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Document 62014TJ0219

Arrêt du Tribunal (huitième chambre) du 6 avril 2017.
Regione autonoma della Sardegna contre Commission européenne.
Aides d’État – Transport maritime – Compensation de service public – Augmentation de capital – Décision déclarant les aides incompatibles avec le marché intérieur et ordonnant leur recouvrement – Mise en liquidation de l’entreprise bénéficiaire – Maintien de l’intérêt à agir – Absence de non-lieu à statuer – Notion d’aide – Service d’intérêt économique général – Critère de l’investisseur privé – Erreur manifeste d’appréciation – Erreur de droit – Exception d’illégalité – Obligation de motivation – Droits de la défense – Décision 2011/21/UE – Lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté – Encadrement de l’Union applicable aux aides d’État sous forme de compensation de service public – Arrêt Altmark.
Affaire T-219/14.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2017:266

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

6 avril 2017 ( 1 )

«Aides d’État — Transport maritime — Compensation de service public — Augmentation de capital — Décision déclarant les aides incompatibles avec le marché intérieur et ordonnant leur recouvrement — Mise en liquidation de l’entreprise bénéficiaire — Maintien de l’intérêt à agir — Absence de non-lieu à statuer — Notion d’aide — Service d’intérêt économique général — Critère de l’investisseur privé — Erreur manifeste d’appréciation — Erreur de droit — Exception d’illégalité — Obligation de motivation — Droits de la défense — Décision 2011/21/UE — Lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté — Encadrement de l’Union applicable aux aides d’État sous forme de compensation de service public — Arrêt Altmark»

Dans l’affaire T‑219/14,

Regione autonoma della Sardegna (Italie), représentée par Mes T. Ledda, S. Sau, G. M. Roberti, G. Bellitti et I. Perego, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. G. Conte, D. Grespan et A. Bouchagiar, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Compagnia Italiana di Navigazione SpA, établie à Naples (Italie), représentée initialement par Mes F. Sciaudone, R. Sciaudone, D. Fioretti et A. Neri, puis par Mes M. Merola, B. Carnevale et M. Toniolo, avocats,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2013) 9101 final de la Commission, du 22 janvier 2014, concernant les mesures d’aide SA.32014 (2011/C), SA.32015 (2011/C) et SA.32016 (2011/C), mises à exécution par la Région autonome de Sardaigne en faveur de Saremar, en tant que cette décision a qualifié d’aides d’État une mesure de compensation de service public et une augmentation de capital, a déclaré ces mesures incompatibles avec le marché intérieur et en a ordonné le recouvrement,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias (rapporteur), président, Mmes M. Kancheva et N. Półtorak, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 20 juillet 2016,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1. Contexte factuel

1

Saremar – Sardegna Regionale Marittima SpA (ci-après « Saremar ») est une société, actuellement en cours de liquidation, qui assurait, depuis sa constitution, un service public de cabotage maritime, d’une part, entre la Sardaigne (Italie) et les petites îles sardes et, d’autre part, entre la Sardaigne et la Corse (France). La mission de service public de Saremar était initialement régie par une convention vicennale conclue le 17 octobre 1991 avec l’État italien, entrée rétroactivement en vigueur le 1er janvier 1989 et dont le terme était fixé au 31 décembre 2008. La privatisation de Saremar était prévue par l’article 19 ter du decreto‑legge 25 settembre 2009, n. 135, Disposizioni urgenti per l’attuazione di obblighi comunitari e per l’esecuzione di sentenze della Corte di giustizia delle Comunita’ europee, convertito in legge, con modifiche, dalla legge 20 novembre 2009 (décret‑loi no 135 du 25 septembre 2009, portant dispositions urgentes en vue de la mise en œuvre des obligations communautaires et de l’exécution des décisions de la Cour de justice des Communautés européennes, converti en loi, avec modifications, par la loi no 166/2009, du 20 novembre 2009, ci-après la « loi de 2009 ») (GURI no 223 du 25 septembre 2009 et GURI no 274 du 24 novembre 2009, supplément ordinaire no 215).

2

Saremar faisait initialement partie du groupe Tirrenia. Ce groupe comprenait également, à l’origine, cinq autres sociétés, à savoir Tirrenia di Navigazione SpA (ci-après « Tirrenia »), une société de cabotage maritime à vocation nationale qui assurait, notamment, les liaisons entre la Sardaigne et le continent, Adriatica, Caremar et Siremar, des sociétés de cabotage maritime à vocation régionale, et, enfin, Fintecna – Finanziaria per i Settori Industriale e dei Servizi SpA. Cette dernière société détenait 100 % du capital de Tirrenia, laquelle détenait elle-même l’intégralité du capital des sociétés régionales susmentionnées et de Saremar. Le capital de Fintecna était, quant à lui, détenu entièrement par l’État italien.

3

En vertu des dispositions de l’article 19 ter de la loi de 2009, le capital de Saremar a été transféré, à titre gratuit, à la Regione autonoma della Sardegna (ci-après la « requérante » ou la « RAS »), en vue de la privatisation de cette société. Les mêmes dispositions prévoyaient également la conclusion d’un nouveau contrat de service public entre Saremar et la RAS, qui devait entrer en vigueur lors de cette privatisation. Cependant, à la date des faits litigieux, le processus de privatisation de Saremar était toujours en cours et son capital était toujours détenu à 100 % par la RAS. Par ailleurs, jusqu’au 31 juillet 2012, les obligations de service public de Saremar relatives aux liaisons visées au point 1 ci-dessus étaient régies dans le cadre de prorogations successives de la convention vicennale initiale conclue avec l’État italien. À compter du 1er août 2012, ces obligations ont été maintenues dans le cadre d’une convention conclue entre Saremar et la RAS et qui devait produire ses effets jusqu’à l’aboutissement dudit processus de privatisation, conformément à la legge regionale n. 15 del 7 agosto 2012, Disposizioni urgenti in materia di trasporti (loi régionale no 15 du 7 août 2012, portant dispositions urgentes en matière de transports, ci-après la « loi régionale no 15 de 2012 ») (Bollettino ufficiale della Regione autonoma della Sardegna no 35, du 9 août 2012, p. 5).

4

Parallèlement, Tirrenia a été mise en vente en 2010. Durant le processus de privatisation de cette société, qui avait été placée en procédure d’administration extraordinaire par décret présidentiel du 5 août 2010, elle a continué à assurer les liaisons entre la Sardaigne et le continent. Ce processus a pris fin en juillet 2012 avec son acquisition par l’intervenante, Compagnia Italiana di Navigazione SpA (ci-après « CIN »), qui est un consortium d’armateurs privés opérant sur les mêmes liaisons maritimes. Une nouvelle convention a alors été conclue entre ce consortium et l’État italien. Par ailleurs, il convient de préciser que, en 2011, ces liaisons étaient assurées par quatre opérateurs privés : Moby, Forship, SNAV et Grandi Navi Veloci.

5

L’autorité nationale de concurrence, l’Autorità Garante della Concurrenza e del Mercato (Italie, ci-après l’« AGCM ») a ouvert une procédure d’instruction à la suite de nombreuses plaintes relatives à la hausse des tarifs des opérateurs privés en cause pour la période estivale de 2011. Dans sa décision du 11 juin 2013, l’AGCM a considéré que cette augmentation des tarifs constituait une pratique concertée en violation de l’article 101 TFUE. Cette décision a été annulée par l’arrêt du 29 janvier 2014 du Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional du Latium, Italie).

6

C’est dans ce contexte que, le 26 avril 2011, la RAS a adopté la delibera n. 20/57 (décision régionale no 20/57), dans laquelle elle a demandé à Saremar d’examiner la possibilité d’effectuer, à titre expérimental, pour la période du 15 juin au 15 septembre 2011, au moins deux liaisons entre la Sardaigne et le continent. La RAS a invoqué, à cet égard, les effets adverses de la hausse des tarifs des opérateurs privés en cause sur le système économique et social de la Sardaigne et la nécessité de prendre des mesures urgentes à cet égard. Dans cette décision régionale, la RAS a précisé que ces liaisons devaient être mixtes (transport de passagers et fret) et que le caractère soutenable de l’activité sur le plan économique et financier devait être pris en compte. Ensuite, la RAS, par la delibera n. 25/69 (décision régionale no 25/69), du 19 mai 2011, et la delibera n. 27/4 (décision régionale no 27/4), du 1er juin 2011, a, en substance, approuvé les tarifs proposés par Saremar, d’une part, en ce qui concernait la liaison Golfo Aranci-Civitavecchia pour la période comprise entre le 15 juin et le 15 septembre 2011 et, d’autre part, en ce qui concernait la liaison Vado Ligure-Porto Torres pour la période comprise entre le 22 juin et le 15 septembre 2011. Ces deux dernières décisions régionales ont autorisé Saremar à introduire des variations dans le système tarifaire adopté en vue de concilier l’équilibre budgétaire et la satisfaction maximale des consommateurs.

7

Le 1er septembre 2011, la RAS a adopté la delibera n. 36/6 (décision régionale no 36/6). Dans cette décision régionale, considérant qu’une interruption du service de cabotage maritime assuré par Saremar sur les liaisons avec le continent aurait pour effet de restaurer une situation de monopole sur ces liaisons, la RAS a demandé à cette société d’examiner, sur la base d’un plan commercial, la viabilité d’un service de cabotage maritime, à titre expérimental, pour la période comprise entre le 30 septembre 2011 et le 30 septembre 2012 sur au moins une des trois liaisons suivantes : la liaison Olbia-Livourne, la liaison Porto Torres-Livourne et la liaison Cagliari-Piombino. Cette décision régionale a précisé que, dans le cadre de cet examen, Saremar devait prendre en considération la demande de transport ainsi que le caractère soutenable sur le plan économique et financier du service de cabotage.

8

Par ailleurs, dans la même décision régionale, la RAS a défini les mesures à prendre en vue de compenser les pertes subies par Saremar dans le cadre de la procédure de faillite de Tirrenia. En effet, Saremar avait dû procéder à la dévaluation à hauteur de 50 % de ses créances sur Tirrenia, qui s’élevaient à 11546403, 59 euros, et avait, de ce fait, enregistré en 2010 un déficit de 5253530, 05 euros. La RAS a donc décidé, d’une part, de couvrir cette perte en réduisant le capital de Saremar à hauteur de 4890950, 36 euros, une fois utilisés la réserve légale et les bénéfices des années précédentes. D’autre part, relevant que les actionnaires d’une société dont le capital a été réduit de plus d’un tiers a l’obligation, en vertu de l’article 2446 du code civil italien, de recapitaliser cette société, la RAS a décidé de procéder à une augmentation de capital de Saremar, subséquente à la réduction susmentionnée et à concurrence du même montant. Le 28 mars 2012, l’assemblée des actionnaires de Saremar a adopté ladite réduction du capital et, le 15 juin 2012, l’augmentation de capital subséquente (ci-après l’« augmentation de capital litigieuse »). Le 11 juillet 2012, la même assemblée des actionnaires a procédé au versement d’une partie de cette augmentation de capital à hauteur de 824309, 69 euros.

9

Le 1er décembre 2011, la RAS a adopté la delibera n. 48/65 (décision régionale no 48/65), par laquelle elle a donné à Saremar pour directive d’activer immédiatement la liaison mixte Olbia-Civitavecchia en utilisant les ferries employés pour la saison estivale de 2011, sur la base d’un trajet quotidien et du tarif de basse saison appliqué en 2011, moyennant la faculté de modifier ce tarif en fonction de la demande et de l’objectif d’équilibre budgétaire. La RAS a, en effet, considéré, au vu de l’analyse fournie par Saremar, que seule cette liaison permettait d’atteindre l’équilibre financier. Par ailleurs, dans la même décision régionale, la RAS a prévu la location de trois ferries de croisière de grande capacité en vue d’effectuer les liaisons Olbia-Civitavecchia et Porto Torres-Vado Ligure (ou Porto Torres-Gênes) pour la période comprise entre mai et septembre 2012. En outre, elle a prévu la détermination par Saremar d’un tarif standard pour toutes les liaisons, quelle que soit la saison, lui permettant de concilier équilibre financier et satisfaction maximale des consommateurs. Par la suite, la RAS a adopté la delibera n. 12/28 (décision régionale no 12/28), du 20 mars 2012, et la delibera n. 22/14 (décision régionale no 22/14), du 22 mai 2012, par lesquelles elle a donné à Saremar latitude pour déterminer, parmi les tarifs que cette société lui avait soumis pour la saison estivale de 2012, ceux permettant de concilier au mieux l’équilibre budgétaire et la satisfaction des objectifs d’intérêt public sur les liaisons Olbia-Civitavecchia et Porto Torres-Vado Ligure.

10

L’article 1er, paragraphe 3, de la loi régionale no 15 de 2012 a prévu l’autorisation d’une dépense de 10 millions d’euros, aux fins de couvrir « l’éventuel déficit » de Saremar résultant des liaisons assurées par cette société entre la Sardaigne et le continent (ci-après la « mesure de compensation litigieuse »). Cette dernière disposition a été mise en œuvre par la RAS sous la forme de deux versements effectués, d’une part, le 6 novembre 2012 et, d’autre part, le 3 décembre 2012.

2. Procédure administrative

11

Le 5 octobre 2011, la Commission européenne a notifié à la République italienne sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen, en vertu de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, à l’égard de plusieurs mesures adoptées par les autorités italiennes en faveur des sociétés de l’ancien groupe Tirrenia et a invité, par voie de publication au Journal officiel de l’Union européenne, les parties intéressées à présenter leurs observations (JO 2012, C 28, p. 18). Cette décision concernait seulement les compensations de service public versées par l’État italien entre 2009 et 2011 et des aides potentielles dans le cadre de la privatisation de Tirrenia et de Saremar.

12

À la suite de l’adoption de cette décision, la Commission a enregistré de nouvelles plaintes ayant trait, notamment, à certaines mesures prises par la RAS en faveur de Saremar. Le 12 octobre 2012, les autorités italiennes ont notifié, pour des motifs de sécurité juridique, la mesure de compensation litigieuse.

13

Le 19 décembre 2012, la Commission a notifié aux autorités italiennes sa décision d’étendre la procédure formelle d’examen, publiée au Journal officiel du 22 mars 2013 (JO 2013, C 84, p. 58). En effet, la Commission a considéré que les doutes qu’elle avait formulés dans sa décision d’ouverture s’appliquaient également à la compensation versée aux compagnies de l’ancien groupe Tirrenia à compter de janvier 2012, et en particulier, en ce qui concerne Saremar, à la mesure de compensation litigieuse ainsi qu’aux autres mesures de financement public qui avaient été accordées à cette société à compter de cette date.

14

La RAS a présenté des observations sur les mesures qu’elle avait adoptées en faveur de Saremar par courriers du 13 décembre 2012, du 26 février, du 3 septembre, du 24 octobre, du 13 novembre et du 21 novembre 2013. Saremar et ses concurrentes ont également présenté des observations. De même, les autorités italiennes ont répondu à des demandes d’informations complémentaires de la Commission par courriers du 26 septembre et du 25 octobre 2013. Enfin, les mesures en cause ont fait l’objet de plusieurs réunions entre la Commission, la RAS et Saremar (24 avril 2012, 2 mai, 10 juillet et 10 octobre 2013) ainsi qu’entre la Commission et les plaignantes (27 juillet et 20 novembre 2012 ainsi que 8 août 2013).

15

Par courrier du 14 mars 2013, la RAS a demandé à la Commission de séparer l’examen de la série de mesures qu’elle avait prises en faveur de Saremar de celui des autres mesures concernées par la procédure formelle d’examen et de traiter cette série de mesures en priorité, notamment dans la perspective de la privatisation imminente de Saremar. À la suite de cette demande, la Commission a adopté, le 22 janvier 2014, la décision C(2013) 9101 final, concernant les mesures d’aide SA.32014 (2011/C), SA.32015 (2011/C) et SA.32016 (2011/C), mises à exécution par la RAS en faveur de Saremar (ci-après la « décision attaquée »).

3. Décision attaquée

16

Ainsi qu’il résulte du point 15 ci-dessus, la décision attaquée porte seulement sur les mesures adoptées par la RAS en faveur de Saremar.

17

Dans la décision attaquée, la Commission a examiné cinq mesures : en premier lieu, la mesure de compensation litigieuse, en deuxième lieu, le financement des activités promotionnelles de Saremar, c’est-à-dire l’octroi par la RAS de 3 millions d’euros au bénéfice de Saremar en vue de promouvoir le tourisme en Sardaigne, en troisième lieu, l’autorisation accordée à Saremar de contracter un prêt de 3 millions d’euros ainsi qu’une lettre d’intention émise par la RAS à destination de l’établissement bancaire concerné, en quatrième lieu, une seconde lettre d’intention en faveur de Saremar en vue de lui permettre d’obtenir une autorisation de découvert bancaire de 5 millions d’euros, et, en cinquième et dernier lieu, l’augmentation de capital litigieuse.

18

En ce qui concerne la mesure de compensation litigieuse, l’analyse de la Commission dans la décision attaquée a comporté quatre étapes.

