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Document 62015CJ0303

Arrêt de la Cour (première chambre) du 13 octobre 2016.
Naczelnik Urzędu Celnego I w Ł. contre G.M. et M.S.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Sąd Okręgowy w Łodzi.
Renvoi préjudiciel – Règles techniques dans le secteur des jeux de hasard – Directive 98/34/CE – Notion de “règle technique” – Obligation des États membres de communiquer à la Commission européenne tout projet de règle technique – Inapplicabilité des règles ayant la qualité de règles techniques non notifiées à la Commission.
Affaire C-303/15.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2016:771

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

13 octobre 2016 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Règles techniques dans le secteur des jeux de hasard — Directive 98/34/CE — Notion de “règle technique” — Obligation des États membres de communiquer à la Commission européenne tout projet de règle technique — Inapplicabilité des règles ayant la qualité de règles techniques non notifiées à la Commission»

Dans l’affaire C‑303/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sąd Okręgowy w Łodzi (tribunal régional de Łódź, Pologne), par décision du 24 avril 2015, parvenue à la Cour le 22 juin 2015, dans la procédure

Naczelnik Urzędu Celnego I w Ł.

contre

G. M.,

M. S.,

en présence de :

Colin Wiliams sp. z o.o.,

LA COUR (première chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. E. Regan, A. Arabadjiev, C. G. Fernlund et S. Rodin (rapporteur), juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : M. I. Illéssy, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 avril 2016,

considérant les observations présentées :

pour le Naczelnik Urzędu Celnego I w Ł., par M. M. Gruszka et Mme M. Ziarko, en qualité d’agents,

pour M. M., par Mes S. Sołtysik et M. Górski, adwokaci,

pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna et Mme D. Lutostańska, en qualité d’agents,

pour le gouvernement belge, par Mmes L. Van den Broeck, M. Jacobs et C. Pochet, en qualité d’agents, assistées de Mes P. Vlaemminck et B. Van Vooren, advocaten,

pour le gouvernement hellénique, par Mmes K. Nasopoulou et S. Lekkou, en qualité d’agents,

pour le gouvernement portugais, par M. L. Inez Fernandes et Mme P. Fragoso Martins, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par M. G. Braga da Cruz, ainsi que par Mmes A. Szmytkowska, H. Tserepa-Lacombe et A. Stobiecka-Kuik, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 7 juillet 2016,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information (JO 1998, L 204, p. 37), telle que modifiée par la directive 98/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 juillet 1998 (JO 1998, L 217, p. 18) (ci‑après la « directive 98/34 »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Naczelnik Urzędu Celnego I w Ł. (directeur du bureau des douanes I de Ł.) à M. G. M. et à Mme M. S. au sujet d’une infraction fiscale.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

L’article 1er de la directive 98/34 énonce :

« Au sens de la présente directive, on entend par :

1)

“produit” : tout produit de fabrication industrielle et tout produit agricole, y compris les produits de la pêche ;

2)

“service” : tout service de la société de l’information, c’est-à-dire tout service presté normalement contre rémunération, à distance par voie électronique et à la demande individuelle d’un destinataire de services.

[...]

3)

“spécification technique” : une spécification qui figure dans un document définissant les caractéristiques requises d’un produit, telles que les niveaux de qualité ou de propriété d’emploi, la sécurité, les dimensions, y compris les prescriptions applicables au produit en ce qui concerne la dénomination de vente, la terminologie, les symboles, les essais et les méthodes d’essai, l’emballage, le marquage et l’étiquetage, ainsi que les procédures d’évaluation de la conformité.

[...]

4)

“autre exigence” : une exigence, autre qu’une spécification technique, imposée à l’égard d’un produit pour des motifs de protection, notamment des consommateurs ou de l’environnement, et visant son cycle de vie après mise sur le marché, telle que ses conditions d’utilisation, de recyclage, de réemploi ou d’élimination lorsque ces conditions peuvent influencer de manière significative la composition ou la nature du produit ou sa commercialisation ;

5)

“règle relative aux services” : une exigence de nature générale relative à l’accès aux activités de services visées au point 2 et à leur exercice, notamment les dispositions relatives au prestataire de services, aux services et au destinataire de services, à l’exclusion des règles qui ne visent pas spécifiquement les services définis au même point.

