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Document 62014TJ0512

Arrêt du Tribunal (septième chambre) du 4 mai 2017.
Green Source Poland sp. z o.o. contre Commission européenne.
Recours en annulation – FEDER – Article 41, paragraphe 3, du règlement (CE) no 1083/2006 – Refus d’octroyer une contribution financière à un grand projet – Entreprise responsable de la réalisation du projet – Défaut d’affectation directe – Irrecevabilité.
Affaire T-512/14.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2017:299

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

4 mai 2017 ( *1 )

«Recours en annulation — FEDER — Article 41, paragraphe 3, du règlement (CE) no 1083/2006 — Refus d’octroyer une contribution financière à un grand projet — Entreprise responsable de la réalisation du projet — Défaut d’affectation directe — Irrecevabilité»

Dans l’affaire T‑512/14,

Green Source Poland sp. z o.o., établie à Varsovie (Pologne), représentée par Mes M. Merola et L. Armati, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par Mme M. Clausen et M. B.-R. Killmann, puis par MM. Killmann et R. Lyal, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2014) 2289 final de la Commission, du 7 avril 2014, refusant l’octroi d’une contribution financière du Fonds européen de développement régional (FEDER) au grand projet « Acquisition et mise en œuvre d’une technologie innovatrice de fabrication de biocomposants pour produire des biocarburants », faisant partie du programme opérationnel « Économie innovante » pour les interventions structurelles dans le cadre de l’objectif « Convergence » en Pologne,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de MM. M. van der Woude, président, I. Ulloa Rubio et Mme A. Marcoulli (rapporteur), juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 24 novembre 2016,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1

Le 1er octobre 2007, par la décision C(2007) 4562, la Commission européenne a adopté le programme opérationnel « Économie innovante » présenté par la République de Pologne en application de l’article 32 du règlement (CE) no 1083/2006 du Conseil, du 11 juillet 2006, portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement (CE) no 1260/1999 (JO 2006, L 210, p. 25).

2

Il ressort de la requête que, à la suite de l’adoption des dispositions nationales de mise en œuvre du programme opérationnel « Économie innovante », la requérante, Green Source Poland sp. z o.o., une société polonaise de droit privé créée en décembre 2004 dans le seul but de construire et d’exploiter une usine de production de bioéthanol en Pologne, a présenté aux autorités polonaises, le 12 mai 2008, une demande de subvention pour le projet « Acquisition et mise en œuvre d’une technologie innovatrice de fabrication de biocomposants pour produire des biocarburants » (ci-après le « projet ») et que, le 25 avril 2012, les autorités polonaises et la requérante ont signé un contrat relatif à l’octroi d’une subvention pour la mise en œuvre dudit projet dans le cadre du programme opérationnel « Économie innovante » (ci-après le « contrat »).

3

Il ressort du contrat que la subvention, visant à financer une partie des dépenses éligibles du grand projet en cause, était financée par la République de Pologne pour 85 % au titre d’une contribution provenant du Fonds européen de développement régional (FEDER) et pour 15 % au titre de fonds de l’État (voir article 1er, paragraphe 4, du contrat). En outre, il était prévu, notamment, que, si la Commission refusait de contribuer aux fonds conformément à l’article 41, paragraphe 3, du règlement no 1083/2006, le contrat prenait fin à la date de notification de la décision de la Commission au bénéficiaire (voir article 5, paragraphe 24, du contrat) et que, dans un tel cas, le bénéficiaire s’engageait à rembourser la totalité ou la partie des fonds déjà payés par les autorités polonaises (voir article 5, paragraphe 26, du contrat).

4

Le 10 septembre 2012, au titre des articles 39 à 41 du règlement no 1083/2006, la République de Pologne a présenté à la Commission une demande de contribution financière du FEDER pour le projet. La demande de contribution, présentée par la République de Pologne conformément à l’annexe XXII du règlement (CE) no 1828/2006 de la Commission, du 8 décembre 2006, établissant les modalités d’exécution du règlement no 1083/2006 et du règlement (CE) no 1080/2006 du Parlement européen et du Conseil relatif au FEDER (JO 2006, L 371, p. 1), désigne le ministère du Développement régional polonais en tant qu’« autorité responsable de la demande » et la requérante en tant qu’« organisation responsable de la réalisation du projet (bénéficiaire) ».

5

Par lettre du 27 novembre 2012 adressée à la République de Pologne, la Commission a émis des doutes quant au fait de pouvoir confirmer une contribution du FEDER pour le projet, eu égard notamment à certains problèmes ayant trait au contexte de révision du cadre réglementaire en matière de biocarburants, au manque de caractère innovant du projet, à l’absence d’informations dans l’étude de faisabilité et aux aides d’État, et a invité la République de Pologne à considérer la possibilité de le retirer et, le cas échéant, de soumettre de nouvelles informations.

6

Par lettre du 25 janvier 2013, la République de Pologne a répondu aux observations de la Commission, en transmettant notamment un document contenant les réponses de la requérante aux questions de la Commission.

7

Par lettre du 6 mai 2013 adressée à la République de Pologne, la Commission a maintenu sa position quant au fait que le projet ne remplissait pas certaines conditions prévues à l’article 40 du règlement no 1083/2006, eu égard à son manque de caractère innovant, aux doutes sur sa viabilité économique et à l’absence de certaines informations dans l’analyse d’impact environnemental.

8

Par lettre du 5 juillet 2013, la République de Pologne a répondu aux observations de la Commission, en transmettant un document contenant les réponses de la requérante aux questions de la Commission.

9

Le 17 juillet 2013, sur demande de la requérante, une réunion s’est tenue à Bruxelles (Belgique) entre les représentants de la requérante et les services de la Commission.

10

Par lettre du 24 juillet 2013 adressée à la République de Pologne, la Commission a confirmé sa position quant au fait que le projet ne remplissait pas certaines conditions prévues à l’article 40 du règlement no 1083/2006, eu égard à son manque de caractère innovant, aux doutes sur sa viabilité économique, à son impact environnemental et à sa cohérence avec les politiques environnementales de l’Union européenne, et a invité la République de Pologne à soumettre ses observations, en précisant que, si son évaluation devait se confirmer, elle adopterait une décision négative pour le projet.