19

En premier lieu, la Commission a examiné le point de savoir si la mesure de compensation litigieuse constituait une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. À cet égard, après avoir constaté, d’une part, que ladite mesure comportait un transfert de ressources étatiques (points 161 à 165) et, d’autre part, qu’elle était sélective (point 166), la Commission a vérifié si cette mesure comportait ou non un avantage économique pour Saremar en examinant sa conformité aux conditions énoncées par l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415) (ci-après les « conditions Altmark ») (points 167 à 225). La Commission a, tout d’abord, examiné la mesure de compensation litigieuse au regard de la deuxième condition Altmark et en a conclu que cette condition n’était pas remplie et que, par voie de conséquence, cette mesure octroyait un avantage économique à Saremar (points 173 à 179). Elle a néanmoins examiné la mesure en cause également au regard de la première et de la troisième condition Altmark et en a conclu que ces conditions n’étaient pas remplies non plus (points 180 à 219 et 220 à 224). Enfin, la Commission a relevé que la mesure en cause affectait les échanges entre les États membres et était susceptible de fausser la concurrence et que, par conséquent, elle constituait une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (points 246 et 247).

20

En deuxième lieu, la Commission a vérifié si la mesure de compensation litigieuse pouvait être considérée comme une aide réputée compatible et exemptée de l’obligation de notification prévue par l’article 108, paragraphe 3, TFUE au regard des conditions de la décision 2012/21/UE de la Commission, du 20 décembre 2011, relative à l’application de l’article 106, paragraphe 2, TFUE aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général (JO 2012, L 7, p. 3, ci-après la « décision SIEG de 2011 »), qui met en œuvre la dérogation prévue à l’article 106, paragraphe 2, TFUE. Elle en a conclu que tel n’était pas le cas (points 255 à 260 de la décision attaquée).

21

En troisième lieu, la Commission a considéré que Saremar remplissait les conditions pour être qualifiée d’entreprise en difficulté au sens de sa communication du 1er octobre 2004, intitulée « Lignes directrices communautaires concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté » (JO 2004, C 244, p. 2, ci-après les « lignes directrices concernant les aides au sauvetage et à la restructuration »). La Commission a donc considéré que, conformément au point 9 de sa communication du 11 janvier 2012 intitulée « Encadrement de l’Union européenne applicable aux aides d’État sous forme de compensations de service public » (JO 2012, C 8, p. 15, ci-après l’« encadrement SIEG de 2011 »), la compatibilité de la mesure de compensation litigieuse devait être appréciée au regard des mêmes lignes directrices et de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. Cependant, la Commission a relevé que les conditions fixées par ces lignes directrices n’étaient pas satisfaites en l’espèce. Elle en a conclu que ladite mesure constituait une aide incompatible (points 261 à 280 de la décision attaquée).

22

En quatrième lieu, à titre subsidiaire, la Commission a néanmoins examiné, dans l’hypothèse où Saremar ne constituerait pas une entreprise en difficulté, si la mesure de compensation litigieuse pouvait être considérée comme une aide compatible au regard des conditions de l’encadrement SIEG. Au regard, notamment, des constatations qu’elle avait déjà opérées dans le cadre de l’application des conditions Altmark et de la décision SIEG de 2011, elle en a conclu que tel n’était pas le cas (points 282 à 296 de la décision attaquée).

23

En ce qui concerne l’augmentation de capital litigieuse, la Commission a considéré que les conditions pour qualifier cette mesure d’aide d’État étaient réunies (points 161 à 166 et 235 à 247). En particulier, elle a constaté que, s’agissant de la condition relative à l’existence d’un avantage économique, cette augmentation de capital ne répondait pas au critère de l’investisseur privé en économie de marché (points 235 à 245). Ensuite, la Commission a considéré que ladite augmentation de capital ne respectait pas les critères prévus par les lignes directrices concernant les aides au sauvetage et à la restructuration et ne pouvait donc pas constituer une aide compatible en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE (points 297 à 299).

24

Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée, les aides d’État accordées à Saremar, d’une part, sous la forme de la mesure de compensation litigieuse, et, d’autre part, sous la forme de l’augmentation de capital litigieuse sont incompatibles avec le marché intérieur et ont été illégalement mises à exécution par les autorités italiennes, en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, de cette décision, le financement des activités promotionnelles et l’émission des lettres d’intention, visés au point 17 ci-dessus, ne constituent pas des aides d’État octroyées à Saremar. L’article 2, paragraphe 1, de ladite décision ordonne le recouvrement des aides incompatibles visées à son article 1er, paragraphe 1.

25

Seule la partie de la décision attaquée qui concerne la mesure de compensation et l’augmentation de capital litigieuses fait l’objet du présent recours. Par ailleurs, cette même partie de ladite décision fait également l’objet d’un recours de la part de Saremar, sur lequel porte l’arrêt de ce jour, Saremar/Commission (T‑220/14).

Procédure et conclusions des parties

26

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 avril 2014, la RAS a introduit le présent recours.

27

Le 8 juillet 2014, la Commission a produit le mémoire en défense.

28

Par acte déposé au greffe du Tribunal le 21 juillet 2014, CIN a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Par courriers du 10 septembre 2014, la RAS et la Commission ont présenté, chacun en ce qui les concerne, une demande de traitement confidentiel à l’égard de CIN et ont produit, à cet effet, une version non confidentielle des pièces concernées. Par ordonnance du président de la huitième chambre, en date du 10 octobre 2014, l’intervention de CIN a été acceptée. En l’absence de contestation, les demandes de traitement confidentiel de la RAS et de la Commission ont été acceptées.

29

La réplique et la duplique ont été déposées au greffe du Tribunal respectivement le 26 septembre et le 10 novembre 2014.

30

Le mémoire en intervention de CIN a été déposé au greffe du Tribunal le 16 décembre 2014. La Commission et la RAS ont présenté leurs observations sur ce mémoire respectivement le 12 février et le 2 mars 2015.

31

Par courrier du greffe du Tribunal du 15 avril 2016, les parties ont été informées de la décision du président du Tribunal de désigner, en raison de l’empêchement d’un des juges de la formation de jugement, un autre juge en remplacement du juge empêché, conformément à l’article 17, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.

32

Par courrier du greffe du Tribunal du 21 avril 2016, les parties principales ont été invitées à présenter leurs observations concernant une éventuelle jonction de la présente affaire et de l’affaire T‑220/14, Saremar/Commission (voir point 25 ci-dessus) aux fins de l’audience et, le cas échéant, aux fins de la décision mettant fin à l’instance. Par courriers respectifs du 28 avril et du 10 mai 2016, la Commission, d’une part, et la RAS, d’autre part, ont fait savoir qu’elles n’avaient pas d’observations concernant cette jonction. La Commission a demandé que, dans l’hypothèse d’une telle jonction, seule la version non confidentielle des pièces de procédure dans la présente affaire soit communiquée aux intervenantes dans l’affaire T‑220/14. Pour sa part, la RAS a demandé que, dans une telle hypothèse, soit communiquée aux intervenantes dans l’affaire T‑220/14 une version non confidentielle des annexes à la requête qui soit identique à celle déposée, le 11 juin 2015, par Saremar dans l’affaire T‑220/14, à la suite de l’ordonnance du 7 mai 2015, Saremar/Commission (T‑220/14, non publiée, EU:T:2015:320).

33

Par ordonnance du président de la huitième chambre du 22 juin 2016, la présente affaire et l’affaire T‑220/14 ont été jointes aux fins de la phase orale. Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, a invité, notamment, la RAS et Saremar à fournir au Tribunal, par écrit, une information actualisée concernant la situation économique et financière de Saremar et, en particulier, à lui indiquer si Saremar avait été admise à la procédure de concordat préventif ainsi que, le cas échéant, les évolutions de cette procédure. La RAS et Saremar ont transmis leur réponse respective le 11 juillet 2016.

34

Par courrier du 30 juin 2016, Grandi Navi Veloci, partie intervenante dans l’affaire T‑220/14, a informé le Tribunal qu’elle renonçait à son intervention. Par ordonnance du 19 juillet 2016, cette partie intervenante a été rayée des affaires jointes T‑219/14 et T‑220/14.

35

Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 20 juillet 2016. Au cours de cette audience, le débat entre les parties a, notamment, porté sur la question de la persistance de l’intérêt à agir, d’une part, de la RAS et, d’autre part, de Saremar dans le contexte de la mise en liquidation de cette dernière. Le Tribunal a invité les parties à présenter par écrit leur position concernant cette question et à fournir un certain nombre de documents afférents. Le 29 juillet 2016, les parties ont présenté leurs observations et ont produit les documents sollicités par le Tribunal. La phase orale de la procédure a été clôturée par décision du 7 septembre 2016.

36

La RAS conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler, « en tout ou en partie », la décision attaquée en tant qu’elle a qualifié d’aides d’État la mesure de compensation et l’augmentation de capital litigieuses et en tant qu’elle a constaté que ces mesures étaient incompatibles avec le marché intérieur et en a ordonné le recouvrement ;

déclarer illégaux et inapplicables, en vertu de l’article 277 TFUE, l’article 4, sous f), de la décision SIEG de 2011 et le point 9 de l’encadrement SIEG de 2011 ;

condamner la Commission aux dépens.

37

La RAS demande, en outre, au Tribunal d’ordonner des mesures d’organisation de la procédure et des mesures d’instruction, au sens des articles 64 à 66 du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, visant à interroger la Commission et à lui demander de produire certains documents au sujet des questions soulevées dans le cadre de la première et de la deuxième branche du premier moyen.

38

La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la RAS aux dépens.

39

CIN conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante aux dépens, y compris ceux qui sont relatifs à son intervention.

En droit

1. Sur la qualité pour agir et l’intérêt à agir

40

À l’audience et dans le cadre de son courrier en date du 29 juillet 2016, la Commission a soutenu que, du fait de la liquidation en cours de Saremar, l’intérêt à agir de la RAS a disparu en cours d’instance. À cet égard, elle fait valoir que la RAS n’a aucune intention de maintenir l’activité économique de Saremar. Elle se fonde, à cet égard, sur les observations de la RAS présentées dans le cadre de l’affaire T‑506/14, Grandi Navi Veloci/Commission, dans lesquelles la RAS aurait implicitement admis que, en cas d’annulation de la décision attaquée, il ne pourrait pas être mis un terme à la liquidation de Saremar et que l’activité économique de cette entreprise ne pourrait pas reprendre. La Commission se prévaut également de déclarations du président de la RAS, reproduites dans les motifs de la delibera n. 24/23 (décision régionale no 24/23), du 22 avril 2016, jointe à ses observations du 29 juillet 2016, selon lesquelles « l’intérêt de l’administration régionale au maintien de Saremar a disparu ». En outre, selon la Commission, en tant que créancier de Saremar au titre du versement des aides, la RAS n’aurait pas d’intérêt à ce que le montant de ces dernières soit exclu du passif de l’entreprise. Enfin, l’intérêt de la RAS à ce que l’arrêt du Tribunal constate qu’elle n’a pas, en l’espèce, octroyé d’aide d’État incompatible, présenterait un caractère abstrait et hypothétique, en l’absence d’effet concret d’un tel constat. En particulier, la Commission fait valoir que, au regard de l’arrêt du 16 juillet 2013 de la Corte costituzionale (Cour Constitutionnelle, Italie), la RAS ne pourrait tirer aucun profit « politique » de l’annulation de la décision attaquée, faute d’être compétente pour prendre les mesures litigieuses. La Commission indique, en conclusion, qu’un tel défaut d’intérêt à agir devrait conduire le Tribunal à prononcer un non-lieu à statuer en l’espèce.

41

Pour sa part, en réponse à ces arguments, la RAS soutient que son intérêt à agir persiste, en raison, d’une part, de sa qualité de pouvoir public et, d’autre part, de sa qualité d’unique actionnaire de Saremar. Selon la RAS, les choix qu’elle a effectués, en tant que pouvoir public, en vue d’assurer la continuité territoriale entre la Sardaigne et le continent ont été remis en cause dans la décision attaquée, dans laquelle la Commission conteste l’existence d’un besoin de service public et la nécessité d’obligations de service public. De ce fait, la RAS estime qu’elle dispose d’un intérêt concret et actuel à ce que la légalité de ses décisions soit confirmée par l’annulation de la décision attaquée. Par ailleurs, elle fait valoir que, si cette décision était annulée, le passif concordataire serait réduit de manière significative, ce qui permettrait la satisfaction intégrale des créanciers et le versement en sa faveur d’un boni de liquidation.

42

En premier lieu, il convient de relever que la Commission remet expressément en cause le fait qu’il y ait lieu pour le Tribunal de statuer sur le présent recours, en raison de la disparition en cours d’instance de l’intérêt à agir de la requérante, mais ne remet pas en cause la recevabilité de ce recours. Cependant son argument tiré de ce que la RAS n’était pas compétente, en vertu du droit national, pour adopter les mesures litigieuses, soulève tant la question de l’existence de la qualité pour agir de la requérante que la question de son intérêt à agir au stade de l’introduction de ce recours. Or il s’agit là de deux conditions cumulatives de recevabilité de ce recours (voir arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 62 et jurisprudence citée) qu’il appartient, en tout état de cause, au Tribunal d’examiner d’office (voir ordonnances du 24 mars 2011, Internationaler Hilfsfonds/Commission, T‑36/10, EU:T:2011:124, point 45 et jurisprudence citée, et du 4 mai 2012, UPS Europe et United Parcel Service Deutschland/Commission, T‑344/10, non publiée, EU:T:2012:216, point 31 et jurisprudence citée).

43

À cet égard, il résulte de l’article 263 TFUE qu’il existe une distinction nette entre le droit de recours en annulation des institutions de l’Union et des États membres, visé au deuxième alinéa de cet article, et celui des personnes physiques et morales, visé à son quatrième alinéa. Ainsi, selon la jurisprudence, l’exercice de ce droit de recours, en ce qui concerne les institutions de l’Union et les États membres, est conditionné seulement par le caractère attaquable de l’acte dont l’annulation est demandée et non par la justification de la qualité pour agir de ces autorités ou par celle de leur intérêt à agir (voir, en ce sens, arrêts du 8 septembre 2011, Commission/Pays-Bas, C‑279/08 P, EU:C:2011:551, points 35 à 42, et du 20 septembre 2012, France/Commission, T‑154/10, EU:T:2012:452, points 37 et 38).

44

En revanche, d’une part, le droit de recours des personnes physiques et morales visé à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE est subordonné à la condition que soit reconnue à ces personnes la qualité pour agir, c’est-à-dire, conformément au libellé de cette disposition, à la condition que leur recours vise un acte dont elles sont destinataires ou un acte qui les concerne directement et individuellement ou encore qu’il vise un acte réglementaire les concernant directement et ne comportant pas de mesure d’exécution (voir arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 59 et jurisprudence citée).

45

D’autre part, ce droit de recours des personnes physiques et morales est subordonné à l’existence d’un intérêt à agir au stade de l’introduction du recours, qui constitue une condition de recevabilité distincte de la qualité pour agir. Tout comme l’objet du recours, cet intérêt à agir doit perdurer jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle, sous peine de non-lieu à statuer (voir arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, points 57 et 62 et jurisprudence citée). Un tel intérêt à agir suppose que l’annulation de l’acte attaqué soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat procurer un bénéfice à la personne qui l’a intenté (arrêts du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, point 42, et du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 55). Par ailleurs, l’intérêt à agir d’un requérant doit être né et actuel et ne peut pas concerner une situation future et hypothétique (voir arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 56 et jurisprudence citée).

46

En particulier, les conditions rappelées aux points 44 à 45 s’appliquent au recours en annulation d’une entité infra-étatique d’un État membre, qui peut être introduit sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 263 TFUE dès lors que le droit interne de l’État membre concerné reconnaît à cette entité la personnalité juridique (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2009, Commission/Ente per le Ville Vesuviane et Ente per le Ville Vesuviane/Commission, C‑445/07 P et C‑455/07 P, EU:C:2009:529, point 42 et jurisprudence citée).

47

S’agissant, tout d’abord, de la qualité pour agir, il résulte de la jurisprudence en matière d’aides d’État qu’une entité infra-étatique d’un État membre destinataire d’une décision de la Commission, qui statue sur la compatibilité et la légalité d’une aide instituée par cet État, peut être considérée comme directement et individuellement concernée dans certaines circonstances. D’une part, cette entité doit être considérée comme directement concernée, lorsque la décision attaquée est susceptible d’avoir une incidence directe sur les actes octroyant les aides litigieuses qu’elle a adoptés ainsi que sur ses obligations en matière de récupération de ces aides, sans que les autorités nationales à qui la décision attaquée a été notifiée aient un pouvoir d’appréciation à cet égard. D’autre part, cette entité doit être considérée comme individuellement concernée, dès lors qu’elle est l’auteur du ou des actes visés par la décision attaquée et que cette dernière l’empêche d’exercer comme elle l’entend ses compétences propres de sorte que son intérêt à contester cette décision est alors distinct de celui de l’État membre concerné (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 15 juin 1999, Regione Autonoma Friuli-Venezia Giulia/Commission, T‑288/97, EU:T:1999:125, points 30 à 34, et du 9 septembre 2014, Hansestadt Lübeck/Commission, T‑461/12, non publié, EU:T:2014:758, point 34).

