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Document 62015CJ0395

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 1er décembre 2016.
Mohamed Daouidi contre Bootes Plus SL e.a.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Juzgado de lo Social n° 33 de Barcelona.
Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 2000/78/CE – Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail – Articles 1 à 3 – Interdiction de toute discrimination fondée sur un handicap – Existence d’un “handicap” – Notion d’“incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables” – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Articles 3, 15, 21, 30, 31, 34 et 35 – Licenciement d’un travailleur en situation d’incapacité temporaire de travail, au sens du droit national, pour une durée indéterminée.
Affaire C-395/15.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2016:917

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

1er décembre 2016 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Politique sociale — Directive 2000/78/CE — Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail — Articles 1 à 3 — Interdiction de toute discrimination fondée sur un handicap — Existence d’un “handicap” — Notion d’“incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables” — Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne — Articles 3, 15, 21, 30, 31, 34 et 35 — Licenciement d’un travailleur en situation d’incapacité temporaire de travail, au sens du droit national, pour une durée indéterminée»

Dans l’affaire C‑395/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Juzgado de lo Social no 33 de Barcelona (tribunal du travail no 33 de Barcelone, Espagne), par décision du 14 juillet 2015, parvenue à la Cour le 22 juillet 2015, dans la procédure

Mohamed Daouidi

contre

Bootes Plus SL,

Fondo de Garantía Salarial,

Ministerio Fiscal,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, MM. M. Vilaras, J. Malenovský, M. Safjan (rapporteur) et D. Šváby, juges,

avocat général : M. Y. Bot,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour M. Daouidi, par Me G. Pérez Palomares, abogado,

pour le Ministerio Fiscal, par M. A. C. Andrade Ortiz,

pour le gouvernement espagnol, par Mme A. Gavela Llopis, en qualité d’agent,

pour le gouvernement français, par MM. G. de Bergues, D. Colas et R. Coesme, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. D. Martin et N. Ruiz García, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 26 mai 2016,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 3, 15, de l’article 21, paragraphe 1, des articles 30, 31, de l’article 34, paragraphe 1, et de l’article 35 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ainsi que des articles 1 à 3 de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO 2000, L 303, p. 16).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant, d’une part, M. Mohamed Daouidi et, d’autre part, Bootes Plus SL, le Fondo de Garantía Salarial (Fonds de garantie salariale, Espagne) ainsi que le Ministerio Fiscal (ministère public, Espagne) au sujet du licenciement de M. Daouidi intervenu pendant qu’il était dans une situation d’incapacité temporaire de travail, au sens du droit national, pour une durée indéterminée.

Le cadre juridique

Le droit international

3

La convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, qui a été approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 2010/48/CE du Conseil, du 26 novembre 2009 (JO 2010, L 23, p. 35, ci-après la « convention de l’ONU »), énonce, au point e) de son préambule :

« Reconnaissant que la notion de handicap évolue et que le handicap résulte de l’interaction entre des personnes présentant des incapacités et les barrières comportementales et environnementales qui font obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres ».

4

Aux termes de l’article 1er de cette convention, intitulé « Objet » :

« La présente convention a pour objet de promouvoir, protéger et assurer la pleine et égale jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales par les personnes handicapées et de promouvoir le respect de leur dignité intrinsèque.

Par personnes handicapées on entend des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres. »

5

L’article 2 de ladite convention, intitulé « Définitions », prévoit, à son troisième alinéa :

« On entend par “discrimination fondée sur le handicap” toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le handicap qui a pour objet ou pour effet de compromettre ou réduire à néant la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, sur la base de l’égalité avec les autres, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel, civil ou autres. La discrimination fondée sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination, y compris le refus d’aménagement raisonnable ».

Le droit de l’Union

6

Aux termes des considérants 11, 12, 15 et 31 de la directive 2000/78 :

« (11)

La discrimination fondée sur la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle peut compromettre la réalisation des objectifs du traité CE, notamment un niveau d’emploi et de protection sociale élevé, le relèvement du niveau et de la qualité de la vie, la cohésion économique et sociale, la solidarité et la libre circulation des personnes.

(12)

À cet effet, toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle dans les domaines régis par la présente directive doit être interdite dans la Communauté. [...]

[...]

(15)

L’appréciation des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte appartient à l’instance judiciaire nationale ou à une autre instance compétente, conformément au droit national ou aux pratiques nationales, qui peuvent prévoir, en particulier, que la discrimination indirecte peut être établie par tous moyens, y compris sur la base de données statistiques.

[...]