11

Par lettre du 24 septembre 2013, la République de Pologne a répondu aux observations de la Commission, en transmettant un document contenant les réponses de la requérante aux questions de la Commission.

12

Le 7 avril 2014, sur le fondement de l’article 41, paragraphe 3, du règlement no 1083/2006, la Commission a adopté la décision C(2014) 2289 final (ci-après la « décision attaquée »), par laquelle elle refusait l’octroi d’une contribution financière au projet (article 1er). La décision attaquée précise que toute dépense relative au projet dans un état des dépenses antérieur à la décision doit être rectifiée lors de l’état des dépenses successif (article 2). La décision attaquée est adressée à la République de Pologne (article 3).

Procédure et conclusions des parties

13

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 juin 2014, la requérante a introduit le présent recours, tendant à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée ;

condamner la Commission aux dépens.

14

Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 2 octobre 2014, la Commission a introduit une exception d’irrecevabilité, au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, tendant à ce qu’il plaise à ce dernier :

rejeter le recours comme irrecevable ;

condamner la requérante aux dépens.

15

La requérante a déposé ses observations sur l’exception d’irrecevabilité au greffe du Tribunal le 21 novembre 2014, tendant à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter les objections de la Commission et déclarer le recours recevable ;

fixer un délai pour la réponse de la Commission sur le fond ;

condamner la Commission aux dépens de cette phase de la procédure.

16

Par ordonnance du Tribunal (quatrième chambre) du 25 mars 2015, l’exception d’irrecevabilité a été jointe au fond et les dépens ont été réservés.

17

Le 7 mai 2015, la Commission a déposé au greffe du Tribunal le mémoire en défense, tendant à ce qu’il plaise au Tribunal :

déclarer le recours irrecevable ;

à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

condamner la requérante aux dépens.

18

La requérante a déposé la réplique au greffe du Tribunal le 3 juillet 2015 et la Commission a déposé la duplique au greffe du Tribunal le 22 septembre 2015.

19

Par acte déposé au greffe du Tribunal le 12 novembre 2015, la requérante a demandé la tenue d’une audience.

20

Par acte déposé au greffe du Tribunal le 14 décembre 2015, la Commission a demandé la jonction de la présente affaire à l’affaire enregistrée sous la référence T‑403/15, JYSK/Commission. La requérante a déposé des observations sur la demande de jonction le 6 janvier 2016. Par décision du 18 mars 2016, le président de la quatrième chambre du Tribunal a décidé de ne pas joindre les deux affaires à ce stade de la procédure.

21

Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l’audience du 24 novembre 2016.

En droit

Observations liminaires

22

Il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions visées aux premier et deuxième alinéas de cette disposition, un recours contre les décisions dont elle est destinataire et contre les décisions qui, bien que prises sous l’apparence d’un règlement ou d’une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et ne comportent pas de mesures d’exécution.

23

En outre, selon une jurisprudence constante de la Cour, ne constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation que les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci (voir, en ce sens, arrêts du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 9, et du 20 septembre 2016, Mallis e.a./Commission et BCE, C‑105/15 P à C‑109/15 P, EU:C:2016:702, point 51 et jurisprudence citée).

24

En l’espèce, il est constant, d’une part, que la décision attaquée ne constitue pas un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution et, d’autre part, qu’elle a été notifiée par la Commission à la République de Pologne, de sorte que la requérante ne peut pas être considérée comme destinataire de ladite décision au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

25

Dans ces conditions, il y a lieu de vérifier si la requérante est recevable à former un recours en annulation contre ladite décision au motif qu’elle est directement et individuellement concernée par celle-ci.

Sur l’affectation directe de la requérante

26

Dans l’exception d’irrecevabilité, la Commission soutient, notamment, que la requérante n’est pas directement concernée par la décision attaquée. Elle soutient, en substance, que l’État membre concerné est le seul destinataire d’une décision accordant ou refusant, comme en l’espèce, une contribution financière du FEDER à un grand projet et que cette décision ne produit pas d’effets juridiques directs sur la requérante.

27

La requérante conteste les arguments de la Commission.

28

Dans la requête, la requérante soutient qu’elle est concernée par la décision attaquée car celle-ci, d’une part, la désigne comme « demandeur » et, d’autre part, a pour effet immédiat et direct de la priver des ressources financières nécessaires pour la mise en œuvre du projet, l’empêchant ainsi de le poursuivre et lui faisant supporter les pertes résultant des dépenses déjà engagées. La requérante ajoute que la demande de contribution financière la désigne comme « responsable de la mise en œuvre du projet et bénéficiaire ».

29

Dans les observations sur l’exception d’irrecevabilité, premièrement, la requérante soutient que la Commission se fonde sur une lecture trop formelle de la jurisprudence, sans prendre en compte les facteurs économiques et factuels du cas d’espèce. En particulier, la requérante fait valoir qu’il ressort du dossier que le projet n’était pas viable sans les fonds de l’Union et que la République de Pologne ne souhaitait pas fournir de fonds supplémentaires. La requérante conteste également la thèse de la Commission selon laquelle la décision ne l’empêche pas de chercher un financement alternatif, car elle est contraire à la logique du système de soutien public au développement régional basée sur l’effet d’incitation des subventions.

30

Deuxièmement, en rappelant la jurisprudence en matière d’aide au développement reconnaissant l’affectation directe lorsque la possibilité pour les destinataires de ne pas donner effet à une mesure de l’Union est purement théorique et qu’il n’y a pas de doute quant à leur intention d’agir conformément à celle-ci, la requérante soutient que le pouvoir de la République de Pologne de ne pas donner effet à la décision attaquée est purement théorique. Elle fait valoir qu’il ressort du dossier que les autorités polonaises, à travers les déclarations indiquant qu’elles n’avaient pas l’intention de financer ultérieurement le projet et la clause résolutoire contenue dans le contrat de subvention, ont transféré sur la requérante les conséquences juridiques de la décision attaquée, laquelle produit des effets immédiats sur elle et ne laisse aucune marge de manœuvre à l’État membre. La requérante ajoute que, dès lors que la Commission dispose d’un large pouvoir discrétionnaire en vertu des articles 39 à 41 du règlement no 1083/2006, si le recours du bénéficiaire du financement était irrecevable, la Commission serait exempte de responsabilité, car l’État membre accepte normalement la décision, renonce au projet (dans lequel il n’a pas d’intérêts directs) et utilise les ressources pour d’autres projets.

