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Document 62014TJ0353

Arrêt du Tribunal (huitième chambre) du 15 septembre 2016 (Extraits).
République italienne contre Commission européenne.
Régime linguistique – Avis de concours généraux pour le recrutement d’administrateurs – Choix de la deuxième langue parmi trois langues – Règlement no 1 – Article 1erquinquies, paragraphe 1, article 27 et article 28, sous f), du statut – Principe de non‑discrimination – Proportionnalité.
Affaires T-353/14 et T-17/15.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2016:495

T‑353/14T‑17/1562014TJ0353EU:T:2016:4950001111616TARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)15 septembre 2016 (

*1

)

«Régime linguistique — Avis de concours généraux pour le recrutement d’administrateurs — Choix de la deuxième langue parmi trois langues — Règlement no 1 — Article 1er quinquies, paragraphe 1, article 27 et article 28, sous f), du statut — Principe de non-discrimination — Proportionnalité»

Dans les affaires T‑353/14 et T‑17/15,

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

partie requérante,

soutenue par

République de Lituanie, représentée par M. D. Kriaučiūnas et Mme V. Čepaitė, en qualité d’agents,

partie intervenante dans l’affaire T‑17/15,

contre

Commission européenne, représentée initialement, dans les affaires T‑353/14 et T‑17/15, par MM. J. Currall et G. Gattinara ainsi que, dans l’affaire T‑17/15, par Mme F. Simonetti, puis par M. Gattinara et Mme Simonetti, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, dans l’affaire T‑353/14, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de l’avis de concours général EPSO/AD/276/14, pour la constitution d’une liste de réserve d’administrateurs (JO 2014, C 74 A, p. 4), et, dans l’affaire T‑17/15, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de l’avis de concours général EPSO/AD/294/14, pour la constitution d’une liste de réserve d’administrateurs dans le domaine de la protection des données pour le Contrôleur européen de la protection des données (JO 2014, C 391 A, p. 1),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias (rapporteur), président, Mme M. Kancheva et M. C. Wetter, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 17 mars 2016,

rend le présent

Arrêt ( 1 )

Antécédents du litige

1

L’Office européen de sélection du personnel (EPSO) est un organisme interinstitutionnel, créé en vertu de la décision 2002/620/CE du Parlement européen, du Conseil, de la Commission, de la Cour de justice, de la Cour des comptes, du Comité économique et social, du Comité des régions et du médiateur, du 25 juillet 2002, portant création de l’EPSO (JO 2002, L 197, p. 53). En application de l’article 2, troisième alinéa, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci‑après le « statut »), dans sa version antérieure au règlement (CE, Euratom) no 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut (JO 2004, L 124, p. 1), les institutions signataires de cette décision ont, par son article 2, paragraphe 1, confié à l’EPSO l’exercice des pouvoirs de sélection qui sont dévolus, par l’article 30, premier alinéa, du statut et par l’annexe III du statut à leurs autorités investies du pouvoir de nomination. En outre, selon l’article 2, paragraphe 2, de ladite décision, l’EPSO peut exercer les pouvoirs visés au paragraphe 1 lorsqu’ils sont dévolus à l’autorité investie du pouvoir de nomination d’un organisme, organe ou agence institué par les traités ou sur la base de ceux-ci, sur demande de ce dernier. L’article 4 de la même décision prévoit que, alors que, en application de l’article 91 bis du statut, les demandes et les réclamations relatives à l’exercice des pouvoirs dévolus à l’EPSO sont introduites auprès de celui-ci, tout recours dans ces domaines est dirigé contre la Commission européenne.

2

Le 1er mars 2014, l’EPSO a publié au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2014, C 60 A, p. 1) les dispositions générales applicables aux concours généraux (ci-après les « dispositions générales »).

3

Au point 1.3 des dispositions générales, intitulé « Éligibilité », il est indiqué, sous le titre « Connaissances linguistiques », ce qui suit :

« Selon le concours, il vous sera demandé d’apporter la preuve de vos connaissances des langues officielles de l’UE. En règle générale, vous devrez disposer de connaissances solides dans l’une des langues officielles de l’UE et de connaissances satisfaisantes dans une autre. Toutefois, l’avis de concours peut imposer des exigences plus strictes (c’est notamment le cas pour les profils de linguistes). Sauf spécification contraire dans l’avis de concours, le choix de la deuxième langue sera normalement limité à l’anglais, au français ou à l’allemand. »

4

Dans la note en bas de page no 7 des dispositions générales, il est précisé que « [c]onformément à l’arrêt rendu par la [Cour de justice] dans l’affaire C‑566/10 P, Italie/Commission, les institutions de l’[Union européenne] doivent formuler les raisons pour lesquelles elles restreignent le choix de la deuxième langue à un petit nombre de langues officielles de l’UE ».

5

Au même point 1.3 des dispositions générales, il est, par ailleurs, indiqué ce qui suit :

« Lors de l’organisation de concours généraux, EPSO applique les “Lignes directrices générales sur l’utilisation des langues dans les concours EPSO” adoptées le 15 mai 2013 par le collège des chefs d’administration.

Dans la pratique, les institutions européennes utilisent depuis longtemps l’anglais, le français et l’allemand principalement pour la communication interne et ce sont également ces langues qui sont le plus souvent nécessaires pour communiquer avec le monde extérieur et gérer les dossiers.

Les options en matière de deuxième langue pour les concours ont été définies dans l’intérêt du service et requièrent des nouvelles recrues qu’elles soient immédiatement opérationnelles et capables de communiquer efficacement dans le cadre de leurs tâches quotidiennes, sans quoi le bon fonctionnement des institutions pourrait être gravement compromis.

Pour garantir l’égalité de traitement de tous les candidats, tous – y compris ceux dont la première langue officielle est l’une des trois langues en question – doivent passer certains tests dans leur deuxième langue, choisie parmi ces trois langues. Apprécier des compétences spécifiques par ce moyen permet aux institutions d’évaluer dans quelle mesure les candidats sont capables d’être immédiatement opérationnels dans un environnement qui correspond étroitement à ce que serait la réalité de leur travail. Rien de tout ceci n’affecte la possibilité d’une formation linguistique ultérieure pour que le personnel puisse travailler dans une troisième langue, comme l’exige l’article 45, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires.

[…] »

6

Les lignes directrices mentionnées au point 5 ci-dessus sont annexées aux dispositions générales (annexe 2), ainsi qu’il ressort de la note en bas de page no 8 de ces dernières.

