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Document 62014TO0819

Ordonnance du Tribunal (sixième chambre) du 20 avril 2016.
Fondatsia "Mezhdunaroden tsentar za izsledvane na maltsinstvata i kulturnite vzaimodeystvia" contre Commission européenne.
Recours en annulation – Contrat concernant un concours financier de l’Union en faveur d’un projet ayant pour objectif d’améliorer l’efficacité des lois visant à lutter contre les discriminations (projet GendeRace) – Note de débit – Acte non susceptible de recours – Acte s’inscrivant dans un cadre purement contractuel dont il est indissociable – Irrecevabilité.
Affaire T-819/14.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2016:256

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (sixième chambre)

20 avril 2016 ( *1 )

«Recours en annulation — Contrat concernant un concours financier de l’Union en faveur d’un projet ayant pour objectif d’améliorer l’efficacité des lois visant à lutter contre les discriminations (projet GendeRace) — Note de débit — Acte non susceptible de recours — Acte s’inscrivant dans un cadre purement contractuel dont il est indissociable — Irrecevabilité»

Dans l’affaire T‑819/14,

Fondatsia « Mezhdunaroden tsentar za izsledvane na maltsinstvata i kulturnite vzaimodeystvia », établie à Sofia (Bulgarie), représentée par Me H. Hristev, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme L. Di Paolo et M. V. Soloveytchik, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation, d’une part, de l’acte de la Commission contenu dans la lettre du 22 août 2014 annonçant la fin de la procédure d’audit et la suspension du recouvrement des dommages-intérêts dans le cadre d’une convention de subvention au soutien d’un projet et, d’autre part, de la note de débit, annexée à cette lettre et émise par la Commission en vue de récupérer la somme de 34070,16 euros versée à la requérante dans le cadre de ce même projet,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, F. Dehousse et A. M. Collins (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

Cadre contractuel et antécédents du litige

1

La requérante, Fondatsia « Mezhdunaroden tsentar za izsledvane na maltsinstvata i kulturnite vzaimodeystvia » (Fondation « Centre international pour les études des minorités et les interactions culturelles »), est une fondation sans but lucratif de droit bulgare, active dans le domaine de la recherche.

2

Le 18 décembre 2006, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté la décision no 1982/2006/CE relative au septième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) (JO 2006, L 412, p. 1). Dans ce cadre, une convention de subvention no 217237 relative au projet GendeRace (ci-après la « convention de subvention ») a été conclue entre, d’une part, la Commission des Communautés européennes et, d’autre part, un consortium dont faisait notamment partie la requérante. Le projet a débuté le 1er février 2008 et s’est achevé le 31 juillet 2010. Dans le cadre de ce projet, la Commission a payé à la requérante, au titre du concours financier de l’Union européenne, un montant total de 159570,78 euros.

3

Par lettre du 26 mars 2013, la Commission a informé la requérante qu’elle ferait l’objet d’un audit se rapportant à trois projets, dont le projet GendeRace. L’audit s’est déroulé du 27 au 31 mai 2013.

4

Le 31 mai 2013, une réunion a eu lieu entre les auditeurs et la requérante. Ceux-ci ont présenté leurs conclusions, sur lesquelles la requérante a formulé ses observations.

5

Par un document en date du 8 août 2013, reçu par la Commission le 13 septembre 2013 et intitulé « Observations et objections [sur le] rapport d’audit pour la Commission européenne », la requérante a transmis à la Commission une série de critiques concernant la méthodologie de l’audit et les conclusions contenues dans le projet de rapport d’audit.

6

Le 28 novembre 2013, le rapport d’audit final a été présenté à la Commission. Au point 2.1 de ce rapport, concernant le projet GendeRace, les auditeurs ont pris note d’ajustements à effectuer pour un montant de 45426,88 euros en faveur de la Commission.

7

Par lettre du 16 décembre 2013, à laquelle le rapport d’audit final était annexé, la Commission a informé la requérante de la clôture de l’audit et du fait qu’elle adhérait aux conclusions qui avaient été formulées dans ce rapport.

8

Par lettre du 10 mars 2014, la requérante a fait part à la Commission de ses observations sur les conclusions de l’audit et de ses décisions prises en conséquence.