48

En l’espèce, d’une part, s’agissant de l’affectation directe des intérêts de la RAS, il ne ressort d’aucune pièce du dossier que l’État italien, à qui la décision attaquée a été notifiée, ait exercé son pouvoir d’appréciation lors de la communication de cette décision à la requérante. C’est ainsi que cette décision est de nature à affecter directement les droits et les obligations de la RAS, s’agissant des aides litigieuses. D’autre part, s’agissant de l’affectation individuelle de ces intérêts, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il résulte des décisions régionales et de la loi régionale no 15 de 2012 visées aux points 6 à 10 ci-dessus, les aides litigieuses ont été octroyées par la RAS de sa propre initiative et dans le cadre de ses compétences propres, tant en qualité d’autorité régionale chargée de veiller à la protection des intérêts socio-économiques sur le territoire de la Sardaigne qu’en qualité d’autorité publique chargée de la gestion économique et financière de Saremar, en vue notamment de sa privatisation. Par ailleurs, il ne résulte pas des pièces du dossier que l’État italien soit intervenu dans le cadre de l’octroi de ces aides ou ait le pouvoir de déterminer les intérêts de la RAS à cet égard. Par conséquent, il apparaît que la RAS est directement et individuellement concernée par la décision attaquée et dispose donc de la qualité pour agir à l’encontre de cette décision.

49

Cependant, ainsi qu’il résulte du point 45 ci-dessus, ces circonstances, si elles suffisent pour établir la qualité pour agir de la RAS, ne démontrent pas nécessairement son intérêt à agir (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 62). En effet, il est nécessaire, en outre, que l’annulation de la décision attaquée soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques pour la RAS et que le présent recours puisse ainsi, par son résultat, lui procurer un bénéfice.

50

À cet égard, il suffit de relever que, à la date de l’introduction du recours, la décision attaquée faisait grief à la RAS, en ce que la Commission a déclaré incompatibles et illégales les aides litigieuses et a ordonné leur récupération. Ainsi, à cette date, la RAS était susceptible de retirer un bénéfice de l’annulation de la décision attaquée. En effet, du seul fait de cette annulation, les conséquences juridiques de cette décision sur la validité des actes de la RAS octroyant les aides litigieuses et les obligations qui en découlent pour elle, c’est-à-dire l’interdiction de mettre en œuvre ces actes et l’obligation de récupération des aides en cause, auraient cessé automatiquement de s’imposer à elle et sa situation juridique en aurait été nécessairement modifiée (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 4 mars 2009, Tirrenia di Navigazione e.a./Commission, T‑265/04, T‑292/04 et T‑504/04, non publié, EU:T:2009:48, points 69 et 70).

51

Certes, comme il a été indiqué au point 40 ci-dessus, la Commission considère que la RAS ne pourrait tirer aucun bénéfice « politique » de l’annulation de la décision attaquée, dans la mesure où elle n’était pas compétente pour prendre les mesures faisant l’objet de cette décision. En effet, selon la Commission, l’arrêt du 16 juillet 2013 de la Corte costituzionale a tranché en faveur de l’État italien la question de savoir quelle était l’autorité compétente pour déterminer les obligations de service public sur les liaisons entre la Sardaigne et le continent. La position de la Commission revient donc à considérer, en substance, que, au regard de cet arrêt de la Corte costituzionale, seul l’État italien était compétent pour mettre en place le service public de cabotage institué par la RAS en 2011 et en 2012 et adopter la mesure de compensation litigieuse afférente.

52

Toutefois, d’une part, il importe de souligner que, selon une jurisprudence constante, il n’appartient pas aux institutions de l’Union, en particulier aux juridictions de l’Union, de se prononcer sur la répartition des compétences opérée par les règles institutionnelles de droit interne entre les différentes entités nationales et sur les obligations qui leur incombent respectivement (ordonnance du 21 mars 1997, Région wallonne/Commission, C‑95/97, EU:C:1997:184, point 7, et arrêt du 15 juin 1999, Regione Autonoma Friuli-Venezia Giulia/Commission, T‑288/97, EU:T:1999:125, point 48).

53

D’autre part et en tout état de cause, force est de constater que l’argument de la Commission ne remet nullement en cause les considérations exposées aux points 47 à 50 ci-dessus, relatives à la qualité pour agir et à l’intérêt à agir de la requérante. S’agissant de la qualité pour agir, comme il a été exposé au point 48 ci-dessus, le Tribunal ne peut que constater que les aides litigieuses ont été versées par la RAS de sa propre initiative et en vue d’exercer ses compétences propres et que l’État italien n’est pas intervenu à cet égard, de sorte que l’intérêt de la RAS à contester la décision attaquée est distinct de l’intérêt de ce dernier. Par conséquent, il n’est pas nécessaire, pour le Tribunal, d’interpréter l’arrêt du 16 juillet 2013 de la Corte costituzionale pour vérifier si, en ce qui concerne la mesure de compensation litigieuse, la RAS disposait effectivement, comme elle le soutient, de la compétence pour instituer, au titre de la continuité territoriale, son propre service de cabotage maritime entre la Sardaigne et la péninsule italienne. S’agissant de l’intérêt à agir, il résulte du point 50 ci-dessus que la décision attaquée fait grief à la requérante et qu’elle est donc susceptible de retirer de son annulation un bénéfice juridique. La circonstance qu’elle ne pourrait pas en retirer un bénéfice « politique » pour les raisons exposées par la Commission est donc sans incidence. Par ailleurs, la Commission ne soutient pas que l’arrêt de la Corte costituzionale susmentionné remet en cause la compétence de la RAS pour octroyer l’augmentation de capital litigieuse.

54

En second lieu, il convient, de vérifier si, comme la Commission le soutient, l’intérêt à agir de la RAS a disparu en cours d’instance du fait de la mise en liquidation de Saremar.

55

À cet égard, il ressort des explications et des documents fournis au Tribunal par les parties les 11 et 29 juillet 2016 que, dans l’impossibilité de restituer la partie des aides litigieuses déjà versée, Saremar a demandé à être admise à la procédure de concordat préventif en vue de sa liquidation, lequel concordat préventif a été homologué par le Tribunale di Cagliari (tribunal de Cagliari, Italie) le 22 juillet 2015. Ce concordat préventif prévoit de satisfaire les créanciers de Saremar par la vente et la liquidation de tous ses biens. La flotte de Saremar a été cédée le 30 décembre 2015 et cette société a cessé toute activité le 31 mars 2016, tandis que la RAS a attribué, le 18 mars 2016, la concession de la liaison entre la Sardaigne et les petites îles sardes à une autre société. Par ailleurs, dans sa réponse du 11 juillet 2016, la RAS a indiqué que Saremar se trouvait à un stade avancé de la phase de liquidation de la procédure de concordat préventif, dans la mesure où tous les créanciers privilégiés avaient été satisfaits et qu’il était prévu de procéder, dans les mois à venir, à une première répartition substantielle entre les créanciers chirographaires.

56

Cependant, force est de constater que, nonobstant la mise en liquidation de Saremar, l’intérêt à agir de la RAS n’a pas disparu.

57

En effet, d’une part, il convient de relever que la décision attaquée n’a pas été abrogée ou retirée, de sorte que le présent recours conserve son objet (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, point 48).

58

D’autre part, la décision attaquée continue à produire des effets juridiques à l’égard de la RAS, lesquels ne sont pas devenus caducs du seul fait de la mise en liquidation de Saremar. À cet égard, la Commission ne conteste pas que, ainsi qu’il a été exposé à l’audience par la RAS et Saremar, la mise en liquidation de cette dernière n’a pas eu pour effet sa disparition, laquelle ne pourra intervenir qu’au terme de ce processus de liquidation. Or, même à supposer que, à la suite de la disparition de Saremar, les obligations découlant de la décision attaquée cesseraient d’avoir un contenu concret pour la RAS, tel n’est, en tout état de cause, pas le cas au stade de sa mise en liquidation. Il convient d’ajouter que le Tribunal n’a pas été informé, à ce jour, que la procédure de liquidation de Saremar était arrivée à son terme.

59

Ainsi, du fait de cette décision, la RAS n’est toujours pas en droit de verser à Saremar la partie de l’augmentation de capital litigieuse à laquelle, ainsi qu’il résulte du procès‑verbal de l’assemblée des actionnaires de Saremar en date du 11 juillet 2012 annexé à la requête, cette autorité publique n’avait pas procédé du fait de la notification de cette opération à la Commission.

60

Par ailleurs, s’agissant de la partie des aides litigieuses qui a été déjà versée par la RAS à Saremar, il résulte d’une jurisprudence constante que la seule circonstance que l’entreprise fasse l’objet d’une procédure de faillite, notamment lorsque cette procédure conduit à la liquidation de l’entreprise, ne remet pas en cause le principe de la récupération de l’aide. En effet, dans un tel cas de figure, le rétablissement de la situation antérieure et l’élimination de la distorsion de concurrence résultant des aides illégalement versées peuvent, en principe, être accomplis par l’inscription au passif de l’entreprise en liquidation d’une obligation relative à la restitution des aides concernées (voir arrêt du 1er juillet 2009, KG Holding e.a./Commission, T‑81/07 à T‑83/07, EU:T:2009:237, points 192 et 193 et jurisprudence citée). La RAS demeure donc, au minimum, dans l’obligation de veiller à ce que les créances qu’elle détient sur Saremar au titre de la partie déjà versée des aides litigieuses soient inscrites au passif de cette société.

61

Dans ces conditions, sans qu’il soit besoin d’examiner les arguments de la RAS, il y a lieu de relever que la mise en liquidation de Saremar ne remet pas en cause le constat opéré au point 50 ci-dessus selon lequel l’annulation de la décision attaquée serait susceptible de procurer un bénéfice à la requérante, dès lors que les obligations découlant de cette décision cesseraient alors automatiquement de s’imposer à elle et que sa situation juridique en serait nécessairement modifiée.

62

Les arguments de la Commission ne sauraient remettre en cause ces considérations.

63

D’une part, il résulte clairement de ces considérations que la question de savoir si Saremar peut poursuivre ou non son activité économique et, par voie de conséquence, la question de savoir si la RAS a un intérêt à la poursuite de cette activité sont dépourvues d’incidence sur la persistance de l’intérêt à agir de la requérante. En effet, il résulte des points 57 à 60 ci-dessus que ce qui importe à cet égard, c’est que, d’une part, la décision attaquée conserve un objet et, d’autre part, qu’elle continue à produire des effets juridiques à l’égard de la RAS et des décisions qu’elle a prises en tant qu’autorité publique. C’est pourquoi les déclarations de la RAS dans le contexte de l’affaire T‑506/14, Grandi Navi Veloci/Commission et celles du président de la RAS, reproduites dans les motifs de la décision régionale no 24/23 (voir point 40 ci-dessus), dont la Commission se prévaut, ne sont pas pertinentes en l’espèce. Par ailleurs, contrairement à ce que la Commission soutient, en maintenant, en dépit de ces déclarations, le présent recours, la RAS ne méconnaît pas le principe selon lequel nul ne peut contester ce qu’il a auparavant reconnu (nemo potest venire contra factum proprium).

64

D’autre part, ainsi qu’il résulte des points 47 à 61 ci-dessus, ce n’est pas en qualité de créancier de Saremar, mais en qualité d’autorité publique dispensatrice des aides litigieuses que la RAS est en droit d’introduire le présent recours. Par conséquent, est sans incidence la circonstance qu’elle n’aurait pas d’intérêt à l’annulation de la décision attaquée en tant que créancier de Saremar, du fait de la mise en liquidation de cette dernière.

65

Enfin, pour les raisons exposées aux points 52 et 53 ci-dessus, l’argument de la Commission tiré de l’incompétence alléguée de la RAS pour octroyer la mesure de compensation litigieuse ne saurait être retenu.

66

Il résulte de tout ce qui précède que la RAS conserve un intérêt à agir dans le cadre du présent recours et que, par conséquent, il y a lieu de statuer.

2. Sur le fond

67

Le recours comporte deux parties, la première tendant à l’annulation de la décision attaquée, en tant que la Commission a déclaré incompatible avec le marché intérieur et illégalement exécutée la mesure de compensation litigieuse, et la seconde tendant à l’annulation de cette décision, en tant que la Commission a déclaré incompatible et illégale l’augmentation de capital litigieuse.

En ce qui concerne la première partie du recours, relative à la partie de la décision attaquée concernant la mesure de compensation litigieuse

68

À l’encontre de la partie de la décision attaquée concernant la mesure de compensation litigieuse, la requérante soulève formellement cinq moyens tirés, pour l’essentiel, d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation. Le premier moyen porte sur l’identification des obligations de service public imposées à Saremar, le deuxième, sur l’application des conditions Altmark, le troisième, sur l’application de la décision 2005/842/CE de la Commission, du 28 novembre 2005, concernant l’application des dispositions de l’article [106, paragraphe 2, TFUE] aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général (JO 2005, L 312, p. 67, ci-après la « décision SIEG de 2005 ») et de la décision SIEG de 2011, le quatrième, sur la qualification de Saremar d’entreprise en difficulté, et le cinquième, sur l’application des principes de l’encadrement SIEG de 2011.

69

À cet égard, il y a lieu de relever que ces moyens portent, pour l’essentiel, sur la légalité au fond de la décision attaquée. Cependant, dans le cadre de ces moyens, la RAS fait valoir également que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation. De même, dans le cadre du quatrième moyen, la RAS invoque une violation de ses droits de la défense qui résulterait de la circonstance que la question de savoir si Saremar était une entreprise en difficulté n’aurait pas été débattue au cours de la procédure administrative. Par conséquent, il convient de considérer que, en réalité, la RAS soulève, à cet égard, un sixième moyen distinct des moyens de fond susmentionnés, lequel est tiré de la violation des formes substantielles et comporte deux branches relatives, d’une part, à une violation de l’obligation de motivation et, d’autre part, à la violation des droits de la défense. Ce moyen doit être examiné à part (voir, en ce sens, arrêt du 5 décembre 2013, Commission/Edison, C‑446/11 P, non publié, EU:C:2013:798, point 20, et jurisprudence citée).

70

Le Tribunal estime opportun d’examiner, en premier lieu, le sixième moyen, puis, en deuxième lieu, les deuxième à cinquième moyens, et, en troisième lieu, le premier moyen.

Sur le sixième moyen, tiré de la violation des formes substantielles

– Sur la première branche, tirée d’une violation de l’obligation de motivation de la décision attaquée

71

Au soutien de la première branche du sixième moyen, la RAS fait valoir, en substance, cinq griefs. Il convient, tout d’abord, d’examiner ensemble les deux premiers griefs.

72

Le premier grief est tiré de ce que l’identification par la décision attaquée des obligations de service public imposées à Saremar est insuffisamment motivée. Le deuxième grief est tiré de ce que la Commission n’a pas motivé sa décision de ne pas prendre en compte les preuves fournies par la RAS en vue de démontrer la nécessité des obligations de service public imposées à Saremar et le caractère suffisamment clair de leur définition.

73

À cet égard, il y a lieu de relever que ces deux griefs se rapportent à la motivation de la partie de la décision attaquée relative à l’examen de la mesure de compensation litigieuse au regard de la première condition Altmark. Or, comme il sera exposé aux points 123 à 132 ci-dessous, cette partie de la décision attaquée n’était pas indispensable pour permettre à la Commission de constater que ladite mesure de compensation ne respectait pas les conditions Altmark, dès lors qu’elle a pu, à bon droit, constater que la deuxième de ces conditions n’était pas remplie. Par conséquent, les erreurs alléguées de la Commission dans le cadre de l’application de la première condition Altmark sont sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Dès lors, sans qu’il soit besoin de vérifier si le premier grief remplit les conditions de recevabilité définies à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, applicable à la date de l’introduction du recours, il y a lieu de considérer que les deux griefs en cause sont inopérants et doivent être rejetés.

74

Le troisième grief se rapporte à un défaut de motivation des points 255 à 260 de la décision attaquée, dans lesquels la Commission a examiné la compatibilité de la mesure de compensation litigieuse au regard des conditions prévues par la décision SIEG de 2011 et par la décision SIEG de 2005.

75

En premier lieu, selon une jurisprudence constante, l’exigence visée à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991, selon laquelle la requête doit comporter, outre l’indication de l’objet du litige, les moyens et arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens, doit s’interpréter en ce sens que, sous peine d’irrecevabilité desdits moyens, la requête doit expliciter en quoi ils consistent, de sorte que leur seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences de ce règlement. Des exigences analogues sont requises en ce qui concerne un grief énoncé au soutien d’un moyen (voir, en ce sens, arrêts du 14 février 2012, Italie/Commission, T‑267/06, non publié, EU:T:2012:69, point 35, et du 12 septembre 2013, Besselink/Conseil, T‑331/11, non publié, EU:T:2013:419, points 37 à 41 et jurisprudence citée).

76

Or, en l’espèce, il convient de relever que la requérante ne précise pas le contenu du troisième grief. En effet, elle se borne à invoquer dans le titre de son troisième moyen visant les erreurs commises par la Commission aux points 255 à 260 de la décision attaquée une « violation de l’article 296 TFUE », sans préciser aucunement en quoi consiste cette violation. Par conséquent, en vertu de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991, ce grief est irrecevable.