(31)

L’aménagement des règles concernant la charge de la preuve s’impose dès qu’il existe une présomption de discrimination et, dans les cas où cette situation se vérifie, la mise en œuvre effective du principe de l’égalité de traitement requiert que la charge de la preuve revienne à la partie défenderesse. Toutefois, il n’incombe pas à la partie défenderesse de prouver que la partie demanderesse appartient à une religion donnée, possède des convictions données, présente un handicap donné, est d’un âge donné ou d’une orientation sexuelle donnée. »

7

L’article 1er de cette directive, intitulé « Objet », énonce :

« La présente directive a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, l[e] handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement. »

8

L’article 2 de ladite directive, intitulé « Concept de discrimination », prévoit, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.   Aux fins de la présente directive, on entend par “principe de l’égalité de traitement” l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er.

2.   Aux fins du paragraphe 1 :

a)

une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er ;

b)

une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une religion ou de convictions, d’un handicap, d’un âge ou d’une orientation sexuelle donnés, par rapport à d’autres personnes, à moins que :

i)

cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires, ou que

ii)

dans le cas des personnes d’un handicap donné, l’employeur ou toute personne ou organisation auquel s’applique la présente directive ne soit obligé, en vertu de la législation nationale, de prendre des mesures appropriées conformément aux principes prévus à l’article 5 afin d’éliminer les désavantages qu’entraîne cette disposition, ce critère ou cette pratique. »

9

L’article 3 de cette même directive, intitulé « Champ d’application », dispose, à son paragraphe 1, sous c) :

« Dans les limites des compétences conférées à la Communauté, la présente directive s’applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne :

[...]

c)

les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération ».

10

L’article 10 de la directive 2000/78, intitulé « Charge de la preuve », prévoit, à ses paragraphes 1, 2 et 5 :

« 1.   Les États membres prennent les mesures nécessaires, conformément à leur système judiciaire, afin que, dès lors qu’une personne s’estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l’égalité de traitement et établit, devant une juridiction ou une autre instance compétente, des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu’il n’y a pas eu violation du principe de l’égalité de traitement.

2.   Le paragraphe 1 ne fait pas obstacle à l’adoption par les États membres de règles de la preuve plus favorables aux plaignants.

[...]

5.   Les États membres peuvent ne pas appliquer le paragraphe 1 aux procédures dans lesquelles l’instruction des faits incombe à la juridiction ou à l’instance compétente. »

Le droit espagnol

11

L’article 9, paragraphe 2, de la Constitution énonce :

« Il incombe aux pouvoirs public de créer les conditions permettant de rendre réelles et effectives la liberté et l’égalité de l’individu et des groupes dont il fait partie, de supprimer les obstacles qui empêchent ou gênent son épanouissement et de faciliter la participation de tous les citoyens à la vie politique, économique, culturelle et sociale. »

12

L’article 14 de cette Constitution prévoit :

« Les Espagnols sont égaux devant la loi, sans que puisse prévaloir aucune discrimination pour cause de naissance, de race, de sexe, de religion, d’opinion, ou toute autre condition ou circonstance personnelle ou sociale. »

13

L’article 15 de ladite Constitution dispose :

« Toute personne a droit à la vie et à l’intégrité physique et morale. Nul ne peut, en aucun cas, être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. La peine de mort est abolie, sauf dispositions prévues en temps de guerre par les lois pénales militaires. »

14

L’article 55 du Real Decreto Legislativo 1/1995, por el que se aprueba el texto refundido de la Ley del Estatuto de los Trabajadores (décret royal législatif 1/1995, portant approbation du texte refondu de la loi sur le statut des travailleurs), du 24 mars 1995 (BOE no 75, du 29 mars 1995, p. 9654), dans sa version applicable à la date des faits au principal (ci-après le « statut des travailleurs »), est libellé comme suit, à ses paragraphes 3 à 6 :

« 3.   Le licenciement est qualifié de fondé, d’abusif ou de nul.

4.   Le licenciement est jugé fondé lorsque le manquement allégué par l’employeur dans l’avis de licenciement est avéré. Il est abusif dans le cas contraire ou lorsque les conditions de forme énoncées au paragraphe 1 du présent article n’ont pas été respectées.

5.   Tout licenciement ayant pour motif une des causes de discrimination prohibées par la Constitution ou par la loi, ou entraînant une violation de droits fondamentaux et des libertés publiques reconnus au travailleur, est nul. [...]