31

Troisièmement, la requérante fait valoir que le cas d’espèce diffère des cas visés par la jurisprudence concernant les décisions de la Commission réduisant ou arrêtant l’aide en cas d’irrégularité dans la gestion des fonds. En effet, selon la requérante, dans ces derniers cas, la responsabilité de la sélection, de la mise en œuvre et du contrôle des interventions incombe aux États membres, tandis que les grands projets sont soumis à une approbation individuelle préalable de la part de la Commission, ce qui exclut toute responsabilité de l’État membre dans le choix ou l’approbation des projets, lequel agit en tant que simple intermédiaire et n’a pas d’intérêt à contester la décision de la Commission, dès lors qu’il ne supporte aucun risque juridique à l’égard de la société bénéficiaire. Cette dernière ne peut dès lors présenter aucune plainte à l’encontre de l’État, étant donné que le refus de contribution échappe au contrôle de l’État et est une conséquence automatique de la décision de la Commission, laquelle a un intérêt direct pour le bénéficiaire. La requérante conclut en indiquant que cette approche a été confirmée par le Tribunal dans l’arrêt du 19 mai 1994, Consorzio gruppo di azione locale  Murgia Messapica /Commission (T‑465/93, EU:T:1994:56), dont les circonstances factuelles et juridiques correspondent à sa situation.

32

Il résulte d’une jurisprudence constante que la condition selon laquelle une personne physique ou morale doit être directement concernée par la décision faisant l’objet du recours requiert la réunion de deux critères cumulatifs, à savoir que la mesure contestée de l’Union, en premier lieu, produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et, en second lieu, ne laisse aucun pouvoir d’appréciation à ses destinataires qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires (voir arrêt du 10 septembre 2009, Commission/Ente per le Ville Vesuviane et Ente per le Ville Vesuviane/Commission, C‑445/07 P et C‑455/07 P, EU:C:2009:529, point 45 et jurisprudence citée, et ordonnance du 9 juillet 2013, Regione Puglia/Commission, C‑586/11 P, non publiée, EU:C:2013:459, point 31 et jurisprudence citée). Le second critère, relatif à l’absence de pouvoir d’appréciation de l’État membre concerné, est également rempli lorsque la possibilité pour ce dernier de ne pas donner suite à l’acte de l’Union est purement théorique, sa volonté de tirer des conséquences conformes à celui-ci ne faisant aucun doute (voir arrêts du 10 septembre 2009, Commission/Ente per le Ville Vesuviane et Ente per le Ville Vesuviane/Commission, C‑445/07 P et C‑455/07 P, EU:C:2009:529, point 46 et jurisprudence citée, et du 3 mars 2011, Caixa Geral de Depósitos/Commission, T‑401/07, non publié, EU:T:2011:72, point 61 et jurisprudence citée).

33

Il convient donc de vérifier si ces deux critères cumulatifs sont remplis en l’espèce.

Sur le premier critère de l’affectation directe

34

S’agissant du premier critère de l’affectation directe mentionné au point 32 ci-dessus, en premier lieu, il convient de noter que, au sens de l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 1083/2006, le budget de l’Union alloué aux fonds structurels est exécuté dans le cadre de la gestion partagée entre les États membres et la Commission. L’article 59 du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1), prévoit que, lorsque la Commission exécute le budget en gestion partagée, des tâches d’exécution du budget sont déléguées à des États membres. En particulier, au sens de l’article 180 du règlement no 966/2012, la gestion, la sélection et le contrôle des projets financés par les fonds faisant l’objet d’une gestion partagée sont régis par les règlements concernant ces fonds, à savoir, s’agissant du FEDER, par le règlement (CE) no 1080/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relatif au FEDER et abrogeant le règlement (CE) no 1783/1999 (JO 2006, L 210, p. 1), et par le règlement no 1083/2006.

35

En deuxième lieu, par conséquent, afin de déterminer les effets juridiques de la décision attaquée, il y a lieu de prendre en compte le cadre juridique régissant, notamment, la sélection des projets, et tout particulièrement des grands projets, financés par le FEDER.

36

Dans cette perspective, il ressort des dispositions pertinentes du règlement no 1083/2006 que :

les objectifs des fonds structurels sont poursuivis dans le cadre d’une coopération étroite, dénommée partenariat, entre la Commission et chaque État membre (voir article 11, paragraphe 1, du règlement no 1083/2006) ;

les fonds interviennent en complément des actions nationales et leur contribution ne se substitue pas aux dépenses structurelles des États membres (voir article 9, paragraphe 1, et article 15, paragraphe 1, du règlement no 1083/2006) ;

chaque État membre présente à la Commission un cadre de référence stratégique national qui assure la cohérence des interventions des fonds avec les orientations stratégiques de l’Union pour la cohésion et constitue un instrument de référence pour préparer la programmation des fonds (voir article 27, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1083/2006) ;

dans chaque État membre, l’action des fonds prend la forme de programmes opérationnels établis par l’État membre et présentés à la Commission pour évaluation et adoption (voir article 32, paragraphes 1 à 5, du règlement no 1083/2006) ;

les États membres sont responsables de la gestion et du contrôle des programmes opérationnels et, à cette fin, désignent notamment une autorité de gestion, une autorité de certification, ainsi que, éventuellement, des organismes intermédiaires pour réaliser tout ou partie de leurs tâches, et une autorité d’audit (voir article 58, article 59, paragraphes 1 et 2, et article 70, paragraphe 1, du règlement no 1083/2006). L’autorité de gestion est chargée de la gestion et de la mise en œuvre du programme opérationnel et, notamment, « de veiller à ce que les opérations soient sélectionnées en vue d’un financement selon les critères applicables au programme opérationnel et [à ce] qu’elles soient conformes, pendant toute la durée de leur exécution, aux règles [de l’Union] et [règles] nationales applicables » [voir article 60, sous a), du règlement no 1083/2006] ;