77

Le quatrième grief est tiré, en substance, de ce que la Commission n’aurait pas précisé, au point 269 de la décision attaquée, si elle a considéré que l’attribution d’une compensation de service public à une entreprise en difficulté était exclue par principe.

78

À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce et, notamment, du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 28 janvier 2016, Slovénie/Commission, T‑507/12, non publié, EU:T:2016:35, point 23 et jurisprudence citée).

79

Par ailleurs, en matière d’aide d’État, la corrélation nécessaire entre les motifs invoqués par les intéressés au cours de la procédure formelle d’examen et la motivation de la décision de la Commission ne saurait imposer à celle-ci d’écarter chacun des arguments invoqués à l’appui de ces motifs. Il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir arrêt du 28 janvier 2016, Slovénie/Commission, T‑507/12, non publié, EU:T:2016:35, point 25 et jurisprudence citée).

80

En l’espèce, il n’était pas indispensable pour la Commission de préciser, au point 269 de la décision attaquée, si elle considérait que l’attribution d’une compensation de service public à une entreprise en difficulté était exclue par principe. En effet, il suffisait que, comme c’est d’ailleurs le cas dans ce point de la décision attaquée, elle indique que, conformément au point 9 de l’encadrement SIEG de 2011 et compte tenu de l’absence de satisfaction des conditions de la décision SIEG de 2011 en l’espèce, la compatibilité de ladite compensation devait être évaluée au regard des lignes directrices concernant les aides au sauvetage et à la restructuration. Ainsi, cette indication fait apparaître clairement les éléments de droit déterminants ayant conduit la Commission à considérer comme nécessaire, en l’espèce, l’application desdites lignes directrices. Par conséquent, il n’était pas besoin, pour la Commission, de détailler davantage les postulats théoriques sur lesquels son raisonnement reposait, le point 269 de la décision attaquée permettant, d’une part, à la RAS de comprendre ce raisonnement et de discuter lesdits postulats dans le cadre du présent recours, en particulier dans le cadre du quatrième moyen, et, d’autre part, au Tribunal d’exercer son contrôle. Le quatrième grief doit donc être rejeté.

81

Le cinquième grief est tiré, en substance, de ce que la Commission n’a pas motivé l’application en l’espèce des principes prévus aux points 14, 19, 20, 39 et 60 de l’encadrement SIEG de 2011, alors que, en vertu du point 61 du même encadrement, ces principes ne seraient pas applicables à la mesure de compensation litigieuse.

82

À cet égard, il suffit de relever, à l’instar de la Commission dans le mémoire en défense, que le présent grief repose sur la prémisse que la compensation de service public litigieuse satisferait aux conditions énoncées à l’article 2, paragraphe 1, de la décision SIEG de 2011 et que, de ce fait, conformément au point 61 de l’encadrement SIEG de 2011, les points 14, 19, 20, 39 et 60 de cet encadrement n’étaient pas applicables à ladite compensation. Or, dans une partie antérieure de la décision attaquée, à savoir aux points 255 à 260 de cette décision, la Commission a exposé les raisons pour lesquelles elle considérait que les conditions d’application de la décision SIEG de 2011 n’étaient pas réunies en l’espèce. Par conséquent, elle n’était pas tenue de justifier ultérieurement pourquoi elle examinait la compensation litigieuse au regard des conditions fixées aux points 14, 19, 20, 39 et 60 de l’encadrement SIEG de 2011.

83

Dans ces conditions, le cinquième grief ne peut être qu’écarté et il convient, dès lors, de rejeter la première branche du sixième moyen dans son ensemble.

– Sur la seconde branche, tirée d’une violation des droits de la défense

84

La RAS soutient que la Commission a qualifié Saremar d’entreprise en difficulté pour la première fois dans la décision attaquée. Selon elle, cette question n’a jamais fait l’objet d’un débat contradictoire au cours de la procédure administrative.

85

La Commission rétorque que les droits de la défense de la requérante au cours de la procédure administrative ne sauraient être invoqués en l’espèce.

86

À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les intéressés, au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, ont uniquement, dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État, la faculté d’adresser à la Commission toute information destinée à éclairer celle-ci dans son action future et ne sauraient prétendre à un débat contradictoire avec la Commission tel que celui ouvert au profit de l’État membre concerné. Au nombre des intéressés, au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, figurent non seulement les bénéficiaires de l’aide ou, le cas échéant, leurs concurrents, mais également les entités territoriales infra-étatiques ayant octroyé l’aide, telles que la RAS en l’espèce (voir, en ce sens, arrêts du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732, point 181 et jurisprudence citée, et du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais et Communauté d’Agglomération du Douaisis/Commission, T‑267/08 et T‑279/08, EU:T:2011:209, point 87 et jurisprudence citée). Par conséquent, en l’espèce, la circonstance qu’aucun débat contradictoire entre la RAS et la Commission n’ait eu lieu au cours de la procédure formelle d’examen concernant la question de savoir si Saremar devait être qualifiée d’entreprise en difficulté ne saurait être constitutive d’une violation des droits de la défense de la requérante. En tout état de cause, comme la Commission l’a souligné à bon droit, la décision d’ouverture formelle d’examen, dans ses considérants 260 et 261, se référait expressément à l’hypothèse selon laquelle Saremar était une entreprise en difficulté, tout en indiquant que la Commission ne disposait pas pour le moment d’indications à ce sujet. Il appartenait donc à la RAS, au cours de cette procédure, de faire usage de la faculté qui lui était offerte de présenter des observations et des informations sur cette question, si elle l’estimait nécessaire.

87

Dès lors, il convient de rejeter la seconde branche du sixième moyen et, par voie de conséquence, le sixième moyen dans son ensemble.

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, ainsi que d’erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission dans l’application des conditions Altmark

88

Le deuxième moyen porte sur l’application des trois premières conditions Altmark effectuée par la Commission aux points 167 à 224 de la décision attaquée. Ce moyen se compose de cinq branches. Les trois premières branches sont relatives à la première condition Altmark, tandis que la quatrième et la cinquième de ces branches portent respectivement sur la deuxième et de la troisième de ces conditions. La RAS considère, en substance, que les erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission dans le cadre de l’application de ces conditions sont constitutives d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

89

À titre liminaire, il convient de relever qu’il appartient au Tribunal d’examiner sur le fond l’argumentation de la RAS au soutien des différentes branches du deuxième moyen uniquement au regard d’une violation alléguée de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et non au regard d’une violation alléguée de l’article 106, paragraphe 2, TFUE. En effet, les conditions Altmark ont pour seul objet la qualification de la mesure en cause d’aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, aux fins de la détermination de l’existence d’une obligation de notification de cette mesure à la Commission, dans l’hypothèse d’une aide nouvelle, ou de coopération avec cette institution, dans le cas d’une aide existante (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 1er juillet 2010, M6 et TF1/Commission, T‑568/08 et T‑573/08, EU:T:2010:272, points 128 et 129 et jurisprudence citée). En revanche, ces conditions ne sont pas relatives à la détermination de la compatibilité de cette aide au regard de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, laquelle détermination implique, par définition, que la mesure ait été, au préalable, qualifiée d’aide d’État. Par conséquent, en tant qu’il est tiré d’une violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, le présent moyen est inopérant.

90

Par ailleurs il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la qualification d’aide d’État requiert que toutes les conditions visées à l’article 107, paragraphe 1, TFUE soient remplies. Ces conditions sont les suivantes : premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État, deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre États membres, troisièmement, elle doit accorder un avantage à son bénéficiaire, quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir arrêt du 22 octobre 2015, EasyPay et Finance Engineering, C‑185/14, EU:C:2015:716, point 35 et jurisprudence citée).

91

Ainsi, aux fins de la qualification d’aide d’État, l’article 107, paragraphe 1, TFUE suppose notamment l’existence d’un avantage accordé à une entreprise. Or, comme la Cour l’a jugé au point 87 de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), ne relève pas de l’article 107, paragraphe 1, TFUE une intervention étatique considérée comme une compensation représentant la contrepartie de prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public, de sorte que ces entreprises ne profitent pas, en réalité, d’un avantage financier et que ladite intervention n’a donc pas pour effet de placer ces entreprises dans une position concurrentielle plus favorable au regard des entreprises concurrentes (arrêts du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, EU:C:2003:415, point 87, et du 22 octobre 2015, EasyPay et Finance Engineering, C‑185/14, EU:C:2015:716, point 45).

92

Cependant, pour que, dans un cas concret, une telle compensation puisse échapper à la qualification d’aide d’État, un certain nombre de conditions doivent être réunies. Premièrement, l’entreprise bénéficiaire a effectivement été chargée de l’exécution d’obligations de service public et ces obligations ont été clairement définies. Deuxièmement, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation ont été préalablement établis de façon objective et transparente, afin d’éviter qu’elle comporte un avantage économique susceptible de favoriser l’entreprise bénéficiaire par rapport à des entreprises concurrentes. Troisièmement, la compensation ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations. Quatrièmement, lorsque le choix de l’entreprise à charger de l’exécution d’obligations de service public n’est pas effectué dans le cadre d’une procédure de marché public, le niveau de la compensation nécessaire a été déterminé sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations (arrêts du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, EU:C:2003:415, points 88 à 93, et du 11 mars 2009, TF1/Commission, T‑354/05, EU:T:2009:66, point 128).

93

Par conséquent, une intervention étatique qui ne répond pas à une ou à plusieurs des conditions Altmark est susceptible d’être considérée comme une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE pour autant que les autres conditions requises pour la qualification d’aide, qui sont visées à cet article, soient remplies (voir, en ce sens, arrêts du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, EU:C:2003:415, point 94, et du 11 mars 2009, TF1/Commission, T‑354/05, EU:T:2009:66, point 129).

94

Il résulte de ce qui précède que les conditions Altmark, qui doivent être réunies pour qu’une intervention étatique sous la forme d’une compensation de service public puisse échapper à la qualification d’aide d’État, présentent un caractère cumulatif. En outre, ces conditions sont distinctes l’une de l’autre et poursuivent leur finalité propre (arrêt du 18 février 2016, Allemagne/Commission, C‑446/14 P, non publié, EU:C:2016:97, point 31). Ainsi, dans le cadre du contrôle des aides d’État, la Commission n’est pas tenue d’examiner l’ensemble de ces conditions si elle constate qu’une ou plusieurs d’entre elles ne sont pas remplies (voir, en ce sens, arrêt du 11 mars 2009, TF1/Commission, T‑354/05, EU:T:2009:66, points 142, 143 et 146). De même, le caractère erroné du constat de la Commission que l’une de ces conditions n’est pas remplie ne saurait entraîner l’annulation de la décision attaquée si, par ailleurs, la Commission effectue un constat analogue concernant une autre de ces conditions qui est exempt d’erreur. En effet, ce dernier constat suffit à lui seul pour conclure que la mesure litigieuse octroie un avantage économique susceptible d’entraîner sa qualification d’aide d’État (voir, en ce sens, arrêt du 26 novembre 2015, Abertis Telecom et Retevisión I/Commission, T‑541/13, non publié, sous pourvoi, EU:T:2015:898, points 64 et 112).

95

Dans ces conditions, il paraît approprié, en l’espèce, d’examiner ensemble les différentes branches du présent moyen. En effet, chacune de ces branches est relative à une des conditions Altmark et, par conséquent, aucune d’entre elles n’est propre à entraîner, par elle-même, l’annulation de la décision attaquée.

96

Par ailleurs, ainsi qu’il résulte du point 173 de la décision attaquée, la Commission a considéré que, pour des raisons de clarté, il était plus approprié de commencer son examen du respect des conditions Altmark par la mesure de compensation litigieuse en analysant cette dernière au regard de la deuxième de ces conditions. En outre, au point 179 de ladite décision, elle a conclu cette analyse en retenant que cette condition n’était pas remplie et que, par conséquent, la compensation de service public octroyait un avantage à Saremar au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. C’est seulement à la suite de cette analyse que la Commission a examiné successivement la première (points 180 à 219 de la décision attaquée) et la troisième condition Altmark (points 220 à 223 de la décision attaquée). Ainsi, il convient d’examiner, en premier lieu, les arguments de la RAS relatifs aux erreurs de droit et d’appréciation commises par la Commission dans le cadre de l’application de la deuxième condition Altmark, qui sont exposés au soutien de la quatrième branche du présent moyen.

97

La RAS soutient, en substance, que la deuxième condition Altmark n’exige pas que les décisions donnant mandat de service public visent explicitement la mesure de compensation en cause. Ainsi, il suffirait, comme en l’espèce, que soient définis préalablement, de manière transparente et objective, tous les critères d’organisation et d’exploitation de ce service public permettant d’identifier les coûts et les recettes qui y sont liés. En outre, l’instauration d’une comptabilité séparée pour l’exploitation par Saremar des liaisons avec le continent aurait, en l’espèce, évité toute surcompensation et tout financement croisé. Par ailleurs, la RAS considère qu’elle n’a pas exclu un déficit d’exploitation, dans la mesure où elle imposait à Saremar d’accomplir sa mission de service public en toute hypothèse. Enfin, selon la RAS, la décision 2009/611/CE de la Commission, du 8 juillet 2008, concernant les mesures C 58/02 (ex N 118/02) que la France a mises à exécution en faveur de la Société Nationale Maritime Corse-Méditerranée (SNCM) (JO 2009, L 225, p. 180, ci-après la « décision SNCM ») confirmerait la possibilité, pour la Commission, d’approuver une compensation de service public versée a posteriori.

98

En défense, la Commission reprend, en substance, les considérations qu’elle a exposées aux points 174 à 177 de la décision attaquée et qui l’ont amenée à conclure que la deuxième condition Altmark n’était pas remplie en l’espèce. En outre, elle soutient que la décision SNCM n’est pas pertinente. En intervention, CIN approuve, en substance, cette argumentation.

99

À titre liminaire, il convient de rappeler que, pour conclure, au point 179 de la décision attaquée, que la deuxième condition Altmark n’était pas remplie en l’espèce, la Commission a estimé, aux points 174 à 177 de cette décision, que les paramètres de calcul de la mesure de compensation litigieuse ne pouvaient pas être considérés comme ayant été établis au préalable, de manière objective et transparente. En effet, elle a relevé que, dans les décisions déterminant la mission de service public de Saremar, aucune compensation n’était prévue, cette dernière étant même exclue. Ainsi, selon la décision attaquée, les décisions de la RAS susmentionnées reposaient sur le postulat que ladite mission de service public devait être accomplie par Saremar, sinon de manière rentable, du moins en maintenant l’équilibre budgétaire et ce n’est que postérieurement, une fois que le déficit résultant de ladite mission avait émergé, qu’un mécanisme de compensation avait été mis en œuvre (points 174 à 177 de la décision attaquée). Elle a ajouté que, comme elle l’exposerait par la suite, dans le cadre de l’application de la première condition Altmark, dès lors que les obligations concernant les niveaux de tarifs n’étaient pas clairement définies, les paramètres de calcul de la compensation, nécessairement liés à ces niveaux de tarifs, ne pouvaient eux-mêmes avoir été établis, au préalable, de manière objective et transparente (point 178 de la décision attaquée).

100

À cet égard, comme il a été rappelé au point 92 ci-dessus, la deuxième condition Altmark porte sur la nécessité d’établir au préalable, de façon objective et transparente, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation, afin d’éviter que cette compensation comporte un avantage économique susceptible de favoriser l’entreprise bénéficiaire par rapport à des entreprises concurrentes.

101

En effet, ainsi que le Tribunal l’a relevé à plusieurs reprises, les États membres disposent d’une large marge d’appréciation non seulement quant à la définition d’une mission de service public, sur laquelle porte la première condition Altmark, mais également quant à la détermination de la compensation des coûts de ce service public. Ainsi en l’absence d’une réglementation de l’Union en matière de service d’intérêt économique général (SIEG), la Commission n’est pas habilitée à se prononcer sur l’étendue des missions de service public incombant à l’exploitant public, en particulier le niveau des coûts liés à ce service, ni sur l’opportunité des choix politiques pris, à cet égard, par les autorités nationales, ni sur l’efficacité économique de l’exploitant public (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2014, Zweckverband Tierkörperbeseitigung/Commission, T‑309/12, non publié, EU:T:2014:676, points 104 et 148 et jurisprudence citée).

102

C’est, au demeurant, notamment parce que cette détermination de la compensation des coûts du service public n’est soumise qu’à un contrôle restreint des institutions que la deuxième condition Altmark exige que les institutions soient en mesure de vérifier l’existence de paramètres objectifs et transparents fixés au préalable, ces paramètres devant être précisés de façon à exclure tout recours abusif de l’État membre à la notion de SIEG ayant pour effet de conférer à l’exploitant public un avantage économique sous la forme d’une compensation (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2014, Zweckverband Tierkörperbeseitigung/Commission, T‑309/12, non publié, EU:T:2014:676, point 148 et jurisprudence citée).

103

Ainsi, cette condition laisse les États membres libres du choix des modalités pratiques pour assurer son respect, pour autant que les modalités de fixation des paramètres de calcul de la compensation restent objectives et transparentes. L’appréciation de la Commission à cet effet doit s’appuyer sur une analyse des conditions juridiques et économiques concrètes au regard desquelles ces paramètres sont déterminés (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2012, CBI/Commission, T‑137/10, EU:T:2012:584, point 192 et jurisprudence citée).

