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Document 62016CC0291

Conclusions de l'avocat général M. P. Mengozzi, présentées le 12 septembre 2017.
Schweppes SA contre Red Paralela SL et Red Paralela BCN SL.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Juzgado de lo Mercantil n° 8 de Barcelona.
Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Marques – Directive 2008/95/CE – Article 7, paragraphe 1 – Épuisement du droit conféré par la marque – Marques parallèles – Cession des marques pour une partie du territoire de l’Espace économique européen (EEE) – Stratégie commerciale favorisant délibérément l’image d’une marque globale et unique après la cession – Titulaires indépendants mais ayant des rapports commerciaux et économiques étroits.
Affaire C-291/16.

Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2017:666

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 12 septembre 2017 ( 1 )

Affaire C‑291/16

Schweppes SA

contre

Red Paralela SL,

Red Paralela BCN SL, anciennement Carbòniques Montaner SL,

en présence de

Orangina Schweppes Holding BV,

Schweppes International Ltd,

Exclusivas Ramírez SL

[demande de décision préjudicielle formée par le Juzgado de lo Mercantil no 8 de Barcelona (tribunal de commerce no 8 de Barcelone, Espagne)]

« Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Marques – Directive 2008/95/CE – Article 7, paragraphe 1 – Épuisement du droit conféré par la marque – Marques parallèles – Cession des marques pour une partie du territoire de l’Espace économique européen (EEE) »

1. 

Plus de 20 ans après l’arrêt du 22 juin 1994, IHT Internationale Heiztechnik et Danzinger (C‑9/93, EU:C:1994:261), la Cour est à nouveau saisie de questions préjudicielles portant sur l’épuisement du droit conféré par la marque dans le contexte de la fragmentation volontaire de droits parallèles ayant une même origine nés dans plusieurs États de l’Espace économique européen (EEE). Dans ce contexte, elle est appelée à réfléchir, une fois de plus, sur l’équilibre entre la protection du droit de marque et la libre circulation des marchandises.

2. 

La demande de décision préjudicielle objet de la présente affaire porte, notamment, sur l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques ( 2 ), ainsi que de l’article 36 TFUE.

3. 

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Schweppes SA, société espagnole, à Red Paralela SL et à Red Paralela BCN SL, anciennement Carbòniques Montaner SL (ci-après, ensemble, les « sociétés Red Paralela »), au sujet de l’importation en Espagne, par ces dernières, de bouteilles d’eau tonique revêtues de la marque SCHWEPPES en provenance du Royaume-Uni.

La procédure au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

4.

L’origine de la marque SCHWEPPES remonte à l’année 1783, quand Jacob Schweppe a inventé le premier procédé industriel de carbonatation de l’eau, donnant naissance à la boisson alors connue sous le nom de « Schweppes’s Soda Water », et a fondé la société J. Schweppe & Co. à Genève (Suisse). Au fil des années, la marque SCHWEPPES a acquis une renommée au niveau mondial dans le marché des eaux toniques.

5.

En Europe, le signe « Schweppes » est enregistré comme une série de marques nationales, verbales et figuratives, identiques ou pratiquement identiques, dans tous les États membres de l’EEE.

6.

Cadbury Schweppes a été, pendant des années, titulaire unique de ces différents enregistrements. En 1999, elle a cédé au groupe The Coca-Cola Company (ci-après « Coca-Cola ») les droits relatifs aux marques SCHWEPPES dans treize États membres de l’EEE, en gardant la titularité de ces droits dans les 18 autres États ( 3 ). En 2009, Cadbury Schweppes, devenue Orangina Schweppes Group (ci-après le « groupe Orangina Schweppes »), a été rachetée par le groupe japonais Suntory.

7.

Les marques SCHWEPPES enregistrées en Espagne sont détenues par Schweppes International Ltd, filiale anglaise de Orangina Schweppes Holding BV, société faîtière du groupe Orangina. Schweppes, filiale espagnole de Orangina Schweppes Holding, est titulaire d’une licence exclusive pour l’exploitation de ces marques en Espagne.

8.

Le 29 mai 2014, Schweppes a intenté une action en contrefaçon contre les sociétés Red Paralela du fait de l’importation et de la commercialisation en Espagne de bouteilles d’eau tonique revêtues de la marque SCHWEPPES en provenance du Royaume-Uni. Selon Schweppes, ces actes sont illicites, étant donné que lesdites bouteilles d’eau tonique ont été fabriquées et mises sur le marché non pas par elle-même ou avec son consentement, mais par Coca-Cola qui ne présenterait aucun lien avec le groupe Orangina Schweppes. Elle soutient dans ce contexte que, au vu de l’identité des signes et des produits en cause, le consommateur n’est pas en mesure de distinguer l’origine commerciale de ces bouteilles.

9.

À l’encontre de cette action en contrefaçon, les sociétés Red Paralela se sont défendues en invoquant l’épuisement du droit de marque qui résulterait, pour ce qui concerne les produits pourvus de la marque SCHWEPPES en provenance d’États membres de l’Union européenne où Coca-Cola est titulaire de cette marque, d’un consentement tacite. Les sociétés Red Paralela affirment, en outre, qu’il existe incontestablement des liens juridiques et économiques entre Coca-Cola et Schweppes International dans l’exploitation commune du signe « Schweppes » comme marque universelle ( 4 ).

10.

Selon les constatations effectuées par la juridiction de renvoi, les faits pertinents aux fins de la présente affaire sont les suivants :

Schweppes International a favorisé, malgré le fait qu’elle ne soit titulaire des marques parallèles que dans une partie des États membres de l’EEE, une image globale de la marque SCHWEPPES ;

Coca-Cola, titulaire des marques parallèles enregistrées dans les autres États membres de l’EEE, a contribué au maintien de cette image de marque globale ;

cette image globale est source de confusion pour le public pertinent espagnol quant à l’origine commerciale des produits revêtus de la marque SCHWEPPES ;

Schweppes International est responsable du site web européen spécifiquement consacré à la marque SCHWEPPES (www.schweppes.eu), qui contient non seulement des informations générales sur les produits de cette marque, mais également des liens vers divers sites locaux et notamment vers le site du Royaume-Uni qui est géré par Coca-Cola ;

Schweppes International, qui ne détient aucun droit sur la marque SCHWEPPES au Royaume-Uni (où la marque est détenue par Coca-Cola), revendique sur son site web l’origine britannique de la marque ;

Schweppes International et Schweppes utilisent l’image des produits du Royaume-Uni dans leur publicité ;

Schweppes International fait, au Royaume-Uni, de la promotion et de l’information à la clientèle en ce qui concerne les produits revêtus de la marque SCHWEPPES sur les réseaux sociaux ;

la présentation des produits portant la marque SCHWEPPES commercialisés par Schweppes International est très similaire – voire, dans certains États membres, comme le Royaume de Danemark et le Royaume des Pays-Bas, identique – à celle des produits revêtus de la même marque d’origine du Royaume-Uni ;

Schweppes International, dont le siège est au Royaume-Uni, et Coca-Cola coexistent pacifiquement sur le territoire du Royaume-Uni ;

à la suite de la cession, en 1999, d’une partie des marques parallèles à Coca‑Cola, les deux titulaires des marques SCHWEPPES dans l’EEE ont demandé parallèlement, sur leurs territoires respectifs, l’enregistrement de nouvelles marques SCHWEPPES identiques ou similaires pour les mêmes produits (telles que, notamment, la marque SCHWEPPES ZERO) ;

bien que Schweppes International soit le titulaire des marques parallèles aux Pays-Bas, l’exploitation de la marque dans ce pays (à savoir l’élaboration, l’embouteillage et la commercialisation du produit) est effectuée par Coca-Cola en qualité de licencié ;

Schweppes International ne s’oppose pas à ce que des produits marqués d’origine du Royaume-Uni soient commercialisés en ligne dans plusieurs États membres de l’EEE, dans lesquels elle est titulaire des droits sur la marque SCHWEPPES, comme en Allemagne et en France. Des produits revêtus de cette marque sont, par ailleurs, vendus sur l’ensemble du territoire de l’EEE par l’intermédiaire de portails web, sans distinction d’origine ;

Coca-Cola ne s’est pas opposée, sur la base de ses droits de marque, à la demande d’enregistrement, par Schweppes International, d’un modèle de l’Union contenant l’élément verbal « Schweppes ».

11.

C’est dans ces conditions que le Juzgado de lo Mercantil no 8 de Barcelona (tribunal de commerce no 8 de Barcelone, Espagne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’article 36 TFUE, l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2008/95 et l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2015/2436 s’opposent-ils à ce que le titulaire d’une marque dans un ou plusieurs États membres empêche l’importation parallèle ou la commercialisation de produits en provenance d’un autre État membre sous une marque identique ou presque identique appartenant à un tiers, alors que ledit titulaire a favorisé une image de marque globale et associée à l’État membre dont proviennent les produits dont il entend interdire l’importation ?

2)

L’article 36 TFUE, l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2008/95 et l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2015/2436 s’opposent-ils à la vente de produits sous une marque notoirement connue au sein de l’Union alors que les titulaires des enregistrements donnent, dans l’ensemble de l’EEE, une image de marque globale qui crée une confusion aux yeux du consommateur moyen quant à l’origine commerciale de ces produits ?

3)

L’article 36 TFUE, l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2008/95 et l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2015/2436 font-ils obstacle à ce que le titulaire de marques nationales identiques ou similaires enregistrées dans différents États membres s’oppose à l’importation, dans un État membre dans lequel il détient la marque, de produits qui portent une marque identique ou similaire à la sienne et proviennent d’un État membre dans lequel il n’est pas titulaire de la marque, alors que, dans au moins un des États membres dans lesquels il en est titulaire, il a expressément ou implicitement consenti à l’importation de ces mêmes produits ?

4)

L’article 36 TFUE, l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2008/95 et l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2015/2436 font-ils obstacle à ce que le titulaire A d’une marque X enregistrée dans un État membre s’oppose à l’importation de produits portant cette marque si ces produits proviennent d’un autre État membre où une marque Y, identique à la marque X, appartient à un titulaire B qui la commercialise, alors que :

les titulaires A et B ont des rapports commerciaux et économiques intenses, bien que, à proprement parler, ils ne dépendent pas l’un de l’autre pour l’exploitation commune de la marque X ;

les titulaires A et B coordonnent leur stratégie de marque en favorisant délibérément une apparence ou une image de marque unique et globale aux yeux du public pertinent, ou

bien que, à proprement parler, ils ne dépendent pas l’un de l’autre pour l’exploitation commune de la marque X, les titulaires A et B ont des rapports commerciaux et économiques intenses et coordonnent leur stratégie de marque en favorisant délibérément une apparence ou une image de marque unique et globale aux yeux du public pertinent ? »

12.