9

Par lettre du 27 juin 2014, intitulée « Mise en œuvre des résultats de l’audit BAEA210022 (B210‑22) et dommages-intérêts », la Commission a indiqué que, en application de l’article II.21 des conditions générales applicables à la convention de subvention, elle procéderait au recouvrement, par deux notes de débit, de la somme de 34070,16 euros, d’une part, correspondant au montant indûment versé à la requérante, et de la somme de 11967,81 euros, d’autre part, à titre de dommages-intérêts.

10

Par lettre du 23 juillet 2014, reçue par la Commission le 1er août 2014, la requérante a indiqué à cette dernière son désaccord avec les résultats de l’audit et a demandé, notamment, des informations sur les voies de recours pour contester, réduire ou échelonner le paiement du montant réclamé.

11

Par lettre datée du 22 août 2014 et envoyée le 1er septembre 2014 (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a transmis à la requérante une note de débit d’un montant de 34070,16 euros (ci-après la « note de débit »). Dans cette lettre, la Commission a pris note des objections de la requérante et a indiqué que celles-ci avaient déjà été prises en compte dans le rapport d’audit final. Toutefois, elle a suspendu la mise en œuvre du recouvrement du montant réclamé au titre des dommages-intérêts jusqu’à l’adoption d’une décision finale à cet égard.

12

Le 30 septembre 2014, à la suite d’une indication de la poste bulgare selon laquelle la lettre envoyée le 1er septembre 2014 n’était pas parvenue à son destinataire, la Commission a renvoyé à la requérante cette lettre ainsi que la note de débit qu’elle contenait en annexe, simultanément par courrier électronique et par courrier recommandé (ce dernier en date du 2 octobre 2014). Dans cette lettre, la Commission a souligné à l’intention de la requérante le délai dans lequel le paiement de la note de débit devait être effectué et elle a précisé les démarches qu’elle pourrait entreprendre si son compte n’était pas crédité à la date limite, y compris le recours à l’exécution forcée conformément à l’article 299 TFUE. Le 6 octobre 2014, le courrier recommandé est parvenu à la requérante.

13

Par lettre du 9 octobre 2014, la requérante a répondu à ce courrier en indiquant, premièrement, que la fondation était en situation de faillite et n’était donc pas en mesure de payer le montant réclamé, deuxièmement, qu’elle avait contesté les résultats de l’audit tout au long de la procédure et n’avait pas été informée des voies de recours possibles, troisièmement, qu’elle considérait que ses droits avaient été violés et, quatrièmement, qu’elle saisirait les juridictions de l’Union.

14

Par courrier électronique du même jour, la Commission a informé la requérante que toute demande de rééchelonnement des paiements devait être adressée au comptable de la direction générale du budget.

15

Par lettre du 13 octobre 2014, la requérante s’est adressée à la direction générale du budget en vue d’obtenir l’annulation ou l’échelonnement du paiement du montant réclamé dans la note de débit.

16

Par lettre du 24 décembre 2014, la direction générale du budget a répondu à la requérante qu’il était impossible d’annuler la créance et lui a proposé un plan de remboursement de la dette échelonné par tranches, dans les conditions prévues à l’article 89 du règlement délégué (UE) no 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union (JO 2012, L 362, p. 1).

17

L’article 9, premier alinéa, de la convention de subvention stipule que cette dernière « [est] régie par [ses propres] dispositions […], les actes de la Communauté concernant [le septième programme-cadre], le règlement financier applicable au budget communautaire, ses modalités d’exécution et autres dispositions de droit communautaire et, à titre subsidiaire, […] le droit belge ». Par ailleurs, en vertu du troisième alinéa du même article, le Tribunal et, en cas de pourvoi, la Cour sont seuls compétents pour trancher tout litige entre l’Union, d’une part, et les membres du consortium, d’autre part, relatif à la validité, à l’application ou à l’interprétation de la convention de subvention.

18

Selon le considérant unique de la convention de subvention, les conditions générales de cette dernière en font partie intégrante. L’article II.21 de ces conditions s’intitule « Remboursement et recouvrement ». Aux termes de son paragraphe 1, deuxième alinéa, il est stipulé que, « [d]ans le cas où un montant dû à l’Union [européenne] par le bénéficiaire doit être récupéré après la résiliation ou l’achèvement d’une convention de subvention au titre du [septième programme-cadre], la Commission demande le remboursement du montant dû en émettant un ordre de recouvrement à l’adresse du bénéficiaire en cause » et que, « [s]i le paiement n’a pas été effectué à l’échéance prévue, les sommes dues à l’Union [européenne] peuvent être récupérées en les déduisant des montants dus par l’Union [européenne] au bénéficiaire en cause ». Le paragraphe 5 de la même disposition prévoit que, « [s]i l’obligation de paiement n’est pas honorée à la date fixée par la Commission, la somme due est porteuse d’intérêts au taux indiqué à [l’article] II.5 ».