7

Au point 2.1.4 des dispositions générales, intitulé « Complétez votre acte de candidature électronique », il est précisé que « [t]outes les parties [de l’acte de candidature], y compris l’“évaluateur de talent”, doivent être complétées en anglais, en français ou en allemand, sauf spécification contraire dans l’avis de concours ».

8

Au point 3.1.1 des dispositions générales, intitulé « Communications d’EPSO adressées aux candidats », le paragraphe 1 indique ce qui suit :

« Vos résultats et toutes les convocations vous seront adressés uniquement via votre compte EPSO en anglais, en français ou en allemand. »

9

Le point 3.1.2 des dispositions générales, intitulé « Communications des candidats adressées à l’EPSO », est formulé comme suit :

« Avant de prendre contact avec EPSO, assurez-vous d’avoir lu attentivement toutes les informations contenues dans l’avis de concours, dans les présentes règles générales et sur le site Internet d’EPSO, notamment les “questions les plus fréquentes […]”.

Les coordonnées se trouvent sur le site Internet […] Dans toute correspondance relative à une candidature, les candidats sont tenus de mentionner leur nom tel qu’il apparaît dans leur candidature, le numéro du concours et leur numéro de candidature.

EPSO veille à appliquer les principes du code de bonne conduite administrative […] Toutefois, en vertu de ces mêmes principes, EPSO se réserve le droit de cesser tout échange de correspondance si celle qu’il reçoit des candidats est abusive, car répétitive, outrageante et/ou sans objet. »

10

Au point 4 du code de bonne conduite administrative pour le personnel de la Commission dans ses relations avec le public, annexé à la décision 2000/633/CE, CECA, Euratom de la Commission, du 17 octobre 2000, modifiant son règlement intérieur (JO 2000, L 267, p. 63), auquel il est fait référence au point 9 ci-dessus (ci-après le « code de bonne conduite administrative »), il est précisé, sous le titre « Correspondance », ce qui suit :

« Conformément à l’article 21 du traité instituant la Communauté européenne, la Commission répond aux lettres qu’elle reçoit dans la langue de la correspondance initiale, à condition qu’il s’agisse de l’une des langues officielles de la Communauté. »

11

L’annexe 2 des dispositions générales, intitulée « Orientation générale du collège des chefs d’administration sur l’utilisation des langues dans le cadre des concours EPSO » (ci‑après l’« orientation générale »), indique ce qui suit :

« En règle générale, l’utilisation des langues dans le cadre des concours EPSO est confirmée comme suit :

éléments stables du site web de l’Office dans toutes les langues officielles,

publication dans toutes les langues officielles des avis de concours, y compris ceux destinés aux linguistes et ceux organisés dans le cadre de l’élargissement, ainsi que des dispositions générales applicables aux concours généraux,

tests/épreuves organisés dans toutes les langues officielles :

tests d’accès (raisonnement verbal et numérique),

tests de compréhension linguistique pour le concours de traducteurs,

tests préliminaires de traduction pour les concours de juristes linguistes,

tests intermédiaires d’interprétation (sur PC) pour les concours d’interprètes,

épreuves de compétence (traduction ou interprétation) pour les concours de linguistes.

[…]

les épreuves des centres d’évaluation seront organisées uniquement dans la deuxième langue des candidats au choix parmi l’anglais, le français et l’allemand.

Par analogie, en ce qui concerne les sélections d’agents contractuels organisées par l’Office, les appels à manifestation d’intérêt sont publiés dans toutes les langues officielles.

La limitation du choix de la deuxième langue se justifie par plusieurs facteurs.

Premièrement, l’intérêt du service exige que les nouveaux recrutés soient immédiatement opérationnels et capables d’accomplir efficacement les tâches dans le domaine ou la fonction pour lequel/laquelle ils sont recrutés.

L’anglais, le français et l’allemand demeurent les langues les plus largement employées au sein des institutions. Ils constituent traditionnellement les langues des délibérations dans les réunions entre membres des institutions. En outre, ces trois langues sont les langues véhiculaires utilisées le plus souvent pour la communication interne et externe, comme le confirment les statistiques concernant les langues sources des textes traduits par les services de traduction des institutions.

Au vu des besoins réels des services des institutions en matière d’utilisation des langues dans la communication interne et externe, il est nécessaire d’imposer comme critère de sélection en vertu de l’article 27, paragraphe 1, du statut, une connaissance satisfaisante d’une de ces trois langues et de la tester en simulant une situation de travail réelle. En outre, la connaissance d’une troisième langue prévue par l’article 45, paragraphe 2, du statut ne remplace pas la connaissance d’une de ces trois langues au moment du recrutement.

Deuxièmement, la limitation du choix des langues pour les étapes ultérieures des concours se justifie par la nature des épreuves. Conformément à l’article 27 du statut, les autorités investies du pouvoir de nomination (AIPN) des institutions ont décidé de modifier les procédures de sélection en introduisant, à partir de 2010, des méthodes d’évaluation fondées sur les compétences permettant de mieux prévoir si les candidats seront en mesure d’exercer leurs fonctions.

De nombreuses recherches scientifiques approfondies démontrent que le recours à des centres d’évaluation qui simulent des situations professionnelles réelles est le meilleur moyen de prévoir les performances. Cette méthode est utilisée au niveau mondial comme étant la méthode d’évaluation la plus efficace. Une telle évaluation est essentielle pour les institutions, étant donné la durée des carrières et la mobilité au sein des institutions. Sur la base d’un cadre de compétences déterminé par les AIPN, un certain nombre d’exercices pertinents sont sélectionnés pour évaluer les compétences souhaitées. Or, le recours à cette méthode exige, afin de permettre une évaluation homogène des candidats et la communication directe entre ceux-ci, les évaluateurs et les autres candidats également soumis à cet exercice, que l’épreuve organisée au centre d’évaluation se déroule dans une langue véhiculaire ou, dans certains cas, dans la seule langue principale du concours. Dans le premier cas, la langue véhiculaire doit être choisie parmi les langues que les candidats sont les plus susceptibles de maîtriser déjà.