6.   La nullité d’un licenciement a pour effet la réintégration immédiate du travailleur, avec versement des salaires non perçus. »

15

L’article 56, paragraphe 1, dudit statut énonce :

« Lorsque le licenciement est déclaré abusif, l’employeur, dans un délai de cinq jours à compter de la signification du jugement, soit réintègre le salarié dans l’entreprise, soit procède au versement d’une indemnité équivalent à 33 jours de salaire par année d’ancienneté, les périodes inférieures à une année étant prises en considération au prorata des mois accomplis, sous la limite de 24 mensualités. L’option indemnitaire entraîne la cessation du contrat de travail, qui prend effet à la date de l’arrêt effectif du travail. »

16

L’article 96, paragraphe 1, de la Ley 36/2011, reguladora de la jurisdicción social (loi 36/2011, portant réglementation de la juridiction en matière sociale), du 10 octobre 2011 (BOE no 245, du 11 octobre 2011, p. 106584), prévoit :

« Lorsque les allégations de la partie requérante permettent de conclure à l’existence d’indices sérieux de discrimination fondée sur le sexe, l’orientation ou l’identité sexuelle, l’origine raciale ou ethnique, la religion ou les convictions, le handicap, l’âge, le harcèlement ou toute autre hypothèse de violation d’un droit fondamental ou d’une liberté publique, c’est à la partie défenderesse qu’il appartiendra de fournir une justification objective et raisonnable, suffisamment fondée, des mesures adoptées et de leur proportionnalité. »

17

L’article 108, paragraphes 1 et 2, de cette loi dispose :

« 1.   Dans le dispositif du jugement, le juge qualifie le licenciement de fondé, d’abusif ou de nul.

Il est qualifié de fondé lorsque le manquement allégué par l’employeur dans l’avis de licenciement est avéré. Dans le cas contraire ou lorsque les conditions de forme énoncées à l’article 55, paragraphe 1, du [statut des travailleurs] n’ont pas été respectées, il est qualifié d’abusif.

[...]

2.   Tout licenciement ayant pour motif une des causes de discrimination prévues par la Constitution ou par la loi, ou entraînant une violation de droits fondamentaux et de libertés publiques reconnus au travailleur, est nul.

[...] »

18

L’article 110, paragraphe 1, de ladite loi est libellé comme suit :

« Si le licenciement est déclaré abusif, l’employeur est condamné à réintégrer le travailleur dans les mêmes conditions que celles dont il bénéficiait avant le licenciement et à lui verser les arriérés de salaire auxquels se réfère l’article 56, paragraphe 2, du [statut des travailleurs] ou, selon son choix, à lui verser une indemnité dont le montant est fixé conformément aux dispositions de l’article 56, paragraphe 1, [du statut des travailleurs] [...] »

19

L’article 113 de la même loi énonce :

« Si le licenciement a été déclaré nul, l’employeur sera condamné à réintégrer immédiatement le travailleur et à lui verser les arriérés de salaire. [...] »

20

L’article 181, paragraphe 2, de la loi 36/2011 prévoit :

« Une fois démontrée l’existence d’indices permettant de conclure la violation du droit fondamental ou de la liberté publique, il appartiendra à la partie défenderesse de fournir, à l’audience, une justification objective et raisonnable, suffisamment étayée, des mesures adoptées et de leur proportionnalité. »

21

L’article 2 du Real Decreto Legislativo 1/2013, por el que se aprueba el Texto Refundido de la Ley General de derechos de las personas con discapacidad y de su inclusión social (décret royal législatif 1/2013, portant approbation de la refonte de la loi générale sur les droits des personnes handicapées et leur intégration sociale), du 29 novembre 2013 (BOE no 289, du 3 décembre 2013, p. 95635), contient les définitions suivantes :

« [...]

a)

handicap : il s’agit de la situation caractérisant les personnes qui présentent des incapacités durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres.

[...]

c)

discrimination directe : il s’agit de la situation dans laquelle se trouve une personne handicapée lorsqu’elle est traitée de manière moins favorable qu’une autre dans une situation analogue, au motif ou en raison de son handicap.

d)

discrimination indirecte : elle existe lorsqu’une disposition législative ou réglementaire, une clause conventionnelle ou contractuelle, un accord individuel, une décision unilatérale, un critère ou une pratique, ou bien un environnement, un produit ou un service, apparemment neutre, peut occasionner un désavantage particulier pour une personne par rapport à une autre, au motif de ou en raison de son handicap, pour autant qu’il ne réponde pas, objectivement, à une finalité légitime et que les moyens d’y parvenir ne soient pas appropriés et nécessaires.

[...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

22

Le 17 avril 2014, M. Daouidi a été engagé par Bootes Plus pour travailler en qualité d’aide de cuisine dans l’un des restaurants d’un hôtel situé à Barcelone (Espagne).