19

La section 3 de la Partie 2 des conditions générales, composée des articles II.22 à II.25, s’intitule « Contrôles et sanctions » et concerne les dispositions financières et les contrôles, les audits, les remboursements et les sanctions. L’article II.22, paragraphe 1, prévoit que, « [à] tout moment de l’exécution du projet et jusqu’à cinq ans après la fin du projet, la Commission peut faire procéder à des audits financiers, soit par des auditeurs externes, soit par les services de la Commission eux-mêmes, y compris l’OLAF […] Ces audits peuvent porter sur des aspects financiers, systémiques et autres (tels que les principes de comptabilité et de gestion) se rapportant à la bonne exécution de la convention de subvention ».

20

Selon le paragraphe 6 de la même disposition, «[s]ur la base des conclusions de l’audit, la Commission prend les mesures appropriées qu’elle estime nécessaires, y compris l’établissement d’ordres de recouvrement portant sur tout ou partie des paiements qu’elle a effectués et l’imposition de toutes sanctions applicables ».

Procédure et conclusions des parties

21

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 décembre 2014, la requérante a introduit le présent recours.

22

Le 14 avril 2015, la Commission a déposé son mémoire en défense au greffe du Tribunal.

23

La réplique et la duplique ont été déposées au greffe du Tribunal respectivement le 28 mai et le 17 juillet 2015.

24

Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, le Tribunal (sixième chambre) a posé des questions écrites aux parties qui ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

25

La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée et la note de débit ;

condamner la Commission aux dépens et, à titre subsidiaire, en cas de rejet du recours, la condamner à supporter ses dépens en application de l’article 87, paragraphe 3, second alinéa, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991.

26

La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours comme irrecevable et, en tout état de cause, comme non fondé ;

rejeter la demande de la requérante fondée sur l’article 87, paragraphe 3, second alinéa, du règlement de procédure du 2 mai 1991 ;

condamner la requérante aux dépens.

En droit

27

Selon une jurisprudence constante, les conditions de recevabilité des recours sont des fins de non-recevoir d’ordre public que le juge de l’Union doit soulever d’office le cas échéant [voir arrêts du 10 juillet 1990, Automec/Commission,T‑64/89, EU:T:1990:42, point 41 et jurisprudence citée, et du 8 février 2011, Paroc/OHMI (INSULATE FOR LIFE),T‑157/08, EU:T:2011:33, point 28 et jurisprudence citée].

28

En vertu de l’article 129 de son règlement de procédure, le Tribunal peut, à tout moment, d’office, les parties principales entendues, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée sur les fins de non-recevoir d’ordre public. En l’espèce, au vu des pièces du dossier et, en particulier, des réponses des parties aux questions écrites du Tribunal relatives à la recevabilité du présent recours, il y a lieu de décider, en application de cet article, de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure, et ce même si une partie a demandé la tenue d’une audience.

29

La requérante demande l’annulation, sur le fondement de l’article 263 TFUE, de la décision attaquée et de la note de débit. En effet, elle indique de manière non équivoque, au point 1 de la requête, que le recours est fondé sur cette dernière disposition. En particulier, dans ses arguments sur la recevabilité du recours, qui figurent aux points 23 à 27 de la requête, elle invite le Tribunal à s’écarter de la « jurisprudence actuelle » relative à la recevabilité des recours fondés sur cette disposition visant les actes liés à des relations contractuelles.