Cela étant posé, il convient ensuite de prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter toute discrimination entre les candidats. Ainsi, tous les candidats doivent subir cette épreuve dans leur seconde langue, mais puisque cette langue doit également être véhiculaire, le choix doit être limité. Étant donné que les usages historiques décrits ci-dessus correspondent toujours à la réalité interne actuelle, ce choix doit être limité aux langues française, anglaise et allemande. Les centres d’évaluation ne procèdent à aucune évaluation des connaissances linguistiques, et une connaissance satisfaisante de l’une de ces trois langues en tant que deuxième langue suffit largement pour passer les tests (conformément aux exigences minimales énoncées à l’article 28 du statut). Ce niveau de connaissances linguistiques est entièrement proportionné aux besoins réels du service décrits ci‑dessus.

Le recours à l’anglais, au français ou à l’allemand en tant que deuxième langue durant les étapes ultérieures des procédures de concours n’implique aucune discrimination sur la base de la langue maternelle. Il ne s’agit pas d’une restriction de l’utilisation de la langue maternelle. L’obligation faite aux candidats de choisir une deuxième langue, différente de leur première langue (normalement la langue maternelle ou équivalente), parmi l’anglais, le français et l’allemand permet de les comparer sur une base homogène. Il y a également lieu de rappeler qu’une connaissance suffisante de la deuxième langue repose surtout sur les efforts personnels des candidats.

De toute façon, cette exigence est proportionnée aux besoins réels du service. En effet, la limitation du choix de la deuxième langue reflète les connaissances linguistiques de la population européenne. L’anglais, le français et l’allemand ne sont pas seulement les langues de plusieurs États membres de l’Union européenne, mais également celles les plus largement maîtrisées en tant que langue étrangère. Ce sont les langues les plus étudiées en tant que langues étrangères ainsi que celles que la population européenne considère comme les plus utiles à apprendre. Les besoins réels du service semblent donc raisonnablement refléter les capacités linguistiques que l’on peut attendre des candidats, d’autant plus que la connaissance linguistique au sens strict (erreurs de grammaire, d’orthographe ou de vocabulaire) n’est pas évaluée dans le cadre des tests portant sur les compétences. Ainsi, le fait de limiter le choix de la deuxième langue aux trois langues en question ne crée aucun obstacle disproportionné à l’accès des citoyens aux concours. En effet, au vu des informations disponibles, cela correspond assez bien aux habitudes et aux attentes des citoyens.

Le caractère proportionnel et non discriminatoire de la limitation du choix de la deuxième langue pour certaines étapes du concours est corroboré par des statistiques pertinentes. Ainsi, l’anglais, le français et l’allemand étaient aussi les deuxièmes langues les plus choisies par les candidats aux concours, lorsque ceux-ci avaient la possibilité de choisir leur deuxième langue parmi les onze langues officielles dans le cadre des grands concours généraux EU-25 pour administrateurs et assistants, en 2005. Les statistiques relatives aux concours après la réforme de 2010 ne démontrent aucune distorsion en faveur des ressortissants des pays dont l’anglais, le français ou l’allemand est la langue officielle. De même, il s’avère que ces trois langues continuent d’être choisies en tant que deuxième langue par un nombre non négligeable de candidats, comme le montrent les statistiques des épreuves du cycle AD 2010.

Pour les mêmes raisons, il semble justifié d’exiger des candidats qu’ils choisissent l’une de ces langues pour communiquer avec EPSO et compléter l’évaluateur de talent.

Par conséquent, pour trouver un équilibre entre l’intérêt du service et les aptitudes des candidats, il convient d’organiser certaines épreuves dans un nombre réduit de langues de l’Union afin de garantir que les futurs lauréats possèdent des connaissances suffisantes dans une combinaison de langues qui leur permette d’exercer efficacement leurs fonctions et afin d’appliquer des méthodes de sélection fondées sur l’évaluation des performances. Les avis de concours et les guides destinés aux candidats étant publiés dans les 24 langues de l’Union et les candidats ayant la possibilité de se soumettre à l’importante première phase des concours dans la langue maternelle de leur choix parmi les 24 langues de l’Union, il semble qu’un juste équilibre s’établisse entre le principe du multilinguisme et la non-discrimination sur la base de la langue, d’une part, et l’intérêt du service, d’autre part.

Un choix devrait donc être opéré cas par cas en tenant compte à la fois du régime linguistique adopté par le conseil d’administration d’EPSO et des besoins spécifiques des institutions de recruter des lauréats immédiatement opérationnels.

Dans ce contexte, il existe deux cas de figure généraux :

en premier lieu, des profils généraux ou bien des profils spécifiques pour lesquels l’élément principal de la sélection, en plus des compétences générales, demeure l’expertise ou l’expérience dans un domaine ou une fonction en particulier. Ici, le besoin essentiel est de pouvoir travailler et communiquer dans un contexte multilingue où la maîtrise des langues les plus utilisées au sein des institutions justifie un choix limité parmi les langues de l’Union au moment de la sélection.

en second lieu, des profils pour lesquels la connaissance d’une ou de plusieurs langues est d’une importance particulière, comme dans le cas des linguistes ou d’autres profils où les procédures de sélection sont organisées par langue. Dans ce contexte, en plus d’une évaluation des compétences générales comme décrites au premier cas de figure ci-dessus, d’autres épreuves de compétences spécifiques doivent être organisées dans la (les) langue(s) en question.

Même dans le contexte d’une telle orientation, toute décision limitant le nombre de langues des concours devrait être examinée pour chaque concours afin de répondre aux besoins particuliers des institutions pour le(s) profil(s) en question. »

12

Le 13 mars 2014, l’EPSO a publié au Journal officiel de l’Union européenne l’avis de concours général EPSO/AD/276/14, pour la constitution d’une liste de réserve d’administrateurs (JO 2014, C 74 A, p. 4). Le 6 novembre 2014, l’EPSO a publié au Journal officiel de l’Union européenne l’avis de concours général EPSO/AD/294/14, pour la constitution d’une liste de réserve d’administrateurs dans le domaine de la protection des données pour le Contrôleur européen de la protection des données (JO 2014, C 391 A, p. 1). Il s’agit des avis de concours dont l’annulation est demandée par les présents recours (ci-après, pris ensemble, les « avis attaqués »).

13

Il est indiqué dans la partie introductive de chacun des avis attaqués que les dispositions générales en font « partie intégrante ».

14

Au titre des conditions d’admission aux concours concernés par les avis attaqués, ces derniers exigent une connaissance approfondie d’une des langues officielles de l’Union, cette langue étant désignée comme la « langue 1 » du concours et une connaissance satisfaisante d’une deuxième langue, désignée comme « langue 2 » du concours, à choisir par le candidat parmi l’allemand, l’anglais ou le français, étant précisé qu’elle doit obligatoirement être différente de la langue choisie par le candidat en tant que langue 1 (partie III, point 2.3, des avis attaqués).