pour chaque programme opérationnel, les États membres instituent un comité de suivi, qui s’assure de l’efficacité et de la qualité de la mise en œuvre du programme opérationnel, notamment en examinant et en approuvant les critères de sélection des opérations financées (voir articles 63 et 65 du règlement no 1083/2006) ;

chaque opération, à savoir un projet ou un groupe de projets visant à réaliser les objectifs du programme opérationnel, est sélectionnée par l’autorité de gestion selon les critères fixés par le comité de suivi (voir article 2, point 3, du règlement no 1083/2006) ;

lorsque l’État membre sélectionne un grand projet, à savoir « des dépenses comprenant un ensemble de travaux, d’activités ou de services destiné à remplir par lui-même une fonction indivisible à caractère économique ou technique précis, qui vise des objectif clairement identifiés et dont le coût total excède 50 [millions d’euros] » (voir article 39 du règlement no 1083/2006), et l’inclut dans un programme opérationnel en vue de son financement par le FEDER, celui-ci doit être approuvé par la Commission, afin que soient évalués sa finalité et son impact ainsi que l’utilisation envisagée des ressources de l’Union (voir considérant 49 du règlement no 1083/2006) :

à cette fin, le grand projet est présenté à la Commission par l’État membre, ou son autorité de gestion, avec transmission des informations visées à l’article 40 du règlement no 1083/2006 (voir article 41, paragraphe 1, de ce règlement) ;

l’État membre ou l’autorité de gestion présente la demande d’intervention conformément aux schémas de demande (libellés « Grand projet - Demande de confirmation de financement en vertu des articles 39 à 41 du règlement […] no 1083/2006 ») prévus aux annexes XX à XXII du règlement no 1828/2006 [voir article 40, paragraphe 2, sous e), et paragraphe 3, de ce dernier règlement] ;

sur la base des informations contenues dans ladite demande, la Commission évalue la cohérence du grand projet avec les priorités du programme opérationnel ou des programmes concernés, sa contribution à la réalisation des objectifs de ces priorités et sa cohérence avec les autres politiques de l’Union (voir article 41, paragraphe 1, du règlement no 1083/2006) ;

à condition que la demande soit soumise conformément à l’article 40 du règlement no 1083/2006, la Commission adopte une décision dans les plus brefs délais et au plus tard trois mois après la présentation du grand projet (voir article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006) ;

la décision de la Commission, lorsqu’elle est positive, décrit l’objet physique du projet et indique l’assiette sur laquelle le taux du cofinancement s’applique et le plan de contribution du fonds (voir article 41, paragraphe 2, du règlement no 1083/2006) ;

lorsque la Commission refuse la contribution au grand projet, elle en communique les raisons à l’État membre (voir article 41, paragraphe 3, du règlement no 1083/2006) ;

lorsque la Commission refuse la contribution à un grand projet et que l’État membre a déjà inclus des paiements relatifs audit grand projet dans un état des dépenses soumis à la Commission, l’état des dépenses suivant l’adoption de la décision de refus doit être rectifié en conséquence (voir article 78, paragraphe 4, du règlement no 1083/2006).

37

Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que c’est dans le cadre des seules relations entre la Commission et l’État membre que se déroulent les opérations visant à ce que la Commission évalue et confirme ou non à un État membre une contribution financière du FEDER pour un grand projet (voir, par analogie, ordonnance du 6 mars 2012, Northern Ireland Department of Agriculture and Rural Development/Commission, T‑453/10, non publiée, EU:T:2012:106, point 46).

38

En effet, il ressort des dispositions rappelées au point 36 ci-dessus que c’est l’État membre qui est responsable de la sélection des opérations financées par le biais du FEDER, y compris des grands projets ; que c’est toujours l’État membre qui, après avoir sélectionné un grand projet en vue de son financement par le FEDER dans le cadre d’un programme opérationnel, présente à la Commission une demande de confirmation contenant les informations qui y sont afférentes et qui, le cas échéant, les complète ; que c’est sur la base de cette demande que la Commission évalue le grand projet ; que le résultat de l’évaluation n’est communiqué par la Commission qu’à l’État membre et que, lorsque la Commission refuse une contribution à un grand projet, il incombe à l’État membre de rectifier les états des dépenses déjà soumis à la Commission qui contiendraient des dépenses relatives audit grand projet. C’est donc à l’État membre concerné que la Commission accorde ou refuse une contribution financière du FEDER pour un grand projet. Partant, c’est l’État membre concerné qui est titulaire du droit au concours financier de l’Union en question (voir, par analogie, ordonnance du 9 juin 2016, IREPA/Commission et Cour des comptes, T‑825/14, non publiée, EU:T:2016:345, point 38).

39

Cela est conforme au fait que, selon la jurisprudence, le concours du FEDER est conçu comme un système entre la Commission et l’État membre (voir, en ce sens, arrêt du 3 mars 2011, Caixa General de Depósitos/Commission, T‑401/07, non publié, EU:T:2011:72, point 69).

40

En troisième lieu, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la désignation, dans une décision d’octroi d’un concours financier de l’Union au titre du FEDER, d’une entité comme autorité responsable de la réalisation du projet n’implique pas que cette entité soit elle-même titulaire du droit audit concours. Le fait qu’une entité soit mentionnée comme autorité responsable de la demande de concours financier n’a pas non plus comme conséquence de la placer dans un rapport direct avec le concours de l’Union. De même, le fait qu’une entité soit désignée comme bénéficiaire du concours financier n’implique pas qu’elle soit titulaire du droit audit concours. Or, c’est l’État membre, en tant que destinataire de la décision d’octroi du concours financier du FEDER, qui doit être considéré comme titulaire du droit audit concours (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2009, Commission/Ente per le Ville Vesuviane et Ente per le Ville Vesuviane/Commission, C‑445/07 P et C‑455/07 P, EU:C:2009:529, points 47 à 54 et jurisprudence citée, et ordonnance du 14 septembre 2011, Regione Puglia/Commission, T‑84/10, non publiée, EU:T:2011:468, point 30 et jurisprudence citée ; voir également, par analogie, ordonnances du 21 mai 2015, APRAM/Commission, T‑403/13, non publiée, EU:T:2015:317, points 36 et 62 et jurisprudence citée, et du 9 juin 2016, IREPA/Commission et Cour des comptes, T‑825/14, non publiée, EU:T:2016:345, points 38 à 40 et jurisprudence citée).