[...]

11)

“règle technique” : une spécification technique ou autre exigence ou une règle relative aux services, y compris les dispositions administratives qui s’y appliquent, dont l’observation est obligatoire de jure ou de facto, pour la commercialisation, la prestation de services, l’établissement d’un opérateur de services ou l’utilisation dans un État membre ou dans une partie importante de cet État, de même que, sous réserve de celles visées à l’article 10, les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres interdisant la fabrication, l’importation, la commercialisation ou l’utilisation d’un produit ou interdisant de fournir ou d’utiliser un service ou de s’établir comme prestataire de services.

[...] »

4

L’article 8, paragraphe 1, de cette directive est ainsi libellé :

« Sous réserve de l’article 10, les États membres communiquent immédiatement à la Commission tout projet de règle technique, sauf s’il s’agit d’une simple transposition intégrale d’une norme internationale ou européenne, auquel cas une simple information quant à la norme concernée suffit. Ils adressent également à la Commission une notification concernant les raisons pour lesquelles l’établissement d’une telle règle technique est nécessaire, à moins que ces raisons ne ressortent déjà du projet.

[…] »

Le droit polonais

5

L’article 6, paragraphe 1, de l’Ustawa o grach hazardowych, (loi sur les jeux de hasard), du 19 novembre 2009 (Dz. U. de 2009, no 201, position 1540), dans sa version applicable à l’affaire au principal (ci-après la « loi sur les jeux de hasard »), prévoit :

« Les activités de jeux de roulette, de jeux de cartes, de jeux de dés, et de jeux automatisés doivent être exercées sur la base d’une autorisation d’exploitation de casinos de jeux. »

6

L’article 14, paragraphe 1, de ladite loi dispose :

« L’organisation de jeux de roulette, de jeux de cartes, de jeux de dés et de jeux automatisés est réservée aux casinos de jeux. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

7

M. M. et Mme S. ont été poursuivis par le directeur du bureau des douanes I de Ł. devant le Sąd Rejonowy dla Łodzi-Widzewa w Łodzi (tribunal d’arrondissement de Łódź, Pologne) pour avoir organisé, pendant la période du 6 juillet 2012 au 23 janvier 2013, des jeux automatisés sans autorisation d’exploitation de casinos de jeux au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la loi sur les jeux de hasard. Un tel acte est considéré comme étant une infraction aux règles du droit fiscal polonais.

8

Par ordonnance du 13 janvier 2015, le Sąd Rejonowy dla Łodzi-Widzewa w Łodzi (tribunal d’arrondissement de Łódź) a prononcé un non-lieu à statuer dans la procédure engagée contre M. M. et Mme S.

9

À la lumière de l’arrêt du 19 juillet 2012, Fortuna e.a. (C‑213/11, C‑214/11 et C‑217/11, EU:C:2012:495), cette juridiction a constaté que l’article 6, paragraphe 1, de la loi sur les jeux de hasard, en vertu duquel les activités de jeux automatisés doivent être exercées sur la base d’une autorisation d’exploitation de casinos de jeux, était de nature technique, et que, en raison du fait que cet article n’avait pas été notifié à la Commission, celui-ci ne pouvait être invoqué contre des personnes poursuivies.

10

Le directeur du bureau des douanes I de Ł. a introduit un recours contre l’ordonnance du Sąd Rejonowy dla Łodzi-Widzewa w Łodzi (tribunal d’arrondissement de Łódź) auprès de la juridiction de renvoi.

11

Étant donné que les machines de jeux en cause au principal ont été achetées en République tchèque, cette juridiction se penche sur les conséquences du défaut de notification de l’article 6, paragraphe 1, de la loi sur les jeux de hasard à la Commission.