104

En l’espèce, force est de constater que l’analyse de la Commission aux points 174 à 177 de la décision attaquée, dans laquelle elle relève, en particulier, l’absence de toute détermination préalable d’une compensation, est exempte d’erreur.

105

En effet, il ressort des pièces du dossier qu’aucune des décisions régionales visées aux points 6 à 9 ci-dessus, par lesquelles la RAS a mandaté Saremar pour effectuer des liaisons avec le continent et a précisé les obligations de service public afférentes, ne prévoit, de manière expresse ou même implicitement, le versement d’une compensation de service public correspondant aux charges entraînées par l’exécution des obligations susmentionnées. Au contraire, comme la Commission l’a souligné aux points 174 à 177 de la décision attaquée, toutes ces décisions ont donné à Saremar des directives pour déterminer les liaisons et les tarifs à mettre en œuvre ainsi que pour moduler lesdits tarifs en vue de concilier la demande de transport avec l’objectif d’équilibre économique et financier. Ainsi, ces décisions reposaient sur le postulat que l’exécution des obligations de service public susmentionnées devait s’effectuer dans des conditions de marché et donc en préservant la viabilité de l’activité sans recours à une compensation de service public versée par la RAS. Au demeurant, comme le relève la Commission au point 177 de la décision attaquée, la décision régionale no 48/65 justifie expressément l’obligation de maintenir l’équilibre économique des liaisons avec le continent en se référant à l’objectif d’éviter le versement d’une aide d’État incompatible.

106

Dans ces conditions, c’est à bon droit que la Commission a considéré que l’exigence d’une détermination au préalable de paramètres objectifs et transparents pour le calcul de la compensation de service public ne pouvait être considérée comme remplie en l’espèce. En effet, tel ne pouvait être le cas en l’absence d’adoption par la RAS de dispositions prévoyant l’octroi d’une telle compensation et dans le cadre de modalités d’organisation du service public en cause, telles que décrites au point 105 ci-dessus, qui excluent, du moins en principe, cette compensation. Certes, comme il a été rappelé au point 103 ci-dessus, dans le cadre de la deuxième condition Altmark, la jurisprudence reconnaît aux autorités nationales un large pouvoir d’appréciation pour déterminer les modalités de calcul de la compensation de service public en cause. Toutefois, dans ce cadre, ce pouvoir d’appréciation ne saurait dispenser les autorités nationales de prévoir, au préalable, une compensation de service public. Ainsi, la détermination, au préalable, des modalités de calcul de cette compensation est nécessaire pour que la deuxième condition Altmark soit remplie et présuppose, par définition, qu’il ait été décidé, également au préalable, d’octroyer une telle compensation.

107

Au demeurant, comme l’a relevé en substance la Commission dans la duplique, les autorités nationales sont libres, si elles le jugent approprié, de prévoir une mission de service public dont l’équilibre financier est assuré entièrement par les recettes d’exploitation, sans recours à une compensation de service public. Certes, l’imposition d’obligations de service public implique généralement, à titre de contrepartie, l’octroi à l’exploitant concerné d’une compensation. Toutefois, en l’absence d’une réglementation de l’Union en matière de SIEG, le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce qu’une telle compensation de service public ne soit pas prévue. En l’espèce, comme l’a relevé à juste titre la Commission au point 174 de la décision attaquée, la marge d’appréciation que la RAS, dans le cadre des décisions régionales visées aux points 6 à 9 ci-dessus, a accordée à Saremar pour ajuster ses tarifs avait précisément pour objet de permettre à cette société de maintenir l’équilibre financier et économique de son activité dans des conditions de marché, sans avoir besoin de recourir à un financement public.

108

Cela étant, dans ce cadre, qui excluait le financement de la mission de Saremar au moyen de ressources publiques, la mesure de compensation litigieuse, qui a été accordée ultérieurement au vu des déficits d’exploitation résultant de cette activité, ne saurait être considérée comme une compensation de service public au sens de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415). En effet, dans la mesure où une telle compensation n’a pas été prévue au préalable, elle n’a donc pas pu être calculée, comme l’exige la deuxième condition Altmark, sur la base de paramètres objectifs et transparents définis eux-mêmes au préalable. Ainsi, comme l’a relevé la Commission au point 176 de la décision attaquée, ce n’est que dans le cadre de la loi régionale no 15 de 2012 que la RAS a pris la décision de verser à Saremar une subvention de 10 millions d’euros pour « couvrir l’éventuel déficit » résultant des liaisons avec le continent effectuées par Saremar. Au surplus, cette loi régionale n’indique aucunement sur la base de quels paramètres le montant de cette subvention a été déterminé.

109

Il résulte de ce qui précède que, sur le seul fondement des points 174 à 177 de la décision attaquée, la Commission pouvait, à bon droit, considérer que la deuxième condition Altmark n’était pas remplie en l’espèce.

110

Les arguments de la RAS présentés dans le cadre de la quatrième branche du deuxième moyen ne sauraient remettre en cause cette conclusion.

111

En premier lieu, l’argument de la RAS, selon lequel l’absence de référence explicite à une compensation de service public dans les décisions régionales conférant mandat de service public à Saremar n’est pas contraire à la deuxième condition Altmark est dénué de fondement.

112

À cet égard, d’une part, ni l’encadrement SIEG de 2011, ni la communication de la Commission, du 11 janvier 2012, relative à l’application des règles de l’Union européenne en matière d’aides d’État aux compensations octroyées pour la prestation de services d’intérêt économique général (JO 2012, C 8, p. 4), sur lesquels la RAS se fonde, ne viennent à l’appui de cet argument. En effet, comme la requérante l’indique elle-même, il résulte seulement de ces communications que la Commission considère que les autorités nationales compétentes ne sont pas tenues de fixer au préalable le montant exact de la compensation ou une formule déterminée permettant de calculer ce montant. En revanche, il ne résulte nullement de ces communications que la Commission a considéré que ces mêmes autorités pourraient, à l’instar de la RAS, s’abstenir de prévoir au préalable le versement d’une compensation. À cet égard, comme il a été indiqué au point 106 ci-dessus, le large pouvoir d’appréciation dont les autorités nationales disposent pour déterminer les paramètres de calcul d’une compensation de service public ne saurait, par définition, dispenser ces autorités de prévoir, au préalable, une telle compensation.

113

D’autre part, la décision SNCM ne saurait être invoquée à l’appui de cet argument. En effet, d’une part, comme la Commission l’a rappelé à bon droit, il résulte d’une jurisprudence constante que c’est dans le seul cadre de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, tel qu’interprété par l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, (C‑280/00, EU:C:2003:415), que la légalité d’une décision qualifiant d’aide d’État une compensation de service public doit être appréciée et non au regard d’une pratique décisionnelle antérieure, fût-elle établie (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑171/02, EU:T:2005:219, point 177 et jurisprudence citée). D’autre part et en tout état de cause, comme la Commission l’a relevé dans la duplique, la décision SNCM ne permet pas de confirmer l’argument de la requérante. Ainsi, contrairement à ce que la requérante soutient dans la réplique, il résulte du point 253 de cette décision que la compensation de service public accordée à la SNCM avait été, à la différence de la mesure de compensation litigieuse, prévue, au préalable, dans la convention portant mandat de service public conclue entre les autorités françaises et cette entreprise. Au demeurant, dans cette même décision SNCM, la Commission a considéré que ladite compensation constituait une aide d’État au regard des conditions Altmark.

114

En deuxième lieu, la circonstance que tous les critères nécessaires pour identifier et calculer exactement les coûts et les recettes relatifs au service public en cause seraient définis dans les décisions de la RAS conférant mandat à Saremar et la circonstance que la décision régionale no 20/57 aurait institué un système de comptabilité séparée concernant ledit service public ne sont pas de nature à établir l’existence d’une erreur de droit ou d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission dans le cadre de l’application de la deuxième condition Altmark.

115

D’une part, le postulat sur lequel le premier des arguments mentionnés au point 114 ci-dessus repose est erroné. En effet, comme la RAS l’a elle-même admis dans la requête, tous les critères nécessaires pour identifier et calculer les coûts et les recettes relatifs au service public en cause n’étaient pas définis au préalable, puisque les décisions régionales conférant mandat à Saremar ne prenaient pas en compte le volume de trafic prévisible sur les liaisons avec le continent que cette entreprise devait réaliser. Or, à l’évidence, il s’agit là d’une variable de nature à jouer un rôle essentiel dans la réalisation ou non de l’équilibre économique de l’activité en cause et donc dans le calcul d’une éventuelle compensation nécessaire à cet équilibre. Ainsi, la RAS reconnaît, implicitement mais nécessairement, qu’un élément déterminant pour fixer des paramètres objectifs de calcul du montant de la compensation n’était pas pris en compte dans les décisions régionales susmentionnées.

116

D’autre part, la circonstance que lesdites décisions régionales facilitaient l’identification des éléments de comptabilité nécessaires pour calculer le montant d’une compensation éventuelle n’est pas déterminante en l’espèce. En effet, même à la supposer établie, cette circonstance ne saurait pallier l’absence, dans ces décisions, de dispositions prévoyant l’octroi d’une compensation de service public, ni, par conséquent, l’absence de paramètres objectifs et transparents pour le calcul de cette dernière. En particulier, il convient de souligner que, dans lesdites décisions régionales, rien n’indique que les éléments de comptabilité mis en avant par la RAS devaient être utilisés pour la détermination du calcul du montant d’une compensation de service public, cette dernière, comme il a été indiqué au point 106 ci-dessus, ayant été, en principe, exclue.

117

Par ailleurs, comme la Commission le fait valoir, il résulte des termes mêmes de la décision régionale no 20/57 que le système de comptabilité séparé mis en place dans cette décision avait pour objet de garantir l’équilibre économique et financier du service public en cause dans des conditions de marché. En particulier, comme la RAS l’indique elle-même dans sa requête, ce système de comptabilité séparée visait notamment à éviter que les charges liées à ce service public ne soient compensées par les recettes afférentes aux liaisons avec les petites îles sardes et la Corse, effectuées par Saremar dans le cadre d’une convention de service public et qui comprenaient, en particulier, la compensation de service public versée dans le cadre de cette convention.

118

Enfin, la RAS ne saurait utilement se prévaloir de la circonstance que l’identification préalable des éléments de comptabilité pertinents dans les décisions régionales portant mandat de service public et l’instauration d’un système de comptabilité séparée auraient permis d’éviter une surcompensation.

119

En effet, comme il a été rappelé au point 92 ci-dessus, l’exigence relative à l’absence de surcompensation est pertinente dans le cadre de l’examen de la troisième condition Altmark, mais non dans le cadre de l’examen de la deuxième condition, qui doit se limiter à vérifier l’existence d’une détermination préalable de paramètres de calcul objectifs et transparents pour fixer le montant de cette compensation. Si ces conditions présentent une certaine interdépendance, il n’en demeure pas moins vrai que, comme il a été indiqué au point 94 ci-dessus, ces conditions doivent être toutes satisfaites de manière distincte pour que la mesure de compensation litigieuse échappe à la qualification d’aide.

120

À cet égard, c’est en vain que la requérante se réfère au point 210 de l’arrêt du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission (T‑289/03, EU:T:2008:29). En effet, dans ce point, le Tribunal a constaté que, dans la décision qui faisait l’objet du litige, la Commission avait vérifié l’existence en l’espèce d’une surcompensation, qui était pertinente dans le cadre de l’examen de la troisième condition Altmark. Le Tribunal en a donc déduit, en substance qu’elle avait, implicitement mais nécessairement, procédé, au préalable, à la vérification de l’existence de paramètres objectifs et transparents de calcul du montant de la compensation de service public en cause, qui relevait de la deuxième condition Altmark. Au point 211 du même arrêt, le Tribunal en a conclu qu’il lui appartenait de vérifier si la Commission avait pu valablement considérer que cette deuxième condition était satisfaite. Ainsi, bien loin de venir au soutien de l’argument de la requérante, le point 210 dudit arrêt, replacé dans son contexte, confirme la nécessité de vérifier l’existence de paramètres objectifs et transparents fixés au préalable en vue de déterminer le montant de la mesure de compensation litigieuse indépendamment de l’absence de surcompensation (arrêt du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T‑289/03, EU:T:2008:29, points 210 et 211).

121

En troisième et dernier lieu, il importe de relever que, contrairement aux affirmations de la RAS, l’obligation de Saremar d’accomplir, en toute hypothèse, la mission de service public qui lui avait été confiée en l’espèce, en vue de garantir la continuité territoriale, y compris en cas de déficit d’exploitation, ne démontre pas que la deuxième condition Altmark a été remplie. Au contraire, l’existence d’une telle obligation suggère précisément que, contrairement à ce qui résulte des décisions régionales visées aux points 6 à 9 ci-dessus, la RAS ne pouvait pas écarter l’hypothèse d’un recours à une compensation de service public et que, par conséquent, elle aurait dû prévoir, dans ces décisions régionales, l’octroi d’une compensation et des paramètres objectifs et transparents pour déterminer le montant de celle-ci.

122

Il résulte de tout ce qui précède que la Commission a pu considérer à bon droit, en se fondant sur les considérations exprimées aux points 174 à 177 de la décision attaquée, que la mesure de compensation litigieuse ne satisfaisait pas à la deuxième condition Altmark. La circonstance, invoquée par la RAS, que, au point 178 de cette décision, la Commission se serait fondée sur des considérations erronées relatives au pouvoir d’appréciation de Saremar pour déterminer et ajuster ses tarifs, énoncées dans le cadre de l’examen de la première condition Altmark, est sans incidence. En effet, dans la mesure où, comme il a été indiqué ci-dessus, les considérations énoncées aux points 174 à 177 de ladite décision suffisaient pour constater que la deuxième condition Altmark n’était pas remplie, celles de son point 178 sont nécessairement surabondantes. Le grief de la RAS relatif à ce dernier point est donc inopérant. En effet, un motif erroné ne saurait justifier l’annulation de l’acte qui en est entaché s’il revêt un caractère surabondant et s’il existe d’autres motifs qui suffisent à le fonder (voir arrêt du 20 septembre 2012, France/Commission, T‑154/10, EU:T:2012:452, point 99 et jurisprudence citée). La quatrième branche du deuxième moyen ne peut donc qu’être rejetée.

123

S’agissant des autres branches du deuxième moyen, il y a lieu de considérer que, en raison du rejet de la quatrième branche de ce moyen pour les motifs exposés aux points 100 à 122 ci-dessus, elles sont inopérantes.

124

En effet, d’une part, comme il a été indiqué au point 94 ci-dessus, compte tenu du caractère cumulatif et autonome des conditions Altmark, la Commission n’est pas tenue d’examiner l’ensemble de ces conditions si elle constate que l’une d’entre elles n’est pas remplie et que, par conséquent, la mesure litigieuse doit être qualifiée d’aide d’État. D’autre part, si la Commission a effectué à bon droit un tel constat, le caractère éventuellement erroné de ses appréciations concernant une ou plusieurs autres de ces conditions ne saurait, en principe, entraîner l’annulation de la décision attaquée.

125

En l’espèce, si la Commission, dans la décision attaquée, a examiné la mesure de compensation litigieuse au regard des trois premières conditions Altmark, elle a néanmoins considéré, comme il a été rappelé au point 96 ci-dessus, qu’il convenait d’examiner si la mesure de compensation litigieuse devait être qualifiée d’aide d’État en commençant par vérifier si la deuxième desdites conditions était remplie et n’a examiné la première et la troisième de ces conditions qu’à une étape ultérieure de son analyse. Par ailleurs, au point 179 de la décision attaquée, la Commission, après avoir conclu que cette deuxième condition ne pouvait être considérée comme remplie, en a déduit que ladite compensation octroyait un avantage à Saremar au sens de l’article 107 TFUE. Ainsi, dans la décision attaquée, elle a nécessairement considéré que l’examen de cette deuxième condition suffisait pour conclure que la mesure de compensation litigieuse conférait un avantage économique à Saremar.

126

Certes, il ne peut être exclu, dans certains cas, que, compte tenu d’une certaine interdépendance des conditions Altmark, le bien-fondé des conclusions de la Commission relatives à une de ces conditions puisse dépendre du bien-fondé d’appréciations opérées dans le cadre d’une autre de ces conditions.

127

Toutefois, d’une part, ainsi qu’il a été constaté au point 122 ci-dessus, en l’espèce, la conclusion de la Commission selon laquelle la deuxième condition Altmark n’était pas remplie pouvait se fonder sur les seuls motifs exposés aux points 174 à 177 de la décision attaquée.

128

D’autre part, ces motifs ne dépendent nullement des appréciations portées par la Commission dans le cadre de l’examen de la première ou de la troisième condition Altmark.

129

En effet, tout d’abord, dans le cadre de l’application de la première condition Altmark, la Commission a considéré, en substance, aux points 181 à 210 de la décision attaquée, que les obligations de service public imposées à Saremar n’étaient pas nécessaires au motif, en particulier, qu’elles n’étaient pas de nature à garantir l’accessibilité économique des tarifs sur les liaisons entre la Sardaigne et le continent. Force est de constater que ces considérations ne présentent aucun rapport avec celles exposées aux points 174 à 177 de la même décision qui, comme il a été indiqué au point 99 ci-dessus, reposent sur le constat que les décisions de la RAS fixant les obligations de service public de Saremar ne prévoyaient pas l’octroi d’une compensation de service public.