30

À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, en présence d’un litige de nature contractuelle, un recours au titre de l’article 263 TFUE peut être requalifié de recours au titre de l’article 272 TFUE eu égard à la présence d’une clause compromissoire dans le contrat en cause, ainsi que cela est le cas en l’espèce à l’article 9 de la convention de subvention (voir, en ce sens, ordonnance du 12 octobre 2011, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission,T‑353/10, EU:T:2011:589, points 33 et 34). Le Tribunal s’estime toutefois dans l’impossibilité de requalifier un tel recours, notamment lorsque la volonté expresse de la partie requérante de ne pas fonder sa demande sur l’article 272 TFUE s’oppose à une telle requalification (voir arrêt du 17 juin 2010, CEVA/Commission,T‑428/07 et T‑455/07, EU:T:2010:240, point 59 et jurisprudence citée ; arrêt du 24 octobre 2014, Technische Universität Dresden/Commission,T‑29/11, EU:T:2014:912, point 44). Or, en l’espèce, il y a lieu de constater que la volonté expresse de la requérante de fonder sa demande sur l’article 263 TFUE s’oppose à une éventuelle requalification du recours par le Tribunal en litige de nature contractuelle. Ainsi, dans la mesure où les conditions pour une requalification ne sont pas réunies, le recours doit être examiné en tant que recours en annulation.

31

Partant, il convient de vérifier si les actes qui font l’objet du présent recours sont des actes susceptibles d’un recours en annulation en vertu de l’article 263 TFUE.

32

Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE est ouvert à l’encontre de tous les actes pris par les institutions, quelles qu’en soient la nature ou la forme, qui visent à produire des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique (ordonnance du 6 octobre 2008, Austrian Relief Program/Commission, T‑235/06, non publiée, EU:T:2008:411, point 34, et arrêt du 10 avril 2013, GRP Security/Cour des comptes, T‑87/11, non publié, EU:T:2013:161, point 29).

33

Le recours en annulation tend à assurer le respect du droit dans l’interprétation et l’application du traité FUE et il serait, dès lors, contraire à cet objectif d’interpréter restrictivement les conditions de recevabilité du recours en limitant sa portée aux catégories d’actes visés à l’article 288 TFUE (voir arrêt du 9 septembre 2015, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission,C‑506/13 P, EU:C:2015:562, point 17 et jurisprudence citée).

34

Il n’en demeure pas moins que cette compétence d’interprétation et d’application des dispositions du traité par le juge de l’Union ne trouve pas à s’appliquer lorsque la situation juridique du requérant s’inscrit dans le cadre de relations contractuelles dont le régime juridique est régi par la loi nationale désignée par les parties contractantes (arrêt du 9 septembre 2015, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission,C‑506/13 P, EU:C:2015:562, point 18 ; voir également, en ce sens, arrêts du 17 juin 2010, CEVA/Commission,T‑428/07 et T‑455/07, EU:T:2010:240, point 52, et du 10 avril 2013, GRP Security/Cour des comptes, T‑87/11, non publié,EU:T:2013:161, point 29).

35

En effet, si le juge de l’Union se reconnaissait compétent pour statuer en annulation sur des actes s’inscrivant dans un cadre purement contractuel, il risquerait non seulement de vider de son sens l’article 272 TFUE, lequel permet d’attribuer la compétence juridictionnelle de l’Union en vertu d’une clause compromissoire, mais encore, dans les cas où le contrat ne contiendrait pas pareille clause, d’étendre sa compétence juridictionnelle au-delà des limites tracées par l’article 274 TFUE, lequel confie aux juridictions nationales la compétence de droit commun pour connaître des litiges auxquels l’Union est partie (voir arrêt du 9 septembre 2015, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission,C‑506/13 P, EU:C:2015:562, point 19 et jurisprudence citée).

36

Il découle de ces éléments que, en présence d’un contrat liant le requérant à l’une des institutions, les juridictions de l’Union ne peuvent être saisies d’un recours sur le fondement de l’article 263 TFUE que si l’acte attaqué vise à produire des effets juridiques contraignants qui se situent en dehors de la relation contractuelle liant les parties et qui impliquent l’exercice de prérogatives de puissance publique conférées à l’institution contractante en sa qualité d’autorité administrative (arrêt du 9 septembre 2015, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission,C‑506/13 P, EU:C:2015:562, point 20).

37

À cet égard, il importe de souligner que, dans l’hypothèse où une institution, et plus particulièrement la Commission, choisit, pour allouer des contributions financières, la voie contractuelle dans le cadre de l’article 272 TFUE, elle est tenue de rester à l’intérieur de ce cadre. Ainsi, il lui incombe, notamment, d’éviter l’utilisation, dans le cadre des relations avec ses cocontractants, de formulations ambiguës susceptibles d’être perçues par ceux-ci comme relevant de pouvoirs de décision unilatéraux dépassant les stipulations contractuelles (arrêt du 9 septembre 2015, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission,C‑506/13 P, EU:C:2015:562, point 21).

