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Document 62016CO0110

Ordonnance de la Cour (neuvième chambre) du 8 juin 2017.
Lg Costruzioni Srl contre Area – Azienda Regionale per l’Edilizia Abitativa.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Consiglio di Stato.
Renvoi préjudiciel – Marché public de travaux – Directive 2004/18/CE – Article 7 – Évaluation et vérification des capacités techniques des opérateurs économiques – Article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour – Irrecevabilité manifeste.
Affaire C-110/16.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2017:446

ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)

8 juin 2017 (*)

« Renvoi préjudiciel – Marché public de travaux – Directive 2004/18/CE – Article 7 – Évaluation et vérification des capacités techniques des opérateurs économiques – Article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire C‑110/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), par décision du 19 janvier 2016, parvenue à la Cour le 23 février 2016, dans la procédure

Lg Costruzioni Srl

contre

Area – Azienda regionale per l’edilizia abitativa,

en présence de :

TE.SV.AM. Srl,

Alvit Srl,

Igit SpA,

Planarch Srl,

Francesco Auteri

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. E. Juhász (rapporteur), président de chambre, M. C. Vajda et Mme K. Jürimäe, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour Lg Costruzioni Srl, par Me R. Murgia, avvocato,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme C. Colelli, avvocato dello Stato,

–        pour la Commission européenne, par MM. C. Zadra et A. Tokár, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 48 de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fourniture et de services (JO 2004, L 134, p. 114, et rectificatif JO 2004, L 351, p. 44), telle que modifiée par le règlement (UE) n° 1336/2013 de la Commission, du 13 décembre 2013 (JO 2013, L 335, p. 17) (ci-après la « directive 2004/18 »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Lg Costruzioni Srl à l’Area – Azienda regionale per l’edilizia abitativa, au sujet de l’exclusion de Lg Costruzioni de la procédure d’adjudication d’un contrat de construction de 44 logements.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        L’article 1er de la directive 2004/18, intitulé « Définitions », dispose, à son paragraphe 2, sous b) :

« Les “marchés publics de travaux” sont des marchés publics ayant pour objet soit l’exécution, soit conjointement la conception et l’exécution de travaux relatifs à une des activités mentionnées à l’annexe I ou d’un ouvrage, soit la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d’un ouvrage répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur. Un “ouvrage” est le résultat d’un ensemble de travaux de bâtiment ou de génie civil destiné à remplir par lui-même une fonction économique ou technique. »

4        L’article 7 de cette directive, intitulé « Montant des seuils des marchés publics », dispose :

« La présente directive s’applique aux marchés publics [...] dont la valeur estimée hors taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est égale ou supérieure aux seuils suivants :

[...]

c)      5 186 000 euros, pour les marchés publics de travaux. »

5        L’article 48 de ladite directive, intitulé « Capacités techniques et/ou professionnelles », prévoit :

«[...]

3.      Un opérateur économique peut, le cas échéant et pour un marché déterminé, faire valoir les capacités d’autres entités, quelle que soit la nature juridique des liens existant entre lui-même et ces entités. Il doit, dans ce cas, prouver au pouvoir adjudicateur que, pour l’exécution du marché, il disposera des moyens nécessaires, par exemple, par la production de l’engagement de ces entités de mettre à la disposition de l’opérateur économique les moyens nécessaires.

4.      Dans les mêmes conditions, un groupement d’opérateurs économiques [...] peut faire valoir les capacités des participants au groupement ou d’autres entités.

[...] »

6        L’annexe I de la même directive, intitulée « Liste des activités visées à l’article 1er, paragraphe 2, point b) », mentionne, dans la classe 45.21, que cette dernière comprend « la construction de bâtiments de tous types ».

 Le droit italien

7        Le decreto legislativo n. 163 – Codice dei contratti pubblici relativi a lavori, servizi e forniture in attuazione delle direttive 2004/17/CE e 2004/18/CE (décret législatif n° 163, portant création du code des marchés publics de travaux, de services et de fournitures et transposant les directives 2004/17/CE et 2004/18), du 12 avril 2006 (supplément ordinaire à la GURI n° 100, du 2 mai 2006, ci-après le « code des marchés publics »), a transposé, dans le droit national italien, la directive 2004/18.