23

À cet égard, M. Daouidi et Bootes Plus ont conclu un contrat de travail occasionnel justifié par un accroissement de la charge de travail au restaurant, pour une durée de trois mois, à raison de 20 heures par semaine. Ce contrat prévoyait une période d’essai de 30 jours. Le 1er juillet 2014, M. Daouidi et Bootes Plus sont convenus de convertir ledit contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps plein de 40 heures par semaine.

24

Le 15 juillet 2014, le contrat de M. Daouidi a été prorogé de neuf mois et le terme de celui-ci a été fixé au 16 avril 2015. Le chef de cuisine a donné un avis favorable à cette prorogation, de même qu’il avait approuvé le passage du contrat de travail à temps partiel de M. Daouidi en un contrat à temps plein.

25

Le 3 octobre 2014, M. Daouidi a glissé sur le sol de la cuisine du restaurant dans lequel il travaillait, ce qui lui a causé une luxation du coude gauche, lequel a dû être plâtré. M. Daouidi a engagé le même jour la procédure visant à faire reconnaître son incapacité temporaire de travail.

26

Deux semaines après cet accident du travail, le chef de cuisine a contacté M. Daouidi pour s’enquérir de son état de santé et exprimer son inquiétude quant à la durée de sa situation. M. Daouidi lui a répondu qu’il ne pourrait pas réintégrer son emploi dans l’immédiat.

27

Le 26 novembre 2014, alors qu’il était encore en situation d’incapacité temporaire de travail, M. Daouidi a reçu de Bootes Plus un avis de licenciement disciplinaire, rédigé de la manière suivante :

« Nous sommes au regret de vous annoncer que nous avons pris la décision de mettre un terme à la relation de travail qui vous lie à notre entreprise et de vous licencier avec effet immédiat à la date d’aujourd’hui. Cette décision est due au fait que vous ne répondez pas aux attentes de l’entreprise et n’avez pas atteint le rendement qu’elle juge adéquat dans l’accomplissement des tâches correspondant à votre poste de travail. Ces faits sont passibles de licenciement conformément [au statut des travailleurs]. »

28

Le 23 décembre 2014, M. Daouidi a saisi le Juzgado de lo Social no 33 de Barcelona (tribunal du travail no 33 de Barcelone, Espagne) d’un recours visant, à titre principal, à faire déclarer la nullité de son licenciement, au sens de l’article 108, paragraphe 2, de la loi 36/2011.

29

À cet égard, M. Daouidi a fait valoir, d’une part, que le licenciement dont il a fait l’objet violait son droit fondamental à l’intégrité physique, consacré à l’article 15 de la Constitution, notamment parce que le directeur du restaurant lui avait demandé de reprendre son travail le week-end des 17 au 19 octobre 2014, ce qu’il n’était pas en mesure de faire. D’autre part, ce licenciement serait discriminatoire au motif qu’il avait pour cause réelle l’incapacité temporaire résultant de son accident du travail et que, notamment, il relèverait ainsi de la notion de « handicap », au sens de la directive 2000/78 et de l’arrêt du 11 avril 2013, HK Danmark (C‑335/11 et C‑337/11, EU:C:2013:222).

30

À titre subsidiaire, M. Daouidi a demandé à cette juridiction de déclarer son licenciement comme étant « abusif », au sens de l’article 108, paragraphe 1, de la loi 36/2011.

31

La juridiction de renvoi indique qu’il existe des faits suffisants pour considérer que, si le licenciement de M. Daouidi présente l’apparence et la forme d’un licenciement pour motif disciplinaire, le motif réel de celui-ci est l’incapacité de travail à durée indéterminée résultant de l’accident du travail dont M. Daouidi a été victime.

32

Selon cette juridiction, il résulte de la jurisprudence du Tribunal Superior de Justicia de Cataluña (Cour supérieure de justice de Catalogne, Espagne), du Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) et du Tribunal Constitucional (Cour constitutionnelle, Espagne) qu’un licenciement fondé sur la maladie ou sur une situation d’incapacité temporaire résultant d’un accident du travail n’est pas considéré comme étant discriminatoire, avec la conséquence que ce licenciement ne peut être considéré comme « nul », au sens de l’article 108, paragraphe 2, de la loi 36/2011.

33

Cependant, la juridiction de renvoi se demande si un tel licenciement n’est pas contraire au droit de l’Union en ce qu’il constituerait une violation du principe de non-discrimination, du droit à une protection contre tout licenciement injustifié, du droit à des conditions de travail justes et équitables, du droit d’accès aux prestations de sécurité sociale ainsi que du droit à la protection de la santé, consacrés respectivement à l’article 21, paragraphe 1, aux articles 30, 31, à l’article 34, paragraphe 1, et à l’article 35 de la Charte.