38

C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’apprécier la recevabilité de la présente affaire.

39

Il convient de constater que le contexte et l’origine contractuels du présent recours sont constants entre les parties. En effet, la requérante considère que le recours en annulation est une voie de droit qui lui est ouverte nonobstant la nature contractuelle du litige et que la note de débit attaquée est de nature administrative.

40

Il ressort des éléments du dossier que la note de débit s’inscrit dans le contexte d’une convention liant la Commission à la requérante, en ce que ladite note a pour objet le recouvrement d’une créance dont la Commission s’estime titulaire, constituée par une somme versée au profit de la requérante et qui correspond à des coûts que la Commission a considérés comme non éligibles en vertu de la convention de subvention et qu’elle n’a donc pas acceptés. Plus particulièrement, il convient de relever les éléments suivants :

premièrement, une somme de 159570,78 euros a été versée par la Commission au profit de la requérante sur le fondement de la convention de subvention ;

deuxièmement, le rapport d’audit a été mis en œuvre conformément à l’article II.22 des conditions générales de cette convention ;

troisièmement, en vertu de l’article II.21 desdites conditions, la Commission s’est réservée le droit de demander à un membre du consortium de rembourser toute somme indûment perçue ou dont la récupération était justifiée en application de la convention de subvention, ce qu’elle a fait par la lettre de pré-information du 27 juin 2014, en demandant à la requérante de rembourser la somme de 34070,16 euros (voir point 9 ci-dessus). Dans cette lettre, la Commission a expressément invoqué l’article en cause et a expliqué le calcul du montant litigieux ;

quatrièmement, la note de débit, sous l’intitulé « Mise en œuvre des résultats de l’audit BAEA210022 (B210‑22) [relatif au] projet [no] 217237 GendeRace », renvoyait à la lettre de pré-information du 27 juin 2014 et à la lettre de clôture de l’audit du 16 décembre 2013 (voir point 7 ci-dessus). Ainsi, les termes de la note de débit rappelaient qu’elle visait le recouvrement d’une créance au titre de la convention de subvention.

41

Eu égard à ces éléments, il y a lieu de constater que la Commission est restée dans le cadre contractuel et qu’elle s’est fondée, notamment, sur l’article 22, paragraphes 1 et 6, des conditions générales de la convention de subvention.

42

Par ailleurs, rien ne permet de conclure que la Commission a agi en faisant usage de ses prérogatives de puissance publique. Ainsi qu’il ressort des articles 40 et 41 ci-dessus, la note de débit s’inscrit dans le contexte de la convention liant la Commission à la requérante, en ce qu’elle vise le recouvrement d’une créance qui trouve son fondement dans les stipulations de la convention de subvention et en ce qu’elle a pour objet de faire valoir des droits que la Commission tire des stipulations de ladite convention. En revanche, elle ne vise pas à produire à l’égard de la requérante des effets juridiques qui trouveraient leur origine dans l’exercice, par la Commission, de prérogatives de puissance publique dont elle serait titulaire en vertu du droit de l’Union. Dès lors, cette note de débit doit être regardée comme étant indissociable des rapports contractuels existant entre la Commission et la requérante.

43

Partant, ni la référence au droit de l’Union à l’article 9, premier alinéa, de la convention de subvention ni l’éventuel parallélisme, tel qu’invoqué par la requérante, entre les dispositions de la convention de subvention et certains actes réglementaires ne sauraient permettre de qualifier les actes contestés en l’espèce d’actes adoptés par la Commission agissant en tant qu’autorité publique. En tout état de cause, il convient de rappeler que les clauses contractuelles participent, avec la loi applicable au contrat et sous son égide, des règles régissant la relation contractuelle et que l’interprétation d’un contrat au regard des dispositions du droit applicable ne se justifie qu’en cas de doute sur le contenu d’un contrat ou la signification de certaines de ses clauses (voir, par analogie, arrêt du 19 novembre 2008, Commission/Premium, T‑316/06, non publié, EU:T:2008:514, point 53 et jurisprudence citée).