Des observations écrites ont été présentées devant la Cour par Schweppes, par les sociétés Red Paralela, par Schweppes International, par Orangina Schweppes Holding, par les gouvernements grec et néerlandais ainsi que par la Commission.

13.

Schweppes, les sociétés Red Paralela, Schweppes International, Orangina Schweppes Holding et la Commission ont été entendues en leurs plaidoiries orales lors de l’audience du 31 mai 2017.

Analyse

Sur la recevabilité des questions préjudicielles

14.

Schweppes, Schweppes International et Orangina Schweppes Holding demandent, à titre principal, à la Cour de déclarer le renvoi préjudiciel irrecevable.

15.

Elles allèguent, en premier lieu, que le contexte factuel décrit par la juridiction de renvoi est non seulement entaché d’erreurs manifestes ( 5 ), mais également incomplet, dès lors que la position de Schweppes et de Schweppes International aurait été délibérément et arbitrairement omise, en violation de leurs droits de la défense ( 6 ).

16.

À cet égard, je rappelle que, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la procédure préjudicielle prévue à l’article 267 TFUE, fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, le juge national est seul compétent pour constater et apprécier les faits du litige au principal ( 7 ). Dans ce cadre, la Cour est uniquement habilitée à se prononcer sur l’interprétation ou la validité du droit de l’Union au regard de la situation factuelle et juridique telle que décrite par la juridiction de renvoi, afin de donner à cette dernière les éléments utiles à la solution du litige dont elle est saisie ( 8 ). Par conséquent, c’est sur la base des éléments factuels indiqués par le Juzgado de lo Mercantil no 8 de Barcelona (tribunal de commerce no 8 de Barcelone) dans sa décision de renvoi qu’il y a lieu de répondre aux questions préjudicielles posées par cette juridiction.

17.

En deuxième lieu, Schweppes, Schweppes International et Orangina Schweppes Holding font valoir que les questions préjudicielles posées seraient abstraites et reposeraient sur des affirmations générales et hypothétiques. La Cour se trouverait ainsi dans l’impossibilité d’en apprécier la nécessité et la pertinence.

18.

Selon une jurisprudence constante, la procédure instituée par l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher ( 9 ). Dans le cadre de cette coopération, le juge national saisi du litige est, au regard des particularités de l’affaire, le mieux placé pour apprécier tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour ( 10 ). Il n’en demeure pas moins qu’il appartient à la Cour, le cas échéant, d’examiner les conditions dans lesquelles elle est saisie par une juridiction nationale, en vue de vérifier sa propre compétence et, en particulier, de déterminer si l’interprétation du droit de l’Union qui est sollicitée présente un rapport avec la réalité et l’objet du litige au principal, de sorte que la Cour ne soit pas amenée à formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques ( 11 ).

19.

En l’espèce, il ne ressort pas du renvoi préjudiciel, ni des documents produits par Schweppes, que les questions préjudicielles posées n’ont manifestement pas de rapport avec la réalité et/ou l’objet du litige. Un tel rapport ne saurait, d’ailleurs, être nié sur la base de la seule contestation, par l’une des parties au litige, du bien-fondé des constatations d’ordre factuel effectuées par le juge de renvoi.

20.

Enfin, Schweppes, Schweppes International et Orangina Schweppes Holding allèguent que, puisque la jurisprudence de la Cour sur l’épuisement du droit conféré par la marque est établie et constante, l’interprétation des dispositions du droit de l’Union sollicitée par la juridiction de renvoi relève de l’acte clair. La saisine de la Cour n’aurait dès lors pas été nécessaire et le renvoi devrait être déclaré irrecevable.

21.

À cet égard, je relève que la Cour a déjà eu l’occasion de préciser que la circonstance que la réponse à une question préjudicielle puisse être clairement déduite de la jurisprudence ou qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable au sens de l’arrêt du 6 octobre 1982, Cilfit e.a. (283/81, EU:C:1982:335) – à supposer que tel soit effectivement le cas dans la présente affaire – n’interdit en aucune manière à une juridiction nationale de poser à la Cour une question préjudicielle ( 12 ) et n’a pas pour effet de rendre la Cour incompétente pour statuer sur une telle question ( 13 ). Par ailleurs, la jurisprudence découlant de l’arrêt du 6 octobre 1982, Cilfit e.a. (283/81, EU:C:1982:335), laisse à la seule juridiction nationale le soin d’apprécier si l’application correcte du droit de l’Union s’impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable et, en conséquence, de décider de s’abstenir de soumettre à la Cour une question d’interprétation du droit de l’Union qui a été soulevée devant elle ( 14 ) et de la résoudre sous sa propre responsabilité ( 15 ).

22.

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de déclarer le renvoi préjudiciel recevable.

Sur le fond

23.

Par ses quatre questions préjudicielles, la juridiction de renvoi souhaite en substance savoir si l’article 36 TFUE et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2008/95 ( 16 ) s’opposent, dans des circonstances telles que celles décrites dans la décision de renvoi, à ce que le licencié du titulaire d’une marque nationale invoque le droit exclusif dont ce dernier jouit en vertu de la législation de l’État membre dans lequel ladite marque est enregistrée pour s’opposer à l’importation et/ou à la commercialisation dans cet État de produits revêtus d’une marque identique provenant d’un autre État membre, où cette marque, qui était antérieurement la propriété du groupe auquel appartiennent tant le titulaire de la marque dans l’État d’importation que son licencié, est détenue par un tiers qui en a acquis les droits par cession.

24.

Ces questions seront analysées conjointement. À cette fin, d’abord, je rappellerai les principes établis par la jurisprudence en matière d’épuisement du droit conféré par la marque, y inclus dans les cas de fragmentation de droits parallèles dans plusieurs États de l’EEE ayant à l’origine le même titulaire. Ensuite, j’analyserai la manière dont ces principes pourraient s’appliquer dans des circonstances telles que celles du litige au principal. Enfin, sur la base de cette analyse, je proposerai une réponse aux questions préjudicielles posées par la juridiction de renvoi.

L’épuisement du droit conféré par la marque

25.

Les législations des États membres reconnaissent, en principe, au titulaire d’une marque le droit de s’opposer à l’importation et à la commercialisation par des tiers de produits pourvus de cette marque ( 17 ). Lorsque ces produits proviennent d’un autre État membre, l’exercice de ce droit donne lieu à une restriction de la libre circulation des marchandises. Étant justifiée par des raisons de protection de la propriété industrielle et commerciale, une telle restriction tombe dans le champ d’application de la première phrase de l’article 36 TFUE et est, dès lors, autorisée, à moins qu’elle ne constitue un « moyen de discrimination arbitraire » ou une « restriction déguisée dans le commerce entre les États membres », au titre de la seconde phrase de cet article.

26.

Introduit dans le droit de l’Union par voie jurisprudentielle, et codifié à l’article 7, paragraphe 1, de la première directive 89/104 ( 18 ), puis à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2008/95 et, enfin, à l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2015/2436 ( 19 ), le principe de l’épuisement du droit conféré par la marque délimite l’étendue des droits d’exclusivité reconnus par les États membres, dans le but d’éviter que ces droits soient exercés de manière à compartimenter le marché intérieur par un cloisonnement des marchés nationaux.

27.

Au nom d’un équilibre entre territorialité de la marque et libre circulation des marchandises, ce principe postule que, lorsqu’un produit légalement revêtu de la marque a été mis sur le marché dans l’Union (et, plus largement, dans l’EEE) avec le consentement du titulaire ou par lui-même, ce dernier ne peut pas, en utilisant son droit d’exclusivité, s’opposer à la circulation ultérieure de ce produit.

28.

Sa première formulation remonte à l’arrêt du 31 octobre 1974, Centrafarm et de Peijper (16/74, EU:C:1974:115) ( 20 ). Dans cet arrêt, la Cour rappelle tout d’abord que, si le traité n’affecte pas l’existence des droits reconnus par la législation d’un État membre en matière de propriété industrielle et commerciale, l’exercice de ces droits peut néanmoins être affecté par les interdictions du traité ( 21 ). Elle précise ensuite que, « en tant qu’il apporte une exception à l’un des principes fondamentaux du marché [intérieur], l’article 36 [TFUE] n’admet [...] des dérogations à la libre circulation des marchandises que dans la mesure où ces dérogations sont justifiées par la sauvegarde des droits qui constituent l’objet spécifique de cette propriété» ( 22 ). Elle poursuit en indiquant que, en matière de marques, l’objet spécifique de la propriété commerciale est notamment « d’assurer au titulaire le droit exclusif d’utiliser la marque, pour la première mise en circulation d’un produit, et de le protéger ainsi contre les concurrents qui voudraient abuser de la position et de la réputation de la marque en vendant des produits indûment pourvus de cette marque» ( 23 ). Elle conclut, au vu d’un tel objet, que l’obstacle résultant du droit, reconnu au titulaire de la marque par la législation d’un État membre en matière de propriété industrielle et commerciale, de s’opposer à l’importation du produit revêtu de la marque « n’est pas justifié lorsque le produit a été écoulé licitement sur le marché de l’État membre d’où il est importé, par le titulaire lui-même ou avec son consentement, de sorte qu’il ne peut être question d’abus ou de contrefaçon de la marque» ( 24 ). Dans le cas contraire, selon la Cour, le titulaire de la marque « aurait la possibilité de cloisonner les marchés nationaux et d’opérer ainsi une restriction dans le commerce entre les États membres, sans qu’une telle restriction soit nécessaire pour lui assurer la substance du droit exclusif découlant de la marque» ( 25 ). En d’autres termes, le commerce subirait, dans pareil cas, des « entraves injustifiées» ( 26 ).

29.

La mise en œuvre du principe de l’épuisement suppose la réunion de deux conditions, d’une part, la mise dans le commerce dans l’EEE des produits marqués et, d’autre part, le consentement du titulaire de la marque à cette mise dans le commerce, lorsque celle-ci n’est pas directement effectuée par lui. En raison des limitations que ce principe comporte au droit exclusif du titulaire de la marque, on relève une tendance de la Cour à interpréter restrictivement les concepts qui conditionnent son application.

30.

Ainsi, en ce qui concerne la première des deux conditions susmentionnées, la Cour, se prononçant sur l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, de la première directive 89/104, a jugé qu’il n’y a « mise dans le commerce », au sens de cette disposition, que lorsque les produits marqués sont effectivement vendus, puisque ce n’est qu’un tel acte de vente qui permet au titulaire de « réaliser la valeur économique de sa marque » et aux tiers d’acquérir « le droit de disposer des produits revêtus de la marque» ( 27 ).

31.

