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Document 62015TJ0619

Arrêt du Tribunal (neuvième chambre) du 20 juillet 2017.
Bureau d'achat de diamant Centrafrique (Badica) et Kardiam contre Conseil de l'Union européenne.
Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en République centrafricaine – Gel des fonds – Décision d’inscription initiale – Liste des personnes et entités auxquelles s’applique le gel des fonds et des ressources économiques – Inclusion des noms des requérants – Mise en œuvre d’une résolution de l’ONU – Obligation de motivation – Droits de la défense – Présomption d’innocence – Erreur manifeste d’appréciation.
Affaire T-619/15.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2017:532

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

20 juillet 2017 ( *1 )

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en République centrafricaine – Gel des fonds – Décision d’inscription initiale – Liste des personnes et entités auxquelles s’applique le gel des fonds et des ressources économiques – Inclusion des noms des requérants – Mise en œuvre d’une résolution de l’ONU – Obligation de motivation – Droits de la défense – Présomption d’innocence – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire T‑619/15,

Bureau d’achat de diamant Centrafrique (Badica), établi à Bangui (République centrafricaine),

Kardiam, établie à Anvers (Belgique),

représentées par Mes D. Luff et L. Defalque, avocats,

parties requérantes,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. B. Driessen et Mme P. Mahnič Bruni, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation du règlement d’exécution (UE) no 2015/1485 du Conseil, du 2 septembre 2015, mettant en œuvre l’article 17, paragraphe 1, du règlement (UE) no 224/2014 du Conseil concernant des mesures restrictives eu égard à la situation en République centrafricaine (JO 2015, L 229, p. 1),

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise (rapporteur) et Mme K. Kowalik‑Bańczyk, juges,

greffier : M. L. Grzegorczyk, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 3 avril 2017,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1

Les requérants, à savoir le Bureau d’achat de diamant Centrafrique (Badica), qui est une société de droit centrafricain, et Kardiam, sa société sœur, qui est une société de droit belge, exercent une activité d’achat et de vente de diamants.

2

La République centrafricaine est un pays en voie de développement dont une partie des ressources réside dans l’exportation de diamants et d’or. En particulier, les diamants représentent 40 % de la valeur des exportations de la République centrafricaine.

3

En mars 2013, M. Francis Bozizé, président de la République centrafricaine, a été renversé par une coalition à majorité musulmane, la Séléka. M. Michel Djotodia, son opposant politique, est devenu président de la République centrafricaine. Cet événement a déclenché des violences entre la Séléka et des groupes composés majoritairement de chrétiens et d’animistes, appelés « anti-balaka ».

4

Pour éviter que des « diamants de la guerre » n’alimentent les conflits armés en fournissant aux groupes rivaux une source de revenus, a été mis en place le processus de Kimberley, un régime international de certification des diamants bruts. En vertu, notamment, de la section 4, sous a), du processus de Kimberley, chaque participant doit « créer un système de contrôles internes visant à éliminer les [diamants de la guerre] des chargements de diamants bruts qui sont importés dans son territoire ou qui sont exportés ». Les « diamants de la guerre » sont définis par le processus de Kimberley comme étant les « diamants bruts utilisés par les mouvements rebelles ou leurs alliés pour financer un conflit destiné à affaiblir des gouvernements légitimes au sens des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations unies ». Un certificat est accordé aux diamants remplissant les conditions posées par le processus de Kimberley.

5

En mai 2013, la République centrafricaine a été suspendue temporairement du système de certification du processus de Kimberley. L’exportation de diamants centrafricains a, en raison de cette suspension, été interdite. En juillet 2014, le processus de Kimberley a publié une décision administrative tendant à exclure les diamants centrafricains du commerce licite.

Mesures introduites par l’ONU

6

Le 5 décembre 2013, en réponse à la situation de guerre civile en République centrafricaine, le Conseil de sécurité des Nations unies (ci-après le « Conseil de sécurité ») a adopté la résolution 2127 (2013) dans laquelle il s’est déclaré « vivement préoccupé par l’état de la sécurité qui continue de se détériorer en République centrafricaine et se caractérise par l’effondrement total de l’ordre public, l’absence de l’État de droit et des tensions interconfessionnelles ». Il a, au paragraphe 16 de ladite résolution, « [c]ondamn[é] l’exploitation illégale des ressources naturelles en République centrafricaine, laquelle contribue à la perpétuation du conflit, et soulign[é] qu’il import[ait] de mettre fin à ces activités illégales, y compris en exerçant les pressions nécessaires sur les groupes armés, les trafiquants et tous les autres protagonistes ».

7

Le Conseil de sécurité a, dans ce contexte, au paragraphe 54 de la résolution 2127 (2013), imposé un embargo sur les armes. Il a, également, au paragraphe 56 de ladite résolution, exprimé « sa ferme intention d’envisager rapidement l’imposition de mesures ciblées, dont une interdiction de voyager et un gel des avoirs, aux personnes qui, par leurs agissements, compromettent la paix, la stabilité et la sécurité, notamment en […] soutenant des groupes armés illégaux ou des réseaux criminels par le biais de l’exploitation illicite des ressources naturelles de la République centrafricaine, y compris les diamants ».

8

Dans le cadre des mesures visées au point 7 ci-dessus, le Conseil de sécurité a, au paragraphe 57 de la résolution 2127 (2013), prévu un comité des sanctions concernant la République centrafricaine (ci-après le « comité des sanctions ») chargé de superviser leur mise en œuvre. Le Conseil de sécurité a, également, au paragraphe 59 de cette résolution, prié le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), agissant en consultation avec le comité des sanctions, de créer, pour une période initiale de treize mois, un groupe composé au maximum de cinq experts (ci-après le « groupe d’experts ») placé sous la direction du comité des sanctions et chargé, notamment, d’aider celui-ci à s’acquitter de son mandat en lui fournissant des informations. Le paragraphe 59, sous c), de la résolution 2127 (2013) a notamment prévu que le groupe d’experts « fa[sse] à l’intention du Conseil [de sécurité], après concertation avec le [c]omité [des sanctions], le point sur la situation le 5 mars 2014 au plus tard, et remett[e] au Conseil un rapport d’activité le 5 juillet 2014 au plus tard et un rapport final le 5 novembre 2014 au plus tard ».

9

Le 28 janvier 2014, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2134 (2014) selon laquelle « tous les États [m]embres doivent, pour une période initiale d’un an à compter de l’adoption de la présente résolution, geler immédiatement les fonds, autres avoirs financiers et ressources économiques se trouvant sur leur territoire qui sont en la possession ou sous le contrôle direct ou indirect des individus ou entités désignés par le [c]omité [des sanctions] créé au paragraphe 57 de la résolution 2127 (2013) ». Il a précisé que les mesures prévues s’appliquaient également aux individus et entités désignés par le comité des sanctions comme « [a]pportant un appui aux groupes armés ou aux réseaux criminels, par l’exploitation illégale des ressources naturelles (diamants, faune et produits provenant des espèces sauvages) de la République centrafricaine ».

10

Le 26 juin 2014, le groupe d’experts a, conformément au paragraphe 59, sous c), de la résolution 2127 (2013), rendu son rapport d’activité sur la République centrafricaine. Il a résumé la situation comme suit s’agissant du commerce de ressources naturelles :

« Des groupes armés participent au trafic et à l’exploitation illégale des ressources naturelles, notamment de l’or et des diamants […] Dans l’est, les forces de la Séléka continuent d’avoir la mainmise sur des mines d’or artisanales, comme à Ndassima (préfecture de la Ouaka). L’administration des mines reprend peu à peu le contrôle des zones de production de diamants autour de Bria et de Sam-Ouandja (préfecture de la Haute-Kotto), le commerce officiel avec Bangui recommençant en partie […] À cause de la suspension temporaire de la République centrafricaine du [s]ystème de certification du [p]rocessus de Kimberley, les exportations officielles de diamants ont été interdites en mai. L’acquisition de maisons à Bangui s’est néanmoins poursuivie dans le but d’acheter et de stocker officiellement des diamants en provenance de toutes les zones de production, tandis qu’on assiste à une augmentation du trafic des diamants transitant par Bangui ou par les États voisins […] »

11

Le 28 octobre 2014, le groupe d’experts a, conformément au paragraphe 59, sous c), de la résolution 2127 (2013), rendu son rapport final sur la République centrafricaine (ci-après le « rapport final des Nations unies »). Il a résumé la situation comme suit s’agissant du commerce de ressources naturelles :

« Depuis que la République centrafricaine a été suspendue du [p]rocessus de Kimberley en mai 2013, on estime que 140000 carats de diamants d’une valeur de 24 millions de dollars des États-Unis ont été exportés clandestinement. En mai 2014, les autorités belges ont saisi 6634 carats qui avaient été expédiés via Kinshasa puis Doubaï à Kardiam, société sise à Anvers (Belgique), qui est la succursale belge de la société centrafricaine de commercialisation de diamants, Badica.