130

Ensuite, toujours dans le cadre de l’application de la première condition Altmark, la Commission a considéré, aux points 211 à 219 de la décision attaquée, que les obligations de service public de Saremar n’étaient pas définies assez clairement en ce qui concernait le niveau des tarifs à appliquer. À cet égard, au point 178 de cette décision, elle s’est, certes, référée à cette appréciation pour en déduire que les paramètres de calcul du montant de la compensation ne pouvaient pas avoir été déterminés au préalable de manière transparente et objective, compte tenu du lien, en l’espèce, entre la détermination de ces paramètres et la définition du niveau desdits tarifs. Toutefois, comme il a été relevé au point 122 ci-dessus, dans le cadre de l’application de la deuxième condition Altmark, le point 178 de cette décision présente un caractère surabondant au regard des considérations exposées aux points 174 à 177 de la même décision.

131

Enfin, aux points 220 à 222 de la décision attaquée, la Commission s’est fondée uniquement sur ses appréciations relatives à l’absence de nécessité de service public et à la définition insuffisamment claire des obligations de service public, portées dans le cadre de l’application de la première condition Altmark, pour conclure que, par voie de conséquence, la troisième condition Altmark, relative à l’absence de surcompensation, ne pouvait être regardée comme remplie.

132

Dès lors, même à supposer que, comme la RAS le soutient en substance dans le cadre des première, deuxième, troisième et cinquième branches du présent moyen, la Commission ait considéré à tort que la première et la troisième condition Altmark n’étaient pas remplies, ces erreurs ne sauraient remettre en cause la conclusion de la Commission au terme de l’analyse de la deuxième de ces conditions, selon laquelle la mesure de compensation litigieuse octroyait un avantage économique à Saremar. Dès lors, ces branches du présent moyen doivent être regardées comme inopérantes, de sorte que, sans qu’il soit besoin d’ordonner les mesures d’instruction demandées par la RAS dans le cadre de la première et de la deuxième de ces branches, ce moyen ne peut qu’être rejeté dans son ensemble.

Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation relatives à l’application de la décision SIEG de 2005 et de la décision SIEG de 2011

133

Dans le cadre du troisième moyen, la RAS fait valoir, en substance, que l’examen par la Commission de la compatibilité avec le marché intérieur de la mesure de compensation litigieuse au regard de la décision SIEG de 2011, effectué aux points 249 à 260 de la décision attaquée, est entaché d’erreurs de droits et d’erreurs manifestes d’appréciation. Ce moyen se compose de trois branches.

134

À titre liminaire, il convient de rappeler que les compensations de service public qui ne remplissent pas les conditions Altmark et qui satisfont, par ailleurs, à toutes les conditions prévues à l’article 107, paragraphe 1, TFUE pour être qualifiées d’aide d’État peuvent, cependant, être déclarées compatibles avec le marché intérieur, en particulier en vertu des dispositions de l’article 106, paragraphe 2, TFUE (voir arrêt du 7 novembre 2012, CBI/Commission, T‑137/10, EU:T:2012:584, point 81 et jurisprudence citée).

135

Il convient de rappeler également que, aux termes de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, les entreprises chargées de la gestion de SIEG sont soumises aux règles de concurrence dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie, sous la réserve que le développement des échanges ne soit pas affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union (voir arrêt du 1er juillet 2010, M6 et TF1/Commission, T‑568/08 et T‑573/08, EU:T:2010:272, point 136 et jurisprudence citée).

136

Ainsi qu’il a été rappelé au point 101 ci-dessus, selon une jurisprudence applicable tant dans le cadre de la mise en œuvre des conditions Altmark que dans celui de la mise en œuvre de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, la Commission, en l’absence d’une réglementation de l’Union harmonisée en la matière, n’est pas habilitée à se prononcer sur l’étendue des missions de service public incombant à l’exploitant public, en particulier le niveau des coûts liés à ce service, ni sur l’opportunité des choix politiques pris, à cet égard, par les autorités nationales, ni sur l’efficacité économique de l’exploitant public.

137

Cependant, ainsi qu’il a déjà été relevé aux points 102 et 103 ci-dessus, le large pouvoir d’appréciation ainsi reconnu à ces autorités nationales ne saurait être illimité. En particulier, dans le cadre de l’application de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, ce large pouvoir d’appréciation ne doit pas empêcher la Commission de vérifier que la dérogation à l’interdiction des aides d’État prévue par cette disposition peut être accordée.

138

Par ailleurs, il importe de relever que l’exercice du pouvoir d’appréciation dont dispose la Commission dans le cadre de l’application de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, pour déterminer la compatibilité avec le marché intérieur d’une mesure étatique qu’elle a qualifiée d’aide d’État, implique des évaluations complexes d’ordre économique et social. Ainsi, le juge de l’Union, en contrôlant la légalité de l’exercice de ce pouvoir, ne peut pas substituer son appréciation à celle de la Commission (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 mars 2015, Banco Privado Português et Massa Insolvente do Banco Privado Português, C‑667/13, EU:C:2015:151, point 67 et jurisprudence citée).

139

Enfin, dans le cadre de l’application de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, le pouvoir d’appréciation des États membres et celui de la Commission peuvent être limités par les directives et les décisions que cette institution a compétence pour adopter sur le fondement de l’article 106, paragraphe 3, TFUE. Ainsi, la Commission a adopté successivement la décision SIEG de 2005 et la décision SIEG de 2011 en vue de définir les conditions dans lesquelles une compensation de service public peut être réputée conforme à l’article 106, paragraphe 2, TFUE et peut, par conséquent, être exemptée de l’obligation de notification des aides nouvelles prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Ainsi qu’il résulte des articles 11 et 12 de la décision SIEG de 2011, cette dernière abroge la décision SIEG de 2005 et entre en vigueur le 31 janvier 2012.

– Sur la première branche du troisième moyen, tirée d’une erreur de droit relative au champ d’application ratione temporis de la décision SIEG de 2005 et de la décision SIEG de 2011

140

Par la première branche du troisième moyen, la RAS soutient que la Commission a, à tort, fait application de la décision SIEG de 2011, alors que c’était la décision SIEG de 2005 qui était applicable aux faits de l’espèce ratione temporis. À cet égard, elle fait valoir que tous les éléments essentiels de la mission de service public de Saremar avaient été définis avant l’entrée en vigueur de la décision SIEG de 2011 et que les décisions régionales définissant la mission de service public de Saremar impliquaient la compensation d’un éventuel déficit.

141

La Commission et CIN rétorquent, en substance, que l’aide litigieuse n’a été accordée qu’en août 2012.

142

À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante qu’une aide d’État doit être considérée comme accordée lorsque les autorités nationales compétentes ont adopté un acte juridiquement contraignant par lequel elles s’engagent à verser l’aide en cause ou lorsque le droit de recevoir cette aide est conféré au bénéficiaire par les dispositions législatives et réglementaires applicables (arrêt du 21 mars 2013, Magdeburger Mühlenwerke, C‑129/12, EU:C:2013:200, point 40 ; voir, également, arrêt du 30 novembre 2009, France et France Télécom/Commission, T‑427/04 et T‑17/05, EU:T:2009:474, point 320 et jurisprudence citée).

143

En l’espèce, il a déjà été relevé aux points 105 et 116 ci-dessus qu’aucune des décisions régionales visées aux points 6 à 9 ci-dessus n’a prévu l’octroi à Saremar d’une compensation de service public correspondant aux obligations qui lui incombaient en vertu de ces décisions. Par ailleurs, comme il a été rappelé au point 108 ci-dessus, ce n’est que dans le cadre de la loi régionale no 15 de 2012 que la RAS a décidé de verser à Saremar la mesure de compensation litigieuse. Par conséquent, en application de la jurisprudence rappelée ci-dessus, c’est seulement à partir de la date d’adoption de cette loi régionale, qui a conféré à Saremar le droit de se voir verser ladite compensation, que celle-ci peut être considérée comme lui ayant été accordée.

144

Or, comme il a été rappelé au point 139 ci-dessus, en vertu des articles 11 et 12 de la décision SIEG de 2011, cette dernière a abrogé la décision SIEG de 2005 et est entrée en vigueur le 31 janvier 2012. Par conséquent, seule la décision SIEG de 2011 est susceptible de s’appliquer ratione temporis à la mesure de compensation litigieuse, la décision SIEG de 2005 n’étant, en tout état de cause, plus en vigueur à la date à laquelle cette compensation doit être considérée comme ayant été accordée à Saremar.

145

Les arguments de la RAS ne sont pas de nature à remettre en cause la conclusion énoncée au point 144 ci-dessus. En effet, comme il a été relevé au point 116 ci-dessus, même à supposer que tous les éléments essentiels de la mission de service public de Saremar aient été définis dans les décisions régionales définissant les obligations de service public de cette société, cette circonstance ne saurait, en tout état de cause, pallier l’absence dans lesdites décisions régionales de dispositions prévoyant l’octroi de la mesure de compensation litigieuse. Par ailleurs, à supposer que ces décisions régionales n’aient pas exclu la compensation par la RAS des déficits d’exploitation éventuellement encourus par Saremar, il n’en demeure pas moins vrai qu’aucune de leurs dispositions ne contenait un engagement de la RAS, fût-il implicite, à verser cette compensation, ni ne conférait un droit à Saremar à se la voir octroyer.

146

En tout état de cause, il convient de relever que, après avoir examiné la mesure de compensation litigieuse au regard des conditions de l’article 4 de la décision SIEG de 2011 aux points 256 et 257 de la décision attaquée, la Commission, au point 260 de la même décision, a examiné, à titre subsidiaire, cette mesure au regard de l’article 4, sous e), de la décision SIEG de 2005. Elle en a conclu que les conditions de cette dernière décision, tout comme celles de la décision SIEG de 2011, n’étaient pas remplies en l’espèce. Par conséquent, c’est à tort que la RAS soutient que la Commission a examiné la mesure de compensation litigieuse seulement au regard de la décision SIEG de 2011.

147

La première branche du troisième moyen ne peut donc qu’être rejetée.

– Sur la deuxième branche du troisième moyen tirée d’erreurs de droit et d’appréciation relatives à l’application des principes et des conditions de la décision SIEG de 2011

148

Dans le cadre de la deuxième branche, la requérante soutient que les principes et les conditions des décisions SIEG de 2005 et de 2011 ont été respectés. Elle s’appuie, à cet égard, sur les arguments qu’elle a énoncés, dans le cadre du deuxième moyen, en ce qui concerne les deux premières conditions Altmark. Elle fait valoir également que la décision attaquée ne remet pas en question le fait que les seuils prévus à l’article 2, paragraphe 1, sous a) et c), de la décision SIEG de 2005 et à l’article 2, paragraphe 1, sous d), de la décision SIEG de 2011 ont été respectés en l’espèce.

149

La Commission et CIN considèrent que cette argumentation ne peut qu’être rejetée.

150

À titre liminaire, il convient d’emblée de rejeter la partie de l’argumentation de la RAS relative aux principes et aux conditions de la décision SIEG de 2005 comme inopérante, dès lors que, comme il a été constaté au point 144 ci-dessus, cette décision n’était pas applicable ratione temporis à la mesure de compensation litigieuse.

151

Pour le reste, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, sous d), de la décision SIEG de 2011, celle-ci s’applique, notamment, aux compensations de service public accordées aux liaisons aériennes et maritimes avec les îles dont le trafic annuel moyen n’a pas atteint 300000 passagers au cours des deux exercices précédant celui de l’octroi du SIEG.

152

Il convient également de rappeler que l’article 4, sous a), ainsi que sous d) à f), de la décision SIEG de 2011 prévoit que les mandats de service public doivent indiquer :

la nature et la durée des obligations de service public [article 4, sous a)] ;

la description du mécanisme de compensation et les paramètres de calcul, de contrôle et de révision de la compensation [article 4, sous d)] ;

les modalités de récupération des éventuelles surcompensations et les moyens d’éviter ces dernières [article 4, sous e)] ;

une référence à la décision SIEG de 2011 [article 4, sous f)] ;

153

Ainsi qu’il résulte du libellé des articles 1er, 3 et 4 de la décision SIEG de 2011, interprété à la lumière de son considérant 9, les conditions susmentionnées présentent un caractère cumulatif. Ainsi, pour qu’une compensation de service public puisse être réputée compatible avec le marché intérieur et ne soit pas soumise à l’obligation de notification, il est nécessaire que les mandats de service public concernés satisfassent au moins toutes ces conditions.

154

Enfin, il importe de souligner que, bien que la décision SIEG de 2011 n’exige pas expressément que le service public en cause revête un intérêt économique général qui présente des caractéristiques spécifiques par rapport à celui que revêtent d’autres activités économiques, il s’agit là, en tout état de cause, d’une condition préalable à l’application de l’article 106, paragraphe 2, TFUE qui résulte, notamment, du caractère non illimité de la marge d’appréciation dont disposent les autorités nationales pour la définition du service public, rappelé au point 137 ci-dessus.

155

Pour conclure que les conditions de la décision SIEG de 2011 n’étaient pas remplies, la Commission s’est fondée sur les motifs qui suivent. Tout d’abord, au point 255 de la décision attaquée, elle s’est référée, à titre principal, aux considérants 180 à 218 de la même décision, dans lesquels elle avait conclu que la RAS n’avait établi ni l’existence d’un véritable besoin de service public, ni celles d’obligations de service public suffisamment précises. Aux points 256 et 257 de la décision attaquée, elle a indiqué, que, en tout état de cause, il était manifeste, en l’espèce, que les mandats de service public en cause ne satisfaisaient pas aux conditions énoncées à l’article 4, sous d) à sous f), de ladite décision.

156

À cet égard, d’une part, il importe de souligner que la RAS ne saurait utilement se prévaloir de la circonstance que la mesure de compensation litigieuse respecte les seuils prévus par l’article 2, paragraphe 1, sous d), de la décision SIEG de 2011. En effet, ainsi qu’il résulte clairement du libellé de cet article et de l’économie de cette décision, cette disposition vise seulement à définir le champ d’application de ladite décision, sans préjudice du respect des conditions qu’elle définit par ailleurs, en particulier celles de son article 4. Par conséquent, la seule incidence que pouvait revêtir, en l’espèce, la circonstance que la mesure de compensation litigieuse entrait dans le champ d’application de cette décision, c’était d’obliger la Commission à vérifier si elle remplissait les conditions définies par cette dernière, ce qui a été le cas.

157

D’autre part, comme la Commission l’a retenu aux points 256 et 257 de la décision attaquée et contrairement aux affirmations de la RAS, les conditions énoncées à l’article 4, sous d) et e), de la décision SIEG de 2011 ne sont manifestement pas remplies en l’espèce.

158

En effet, tout d’abord, ainsi qu’il a été relevé aux points 104 à 122 ci-dessus, la RAS n’est pas parvenue à établir, dans le cadre de la quatrième branche de son deuxième moyen, que la Commission a commis une erreur de droit ou une erreur manifeste d’appréciation en considérant, aux points 174 à 177 de la décision attaquée, que les décisions régionales visées aux points 6 à 9 ci-dessus ne prévoyaient pas l’octroi d’une compensation de service public ni, par voie de conséquence, la définition de paramètres objectifs et transparents pour le calcul de cette compensation. Ainsi, sur ce fondement, il convient d’ores et déjà de constater que la condition énoncée à l’article 4, sous d), de la décision SIEG de 2011 n’est pas remplie, ce qui suffit pour conclure, compte tenu du caractère cumulatif des conditions fixées par cette décision, que la mesure de compensation litigieuse ne pouvait pas être réputée compatible avec le marché intérieur et exemptée de notification en vertu de cette décision.

159

Ensuite et en tout état de cause, en l’absence de toute disposition dans les décisions régionales en cause prévoyant l’octroi d’une compensation, la Commission a pu, sans commettre d’erreur, en déduire logiquement que la condition énoncée à l’article 4, sous e), de la même décision SIEG n’était pas remplie non plus. En effet, cette disposition exige que soient prévus, au préalable, des modalités de récupération des éventuelles surcompensations et les moyens d’éviter ces dernières. Or, en ne prévoyant pas, dans les décisions régionales en cause, le versement d’une compensation de service public dans les cas où l’équilibre budgétaire de ce service ne serait pas réalisé, la RAS a nécessairement renoncé à y inclure lesdites modalités et lesdits moyens. En outre, pour les mêmes raisons que celles indiquées aux points 116 et 117 ci-dessus, l’absence de telles modalités ne saurait être palliée par la présence, dans les mêmes décisions régionales, d’éléments facilitant l’identification des postes de comptabilité pertinents pour la détermination d’une éventuelle compensation ainsi que d’un système de comptabilité séparée.

160

Dès lors, indépendamment de l’examen des arguments de la RAS relatifs à la condition prévue à l’article 4, sous f), dans le cadre de la troisième branche, il résulte de ce qui précède que la deuxième branche du troisième moyen ne peut être que rejetée.