12

D’une part, la juridiction de renvoi n’ignore pas la jurisprudence de la Cour selon laquelle la méconnaissance de l’obligation de notification des règles techniques rend lesdites règles sans effet, de telle sorte qu’elles ne sauraient être invoquées contre des tiers. D’autre part, cette juridiction rappelle la jurisprudence de la Cour selon laquelle les États membres sont libres de fixer les objectifs de leur politique en matière d’organisation de jeux de hasard. Par ailleurs, ladite juridiction observe que, selon la même jurisprudence, les restrictions imposées doivent uniquement être appréciées au regard des objectifs poursuivis par les autorités nationales de l’État membre concerné et du niveau de protection recherché, ainsi que satisfaire aux conditions qui ressortent de la jurisprudence de la Cour en ce qui concerne leur proportionnalité.

13

En outre, la juridiction de renvoi estime que l’affaire au principal se distingue des affaires ayant donné lieu aux arrêts du 30 avril 1996, CIA Security International (C‑194/94, EU:C:1996:172), et du 8 septembre 2005, Lidl Italia (C‑303/04, EU:C:2005:528), en raison du fait que les dispositions techniques qui n’ont pas été notifiées dans lesdites affaires concernaient des réglementations qui n’étaient pas soumises aux mêmes restrictions que les jeux de hasard. Cette juridiction considère qu’il est, dès lors, nécessaire d’interpréter l’article 8 de la directive 98/34 en déterminant s’il peut être compris en ce sens que, eu égard à l’article 36 TFUE, il est permis de procéder à l’appréciation de dispositions non notifiées à la lumière de cet article et de refuser d’appliquer les dispositions non notifiées uniquement lorsqu’elles ne constituent pas une restriction compatible avec ledit article du traité FUE.

14

Finalement, ladite juridiction observe qu’il est difficile d’accepter sans réserve le caractère inconditionnel de la conséquence du défaut de notification des règles techniques sans qu’il puisse être apprécié si elles restent dans les limites définies à l’article 36 TFUE. Selon la juridiction de renvoi, l’inapplicabilité automatique de telles règles entraînerait une liberté totale dans l’organisation des jeux de hasard. Le caractère inconditionnel de la conséquence de défaut de notification pourrait, selon cette juridiction, également déstabiliser la politique d’un État membre dans d’autres domaines.

15

Dans ces conditions, le Sąd Okręgowy w Łodzi (tribunal régional de Łódź, Pologne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 8, paragraphe 1, de la directive 98/34 peut-il être interprété en ce sens qu’il admet, en cas de défaut de notification de dispositions considérées comme ayant un caractère technique, la possibilité de conséquences différenciées, c’est-à-dire, s’agissant des dispositions qui concernent des libertés non soumises aux restrictions prévues à l’article 36 TFUE, que le défaut de notification devrait avoir pour conséquence l’inapplicabilité des dispositions concernées dans l’affaire concrètement en cause, alors que, s’agissant des dispositions qui concernent des libertés soumises aux restrictions de l’article 36 TFUE, la juridiction nationale, qui est en même temps une juridiction de l’Union, est autorisée à apprécier si, malgré le défaut de notification, ces dispositions sont conformes aux exigences de l’article 36 TFUE et ne sont pas soumises à la sanction de l’inapplicabilité ? »

Sur la question préjudicielle

16

À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises (voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2016, Oniors Bio, C‑233/15, EU:C:2016:305, point 30 et jurisprudence citée). En outre, la Cour peut être amenée à prendre en considération des normes du droit de l’Union auxquelles le juge national n’a pas fait référence dans l’énoncé de sa question (ordonnance du 14 juillet 2016, BASF, C‑456/15, non publiée, EU:C:2016:567, point 15 et jurisprudence citée).

17

À cet égard, il y a lieu de relever que la juridiction de renvoi part de la prémisse qu’une règle telle que celle énoncée à l’article 6, paragraphe 1, de la loi sur les jeux de hasard relève de la notion de « règle technique », au sens de la directive 98/34, soumise à l’obligation de notification en vertu de l’article 8, paragraphe 1, de cette directive, dont la méconnaissance est sanctionnée par l’inapplicabilité d’une telle règle.