8        L’article 49 dudit code dispose :

« 1.      Le soumissionnaire, qu’il soit seul, membre d’un consortium ou d’un groupement [...], dans le cadre d’un appel d’offres spécifique de travaux, de fournitures ou de services, peut satisfaire à l’exigence relative aux critères de nature économique, financière, technique, organisationnelle [...], en faisant valoir les critères remplis par une autre entité [...]

[...]

4.      Le soumissionnaire et la société auxiliaire sont solidairement responsables vis-à-vis du pouvoir adjudicateur en ce qui concerne toutes les prestations objet du contrat.

[...] »

9        L’article 53, paragraphe 3, du code des marchés publics prévoit :

« Lorsque le contrat a également pour objet la conception, au sens du paragraphe 2, les opérateurs économiques doivent posséder les qualifications requises pour les concepteurs, ou se prévaloir de concepteurs qualifiés, qu’ils indiqueront dans leur offre, ou participer en groupement avec des entités qualifiées pour la conception. L’avis indique les qualités requises pour les concepteurs, comme prévu au chapitre IV du présent titre (conception et concours de conception), ainsi que le montant des frais de conception compris dans le montant de base du contrat. »

 Les faits du litige au principal et la question préjudicielle

10      Il ressort de la décision de renvoi que, à la suite de l’émission d’un avis de marché aux fins de l’adjudication d’un contrat de réalisation d’un projet de construction de 44 logements, d’un montant total de 3 695 441,43 euros, l’Area a, par acte du 21 octobre 2014, attribué ce marché à l’association temporaire d’entreprises, composée de TE.SV.AM. Srl, Alvit Srl et Igit SpA.

11      Dans sa réponse à l’appel d’offres, l’adjudicataire avait déclaré ne pas être qualifié pour exécuter les services de conception afférents au marché. C’est la raison pour laquelle il avait indiqué que ces services seraient assurés par M. Francesco Auteri, chef de file d’un groupement de concepteurs, composé d’ingénieurs et d’un géologue. M. Auteri a lui‑même fait savoir que, ne remplissant pas certaines des conditions requises par l’appel d’offres, il se prévalait du recours (avvalimento) à une entreprise ne faisant pas partie dudit groupement.

12      Lg Costruzioni a contesté la légalité de la décision d’attribution du marché devant le Tribunale amministrativo regionale di Sardegna (tribunal administratif régional de Sardaigne, Italie).

13      À cet effet, elle a fait valoir que, pour remplir les conditions requises par un appel d’offres, un auxiliaire du soumissionnaire ne peut se prévaloir des qualités ou recourir aux services d’une autre entité économique, une telle faculté étant exclusivement réservée au seul soumissionnaire, ainsi qu’il résulte des articles 47 et 48 de la directive 2004/18 et des articles 49 et 53, paragraphe 3, du code des marchés publics.

14      Ce recours ayant été rejeté, LG Costruzioni a interjeté appel devant le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie).

15      Le Consiglio di Stato (Conseil d’État) indique, en substance, que l’interprétation qu’il a jusqu’à présent donnée aux articles 49 et 53, paragraphe 3, du code des marchés publics concorde avec celle soutenue par la demanderesse au principal. À cet égard, il fait valoir que la pratique du recours à une entreprise extérieure au groupement temporaire d’entreprises doit être mise en balance avec l’exigence d’apporter au pouvoir adjudicateur des garanties adéquates aux fins d’assurer la bonne exécution du marché considéré. Il ajoute que de telles garanties ne seraient pas satisfaites et que le contrôle du pouvoir adjudicateur serait beaucoup moins aisé s’il était permis à un auxiliaire de se prévaloir lui-même des qualités d’un autre auxiliaire, raison pour laquelle il a toujours exigé qu’une telle faculté ne soit ouverte qu’au seul soumissionnaire.

16      Il relève qu’il existe toutefois un doute en ce qui concerne la conformité de telles exigences aux dispositions de la directive 2004/18.

