016:104, point 118).

125    De même, l’élaboration du budget d’un organisme de l’Union tel que la BEI implique des évaluations complexes de nature politique nécessitant, comme l’indiquent les requérants eux-mêmes, la prise en compte d’évolutions économiques et de variables financières. Le large pouvoir d’appréciation dont dispose à cet égard la BEI n’autorise qu’un contrôle juridictionnel restreint qui interdit au juge de substituer son appréciation à celle dudit organisme. Aussi le Tribunal doit-il se limiter à examiner si les appréciations de la BEI sont entachées d’une erreur manifeste ou si elle n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI, F‑73/12, EU:F:2014:16, point 78).

126    Il revient au Tribunal d’examiner les griefs des requérants au vu des éléments qui précèdent.

127    En premier lieu, il importe de souligner que la BEI n’a, dans les faits, pas limité l’augmentation totale du budget des dépenses de personnel destinées au personnel en fonction à 2,3 %, comme l’indiquent les requérants aux points 110, 115, 118 et 120 de la requête, mais à 3,3 %, ainsi que ces derniers le reconnaissent eux-mêmes aux points 50, 52, 59 et 108 de cette requête. Par ailleurs, la BEI précise que le budget total des dépenses de personnel, incluant également le personnel nouvellement recruté, a crû en un an de 14 %.

128    En deuxième lieu, la BEI fait valoir, à juste titre, que, même si sa situation financière est saine, le fait de ne pas être, stricto sensu, un organisme à but lucratif ne saurait la contraindre à redistribuer ses profits à son personnel, ni, plus largement, lui interdire de réaliser des économies en la matière. Au demeurant, les requérants ne contestent pas que les disponibilités de la BEI doivent être prioritairement affectées à ses missions d’intérêt général, lesquelles sont appelées à se développer en période de crise bancaire, budgétaire et économique.

129    Par ailleurs, la BEI soutient, à juste titre, qu’elle doit respecter un ratio de ressources propres qui détermine sa capacité de financement aux termes de l’article 16, paragraphe 5, de ses statuts, établis par le protocole n° 5 annexé au traité UE et au traité FUE. Plus précisément, il ressort de cette disposition que la capacité de financement de la BEI dépend du montant du capital souscrit, des réserves constituées, des provisions non affectées et de l’excédent du compte de profits et de pertes. De plus, soumise au respect des « meilleures pratiques bancaires » en vertu de l’article 12, paragraphe 1, de ses statuts, la BEI est également astreinte, à ce titre, au respect de ratios de capital. Il s’ensuit qu’elle a pu considérer qu’il lui était indispensable de dégager un montant plus élevé de ressources disponibles, nécessitant une maîtrise des coûts internes, notamment de personnel.

130    Enfin, les requérants ne contestent pas valablement que l’excédent que la BEI réalise chaque année sur son budget administratif n’en est en réalité pas un. En effet, il résulte des articles 17 et 22 de ses statuts que les excédents budgétaires doivent être affectés en priorité à un fonds de réserve devant s’élever à 10 % du capital souscrit et que, au moment de l’adoption des décisions du 18 décembre 2012 et du 29 janvier 2013, ce fonds de réserve n’avait pas encore été entièrement constitué.

131    En troisième lieu, l’argument des requérants selon lequel l’économie résultant d’une limitation de l’augmentation salariale à 2,3 % serait trop marginale pour être utile est une critique erronée en fait, puisque, ainsi que cela a été relevé au point 127 ci-dessus, le budget des dépenses de personnel de la BEI a augmenté globalement de 3,3 %. De plus, malgré la réalisation par la BEI d’un revenu net de 2,7 milliards d’euros pour l’année 2012, qualifier de « marginale » l’économie résultant du changement de grille d’avancement d’échelon au mérite, économie qui, selon les requérants, s’élèverait à 5 500 000 euros par an, voire, selon une autre estimation, à 130 000 euros seulement, procède d’une appréciation subjective et ne suffit pas à démontrer une erreur manifeste d’appréciation. L’économie ainsi réalisée grâce aux décisions du 18 décembre 2012 et du 29 janvier 2013 doit s’apprécier au regard des deux impératifs déjà évoqués auxquels la BEI devait répondre, à savoir tenir compte de l’environnement économique détérioré, spécialement dans le secteur bancaire, tout en veillant à toujours disposer d’une main-d’œuvre expérimentée. Dans cette perspective, l’ampleur de l’économie réalisée ne permet pas de conclure au caractère manifestement inapproprié des mesures adoptées par les décisions du 18 décembre 2012 et du 29 janvier 2013.