18

Il convient de rappeler dans ce contexte que la notion de « règle technique » recouvre quatre catégories de mesures, à savoir, premièrement, la « spécification technique », au sens de l’article 1er, point 3, de la directive 98/34, deuxièmement, l’« autre exigence », telle que définie à l’article 1er, point 4, de cette directive, troisièmement, la « règle relative aux services », visée à l’article 1er, point 5, de ladite directive et, quatrièmement, les « dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres interdisant la fabrication, l’importation, la commercialisation ou l’utilisation d’un produit ou interdisant de fournir ou d’utiliser un service ou de s’établir comme prestataire de services », au sens de l’article 1er, point 11, de la même directive (voir arrêt du 4 février 2016, Ince, C‑336/14, EU:C:2016:72, point 70).

19

À cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que la notion de « spécification technique » présuppose que la mesure nationale se réfère nécessairement au produit ou à son emballage en tant que tels et fixe dès lors l’une des caractéristiques requises d’un produit. En revanche, lorsqu’une mesure nationale prévoit des conditions pour l’établissement des entreprises, telles que des dispositions qui soumettent l’exercice d’une activité professionnelle à un agrément préalable, ces conditions ne constituent pas des spécifications techniques (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2005, Lindberg, C‑267/03, EU:C:2005:246, points 57 et 59 ainsi que jurisprudence citée).

20

En deuxième lieu, afin de pouvoir être qualifiée d’« autre exigence », au sens de l’article 1er, point 4, de la directive 98/34, une mesure nationale doit constituer une « condition » pouvant influencer de manière significative la composition, la nature ou la commercialisation du produit concerné (voir, en ce sens, arrêt du 19 juillet 2012, Fortuna e.a., C‑213/11, C‑214/11 et C‑217/11, EU:C:2012:495, point 35 ainsi que jurisprudence citée). Toutefois, il convient de vérifier si une telle mesure doit être qualifiée de « condition » relative à l’utilisation du produit concerné ou s’il s’agit au contraire d’une mesure nationale appartenant à la catégorie de règles techniques mentionnée à l’article 1er, point 11, de la directive 98/34. L’appartenance à l’une ou à l’autre de ces deux catégories de règles techniques d’une mesure nationale dépend de la portée de l’interdiction qu’édicte cette mesure (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2005, Lindberg, C‑267/03, EU:C:2005:246, points 73 et 74).

21

En troisième lieu, la notion de « règle technique », visée à l’article 1er, point 5, de la directive 98/34, couvre uniquement les règles relatives aux services de la société de l’information, c’est-à-dire à tout service effectué à distance par voie électronique et à la demande individuelle d’un destinataire de services (voir, en ce sens, arrêt du 2 juin 2005, Mediakabel, C‑89/04, EU:C:2005:348, point 19).

22

Eu égard à ces considérations liminaires, il convient de comprendre la question posée en ce sens que la juridiction de renvoi vise à savoir si l’article 1er de la directive 98/34 doit être interprété en ce sens qu’une disposition nationale, telle que celle en cause au principal, relève de la notion de « règle technique », au sens de cette directive.

23

Tout d’abord, il convient de constater qu’une telle disposition, qui soumet l’exercice des activités de jeux de roulette, de jeux de cartes, de jeux de dés et de jeux automatisés à une autorisation d’exploitation de casinos de jeux, ne constitue pas une « spécification technique », au sens de l’article 1er, point 3, de la directive 98/34, dès lors qu’elle ne se réfère pas au produit ou à son emballage en tant que tels et ne fixe pas l’une des caractéristiques requises d’un produit.

24

Ensuite, ladite disposition ne relève pas de la catégorie des « règles relatives aux services » de la société de l’information, au sens de l’article 1er, point 5, de la directive 98/34, dès lors qu’elle ne concerne pas des « services de la société de l’information », au sens de l’article 1er, point 2, de cette directive.

25

Enfin, aux fins de déterminer si l’article 6, paragraphe 1, de la loi sur les jeux de hasard relève soit de l’article 1er, point 4, de la directive 98/34, soit de l’article 1er, point 11, de cette directive, il y a lieu de vérifier si une telle disposition est susceptible d’influencer de manière significative la composition, la nature ou la commercialisation du produit concerné, en l’occurrence des machines de jeux, en tant que « condition » relative à l’utilisation du produit concerné, ou s’il s’agit d’une mesure nationale appartenant à la catégorie d’interdictions mentionnée à l’article 1er, point 11, de ladite directive.