17      À cet égard, il fait valoir que, dans l’arrêt du 10 octobre 2013, Swm Costruzioni 2 et Mannocchi Luigino (C‑94/12, EU:C:2013:646), la Cour a considéré que la possibilité donnée de recourir aux qualités de tiers pour répondre aux conditions d’un appel d’offres était ouverte non seulement au soumissionnaire lui-même, mais également à tous les opérateurs économiques qui étaient tenus à quelque titre que ce soit de démontrer la possession des qualités requises dans le cadre de l’appel d’offres.

18      Dans ces conditions, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Une disposition comme celle de l’article 53, paragraphe 3, du code des marchés publics, qui admet la participation d’une entreprise avec un concepteur indiqué qui, selon la jurisprudence nationale, ne saurait se prévaloir des qualités d’un tiers (avvalimento) car il n’est pas soumissionnaire, est-elle compatible avec l’article 48 de la directive 2004/18 ? »

 Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

19      En vertu de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque celle‑ci est manifestement incompétente pour connaître d’une affaire ou lorsque le renvoi préjudiciel est manifestement irrecevable, la Cour peut, l’avocat général entendu, statuer par voie d’ordonnance motivée sans poursuivre la procédure.

20      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans cette affaire.

21      Il est constant, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, que l’avis de marché lancé par l’Area le 18 décembre 2013 avait pour objet un marché unique de travaux de construction incluant la conception de bâtiments.

22      Il doit être constaté que la directive 2004/18, en vertu de son article 7, ne s’applique qu’aux marchés publics dont la valeur estimée est égale ou supérieure à 5 186 000 euros.

23      Or, la valeur estimée du marché en cause au principal n’atteint pas ce seuil, ce qui implique que la directive 2004/18 n’est pas applicable en l’occurrence.

24      Il est toutefois de jurisprudence constante que la passation des marchés qui, eu égard à leur valeur, ne relèvent pas du champ d’application des directives en matière de passation des marchés publics est soumise aux règles fondamentales et aux principes généraux du traité FUE, en particulier aux principes d’égalité de traitement et de non-discrimination en raison de la nationalité ainsi qu’à l’obligation de transparence qui en découle, pour autant que ces marchés présentent un intérêt transfrontalier certain (arrêt du 6 octobre 2016, Tecnoedi Costruzioni, C‑318/15, EU:C:2016:747, point 19).

25      Il y a lieu de constater que, dans sa demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi n’a fourni aucun élément permettant à la Cour de disposer d’informations concernant l’existence, dans l’affaire au principal, d’un intérêt transfrontalier certain. Or, il convient de rappeler que, ainsi qu’il résulte de l’article 94 du règlement de procédure, celle‑ci doit pouvoir trouver dans une demande de décision préjudicielle un exposé des données factuelles sur lesquelles les questions sont fondées ainsi que du lien existant notamment entre ces données et ces questions. Dès lors, la constatation des éléments nécessaires permettant la vérification de l’existence d’un intérêt transfrontalier certain, de même que, de façon générale, l’ensemble des constatations auxquelles il incombe aux juridictions nationales de procéder et dont dépend l’applicabilité d’un acte de droit dérivé ou du droit primaire de l’Union, devrait être réalisée préalablement à la saisine de la Cour (ordonnance du 7 juillet 2016, Sá Machado & Filhos, C‑214/15, non publiée, EU:C:2016:548, point 37 et jurisprudence citée).

26      Certes, il est des cas dans lesquels la Cour, sans information expresse fournie à cet égard par la juridiction de renvoi, peut déduire des éléments de la décision de renvoi l’existence éventuelle d’un intérêt transfrontalier certain (ordonnance du 7 juillet 2016, Sá Machado & Filhos, C‑214/15, non publiée, EU:C:2016:548, point 38 et jurisprudence citée).

27      Toutefois, en l’absence de tout élément de cette nature dans la décision de renvoi, la Cour considère qu’elle ne saurait se livrer à une telle déduction. Dès lors, elle n’est pas en mesure de répondre d’une manière utile à la question posée par la juridiction de renvoi.

28      Par conséquent, la demande de décision préjudicielle est manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

29      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) ordonne :

La demande de décision préjudicielle introduite par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), par décision du 19 janvier 2016, est manifestement irrecevable.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.

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