41

Il découle de la jurisprudence visée au point 40 ci-dessus que, en l’espèce, c’est la République de Pologne, et non la requérante, qui doit être considérée comme étant le titulaire du droit au concours du FEDER pour le projet.

42

En quatrième lieu, il convient de rappeler que, en l’espèce, conformément aux dispositions rappelées au point 36 ci-dessus, c’est effectivement la République de Pologne qui, le 10 septembre 2012, a présenté à la Commission une demande de contribution financière du FEDER pour le projet (voir point 4 ci-dessus).

43

En outre, par la décision attaquée, la Commission a refusé ladite contribution financière à la République de Pologne (voir point 12 ci-dessus). En effet, d’une part, l’article 3 de la décision attaquée désigne la République de Pologne comme l’unique destinataire de cette décision. D’autre part, l’article 1er de la décision attaquée, par son refus d’accorder une contribution du FEDER, a pour effet d’exclure que la République de Pologne puisse imputer au FEDER ses éventuelles dépenses relatives au projet. De ce fait, l’article 2 de la décision attaquée contraint la République de Pologne à rectifier toute dépense relative au projet qui aurait déjà été soumise à la Commission dans un état des dépenses antérieur à ladite décision.

44

Partant, en vertu de la décision attaquée, c’est la République de Pologne qui a été privée d’une contribution financière du FEDER pour le financement du projet et qui doit rectifier les éventuelles dépenses relatives à ce projet déjà soumises à la Commission.

45

Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la décision attaquée ne produit pas d’effets sur la situation juridique de la requérante et que, par conséquent, le premier critère de l’affectation directe n’est pas rempli en l’espèce.

46

Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments avancés par la requérante.

47

Premièrement, la circonstance que la requérante ait assisté les autorités polonaises dans la préparation de leurs réponses aux lettres de la Commission et qu’elle ait demandé la tenue d’une réunion avec les services de la Commission, à laquelle elle a participé, ne démontre pas l’existence d’un lien direct entre la requérante et la décision attaquée, l’existence d’un tel lien ne pouvant être établie que lorsque l’acte attaqué produit directement des effets sur la situation juridique de la partie requérante sans application d’autres règles intermédiaires (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2010, Provincie Groningen et Provincie Drenthe/Commission, T‑69/09, non publiée, EU:T:2010:423, points 51 et 52 et jurisprudence citée).

48

Deuxièmement, la circonstance évoquée par la requérante selon laquelle les considérants 6, 15 et 17 de la décision attaquée se réfèrent, par une rédaction certes malheureuse, à elle en tant que « demandeur » et le formulaire de demande présenté par la République de Pologne la désigne comme « organisation responsable de la réalisation du projet (bénéficiaire) » (section A.2.1 du formulaire de demande) et se réfère à elle dans la description du projet (section B.1.2 du formulaire de demande) n’implique pas qu’elle se trouve en rapport direct avec le concours financier du FEDER ou qu’elle soit elle-même titulaire du droit audit concours (voir, par analogie, ordonnances du 25 septembre 2008, Regione Siciliana/Commission, T‑363/03, non publiée, EU:T:2008:403, point 25, et du 14 septembre 2011, Regione Puglia/Commission, T‑84/10, non publiée, EU:T:2011:468, point 34).

49

Troisièmement, la requérante soutient que la jurisprudence rappelée au point 40 ci-dessus ne serait pas applicable en l’espèce au motif que, dans cette jurisprudence concernant des affaires de réduction, de suppression ou de clôture du concours, la responsabilité pour la sélection, la mise en œuvre et le contrôle des projets incombait aux États membres, la Commission n’effectuant aucun choix. Elle soutient que, au contraire, en matière de grands projets, tel qu’en l’espèce, l’État membre agirait en tant que « simple intermédiaire » et ne serait pas responsable du choix ou de l’approbation des projets, qui appartiendrait uniquement à la Commission. Elle ne pourrait ainsi présenter aucune plainte contre l’État membre.

50

Ces arguments ne sauraient être retenus.

51

Tout d’abord, il convient de relever que la jurisprudence visée au point 40 ci-dessus concerne aussi bien des opérations qui ne constituent pas des grands projets que, précisément, des grands projets (arrêt du 2 mai 2006, Regione Siciliana/Commission, C‑417/04 P, EU:C:2006:282, point 1 ; ordonnances du 8 juillet 2004, Regione Siciliana/Commission, T‑341/02, EU:T:2004:228, point 16, et du 25 septembre 2008, Regione Siciliana/Commission, T‑363/03, non publiée, EU:T:2008:403, points 1 et 4).

52

Ensuite, contrairement à ce que la requérante fait valoir, il ressort des dispositions du règlement no 1083/2006 rappelées au point 36 ci-dessus que ce sont les États membres qui sont responsables de la sélection des opérations, y compris des grands projets. La Commission n’effectue aucune sélection des grands projets qui sont proposés aux autorités nationales par les demandeurs, mais procède seulement, et uniquement à l’égard des États membres, à l’évaluation, notamment, de la cohérence et de la contribution (au sens de l’article 41, paragraphe 2, de ce règlement) des grands projets que les autorités nationales ont déjà sélectionnés et lui ont soumis pour confirmer ou non une contribution financière au titre du FEDER.