S’agissant de la seconde condition, qui a trait à l’imputabilité de la mise dans le commerce des produits revêtus de la marque au titulaire de celle-ci, la Cour a précisé, toujours en interprétant l’article 7, paragraphe 1, de la première directive 89/104, que le consentement à une telle mise dans le commerce « constitue l’élément déterminant » de l’épuisement du droit exclusif conféré par la marque ( 28 ) et doit, dès lors, être exprimé « d’une manière qui traduise de façon certaine la volonté du titulaire de renoncer à ce droit» ( 29 ).

32.

Une telle volonté résulte normalement d’une formulation expresse dudit consentement ( 30 ). Toutefois, comme cela a été reconnu par la Cour dans l’arrêt du 15 octobre 2009, Makro Zelfbedieningsgroothandel e.a. (C‑324/08, EU:C:2009:633, point 23), les exigences découlant de la protection de la libre circulation des marchandises l’ont conduite à considérer qu’une telle règle « est susceptible de connaître des aménagements ».

33.

Ainsi, d’une part, la Cour a jugé que l’épuisement du droit exclusif conféré par la marque peut jouer, notamment, lorsque la commercialisation des produits est effectuée par un opérateur lié économiquement au titulaire de la marque, tel que, notamment, un licencié ( 31 ). Je reviendrai sur cette hypothèse plus loin dans les présentes conclusions.

34.

D’autre part, il ressort également de la jurisprudence de la Cour que, même dans les hypothèses où la première mise dans le commerce des produits en cause dans l’EEE a été effectuée par un sujet n’ayant aucun lien économique avec le titulaire de la marque et en l’absence du consentement explicite de celui-ci, la volonté de renoncer au droit exclusif conféré par la marque peut résulter d’un consentement implicite dudit titulaire, un tel consentement pouvant être déduit sur la base des critères énoncés au point 46 de l’arrêt du 20 novembre 2001, Zino Davidoff et Levi Strauss (C‑414/99 à C‑416/99, EU:C:2001:617) ( 32 ).

35.

Dans cet arrêt, qui concernait le cas d’une première mise dans le commerce de produits marqués en dehors de l’EEE, mais dont la portée générale a été reconnue dans l’arrêt du 15 octobre 2009, Makro Zelfbedieningsgroothandel e.a. (C‑324/08, EU:C:2009:633, points 26 et suivants), la Cour a précisé que le consentement à une mise dans le commerce dans l’EEE peut également résulter d’une manière implicite d’éléments et de circonstances antérieurs, concomitants ou postérieurs à cette mise dans le commerce, qui, appréciés par le juge national, traduisent, de façon certaine, une renonciation du titulaire à son droit ( 33 ).

36.

Aux points 53 à 58 du même arrêt, la Cour a ajouté qu’un tel consentement implicite doit être fondé sur des éléments de nature à établir positivement la renonciation dudit titulaire de la marque à opposer son droit exclusif et que, en particulier, ledit consentement ne saurait être déduit d’un simple silence de ce titulaire ( 34 ). À cet égard, elle a précisé qu’un consentement implicite ne saurait, notamment, résulter d’une absence de communication par le titulaire de la marque, à tous les acquéreurs successifs des produits mis dans le commerce en dehors de l’EEE, de son opposition à une commercialisation dans l’EEE, d’une absence d’indication, sur les produits, d’une interdiction de mise sur le marché dans l’EEE ou encore de la circonstance que le titulaire de la marque a transféré la propriété des produits revêtus de la marque sans imposer de réserves contractuelles et que, selon la loi applicable au contrat, le droit de propriété transféré comprend, en l’absence de telles réserves, un droit de revente illimité ou, à tout le moins, un droit de commercialiser ultérieurement les produits dans l’EEE ( 35 ).

37.

Pour ce qui est de l’objet du consentement, la Cour a précisé que ce dernier ne concerne que la « commercialisation ultérieure » des produits marqués, avec la conséquence que le principe de l’épuisement n’opère qu’à l’égard d’exemplaires déterminés du produit concerné, le titulaire pouvant toujours interdire l’usage de la marque pour les exemplaires qui n’ont pas fait l’objet d’une première mise dans le commerce avec son consentement ( 36 ).

38.

Enfin, il convient de rappeler que la Cour a itérativement affirmé que les dispositions des directives de l’Union sur les marques qui consacrent le principe de l’épuisement du droit conféré par la marque doivent être interprétées à la lumière des règles du traité relatives à la libre circulation des marchandises ( 37 ).

L’épuisement du droit conféré par la marque dans le cas de fractionnement de droits exclusifs parallèles ayant une origine commune

39.

La Cour a été, à trois reprises, confrontée à la question de savoir si le titulaire d’une marque enregistrée dans plusieurs États membres, appartenant originairement à une même personne et ayant ultérieurement fait l’objet d’un fractionnement, soit volontaire, soit par mesure de contrainte publique, peut s’opposer à l’importation dans le territoire dans lequel son droit est protégé de produits revêtus de la même marque, mis en circulation dans un État membre où cette marque est détenue par un tiers.

40.

Dans l’affaire ayant conduit à l’arrêt du 3 juillet 1974, Van Zuylen (192/73, EU:C:1974:72) – prononcé antérieurement à l’arrêt du 31 octobre 1974, Centrafarm et de Peijper (16/74, EU:C:1974:115), qui, comme observé plus haut, a consacré le principe de l’épuisement en matière de marques – les droits sur la marque HAG en Belgique et au Luxembourg avaient été cédés en 1935 par leur titulaire, HAG AG, société allemande, à sa filiale belge Café Hag SA. Après la Seconde Guerre mondiale, les actions de Café Hag, mises sous séquestre par les autorités belges comme biens ennemis, avaient été vendues à des tiers. En 1971, Café Hag avait cédé ses droits sur la marque HAG en Belgique et au Luxembourg à la société Van Zuylen Frères, laquelle ne produisait pas elle-même les produits marqués mais s’approvisionnait auprès de Café Hag. HAG, ayant commencé à livrer à des détaillants luxembourgeois des produits revêtus de sa marque allemande HAG, Van Zuylen Frères avait introduit une action en contrefaçon devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, lequel avait soumis à la Cour deux questions préjudicielles portant sur l’application aux faits de l’affaire au principal de l’interprétation des règles du traité relatives aux ententes et à la libre circulation des marchandises.

41.

Après avoir constaté que, à la suite de l’expropriation de Café Hag, il n’existait aucun lien juridique, financier, technique ou économique entre les deux titulaires des marques issues du fractionnement de la marque HAG, la Cour a écarté l’application aux faits de la procédure au principal de l’article 85 CEE (article 101 TFUE). S’agissant de l’interprétation des règles relatives à la libre circulation des marchandises, la Cour a, tout d’abord, rappelé, d’une part, que le droit de marque protège le détenteur légitime d’une marque contre la contrefaçon de la part de personnes dépourvues de tout titre juridique et, d’autre part, que l’exercice de ce droit est de nature à contribuer au cloisonnement des marchés et de porter ainsi atteinte à la libre circulation des marchandises entre les États membres. Elle a ensuite jugé que l’exclusivité du droit de marque ne saurait être invoquée par le détenteur d’une marque en vue d’interdire la commercialisation, dans un État membre, de marchandises légalement produites dans un autre État membre sous une marque identique, ayant la même origine ( 38 ) (théorie dite de « l’identité d’origine ») ( 39 ). En consacrant cette solution, la Cour a précisé, au point 14 de l’arrêt du 3 juillet 1974, Van Zuylen (192/73, EU:C:1974:72), que, « si dans [un marché unique], l’indication de l’origine d’un produit de marque est utile, l’information, à ce sujet, des consommateurs peut être assurée par des moyens autres que ceux qui porteraient atteinte à la libre circulation des marchandises ».

42.

La position adoptée par la Cour dans l’arrêt du 3 juillet 1974, Van Zuylen (192/73, EU:C:1974:72) – anticipée, sous l’angle des règles de concurrence, par l’arrêt du 18 février 1971, Sirena (40/70, EU:C:1971:18, point 11), et confirmée par l’arrêt du 22 juin 1976, Terrapin (Overseas) (119/75, EU:C:1976:94, point 6) ( 40 ) ‐, a été infirmée dans l’arrêt du 17 octobre 1990, HAG GF (C‑10/89, EU:C:1990:359). Le cadre factuel était identique, avec l’unique différence que, cette fois, c’était HAG qui tentait de s’opposer à l’importation en Allemagne, par la société ayant succédé à Van Zuylen Frères, de produits revêtus de la marque HAG en provenance de la Belgique. La Cour a néanmoins estimé « nécessaire de reconsidérer l’interprétation retenue dans cet arrêt à la lumière de la jurisprudence qui s’est établie progressivement dans le domaine des rapports entre la propriété industrielle et commerciale et les règles générales du traité, notamment dans le domaine de la libre circulation des marchandises» ( 41 ).

43.

Après avoir rappelé le principe de l’épuisement du droit conféré par la marque tel qu’élaboré dans sa jurisprudence, la Cour a tout d’abord souligné que, pour que la marque puisse jouer le rôle qui lui est attribué dans le système de concurrence non faussé voulu par le traité, elle doit constituer la « garantie que tous les produits qui en sont revêtus ont été fabriqués sous le contrôle d’une entreprise unique à laquelle peut être attribuée la responsabilité de leur qualité ». Ensuite, elle a précisé que l’objet spécifique du droit de marque – pour la protection duquel sont admises des dérogations au principe fondamental de la libre circulation des marchandises – est notamment d’assurer au titulaire le droit d’utiliser la marque pour la première mise en circulation d’un produit et que, en vue de déterminer la portée exacte de ce droit exclusif, il fallait tenir compte de la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit marqué, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit de ceux qui ont une autre provenance.

44.

La fonction d’indication d’origine de la marque devient, dans l’arrêt du 17 octobre 1990, HAG GF (C‑10/89, EU:C:1990:359), l’élément central à l’aune duquel apprécier l’étendue du droit conféré par la marque ainsi que ses limites, alors que, dans l’arrêt du 3 juillet 1974, Van Zuylen (192/73, EU:C:1974:72), la Cour n’avait reconnu à cette fonction que peu d’importance dans l’économie de son raisonnement (voir point 41 des présentes conclusions). Ce changement de perspective a conduit la Cour à considérer « l’absence de tout élément de consentement » par HAG à la mise en circulation, dans un autre État membre, sous une marque identique, de produits similaires fabriqués et commercialisés « par une entreprise n’ayant aucun lien de dépendance juridique ni économique » avec elle comme un fait « déterminant » afin d’apprécier son droit de s’opposer à l’importation de ces produits en Allemagne ( 42 ). En effet, si un tel droit n’était pas reconnu au titulaire d’une marque, les consommateurs ne seraient plus en mesure d’identifier avec certitude l’origine des produits marqués. Le titulaire de la marque risquerait de se voir « imputer la mauvaise qualité d’un produit dont il ne serait nullement responsable» ( 43 ). Selon la Cour, le fait que les deux marques en cause aient appartenu initialement au même titulaire n’a pas de pertinence, dès lors que, « à partir de l’expropriation et en dépit de leur origine commune, chacune des marques a rempli de façon indépendante, dans le cadre territorial qui lui est propre, sa fonction de garantir que les produits marqués proviennent d’une seule source» ( 44 ).