15

Des précisions sont fournies au point 2.3 de la partie III des avis attaqués, s’agissant de la limitation du choix de la langue 2 aux seules trois langues susmentionnées. L’avis de concours général EPSO/AD/276/14 relève, à cet égard, ce qui suit :

« Au vu de l’arrêt [du 27 novembre 2012, Italie/Commission (C‑566/10 P, Rec, EU:C:2012:752)], les institutions de l’Union souhaitent, dans le cadre du présent concours, motiver la limitation du choix de la deuxième langue à un nombre restreint de langues officielles de l’Union.

Les candidats sont donc informés que les deuxièmes langues retenues aux fins du présent concours ont été définies conformément à l’intérêt des services, qui exige que les nouveaux recrutés soient immédiatement opérationnels et capables de communiquer efficacement dans leur travail quotidien. Le fonctionnement effectif des institutions risquerait autrement d’être gravement entravé.

Eu égard à la longue pratique des institutions de l’Union en ce qui concerne les langues de communication interne, et compte tenu des besoins des services en matière de communication externe et de traitement des dossiers, l’anglais, le français et l’allemand demeurent les langues les plus largement employées. En outre, l’anglais, le français et l’allemand sont les deuxièmes langues les plus répandues dans l’Union et les plus étudiées en tant que deuxièmes langues. Cela confirme le niveau d’études et les compétences professionnelles qui peuvent être actuellement attendus des candidats à des postes au sein des institutions de l’Union, à savoir la maîtrise d’au moins l’une de ces langues. Par conséquent, dans la mise en balance de l’intérêt du service et des aptitudes des candidats, compte tenu du domaine particulier du présent concours, il est justifié d’organiser des épreuves dans ces trois langues afin de garantir que, quelle que soit leur première langue officielle, tous les candidats maîtriseront au moins l’une de ces trois langues officielles au niveau d’une langue de travail. L’appréciation des compétences spécifiques permet ainsi aux institutions de l’Union d’évaluer l’aptitude des candidats à être immédiatement opérationnels dans un environnement proche de celui dans lequel ils seront appelés à travailler.

Pour les mêmes raisons, il est indiqué de limiter la langue de communication entre les candidats et l’institution, y inclus la langue dans laquelle les actes de candidature doivent être rédigés. D’ailleurs, cette exigence assure l’homogénéité [dans la comparaison des candidats et dans le contrôle de leurs actes de candidature].

En outre, dans un souci d’égalité de traitement, tout candidat, même s’il a l’une de ces trois langues comme première langue officielle, est tenu de passer certaines épreuves dans sa deuxième langue, à choisir parmi ces trois langues.

Ces dispositions ne portent pas atteinte à l’apprentissage ultérieur d’une troisième langue de travail conformément à l’article 45, paragraphe 2, du statut. »

16

L’avis de concours général EPSO/AD/294/14 fournit, en substance, les mêmes précisions.

17

La partie IV de l’avis de concours général EPSO/AD/276/14 prévoit l’organisation de tests d’accès, effectués sur ordinateur. Il s’agit d’épreuves de raisonnement verbal [test a)], de raisonnement numérique [test b)], de raisonnement abstrait [test c)] et de jugement situationnel [test d)]. Au point 3 de cette partie de l’avis, il est précisé que la langue des tests a) à c) est la langue 1 du concours, alors que la langue du test d) est la langue 2 du concours.

18

Par ailleurs, la partie IV de l’avis de concours général EPSO/AD/294/14 prévoit également l’organisation de tests d’accès. Il s’agit d’épreuves de raisonnement verbal [test a)], de raisonnement numérique [test b)] et de raisonnement abstrait [test c)]. Au point 3 de cette partie de l’avis, il est précisé que la langue des tests a) à c) est la langue 1 du concours.

19

La partie V de l’avis de concours général EPSO/AD/294/14 définit la procédure d’admission au concours et de la sélection sur titres. Il y est précisé que l’examen des conditions générales et spécifiques et la sélection sur titres sont effectués dans un premier temps sur la base des déclarations des candidats faites dans l’acte de candidature. Les réponses des candidats aux questions relatives aux conditions générales et spécifiques sont traitées afin de déterminer s’ils font partie de la liste des candidats qui remplissent toutes les conditions d’admission au concours, conformément à ce qui est prévu au titre III de l’avis EPSO/AD/294/14. Ensuite, le jury procède, pour les candidats qui remplissent les conditions d’admission au concours concerné, à une sélection sur titres, afin d’identifier les candidats qui possèdent les qualifications les plus pertinentes, notamment en ce qui concerne leurs diplômes et leur expérience professionnelle, par rapport à la nature des fonctions et aux critères de sélection décrits dans l’avis EPSO/AD/294/14. Cette sélection s’effectue uniquement sur la base des déclarations des candidats faites dans l’onglet « évaluateur de talent », selon une notation établie dans la partie V, point 1, sous b), de l’avis EPSO/AD/294/14.

20

Les critères de sélection pris en considération par le jury dans le cadre de la sélection sur titres sont définis au point 2 de la partie V de l’avis EPSO/AD/294/14, comme suit :

« 1)

Un diplôme universitaire en droit européen ;

2)

Un diplôme universitaire comportant une spécialisation dans le domaine de la protection des données ;

3)

Une formation certifiée en matière de protection des données […] en plus des titres et diplômes requis pour l’accès au concours ;

4)

Expérience professionnelle d’au moins un an et demi en matière de protection des données acquise dans les institutions européennes ou dans une autorité nationale de la protection des données ou dans l’administration publique nationale en plus de celle requise pour l’accès au concours ;

5)

Expérience professionnelle en matière de rédaction d’avis, de décisions ou de conclusions devant la Cour de justice de l’Union européenne, relatifs à la législation européenne en matière de protection de données ;

6)

Expérience professionnelle en matière de rédaction de rapports relatifs aux contrôles préalables, consultations et plaintes en matière de protection des données ;

7)

Expérience professionnelle en matière de rédaction d’avis relatifs à la législation européenne en matière de protection des données […] ;

8)

Expérience professionnelle en matière d’enquêtes ou d’audit pour analyser le respect du traitement des données personnelles aux réglementations en vigueur ;

9)

Expérience professionnelle en matière de technologies modernes d’information et de la communication (TIC) afin de pouvoir évaluer l’impact de leur utilisation sur la protection des données. »

21

L’ultime étape des procédures de sélection concernées par les avis attaqués consiste en un « centre d’évaluation » (partie V de l’avis EPSO/AD/276/14 ; partie VI de l’avis EPSO/AD/294/14).