Le [g]roupe d’experts pense que certains diamants saisis en Belgique provenaient de Sam-Ouandja et de Bria (préfecture de la Haute-Kotto) dans l’est du pays, où les forces de l’ex-Séléka prélèvent des taxes sur les aéronefs qui transportent des diamants et reçoivent des collecteurs de diamants des paiements en échange d’une protection […]

Le trafic d’or centrafricain, estimé à environ 2 tonnes par an, passe principalement par le Cameroun. Participent à ce trafic des collecteurs de Yaloké (préfecture de l’Ombella-Mpoko) et de Boda (préfecture de la Lobaye) qui se sont enfuis au Cameroun pour échapper aux attaques inspirées par des motifs religieux que des groupes anti-balaka mènent depuis janvier 2014 et qui ont abouti à leur prise de contrôle des mines d’or artisanales aux alentours de Yaloké […] »

12

Le 22 janvier 2015, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2196 (2015) dans laquelle il a, notamment, prorogé les mesures de gel de fonds instituées par la résolution 2134 (2014). Il a indiqué, au paragraphe 7 de ladite résolution, que, « jusqu’au 29 janvier 2016, tous les États [m]embres doivent continuer de geler […] les fonds et autres avoirs financiers et ressources économiques se trouvant sur leur territoire qui sont en la possession ou sous le contrôle direct ou indirect des personnes ou entités désignées par le [c]omité [des sanctions] ou de toute personne ou entité agissant pour le compte ou sur les ordres de celles-ci ou de toute entité en leur possession ou sous leur contrôle ». Il a précisé, au paragraphe 12, sous d), de ladite résolution, que « les mesures prévues [au paragraphe 7] s’appliquent également aux personnes et entités que le [c]omité [des sanctions] aura désignées comme [a]pportant un appui aux groupes armés ou aux réseaux criminels par l’exploitation illégale ou le trafic de ressources naturelles (diamants, or et animaux sauvages ou produits provenant de ces animaux) de la République centrafricaine ».

13

Le 11 mars 2015, les requérants ont adressé au président et aux membres du Conseil de sécurité un « contre-rapport » (ci-après le « contre-rapport ») visant à apporter « un éclairage différent sur les accusations à charge de Badica et Kardiam [et à] corriger les insuffisances et inexactitudes [du rapport final des Nations unies] » ainsi qu’à obtenir une rectification, par le groupe d’experts, des faits allégués dans le rapport final des Nations unies.

14

Les 8 et 27 avril et le 2 juin 2015, les requérants ont écrit au comité des sanctions pour dénoncer des irrégularités dans l’enquête conduite par le groupe d’experts. Ils ont, en outre, dans leur courrier du 27 avril 2015, demandé d’accéder au dossier.

15

Le 28 avril 2015, le coordonnateur du groupe d’experts (ci-après le « coordonnateur ») a signifié au comité des sanctions, par courrier, que l’enquête avait été conduite de façon régulière, en conformité avec les règles de l’ONU et que les droits de la défense des requérants avaient été respectés. Il a noté, à cet égard, que le groupe d’experts avait entendu les requérants, malgré des réticences de leur part.

16

Le 20 août 2015, conformément au paragraphe 59, sous d), de la résolution 2127 (2013), le comité des sanctions a publié sur le site Internet de l’ONU un « Résumé des motifs de l’inscription sur sa liste des sanctions des noms d’individus et d’entités » (ci-après le « résumé des motifs du comité des sanctions »), dont ceux des requérants. Le résumé des motifs du comité des sanctions est libellé comme suit :

« Motifs ayant présidé à l’inscription sur la Liste :

Le 20 août 2015, en application [du paragraphe 12, sous d)] de la résolution 2196 (2015), [Badica et Kardiam ont] été inscrit(e)[s] sur la Liste des personnes et entités “apportant un appui aux groupes armés ou aux réseaux criminels par l’exploitation illégale ou le trafic de ressources naturelles (diamants, or et animaux sauvages ou produits provenant de ces animaux) de la [République centrafricaine]”.

Renseignements complémentaires :

[Badica et Kardiam ont] fourni un appui à des groupes armés en République centrafricaine, à savoir l’ex-Séléka et les forces anti-balaka, grâce à l’exploitation et au commerce illicites de ressources naturelles – diamants et or, notamment.

En 2014, [Badica] a continué d’acheter des diamants de Bria et Sam-Ouandja (préfecture de la Haute-Kotto) dans l’est de la République centrafricaine, où des forces de l’ex-Séléka imposent des taxes aux avions transportant des diamants et se font payer par les chercheurs de diamant pour garantir leur sécurité. Plusieurs fournisseurs de diamants [de Badica] à Bria et Sam-Ouandja ont des liens étroits avec des commandants de l’ex-Séléka.

En mai 2014, les autorités belges ont saisi deux colis de diamants envoyés au bureau [de Badica] à Anvers, qui est enregistré en Belgique sous le nom de K[ardiam]. D’après les experts, il est fortement probable que les diamants saisis proviennent de la République centrafricaine vu qu’ils présentent les caractéristiques des diamants de Sam-Ouandja et de Bria, ainsi que de Nola (préfecture de Sangha Mbaéré), dans le sud-ouest du pays.

Les négociants qui achetaient des diamants sortis illégalement de la République centrafricaine, notamment de la partie occidentale du pays, à destination de marchés étrangers opéraient au Cameroun sous le couvert [de Badica].

En mai 2014, B[adica] a aussi exporté de l’or venant de Yaloké (Ombella-Mpoko), où les mines d’or artisanales ont été sous le contrôle de la Séléka jusqu’au début du mois de février 2014, avant de tomber aux mains des groupes anti-balaka. »

17

Le 24 août 2015, les requérants ont pris acte, par courrier adressé au comité des sanctions, de leur inclusion dans la liste des sanctions prévues par la résolution 2196 (2015). Ils ont, notamment, tout en rappelant leurs « vives inquiétudes » eu égard à la régularité de l’enquête menée par le groupe d’experts, réitéré leur demande d’accès au dossier.

18

Le 23 septembre 2015, les requérants ont observé que, à la suite de la réunion du même jour tenue avec le secrétaire du comité des sanctions, leur demande d’accès au dossier était refusée, en raison de la nature « diplomatique » du processus conduisant à l’imposition des sanctions.

19

Le 16 octobre 2015, le coordonnateur a demandé des renseignements aux requérants sur leurs activités en République centrafricaine depuis l’adoption de la résolution du Conseil de sécurité 2196 (2015) et, en particulier, concernant les paiements faits par Badica aux forces de l’ex-Séléka à Bria (République centrafricaine) et Sam-Ouandja (République centrafricaine) en vue d’assurer la sécurité de ses collecteurs et concernant la connaissance qu’avait la direction de Badica desdits paiements et des taxes acquittés aux forces de l’ex-Séléka par les collecteurs et artisans mineurs fournisseurs de diamants à Badica.

20

Le 23 octobre 2015, les requérants ont répondu aux questions du coordonnateur. Ils ont également formulé un certain nombre de griefs à l’encontre de l’enquête menée par le groupe d’experts. Ils ont, notamment, fait valoir que le groupe d’experts aurait dû donner accès aux pièces fondant ses conclusions, qu’il n’avait pas entendu les responsables de Badica et qu’il s’était fondé sur des rumeurs émanant de témoins anonymes. Les requérants ont également souligné que le groupe d’experts avait enquêté en étant accompagné de personnes tierces à l’identité inconnue et qu’il avait enquêté uniquement à charge.

21

Le 7 décembre 2015, le coordonnateur a répondu au courrier des requérants du 23 octobre 2015. Après avoir pris acte de ce que les requérants souhaitaient obtenir du groupe d’experts des pièces additionnelles à celles présentées dans le rapport final des Nations unies, il a, notamment, indiqué que certains éléments spécifiques en référence au contre-rapport seraient intégrés au prochain rapport du groupe d’experts dont la publication était prévue avant le 31 décembre 2015.

22

Par lettre du 21 décembre 2015, le groupe d’experts a rendu un nouveau rapport sur la République centrafricaine (ci-après le « rapport du 21 décembre 2015 des Nations unies ») dans lequel il a confirmé les conclusions du rapport final des Nations unies (voir point 11 ci-dessus).

23

Par lettre du 2 mars 2016 au comité des sanctions, les requérants ont formulé des observations sur le rapport du 21 décembre 2015 des Nations unies.

Mesures imposées par l’Union

24

Afin de mettre en œuvre les résolutions 2134 (2014) et 2196 (2015) du Conseil de sécurité, le Conseil de l’Union européenne a instauré des mesures restrictives à l’encontre de la République centrafricaine en adoptant, notamment, le règlement (UE) no 224/2014, du 10 mars 2014, concernant des mesures restrictives eu égard à la situation en République centrafricaine (JO 2014, L 70, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) 2015/734 du Conseil, du 7 mai 2015 (JO 2015, L 117, p. 11) (ci-après le « règlement de base »).

25

L’article 5 du règlement de base dispose :

« 1.   Sont gelés tous les fonds et ressources économiques qui appartiennent aux personnes physiques ou morales, aux entités ou aux organismes dont la liste figure à l’annexe I, de même que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes, entités ou organismes ont en leur possession, détiennent ou contrôlent.