45.

La Cour a définitivement abandonné la théorie de l’identité d’origine dans l’arrêt du 22 juin 1994, IHT Internationale Heiztechnik et Danzinger (C‑9/93EU:C:1994:261).

46.

Le contexte factuel de l’affaire au principal qui a donné lieu à cet arrêt se distinguait de celui des affaires au principal ayant conduit aux arrêts du 3 juillet 1974, Van Zuylen (192/73, EU:C:1974:72), et du 17 octobre 1990, HAG GF (C‑10/89, EU:C:1990:359), essentiellement en ce que le fractionnement de la marque en cause résultait non pas d’un acte de l’autorité publique, mais d’une cession volontaire, intervenue dans le cadre d’une procédure de concordat. La cession avait porté sur une seule branche d’activité de la filiale française du groupe American Standard, qui détenait, par ses filiales allemande et française interposées, la marque IDEAL-STANDARD en Allemagne et en France. La filiale allemande d’American Standard s’opposait à la commercialisation en Allemagne de produits revêtus de la même marque dont elle était titulaire dans cet État membre et importés de France, où ils étaient fabriqués par la société cessionnaire de la filiale française du groupe. Cette commercialisation était faite par une filiale, établie en Allemagne, de la société cessionnaire. À la différence des affaires au principal ayant donné lieu aux arrêts du 3 juillet 1974, Van Zuylen (192/73, EU:C:1974:72), et du 17 octobre 1990, HAG GF (C‑10/89, EU:C:1990:359), les produits concernés n’étaient pas identiques mais uniquement similaires à ceux fabriqués par le titulaire de la marque en Allemagne.

47.

Dans les motifs de l’arrêt du 22 juin 1994, IHT Internationale Heiztechnik et Danzinger (C‑9/93, EU:C:1994:261), la Cour a, tout d’abord, souligné que les titres nationaux en matière de marque sont non seulement territoriaux, mais également indépendants les uns des autres et que cette indépendance implique que le droit sur une marque peut être cédé pour un pays sans être cédé simultanément par son titulaire pour d’autres pays ( 45 ). Elle a ensuite rappelé l’objet du droit de marque ainsi que les limites que le principe de l’épuisement impose à l’exercice de ce droit.

48.

Dans ce contexte, la Cour a précisé, au point 34 dudit arrêt, que ce principe « joue lorsque le titulaire de la marque dans l’État d’importation et le titulaire de la marque dans l’État d’exportation sont identiques ou lorsque, même s’ils sont des personnes distinctes, ils sont liés économiquement» ( 46 ), et a identifié plusieurs situations dans lesquelles ledit principe trouve à s’appliquer, à savoir, outre l’hypothèse où les produits marqués sont mis en circulation par la même entreprise, les cas où une telle mise en circulation est effectuée par un licencié, par une société mère ou par une filiale d’un même groupe, ou encore par un concessionnaire exclusif. Selon la Cour, tous ces cas ont en commun le fait que les produits revêtus de la marque sont fabriqués sous le contrôle d’une même entité, de telle sorte que la libre circulation de ces produits ne remet pas en cause la fonction de la marque. À ce propos, elle a également clarifié que l’élément déterminant est « la possibilité d’un contrôle sur la qualité des produits et non l’exercice effectif de ce contrôle» ( 47 ).

49.

Quant à l’application de ces principes au cas de cession de la marque limitée à un ou à plusieurs États membres seulement, la Cour a précisé que cette situation devait être nettement distinguée de celle où les produits importés proviennent d’un licencié ou d’une filiale à laquelle a été transférée la titularité du droit de marque dans l’État d’exportation. En effet, ainsi que le relève la Cour, « par lui-même, c’est-à-dire en l’absence de tout lien économique, le contrat de cession ne donne pas [...] au cédant les moyens de contrôler la qualité des produits commercialisés et marqués par le cessionnaire» ( 48 ) ni ne permet de considérer que le cédant a implicitement consenti à ce que ces produits circulent sur les territoires dans lesquels il détient encore son droit de marque ( 49 ).

50.

Sur la base de ces considérations, et écartant les argumentations contraires soumises par la Commission et par la société importatrice, la Cour a étendu « la solution de l’isolement des marchés» ( 50 ) consacrée dans l’arrêt du 17 octobre 1990, HAG GF (C‑10/89, EU:C:1990:359), au cas de fractionnement volontaire de la marque.

Application de ces principes aux circonstances du litige au principal

51.

C’est à la lumière des principes exposés qu’il y a lieu de répondre aux questions préjudicielles posées par la juridiction de renvoi et d’apprécier si, dans les circonstances de l’affaire au principal, Schweppes peut légitimement s’opposer à ce qu’un tiers importe en Espagne, où elle est titulaire des marques SCHWEPPES, des produits revêtus de ces marques et commercialisés au Royaume-Uni par Coca-Cola.

52.

D’emblée, il convient d’admettre que les circonstances de l’affaire au principal semblent, après une première analyse, se prêter à une application pure et simple de l’arrêt du 22 juin 1994, IHT Internationale Heiztechnik et Danzinger (C‑9/93, EU:C:1994:261), ainsi que le plaident Schweppes, Schweppes International et Orangina Schweppes Holding.

53.

En effet, comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 22 juin 1994, IHT Internationale Heiztechnik et Danzinger (C‑9/93, EU:C:1994:261), l’on est ici en présence d’une fragmentation volontaire de droits parallèles dans plusieurs États membres. En outre, il est constant que Schweppes International et Coca‑Cola ne sont liées par aucune des relations prises en considération par la Cour au point 34 de cet arrêt. Coca-Cola n’est ni un licencié ni un concessionnaire exclusif de Schweppes International au Royaume-Uni, et il n’existe entre ces deux sociétés aucune relation de groupe.

54.

Les sociétés Red Paralela et la Commission, ainsi que les gouvernements grec et néerlandais, faisant écho aux réflexions de la juridiction de renvoi, demandent cependant à la Cour de pousser l’analyse plus loin et de reconnaître que le droit de Schweppes (en tant que licencié de Schweppes International, titulaire des marques en cause) de s’opposer à l’importation des produits concernés en Espagne pourrait, au vu des circonstances particulières de l’affaire au principal, être épuisé.

55.

Bien que leur position coïncide substantiellement quant au résultat, les argumentations sur lesquelles ces intéressés s’appuient divergent en partie. Alors que le gouvernement grec et la Commission suggèrent à la Cour de préciser les contours de sa jurisprudence liée à l’arrêt du 22 juin 1994, IHT Internationale Heiztechnik et Danzinger (C‑9/93, EU:C:1994:261), à la lumière des circonstances de l’affaire au principal, les sociétés Red Paralela et le gouvernement néerlandais estiment, en substance, que, en s’opposant, dans de telles circonstances, à l’importation parallèle de produits revêtus de la marque SCHWEPPES non fabriqués et commercialisés par elles, Schweppes et Schweppes International commettent un abus de droit.

56.

Avant d’examiner ces différents points de vue, il convient de se pencher brièvement sur un argument évoqué, à titre liminaire, par la Commission dans ses observations écrites, qui reste en toile de fond des développements consacrés par cette dernière, ainsi que, notamment, par les sociétés Red Paralela, aux questions préjudicielles posées par la juridiction de renvoi. Selon cet argument – qui avait été utilisé à l’encontre de l’abandon de la théorie de l’identité d’origine dans les cas de scission ou de fragmentation volontaire de la marque –, la cession de droits parallèles sur une partie seulement des marques nationales détenues par le cédant entraîne nécessairement une mise en cause de la fonction distinctive de ces marques que le cédant accepte de plein gré et dont il devrait supporter les conséquences ( 51 ).

57.

À cet égard, il y a lieu de rappeler que cet argument a été fermement rejeté par la Cour dans l’arrêt du 22 juin 1994, IHT Internationale Heiztechnik et Danzinger (C‑9/93, EU:C:1994:261), où celle-ci a explicitement exclu le fait que l’acceptation par le cédant de l’affaiblissement de la fonction distinctive de la marque qui résulte du fractionnement du droit originaire sur celle-ci puisse comporter une renonciation à son droit exclusif de s’opposer à l’importation sur son territoire des produits commercialisés par le cessionnaire dans un autre État de l’EEE ( 52 ).

58.

En effet, ainsi que la Cour l’a souligné, au point 48 dudit arrêt, la fonction de la marque s’apprécie par rapport à un territoire. Dès lors, le fait que, à la suite d’une cession territorialement limitée, la fonction d’indication d’origine de la marque puisse se trouver affaiblie pour une partie des consommateurs des produits marqués, à savoir ceux qui se déplacent à l’intérieur de l’EEE entre deux États où ces produits sont fabriqués et commercialisés par des entreprises distinctes, ne fait pas disparaître l’intérêt de chaque titulaire de la marque au niveau national de maintenir une exclusive sur son propre territoire afin de préserver la fonction distinctive de sa marque à l’égard des consommateurs établis sur ce territoire.

59.

Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence citée plus haut dans les présentes conclusions que l’épuisement du droit conféré par la marque n’intervient qu’au stade de la mise sur le marché des produits revêtus de la marque ( 53 ). Dès lors, s’il est vrai que, par une cession territorialement limitée, le titulaire de droits parallèles sur une marque renonce volontairement à être le seul qui commercialise des produits revêtus de cette marque dans l’EEE, aucun effet d’épuisement ne saurait se rattacher à une telle renonciation, étant donné que, au moment où le consentement à la cession est donné, aucun acte de commercialisation de produits revêtus de la marque cédée n’est encore intervenu.

60.

Cela étant clarifié, je relève qu’une partie au moins des argumentations développées par les sociétés Red Paralela dans leurs observations devant la Cour n’est pas complètement étrangère à la logique que sous-tend l’argument évoqué au point 56 des présentes conclusions.

61.

Selon les sociétés Red Paralela, dès lors que Schweppes et Schweppes International ont maintenu un comportement visant à favoriser, avec la complicité de l’attitude permissive sinon collaborative de Coca-Cola, une image globale et unitaire de la marque SCHWEPPES même après la fragmentation de celle-ci, elles auraient dénaturé la fonction d’indication d’origine de la marque qu’elles exploitent en Espagne et auraient, dès lors, perdu le droit de s’opposer aux importations parallèles dans cet État membre de produits légalement revêtus d’une marque identique commercialisés par Coca-Cola dans un autre État de l’EEE. Les sociétés Red Paralela soulignent tout particulièrement la circonstance que Schweppes et Schweppes International ont activement, dans leur politique de groupe, dans leurs décisions commerciales, dans leurs relations avec la clientèle ainsi que dans leurs messages publicitaires, cherché à rattacher l’origine de leur marque au Royaume-Uni, à savoir à l’État membre dont provient la plupart des produits commercialisés en Espagne par les sociétés Red Paralela.