34

Par ailleurs, la juridiction de renvoi s’interroge sur l’existence, dans l’affaire au principal, d’une discrimination fondée sur le « handicap », au sens de la directive 2000/78. Tout d’abord, la limitation dont souffre M. Daouidi depuis qu’il s’est luxé le coude serait manifeste. À cet égard, cette juridiction précise que, à la date de l’audience devant elle dans l’affaire au principal, à savoir six mois environ après l’accident du travail de M. Daouidi, le coude gauche de celui-ci était toujours plâtré. Ensuite, l’employeur de M. Daouidi aurait considéré que l’incapacité de travail de celui-ci avait une durée trop longue, incompatible avec ses intérêts, avec la conséquence que la condition tenant au caractère « durable » de la limitation serait remplie. Enfin, cette décision de licenciement empêcherait la pleine et effective participation de M. Daouidi à la vie professionnelle dans les mêmes conditions que les autres travailleurs.

35

Dans l’hypothèse où le licenciement de M. Daouidi aurait été effectué en violation des droits fondamentaux consacrés par le droit de l’Union, ce licenciement devrait être déclaré comme nul, et non pas seulement comme abusif.

36

Dans ces conditions, le Juzgado de lo Social no 33 de Barcelona (tribunal du travail no 33 de Barcelone) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’interdiction de toute discrimination énoncée à l’article 21, paragraphe 1, de la Charte doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle peut intégrer dans son champ d’interdiction et de protection la décision qu’a prise une entreprise de licencier un travailleur, bien considéré jusqu’alors, en raison du seul fait que, pour une durée indéterminée, il se trouve en situation d’incapacité temporaire en raison d’un accident du travail alors qu’il suit un traitement médical et perçoit des allocations de la sécurité sociale ?

2)

L’article 30 de la Charte doit-il être interprété en ce sens que la protection dont doit bénéficier un travailleur victime d’un licenciement manifestement arbitraire et non fondé doit être prévue dans la législation nationale pour tout licenciement qui porte atteinte à un droit fondamental ?

3)

La décision qu’a prise une entreprise de licencier un travailleur, jusqu’alors bien considéré, en raison du simple fait que, pour une durée indéterminée, il se trouve en situation d’incapacité temporaire en raison d’un accident du travail alors qu’il subit un traitement médical et perçoit des allocations de la sécurité sociale relève-t-elle du champ d’application des articles 3, 15, 31, de l’article 34, paragraphe 1, et de l’article 35, paragraphe 1, de la Charte (ou du champ d’application de l’un ou de plusieurs d’entre eux seulement) ?

4)

En cas de réponse affirmative aux trois questions précédentes (ou à l’une d’entre elles) et dans l’hypothèse où la Cour dirait pour droit que la décisions de licencier un travailleur, jusqu’alors bien considéré, en raison du simple fait que, pour une durée indéterminée, il se trouve en situation d’incapacité temporaire en raison d’un accident du travail alors qu’il subit un traitement médical et perçoit des allocations de la sécurité sociale relève du champ d’application de l’un ou de plusieurs des articles de la [Charte], le juge national peut-il appliquer ceux-ci pour trancher un litige opposant des particuliers, ne serait-ce qu’en raison du fait que, selon qu’il s’agit d’un “droit” ou d’un “principe”, il convient de considérer qu’ils ont un effet horizontal ou parce qu’il convient d’appliquer le “principe d’interprétation conforme” ?

5)

En cas de réponse négative aux quatre questions précédentes, la décision de l’entreprise de licencier un travailleur, jusqu’alors bien considéré, en raison du simple fait que, pour une durée indéterminée, il se trouve en situation d’incapacité temporaire en raison d’un accident du travail relève-t-elle de la notion de “discrimination directe fondée sur un handicap” en tant que motif de discrimination visé aux articles 1er, 2 et 3 de la directive 2000/78 ? »

Sur la cinquième question

37

Par sa cinquième question, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 2000/78 doit être interprétée en ce sens que le fait qu’une personne se trouve en situation d’incapacité temporaire de travail, au sens du droit national, pour une durée indéterminée, en raison d’un accident du travail, implique, à lui seul, que la limitation de la capacité de cette personne peut être qualifiée de « durable », au sens de la notion de « handicap » visée par cette directive.