53

À cet égard, le raisonnement tenu dans l’arrêt du 19 mai 1994, Consorzio gruppo di azione locale  Murgia Messapica /Commission (T‑465/93, EU:T:1994:56), invoqué par la requérante, n’est pas transposable au cas d’espèce. D’une part, il convient de relever que, aux points 25 et 26 dudit arrêt, le Tribunal a concentré son analyse sur la condition de l’affectation individuelle de la partie requérante, en se limitant à indiquer, s’agissant de l’affectation directe, que la décision attaquée en l’espèce avait produit des effets juridiques directs à l’égard de la partie requérante, sans que d’autres instances nationales ou de l’Union se soient interposées. D’autre part, il ressort du point 6 de la communication aux États membres fixant les orientations pour des subventions globales intégrées pour lesquelles les États membres sont invités à présenter des propositions dans le cadre d’une initiative communautaire concernant le développement rural (JO 1991, C 73, p. 33), applicable dans l’affaire en cause, que les « groupes locaux » destinataires de la subvention étaient « sélectionnés en partenariat entre la Commission et les États membres sur la base de propositions plus larges faites par les États membres ». En effet, il ressort dudit arrêt que les autorités italiennes avaient soumis une pluralité de projets à la Commission et que cette dernière en avait sélectionné certains (arrêt du 19 mai 1994, Consorzio gruppo di azione locale  Murgia Messapica /Commission, T‑465/93, EU:T:1994:56, points 5 à 12). Or, en l’espèce, tel que cela a été relevé au point 52 ci-dessus, la sélection des projets n’est pas réalisée par la Commission, mais appartient aux seules autorités nationales.

54

En outre, dès lors que la jurisprudence visée au point 40 ci-dessus a été élaborée dans le cadre d’affaires où le concours du FEDER avait été octroyé à l’État membre et ensuite réduit, voire supprimé, elle est d’autant plus pertinente lorsque le concours du FEDER n’a pas encore été octroyé à l’État membre et, partant, lorsque le rapport entre l’entité désignée comme responsable de la réalisation du projet, responsable de la demande ou bénéficiaire du concours et le concours du FEDER est encore plus indirect.

55

Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel ladite jurisprudence ne serait pas applicable en l’espèce car elle ne pourrait présenter aucune plainte contre l’État membre et devrait ainsi être considérée comme directement affectée par la décision attaquée, il convient de rappeler que, si les particuliers doivent pouvoir bénéficier d’une protection juridictionnelle effective des droits qu’ils tirent de l’ordre juridique de l’Union, l’invocation du droit à une telle protection ne saurait toutefois remettre en cause les conditions posées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Or, conformément à une jurisprudence constante, la protection juridictionnelle des personnes physiques ou morales qui ne peuvent pas, en raison des conditions de recevabilité prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, attaquer directement des actes de l’Union du type de la décision litigieuse doit être assurée de manière efficace par les voies de recours devant les juridictions nationales. Celles-ci sont, conformément au principe de coopération loyale énoncé à l’article 4 TFUE, tenues d’interpréter et d’appliquer, dans toute la mesure du possible, les règles internes de procédure gouvernant l’exercice des recours d’une manière qui permette auxdites personnes de contester en justice la légalité de toute décision ou de toute autre mesure nationale relative à l’application à leur égard d’un acte de l’Union tel que celui en cause, en excipant de l’invalidité de ce dernier et en amenant ainsi ces juridictions à interroger à cet égard la Cour par la voie de questions préjudicielles (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2009, Commission/Ente per le Ville Vesuviane et Ente per le Ville Vesuviane/Commission, C‑445/07 P et C‑455/07 P, EU:C:2009:529, points 65 et 66 et jurisprudence citée, et ordonnance du 9 juin 2016, IREPA/Commission et Cour des comptes, T‑825/14, non publiée, EU:T:2016:345, points 48 et 49 et jurisprudence citée).

56

En l’espèce, dans le respect du droit national applicable, la requérante aurait notamment pu s’opposer, devant le juge national compétent, à la résiliation du contrat ou au remboursement demandé par les autorités polonaises en vertu dudit contrat, en excipant de l’invalidité de la décision attaquée déclenchant lesdites demandes. La requérante aurait pu amener ainsi le juge national à interroger la Cour sur la validité de la décision attaquée par la voie de questions préjudicielles.

57

En tout état de cause, il importe de souligner que l’exigence d’une protection juridictionnelle effective ne saurait aboutir à écarter la condition de l’affectation directe posée par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (voir ordonnance du 9 juin 2016, IREPA/Commission et Cour des comptes, T‑825/14, non publiée, EU:T:2016:345, point 50 et jurisprudence citée).

58

Quatrièmement, les prétendues circonstances négatives évoquées par la requérante, à savoir la privation des ressources nécessaires pour mettre en œuvre le projet, l’impossibilité de poursuivre le projet et l’obligation de supporter les pertes résultant des dépenses déjà engagées, à les supposer établies, ne découlent ni de la décision attaquée elle-même ni des dispositions du droit de l’Union ayant vocation à régir ses effets, mais des conséquences que, dans le cadre du contrat, les autorités polonaises et la requérante ont attribuées à ladite décision.

59

En effet, c’est l’article 5, paragraphes 24 et 26, du contrat qui prévoit sa résiliation en cas de décision négative de la Commission sur la demande de confirmation et, dans ce cas, l’obligation pour la requérante de rembourser les fonds déjà reçus des autorités polonaises, y compris ceux ne provenant pas du FEDER. Partant, les conséquences et les obligations découlant du contrat s’interposent entre la situation juridique de la requérante et la décision attaquée (voir, par analogie, ordonnance du 6 juin 2002, SLIM Sicilia/Commission, T‑105/01, EU:T:2002:147, point 53).

Sur le second critère de l’affectation directe

60

S’agissant du second critère de l’affectation directe mentionné au point 32 ci-dessus, il convient de rappeler que l’interposition d’une volonté autonome du destinataire entre la décision et ses répercussions sur la partie requérante implique que celle-ci n’est pas affectée directement. Si la décision du destinataire n’est imposée juridiquement ni par le droit de l’Union ni par la décision concrète de la Commission, mais qu’elle repose sur une décision autonome de l’État membre, il n’existe alors aucun lien direct entre la décision de la Commission et la partie requérante (voir ordonnance du 6 mars 2012, Northern Ireland Department of Agriculture and Rural Development/Commission, T‑453/10, non publiée, EU:T:2012:106, point 54 et jurisprudence citée).