62.

Bien qu’étant séduisant, l’argumentation des sociétés Red Paralela ne me convainc pas.

63.

D’une part, ainsi que je l’ai observé plus haut, l’affaiblissement de la fonction d’indication d’origine de la marque, à tout le moins pour une partie des consommateurs concernés, est une conséquence inévitable de la cession territorialement limitée de droits parallèles sur une même marque. Cet affaiblissement peut être particulièrement important lorsque, comme c’est le cas dans l’affaire au principal, la marque objet de scission ou de fragmentation a été détenue pendant de longues années par un même titulaire et a acquis une importante renommée en tant que marque unitaire. Or, ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, il ne saurait être tiré d’un tel effet, escompté mais incontournable, de la cession une restriction quelconque quant à l’exercice future, par le cédant, des droits sur les marques parallèles qui n’ont pas fait l’objet de cession ( 54 ). Par ailleurs, il ne saurait non plus être imposé au cédant un comportement visant à activement contraster un tel effet.

64.

D’autre part, la renommée d’une marque ainsi que son image et sa force évocatrice, qui constituent autant de facteurs de sa valeur, peuvent dépendre dans une certaine mesure de l’histoire de cette marque et donc de son origine. Dans de telles cas, le titulaire d’une marque faisant l’objet de plusieurs enregistrements nationaux, qui cède une partie seulement de ses droits parallèles sur celle-ci, garde un intérêt à continuer de se référer à l’histoire et à l’origine de la marque unitaire, lorsque cela lui permet de préserver la valeur du signe ou des signes dont il conserve la titularité. Il ne saurait, dès lors, lui être reproché de continuer, après la cession, d’évoquer, dans la présentation de ses produits, dans ses messages publicitaires ou dans ses relations avec les consommateurs, l’origine géographique des marques dont il reste titulaire, même lorsque, comme c’est le cas de la marque en cause au principal, cette origine est liée à un État dans lequel les droits sur la marque sont désormais détenus par le cessionnaire. De même, et pour les mêmes raisons, il ne saurait lui être reproché de se référer à des éléments de l’histoire de la marque unitaire lorsqu’il procède à de nouveaux enregistrements, comme c’est le cas dans l’affaire au principal en ce qui concerne la signature de l’inventeur des eaux toniques de la marque SCHWEPPES.

65.

Les comportements décrits ci-dessus, à supposer même qu’ils soient de nature à affaiblir la fonction distinctive de la marque exploitée en Espagne par Schweppes à l’égard du consommateur espagnol, s’inscrivent dans une stratégie visant à préserver le capital-marque de ces sociétés et ne révèlent pas l’intention de créer une confusion chez ledit consommateur quant à l’origine commerciale (qui ne doit d’ailleurs pas être confondue avec l’origine géographique) des produits en cause au principal. Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutiennent les sociétés Red Paralela, le fait pour lesdites sociétés d’agir en contrefaçon afin de s’opposer à l’importation, dans le territoire dans lequel leur marque est protégée, de produits revêtus d’une marque identique ne saurait constituer un usage abusif des droits conférés par ladite marque ( 55 ).

66.

Il convient encore d’observer que, à supposer que l’on puisse considérer que les produits commercialisés respectivement par Schweppes en Espagne et par Coca-Cola au Royaume-Uni proviennent de sources réellement indépendantes, question qui sera traitée ultérieurement, la libéralisation des importations parallèles en faveur de laquelle plaident les sociétés Red Paralela ne ferait qu’accroître le risque pour le consommateur espagnol de se méprendre sur l’origine commerciale de ces produits. Or, je ne crois pas que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2008/95 cautionne un tel effet.

67.

Il reste à examiner l’argument des sociétés Red Paralela selon lequel Schweppes International exerce ses droits de marque de manière à opérer une discrimination arbitraire entre les différents États membres, puisqu’elle permet l’importation parallèle de produits commercialisés par Coca-Cola au Royaume-Uni dans certains territoires où elle est titulaire de la marque SCHWEPPES et pas dans d’autres, comme en Espagne.

68.

À cet égard, il suffit de relever que le seul fait, pour le titulaire d’une marque, de tolérer l’importation, dans l’État dans lequel sa marque est protégée, de produits revêtus d’une marque identique en provenance d’un autre État membre dans lequel ils ont été mis sur le marché par un tiers sans son consentement ne permet pas de considérer que ce titulaire a implicitement renoncé à s’opposer à l’importation de produits ayant la même provenance dans un autre État membre dans lequel il détient des droits parallèles. En effet, d’une part, comme je l’ai déjà indiqué au point 36 des présentes conclusions, le silence ou une attitude passive du titulaire de la marque ne suffit, en principe, pas pour présumer son consentement à la mise sur le marché de produits revêtus d’une marque identique ou prêtant à confusion. Cela vaut à plus forte raison lorsqu’une telle attitude est invoquée, comme le font les sociétés Red Paralela, pour appuyer une libéralisation généralisée des importations parallèles en provenance d’un territoire donné. D’autre part, comme je l’ai également exposé plus haut, au point 37 des présentes conclusions, les droits conférés par la marque ne sont épuisés, en raison du consentement implicite ou explicite du titulaire, que pour les produits pour lesquels ce consentement a été donné. Enfin, j’observe, à titre incident, que la renonciation de Schweppes à exercer ses droits afin de s’opposer aux importations parallèles en provenance du Royaume-Uni dans certains des territoires dans lesquels ses marques sont enregistrées ne semble pas, au vu des informations données par la juridiction de renvoi, avoir un caractère systématique et est limitée au seul canal de distribution au moyen d’Internet.

69.

Après avoir discuté les argumentations développées par les sociétés Red Paralela, il convient à présent d’aborder la thèse de la Commission.

70.

Selon cette dernière, l’épuisement du droit conféré par la marque est susceptible d’intervenir non seulement dans les situations énumérées au point 34 de l’arrêt du 22 juin 1994, IHT Internationale Heiztechnik et Danzinger (C‑9/93EU:C:1994:261), mais également lorsque la fabrication et la commercialisation de produits revêtus de marques identiques parallèles sont soumises à une politique et à une stratégie commerciales uniques conduites par les titulaires de ces marques.

71.

Cette thèse mérite, à mes yeux, l’attention de la Cour.

72.

Contrairement à ce que font valoir Schweppes, Schweppes International et Orangina Schweppes Holding, cette thèse s’insère dans la droite ligne de la jurisprudence liée à l’arrêt du 22 juin 1994, IHT Internationale Heiztechnik et Danzinger (C‑9/93, EU:C:1994:261).

73.

Bien qu’aucun élément du texte de l’arrêt du 22 juin 1994, IHT Internationale Heiztechnik et Danzinger (C‑9/93, EU:C:1994:261), n’indique explicitement que l’épuisement du droit conféré par la marque peut intervenir dans d’autres hypothèses que celles répertoriées au point 34 de cet arrêt, le raisonnement suivi par la Cour permet aisément de considérer cette liste comme simplement indicative.

74.

En effet, comme cela est correctement mis en évidence par la Commission, le critère sur lequel ledit arrêt s’appuie pour faire jouer le principe de l’épuisement lorsqu’il n’y a pas d’identité entre la personne qui détient les droits sur la marque dans l’État d’importation et la personne qui a mis en circulation les produits marqués dans l’État d’exportation renvoie à l’existence, entre ces deux personnes, de « liens économiques ».

75.

Si la Cour ne définit pas la notion de « liens économiques », se bornant à affirmer que de tels liens existent dans les trois situations visées au point 34 de l’arrêt du 22 juin 1994, IHT Internationale Heiztechnik et Danzinger (C‑9/93EU:C:1994:261) – à savoir dans le cas d’une licence ou d’une concession de marque, ou encore lorsque les deux entités concernées font partie du même groupe –, la logique qui inspire les motifs de cet arrêt ainsi que le langage employé par la Cour fournissent des indications à ce propos.

76.

Cet arrêt marque, avant tout, une évolution terminologique par rapport à la jurisprudence antérieure. Si, dans les arrêts l’ayant précédé, la Cour faisait résulter l’épuisement du droit de s’opposer à l’importation de produits mis sur le marché dans l’EEE par un tiers de l’existence de « liens de dépendance juridique ou économique » entre ce tiers et le titulaire de la marque ( 56 ), dans l’arrêt du 22 juin 1994, IHT Internationale Heiztechnik et Danzinger (C‑9/93EU:C:1994:261), elle abandonne cette formulation pour se référer plus simplement à des « liens économiques », notion qui permet de couvrir un spectre potentiellement plus ample de relations entre les entreprises dans la vie des affaires ( 57 ).

77.

Cette évolution terminologique reflète, sur le plan conceptuel, le passage d’un critère formel, où le contrôle sur l’utilisation de la marque, requis aux fins de l’épuisement, n’est considéré susceptible de s’exercer que dans le cadre d’une relation de stricte dépendance entre les entités concernées (existence de liens propriétaires ou de contrats qui formalisent une relation d’autorité, conférant un pouvoir de direction ou de gestion à l’une des parties, auquel l’autre doit se soumettre), à un critère plus substantiel, au vu duquel ce qui importe est non pas tant la nature des relations qu’entretiennent lesdites entités mais le fait que, grâce à ces relations, la marque se trouve sous contrôle unique ( 58 ).

78.

Or, un tel critère est susceptible de couvrir non seulement les hypothèses classiques illustrées au point 34 de l’arrêt du 22 juin 1994, IHT Internationale Heiztechnik et Danzinger (C‑9/93, EU:C:1994:261), où l’utilisation de la marque est sous le contrôle d’une seule personne (le donneur de licence ou le fabricant) ou d’une entité constituant une unité économique (le groupe), mais également les situations dans lesquelles cette utilisation est, dans l’État d’importation et dans l’État d’exportation, soumise au contrôle conjoint de deux personnes distinctes – chacune titulaire de droits reconnus au niveau national – qui agissent, dans l’exploitation de la marque, comme un seul et même centre d’intérêt.

79.

Dans de telles situations, comme dans les cas évoqués au point 34 de l’arrêt du 22 juin 1994, IHT Internationale Heiztechnik et Danzinger (C‑9/93EU:C:1994:261), la marque se trouve sous un contrôle unique, la fabrication et la commercialisation des produits qui en sont revêtus pouvant être attribuées à un seul centre décisionnel. Cette unicité de contrôle exclut le fait que les législations nationales sur le droit des marques puissent être invoquées afin de restreindre la circulation desdits produits ( 59 ).