38

À titre liminaire, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort de son article 1er, la directive 2000/78 a pour objet d’établir un cadre général pour lutter, en ce qui concerne l’emploi et le travail, contre les discriminations fondées sur l’un des motifs visés à cet article, au nombre desquels figure le handicap. Conformément à son article 3, paragraphe 1, sous c), cette directive s’applique, dans les limites des compétences conférées à l’Union européenne, à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, en ce qui concerne, notamment, les conditions de licenciement.

39

En l’occurrence, la juridiction de renvoi cherche à savoir si l’état de M. Daouidi, qui a été licencié pendant qu’il se trouvait dans une situation d’incapacité temporaire de travail, au sens du droit national, pour une durée indéterminée, relève de la notion de « handicap », au sens de ladite directive.

40

À cet égard, il convient de rappeler que l’Union a approuvé la convention de l’ONU sur le handicap par la décision 2010/48. Par conséquent, les dispositions de cette convention font partie intégrante, à partir de l’entrée en vigueur de celle-ci, de l’ordre juridique de l’Union (voir arrêt du 18 mars 2014, Z.,C‑363/12, EU:C:2014:159, point 73 et jurisprudence citée). Par ailleurs, il ressort de l’appendice à l’annexe II de ladite décision que, concernant l’autonomie et l’inclusion sociale, le travail et l’emploi, la directive 2000/78 figure parmi les actes de l’Union ayant trait aux questions régies par cette convention.

41

Il s’ensuit que ladite convention peut être invoquée aux fins d’interpréter cette directive, laquelle doit faire l’objet, dans la mesure du possible, d’une interprétation conforme à la même convention (voir arrêts du 11 avril 2013, HK Danmark,C‑335/11 et C‑337/11, EU:C:2013:222, point 32, ainsi que du 18 mars 2014, Z.,C‑363/12, EU:C:2014:159, point 75).

42

C’est la raison pour laquelle, à la suite de la ratification par l’Union de la convention de l’ONU, la Cour a considéré que la notion de « handicap », au sens de la directive 2000/78, doit être entendue comme visant une limitation, résultant notamment d’atteintes physiques, mentales ou psychiques durables, dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à la pleine et effective participation de la personne concernée à la vie professionnelle sur la base de l’égalité avec les autres travailleurs (voir arrêts du 11 avril 2013, HK Danmark,C‑335/11 et C‑337/11, EU:C:2013:222, point 38 ; du 18 mars 2014, Z.,C‑363/12, EU:C:2014:159, point 76, ainsi que du 18 décembre 2014, FOA,C‑354/13, EU:C:2014:2463, point 53).

43

Par suite, l’expression « personnes handicapées » employée à l’article 5 de cette directive doit être interprétée comme englobant toutes les personnes atteintes d’un handicap correspondant à la définition énoncée au point précédent (arrêt du 4 juillet 2013, Commission/Italie, C‑312/11, non publié, EU:C:2013:446, point 57).

44

Il convient d’ajouter que ladite directive couvre notamment les handicaps d’origine accidentelle (voir, en ce sens, arrêt du 11 avril 2013, HK Danmark,C‑335/11 et C‑337/11, EU:C:2013:222, point 40).

45

Dès lors, si un accident entraîne une limitation, résultant notamment d’atteintes physiques, mentales ou psychiques, dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à la pleine et effective participation de la personne concernée à la vie professionnelle sur la base de l’égalité avec les autres travailleurs et si cette limitation est de longue durée, celle-ci peut relever de la notion de « handicap », au sens de la directive 2000/78 (voir, par analogie, arrêt du 11 avril 2013, HK Danmark,C‑335/11 et C‑337/11, EU:C:2013:222, point 41).

46

En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que M. Daouidi a été victime d’un accident du travail et qu’il s’est luxé le coude gauche, lequel a dû être plâtré. Il y a lieu de constater que, en principe, un tel état physique est réversible.

47

La juridiction de renvoi précise que, à la date de l’audience devant elle dans l’affaire au principal, à savoir six mois environ après cet accident du travail, le coude de M. Daouidi était toujours plâtré et que ce dernier n’était donc pas en mesure d’exercer son activité professionnelle.

48

Dans ces conditions, il est constant que M. Daouidi a subi une limitation de sa capacité, résultant d’une atteinte physique. Dès lors, afin de déterminer si M. Daouidi peut être considéré comme étant une « personne handicapée », au sens de la directive 2000/78, et relever ainsi du champ d’application de cette directive, il convient d’examiner si cette limitation de sa capacité, dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à la pleine et effective participation de la personne concernée à la vie professionnelle sur la base de l’égalité avec les autres travailleurs, est « durable », au sens de la jurisprudence citée au point 42 du présent arrêt.