2.   Nuls fonds ou ressources économiques ne peuvent être mis à la disposition, directement ou indirectement, de personnes physiques ou morales, d’entités ou d’organismes dont la liste figure à l’annexe I, ou utilisés à leur profit.

3.   L’annexe I comprend les personnes physiques ou morales, entités et organismes qui, sur la base des constatations du [c]omité des sanctions, se livrent ou apportent un appui à des actes qui compromettent la paix, la stabilité ou la sécurité en République centrafricaine, y compris des actes qui mettent en péril ou violent les accords de transition, menacent ou entravent la transition politique, notamment la transition vers des élections démocratiques libres et régulières, ou alimentent les violences :

[…]

d)

en apportant un appui aux groupes armés ou aux réseaux criminels par l’exploitation illégale ou le trafic de ressources naturelles (diamants, or et animaux sauvages ou produits provenant de ces animaux) de la République centrafricaine ;

[…] »

26

Aux termes de l’article 17 du règlement de base :

« 1.   Lorsque le Conseil de sécurité […] ou le [c]omité des sanctions inscrit sur la liste une personne physique ou morale, une entité ou un organisme, et a fourni un exposé des motifs pour la désignation, le Conseil inscrit ladite personne physique ou morale, ladite entité ou ledit organisme sur la liste figurant à l’annexe I. Le Conseil communique à la personne physique ou morale, à l’entité ou à l’organisme concerné sa décision et l’exposé des motifs, soit directement, si son adresse est connue, soit par la publication d’un avis, en lui donnant la possibilité de présenter des observations.

2.   Si des observations sont formulées ou si de nouveaux éléments de preuve substantiels sont présentés, le Conseil revoit sa décision et en informe la personne, l’entité ou l’organisme concerné en conséquence.

3.   Si les Nations unies décident de radier de la liste une personne, une entité ou un organisme, ou de modifier les données identifiant une personne, une entité ou un organisme figurant sur la liste, le Conseil modifie l’annexe I en conséquence. »

27

Le 2 septembre 2015, le Conseil a adopté, d’une part, la décision d’exécution (PESC) 2015/1488 mettant en œuvre la décision 2013/798/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la République centrafricaine (JO 2015, L 229, p. 12) et, d’autre part, le règlement d’exécution (UE) 2015/1485 mettant en œuvre l’article 17, paragraphe 1, du règlement de base (JO 2015, L 229, p. 1, ci-après l’« acte attaqué »).

28

L’article 1er de l’acte attaqué indique que les « personnes et l’entité figurant sur la liste annexée au présent règlement sont ajoutées sur la liste figurant à l’annexe I du règlement [de base] ».

29

Le point B.1 de la liste figurant à l’annexe de l’acte attaqué ajoute les requérants sur la liste annexée au règlement de base. La motivation retenue audit point reprend, dans des développements intitulés « Renseignements issus du résumé des motifs de l’inscription fourni par le [c]omité des sanctions » et « Informations complémentaires », les motifs de l’inscription sur cette liste retenus par le comité des sanctions (voir point 16 ci-dessus). Il est précisé, à cet égard, dans le premier développement évoqué ci-dessus, que, « le 20 août 2015, en application du paragraphe 12 [,sous d),] de la résolution 2196 (2015), [Badica et Kardiam ont] été inscrit[es] sur la liste des personnes et entités “apportant un appui aux groupes armés ou aux réseaux criminels par l’exploitation illégale ou le trafic de ressources naturelles (diamants, or et animaux sauvages ou produits provenant de ces animaux) de la République centrafricaine” ».

30

Le 2 octobre 2015, les requérants ont indiqué au Conseil, par courrier, qu’ils n’avaient reçu aucune notification de l’acte attaqué, alors que leurs adresses étaient connues. Ils ont, par ailleurs, contesté le rapport final des Nations unies et les sanctions en résultant et ont sollicité auprès du Conseil la communication des pièces étayant ledit rapport.

31

Le 16 décembre 2015, le Conseil a répondu à la lettre des requérants du 2 octobre 2015. Il a indiqué que la demande d’accès aux pièces du dossier avait été communiquée au président du comité des sanctions et a joint la réponse de celui-ci, datée du 8 octobre 2015. Dans sa réponse, le président du comité des sanctions indiquait que le contre-rapport avait été transmis aux membres du comité des sanctions. Il faisait également référence, au titre des informations demandées par les requérants sur leur désignation, au rapport final des Nations unies et au résumé des motifs du comité des sanctions.

Procédure et conclusions des parties

32

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 novembre 2015, les requérants ont introduit le présent recours.

33

Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler l’acte attaqué en ce qu’il les concerne ;

condamner le Conseil aux dépens.

34

Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner les requérants aux dépens.

En droit

35

Dans la requête, les requérants invoquent trois moyens, tirés, premièrement, d’une violation des droits de la défense, du droit à un procès équitable et à une protection juridictionnelle effective, deuxièmement, d’une erreur d’appréciation des faits et, troisièmement, d’un défaut d’examen des circonstances de l’espèce par le Conseil. Dans la réplique, les requérants invoquent un moyen nouveau tiré d’une violation de l’obligation de motivation.

36

Il convient d’examiner, tout d’abord, le moyen nouveau tiré d’une violation de l’obligation de motivation, ensuite, le moyen tiré d’une violation des droits de la défense, du droit à un procès équitable et à une protection juridictionnelle effective, puis le moyen tiré d’une erreur d’appréciation des faits et, enfin, le moyen tiré d’un défaut d’examen des circonstances de l’espèce par le Conseil.

Sur le moyen tiré d’une violation de l’obligation de motivation

37

Les requérants soutiennent que le Conseil justifie la légalité de l’acte attaqué par la production, en annexe au mémoire en défense, d’éléments de fait et de droit postérieurs à la date de l’acte attaqué, à savoir le rapport rédigé par Amnesty International le 30 septembre 2015, la réponse du groupe d’experts aux requérants du 7 décembre 2015 et le rapport du 21 décembre 2015 des Nations unies.

38

Or, selon les requérants, la légalité d’un acte adopté par une institution de l’Union doit s’apprécier en fonction des éléments de fait et de droit existant au moment où l’acte a été pris. Cette position serait constante dans la jurisprudence de la Cour. Les requérants affirment, à cet égard, que la motivation doit figurer dans l’acte lui-même et qu’il ne suffit pas, pour y satisfaire, qu’elle puisse être élaborée à partir des pièces du dossier et encore moins lorsque celles-ci sont postérieures à la date d’adoption de l’acte.

39

Par conséquent, en justifiant l’acte attaqué par des éléments de droit et de fait postérieurs à la date d’adoption de celui-ci et révélés pendant la procédure, le Conseil aurait violé l’exigence de motivation formelle qui pèse sur lui.

40

Les requérants précisent que ce moyen, en dépit de son caractère nouveau, peut être soulevé dans la mesure où, conformément à l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la production de moyens nouveaux est permise lorsqu’ils se fondent sur des éléments de droit et de fait révélés pendant la procédure, ce qui serait le cas en l’espèce.

41

Le Conseil conteste ces arguments.

42

À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante qu’un défaut ou une insuffisance de motivation relève de la violation des formes substantielles, au sens de l’article 263 TFUE, et constitue un moyen d’ordre public pouvant, voire devant, être soulevé d’office par le juge de l’Union (voir arrêt du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, EU:C:2009:742, point 34 et jurisprudence citée).

43

Dans ces conditions, le Tribunal peut connaître du moyen des requérants tiré d’une violation de l’obligation de motivation, sans qu’il soit besoin d’examiner si, conformément à l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, ce moyen se fonde sur des « éléments de droit et de fait révélés pendant la procédure ».

44

En l’espèce, les requérants soutiennent, en substance, que, en justifiant dans le mémoire en défense l’acte attaqué par des éléments de fait et de droit postérieurs à la date d’élaboration de cet acte, le Conseil a violé l’obligation de motivation.

45

Toutefois, d’une part, les requérants ne contestent aucunement le caractère suffisant de la motivation telle qu’elle figure dans l’acte attaqué.

46

D’autre part, comme le rappellent eux-mêmes les requérants (voir point 38 ci-dessus), dans le cadre d’un recours en annulation en vertu de l’article 263 TFUE, la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté (voir arrêt du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission, T‑349/03, EU:T:2005:221, point 142 et jurisprudence citée). Il s’ensuit que, même à supposer que le Conseil ait essayé, au cours de la présente procédure juridictionnelle, d’apporter des motifs supplémentaires à l’acte attaqué, ce fait ne saurait, en lui-même, infirmer la légalité dudit acte, dans la mesure où celui-ci n’est pas de nature à établir que les motifs figurant dans l’acte attaqué au moment de son adoption auraient été insuffisants (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission, T‑349/03, EU:T:2005:221, point 287 et jurisprudence citée).