– Sur la troisième branche du troisième moyen, tirée de l’application erronée de l’article 4, sous f), de la décision SIEG de 2011 et, à titre subsidiaire, d’une exception d’illégalité de cette disposition

161

La troisième branche est tirée, en substance, d’une erreur de droit, en ce que la Commission aurait, à tort, considéré que la condition prévue par l’article 4, sous f), de la décision SIEG de 2011 n’était pas purement formelle. À titre subsidiaire, dans l’hypothèse où cette condition ne présenterait pas un caractère purement formel, la requérante invoque à l’encontre de ladite disposition une exception d’illégalité, au sens de l’article 277 TFUE, au motif que cette disposition entraînerait une restriction illégale de la portée de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

162

La Commission, soutenue par CIN, fait valoir, en substance, que cette branche du troisième moyen est inopérante et, en tout état de cause, manifestement non fondée.

163

À cet égard, force est de constater que les arguments invoqués par la RAS dans le cadre de la présente branche, tant à titre principal que à titre subsidiaire, sont inopérants. En effet, comme il a été constaté aux points 158 et 159 ci-dessus, c’est à bon droit que la Commission a considéré que les décisions de la RAS ne respectaient pas les conditions prévues à l’article 4, sous d) et e), de la décision SIEG de 2011. Par conséquent, l’absence alléguée de caractère obligatoire de la condition prévue à l’article 4, sous f), de cette décision ou sa prétendue illégalité sont sans incidence.

164

En tout état de cause, il convient de relever, d’une part, qu’il ne résulte ni du libellé de l’article 4, sous f), de la décision SIEG de 2011, ni du contexte ou des objectifs de cette disposition que la condition qu’elle prévoit serait dénuée de portée obligatoire.

165

Au contraire, à la lumière du considérant 14 de la décision SIEG de 2011, l’obligation de se référer expressément à cette décision dans les mandats de service public, prévue par l’article 4, sous f), de ladite décision répond à un objectif de transparence qui revêt une importance particulière en l’absence d’obligation des États membres de notifier les compensations de service public répondant aux conditions de la décision en question (voir, en ce sens et par analogie, conclusions de l’avocat général Wahl dans l’affaire Dilly’s Wellnesshotel, C‑493/14, EU:C:2016:174, point 58). En outre, est dénué de pertinence le fait, invoqué dans la réplique, que le non-respect de cette condition n’empêche pas d’autoriser la mesure de compensation litigieuse au titre de l’article 106, paragraphe 2, TFUE. En effet, comme le montre le considérant 260 de la décision attaquée, la Commission a seulement inféré de son examen de la mesure de compensation litigieuse au regard de la décision SIEG de 2011 que cette compensation ne pouvait pas être réputée conforme à l’article 106, paragraphe 2, TFUE, faute de satisfaire les conditions de ladite décision et que, par conséquent, elle ne pouvait pas être considérée comme exemptée de l’obligation de notification. Cette conclusion ne dispensait donc pas la Commission de l’examen de la compatibilité de ladite mesure au regard de cette disposition du traité FUE, à la lumière, en particulier, de l’encadrement SIEG de 2011, lequel examen a été, au demeurant, effectué aux points 282 à 296 de la décision attaquée.

166

D’autre part, pour les raisons exposées au point 165 ci-dessus, l’exception d’illégalité de l’article 4, sous f), de la décision SIEG de 2011, soulevée à titre subsidiaire par la RAS, est, en tout état de cause, dépourvue de fondement. En effet, comme il a été constaté, la Commission, en l’espèce, n’a pas inféré du non-respect de cette disposition de ladite décision que la mesure de compensation litigieuse n’était pas conforme à l’article 106, paragraphe 2, TFUE. Par conséquent, il ne saurait être déduit de l’application par la décision attaquée de l’article 4, sous f), de la décision SIEG de 2011 que cette disposition entraîne une restriction illégale de la portée de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

167

Dès lors, il convient de rejeter la troisième branche du troisième moyen et, par voie de conséquence, ledit moyen dans son ensemble.

Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission relatives à la qualification d’entreprise en difficulté, d’une violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE ainsi que d’une exception d’illégalité du point 9 de l’encadrement SIEG

168

Le quatrième moyen comporte deux branches. Par la première branche de ce moyen, la RAS soutient que la Commission a considéré à tort que, en l’espèce, les conditions étaient réunies pour qualifier Saremar d’entreprise en difficulté, en particulier au regard des éléments énumérés aux points 9 à 11 des lignes directrices concernant les aides au sauvetage et à la restructuration. Par la deuxième branche de ce moyen, la RAS soulève à l’encontre du point 9 de l’encadrement SIEG de 2011 une exception d’illégalité au sens de l’article 277 TFUE. Elle soutient, à cet égard, que, dans l’hypothèse où ce point devrait être interprété en ce sens qu’une entreprise en difficulté ne pourrait jamais bénéficier d’une compensation de service public, ce point serait entaché d’incompétence et violerait l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

169

En défense, la Commission, soutenue par CIN, conteste, d’une part, la pertinence des éléments mis en avant par la RAS dans le cadre de la première branche, pour démontrer que, à la date des faits considérés, Saremar n’était pas une entreprise en difficulté. D’autre part, s’agissant de la seconde branche de ce moyen, elle soutient que le point 9 de l’encadrement SIEG de 2011 ne limite pas la portée de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, mais permet, au contraire, de garantir le respect des objectifs de cet article.

170

À titre liminaire, il convient de relever que le présent moyen vise les points 261 à 280 de la décision attaquée, dans lesquels la Commission a examiné si la mesure de compensation litigieuse était conforme à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, qui prévoit que peuvent être considérées comme des aides compatibles avec le marché intérieur des aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun. L’examen de la Commission a comporté deux étapes. En premier lieu, la Commission a examiné, aux points 262 à 270 de la décision attaquée, si Saremar pouvait être considérée comme une entreprise en difficulté, sur la base des points 10 et 11 des lignes directrices concernant les aides au sauvetage et à la restructuration et a conclu, à cet égard, que tel était le cas. En second lieu, aux points 271 à 280 de cette décision, elle a examiné si la mesure de compensation litigieuse satisfaisait aux conditions des mêmes lignes directrices qui doivent être remplies pour qu’une aide à une entreprise en difficulté puisse être regardée comme une aide compatible au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. Cet examen a abouti à une conclusion négative (point 280 de la décision attaquée).

171

Or, dans le cadre des deux branches du quatrième moyen, la RAS ne remet pas en cause, même à titre subsidiaire, la conclusion à laquelle la Commission est parvenue au point 280 de la décision attaquée concernant le caractère incompatible de l’aide litigieuse. En effet, dans ce moyen, la RAS remet seulement en cause le fait que Saremar puisse être qualifiée d’entreprise en difficulté, c’est à dire, implicitement mais nécessairement, le fait que la mesure de compensation litigieuse relève du champ d’application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. Ainsi, par le présent moyen, la RAS doit être considérée comme contestant, en réalité, le fait que la compatibilité de la mesure de compensation litigieuse doive s’apprécier au regard de cette disposition et non au regard de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

172

Cela étant, il convient de relever que, quelle que soit la position de la Commission sur cette question, elle a, en tout état de cause, examiné aux points 282 à 296 de la décision attaquée, dans l’hypothèse où Saremar n’aurait pas été une entreprise en difficulté, si la mesure de compensation litigieuse pouvait être considérée comme conforme à l’article 106, paragraphe 2, TFUE au regard des critères de l’encadrement SIEG de 2011. Elle a tiré de cet examen une conclusion négative. Par conséquent, même si la Commission n’avait pas examiné la compatibilité de ladite mesure au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, à la lumière des lignes directrices concernant les aides au sauvetage et à la restructuration, elle aurait, en tout état de cause, conclu à son absence de compatibilité dans le cadre de l’application de l’article 106, paragraphe 2, TFUE. Dans ces conditions, la RAS ne démontre pas quelle pourrait être, en l’espèce, l’incidence sur la légalité de la décision attaquée des erreurs de la Commission visées dans le cadre du présent moyen. Ce moyen doit, par conséquent, être rejeté comme inopérant.

173

En tout état de cause, pour les motifs exposés aux points 174 à 203 ci-dessous, les arguments invoqués par la RAS au soutien de chacune des branches de ce moyen ne pourraient pas être retenus.

174

En effet, s’agissant, d’une part, de la première branche de ce moyen, il convient de relever que, contrairement à ce que la RAS soutient, la Commission n’a pas procédé à une application erronée des points 9 à 11 des lignes directrices concernant les aides au sauvetage et à la restructuration en considérant que les conditions étaient réunies pour que Saremar soit qualifiée d’entreprise en difficulté.

175

En premier lieu, c’est en vain que la RAS allègue que la réduction du capital de Saremar serait due à un facteur étranger à la gestion de l’entreprise et imprévisible, à savoir la dépréciation de la créance détenue par Saremar sur Tirrenia.

176

En effet, aux termes du point 10, sous a), des lignes directrices concernant les aides au sauvetage et à la restructuration, une entreprise est, « en principe et quelle que soit sa taille », considérée comme étant en difficulté, s’il s’agit d’une société à responsabilité limitée, « lorsque plus de la moitié de son capital social a disparu, plus du quart de ce capital ayant été perdu au cours des douze derniers mois ». Or la RAS ne conteste pas que, comme la Commission l’a constaté au point 264 de la décision attaquée, Saremar avait subi, au cours des douze derniers mois précédant la date à laquelle la mesure de compensation litigieuse a été adoptée, une réduction de son capital de plus de 80 %. Par conséquent, la marge d’appréciation de la Commission pour décider ou non de qualifier Saremar d’entreprise en difficulté était, en l’espèce, très réduite.

177

Certes, en vertu d’une jurisprudence constante, la Commission ne saurait, en se dotant de règles de conduite telles que les lignes directrices concernant les aides au sauvetage et à la restructuration, renoncer à l’exercice du pouvoir d’appréciation qui lui est conféré pour apprécier la compatibilité des aides d’État (voir, en ce sens, arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, point 41). Par ailleurs, l’expression « en principe », employée au point 10, sous a), de ces lignes directrices, indique qu’il peut exister des cas particuliers où, de manière exceptionnelle, une entreprise ne sera pas considérée en difficulté par la Commission, lorsqu’elle a subi une réduction de capital dans des proportions telles que celles indiquées à ce point.

178

Toutefois, il n’appartenait pas à la Commission, en l’espèce, de prendre en compte les causes de la réduction du capital de Saremar, invoquées par la RAS. En effet, ainsi qu’il ressort du point 9 de ces mêmes lignes directrices, la notion d’entreprise en difficulté est une notion objective qui doit s’apprécier uniquement au regard des indices concrets de la situation financière et économique de l’entreprise en cause, montrant que cette dernière est « [incapable] d’enrayer des pertes [la conduisant], en l’absence d’une intervention extérieure des pouvoirs publics, vers une mort économique quasi certaine à court ou moyen terme ». Au demeurant, si la Commission devait tenir compte de circonstances telles que celles invoquées par la RAS pour écarter la qualification d’entreprise en difficulté, l’effet utile de la dérogation prévue à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE pourrait s’en trouver compromis. À cet égard, il convient de relever que, comme la Commission l’indique en substance, la dépréciation de créances dans le cadre d’une procédure en faillite, notamment celles détenues sur l’ancienne société mère de l’entreprise, constitue un aléa de la vie des affaires qui n’est nullement exceptionnel et qui est de nature à entraîner chez l’entreprise concernée des difficultés insurmontables.

179

En deuxième lieu, l’affirmation de la RAS, selon laquelle, sans la dépréciation de ses créances sur Tirrenia, Saremar aurait enregistré un bénéfice de 134000 euros, n’est pas davantage pertinente. En effet, pour les raisons exposées au point 178 ci-dessus, le caractère prétendument extérieur à la gestion de Saremar et extraordinaire de la dépréciation de créance ayant entraîné le déficit subi par cette entreprise en 2010 est sans incidence sur le constat de l’existence de ce déficit et de son montant.

180

En troisième lieu, la Commission n’a pas commis d’erreur de droit, ni d’erreur manifeste d’appréciation en ne prenant pas en compte le fait, allégué par la RAS, que, en 2012, Saremar ait pu se voir accorder une ligne de crédit par un établissement bancaire. En effet, ce fait ne constituait pas une circonstance particulière qui aurait dû conduire la Commission, par exception au point 10, sous a), des lignes directrices concernant les aides au sauvetage et à la restructuration, à écarter la qualification d’entreprise en difficulté. En effet, comme le souligne la Commission, l’octroi de ce crédit est intervenu alors que la RAS avait manifesté son intention d’intervenir en faveur de Saremar, en particulier en prévoyant, dans le cadre de la décision régionale no 36/6, de procéder à l’augmentation de capital litigieuse. En tout état de cause, il convient de relever que l’octroi de ce crédit est une circonstance de nature à révéler tout autant les difficultés de Saremar à financer son activité par ses ressources propres que la confiance que cette entreprise pouvait inspirer alors à ses créanciers. Il était, par conséquent, difficile à la Commission de tirer de cette circonstance une conclusion univoque.

181

En quatrième lieu, contrairement à ce que la RAS soutient, la Commission, au point 267 de la décision attaquée, n’a pas constaté que Saremar avait subi des pertes en augmentation, mais qu’elle avait subi des pertes continues. Or, s’il est vrai que Saremar a enregistré en 2011 un bénéfice net s’élevant à 2523439 euros, la Commission a relevé que ce bénéfice net ne permettait pas de couvrir le déficit enregistré en 2010, qui était deux fois plus important et que, en 2012, l’année où l’aide avait été octroyée, Saremar avait également enregistré un déficit de 1,7 million d’euros qui, sans le versement de la mesure de compensation litigieuse, se serait élevé à 13 millions d’euros. Par conséquent, le constat de pertes continues sur la période considérée n’est pas inexact. Certes, le point 11 des lignes directrices concernant les aides au sauvetage et à la restructuration ne mentionne pas, au nombre des indices permettant de considérer qu’une entreprise est en difficulté, des pertes continues, mais seulement le niveau croissant de pertes. Toutefois, il résulte des termes de ce point 11 que la liste des indices qu’il énumère présente un caractère purement indicatif. La Commission n’a donc commis ni erreur de droit ni erreur manifeste d’appréciation en retenant la présence de pertes continues comme un indice pertinent en vue de qualifier Saremar d’entreprise en difficulté. Pour les mêmes raisons, l’absence au cas d’espèce des autres indices énumérés audit point 11 ne saurait, contrairement à ce que la RAS soutient, être davantage considérée comme propre à établir l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation. En tout état de cause, il résulte des points 175 à 180 ci-dessus que c’est sans commettre d’erreur que la Commission a considéré que Saremar remplissait la condition définie au point 10, sous a), des mêmes lignes directrices pour être qualifiée d’entreprise en difficulté et que ce constat suffisait à lui seul pour entraîner une telle qualification. Par conséquent, en tant qu’ils visent l’application par la Commission du point 11 desdites lignes directrices, les arguments susmentionnés sont inopérants.

182

En cinquième et dernier lieu, contrairement à ce que la RAS soutient, le fait, pour la Commission d’avoir constaté, aux points 266 à 268 de la décision attaquée, que, sans l’intervention financière de cette autorité, les difficultés financières de Saremar auraient été plus importantes et auraient remis en cause la poursuite de l’activité de cette société ne revient pas à qualifier d’entreprise en difficulté toute entreprise subissant des déficits liés à ses charges de service public.

183

En effet, tout d’abord, il résulte des points 264 et 266 de la décision attaquée que le montant du déficit subi par Saremar qui aurait été atteint en l’absence de versement de la compensation litigieuse constitue seulement une confirmation des difficultés de cette société constatées par la Commission sur la base d’autres indices. En effet, il résulte en particulier du point 264 de cette décision que c’est la réduction du capital de Saremar au cours des douze derniers mois précédant l’adoption de la mesure de compensation litigieuse qui a constitué, du point de vue de la Commission, un élément déterminant, suffisant à lui seul, pour qualifier cette société d’entreprise en difficulté. Or, comme la RAS le fait valoir elle-même, cette réduction de capital n’est pas due à une perte d’exploitation de Saremar dans le cadre des missions de service public dont cette société était alors investie, mais à la dépréciation de ses créances sur Tirrenia. Par ailleurs, la Commission a également retenu le caractère continu des pertes subies par Saremar depuis 2010 comme un indice de sa situation difficile.

184

Au demeurant, comme il a été indiqué au point 178 ci-dessus, la notion d’entreprise en difficulté, telle que définie au point 9 des lignes directrices concernant les aides au sauvetage et à la restructuration, est une notion objective qui doit s’apprécier uniquement au regard des indices concrets de la situation financière et économique de l’entreprise en cause. Par conséquent, l’origine des déficits de cette entreprise, en particulier liée à l’exécution d’un service public, ne saurait constituer un élément pertinent pour déterminer si l’entreprise est en difficulté ou non.