49

La convention de l’ONU ne définit pas la notion du caractère « durable » d’une incapacité physique, mentale, intellectuelle ou sensorielle. La directive 2000/78 ne définit pas la notion de « handicap » ni n’énonce celle de limitation « durable » de la capacité de la personne, au sens de ladite notion.

50

Or, selon une jurisprudence constante, il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (voir, notamment, arrêts du 18 janvier 1984, Ekro,327/82, EU:C:1984:11, point 11, et du 16 juin 2016, Pebros Servizi,C‑511/14, EU:C:2016:448, point 36).

51

En l’absence d’un tel renvoi exprès au droit des États membres, la notion de limitation « durable » de la capacité de la personne, au sens de la notion du « handicap » visée par la directive 2000/78, doit donc faire l’objet d’une interprétation autonome et uniforme.

52

Il en résulte que le fait que M. Daouidi relève du régime juridique de l’incapacité « temporaire » de travail, au sens du droit espagnol, n’est pas de nature à exclure la qualification de la limitation de la capacité de celui-ci comme étant « durable », au sens de la directive 2000/78, lue à la lumière de la convention de l’ONU.

53

Par ailleurs, le caractère « durable » de la limitation doit être examiné au regard de l’état d’incapacité, en tant que tel, de la personne concernée à la date à laquelle l’acte prétendument discriminatoire à l’encontre de celle-ci est adopté (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2006, Chacón Navas,C‑13/05, EU:C:2006:456, point 29).

54

S’agissant de la notion de caractère « durable » d’une limitation dans le contexte de l’article 1er de la directive 2000/78 et de l’objectif poursuivi par cette directive, il importe de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, l’importance accordée par le législateur de l’Union aux mesures destinées à aménager le poste de travail en fonction du handicap démontre qu’il a envisagé des hypothèses dans lesquelles la participation à la vie professionnelle est entravée pendant une longue période (voir arrêt du 11 juillet 2006, Chacón Navas,C‑13/05, EU:C:2006:456, point 45).

55

Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si la limitation de la capacité de la personne concernée possède ou non un caractère « durable », une telle appréciation étant avant tout de nature factuelle.

56

Parmi les indices permettant de considérer qu’une limitation est « durable », figurent notamment le fait que, à la date du fait prétendument discriminatoire, l’incapacité de la personne concernée ne présente pas une perspective bien délimitée quant à son achèvement à court terme ou, ainsi que l’a relevé en substance M. l’avocat général au point 47 de ses conclusions, le fait que cette incapacité est susceptible de se prolonger significativement avant le rétablissement de ladite personne.

57

Dans le cadre de la vérification du caractère « durable » de la limitation de la capacité de la personne concernée, la juridiction de renvoi doit se fonder sur l’ensemble des éléments objectifs dont elle dispose, en particulier sur des documents et des certificats relatifs à l’état de cette personne, établis sur la base des connaissances et des données médicales et scientifiques actuelles.

58

Dans l’hypothèse où la juridiction de renvoi parviendrait à la conclusion que la limitation de la capacité de M. Daouidi est « durable », il y a lieu de rappeler qu’un traitement désavantageux fondé sur le handicap ne va à l’encontre de la protection visée par la directive 2000/78 que pour autant qu’il constitue une discrimination au sens de l’article 2, paragraphe 1, de celle-ci (voir arrêts du 11 juillet 2006, Chacón Navas,C‑13/05, EU:C:2006:456, point 48, ainsi que du 11 avril 2013, HK Danmark,C‑335/11 et C‑337/11, EU:C:2013:222, point 71).

59

Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la cinquième question que la directive 2000/78 doit être interprétée en ce sens que :

le fait que la personne concernée se trouve en situation d’incapacité temporaire de travail, au sens du droit national, pour une durée indéterminée, en raison d’un accident du travail, ne signifie pas, par lui-même, que la limitation de la capacité de cette personne peut être qualifiée de « durable », au sens de la définition du « handicap » visée par cette directive, lue à la lumière de la convention de l’ONU ;

parmi les indices permettant de considérer qu’une telle limitation est « durable », figurent notamment le fait que, à la date du fait prétendument discriminatoire, l’incapacité de la personne concernée ne présente pas une perspective bien délimitée quant à son achèvement à court terme ou le fait que cette incapacité est susceptible de se prolonger significativement avant le rétablissement de ladite personne, et

dans le cadre de la vérification de ce caractère « durable », la juridiction de renvoi doit se fonder sur l’ensemble des éléments objectifs dont elle dispose, en particulier sur des documents et des certificats relatifs à l’état de ladite personne, établis sur la base des connaissances et des données médicales et scientifiques actuelles.