47

Dans ces conditions, l’argument tiré de la production par le Conseil, au stade du mémoire en défense, d’éléments de fait et de droit postérieurs à la date de l’acte attaqué doit être écarté comme inopérant, pour autant qu’il tende à faire établir une violation de l’obligation de motivation, sans préjudice de la recevabilité desdits éléments dans le cadre de l’examen du bien-fondé de l’acte attaqué.

48

Par conséquent, le moyen tiré d’une violation de l’obligation de motivation doit être écarté.

Sur le premier moyen, tiré d’une violation des droits de la défense, du droit à un procès équitable et à une protection juridictionnelle effective

49

Le premier moyen est divisé en deux branches, tirées, en substance, la première, de l’absence de communication individuelle aux requérants de l’acte attaqué et, la seconde, de l’« absence de communication des éléments de preuve, d’accès au dossier et d’une violation du principe du contradictoire et de la transparence ».

Sur la première branche du premier moyen, tirée de l’absence de communication individuelle aux requérants de l’acte attaqué

50

Dans la première branche du premier moyen, les requérants font valoir une violation de l’article 17, paragraphe 1, du règlement de base, dans la mesure où l’acte attaqué ne leur aurait pas été notifié par le Conseil alors que leurs adresses étaient connues par celui-ci.

51

Toutefois, force est de constater que l’argumentation des requérants n’est pas fondée.

52

D’une part, s’il est vrai qu’un acte adoptant ou maintenant des mesures restrictives à l’égard d’une personne ou entité doit être communiqué à cette dernière et que c’est cette communication qui fait courir le délai pour l’introduction, par la personne ou entité concernée, d’un recours en annulation contre l’acte en question en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, cette circonstance n’implique pas que l’absence d’une telle communication justifie, à elle seule, l’annulation de l’acte en question (arrêt du 6 septembre 2013, Bank Melli Iran/Conseil, T‑35/10 et T‑7/11, EU:T:2013:397, point 112).

53

À cet égard, comme le fait valoir le Conseil, les requérants n’invoquent pas d’arguments tendant à démontrer que, dans le cas d’espèce, l’absence de communication individuelle de l’acte attaqué a eu pour conséquence une atteinte à leurs droits qui justifierait l’annulation de ce dernier, pour autant qu’il les concerne (voir, en ce sens, arrêt du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 122 et jurisprudence citée).

54

D’autre part, l’existence d’une telle atteinte ne ressort pas, par ailleurs, des éléments du dossier, étant donné, tout d’abord, que les motifs retenus à l’égard des requérants dans l’acte attaqué sont identiques aux motifs figurant dans le résumé des motifs du comité des sanctions, qu’ils connaissaient, ensuite, qu’ils étaient en mesure d’introduire un recours en annulation à l’encontre de l’acte attaqué et, enfin, qu’ils ont été en mesure de prendre connaissance de l’acte attaqué par une autre source et d’en joindre une copie à leur recours (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2013, Bank Melli Iran/Conseil, T‑35/10 et T‑7/11, EU:T:2013:397, point 113).

55

Dans ces circonstances, il y a lieu d’écarter la première branche du premier moyen.

Sur la seconde branche du premier moyen, tirée de l’« absence de communication des éléments de preuve, d’accès au dossier et d’une violation du principe du contradictoire et de la transparence »

56

En premier lieu, les requérants font valoir qu’ils ont fait l’objet de sanctions internationales et européennes sans avoir eu accès au dossier, sans que leur contre-rapport ne soit pris en considération par l’ONU et sans que celui-ci ne reçoive la moindre réponse de l’ONU.

57

Premièrement, les requérants indiquent, en substance, qu’ils n’ont pu avoir accès au dossier ni devant l’ONU ni devant le Conseil, en violation de l’arrêt du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, points 281 à 285). Les requérants rappellent, à cet égard, que l’accès au dossier est une exigence fondamentale du droit de l’Union permettant d’assurer le respect des droits de la défense.

58

Deuxièmement, les requérants soutiennent que le groupe d’experts n’a pas produit de nouveau rapport à la suite du contre-rapport et n’a pas effectué d’instruction complémentaire, malgré les propositions de coopération qu’ils avaient faites par écrit. Or, dans le contre-rapport, les requérants avaient souligné que le rapport final des Nations unies n’était pas fondé sur une instruction rigoureuse des faits et n’avait pas été élaboré en respectant les principes généraux du droit international, les règles proposées par l’ONU dans leur « propre rapport de 2006 » et les grands principes énoncés par les experts eux-mêmes dans l’introduction du rapport final des Nations unies.

59

Troisièmement, les requérants affirment que le rapport final des Nations unies, dans la mesure où il les concerne, a été fait à charge uniquement, en violation de l’article 14, paragraphe 3, sous e), du pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté par l’assemblée générale des Nations unies le 16 décembre 1966, et des principes essentiels des droits de la défense. Les requérants ajoutent que Badica n’a bénéficié d’aucun droit de réponse au stade du projet de rapport et que des déclarations favorables à Badica n’ont pas été mentionnées dans le rapport final des Nations unies. Ils indiquent, enfin, qu’après l’adoption des sanctions, le coordonnateur du groupe d’experts a demandé à Badica de lui fournir des preuves négatives, dans une langue qui n’était pas la sienne, sans copie à ses conseils et dans un délai de cinq jours ouvrables.

60

En deuxième lieu, les requérants font valoir que l’enquête du groupe d’experts trouve sa source dans une procédure pénale ouverte à Anvers (Belgique) contre Kardiam, à la suite de la saisie de deux lots de diamants suspectés de provenir de République centrafricaine. Or, cette instruction étant toujours en cours, Kardiam n’aurait pas pu prendre connaissance des pièces du dossier et bénéficierait de la présomption d’innocence. Les requérants précisent, à cet égard, dans la réplique que, dans l’arrêt du 2 septembre 2009, El Morabit/Conseil (T‑37/07 et T‑323/07, non publié, EU:T:2009:296, point 48), la décision de gel de fonds avait été adoptée par le Conseil en se fondant sur une condamnation prononcée par une juridiction nationale. Or, en l’espèce, aucune condamnation n’a encore été prononcée en Belgique, de telle sorte que la mesure violerait le principe de présomption d’innocence.

61

En troisième lieu, les requérants font valoir que, alors que le Conseil a admis ne pas être en possession de la moindre pièce du dossier du comité des sanctions, il ne pourrait considérer qu’il est en situation de compétence liée et qu’il doit mettre en œuvre de façon automatique « les résolutions onusiennes », au mépris de l’arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518), sans avoir vérifié, au préalable, l’exactitude des faits et circonstances justifiant lesdites résolutions et le respect des droits fondamentaux par ces résolutions – en particulier, le droit d’accéder au dossier et le droit d’être entendu. Les requérants font grief au Conseil, à cet égard, de ne produire aucun élément d’information ou de preuve allant au-delà de la motivation que le comité des sanctions a publié le 20 août 2015, dans son résumé des motifs, et d’avoir procédé à la transposition des sanctions de manière automatique.

62

Le Conseil conteste ces arguments.

63

En premier lieu, il convient de répondre aux arguments des requérants tirés d’une violation du droit d’accès au dossier et d’une violation du principe du contradictoire par l’ONU ainsi que d’une instruction à charge du groupe d’experts dans le cadre de l’élaboration du rapport final des Nations unies.

64

À cet égard, pour autant que les requérants invoquent une violation de ces droits fondamentaux par l’ONU, il ressort de l’arrêt du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 326), que les juridictions de l’Union doivent, conformément aux compétences dont elles sont investies en vertu du traité, assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union au regard des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union, y compris lorsque de tels actes visent à mettre en œuvre des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité au titre du chapitre VII de la charte des Nations unies.

65

Toutefois, il n’en résulte pas que les juridictions de l’Union sont compétentes pour contrôler les actes adoptés par le Conseil de sécurité en tant que tels ou la conformité aux droits fondamentaux des enquêtes conduites par les organes de l’ONU.

66

En effet, il ressort de l’article 263, paragraphe 1, TFUE et de l’article 275, paragraphe 2, TFUE, que, si le juge de l’Union est compétent pour contrôler la légalité des actes des institutions de l’Union et, notamment, la légalité des décisions prévoyant des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales adoptées par le Conseil, il ne l’est pas pour contrôler l’accord international sur lequel de tels actes de l’Union sont fondés.

67

À cet égard, il importe de souligner que, dans un contexte tel que celui de l’espèce, le contrôle de légalité devant ainsi être assuré par le juge de l’Union porte sur l’acte de l’Union visant à mettre en œuvre l’accord international en cause, et non sur ce dernier en tant que tel. S’agissant plus particulièrement d’un acte de l’Union qui, tel l’acte attaqué, vise à mettre en œuvre une résolution du Conseil de sécurité, il n’incombe donc pas au juge de l’Union de contrôler la légalité d’une telle résolution adoptée par cet organe international (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, points 286 et 287), ou l’enquête qui en est à l’origine.