132    En quatrième lieu, l’affirmation des requérants selon laquelle les économies de la BEI ont été supportées uniquement par le personnel n’est nullement étayée et ne saurait, en conséquence, contribuer à établir une erreur manifeste d’appréciation, alors que la BEI disposait, en tout état de cause, d’un large pouvoir d’appréciation. Quant à la critique formulée par les requérants à l’encontre de la création de l’Institut BEI, elle est l’expression d’un point de vue politique qui ne saurait, en toute hypothèse, prospérer, dès lors que la BEI a exposé, sans être contredite, que l’institut en question avait pour mission de soutenir des initiatives philanthropiques et que l’affectation de moins de 1 % des dépenses de personnel à de telles actions en période de difficultés financières et sociales ne saurait être jugée comme étant entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. Il en va de même de l’argument des requérants suggérant que la BEI aurait pu réaliser des économies en encourageant des départs à la retraite ou encore en proposant des contrats moins favorables au personnel nouvellement recruté. Quant à l’allégation générale relative à l’absence d’évaluation préalable du caractère approprié des mesures en cause, elle ne suffit pas davantage à remettre en cause la légalité des décisions du 18 décembre 2012 et du 29 janvier 2013.

133    En cinquième lieu, la circonstance que la grille « 2-2-1-0-0 » adoptée le 29 janvier 2013 prévoit l’attribution d’un même avancement d’échelon à des agents ayant obtenu une note de mérite différente ne saurait, en l’espèce, affecter la légalité de la décision du 29 janvier 2013. En effet, d’une part, il était loisible à la BEI, au regard de l’objectif de fonder les avancements d’échelon sur le mérite, de décider que les agents ayant une note de mérite insuffisante, que cette note soit la note C ou la note D, ne bénéficieraient d’aucun avancement d’échelon. D’autre part, le choix d’accorder un avancement de deux échelons aux agents les plus méritants, qu’ils aient obtenu la note A ou la note B+, s’il conduit à traiter de la même manière des agents dont le mérite n’est pas identique, n’est pas manifestement inapproprié au regard de l’objectif de valorisation du mérite professionnel ainsi que de la large marge d’appréciation dont dispose la BEI dans la définition des conditions de rémunération et de progression salariale de son personnel.

134    Dans ces conditions, il n’apparaît pas que la BEI ait commis une erreur manifeste d’appréciation ou méconnu le principe de proportionnalité en adoptant les décisions du 18 décembre 2012 et du 29 janvier 2013.

135    La deuxième branche du troisième moyen doit, en conséquence, être écartée.

3)      Sur la troisième branche, tirée d’une violation du règlement du personnel

136    Les requérants se limitent à prétendre que, faute de s’être dotée d’une méthodologie pour définir le taux annuel d’évolution du budget destiné à la rémunération du personnel ainsi que pour fixer la répartition de l’augmentation de l’enveloppe globale entre ses différentes composantes, la BEI a porté atteinte au règlement du personnel et, plus particulièrement, à ses articles 20, 22, 23 et 43 ainsi qu’à son annexe I. En revanche, ils ne développent pas ces arguments dans leurs écritures.

137    Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique, la requête doit contenir un exposé des moyens et des arguments de fait et de droit invoqués. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels celui-ci se fonde, ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même (voir ordonnance du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, EU:T:1993:39, point 20 et jurisprudence citée). En l’espèce, la requête est trop incomplète et imprécise pour qu’on puisse en déduire avec certitude dans quelle mesure les articles 20, 22, 23 et 43 du règlement du personnel ainsi que l’annexe I de ce règlement auraient été méconnus et la troisième branche du moyen n’est, en conséquence, pas recevable.

138    En toute hypothèse, le Tribunal ne saisit pas en quoi ces différentes dispositions, dont les deux premières sont rappelées aux points 72 à 74 ci-dessus, auraient été violées.

139    D’abord, s’agissant de l’article 20 du règlement du personnel et de l’annexe I susmentionnée, laquelle fait partie intégrante de ce règlement en application de l’article 43 dudit règlement, les décisions du 18 décembre 2012 et du 29 janvier 2013 ne remettent en cause ni les traitements de base, ni le barème desdits traitements, ni le fait que ce barème fait l’objet de mises à jour régulières et est publié sur le site Internet de la BEI, ni non plus les indemnités venant en augmentation des traitements de base.

140    Ensuite, s’agissant de la prétendue méconnaissance de l’article 22 du règlement du personnel, il y a lieu de constater que ces décisions respectent la règle selon laquelle chaque membre du personnel fait l’objet d’une appréciation annuelle et la disposition en vertu de laquelle, pour les agents occupant des fonctions C à K, les avancements d’échelons résultent du mérite professionnel tel qu’il est exprimé par la note globale attribuée au terme de cette appréciation.