Sur les quatre premières questions

60

Par ses quatre premières questions, qu’il convient d’examiner ensemble et en second lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, l’interprétation des articles 3, 15, de l’article 21, paragraphe 1, des articles 30, 31, de l’article 34, paragraphe 1, et de l’article 35 de la Charte dans une situation telle que celle en cause au principal.

61

À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel au titre de l’article 267 TFUE, la Cour peut uniquement interpréter le droit de l’Union dans les limites des compétences qui lui sont attribuées (arrêt du 27 mars 2014, Torralbo Marcos,C‑265/13, EU:C:2014:187, point 27, et ordonnance du 25 février 2016, Aiudapds, C‑520/15, non publiée, EU:C:2016:124, point 18).

62

S’agissant de la Charte, l’article 51, paragraphe 1, de celle-ci prévoit que les dispositions de la Charte s’adressent aux États membres uniquement lorsque ceux-ci mettent en œuvre le droit de l’Union. L’article 6, paragraphe 1, TUE ainsi que l’article 51, paragraphe 2, de la Charte précisent que les dispositions de cette dernière n’étendent pas le champ d’application du droit de l’Union au-delà des compétences de l’Union telles que définies dans les traités.

63

Ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour, lorsqu’une situation juridique ne relève pas du champ d’application du droit de l’Union, la Cour n’est pas compétente pour en connaître et les dispositions éventuellement invoquées de la Charte ne sauraient, à elles seules, fonder cette compétence (voir arrêt du 26 février 2013, Åkerberg Fransson,C‑617/10, EU:C:2013:105, point 22, et ordonnance du 25 février 2016, Aiudapds, C‑520/15, non publiée, EU:C:2016:124, point 20).

64

Or, à cet égard, il convient de constater que, au stade actuel de la procédure au principal, il n’a pas été établi que la situation en cause entre dans le champ d’application d’une disposition du droit de l’Union autre que celles figurant dans la Charte.

65

En effet, s’agissant en particulier de la directive 2000/78, ainsi qu’il a été énoncé dans le cadre de la réponse apportée à la cinquième question, le fait qu’une personne se trouve en situation d’incapacité temporaire de travail, au sens du droit national, pour une durée indéterminée, en raison d’un accident du travail, ne signifie pas, par lui-même, que la limitation que cette personne subit peut être qualifiée de « durable », au sens de la notion de « handicap » visée par la directive 2000/78.

66

En outre, la décision de renvoi ne contient, notamment, aucun pronostic quant à l’éventuel rétablissement, complet ou non, de M. Daouidi ou d’informations sur les éventuelles séquelles ou les conséquences qu’aura cet accident sur la réalisation des tâches pour lesquelles il a été recruté.

67

Dès lors, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 52 de ses conclusions, l’application de la directive 2000/78 dans l’affaire au principal étant liée à l’appréciation de la juridiction de renvoi qui sera opérée à la suite du présent arrêt de la Cour, il n’y a pas lieu de considérer que la situation en cause au principal relève, dès ce stade de la procédure, du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 27 mars 2014, Torralbo Marcos,C‑265/13, EU:C:2014:187, point 40).

68

Dans ces conditions, il convient de constater que la Cour est incompétente pour répondre aux quatre premières questions.

Sur les dépens

69

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

 

La directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, doit être interprétée en ce sens que :

 

le fait que la personne concernée se trouve en situation d’incapacité temporaire de travail, au sens du droit national, pour une durée indéterminée, en raison d’un accident du travail, ne signifie pas, par lui-même, que la limitation de la capacité de cette personne peut être qualifiée de « durable », au sens de la définition du « handicap » visée par cette directive, lue à la lumière de la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, qui a été approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 2010/48/CE du Conseil, du 26 novembre 2009 ;

 

parmi les indices permettant de considérer qu’une telle limitation est « durable », figurent notamment le fait que, à la date du fait prétendument discriminatoire, l’incapacité de la personne concernée ne présente pas une perspective bien délimitée quant à son achèvement à court terme ou le fait que cette incapacité est susceptible de se prolonger significativement avant le rétablissement de ladite personne, et

 

dans le cadre de la vérification de ce caractère « durable », la juridiction de renvoi doit se fonder sur l’ensemble des éléments objectifs dont elle dispose, en particulier sur des documents et des certificats relatifs à l’état de ladite personne, établis sur la base des connaissances et des données médicales et scientifiques actuelles.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’espagnol.

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