61

Or, il convient de rappeler que, en l’espèce, l’article 1er de la décision attaquée a pour effet de refuser à la République de Pologne une contribution du FEDER pour le projet. Cette disposition implique donc que les éventuelles dépenses de la République de Pologne relatives à ce projet ne seront pas prises en charge par le FEDER.

62

L’article 2 de la décision attaquée, conformément à l’article 78, paragraphe 4, du règlement no 1083/2006, impose à la République de Pologne l’obligation de rectifier les états des dépenses déjà soumis à la Commission qui contiendraient des dépenses relatives au projet.

63

Dans ces circonstances, l’exécution de la décision attaquée par la République de Pologne requiert uniquement que, d’une part, lesdites dépenses ne soient pas déclarées à la Commission et que, d’autre part, si de telles dépenses ont déjà été déclarées à la Commission dans un état des dépenses antérieur à la décision attaquée, l’état des dépenses suivant soit rectifié en conséquence.

64

Force est donc de constater que l’exécution de la décision attaquée par la République de Pologne n’implique, en vertu de la décision attaquée elle-même ou des dispositions du droit de l’Union ayant vocation à régir son effet, aucune conséquence pour la requérante, ses effets étant circonscrits aux seules relations entre l’Union, notamment le FEDER, et la République de Pologne.

65

Ainsi, la décision attaquée n’empêche pas la requérante de réaliser le projet ou la République de Pologne de le financer au moyen de ressources financières autres que celles provenant du FEDER. De même, la décision attaquée n’impose pas à la République de Pologne de résilier le contrat ou de recouvrer des sommes qu’elle aurait versées à la requérante pour la réalisation du projet.

66

Or, au point 84 des conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer dans l’affaire Regione Siciliana/Commission (C‑417/04 P, EU:C:2006:28), en l’absence d’une contribution du FEDER, il a été relevé ce qui suit :

« C’est à […] l’État membre concerné qu’il incombe de décider du futur de ce qui constitue véritablement son propre projet. Il dispose de solutions diverses, comme l’abandonner, le suspendre ou le céder, mais il a aussi la faculté d’assumer le coût financier à charge de son budget pour en garantir la réalisation. Bien que [le refus d’une contribution ait des inconvénients], lorsqu’elle [refuse la contribution], la Commission ne préjuge ni n’anticipe, pas plus qu’elle ne recommande, la façon dont l’État membre doit procéder pour déterminer l’avenir de ses projets de développement territorial. »

67

Dans ces circonstances, il y a lieu de constater qu’aucune répercussion pour la requérante ne découle directement de la décision attaquée en vertu du droit de l’Union ou de la décision elle-même et que, partant, le second critère de l’affectation directe n’est pas non plus rempli en l’espèce.

68

Ces considérations ne sont pas remises en cause par les arguments de la requérante.

69

Premièrement, le fait évoqué par la requérante que les autorités polonaises aient fait état de leur intention de ne pas subventionner ultérieurement le projet en absence de contribution du FEDER, à le supposer établi, ne découle nullement de la décision attaquée et, en tout état de cause, constitue l’expression de l’existence d’une volonté autonome desdites autorités, en l’absence de toute obligation découlant à cet égard de la décision attaquée ou du droit de l’Union (voir, par analogie, arrêt du 10 septembre 2009, Commission/Ente per le Ville Vesuviane et Ente per le Ville Vesuviane/Commission, C‑445/07 P et C‑455/07 P, EU:C:2009:529, point 56).

70

En effet, conformément à la jurisprudence, l’intention de la République de Pologne de ne plus financer le projet ne peut pas suffire pour établir l’intérêt direct requis par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, car un État membre aurait ainsi la possibilité de décider si la personne concernée dispose ou non de la qualité pour agir devant les juridictions de l’Union (voir, en ce sens, ordonnances du 14 septembre 2011, Regione Puglia/Commission, T‑84/10, non publiée, EU:T:2011:468, point 52, et du 21 mai 2015, APRAM/Commission, T‑403/13, non publiée, EU:T:2015:317, point 49).

71

Deuxièmement, le fait que, tel que cela est indiqué au point 3 ci-dessus, l’article 5, paragraphe 24, du contrat prévoit la résiliation de ce contrat en cas de refus d’octroi de la contribution par la Commission ne permet pas non plus de conclure à l’absence de marge d’appréciation des autorités polonaises en vertu de la décision attaquée.

72

En effet, tout d’abord, dans la mesure où un tel argument consiste à invoquer une prétendue absence de marge d’appréciation découlant du contrat et non de la réglementation de l’Union, il repose sur une lecture erronée de la jurisprudence citée aux points 32 et 60 ci-dessus, selon laquelle l’absence de marge d’appréciation doit précisément découler du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 14 septembre 2011, Regione Puglia/Commission, T‑84/10, non publiée, EU:T:2011:468, point 50 et jurisprudence citée).

73

Ensuite, par analogie avec les observations formulées aux points 69 et 70 ci-dessus, il convient d’observer que le fait même que les autorités polonaises et la requérante aient décidé de résilier le contrat en cas de refus du concours du FEDER constitue également l’expression de l’existence de leur volonté autonome, en l’absence de toute obligation découlant à cet égard du droit de l’Union. Enfin, si la seule existence d’une telle clause était suffisante pour établir l’intérêt direct requis par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, cela reviendrait, d’une part, à permettre aux parties à un tel contrat de décider si la personne concernée dispose ou non de la qualité pour agir devant les juridictions de l’Union et, d’autre part, à apprécier différemment la situation d’une personne prétendument concernée par une décision de la Commission selon qu’elle a conclu ou non un tel contrat avec les autorités nationales, selon les pratiques existantes dans chaque État membre.

74

Troisièmement, l’argument invoqué par la requérante lors de l’audience, tiré du fait que la République de Pologne ne serait pas libre d’affecter au projet d’autres fonds provenant du budget national, à supposer même que ladite circonstance soit établie, repose également, à la lumière de la jurisprudence rappelée au point 72 ci-dessus, sur une lecture erronée du droit de l’Union, dans la mesure où il consiste à invoquer une prétendue absence de marge d’appréciation découlant du droit national et non de la réglementation de l’Union.