26

À cet égard, il convient de rappeler que c’est l’article 14, paragraphe 1, de la loi sur les jeux de hasard qui limite l’organisation de jeux de roulette, de jeux de cartes, de jeux de dés et de jeux automatisés aux casinos de jeux. Cette disposition a été notifiée à la Commission en tant que « règle technique », au vu du fait que la Cour a déjà jugé, d’une part, qu’une mesure nationale qui réserve l’organisation de certains jeux de hasard aux seuls casinos constitue une « règle technique », au sens de l’article 1er, point 11, de la directive 98/34, dans la mesure où elle est susceptible d’influencer de manière significative la nature ou la commercialisation des produits utilisés dans ce contexte et, d’autre part, qu’une interdiction d’exploiter certains produits en dehors des casinos est susceptible d’influencer de manière significative la commercialisation de ces produits, en en réduisant les canaux d’exploitation (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2015, Berlington Hungary e.a., C‑98/14, EU:C:2015:386, points 98 et 99).

27

En revanche, l’article 6, paragraphe 1, de cette loi, qui prévoit qu’une autorisation pour l’exploitation de casinos de jeux est nécessaire pour l’exercice des activités de jeux de roulette, de jeux de cartes, de jeux de dés et de jeux automatisés, n’a pas été notifié.

28

La thèse de la Commission, selon laquelle il existe un lien étroit entre les deux dispositions nationales concernées qui aboutit à ce qu’il n’est pas possible de faire abstraction de l’article 14, paragraphe 1, de la loi sur les jeux de hasard par rapport à l’article 6, paragraphe 1, de cette loi, ne saurait être retenue. En effet, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 38 à 44 de ses conclusions, l’article 6, paragraphe 1, de ladite loi et l’article 14, paragraphe 1, de la même loi ont des fonctions et des champs d’application différents. L’élément descriptif figurant à l’article 6, paragraphe 1, de cette loi, qui sert à designer l’autorisation en cause en tant qu’autorisation « d’exploitation de casinos de jeux », ne change pas cette conclusion.

29

Partant, il convient de constater que l’article 6, paragraphe 1, de la loi sur les jeux de hasard ne saurait être considéré comme étant une « autre exigence », au sens de l’article 1er, point 4, de la directive 98/34, dès lors que l’autorisation exigée par cette disposition nationale pour l’organisation de jeux de hasard constitue une condition imposée à l’égard de l’activité d’organisation de tels jeux, à la différence de l’article 14, paragraphe 1, de cette loi, qui pose des conditions à l’égard des produits concernés en interdisant leur exploitation en dehors des casinos.

30

Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que les dispositions nationales qui se limitent à prévoir les conditions pour l’établissement des entreprises ou la prestation de services par celles-ci, telles que des dispositions qui soumettent l’exercice d’une activité professionnelle à un agrément préalable, ne constituent pas des règles techniques au sens de l’article 1er, point 11, de la directive 98/34 (voir, en ce sens, arrêt du 4 février 2016, Ince, C‑336/14, EU:C:2016:72, point 76 et jurisprudence citée).

31

Par conséquent, force est de constater qu’une disposition, telle que l’article 6, paragraphe 1, de la loi sur les jeux de hasard, ne constitue pas une « règle technique », au sens de la directive 98/34.

32

Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’examiner les conséquences de la méconnaissance de l’obligation de notification d’une règle technique.

33

Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre à la question posée que l’article 1er de la directive 98/34 doit être interprété en ce sens qu’une disposition nationale, telle que celle en cause au principal, ne relève pas de la notion de « règle technique », au sens de cette directive, soumise à l’obligation de notification en vertu de l’article 8, paragraphe 1, de ladite directive, dont la méconnaissance est sanctionnée par l’inapplicabilité d’une telle règle.

Sur les dépens

34

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

 

L’article 1er, de la directive 98/34/CE, du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information, telle que modifiée par la directive 98/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 juillet 1998, doit être interprété en ce sens qu’une disposition nationale, telle que celle en cause au principal, ne relève pas de la notion de « règle technique », au sens de cette directive, soumise à l’obligation de notification en vertu de l’article 8, paragraphe 1, de ladite directive, dont la méconnaissance est sanctionnée par l’inapplicabilité d’une telle règle.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le polonais.

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