22

Au point 3 de la partie V de l’avis EPSO/AD/276/14, il est indiqué que la langue du centre d’évaluation est la langue 2 du concours.

23

Selon le point 2 de la partie VI de l’avis EPSO/AD/294/14, dans le cadre de l’épreuve du centre d’évaluation, les candidats seront soumis à trois types d’exercice, visant à évaluer :

leurs aptitudes en matière de raisonnement, par le biais d’un test de raisonnement verbal [test a)], d’un test de raisonnement numérique [test b)] et d’un test de raisonnement abstrait [test c)] ;

leurs compétences spécifiques, par le biais d’un entretien structuré sur les compétences dans le domaine [test d)] ;

leurs compétences générales, par le biais d’une étude de cas [test e)], d’un exercice de groupe [test f)] et d’un entretien structuré [test g)].

24

Il est indiqué, par ailleurs, au point 3 de la même partie de l’avis EPSO/AD/294/14, que les langues du centre d’évaluation seront la langue 1 du concours pour les tests a) à c) et la langue 2 du concours pour les tests d) à g).

Procédure et conclusions des parties

25

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 mai 2014, la République italienne a introduit le recours dans l’affaire T‑353/14. Elle conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler l’avis EPSO/AD/276/14 ;

condamner la Commission aux dépens.

26

La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours comme infondé ;

condamner la République italienne aux dépens.

27

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 janvier 2015, la République italienne a introduit le recours dans l’affaire T‑17/15.

28

Par acte déposé au greffe du Tribunal le 30 avril 2015, la République de Lituanie a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la République italienne. Par ordonnance du 1er juin 2015, le président de la huitième chambre du Tribunal a admis cette intervention. La République de Lituanie a déposé son mémoire en intervention le 13 juillet 2015.

29

Dans l’affaire T‑17/15, la République italienne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler l’avis EPSO/AD/294/14 ;

condamner la Commission aux dépens.

30

La République de Lituanie soutient les conclusions de la République italienne tendant à l’annulation de l’avis attaqué dans l’affaire T‑17/15.

31

La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours comme infondé ;

condamner la République italienne aux dépens ;

ordonner que la République de Lituanie supporte ses propres dépens.

32

Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure dans les présentes affaires et de les joindre aux fins de cette dernière. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure du Tribunal, le Tribunal a demandé à la Commission de répondre par écrit à certaines questions. Celle-ci a déféré à cette demande dans le délai imparti.

33

Les parties principales ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 17 mars 2015, à laquelle la République de Lituanie n’a pas participé.

En droit

34

Les parties principales ayant été entendues lors de l’audience à cet égard, le Tribunal décide de joindre les présentes affaires aux fins de la décision mettant fin à l’instance, conformément à l’article 68 du règlement de procédure.

35

À l’appui des recours, la République italienne invoque sept moyens, tirés, le premier, de la violation des articles 263, 264 et 266 TFUE ; le deuxième, de la violation de l’article 342 TFUE et des articles 1er et 6 du règlement no 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385), tel que modifié ; le troisième, de la violation de l’article 6, paragraphe 3, UE, de l’article 18 TFUE, de l’article 22 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, des articles 1er et 6 du règlement no 1, de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, de l’article 27, deuxième alinéa, et de l’article 28, sous f), du statut ainsi que de l’article 1er, paragraphes 2 et 3, de l’annexe III du statut ; le quatrième, de la violation de l’article 6, paragraphe 3, UE et du principe de protection de la confiance légitime ; le cinquième, d’un détournement de pouvoir ainsi que de la violation des « normes substantielles inhérentes à la nature et la finalité des avis de concours », en particulier de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, de l’article 27, deuxième alinéa, de l’article 28, sous f), de l’article 34, paragraphe 3, et de l’article 45, paragraphe 1, du statut ainsi que du principe de proportionnalité ; le sixième, de la violation de l’article 18 TFUE, de l’article 24, quatrième alinéa, TFUE, de l’article 22 de la charte des droits fondamentaux, de l’article 2 du règlement no 1 ainsi que de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, du statut et, le septième, de la violation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, des articles 1er et 6 du règlement no 1, de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, et de l’article 28, sous f), du statut, de l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de l’annexe III du statut, du principe de proportionnalité ainsi que d’une « dénaturation des faits ».

36

Il convient de constater que, par ses moyens, la République italienne conteste la légalité de deux volets du régime linguistique des concours concernés par les avis attaqués tel qu’il est instauré, selon la République italienne, par ces derniers. Elle conteste, ainsi, les dispositions des avis attaqués qui limiteraient à l’allemand, à l’anglais et au français, d’une part, le choix de la deuxième langue desdits concours et, d’autre part, le choix de la langue pouvant être utilisée dans les échanges entre les candidats et l’EPSO.

37

Avant d’examiner, à la lumière des moyens invoqués par la République italienne, la légalité des deux volets des avis attaqués contestés par celle-ci, il y a lieu d’examiner la fin de non-recevoir opposée par la Commission, dans les mémoires en défense, à l’encontre de chacun des présents recours, sans toutefois soulever formellement une exception d’irrecevabilité.

Sur la recevabilité

38

La Commission fait valoir, dans les mémoires en défense, que la République italienne n’a pas, en l’espèce, tenu compte de la publication, au Journal officiel de l’Union européenne, de l’orientation générale que la partie III des avis attaqués ne fait que mettre en œuvre et que la République italienne n’a jamais contesté, ni à titre principal, ni de manière incidente, ladite orientation générale. Les griefs de la République italienne devraient, ainsi, être rejetés comme irrecevables, « l’orientation générale n’ayant pas été contestée en temps utile ».