80.

Ainsi, lorsque deux ou plusieurs titulaires de marques parallèles s’accordent afin d’exercer un contrôle conjoint sur l’usage de leurs signes, que ceux-ci aient ou pas une origine commune, chacun d’eux renonce à exercer son droit de s’opposer à l’importation dans son propre territoire de produits marqués mis dans le commerce dans l’État d’exportation par l’un des autres titulaires participant à l’accord, cette mise dans le commerce devant être considérée comme effectuée avec son consentement.

81.

Cependant, pour qu’un tel effet d’épuisement se produise, il importe que l’accord prévoie la possibilité de déterminer directement ou indirectement les produits sur lesquels la marque est apposée et d’en contrôler la qualité. Cette exigence, clairement exprimée aux points 37 et 38 de l’arrêt du 22 juin 1994, IHT Internationale Heiztechnik et Danzinger (C‑9/93, EU:C:1994:261), ainsi qu’au point 13 de l’arrêt du 17 octobre 1990, HAG GF (C‑10/89EU:C:1990:359), se rattache à la fonction essentielle de la marque en tant qu’indicateur de l’origine commerciale des produits (ou des services) qui en sont revêtus. À cet égard, il importe de souligner que, dans un contexte de contrôle unique sur la marque exercé conjointement par deux ou plus titulaires de droits parallèles, cette fonction doit être entendue dans le sens que l’origine que la marque est destinée à garantir est non pas liée à l’entreprise responsable de la fabrication des biens, mais au centre dont émanent les choix stratégiques relatifs à l’offre de ces biens.

82.

Sous réserve de la précision ci-dessus, relative à l’objet du contrôle, j’estime donc, en accord avec la Commission, qu’il ne saurait être exclu que les titulaires de marques parallèles issues de la fragmentation d’une marque unique à la suite de la cession territorialement limitée de celle-ci puissent être considérés comme étant « liés économiquement » aux fins de l’application du principe de l’épuisement lorsqu’ils coordonnent leurs politiques commerciales dans le but d’exercer un contrôle conjoint sur l’utilisation de leurs marques respectives ( 60 ).

83.

Les arguments soulevés à l’encontre de cette position, au cours de la présente affaire, ne me semblent pas pouvoir l’emporter.

84.

En premier lieu, contrairement à ce qui a été soutenu, une telle position ne constitue pas une remise en question des arrêts du 17 octobre 1990, HAG GF (C‑10/89, EU:C:1990:359), et du 22 juin 1994, IHT Internationale Heiztechnik et Danzinger (C‑9/93, EU:C:1994:261).

85.

En effet, la solution retenue dans ces arrêts était soumise à la condition que, après la cession, en dépit de leur origine commune, chacune des marques remplisse de façon indépendante sa fonction de garantir que les produits marqués proviennent d’une seule source ( 61 ). C’est uniquement si cette condition est satisfaite que le droit de s’opposer à la libre circulation des produits marqués – droit que le titulaire de la marque unitaire ne détient pas lui-même au moment de la fragmentation de celle-ci – peut être reconnu dans le chef des titulaires des marques parallèles issues de cette fragmentation, avec la conséquence que le commerce parallèle de ces produits, autorisé avant la cession, sera interdit. Or, ladite condition fait clairement défaut lorsque le cédant et le (ou les) cessionnaire(s) s’accordent pour exploiter leurs marques de manière conjointe et adoptent une stratégie commerciale visant à préserver et à entretenir l’image de marque unitaire de leurs signes sur le marché.

86.

Faire jouer le principe de l’épuisement dans un tel cas d’espèce est non seulement cohérent avec les arrêts du 17 octobre 1990, HAG GF (C‑10/89EU:C:1990:359), et du 22 juin 1994, IHT Internationale Heiztechnik et Danzinger (C‑9/93, EU:C:1994:261), mais sert également le but qui a guidé la Cour dans ces arrêts, à savoir la recherche d’un correct équilibre entre les objectifs antagonistes de la libre circulation des marchandises et de la protection des droits conférés par la marque. Ainsi que la Cour le précise au point 39 de l’arrêt du 22 juin 1994, IHT Internationale Heiztechnik et Danzinger (C‑9/93EU:C:1994:261), les dispositions du traité sur la libre circulation des marchandises font obstacle à l’application de législations nationales qui permettent le recours au droit des marques pour empêcher la libre circulation d’un produit revêtu d’une marque dont l’utilisation se trouve sous contrôle unique. En effet, l’objet du droit de marque n’est pas de permettre aux titulaires de cloisonner les marchés nationaux et de favoriser ainsi le maintien des différences de prix pouvant exister entre les États membres ( 62 ).

87.

En deuxième lieu, il ne saurait être objecté que la relation existant entre les titulaires de marques parallèles qui s’accordent pour une gestion en commun de leurs signes n’est pas assimilable à celle qu’entretiennent le donneur de licence et ses licenciés, le fabricant et ses concessionnaires ou, encore, les sociétés qui font partie d’un même groupe. En effet, ainsi que je l’ai souligné plus haut dans les présentes conclusions, c’est l’unicité de contrôle sur la marque qui résulte de toutes ces relations, et non leurs aspects formels, qui déclenche l’épuisement.

88.

Il est, certes, vrai que le titulaire de la marque tire un profit, direct ou indirect, de la première mise en circulation du produit marqué par son licencié, par son concessionnaire ou par une société du même groupe, ce qui n’est en revanche pas le cas lorsque cette mise en circulation est effectuée par le titulaire d’une marque parallèle. À défaut d’un tel profit, il pourrait être contesté qu’une mise dans le commerce susceptible d’épuiser le droit du titulaire de la marque ait bien eu lieu. La jurisprudence relative à la notion de « mise dans le commerce », rappelée au point 30 des présentes conclusions, semble offrir une base en ces sens.

89.

À cet égard, je relève que la perception d’une rémunération lors de la première commercialisation du produit ne constitue pas, à la différence d’autres objets de propriété intellectuelle ou industrielle, tel, notamment, le brevet, l’objet spécifique du droit de la marque, celui-ci étant, comme je l’ai indiqué plus haut, « le droit d’utiliser la marque pour la première mise en circulation d’un produit» ( 63 ). Il s’ensuit que, ainsi que l’a relevé l’avocat général Jacobs au point 61 de ses conclusions dans les affaires Bristol-Myers Squibb e.a. (C‑427/93, C‑429/93, C‑436/93, C‑71/94 et C‑232/94, EU:C:1995:440), ce qui importe pour l’application du principe de l’épuisement, ce n’est pas la question de savoir si le titulaire du droit obtient une récompense équitable de la vente, mais s’il y consent. La jurisprudence évoquée au point 30 des présentes conclusions doit, dès lors, être considérée comme visant à préciser le moment à partir duquel les produits revêtus de la marque sont mis en circulation plutôt qu’à établir une condition sine qua non de l’épuisement ( 64 ).

90.

En troisième lieu, contrairement à ce que fait valoir notamment Schweppes, la cession territorialement limitée de la marque en tant que régime autorisé de transfert des droits sur la marque ne serait pas non plus remise en cause si la Cour devait suivre, comme je le suggère, la position défendue par la Commission. Il reste en effet loisible aux parties à une telle cession de prévoir, sous réserve du respect des règles de concurrence, une interdiction réciproque de vente dans leurs territoires respectifs, comme c’est le cas dans le contrat de licence exclusive. La circulation des produits marqués d’un territoire à l’autre ne serait ainsi possible, sans violation du contrat de cession, que lorsque l’opération d’importation est effectuée par un tiers.

91.

En quatrième lieu, et il s’agit de l’aspect le plus délicat, un débat s’est déroulé devant la Cour sur la question de savoir à qui incomberait la charge de prouver l’existence d’une coordination entre les titulaires des marques parallèles susceptible de donner lieu à une unicité de contrôle au sens précisé plus haut.

92.

D’une part, puisqu’une telle preuve peut se révéler objectivement difficile à apporter de la part d’un tiers, il semble raisonnable d’aménager, ainsi que le suggère la Commission, la règle selon laquelle il incombe, en principe, à l’importateur parallèle de prouver les faits qui justifient l’épuisement du droit conféré par la marque ( 65 ). À cet égard, je rappelle qu’un inversement de la charge de la preuve est, en particulier, admis par la Cour lorsque l’application de cette règle permettrait au titulaire de la marque de cloisonner les marchés nationaux, favorisant le maintien des différences de prix pouvant exister entre les États membres ( 66 ).

93.

D’autre part, ainsi que le demandent les sociétés du groupe Schweppes, il convient d’établir des règles claires en matière de preuve, sous peine de créer une situation d’incertitude au détriment des titulaires de marques nationales parallèles.

94.

Or, s’il serait excessif, dans des situations telles que celle au principal, de demander à l’importateur parallèle d’apporter la preuve que la marque dans l’État d’exportation et dans l’État d’importation est soumise à un contrôle unique, il incombe tout de même à celui-ci d’indiquer un ensemble d’indices précis et concordants permettant d’inférer l’existence d’un tel contrôle. Les faits décrits par la juridiction de renvoi et évoqués au point 10 des présentes conclusions sont des circonstances susceptibles de constituer de tels indices.

95.

En présence d’un faisceau d’indices précis et concordants, il reviendra au titulaire qui entend s’opposer à l’importation des produits marqués sur son territoire de prouver qu’aucun accord ou qu’aucune coordination en vue de soumettre la marque à un contrôle unique n’est intervenu avec le titulaire de la marque dans l’État d’exportation.

96.

Il incombera au juge national, à la lumière de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, et après avoir, le cas échéant, demandé la production du contrat de cession et d’autres documents pertinents en vue d’éclairer les liens qui unissent les titulaires des marques parallèles, d’apprécier si les conditions pour l’épuisement du droit du titulaire de la marque dans l’État d’importation sont réunies à l’égard des produits en cause.

97.

À cet égard, il est important de rappeler que de telles conditions ne peuvent se considérer remplies que si le contrôle unique sur la marque donne aux entités qui l’exercent la possibilité de déterminer directement ou indirectement les produits sur lesquels la marque est apposée et d’en contrôler la qualité.

Réponses aux questions préjudicielles

98.

Sur la base de l’analyse qui précède, il y a, à mon sens, lieu de répondre conjointement aux questions préjudicielles posées par la juridiction de renvoi en ce sens que l’article 36 TFUE et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2008/95 s’opposent à ce que le licencié du titulaire d’une marque nationale invoque le droit exclusif dont ce dernier jouit en vertu de la législation de l’État membre dans lequel ladite marque est enregistrée pour s’opposer à l’importation et/ou à la commercialisation dans cet État de produits revêtus d’une marque identique provenant d’un autre État membre, où cette marque, qui était antérieurement la propriété du groupe auquel appartiennent tant le titulaire de la marque dans l’État d’importation que son licencié, est détenue par un tiers qui en a acquis les droits par cession, lorsque, au vu des liens économiques existant entre le titulaire de la marque dans l’État d’importation et le titulaire de la marque dans l’État d’exportation, il résulte que ces marques sont sous contrôle unique et que le titulaire de la marque dans l’État d’importation a la possibilité de déterminer directement ou indirectement les produits sur lesquels la marque dans l’État d’exportation est apposée ainsi que d’en contrôler la qualité.