141    Quant à l’article 23 du règlement du personnel, le grief n’est pas davantage fondé, car les décisions du 18 décembre 2012 et du 29 janvier 2013 ne méconnaissent pas la règle figurant dans cet article, selon laquelle les promotions se font par l’accès à une fonction supérieure au vu des mérites professionnels.

142    Enfin, les articles 20, 22 et 23 du règlement du personnel, ainsi que les annexes I et II de ce règlement, ne fixent par eux-mêmes ni le montant des rémunérations, des indemnités et des primes ni un contingent minimal de promotions annuelles. Ils ne comportent, de surcroît, aucune disposition dont il pourrait être inféré une interdiction, pour les autorités compétentes de la BEI, d’adopter des règles moins favorables qu’antérieurement dans les domaines susmentionnés.

143    La troisième branche du troisième moyen n’est, en conséquence, ni recevable ni fondée.

4)      Sur la quatrième branche, tirée d’une violation du devoir de sollicitude

144    Selon les requérants, la BEI a méconnu son devoir de sollicitude en poursuivant un objectif de réalisation d’économies supportées uniquement par le personnel et en ne prenant pas en compte les intérêts de ses agents.

145    Les requérants n’ont pas développé de manière spécifique leur grief tiré d’une violation du devoir de sollicitude, de sorte que, pour les mêmes raisons que celles déjà mentionnées au point 137 ci-dessus en ce qui concerne la prétendue méconnaissance du règlement du personnel, ledit grief n’est pas recevable.

146    En toute hypothèse, il convient de rappeler que, s’il résulte du devoir de sollicitude que la BEI est tenue, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un agent, de prendre en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision, c’est-à-dire non seulement l’intérêt du service, mais aussi, notamment, celui de l’agent concerné, le devoir de considérer les intérêts du personnel concernés n’exclut cependant pas de tenir compte des objectifs qui sont défavorables au personnel (arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑241/14 P, EU:T:2016:103, point 133). Ainsi, eu égard à la possibilité de tenir compte des possibilités budgétaires, la volonté de réaliser des économies à charge du personnel ne méconnaît pas non plus le devoir de sollicitude (arrêt du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI, F‑83/12, EU:F:2014:15, point 134, confirmé sur pourvoi par arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑241/14 P, EU:T:2016:103, point 134).

147    En l’espèce, l’argumentation des requérants recoupe celles qu’ils ont développées dans les première, deuxième et troisième branches du moyen, à la réponse desquelles il convient donc de se reporter. De plus, force est de rappeler que, par les décisions du 18 décembre 2012 et du 29 janvier 2013, la BEI a consenti une augmentation totale de 3,3 % du budget des dépenses destinées au personnel en fonction. Ainsi, il apparaît que la BEI a pris en considération les intérêts du personnel.

148    La quatrième branche et, au vu de tout ce qui précède, le troisième moyen dans son ensemble doivent, par conséquent, être rejetés.

d)      Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 11, paragraphe 3, du règlement intérieur de la BEI

149    Les requérants font valoir que l’article 11, paragraphe 3, du règlement intérieur de la BEI, approuvé le 4 décembre 1958 et modifié ultérieurement, impose de recueillir l’avis du comité de rémunérations sur les questions de rémunération. Or, en l’espèce, la BEI n’aurait pas sollicité l’avis de ce comité préalablement à la décision de modifier la grille d’avancement d’échelon au mérite et de remettre ainsi en cause le protocole d’accord. De plus, bien qu’ayant discuté de la limitation à 2,8 % de la progression salariale, ledit comité n’aurait pas informé le conseil d’administration que cette limitation constituerait une violation du protocole d’accord.

150    Il convient de rappeler que l’article 11, paragraphe 3, du règlement intérieur de la BEI dispose que, « [d]ans le cadre de ses compétences et conformément à l’article 18 du présent règlement, il est constitué au sein du [c]onseil d’administration un [c]omité de rémunérations du personnel en charge de sujets préalablement identifiés afin d’exprimer des avis non contraignants au [c]onseil d’administration en vue de faciliter la procédure de décision ».

151    La BEI explique que, selon une décision de son conseil d’administration du 10 juin 2008, le comité de rémunérations est ainsi compétent pour émettre des avis sur la méthode d’adaptation des salaires, sur la révision générale du régime de rémunération et sur la révision du régime des pensions.