39

Dans les répliques, la République italienne avance que tant l’orientation générale que les dispositions générales constituent des actes par nature internes, ne relevant d’aucune des catégories d’actes attaquables de façon autonome, au sens de l’article 263 TFUE. À cet égard, les dispositions générales ne différeraient pas du « guide aux concours » les ayant précédées. Leur contenu n’aurait, ainsi, de valeur juridiquement contraignante qu’une fois effectivement intégré à un avis de concours. Plus spécifiquement, la base juridique des dispositions générales, publiées dans la série C du Journal officiel de l’Union européenne, n’y est pas indiquée, alors qu’une telle indication serait indispensable pour des actes de droit dérivé produisant des effets contraignants immédiats. Elle conclut que les dispositions en question n’ont pas de valeur juridique contraignante indépendamment des avis de concours qui s’y réfèrent.

40

Par ailleurs, il serait, en effet, précisé, dans l’orientation générale, que c’est uniquement « en règle générale » que la deuxième langue des candidats doit être choisie parmi l’anglais, l’allemand et le français. La République italienne conclut que, par conséquent, le régime linguistique du concours concerné par l’avis étant fixé par ce dernier, elle n’aurait pas pu le contester en demandant l’annulation de l’orientation générale.

41

La Commission allègue, dans les dupliques, que les critères mentionnés par la République italienne portent sur des aspects purement formels et n’ont aucun lien avec les effets des avis attaqués. Elle souligne qu’il n’existe qu’une seule réglementation juridiquement contraignante du régime linguistique des concours, totalement autonome des avis attaqués, celle figurant dans l’orientation générale et dans les dispositions générales. Les avis attaqués seraient pris « en stricte exécution » de l’orientation générale et ne feraient que « confirmer les dispositions » de cette dernière.

42

Le Tribunal déduit de l’argumentation avancée par la Commission dans les mémoires en défense et explicitée dans les mémoires en duplique ainsi que lors de l’audience que la fin de non-recevoir qu’elle présente est fondée sur la prémisse selon laquelle les avis attaqués constituent soit des actes confirmatifs, soit des actes de pure exécution des dispositions générales et de l’orientation générale. Pour répondre à l’argumentation présentée par la Commission, il est, par conséquent, nécessaire d’examiner la nature et la portée juridique desdits textes.

Sur la nature et la portée juridique des dispositions générales et de l’orientation générale

43

Lors de l’audience, la République italienne a fait valoir que les dispositions générales et l’orientation générale constituaient de simples communications qui n’auraient d’effet contraignant qu’à l’égard de leur auteur, à savoir l’EPSO, en établissant une limite à son pouvoir discrétionnaire. La République italienne a, par ailleurs, soutenu que, s’il y avait lieu de considérer que les dispositions générales et l’orientation générale établissaient des règles contraignantes, s’appliquant de manière générale et abstraite aux concours organisés par l’EPSO, il s’agirait d’actes adoptés par une autorité n’étant pas compétente pour établir de telles règles.

44

Pour sa part, la Commission a précisé, lors de l’audience, que, en adoptant les dispositions générales et l’orientation générale, l’EPSO, représentant toutes les institutions de l’Union, avait défini des critères clairs, objectifs et prévisibles concernant le choix de la deuxième langue dans les concours organisés par celui-ci, au sens du point 91 de l’arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission (C‑566/10 P, EU:C:2012:752). L’EPSO aurait adopté les actes susmentionnés en se fondant sur les articles 29 et 30 du statut et l’annexe III du statut qui lui reconnaissent la compétence d’organiser des procédures de concours. Lesdits textes contiendraient, par ailleurs, une appréciation momentanée des besoins linguistiques des institutions.

45

À la lecture des dispositions générales et de l’orientation générale, le Tribunal constate, à l’instar de la Commission, que des critères concernant le choix de la deuxième langue des concours organisés par l’EPSO et de la langue de communication entre les candidats et celui-ci en ressortent. En effet, il peut être déduit des dispositions générales que ce choix doit être opéré en tenant compte de la pratique des institutions de l’Union en matière de communication interne et externe et de gestion des dossiers, de l’intérêt du service ainsi que des besoins liés à l’organisation des concours et à l’évaluation des candidats (voir point 5 ci‑dessus).

46

Il en va de même de l’orientation générale. Il y est fait, plus particulièrement, référence à l’intérêt du service, à la pratique des institutions de l’Union, aux besoins réels des services de celles-ci, à la nature des épreuves qui garantiraient l’évaluation optimale des candidats, aux connaissances linguistiques de la population européenne en général et, enfin, aux choix déjà opérés en matière linguistique par les candidats aux concours organisés précédemment par l’EPSO (voir point 11 ci‑dessus).

47

Force est, néanmoins, de constater que les textes susmentionnés ne se contentent pas d’énoncer de tels critères. Les dispositions générales et l’orientation générale comprennent également une série d’appréciations selon lesquelles le choix de la deuxième langue des concours organisés par l’EPSO ainsi que de la langue de communication entre celui-ci et les candidats sera restreint à l’allemand, à l’anglais et au français. La Commission soutient, en substance, que ces appréciations font état du régime linguistique qui devrait, en principe, être celui de ces concours, si les critères annoncés dans les dispositions générales et l’orientation générale étaient appliqués au moment de leur adoption, sans référence à des procédures de concours spécifiques.

48

Il convient, dès lors, de répondre à la question de savoir si, au vu des appréciations mentionnées au point 47 ci-dessus, les dispositions générales et l’orientation générale doivent être interprétées comme établissant des règles contraignantes établissant le régime linguistique de tous les concours organisés par l’EPSO.

49

Une telle interprétation des textes susmentionnés ne saurait être admise. Selon la jurisprudence, pour apprécier si les textes en question visent à établir de telles règles contraignantes, il convient d’examiner leur contenu (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 20 mai 2010, Allemagne/Commission, T‑258/06, Rec, EU:T:2010:214, point 27 et jurisprudence citée). À défaut d’établir des obligations spécifiques ou nouvelles, la seule publication d’une communication n’est pas suffisante pour conclure que celle-ci constitue un acte susceptible de produire des effets de droit obligatoires (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 20 mai 2010, Allemagne/Commission, T‑258/06, Rec, EU:T:2010:214, point 31).

50

Or il ressort du libellé même desdits textes que, en les publiant, l’EPSO n’a pas arrêté de manière définitive le régime linguistique de l’ensemble des concours qu’il est chargé d’organiser. En effet, en dépit des appréciations mentionnées au point 47 ci-dessus, les dispositions générales et l’orientation générale réservent expressément le choix du régime linguistique de chaque concours à l’avis de concours qui sera adopté au moment de l’ouverture de la procédure qui y est afférente.