Conclusion

99.

À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, je suggère à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par le Juzgado de lo Mercantil no 8 de Barcelona (tribunal de commerce no 8 de Barcelone, Espagne) :

L’article 36 TFUE et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques, s’opposent à ce que le licencié du titulaire d’une marque nationale invoque le droit exclusif dont ce dernier jouit en vertu de la législation de l’État membre dans lequel ladite marque est enregistrée pour s’opposer à l’importation et/ou à la commercialisation dans cet État de produits revêtus d’une marque identique provenant d’un autre État membre, où cette marque, qui était antérieurement la propriété du groupe auquel appartiennent tant le titulaire de la marque dans l’État d’importation que son licencié, est détenue par un tiers qui en a acquis les droits par cession, lorsque, au vu des liens économiques existant entre le titulaire de la marque dans l’État d’importation et le titulaire de la marque dans l’État d’exportation, il résulte que ces marques sont sous contrôle unique et que le titulaire de la marque dans l’État d’importation a la possibilité de déterminer directement ou indirectement les produits sur lesquels la marque dans l’État d’exportation est apposée ainsi que d’en contrôler la qualité.


( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) JO 2008, L 299, p. 25, et rectificatif JO 2009, L 11, p. 86. La directive 2008/95 est abrogée avec effet au 15 janvier 2019 par la directive (UE) 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 2015, L 336, p. 1), entrée en vigueur le 12 janvier 2016, dont l’article 15 correspond, en substance, à l’article 7 de la directive 2008/95.

( 3 ) Dans ses observations écrites, Schweppes fait remarquer que la cession à Coca-Cola de la marque SCHWEPPES au niveau mondial, initialement envisagée par Cadbury Schweppes, avait rencontré l’opposition de la Commission européenne et que c’est à la suite de cette opposition qu’il a été procédé à une fragmentation de la marque sur le territoire de l’EEE.

( 4 ) Devant la juridiction de renvoi, les sociétés Red Paralela ont formulé une demande reconventionnelle à la fois contre Schweppes, Orangina Schweppes Holding et Schweppes International, d’une part, pour violation de l’article 101 TFUE et, d’autre part, pour concurrence déloyale. Elles se sont par la suite désistées du premier de ces deux chefs de leur demande en raison du fait que, à la suite d’une plainte de leur part déposée auprès de la Comisión Nacional de los Mercados y la Competencia (Commission nationale des marchés et de la concurrence, Espagne), celle-ci a ouvert une procédure d’infraction contre Schweppes en raison de comportements potentiellement anticoncurrentiels consistant dans la conclusion d’accords avec ses distributeurs indépendants en Espagne, dont Exclusivas Ramírez SL, société contre laquelle était également dirigée la demande reconventionnelle, dans le but de restreindre la distribution et la commercialisation en Espagne de produits désignés par la marque SCHWEPPES, qui n’avaient pas été fabriqués par cette société, et de limiter les importations parallèles de ces produits (Expediente S/DC/0548/15 SCHWEPPES). Le 29 juin 2017, suite à l’acceptation par SCHWEPPES d’un certain nombre d’engagements modifiant le contenu desdits accords, cette procédure a été clôturée sans constatation d’infraction (la décision de clôture est publiée sur le site Internet de la Comisión Nacional de los Mercados y la Competencia à l’adresse https://www.cnmc.es/sites/default/files/1724145_1.pdf).

( 5 ) Schweppes, Schweppes International et Orangina Schweppes Holding nient, notamment, qu’il existe des liens économiques et juridiques entre le groupe Orangina Schweppes et Coca-Cola, en particulier dans le sens d’une dépendance économique et/ou juridique, que des produits fabriqués par Coca-Cola sont apparus sur une quelconque page web hébergée sous l’un des domaines appartenant au groupe Orangina Schweppes, que ce dernier se serait approprié le territoire du Royaume–Uni à l’égard de la marque SCHWEPPES, qu’il utilise des produits fabriqués par Coca-Cola dans sa publicité institutionnelle, qu’il ne défend pas ses droits de propriété industrielle sur le marché et permet qu’une confusion naisse aux yeux des consommateurs et qu’il mène avec Coca-Cola une politique concertée d’enregistrement des droits de propriété industrielle.

( 6 ) À cet égard, Schweppes, Schweppes International et Orangina Schweppes Holding font remarquer que la décision de renvoi a fait l’objet d’un recours en nullité d’actes judiciaires, introduit par Schweppes, que la juridiction de renvoi a déclaré irrecevable et qui pourrait ultérieurement faire l’objet d’un recours d’amparo (recours pour violation des droits constitutionnels) devant le Tribunal Constitucional (Cour constitutionnelle, Espagne).

( 7 ) Voir, notamment, arrêts du 25 octobre 2012, Rintisch (C‑553/11, EU:C:2012:671, point 15), et du 28 juillet 2016, Kratzer (C‑423/15, EU:C:2016:604, point 27).

( 8 ) Voir, notamment, arrêts du 9 novembre 2006, Chateignier (C‑346/05, EU:C:2006:711, point 22), et du 28 juillet 2016, Kratzer (C‑423/15, EU:C:2016:604, point 27).

( 9 ) Voir en ce sens, notamment, arrêts du 16 juillet 1992, Meilicke (C‑83/91, EU:C:1992:332, point 22) ; du 27 novembre 2012, Pringle (C‑370/12, EU:C:2012:756, point 83), et du 24 octobre 2013, Stoilov i Ko (C‑180/12, EU:C:2013:693, point 36).

( 10 ) Voir en ce sens, notamment, arrêts du 16 juillet 1992, Lourenço Dias (C‑343/90, EU:C:1992:327, point 15) ; du 21 février 2006, Ritter-Coulais (C‑152/03, EU:C:2006:123, point 14) ; du 24 octobre 2013, Stoilov i Ko (C‑180/12, EU:C:2013:693, point 37), et du 28 juillet 2016, Association France Nature Environnement (C‑379/15, EU:C:2016:603, point 46).

( 11 ) Voir en ce sens, notamment, arrêts du 16 décembre 1981, Foglia (244/80, EU:C:1981:302, points 18 et 21) ; du 30 septembre 2003, Inspire Art (C‑167/01, EU:C:2003:512, point 45), ainsi que du 24 octobre 2013, Stoilov i Ko (C‑180/12, EU:C:2013:693, point 38).

( 12 ) Voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 1982, Cilfit e.a. (283/81, EU:C:1982:335, points 15 et suiv.).

( 13 ) Arrêt du 11 septembre 2008, UGT-Rioja e.a. (C‑428/06 à C‑434/06, EU:C:2008:488, points 42 et 43).

( 14 ) Voir arrêts du 15 septembre 2005, Intermodal Transports (C‑495/03, EU:C:2005:552, point 37), ainsi que du 9 septembre 2015, X et van Dijk (C‑72/14 et C‑197/14, EU:C:2015:564, point 58).

( 15 ) Arrêt du 9 septembre 2015, X et van Dijk (C‑72/14 et C‑197/14, EU:C:2015:564, point 58).

( 16 ) L’article 15, paragraphe 1, de la directive 2015/2436, également visé par les questions préjudicielles, n’est pas applicable aux faits du litige au principal.

( 17 ) Il convient de rappeler que les règles relatives aux droits conférés par la marque ainsi que les droits dont jouissent les titulaires de marques dans l’Union font l’objet d’une harmonisation complète. À cet égard, voir, s’agissant de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), arrêt du 3 juin 2010, Coty Prestige Lancaster Group (C‑127/09, EU:C:2010:313, point 27 et jurisprudence citée), voir, également, arrêt du 16 juillet 1998, Silhouette International Schmied (C‑355/96, EU:C:1998:374, points 25 et 29).

( 18 ) Voir note en bas de page 17 des présentes conclusions.

( 19 ) Voir, également, article 13, paragraphe 1, du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque [de l’Union européenne] (JO 2009, L 78, p. 1), ainsi que article 15, paragraphe 1, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), qui remplace le règlement no 207/2009 à compter du 1er octobre 2017.

( 20 ) Le même principe avait déjà été consacré en matière de droits voisins du droit d’auteur dans l’arrêt du 8 juin 1971, Deutsche Grammophon Gesellschaft (78/70, EU:C:1971:59, point 12). En matière de brevets, voir arrêt du 31 octobre 1974, Centrafarm et de Peijper (15/74EU:C:1974:114, points 10 à 12).

( 21 ) Voir arrêt du 31 octobre 1974, Centrafarm et de Peijper (16/74, EU:C:1974:115, point 6).

( 22 ) Voir arrêt du 31 octobre 1974, Centrafarm et de Peijper (16/74, EU:C:1974:115, point 7).

( 23 ) Voir arrêt du 31 octobre 1974, Centrafarm et de Peijper (16/74, EU:C:1974:115, point 8).

( 24 ) Voir arrêt du 31 octobre 1974, Centrafarm et de Peijper (16/74, EU:C:1974:115, point 10).

( 25 ) Voir arrêt du 31 octobre 1974, Centrafarm et de Peijper (16/74, EU:C:1974:115, point 11).

( 26 ) Voir conclusions de l’avocat général Jacobs dans les affaires Bristol-Myers Squibb e.a. (C‑427/93, C‑429/93, C‑436/93, C‑71/94 et C‑232/94, EU:C:1995:440, points 60 et 61).

( 27 ) Voir arrêt du 30 novembre 2004, Peak Holding (C‑16/03, EU:C:2004:759, points 40 et 42). Voir, également, arrêt du 14 juillet 2011, Viking Gas (C‑46/10, EU:C:2011:485, point 32).

( 28 ) L’acte de première mise dans le commerce du produit par le titulaire lui-même (vente ou autre acte de transfert de la propriété) constitue un tel consentement. Dans ce cas, l’épuisement se produit par le seul effet d’une telle mise dans le commerce et n’est pas subordonné à un consentement du titulaire à la commercialisation ultérieure des produits, voir arrêt du 30 novembre 2004, Peak Holding (C‑16/03, EU:C:2004:759, points 52 et 53).

( 29 ) Voir arrêts du 23 avril 2009, Copad (C‑59/08, EU:C:2009:260, point 42), ainsi que du 15 octobre 2009, Makro Zelfbedieningsgroothandel e.a. (C‑324/08, EU:C:2009:633, point 22).