44

À l’appui de l’argument selon lequel la note de débit produit des effets juridiques contraignants à son égard, la requérante invoque, notamment, les indications qui y figurent sous l’intitulé « Conditions de paiement » et qui sont rédigées comme suit :

« 1.

Tous les frais bancaires sont à votre charge […]

2.

La Commission se réserve le droit, après information préalable, de procéder à l’égard de l’autre partie à un recouvrement par compensation, en présence de créances réciproques, certaines, liquides et exigibles.

3.

À défaut de crédit au compte de la Commission à la date limite, la créance constatée par l’Union porte intérêt au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement tel que publié au Journal officiel de l’Union européenne, série C, en vigueur le premier jour calendrier du mois de la date limite, à savoir 10‑2014, +3,5 points de pourcentage.

4.

À défaut de crédit porté au compte de la Commission à la date limite, la Commission se réserve le droit :

d’exécuter toute garantie financière préalablement fournie ;

de procéder à l’exécution forcée soit en adoptant un titre exécutoire conformément à l’article 299 [TFUE] soit en intentant une action judiciaire ;

de signaler le défaut de paiement dans une base de données accessible aux ordonnateurs du budget de l’Union jusqu’à ce que le paiement soit reçu en totalité ;

de rendre public le nom de tout débiteur contraint au paiement par une décision judiciaire. »

45

Force est de constater que ces indications sont pour ainsi dire identiques à celles considérées par la Cour dans l’arrêt du 9 septembre 2015, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission (C‑506/13 P, EU:C:2015:562), intervenu au cours de la présente instance et au sujet duquel les parties ont été interrogées par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure. En effet, invitée à prendre position essentiellement sur le même argument que celui soulevé en l’espèce, la Cour a constaté que ce type d’indications ne saurait conduire à qualifier la note de débit d’acte définitif (arrêt du 9 septembre 2015, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission,C‑506/13 P, EU:C:2015:562, points 25 et 26).

46

Certes, ainsi que le fait valoir la requérante dans sa réponse aux questions écrites du Tribunal, dans l’arrêt du 9 septembre 2015, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission (C‑506/13 P, EU:C:2015:562), la Cour a reproché à la Commission l’utilisation d’une formulation ambiguë dans la note de débit. Cependant, comme le Tribunal l’a relevé, de telles indications relatives aux intérêts que la créance constatée portera à défaut de paiement à la date limite, à un possible recouvrement par compensation ou par la mise en œuvre d’une voie d’exécution à l’égard d’une éventuelle garantie préalablement fournie ainsi qu’aux possibilités d’une exécution forcée et d’une inscription dans une base de données accessible aux ordonnateurs du budget de l’Union, même si elles sont rédigées d’une manière susceptible de donner l’impression qu’il s’agit d’un acte définitif de la Commission, ne pourraient, en toute hypothèse et par nature, qu’être préparatoires d’un acte de la Commission se rapportant à l’exécution de la créance constatée, dès lors que, dans la note de débit, la Commission ne prend pas position sur les moyens qu’elle compte mettre en œuvre pour récupérer ladite créance, augmentée des intérêts moratoires à compter de la date limite de paiement fixée dans la note de débit (voir, en ce sens, arrêt du 17 avril 2008, Cestas/Commission,T‑260/04, EU:T:2008:115, points 74 à 76, et ordonnance du 12 octobre 2011, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission,T‑353/10, EU:T:2011:589, point 30).

47

Il en va de même en ce qui concerne les indications relatives aux moyens de recouvrement envisageables, telles qu’elles figurent dans le dernier paragraphe de la lettre de la Commission du 27 juin 2014 (voir point 9 ci-dessus). Dans sa réponse aux questions écrites du Tribunal, la requérante fait valoir que l’adoption de toutes les mesures dont le détail est fourni dans cette lettre n’est soumise à la réalisation d’aucune autre condition que le non-paiement de la somme litigieuse dans le délai imparti. Force est de constater que la Commission n’y a pas pris de position définitive, mais a simplement évoqué le recours éventuel au recouvrement de sa créance par la voie de la compensation ou par l’exécution forcée. Des considérations analogues s’appliquent à la lettre du 30 septembre 2014 (voir point 12 ci-dessus), également invoquée par la requérante dans sa réponse aux questions écrites du Tribunal.