152    S’agissant, d’une part, de l’adoption de la grille d’avancement d’échelon au mérite applicable pour l’exercice d’évaluation de 2012, effectué en 2013, force est de constater que la modification de cette grille ne figure pas parmi les « sujets préalablement identifiés » visés à l’article 11, paragraphe 3, du règlement intérieur de la BEI et arrêtés par le conseil d’administration dans sa décision du 10 juin 2008. En effet, en modifiant la grille d’avancement d’échelon au mérite, la BEI n’a procédé, en l’espèce, ni à une réforme de la méthode d’adaptation des salaires, ni à une révision générale du régime de rémunération, ni à une révision du régime des pensions. Il s’ensuit que les organes compétents de la BEI pouvaient modifier la grille d’avancement d’échelon au mérite sans consulter préalablement le comité de rémunérations.

153    S’agissant, d’autre part, de la limitation de l’augmentation du budget des dépenses de personnel relatives au personnel en fonction, d’abord, il convient de rappeler que le taux d’évolution proposé par le comité de rémunérations ne s’élevait pas à 2,8 %, mais à 2,3 %, sans préjudice de l’utilisation d’autres ressources internes afin de compléter ledit budget. Ensuite, l’allégation selon laquelle le taux ainsi proposé par le comité de rémunérations ne serait pas conforme au protocole d’accord et le reproche fait au comité de rémunérations de ne pas avoir signalé cette contrariété au conseil d’administration ne sont pas susceptibles d’entacher d’irrégularité l’avis rendu par ledit comité, dans la mesure où la régularité en la forme de cet avis ne saurait dépendre du bien-fondé de son contenu. Enfin, au vu des réponses fournies aux trois premiers moyens, les requérants ne sont, en tout état de cause, pas fondés à critiquer le fait que le comité de rémunérations n’aurait pas informé le conseil d’administration de ce que la limitation à 2,3 % de la hausse des dépenses consacrées à la progression salariale constituerait une violation de prétendues obligations financières découlant du protocole d’accord.

154    Compte tenu de ce qui précède, il convient de rejeter le quatrième moyen et, par voie de conséquence, les conclusions en annulation dans leur ensemble.

C.      Sur les conclusions indemnitaires

155    Les requérants demandent, en conséquence de l’annulation des décisions contenues dans leurs bulletins de salaire d’avril 2013 et postérieurs, le paiement, d’une part, de la différence entre les rémunérations qui leur ont été versées sur le fondement du régime issu des décisions du 18 décembre 2012 et du 29 janvier 2013 et celles qui leur auraient été dues en application du régime antérieur, cette différence étant augmentée d’intérêts de retard, et, d’autre part, de dommages et intérêts.

156    Le Tribunal constate que les conclusions des requérants tendant au versement d’une rémunération complémentaire et à la condamnation de la BEI au paiement de dommages et intérêts sont étroitement liées aux conclusions en annulation, de sorte qu’elles doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ces dernières.

D.      Sur les mesures d’organisation de la procédure sollicitées par les requérants

157    Les requérants demandent au Tribunal, au titre de mesures d’organisation de la procédure, d’inviter la BEI, pour le cas où elle ne les produirait pas spontanément, à déposer le procès-verbal de la réunion du conseil d’administration du 18 décembre 2012, le procès-verbal de la réunion du comité de direction du 29 janvier 2013, la note du 23 janvier 2013 et le plan d’activité de la BEI pour les années 2013 à 2015.

158    Il y a toutefois lieu de constater que, d’une part, les trois premiers documents ont été produits par la BEI en annexe au mémoire en défense.

159    D’autre part, s’agissant du dernier document, les requérants rappellent dans la requête que le plan d’activité de la BEI pour les années 2013 à 2015 a confirmé l’augmentation de 2,3 % du budget des dépenses de personnel, décidée le 18 décembre 2012 par le conseil d’administration, conformément aux recommandations du comité de rémunérations. De plus, la BEI ne conteste pas le contenu dudit document. Enfin, les requérants n’exposent pas en quoi une production complète du plan d’activité de la BEI pour les années 2013 à 2015 serait nécessaire.

160    Il n’y a, par conséquent, pas lieu de faire droit à la demande de mesures d’organisation de la procédure formulée par les requérants.

IV.    Sur les dépens

161    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

162    Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la BEI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Jean-Pierre Bodson et les autres membres du personnel de la Banque européenne d’investissement (BEI) dont les noms figurent en annexe sont condamnés aux dépens.



Gervasoni

Da Silva Passos

Kowalik-Bańczyk

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 juillet 2017.

Le greffier

 

Le président


Table des matières



* Langue de procédure : le français.


1      La liste des autres parties requérantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.

Top