( 30 ) Voir arrêts du 20 novembre 2001, Zino Davidoff et Levi Strauss (C‑414/99 à C‑416/99, EU:C:2001:617, point 46), ainsi que du 23 avril 2009, Copad (C‑59/08, EU:C:2009:260, point 42).

( 31 ) Voir, en ce sens, arrêts du 22 juin 1994, IHT Internationale Heiztechnik et Danzinger (C‑9/93, EU:C:1994:261, point 34) ; du 23 avril 2009, Copad (C‑59/08, EU:C:2009:260, point 43), ainsi que du 15 octobre 2009, Makro Zelfbedieningsgroothandel e.a. (C‑324/08, EU:C:2009:633, point 24).

( 32 ) Voir arrêts du 15 octobre 2009, Makro Zelfbedieningsgroothandel e.a. (C‑324/08, EU:C:2009:633, point 25), ainsi que du 3 juin 2010, Coty Prestige Lancaster Group (C‑127/09, EU:C:2010:313, point 37).

( 33 ) Voir arrêt du 20 novembre 2001, Zino Davidoff et Levi Strauss (C‑414/99 à C‑416/99, EU:C:2001:617, point 46), tel que clarifié par l’arrêt du 15 octobre 2009, Makro Zelfbedieningsgroothandel e.a. (C‑324/08, EU:C:2009:633, point 35 et dispositif).

( 34 ) Voir, également, arrêt du 15 octobre 2009, Makro Zelfbedieningsgroothandel e.a. (C‑324/08, EU:C:2009:633, point 19).

( 35 ) Voir arrêts du 20 novembre 2001, Zino Davidoff et Levi Strauss (C‑414/99 à C‑416/99, EU:C:2001:617, point 60), ainsi que du 3 juin 2010, Coty Prestige Lancaster Group (C‑127/09, EU:C:2010:313, point 39). De même, selon la Cour, l’application des règles nationales relatives à l’opposabilité aux tiers des restrictions de vente ne sauraient être invoquée pour attribuer au silence du titulaire de la marque un effet extinctif de droits conférés par celle-ci, voir arrêt du 20 novembre 2001, Zino Davidoff et Levi Strauss (C‑414/99 à C‑416/99, EU:C:2001:617, point 65).

( 36 ) Voir arrêt du 1er juillet 1999, Sebago et Maison Dubois (C‑173/98, EU:C:1999:347, points 19 et 20).

( 37 ) Voir arrêts du 11 juillet 1996, Bristol-Myers Squibb e.a. (C‑427/93, C‑429/93 et C‑436/93, EU:C:1996:282, point 27), ainsi que du 20 mars 1997, Phytheron International (C‑352/95, EU:C:1997:170, point 18).

( 38 ) Voir arrêt du 3 juillet 1974, Van Zuylen (192/73, EU:C:1974:72, points 4,5 et 10 à 12).

( 39 ) Voir conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire HAG GF (C‑10/89, non publiées, EU:C:1990:112, point 7).

( 40 ) Dans cet arrêt, la Cour a jugé compatible avec les dispositions du traité relatives à la libre circulation des marchandises le fait qu’une entreprise établie dans un État membre s’oppose, en vertu d’un droit de marque protégé par la législation de cet État, à l’importation de produits d’une entreprise établie dans un autre État membre, revêtus, en vertu de la législation de cet État, d’une dénomination prêtant à confusion avec la marque de la première entreprise, à condition cependant qu’il n’existe entre les entreprises en cause aucune sorte d’entente restrictive de la concurrence ou de rapport de dépendance, juridique ou économique, et que leurs droits respectifs aient été créés indépendamment les uns des autres.

( 41 ) Voir arrêt du 17 octobre 1990, HAG GF (C‑10/89, EU:C:1990:359, point 10).

( 42 ) Voir arrêt du 17 octobre 1990, HAG GF (C‑10/89, EU:C:1990:359, point 15).

( 43 ) Voir arrêt du 17 octobre 1990, HAG GF (C‑10/89, EU:C:1990:359, point 16).

( 44 ) Voir arrêt du 17 octobre 1990, HAG GF (C‑10/89, EU:C:1990:359, point 17).

( 45 ) Voir arrêt du 22 juin 1994, IHT Internationale Heiztechnik et Danzinger (C‑9/93EU:C:1994:261, point 26).

( 46 ) Dans le même sens, voir, également, arrêt du 20 mars 1997, Phytheron International (C‑352/95EU:C:1997:170, point 21).

( 47 ) Voir arrêt du 22 juin 1994, IHT Internationale Heiztechnik et Danzinger (C‑9/93EU:C:1994:261, points 37 et 38) (mise en italique par mes soins). Dans ce sens, voir, également, arrêt du 23 avril 2009, Copad (C‑59/08, EU:C:2009:260, points 44 à 46).

( 48 ) Voir arrêt du 22 juin 1994, IHT Internationale Heiztechnik et Danzinger (C‑9/93EU:C:1994:261, point 41).

( 49 ) Voir arrêt du 22 juin 1994, IHT Internationale Heiztechnik et Danzinger (C‑9/93EU:C:1994:261, point 43).

( 50 ) C’est l’expression employée par la Cour au point 44 de l’arrêt du 22 juin 1994, IHT Internationale Heiztechnik et Danzinger (C‑9/93, EU:C:1994:261).

( 51 ) C’est essentiellement en se fondant sur cet argument que, ainsi que le rappelle la Commission, l’avocat général Gulmann, dans ses conclusions dans l’affaire IHT Internationale Heiztechnik et Danzinger (C-9/93, EU:C:1994:48, points 92 et 101), avait proposé à la Cour de faire primer les règles du traité relatives à la libre circulation des marchandises sur l’intérêt du cédant de conserver son droit exclusif de commercialiser les produits revêtus de la marque sur son propre territoire. La Cour, elle-même, dans l’arrêt du 22 juin 1976, Terrapin (Overseas) (119/75EU:C:1976:94, point 6), s’était, entre autres, appuyée sur un tel argument pour justifier et confirmer, en l’étendant au cas de fractionnement volontaire, la doctrine de l’origine commune consacrée dans l’arrêt du 3 juillet 1974, Van Zuylen (192/73, EU:C:1974:72).

( 52 ) Voir arrêt du 22 juin 1994, IHT Internationale Heiztechnik et Danzinger (C‑9/93EU:C:1994:261, points 47 et 48).

( 53 ) Voir point 30 des présentes conclusions.

( 54 ) Voir point 57 à 59 des présentes conclusions.

( 55 ) Il est de jurisprudence constante que les justiciables ne sauraient frauduleusement ou abusivement se prévaloir des normes du droit de l’Union et que les juridictions nationales peuvent, au cas par cas, en se fondant sur des éléments objectifs, tenir compte du comportement abusif ou frauduleux des personnes concernées pour leur refuser, le cas échéant, le bénéfice des dispositions dudit droit (voir, notamment, arrêts du 9 mars 1999, Centros, C‑212/97, EU:C:1999:126, point 25 ; du 21 février 2006, Halifax e.a., C‑255/02, EU:C:2006:121, point 68, ainsi que du 20 septembre 2007, Tum et Dari, C‑16/05, EU:C:2007:530, point 64). À cet égard, la Cour a précisé que la preuve d’une pratique abusive nécessite, d’une part, un ensemble de circonstances objectives d’où il résulte que, malgré un respect formel des conditions prévues par la réglementation de l’Union, l’objectif poursuivi par cette réglementation n’a pas été atteint et, d’autre part, un élément subjectif consistant en la volonté d’obtenir un avantage résultant de la réglementation de l’Union en créant artificiellement les conditions requises pour son obtention – arrêts du 16 octobre 2012, Hongrie/Slovaquie (C‑364/10, EU:C:2012:630, point 58 et jurisprudence citée), ainsi que du 12 mars 2014, O. et B., EU:C:2014:135, point 58) ; voir, également, arrêt du 18 décembre 2014, McCarthy e.a. (C‑202/13, EU:C:2014:2450, point 54).

( 56 ) Voir, inter alia, arrêts du 9 juillet 1985, Pharmon (19/84, EU:C:1985:304, point 22), ainsi que du 17 octobre 1990, HAG GF (C‑10/89, EU:C:1990:359, point 12 et jurisprudence citée).

( 57 ) Je relève que, à différentes reprises, la Cour s’est référée, dans sa jurisprudence en matière de marques, à des notions similaires, dont les contours semblent devoir s’interpréter de manière souple. Voir, notamment, la référence à un « lien commercial » ou à une « relation spéciale » dans les arrêts du 23 février 1999, BMW (C‑63/97, EU:C:1999:82, point 51), ainsi que du 17 mars 2005, Gillette Company et Gillette Group Finland (C‑228/03, EU:C:2005:177, point 42), à un « lien matériel dans la vie des affaires » dans les arrêts du 12 novembre 2002, Arsenal Football Club (C‑206/01, EU:C:2002:651), et du 16 novembre 2004, Anheuser-Busch (C‑245/02, EU:C:2004:717, point 60), ou, encore, à la notion d’« entreprise économiquement liée » dans l’arrêt du 25 janvier 2007, Adam Opel (C‑48/05, EU:C:2007:55, point 60).

( 58 ) Voir, notamment, arrêt du 22 juin 1994, IHT Internationale Heiztechnik et Danzinger (C‑9/93EU:C:1994:261, point 39).

( 59 ) Voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 1994, IHT Internationale Heiztechnik et Danzinger (C‑9/93EU:C:1994:261, point 39).

( 60 ) Je relève qu’une thèse similaire a été avancée en 2006 par la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles) (division civile), Royaume-Uni] dans l’affaire Doncaster Pharmaceutical Group Ltd v. Bolton Pharmaceutical 100 Ltd. [2006] EWCA civ. 661. Une transaction étant intervenue entre les parties, l’affaire n’a pas donné lieu à un renvoi préjudiciel.

( 61 ) Voir arrêt du 17 octobre 1990, HAG GF (C‑10/89, EU:C:1990:359, point 18).

( 62 ) Voir, inter alia, arrêt du 11 juillet 1996, MPA Pharma (C‑232/94, EU:C:1996:289, point 19).

( 63 ) Voir point 28 des présentes conclusions.

( 64 ) Voir, cependant, conclusions de l’avocat général Jääskinen dans l’affaire L’Oréal e.a. (C‑324/09, EU:C:2010:757, points 47 et 73).

( 65 ) Voir arrêt du 8 avril 2003, Van Doren + Q (C‑244/00, EU:C:2003:204, points 35 et 36).

( 66 ) Voir arrêt du 8 avril 2003, Van Doren + Q (C‑244/00, EU:C:2003:204, points 38), qui se réfère à des situations dans lesquelles le titulaire de la marque commercialise ses produits dans l’EEE au moyen d’un système de distribution exclusive.

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