51

Ainsi, certes, au point 1.3 des dispositions générales, il est indiqué que le choix de la deuxième langue et de la langue dans laquelle seront rédigés les actes de candidature « sera normalement limité à l’anglais, au français ou à l’allemand ». Il y est, néanmoins, également indiqué que cela sera le cas « sauf spécification contraire dans l’avis de concours » (voir points 3 et 4 ci‑dessus).

52

L’orientation générale est formulée dans des termes analogues. S’il y est indiqué que, en règle générale, la deuxième langue des concours ainsi que la langue de communication entre l’EPSO et les candidats sera l’anglais, le français ou l’allemand, il y est, pourtant, précisé que, même dans un tel contexte, « toute décision limitant le nombre de langues des concours devrait être examinée pour chaque concours, afin de répondre aux besoins particuliers des institutions » (voir point 11 ci-dessus). Partant, il ne saurait être considéré que les textes en cause en l’espèce établissent des obligations spécifiques ou nouvelles, au sens de la jurisprudence (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 20 mai 2010, Allemagne/Commission, T‑258/06, Rec, EU:T:2010:214, point 28 et jurisprudence citée).

53

Par ailleurs et en tout état de cause, les appréciations mentionnées au point 47 ci-dessus ne sauraient être interprétées comme établissant un régime linguistique applicable à l’ensemble des concours organisés par l’EPSO, étant donné qu’aucune disposition n’a accordé à ce dernier ou au collège des chefs d’administration la compétence d’établir un tel régime d’application générale ou d’adopter, à cet égard, des règles de principe auxquelles un avis de concours ne pourrait se soustraire qu’à titre exceptionnel (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 29 novembre 2011, Birkhoff/Commission, T‑10/11 P, EU:T:2011:699, points 30 et 31 et jurisprudence citée).

54

À cet égard, ainsi qu’il a été rappelé au point 1 du présent arrêt, selon l’article 2, paragraphes 1 et 2, de la décision 2002/620, l’EPSO exerce les pouvoirs de sélection dévolus par l’article 30, premier alinéa, du statut et par l’annexe III du statut aux autorités investies du pouvoir de nomination (ci-après les ou l’« AIPN ») des institutions signataires de la décision en cause ainsi que des organismes, organes ou agences de l’Union, sur demande de ces derniers.

55

Or, aucune de ces dispositions ou de celles invoquées par la Commission (voir point 44 ci‑dessus) n’attribue à l’EPSO le pouvoir de poser des règles contraignantes générales et abstraites régissant pour le futur les concours organisés sur le fondement des dispositions du statut.

56

Certes, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe III du statut, les institutions, après consultation du comité du statut, confient à l’EPSO la responsabilité de prendre les mesures nécessaires pour garantir l’application de normes uniformes dans les procédures de sélection des fonctionnaires. Toutefois, d’une part, au paragraphe 2, sous a) et b), dudit article, il est précisé que les tâches de l’EPSO, s’agissant des procédures de sélection des fonctionnaires, se limitent à organiser des concours généraux et à fournir un appui technique aux concours internes qu’organisent les institutions, à la demande de ces dernières. D’autre part, force est de constater que la disposition susmentionnée ne permet que de confier à l’EPSO la responsabilité de prendre des mesures d’application de normes uniformes et non celle d’adopter des normes contraignantes générales et abstraites. En tout état de cause, même à supposer que tel était le cas, la Commission n’a fait, ni dans ses écritures ni lors de l’audience, référence à un acte des institutions par lequel, après consultation du comité du statut, elles auraient confié à l’EPSO la responsabilité d’établir des règles contraignantes générales et abstraites en matière de régime linguistique des concours organisés par celui‑ci.

57

Si les dispositions mentionnées aux points 54 à 56 ci-dessus n’attribuent pas à l’EPSO la compétence d’édicter des règles contraignantes s’agissant du régime linguistique des concours organisés par lui, l’EPSO n’est pas empêché, afin de garantir l’égalité de traitement et la sécurité juridique, d’adopter et de publier des actes tels que les dispositions générales et l’orientation générale visant à annoncer comment il entend faire usage, dans certaines situations, du pouvoir d’appréciation que ces dispositions lui reconnaissent. Néanmoins, l’EPSO n’est tenu par de tels textes que dans la mesure où ceux-ci ne s’écartent pas des règles de portée générale encadrant ses attributions et à condition que, en les adoptant, il ne renonce pas à l’exercice du pouvoir qui lui est reconnu dans l’appréciation des besoins des institutions et des organes de l’Union, y compris des besoins linguistiques de ces derniers, à l’occasion de l’organisation des différents concours (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 8 mars 2016, Grèce/Commission, C‑431/14 P, EU:C:2016:145, points 69 et 71 et jurisprudence citée).

58

Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que les dispositions générales et l’orientation générale doivent être interprétées comme constituant, tout au plus, des communications, au sens du point 91 de l’arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission (C‑566/10 P, EU:C:2012:752), qui annoncent des critères selon lesquels l’EPSO envisage de procéder au choix du régime linguistique des concours qu’il est chargé d’organiser.

59

C’est à la lumière de ces constatations qu’il convient d’examiner la nature juridique des avis attaqués afin de statuer sur la recevabilité des présents recours.

Sur la nature juridique des avis attaqués

60

Ainsi qu’il a été exposé au point 42 ci-dessus, la Commission considère que les avis attaqués constituent soit des actes confirmatifs, soit des actes de pure exécution des dispositions générales et de l’orientation générale.

61

À cet égard, il y a lieu de rappeler, en premier lieu, que, ainsi que cela résulte du premier alinéa de l’article 263 TFUE, le recours en annulation est ouvert à l’égard de toutes les dispositions prises par les institutions de l’Union, quelles qu’en soient la nature ou la forme, qui visent à produire des effets de droit (voir arrêt du 6 avril 2000, Espagne/Commission, C‑443/97, EU:C:2000:190, point 27 et jurisprudence citée), c’est-à-dire qui apportent une modification de la situation juridique telle qu’elle existait avant leur adoption (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 1995, Espagne/Commission, C‑135/93, EU:C:1995:201, point 21).

62

Il ressort de cette jurisprudence qu’échappe au contrôle juridictionnel prévu à l’article 263 TFUE tout acte ne produisant pas d’effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du justiciable, tel que les actes confirmatifs et les actes de pure exécution [voir, en ce sens, ordonnance du 14 mai 2012, Sepracor Pharmaceuticals (Ireland)/Commission, C‑477/11 P, non publiée, EU:C:2012:292, point 52 et jurisprudence citée].