68

Dans ces conditions, les arguments des requérants, pour autant qu’ils visent à contester la légalité d’actes de l’ONU au regard des droits fondamentaux énumérés au point 63 ci-dessus, doivent être écartés comme portés devant une juridiction incompétente pour les connaître.

69

En deuxième lieu, il convient de répondre aux arguments des requérants tirés d’une violation du droit d’accès au dossier et d’une violation du principe de présomption d’innocence, pour autant que ces arguments sont dirigés à l’encontre du Conseil en tant qu’auteur de l’acte attaqué.

70

S’agissant, d’une part, de l’argument des requérants tiré de ce que le Conseil, en dépit de leurs demandes, ne leur a pas donné accès au dossier de l’ONU, il y a lieu de rappeler que, comme en l’espèce, le fait pour l’autorité compétente de l’Union de ne pas rendre accessibles à la personne concernée des informations ou des éléments de preuve en la seule possession du comité des sanctions ou du membre de l’ONU concerné, afférents à l’exposé des motifs qui sous-tend la décision en cause, ne saurait, en tant que tel, fonder un constat de violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 137 et 139).

71

S’agissant, d’autre part, de la violation alléguée du principe de présomption d’innocence par le Conseil, il y a lieu de rappeler que ce principe, énoncé à l’article 6, paragraphe 2, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et à l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui exige que toute personne accusée d’une infraction soit présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie, ne s’oppose pas à l’adoption de mesures conservatoires de gel de fonds, dès lors que celles-ci n’ont pas pour objet d’engager une procédure pénale à l’encontre de la personne visée (arrêts du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil, T‑592/11, non publié, EU:T:2013:427, point 40, et du 20 septembre 2016, Alsharghawi/Conseil, T‑485/15, non publié, EU:T:2016:520, point 69).

72

De telles mesures doivent cependant, compte tenu de leur gravité, être prévues par la loi, être adoptées par une autorité compétente et présenter un caractère limité dans le temps (arrêts du 2 septembre 2009, El Morabit/Conseil, T‑37/07 et T‑323/07, non publié, EU:T:2009:296, point 40 ; du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil, T‑592/11, non publié, EU:T:2013:427, point 40, et du 20 septembre 2016, Alsharghawi/Conseil, T‑485/15, non publié, EU:T:2016:520, point 69).

73

Or, premièrement, les mesures restrictives en cause, fussent-elles contraignantes, n’ont pas pour objet d’engager une procédure pénale tendant à l’établissement de la culpabilité des requérants. L’argument tiré de ce que les mesures en cause trouvent leur source dans une procédure pénale toujours en cours, ouverte à Anvers contre Kardiam, ne saurait, partant, prospérer.

74

Deuxièmement, force est de constater que les mesures en cause sont prévues par la législation de l’Union et que le Conseil était compétent pour les adopter, ce que, au demeurant, les requérants ne contestent pas.

75

Troisièmement, il convient enfin de constater que, bien que, comme le Conseil l’a confirmé à la suite d’une mesure d’organisation de la procédure, l’acte attaqué ne comporte pas de date d’expiration de l’inscription en ce qui concerne l’Union, en l’espèce, la mesure en cause ne revêt pas de caractère définitif. En effet, le Conseil est tenu de la réviser à tout moment à l’échelle de l’Union, soit en vertu de l’article 17, paragraphe 2, du règlement de base, si « des observations sont formulées ou si de nouveaux éléments de preuve substantiels sont présentés », soit en vertu de l’article 17, paragraphe 3, du règlement de base, si « les Nations unies décident de radier [la personne] de la liste […] ou de modifier les données [l’]identifiant […] » À cet égard, au paragraphe 61 de la résolution 2127 (2013), le Conseil de sécurité a affirmé qu’il « suivra en permanence l’évolution de la situation en République centrafricaine et se tiendra prêt à examiner l’opportunité des mesures énoncées dans la présente résolution, y compris […] de leur suspension ou de leur levée, en fonction des progrès accomplis en ce qui concerne la stabilisation du pays et le respect de la présente résolution ».

76

Partant, en l’espèce, compte tenu de ce qui précède, la violation du principe de présomption d’innocence ne peut être établie.

77

En troisième lieu, il convient de répondre à l’argument des requérants selon lequel, en substance, le Conseil aurait transposé la résolution de l’ONU à l’origine de leur inscription de manière « quasi mécanique » sans vérifier l’exactitude des faits et circonstances à l’origine de la mesure d’inscription et le respect, par ladite mesure, des droits fondamentaux, dans le cadre de l’enquête du groupe d’experts.

78

En vue de répondre à l’argument des requérants, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que la nature juridique des mesures restrictives est un élément important qui conditionne l’étendue de la réévaluation que le Conseil est susceptible de faire sur les éléments de preuve retenus en l’espèce par le comité des sanctions de l’ONU. En principe, il est constamment accepté par la jurisprudence que le gel d’avoirs qui est édicté par le Conseil sur le fondement des compétences qui lui sont conférées par les articles 21 et 29 TUE est dépourvu de connotation pénale. Il ne saurait donc, contrairement à ce que les requérants suggèrent, être assimilé à une décision de gel d’avoirs d’une autorité judiciaire nationale d’un État membre prise dans le cadre de la procédure pénale applicable et dans le respect des garanties offertes par cette procédure. (voir arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 64 et jurisprudence citée).

79

Il convient, à cet égard, de relever que, dans le cadre d’une procédure portant sur l’adoption de la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne sur la liste, lorsque, préalablement, dans le cadre des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, le comité des sanctions a décidé d’inscrire le nom de cette personne sur sa propre liste, le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective exige que l’autorité compétente de l’Union communique à la personne concernée les éléments dont dispose cette autorité à l’encontre de ladite personne pour fonder sa décision, c’est-à-dire, à tout le moins, l’exposé des motifs fourni par le comité des sanctions, et ce afin que cette personne puisse défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge de l’Union (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 111 et jurisprudence citée).

80

Lors de cette communication, l’autorité compétente de l’Union doit permettre à cette personne de faire connaître utilement son point de vue à l’égard des motifs retenus à son égard (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 112 et jurisprudence citée).

81

Toutefois, dans le cadre d’une inscription initiale, contrairement à ce qui est le cas pour la procédure encadrant le maintien du nom d’une personne sur la liste, le respect de cette double obligation procédurale ne doit pas précéder l’adoption de la décision (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 113 et jurisprudence citée).

82

En l’espèce, il convient de relever, à cet égard, que l’article 17 du règlement de base distingue la procédure d’adoption de l’acte d’inscription initial de la procédure de réexamen dudit acte.

83

Dans le premier cas, il est prévu que, « [l]orsque le Conseil de sécurité […] ou le comité des sanctions inscrit sur la liste une personne physique ou morale, une entité ou un organisme, et a fourni un exposé des motifs pour la désignation, le Conseil inscrit ladite personne physique ou morale, ladite entité ou ledit organisme sur la liste figurant à l’annexe I » et que « [l]e Conseil communique à la personne physique ou morale, à l’entité ou à l’organisme concerné sa décision et l’exposé des motifs […] en lui donnant la possibilité de présenter des observations » (article 17, paragraphe 1, du règlement de base).

84

À cet égard, il ressort de l’article 5, paragraphe 3, du règlement de base que l’inscription sur la liste a lieu « sur la base des constatations du Comité des sanctions ».

85

Dans le second cas, il est prévu que, « [s]i des observations sont formulées ou si de nouveaux éléments de preuve substantiels sont présentés, le Conseil revoit sa décision et en informe la personne, l’entité ou l’organisme concerné en conséquence ».

86

Il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, le Conseil doit prendre sa décision « sur la base de l’exposé des motifs fourni par le comité des sanctions ». En effet, il n’est pas prévu que ledit comité mette spontanément à la disposition de l’autorité compétente de l’Union, aux fins de l’adoption par ce même comité de sa décision, d’autres éléments que cet exposé de motifs (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 107, et du 13 décembre 2016, Al-Ghabra/Commission, T‑248/13, EU:T:2016:721, point 73).

87

Il s’ensuit que, en l’espèce, contrairement à ce que soutiennent les requérants, comme cela ressort de l’article 17, paragraphe 1, du règlement de base, le Conseil n’était pas tenu, dans le cadre de la mise en œuvre de la résolution du Conseil de sécurité, de vérifier « l’exactitude des faits et circonstances » à l’origine de la mesure d’inscription prise à l’encontre des requérants.

88

En effet, c’est lorsque des observations sont formulées par la personne concernée au sujet de l’exposé des motifs que l’autorité compétente de l’Union a l’obligation d’examiner, avec soin et impartialité, le bien-fondé des motifs allégués, à la lumière de ces observations et des éventuels éléments à décharge joints à celles-ci (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 114 et jurisprudence citée), à savoir, en l’espèce, sur le fondement de l’article 17, paragraphe 2, du règlement de base, qui prévoit que « [s]i des observations sont formulées […], le Conseil revoit sa décision […] »

89

Dans ces conditions, le Conseil ne saurait être censuré, en l’espèce, pour ne pas avoir obtenu du comité des sanctions les éléments d’information ou de preuve à l’appui des allégations portées contre les requérants et pour avoir, dès lors, selon les requérants, « mis en œuvre de façon quasi mécanique » ladite mesure d’inscription, sans examiner les faits et circonstances à l’origine de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2016, Al-Ghabra/Commission, T‑248/13, EU:T:2016:721, point 76).