75

Quatrièmement, la jurisprudence invoquée par la requérante au soutien de la thèse de l’absence d’un pouvoir d’appréciation des autorités polonaises, à savoir les arrêts du 23 novembre 1971, Bock/Commission (62/70, EU:C:1971:108), du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission (11/82, EU:C:1985:18), du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission (C‑386/96 P, EU:C:1998:193), du 5 mai 1998, Compagnie Continentale (France)/Commission (C‑391/96 P, EU:C:1998:194), et du 5 mai 1998, Glencore Grain/Commission (C‑403/96 P, EU:C:1998:195), n’est pas transposable en l’espèce.

76

En effet, il convient de rappeler que la Cour elle-même a jugé que la solution consacrée dans lesdits arrêts revêt un caractère exceptionnel qui s’explique par les situations spécifiques au regard desquelles elle a été rendue et que cela ressort des termes mêmes de ces arrêts (voir, en ce sens, ordonnance du 6 mars 2014, Northern Ireland Department of Agriculture and Rural Development/Commission, C‑248/12 P, non publiée, EU:C:2014:137, points 23 et 26). La Cour a donc rappelé que c’est à titre exceptionnel qu’elle avait jugé que la partie requérante pouvait être directement affectée, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, dès lors que d’autres facteurs, parmi lesquels la faculté purement théorique de ne pas donner suite à la décision en cause, permettaient de conclure à l’existence d’un intérêt direct la concernant (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2009, Commission/Ente per le Ville Vesuviane et Ente per le Ville Vesuviane/Commission, C‑445/07 P et C‑455/07 P, EU:C:2009:529, point 58, et ordonnance du 6 mars 2014, Northern Ireland Department of Agriculture and Rural Development/Commission, C‑248/12 P, non publiée, EU:C:2014:137, point 25).

77

En particulier, s’agissant des arrêts du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission (C‑386/96 P, EU:C:1998:193), du 5 mai 1998, Compagnie Continentale (France)/Commission (C‑391/96 P, EU:C:1998:194), et du 5 mai 1998, Glencore Grain/Commission (C‑403/96 P, EU:C:1998:195), il convient de rappeler que, dans ces arrêts, la Cour s’était appuyée sur le contexte socio-économique dans lequel s’était inscrite la conclusion du contrat de fourniture en cause, caractérisé par la situation économique et financière critique à laquelle devait faire face le bénéficiaire ainsi que l’aggravation de sa situation alimentaire et médicale, et sur le fait que, dans ces conditions, la fourniture des céréales en cause ne pouvait s’effectuer qu’au moyen des ressources financières mises à disposition par l’Union. Ainsi, l’inclusion d’une clause suspensive dans le contrat de fourniture ne faisait que refléter la subordination économique objective du contrat de fourniture en cause aux ressources financières mises à disposition par l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C‑386/96 P, EU:C:1998:193, points 50 et 51).

78

Or, le présent cas d’espèce ne se caractérise pas par un contexte factuel et économique analogue, où, sans la contribution du FEDER, la requérante serait privée de toute possibilité effective de réaliser le projet ou de disposer des ressources nécessaires à cette fin, dès lors que la contribution du FEDER est loin d’être la seule source de financement du projet et que, au contraire, il ressort du dossier déposé devant le Tribunal que celui-ci aurait été financé à environ 84 % par des fonds privés ainsi qu’à environ 2 % par d’autres fonds de l’État membre concerné.

79

De même, s’agissant des affaires ayant donné lieu aux arrêts du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission (11/82, EU:C:1985:18), et du 23 novembre 1971, Bock/Commission (62/70, EU:C:1971:108), il convient de rappeler qu’elles concernaient des cas particuliers où la Commission avait autorisé, à la demande d’un État membre, l’adoption par ce dernier de mesures de sauvegarde. Dans ces circonstances, la Cour a pu considérer qu’il ne faisait aucun doute que l’État membre ayant demandé lesdites mesures allait y donner suite pour en tirer toutes les conséquences (voir, en ce sens, ordonnance du 8 juillet 2004, Regione Siciliana/Commission, T‑341/02, EU:T:2004:228, point 79). Or, il ne saurait en aller de même en l’espèce, puisque la République de Pologne n’a pas demandé à la Commission d’adopter une décision lui permettant de refuser une contribution financière au projet.

80

Cinquièmement, les arguments de la requérante tirés du fait que le projet ne serait pas viable sans la contribution du FEDER et que ces fonds auraient eu un « effet d’incitation » se basent sur une conception erronée du concours du FEDER. En effet, le concours du FEDER est adressé à l’État membre, lequel peut l’utiliser pour financer des projets, voire des grands projets, dans le cadre d’un ou de plusieurs programmes opérationnels. En revanche, l’entité responsable de la réalisation du projet n’a pas un droit à ce concours et ne se trouve pas dans un rapport direct avec celui-ci. Ainsi, ce n’est pas directement le concours du FEDER qui contribue à la viabilité d’un projet ou qui a un effet d’incitation pour la requérante, mais l’éventuelle subvention que les autorités polonaises pourraient lui accorder, notamment au moyen de fonds provenant du FEDER. Or, la décision attaquée n’empêche pas la République de Pologne de financer le projet, mais seulement d’imputer ces aides au budget de l’Union au titre du FEDER.

81

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que, les deux critères mentionnés au point 32 ci-dessus n’étant pas remplis, la requérante n’est pas directement affectée par la décision attaquée, celle-ci produisant uniquement des effets dans les relations juridiques entre la Commission et la République de Pologne.

82

Il y a donc lieu de conclure que la requérante ne satisfait pas à l’une des conditions de recevabilité posées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, à savoir celle relative à l’affectation directe, de sorte qu’il n’est pas nécessaire d’examiner si la requérante est individuellement concernée par la décision attaquée.

83

Partant, le présent recours doit être rejeté comme irrecevable.

Sur les dépens

84

Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

 

1)

Le recours est rejeté comme irrecevable.

 

2)

Green Source Poland sp. z o.o. supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

 

Van der Woude

Ulloa Rubio

Marcoulli

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 mai 2017.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’anglais

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