63

En ce qui concerne, plus spécifiquement, les actes confirmatifs, il résulte d’une jurisprudence constante qu’un acte est considéré comme purement confirmatif d’un acte individuel antérieur lorsqu’il ne contient aucun élément nouveau par rapport à ce dernier et n’a pas été précédé d’un réexamen de la situation de son destinataire (voir, en ce sens, arrêts du 7 février 2001, Inpesca/Commission, T‑186/98, EU:T:2001:42, point 44 ; du 6 mai 2009, M/EMEA, T‑12/08 P, EU:T:2009:143, point 47, et du 15 septembre 2011, CMB et Christof/Commission, T‑407/07, non publié, EU:T:2011:477, point 89). Cette jurisprudence est, par ailleurs, transposable au cas des actes qui ne sauraient être considérés comme étant des actes individuels (voir, en ce sens, arrêt du 13 novembre 2014, Espagne/Commission, T‑481/11, EU:T:2014:945, points 28 et 29 et jurisprudence citée), tels qu’un règlement ou un avis de concours (voir arrêt du 17 décembre 2015, Italie/Commission, T‑295/13, non publié, EU:T:2015:997, point 76 et jurisprudence citée).

64

S’agissant des actes de pure exécution, il y a lieu de considérer que de tels actes ne créent pas de droits et d’obligations dans le chef de tiers, mais interviennent dans le cadre de l’exécution d’un acte antérieur qui vise à produire des effets juridiques contraignants, alors que tous les éléments de la norme posée par ce dernier acte ont déjà été définis et arrêtés (voir, en ce sens, arrêt du 20 novembre 2008, Italie/Commission, T‑185/05, EU:T:2008:519, points 51 à 53 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens et par analogie, conclusions de l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire Commission/Parlement et Conseil, C‑427/12, EU:C:2013:871, point 63).

65

Il convient de rappeler, en deuxième lieu, que, en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, sous e), de l’annexe III du statut, un avis de concours, tel que les avis attaqués, doit spécifier, en cas de concours sur épreuves, la nature des examens et leur cotation respective. En effet, selon une jurisprudence constante, les termes de l’avis de concours constituent aussi bien le cadre de la légalité que le cadre d’appréciation pour le jury de concours. Par ailleurs, le rôle essentiel d’un avis de concours est d’informer les intéressés d’une façon aussi exacte que possible de la nature des conditions requises pour occuper le poste dont il s’agit afin de les mettre en mesure d’apprécier s’il y a lieu pour eux de faire acte de candidature (voir arrêt du 17 décembre 2015, Italie/Commission, T‑295/13, non publié, EU:T:2015:997, point 49 et jurisprudence citée).

66

Partant, chaque avis de concours est adopté dans l’objectif d’instaurer les règles régissant la procédure de déroulement d’un ou de plusieurs concours spécifiques, dont il arrête, ainsi, le cadre normatif en fonction de l’objectif fixé par l’AIPN. C’est ce cadre normatif, instauré, le cas échéant, conformément aux règles de portée générale applicables à l’organisation des concours, qui régit la procédure du concours concerné, depuis le moment de la publication de l’avis en cause jusqu’à la publication de la liste de réserve comportant les noms des lauréats du concours concerné (voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2015, Italie/Commission, T‑295/13, non publié, EU:T:2015:997, point 50).

67

Au vu de ce qui vient d’être exposé, force est de constater qu’un avis de concours, tel que les avis attaqués, qui, en tenant compte des besoins spécifiques des institutions ou des organes de l’Union concernés, instaure le cadre normatif d’un concours spécifique, y compris son régime linguistique, et ainsi comporte des effets juridiques autonomes, ne saurait, en principe, être considéré comme étant un acte confirmatif ou un acte de pure exécution d’actes antérieurs. Si l’AIPN doit, le cas échéant, dans le cadre de l’exercice de ses fonctions consistant à l’adoption d’un avis de concours, respecter ou appliquer des règles contenues dans des actes de portée générale antérieurs, il n’en reste pas moins que le cadre normatif de chaque concours est instauré et spécifié par l’avis de concours correspondant qui précise, ainsi, les conditions requises pour occuper le ou les postes en cause.

68

En tout état de cause et même à considérer qu’un avis de concours puisse, en principe, être un acte confirmatif ou un acte de pure exécution d’actes l’ayant précédé, il ressort de la jurisprudence citée aux points 62 et 63 du présent arrêt qu’un acte ne saurait être considéré comme confirmatif ou purement exécutoire d’un acte antérieur que si ce dernier vise à produire des effets de droit. Or, ainsi qu’il a été exposé aux points 48 à 57 ci-dessus, cela n’est pas le cas des dispositions générales et de l’orientation générale.

69

En effet, il a été conclu au point 58 ci-dessus que les dispositions générales et l’orientation générale doivent être interprétées comme constituant, tout au plus, des communications, au sens du point 91 de l’arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission (C‑566/10 P, EU:C:2012:752), qui annoncent des critères selon lesquels l’EPSO envisage de procéder au choix du régime linguistique de chacun des concours qu’il est chargé d’organiser.

70

Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que les avis attaqués constituent des actes qui comportent des effets juridiques obligatoires quant au régime linguistique des concours en cause et constituent, ainsi, des actes attaquables. Le fait que, lors de leur adoption, l’EPSO a tenu compte des critères énoncés dans les dispositions générales et dans l’orientation générale, auxquels les avis attaqués renvoient expressément (voir point 13 ci-dessus), ne saurait remettre en cause cette constatation.

71

Partant, il convient de rejeter la fin de non-recevoir opposée par la Commission et de procéder à l’examen des présents recours au fond.

[omissis]

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

 

1)

Les affaires T‑353/14 et T‑17/15 sont jointes aux fins de l’arrêt.

 

2)

L’avis de concours général EPSO/AD/276/14, pour la constitution d’une liste de réserve d’administrateurs, et l’avis de concours général EPSO/AD/294/14, pour la constitution d’une liste de réserve d’administrateurs dans le domaine de la protection des données pour le Contrôleur européen de la protection des données, sont annulés.

 

3)

La Commission européenne supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la République italienne.

 

4)

La République de Lituanie supportera ses propres dépens afférents à son intervention dans l’affaire T‑17/15.

 

Gratsias

Kancheva

Wetter

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 septembre 2016.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’italien.

( 1 ) Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.

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