90

Il ne saurait non plus être reproché au Conseil d’avoir « transposé » la décision du Conseil de sécurité sans vérifier que cette résolution tienne compte du respect des droits fondamentaux. En effet, comme cela ressort, d’une part, de l’article 17, paragraphe 1, du règlement de base, lu à la lumière de l’article 5, paragraphe 3, dudit règlement et, d’autre part, de la jurisprudence mentionnée au point 86 ci-dessus, le Conseil prend la décision d’inscription « sur la base des constatations du Comité des sanctions ».

91

Compte tenu de ce qui précède, le premier moyen doit être écarté.

Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

92

En substance, les requérants affirment que les constatations du Conseil figurant dans les motifs qui leur ont été communiqués sont inexactes ou, en tout état de cause, insuffisamment étayées pour établir un appui aux groupes armés par l’exploitation illégale ou le trafic de ressources naturelles en République centrafricaine.

93

Il convient de rappeler que parmi les circonstances relatées au point B.1 de l’annexe de l’acte attaqué, sous la section « Informations complémentaires », justifiant la mesure d’inscription décidée par le Conseil, figurent les cinq motifs suivants :

« [Badica et Kardiam ont] fourni un appui à des groupes armés en République centrafricaine, à savoir l’ex-Séléka et les forces anti-balaka, grâce à l’exploitation et au commerce illicites de ressources naturelles – diamants et or, notamment.

En 2014, [Badica] a continué d’acheter des diamants de Bria et Sam-Ouandja (préfecture de la Haute-Kotto) dans l’est de la République centrafricaine, où des forces de l’ex-Séléka imposent des taxes aux avions transportant des diamants et se font payer par les chercheurs de diamant pour garantir leur sécurité. Plusieurs fournisseurs de diamants d[e] B[adica] à Bria et Sam-Ouandja ont des liens étroits avec des commandants de l’ex-Séléka.

En mai 2014, les autorités belges ont saisi deux colis de diamants envoyés au bureau d[e] B[adica] à Anvers, qui est enregistré en Belgique sous le nom de K[ardiam]. D’après les experts, il est fortement probable que les diamants saisis proviennent de la République centrafricaine vu qu’ils présentent les caractéristiques des diamants de Sam-Ouandja et de Bria, ainsi que de Nola (préfecture de Sangha Mbaéré), dans le sud-ouest du pays.

Les négociants qui achetaient des diamants sortis illégalement de la République centrafricaine, notamment de la partie occidentale du pays, à destination de marchés étrangers opéraient au Cameroun sous le couvert d[e] B[adica].

En mai 2014, B[adica] a aussi exporté de l’or venant de Yaloké (Ombella-Mpoko), où les mines d’or artisanales ont été sous le contrôle de la Séléka jusqu’au début du mois de février 2014, avant de tomber aux mains des groupes anti-balaka. »

94

À titre liminaire, il convient de constater, d’emblée, que c’est à bon droit que le Conseil se fonde sur le rapport final des Nations unies pour étayer les motifs communiqués aux requérants. La circonstance que les requérants ont contesté les allégations figurant dans ce rapport ne permet pas à elle seule de considérer que le Conseil ne pouvait s’y référer (arrêt du 14 janvier 2015, Gossio/Conseil, T‑406/13, non publié, EU:T:2015:7, point 72). Par ailleurs, les allégations des requérants ne font pas obstacle à ce que le Tribunal se fonde sur le rapport final des Nations unies.

95

En effet, conformément à l’engagement du groupe d’experts formulé au point 7 du rapport final des Nations unies, les requérants ont eu accès aux principaux éléments de preuve fondant l’acte attaqué et, notamment, au rapport ainsi qu’à ses annexes, ledit rapport étant, au demeurant, public. Par ailleurs, il ressort du rapport final des Nations unies et du courrier du coordonnateur du 28 avril 2015 que les requérants ont été entendus à au moins deux reprises par le groupe d’experts, à savoir en avril 2014 et en janvier 2015, et qu’ils n’ont pas donné suite à la demande d’entretien formulée en juin 2014 par ledit groupe. Enfin, il découle des points 5 à 8 de ce rapport que le groupe d’experts s’est fondé sur une méthodologie rigoureuse, prédéfinie par l’organe compétent de l’ONU et respectueuse des droits de la défense.

96

Le contrôle juridictionnel de la légalité de la décision en question s’étend à l’appréciation des faits et des circonstances invoqués comme justifiant la décision de gel de fonds, de même qu’à la vérification des éléments de preuve et d’information sur lesquels est fondée cette appréciation (arrêt du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, EU:T:2009:401, point 37).

97

Par conséquent, le pouvoir d’appréciation dont dispose en la matière le Conseil ne fait pas obstacle à ce que le juge de l’Union vérifie, lors de l’exercice de son contrôle de légalité, l’exactitude matérielle des faits sur lesquels s’est fondé le Conseil. En effet, l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux exige notamment que le juge de l’Union s’assure qu’une décision revêtant une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée repose sur un fondement factuel suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119 ; voir, également, arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 45 et jurisprudence citée).

98

Ainsi, eu égard à la nature préventive des mesures restrictives en cause, si, dans le cadre de son contrôle de la légalité de la décision attaquée, le juge de l’Union considère que, à tout le moins, l’un des motifs mentionnés dans l’exposé fourni par le comité des sanctions est suffisamment précis et concret, qu’il est étayé et qu’il constitue en soi un fondement suffisant pour soutenir cette décision, la circonstance que d’autres de ces motifs ne le seraient pas ne saurait justifier l’annulation de ladite décision (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 130).

99

Une telle appréciation doit être effectuée en examinant les éléments de preuve et d’information non de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent. En effet, le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe s’il fait état devant le juge de l’Union d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir l’existence d’un lien suffisant entre l’entité sujette à une mesure de gel de ses fonds et le régime ou, en général, les situations combattues (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, points 51 et 53 et jurisprudence citée).

100

C’est à la lumière de la jurisprudence mentionnée au point 99 ci-dessus qu’il convient d’examiner les arguments invoqués par les requérants s’agissant des motifs rappelés au point 93 ci-dessus.

101

En premier lieu, les requérants contestent le caractère illicite des achats visés par le deuxième motif, notamment, en l’absence d’exportation des diamants en cause.

102

Toutefois, comme cela ressort du point 99 ci-dessus, l’appréciation des éléments d’information doit se faire non de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent.

103

Or, le deuxième motif qui fait état, à tout le moins, d’un « appui » aux groupes armés, doit être lu, notamment, avec les troisième et quatrième motifs qui font état d’une exploitation illégale de diamants. Il en va d’autant plus ainsi que le rapport final des Nations unies fait expressément le lien entre, d’une part, l’achat de diamants à Bria et à Sam-Ouandja par les requérants (deuxième motif) et, d’autre part, la saisie de diamants adressés aux requérants à Anvers, provenant probablement de ces zones (troisième motif).

104

Ainsi, le rapport final des Nations unies indique, au point 127, que « [l]e [g]roupe d’experts pense que les diamants provenant de Bria et Sam-Ouandja, zones placées sous le contrôle de l’ex-Séléka, qui étaient achetés illégalement par Badica ou pour son compte, ont atterri dans le lot saisi à Anvers ».

105

Ce lien est, d’ailleurs, énoncé clairement dans le résumé du rapport final des Nations unies, où il est indiqué que « [l]e [g]roupe d’experts pense que certains diamants saisis en Belgique provenaient de Sam-Ouandja et de Bria (préfecture de la Haute-Kotto) dans l’est du pays, où les forces de l’ex-Séléka prélèvent des taxes sur les aéronefs qui transportent des diamants et reçoivent des collecteurs de diamants des paiements en échange d’une protection […] » Du reste, les requérants ne contestent pas ce lien dans leurs écritures.

106

Il s’ensuit que l’argument des requérants tiré de l’absence de caractère illicite des achats doit être écarté. En effet, il ressort de ce qui précède que les diamants visés au deuxième motif ont bel et bien été exportés et, partant, ont fait l’objet d’une exploitation illicite, dans la mesure où, conformément au processus de Kimberley, toute exportation de diamants était interdite à l’époque en cause.

107

À cet égard, la faible quantité des achats alléguée et la prétendue nécessité de récolter des avances payées à des collecteurs de confiance et de maintenir le réseau de ces derniers sont sans incidence sur, d’une part, l’existence d’un appui aux groupes armés et, d’autre part, le caractère illégal du commerce en cause.