48

Étant donné la nature préparatoire de la note de débit, il convient d’écarter l’argument de la requérante selon lequel, parmi les quatre possibilités mentionnées dans ladite note au paragraphe 4 figurant sous l’intitulé « Conditions de paiement », seules deux possibilités étaient en pratique envisageables dans les circonstances de l’espèce, dont la menace d’une exécution forcée (voir point 44 ci-dessus).

49

Il résulte de ce qui précède que le Tribunal ne peut être valablement saisi du présent recours sur le fondement de l’article 263 TFUE, car la note de débit s’inscrit dans un cadre purement contractuel dont elle est indissociable et ne produit pas d’effets juridiques contraignants qui vont au-delà de ceux découlant de la convention de subvention et qui impliqueraient l’exercice de prérogatives de puissance publique conférées à la Commission en sa qualité d’autorité administrative.

50

Il en va de même en ce qui concerne la décision attaquée, qui s’inscrit dans ce même cadre et dont la fonction essentielle est de transmettre la note de débit. En ce qui concerne la procédure parallèle visant au recouvrement de dommages-intérêts, la décision attaquée en communique la suspension effective jusqu’à l’adoption d’une future décision définitive. Ainsi, elle ne saurait faire l’objet d’une demande en annulation au titre de l’article 263 TFUE eu égard aux principes issus de la jurisprudence citée aux points 32 et 35 ci-dessus.

51

Il s’ensuit que le recours en annulation doit être rejeté comme étant irrecevable dans son intégralité.

52

En tout état de cause, l’irrecevabilité du présent recours en tant que recours en annulation n’a pas pour effet de priver la requérante du droit à un recours juridictionnel effectif, puisqu’il lui appartient, si elle s’y estime fondée, de défendre sa position dans le cadre d’un recours formé sur une base contractuelle au titre de l’article 272 TFUE.

53

Dans ces circonstances, il n’y a plus lieu de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par la Commission dans le mémoire en défense.

Sur les dépens

54

La requérante demande au Tribunal de condamner la Commission aux dépens même dans le cas où il rejetterait le recours, en application de l’article 87, paragraphe 3, second alinéa, du règlement de procédure du 2 mai 1991. Elle affirme avoir été contrainte de former un recours, d’une part, du fait du caractère imprécis et ambigu de la note de débit émise par la Commission et, d’autre part, du fait qu’elle n’a reçu aucune information de la part de cette dernière au sujet de la procédure de recours à l’encontre de la décision de recouvrement du montant litigieux. La Commission lui aurait délibérément fait supporter les dépens du présent recours.

55

La Commission rétorque qu’elle n’a pas amené la requérante à exposer des frais frustratoires ou vexatoires et que la demande de cette dernière doit, dès lors, être rejetée. Elle prétend lui avoir fourni des éclaircissements sur toutes les questions de procédure. En outre, il ressortirait de ses écritures que la requérante connaissait suffisamment la jurisprudence relative à la recevabilité des recours en annulation formés à l’encontre des notes de débit. Cette dernière aurait donc pris un risque délibéré en intentant le présent recours.

56

Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l’article 135, paragraphe 1, du même règlement, le Tribunal peut, pour des motifs exceptionnels, répartir des dépens.

57

En l’espèce, la requérante a succombé en sa demande. Par ailleurs, elle n’a pas établi que la Commission lui avait fait exposer des frais vexatoires ou frustratoires au sens de l’article 135, paragraphe 2, du règlement de procédure.

58

Il convient toutefois de tenir compte du comportement de la Commission, qui a incorporé dans la note de débit des indications dont le caractère ambigu avait déjà été constaté par le Tribunal dans d’autres affaires (voir, en ce sens, ordonnance du 12 octobre 2011, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission,T‑353/10, EU:T:2011:589, point 30, et arrêt du 9 juillet 2013, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission, T‑552/11, non publié, EU:T:2013:349, point 29). Partant, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que chaque partie supportera ses propres dépens.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

ordonne :

 

1)

Le recours est rejeté comme irrecevable.

 

2)

Chaque partie supportera ses propres dépens.

 

Fait à Luxembourg, le 20 avril 2016.

 

Le greffier

E. Coulon

Le président

S. Frimodt Nielsen


( *1 ) Langue de procédure : le bulgare.

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