108

Par ailleurs, il convient de constater que le fait rapporté dans le deuxième motif que, « [e]n 2014, [Badica] a continué d’acheter des diamants » dans les zones de Bria et de Sam-Ouandja, même à supposer qu’il soit interprété isolément, est également de nature à refléter un commerce illicite, même si le processus de Kimberley ne couvre, en principe, que les exportations de diamants. En effet, comme le souligne le Conseil, les requérants ne font valoir aucun argument s’agissant de la constatation figurant au point 60 du rapport d’activité du groupe d’experts du 1er juillet 2014, selon laquelle :

« En mars, [Badica] avait 760 carats de diamants en stock. Son administrateur gérant a déclaré au [g]roupe d’experts que la société n’achetait plus de diamants à cause de la suspension de la République centrafricaine du [s]ystème de certification du [p]rocessus de Kimberley […] Toutefois, un second inventaire des stocks de Badica, effectué en avril 2014, a révélé que la société avait acheté 1698 carats supplémentaires, d’une valeur de 292917 dollars, à Bria et Sam-Ouandja. Les lots de diamants que Badica conservait dans ses stocks n’avaient pas encore été scellés ou datés par les services miniers, comme ils auraient dû l’être d’après la feuille de route que les autorités centrafricaines avaient présentée en juin 2013 afin de pouvoir réintégrer le [p]rocessus de Kimberley. »

109

Par ailleurs, dans le cadre du deuxième motif, selon lequel les autorités de l’ex-Séléka se font payer par les chercheurs de diamants pour garantir leur sécurité, les requérants font valoir, en substance, que l’appui apporté à l’ex-Séléka par le versement de ces indemnités ne leur est pas imputable. Ils observent, à cet égard, que les collecteurs et artisans miniers à l’origine du paiement d’indemnités de sécurité à l’ex-Séléka sont, en vertu du code minier centrafricain, indépendants. Par conséquent, Badica ne pourrait être tenue pour responsable du comportement des collecteurs, comportement, qu’au demeurant, elle ignorerait. Le deuxième motif serait donc insuffisant, en tant que tel, pour caractériser un appui aux forces armées.

110

Toutefois, force est de constater que les requérants ne contestent ni l’achat de diamants à des collecteurs, qui eux-mêmes s’approvisionnent auprès d’artisans miniers, ni le paiement par ces intermédiaires du commerce de diamants de taxes aux éléments de l’ex-Séléka. Dans ces conditions, il y a lieu de relever que, compte tenu de ce qui précède, en continuant à acheter des diamants aux collecteurs lors de la période en cause, ce qu’ils ne nient pas, les requérants ont nécessairement fourni un appui aux groupes armés.

111

À cet égard, l’absence de paiement direct d’indemnités de sécurité aux forces de l’ex-Séléka par les requérants, même à la supposer avérée, est sans incidence sur l’existence d’un appui auxdites forces. En effet, le résumé des motifs se limite à faire référence, de façon générique, à un appui et non à un appui direct.

112

Au demeurant, il ne peut être exclu qu’au moins une partie des taxes payées aux forces de l’ex-Séléka par les intermédiaires du commerce de diamants ait été répercutée dans le prix final payé par les requérants, dans le cadre de leur activité d’achat de diamants.

113

Enfin, force est de constater que, compte tenu du contexte en cause, marqué par, d’une part, l’éclatement d’une guerre civile en République centrafricaine et, d’autre part, la suspension corrélative de la République centrafricaine du [p]rocessus de Kimberley, les requérants ne pouvaient ignorer le prélèvement de taxes par les forces armées en conflit dans les mines placées sous leur contrôle.

114

Dans ces conditions, l’argument tiré de ce que les requérants auraient ignoré le versement de ces taxes par les intermédiaires du commerce de diamants doit être écarté comme infondé.

115

En outre, pour autant que les requérants considèrent que les éléments rapportés par le deuxième motif pour faire état d’un appui aux groupes armés, par le versement d’indemnités de sécurité, d’une part, et de redevances à l’atterrissage, d’autre part, sont insuffisamment étayés, force est de constater que cette affirmation est infondée.

116

Tout d’abord, c’est à tort que les requérants excipent du caractère modeste des redevances à l’atterrissage payées par Minair, une société sœur de Badica, et de la circonstance que lesdites redevances ont été payées par toutes les entreprises affrétant des vols dans les régions en cause. En effet, d’une part, il ressort du point 123 du rapport final des Nations unies que le montant de ces redevances était compris, pour chaque atterrissage, entre 75 dollars des États-Unis (USD) à Bria et 100 USD à Sam-Ouandja. Or, indépendamment du fait que le versement de ces redevances caractérise, en tout état de cause, un appui aux forces armées, de telles redevances ne peuvent être considérées comme négligeables dans le contexte économique dramatique qui était celui de la République centrafricaine à l’époque de la guerre civile. D’autre part, la circonstance que ces redevances ont été payées par tous les opérateurs est, également, sans incidence sur le fait que le paiement desdites redevances a constitué un appui aux forces armées.

117

Ensuite, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que prétendent les requérants, le groupe d’experts n’a pas enquêté deux mois après l’inscription de leur nom sur la liste par le comité des sanctions sur le grief tiré du versement de redevances à l’atterrissage et d’indemnités de sécurité aux éléments de l’ex-Séléka. En effet, il ressort des notes en bas de pages no 90 et no 91 du rapport final des Nations unies que ce grief repose sur des entretiens effectués en juillet et en septembre 2014, soit près d’un an avant l’inscription des requérants sur la liste.

118

Enfin, contrairement à ce qu’affirment les requérants, les accusations d’appui aux forces de l’ex-Séléka par le versement d’indemnités de sécurité et de redevances à l’atterrissage sont étayées par des éléments de preuve.

119

D’une part, s’agissant du versement d’indemnités de sécurité, il ressort du point 124 du rapport final des Nations unies, lequel se fonde sur deux déclarations concordantes d’un collecteur à Sam-Ouandja du 4 septembre 2014 et d’un commandant de l’Unité spéciale antifraude à Bangui (République centrafricaine) du 21 juillet 2014, que « [l]es collecteurs (intermédiaires du négoce des diamants) de Sam-Ouandja versent […] une indemnité journalière aux soldats de l’ex-Séléka qui gardent leurs locaux », que, « [à] Bria, le [g]roupe d’experts a constaté, en mai 2014, que des soldats de l’ex-Séléka gardaient les locaux des principaux collecteurs et hommes d’affaires » et qu’« [u]n commandant de l’Unité spéciale antifraude a confirmé que des éléments de l’ex-Séléka à Sam-Ouandja profitaient du commerce des diamants grâce aux accords de sécurité qu’ils avaient passés avec les collecteurs ». Les constatations du Conseil s’agissant du versement d’indemnités de sécurité sont donc suffisamment étayées.

120

D’autre part, s’agissant du versement de redevances à l’atterrissage, Badica affirme qu’elle n’aurait pas payé de telles redevances aux forces de l’ex-Séléka, ces taxes ayant été payées aux « autorités » aéroportuaires, et que Minair est « distincte de Badica », de sorte que le comportement de la première ne pourrait être reproché à la seconde.

121

Toutefois, premièrement, il ressort du rapport final des Nations unies que les redevances à l’atterrissage étaient imposées par les forces de l’ex-Séléka et non par les « autorités » aéroportuaires. À cet égard, le point 123 du rapport final des Nations unies, lequel se fonde sur un entretien avec un collecteur à Sam-Ouandja du 4 septembre 2014 et un entretien avec le responsable de l’aéroport de Bangui du 21 juillet 2014, indique ce qui suit :

« [A]vant l’arrivée des forces internationales à Bria, en avril 2014, les forces de l’ex-Séléka imposaient une redevance à l’atterrissage de 75 dollars à Bria […] À Sam-Ouandja, où, selon des images satellitaires, la production de diamants bruts a rapidement augmenté ces derniers mois […] aucune force internationale n’est présente. Les forces de l’ex-Séléka, placées sous les ordres du commandant de zone Beya Djouma prélèvent 100 dollars à titre de redevances à l’atterrissage. Des vols commerciaux desservent Bria et Sam-Ouandja presque toutes les semaines. Les redevances sont généralement acquittées par l’entreprise qui affrète l’appareil. »

122

Deuxièmement, comme cela ressort du point 122 du rapport final des Nations unies, Minair et Badica font partie du même groupe, à savoir le Groupe Abdoulkarim, dirigé par M. Abdoul-Karim Dan Azoumi. Or, force est de constater que les redevances en cause ont été payées dans le cadre du transport des diamants de Badica. À cet égard, comme cela ressort du point 111 ci-dessus, le résumé des motifs se limite à faire référence, de façon générique, à un appui et non à un appui direct.

123

En deuxième lieu, s’agissant du troisième motif, les requérants font valoir que l’appréciation selon laquelle « il est fortement probable que les diamants saisis proviennent de la République centrafricaine vu qu’ils présentent les caractéristiques des diamants de Sam-Ouandja et de Bria ainsi que de Nola (préfecture de Sangha Mbaéré), dans le sud-ouest du pays », est infirmée par la déclaration du président du Dubai Diamond Exchange, retranscrite par voie de presse, selon laquelle « [les diamants] pourraient provenir de Guinée, d’Afrique du Sud ou de nombreux autres endroits » (annexe 23 du rapport final des Nations unies).

124

Toutefois, force est de constater que, d’une part, la déclaration du président du Dubai Diamond Exchange a été réalisée sur le fondement d’images différentes de celles à l’origine de la saisie des autorités belges et, d’autre part, l’appréciation selon laquelle « il est fortement probable que les diamants saisis proviennent de la République centrafricaine » est étayée par des déclarations du groupe de travail des experts diamantaires du processus de Kimberley, rapportées au point 115 du rapport final des Nations unies.

125

En outre, comme cela ressort du point 121 du rapport final des Nations unies, l’appréciation sur la provenance probable des diamants de République centrafricaine a été confirmée, par courriel, par le président du groupe de travail des experts diamantaires du processus de Kimberley, dans le cadre de la procédure ouverte en Belgique contre les requérants par les autorités fédérales belges.

126

À cet égard, il y a lieu de relever que, selon le point 121 du rapport final des Nations unies, dans le cadre de courriels échangés avec les autorités fédérales belges, « il était indiqué que certains diamants bruts apparaissant sur les photos des colis saisis présentaient des caractéristiques typiques des diamants provenant de Nola (préfecture de la Sangha Mbaéré), dans l’ouest de la République centrafricaine, tandis que d’autres sont caractéristiques de Sam-Ouandja et de Bria (préfecture de la Haute-Kotto), dans l’est du pays ».

127

Par ailleurs, pour autant que les requérants critiquent l’absence de prise de contact par le groupe d’experts avec les deux fournisseurs de Dubaï à l’origine de l’envoi des diamants saisis en Belgique ou avec le juge d’instruction chargé de l’enquête en Belgique, force est de constater qu’ils ne démontrent pas en quoi une telle absence de prise de contact vicierait la procédure ou même qu’une telle obligation existait dans le cadre de l’enquête menée par le groupe d’experts.

128

Enfin, contrairement à ce qu’affirment les requérants, le fait que les 18 envois précédant les envois litigieux n’ont pas fait l’objet de suspicion de la part des autorités belges est sans incidence sur l’appréciation des deux envois litigieux identifiés par lesdites autorités.

129

En troisième lieu, s’agissant du quatrième motif, les requérants contestent le caractère étayé de l’appréciation selon laquelle « [l]es négociants qui achetaient des diamants sortis illégalement de la République centrafricaine, notamment de la partie occidentale du pays, à destination de marchés étrangers opéraient au Cameroun sous le couvert d[e] B[adica] ». Cependant, il convient de relever que ladite appréciation est abordée de façon circonstanciée dans le rapport final des Nations unies. Celui-ci indique, notamment, au point 125, en se référant à de nombreuses déclarations, que « [l]e [g]roupe d’experts a recueilli des témoignages détaillés de sources gouvernementales et de diamantaires, selon lesquels Badica ferait aussi le commerce de diamants de la République centrafricaine sortant clandestinement du pays ». Il précise que, « [d]’après ces sources, un certain Al Hadj Idriss Goudache se livrerait au trafic de diamants pour le compte de Badica » et que, « [a]près la démission de Djotodia, le Président de l’ex-Séléka, en janvier 2014, Goudache a quitté la République centrafricaine pour le Cameroun, et a séjourné à Garoua-Boulaï, Bertoua et Douala avant de s’installer à Kousseri, dans l’extrême-nord du Cameroun près de N’Djamena ».

130

À cet égard, pour autant que les requérants font valoir que lesdites déclarations ne contiennent pas le nom des déclarants et ne reposent pas sur des comptes rendus en bonne et due forme, il convient de rappeler que les obligations du Conseil dans le cadre de l’acte attaqué ne sauraient être assimilées à celles d’une autorité judiciaire nationale d’un État membre dans le cadre d’une procédure pénale (voir point 78 ci-dessus), d’autant plus lorsque, comme en l’espèce, l’enquête a lieu dans un État en situation de guerre civile (voir, en ce sens, arrêt du 7 avril 2016, Akhras/Conseil, C‑193/15 P, EU:C:2016:219, point 57 et jurisprudence citée).

131

En quatrième lieu, s’agissant du cinquième motif, les requérants soutiennent que l’exportation d’or visée dans ce motif a été faite en toute légalité, comme en attesterait l’autorisation officielle figurant en annexe 33 du rapport final des Nations unies. À cet égard, comme le font valoir les requérants à juste titre, le cinquième motif repose, en l’espèce, comme cela ressort du point 136 du rapport final des Nations unies, sur un laissez-passer officiel du 5 mai 2014, joint en annexe 33 dudit rapport, autorisant l’exportation de 827 grammes d’or. Dans ces conditions, rien ne permet d’établir le caractère illicite des exportations de mai 2014 visées dans le cinquième motif. Partant, il y a lieu de considérer que l’exportation d’or rapportée par le cinquième motif ne permet pas d’établir un appui aux groupes armés par l’exploitation illégale ou le trafic d’or.

132

Toutefois, la circonstance que le cinquième motif ne permet pas de parvenir à la conclusion tirée d’un appui aux groupes armés par l’exploitation illégale ou le trafic d’or est sans incidence sur le bien-fondé de l’acte attaqué. En effet, comme cela a été rappelé au point 98 ci-dessus, eu égard à la nature préventive des mesures restrictives en cause, si, dans le cadre de son contrôle de la légalité de la décision attaquée, le juge de l’Union considère que, à tout le moins, l’un des motifs mentionnés dans l’exposé fourni par le comité des sanctions est suffisamment précis et concret, qu’il est étayé et qu’il constitue en soi un fondement suffisant pour soutenir cette décision, la circonstance que d’autres de ces motifs ne le seraient pas ne saurait justifier l’annulation de ladite décision (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 130).

133

Or, force est de constater que, pris ensemble, les autres motifs mentionnés dans l’exposé fourni par le comité des sanctions sont, dans le contexte de l’espèce, suffisamment précis, concrets et étayés pour constituer, en eux-mêmes, un fondement suffisant pour soutenir l’acte attaqué, en établissant un appui aux groupes armés par l’exploitation illégale ou le trafic de ressources naturelles en République centrafricaine.

134

Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d’écarter le deuxième moyen, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité du rapport du 21 décembre 2015 des Nations unies, dans la mesure où celui-ci est postérieur à l’acte attaqué, pour établir le grief tiré du versement d’indemnités de sécurité. En effet, dès lors que, comme cela ressort du point 119 ci-dessus, le grief tiré du versement d’indemnités de sécurité est étayé à suffisance de droit, l’argument tiré de la justification dudit grief par des éléments de preuve postérieurs doit être écarté comme inopérant. Il en va de même, au demeurant, de l’argument tiré de la production, au stade du mémoire en défense, du rapport rédigé par Amnesty International le 30 septembre 2015 et de la réponse du groupe d’experts aux requérants du 7 décembre 2015, les motifs d’inscription étant étayés à suffisance de droit dans le rapport final des Nations unies, dont la recevabilité n’est pas contestée.

Sur le troisième moyen, tiré d’un défaut d’examen des circonstances de l’espèce par le Conseil

135

Les requérants soutiennent que le Conseil, en se limitant à transposer la décision du Conseil de sécurité du 20 août 2015, n’a pas procédé à un véritable examen des circonstances de l’espèce. À cet égard, le dossier ne contiendrait aucun indice suggérant que le Conseil a vérifié la pertinence et le bien-fondé des éléments visant les requérants, entachant ainsi l’acte attaqué d’illégalité. Le Conseil aurait ainsi transposé les sanctions de l’ONU de manière automatique au mépris de l’arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518). Les requérants observent, à cet égard, que, lorsque le Conseil a demandé des éléments de preuve au comité des sanctions, celui-ci ne les lui a pas fournis.

136

Le Conseil conteste ces arguments.

137

Comme cela a été indiqué aux points 86 à 89 ci-dessus, le Conseil n’était pas tenu de vérifier l’exactitude des faits et circonstances justifiant la mesure d’inscription de l’ONU. Conformément à l’arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 114 et jurisprudence citée), c’est lorsque des observations sont formulées par la personne concernée au sujet de l’exposé des motifs que l’autorité compétente de l’Union a l’obligation d’examiner, avec soin et impartialité, le bien-fondé des motifs allégués, à la lumière de ces observations et des éventuels éléments à décharge joints à celles-ci. Ainsi, le Conseil ne saurait être censuré pour ne pas avoir, au stade de la mise en œuvre de la résolution à l’origine de l’acte attaqué, obtenu du comité des sanctions les éléments d’information ou de preuve à l’appui des allégations portées contre les requérants et pour avoir, dès lors, selon les requérants, « transposé les sanctions de l’ONU de manière automatique ».

138

Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d’écarter le troisième moyen et, par conséquent, de rejeter le recours dans son ensemble.

Sur les dépens

139

Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

Le Bureau d’achat de diamant Centrafrique (Badica) et Kardiam sont condamnés aux dépens.

 

Gervasoni

Madise

Kowalik-Bańczyk

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 juillet 2017.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le français.

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