185

Par ailleurs, l’argument de la RAS repose sur le postulat erroné que la situation de Saremar, à la date de l’adoption de la mesure de compensation litigieuse, peut être comparée à celle d’une entreprise dont les déficits proviennent du défaut de versement d’une compensation de service public, qui a été accordée, au préalable, dans le cadre de la définition des conditions de la mission de service public correspondante. Or, en l’espèce, comme il a été indiqué aux points 105 à 108 ci-dessus, les conditions des missions de service public de Saremar excluaient le versement d’une compensation de service public et fixaient comme objectif à Saremar de maintenir l’équilibre budgétaire sur la base des seules recettes d’exploitation. Ainsi, c’est seulement le 7 août 2012, après avoir constaté les pertes de Saremar entraînées par ses opérations de cabotage avec le continent, que la RAS a adopté, dans le cadre d’une loi régionale, la mesure de compensation litigieuse. Au demeurant, il convient de relever que, ainsi que le montre le point 103 de la décision attaquée, la RAS, au cours de la procédure formelle d’examen, avait justifié la décision de compenser en partie les pertes d’exploitation subies par Saremar et d’interrompre lesdites opérations par le fait que ces mesures étaient primordiales pour limiter les risques économiques liés aux opérations en cause. Dans ces conditions, la Commission n’a commis aucune erreur de droit, ni, au demeurant, aucune erreur manifeste d’appréciation en considérant que le caractère indispensable de la mesure de compensation litigieuse pour combler, en partie, les déficits d’exploitation de Saremar pouvait être retenu comme un indice de nature à qualifier cette société d’entreprise en difficulté.

186

Par conséquent, il ne saurait être déduit des points 266 à 268 de la décision attaquée que, dans tous les cas où la Commission constate qu’une entreprise a subi des déficits en raison de ses charges de service public, elle la qualifierait nécessairement d’entreprise en difficulté.

187

Il résulte de ce qui précède que la première branche du quatrième moyen doit être, en tout état de cause, rejetée comme non fondée.

188

S’agissant, d’autre part, de la deuxième branche du quatrième moyen, il convient de relever, en tout état de cause, que le point 9 de l’encadrement SIEG de 2011 ne saurait être considéré comme limitant illégalement la portée de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

189

À cet égard, il convient de rappeler que, au point 9 de l’encadrement SIEG de 2011, la Commission indique que l’appréciation des aides aux prestataires de SIEG en difficulté est régie par les lignes directrices concernant les aides au sauvetage et à la restructuration.

190

Au point 269 de la décision attaquée, la Commission a fait application du point 9 de l’encadrement SIEG de 2011 en indiquant :

« Selon le point 9 de l’encadrement SIEG de 2011, les compensations de service public accordées à des entreprises en difficulté doivent être appréciées au regard des lignes directrices concernant les aides au sauvetage et à la restructuration. Étant donné que les conditions énoncées par la décision SIEG de 2011 ne sont pas remplies, la compensation reçue par Saremar [pour remédier aux difficultés] relatives aux deux liaisons en question doit être évaluée au regard [desdites lignes directrices], en vue d’établir si elle peut être déclarée compatible avec le marché intérieur conformément à l’article 107, paragraphe 3, TFUE. »

191

À titre liminaire, il convient de constater que, comme la Commission l’a au demeurant relevé dans la duplique, la RAS a elle-même limité la portée de son exception d’illégalité. En effet, comme elle l’a exposé dans la réplique, le point 9 de l’encadrement SIEG de 2011 devrait, selon elle, être considéré comme illégal, dans l’hypothèse où il ne permettrait pas d’apprécier au regard de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, une compensation qui couvre les déficits d’une entreprise en difficulté résultant d’une différence entre les coûts supportés pour l’exécution d’un service public et les subventions reçues à ce titre. En revanche, la RAS ne considère pas comme illégal ledit point, dans la mesure où il devrait s’interpréter en ce sens qu’une compensation, qui serait octroyée pour le comblement de déficits d’une entreprise en difficulté occasionnés par les activités autres que celles relevant des missions de service public, ne relèverait pas de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

192

Cela étant, quelle que soit l’interprétation du point 9 de l’encadrement SIEG de 2011 qui doit être retenue, l’exception d’illégalité soulevée par la RAS n’est pas fondée.

193

En effet, ainsi qu’il a été déjà rappelé au point 137 ci-dessus, le pouvoir d’appréciation dont disposent les États membres s’agissant de la définition d’une mission de service public et des conditions dans lesquelles cette dernière est effectuée ne saurait autoriser un recours abusif des autorités nationales à la notion de SIEG dans le seul but de faire bénéficier des entreprises de la dérogation prévue à l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

194

À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante que, pour que les conditions de l’article 106, paragraphe 2, TFUE soient remplies, il doit être fait échec, en l’absence des droits ou des subventions litigieuses, à l’accomplissement des missions particulières imparties à l’entreprise ou le maintien de ces droits ou de ces subventions doit être nécessaire pour permettre à leur titulaire d’accomplir les missions d’intérêt économique général qui lui ont été imparties dans des conditions économiquement acceptables (voir arrêt du 1er juillet 2010, M6 et TF1/Commission, T‑568/08 et T‑573/08, EU:T:2010:272, point 138 et jurisprudence citée). Par conséquent, pour que la dérogation prévue par cette disposition soit applicable, il est nécessaire que la situation économique et financière de l’entreprise bénéficiant desdits droits ou subventions au moment où ils lui sont accordés la mette effectivement en mesure d’accomplir les missions de service public qui lui sont imparties. Dans le cas contraire, la dérogation prévue par l’article 106, paragraphe 2, TFUE pourrait être privée d’effet utile et, partant, de justification, de sorte que le risque d’un recours abusif des États membres à la notion de SIEG ne pourrait être évité.

195

Or, comme la Commission le relève à bon droit, en se référant aux points 68 à 71 des lignes directrices concernant les aides au sauvetage et à la restructuration, une entreprise en difficulté au sens de ces lignes directrices est menacée dans son existence même, à plus ou moins brève échéance, de sorte qu’elle ne saurait être considérée comme en mesure d’accomplir de manière appropriée les missions de service public qui lui sont imparties, tant que sa viabilité n’est pas assurée. Dans ces conditions, la subvention accordée à une telle entreprise en difficulté en vue de compenser les déficits résultant de l’exécution desdites missions de service public ne saurait bénéficier de la dérogation prévue à l’article 106, paragraphe 2, TFUE, mais seulement, le cas échéant, de celle prévue à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

196

En effet, dans le cadre des conditions d’application de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, qui imposent notamment le caractère strictement proportionné de la compensation aux charges de service public, cette compensation ne permettra pas de garantir l’accomplissement des missions correspondantes, en raison des difficultés rencontrées par l’entreprise. En revanche, une telle compensation peut être de nature à contribuer au retour à la viabilité de l’entreprise concernée, pourvu que soient respectées les conditions d’application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, telles qu’explicitées par les lignes directrices concernant les aides au sauvetage et à la restructuration. Ainsi, la dérogation à l’interdiction des aides d’État prévue par cette dernière disposition du traité garde son effet utile et, par conséquent, sa justification.

197

Dès lors, en indiquant au point 9 de l’encadrement SIEG de 2011 que l’appréciation des aides aux prestataires de SIEG en difficulté est régie par les lignes directrices concernant les aides au sauvetage et à la restructuration, la Commission n’a pas restreint illégalement la portée de l’article 106, paragraphe 2, TFUE. Par conséquent, la Commission n’a pas non plus dépassé les limites de sa compétence.

198

Les arguments exposés par la RAS au soutien de son exception d’illégalité ne sauraient remettre en cause cette conclusion.

199

Tout d’abord, la circonstance que l’indication énoncée par le point 9 de l’encadrement SIEG de 2011 ne figure pas dans les dispositions de la décision SIEG de 2011 ne saurait être de nature à établir une incohérence dans le cadre juridique défini par la Commission pour l’application de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, ni un traitement discriminatoire de sa part. En effet, d’une part, comme la Commission l’a relevé, cette décision vise à définir les conditions dans lesquelles des compensations de service public relevant de l’article 106, paragraphe 2, TFUE peuvent bénéficier d’une exemption de notification et donc peuvent être réputées compatibles sans que cette institution ait à les examiner. Par conséquent, la mention du cadre juridique dans lequel la Commission examine les aides aux prestataires de SIEG en difficulté est sans objet dans le cadre d’une telle décision. D’autre part, et en tout état de cause, comme il a été indiqué au point 195 ci-dessus, une aide accordée à une entreprise titulaire d’une mission de service public en difficulté n’est pas propre à satisfaire les objectifs de la dérogation prévue à l’article 106, paragraphe 2, TFUE. Par conséquent, elle ne saurait, à plus forte raison, être autorisée dans le cadre de la décision SIEG de 2011 qui ne peut concerner, par définition, que des compensations de service public réputées répondre à ces objectifs. Pour les mêmes raisons, les compensations de service public auxquelles la décision SIEG de 2011 est applicable ne sont pas placées dans une situation comparable à celle des aides accordées à des prestataires de service public en difficulté.

200

Ensuite, il résulte de la jurisprudence rappelée au point 113 ci-dessus que la légalité du point 9 de l’encadrement SIEG de 2011 doit être appréciée dans le seul cadre de l’article 106, paragraphe 2, TFUE et de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE et non au regard d’une pratique décisionnelle antérieure, laquelle au demeurant, comme la Commission le souligne, est susceptible d’évolution. Par conséquent, la référence à la décision SNCM en l’espèce n’est pas pertinente. Par ailleurs, la RAS ne saurait se référer aux points 55 à 71 de l’arrêt du 11 septembre 2012, Corsica Ferries France/Commission (T‑565/08, EU:T:2012:415). En effet, dans ces points, le Tribunal n’a pas examiné la question de savoir si l’augmentation de capital examinée dans la décision SNCM devait être appréciée au regard de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE ou au regard de l’article 86, paragraphe 2, CE, en vigueur à la date des faits, laquelle question n’était pas soulevée dans le litige en cause.

201

En tout état de cause, comme il a été déjà constaté au point 113 ci-dessus, il résulte, en particulier, du point 253 de la décision SNCM que la mesure qualifiée par la Commission de compensation de service public avait été autorisée dans le cadre de la convention conclue entre la SNCM et les autorités françaises et versée ensuite dans le cadre d’un plan de restructuration. Par ailleurs, il ne résulte pas de la décision SNCM que, à la date à laquelle la convention avait été conclue et donc ladite mesure autorisée dans son principe, la SNCM pouvait être qualifiée d’entreprise en difficulté. La mesure en cause dans cette décision n’était donc pas comparable à la mesure de compensation litigieuse, qui n’a été accordée qu’après que la RAS a constaté les difficultés de Saremar résultant de l’exécution des opérations de liaison avec le continent.

202

Enfin, il résulte des points 194 à 196 ci-dessus que, contrairement à ce que la RAS soutient, dans l’hypothèse où le déficit de l’entreprise en cause découle des obligations de service public qui lui sont imparties, il ne s’ensuit pas nécessairement que la compatibilité de la compensation de ces déficits doive être toujours appréciée au regard de l’article 106, paragraphe 2, TFUE sous peine de rendre impossible l’exploitation de services publics subventionnés.

203

Il résulte de ce qui précède que le point 9 de l’encadrement SIEG de 2011 n’est pas, en tout état de cause, entaché d’illégalité au motif que, par ce point, la Commission restreindrait indûment la portée de l’article 106, paragraphe 2, TFUE et excéderait, par conséquent, sa compétence. Dès lors, la décision attaquée n’est pas non plus illégale de ce fait.

204

Il convient donc de rejeter la seconde branche du quatrième moyen et, par voie de conséquence, ce moyen dans son ensemble.

Sur le cinquième moyen, tiré d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation, en ce que la Commission a considéré que la mesure de compensation litigieuse ne respectait pas les critères de l’encadrement SIEG de 2011

205

Au soutien de son cinquième moyen, la RAS fait valoir, d’une part, que les principes prévus aux points 14, 19, 20, 24, 39 et 60 de l’encadrement SIEG de 2011 ne sont pas applicables à la mesure de compensation litigieuse et que, d’autre part et en tout état de cause, lesdits principes auraient été respectés en l’espèce.

206

En défense, la Commission, soutenue par CIN, fait valoir que le cinquième moyen vise des motifs surabondants et que, au regard des arguments qu’elle a déjà avancés dans le cadre des autres moyens, la mesure de compensation litigieuse ne saurait être considérée comme conforme à l’encadrement SIEG de 2011.

207

À cet égard, dans la mesure où, pour l’essentiel, les arguments invoqués par la RAS dans le cadre du présent moyen sont des arguments qui ont déjà été rejetés dans le cadre de l’examen des deuxième à quatrième moyens, le présent moyen devra également être rejeté comme non fondé sur la base des motifs suivants.

208

En premier lieu, en ce qui concerne les considérations énoncées par la RAS en vue d’établir que la deuxième condition Altmark était remplie, il convient de renvoyer aux points 110 à 121 ci-dessus, dans lesquels sont exposées les raisons justifiant le rejet de ces considérations.

209

En deuxième lieu, pour établir le caractère non applicable ratione temporis à la mesure de compensation litigieuse des conditions prévues aux points 14, 19, 20, 24, 39 et 60 de l’encadrement SIEG de 2011, la RAS se réfère à l’argumentation qu’elle a exposée dans le cadre de la première branche du troisième moyen pour étayer son affirmation selon laquelle la décision SIEG de 2011 n’était pas non plus applicable ratione temporis à cette mesure. À cet égard, il suffit de renvoyer aux points 142 à 145 ci-dessus, qui exposent les raisons pour lesquelles cette argumentation doit être rejetée.

210

En troisième lieu, la RAS ne saurait, à l’évidence, se prévaloir du point 61 de l’encadrement SIEG de 2011 qui énonce que les principes prévus aux points 14, 19, 20, 24, 39 et 60 de cet encadrement ne s’appliquent pas aux aides qui satisfont aux conditions énoncées à l’article 2, paragraphe 1, de la décision SIEG de 2011. En effet, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 156 ci-dessus, la circonstance que la mesure de compensation litigieuse respectait les seuils prévus par l’article 2, paragraphe 1, sous d), de cette décision permettait seulement de considérer que cette mesure entrait dans le champ d’application de cette décision. En revanche, elle ne permettait nullement de considérer qu’elle en respectait les conditions. Par conséquent, le point 61 de cet encadrement ne s’applique pas à une telle mesure et c’est donc à bon droit que la Commission a fait application en l’espèce des principes prévus aux points 14, 19, 20, 24, 39 et 60 du même encadrement.

211

En quatrième et dernier lieu, s’agissant du respect des principes prévus aux points 14, 19, 20, 24, 39 et 60 de l’encadrement SIEG de 2011, il convient de relever que, en tout état de cause, aux points 285 et 286 de la décision attaquée, la Commission a constaté, à bon droit que la mesure de compensation litigieuse ne satisfaisait pas, notamment, aux exigences définies au point 16, sous d) et e), du même encadrement. En effet, contrairement à ces exigences, les décisions de la RAS portant mission de service public ne comportent pas de description du mécanisme de compensation et des paramètres de calcul, de contrôle et de révision de la compensation ni de modalités de récupération des éventuelles surcompensations ou des moyens d’éviter ces dernières. Par conséquent, compte tenu du non-respect de ces exigences, qui sont essentielles pour déterminer si la mesure litigieuse constitue une compensation de service public compatible avec le marché intérieur au regard de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, le respect éventuel des principes prévus aux points 14, 19, 20, 24, 39 et 60 de cet encadrement ne saurait être déterminant. Par ailleurs, la RAS ne démontre pas que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que les exigences de calcul du coût net des obligations de service public sur la base du coût net évité, figurant au point 24 de cet encadrement, n’étaient pas satisfaites en l’espèce. Il en va de même s’agissant de l’absence, en l’espèce, de mesures incitatives visant à favoriser la prestation efficiente de SIEG dans le cadre de la détermination de la méthode de compensation, qui sont exigées au point 39 de l’encadrement en question.

212

Il résulte de ce qui précède que le cinquième moyen ne peut qu’être rejeté.

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE et d’une appréciation erronée de la définition des obligations de service public imposées à Saremar

213

Dans le cadre de ce premier moyen, la RAS fait valoir, d’une part, que la Commission, tant dans le cadre de l’application des conditions Altmark que de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, a donné une définition erronée des obligations de service public imposées à Saremar en considérant qu’elles avaient un caractère exclusivement tarifaire. D’autre part, la RAS fait valoir que la Commission a outrepassé les compétences que la jurisprudence lui reconnaît dans le cadre de l’application de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, en effectuant des appréciations de fond et d’opportunité en ce qui concerne les besoins auxquels correspondaient ces obligations de service public, et non un contrôle restreint des choix de la RAS limité à l’erreur manifeste d’appréciation.

214

La Commission, soutenue par CIN, rétorque qu’elle n’a pas commis d’erreur d’appréciation concernant les obligations de service public imposées à Saremar et qu’elle n’a pas outrepassé ses compétences.

215

Il convient de relever que, comme la requérante l’a, au demeurant, reconnu à l’audience, les griefs énoncés dans le cadre du présent moyen ne se distinguent pas, en substance, des griefs analogues exposés dans le cadre du deuxième moyen. En effet, au soutien de la première branche de ce moyen, la RAS fait notamment grief à la Commission d’avoir commis, dans le cadre de l’application de la première condition Altmark, des erreurs de droit et des erreurs manifestes d’appréciation au sujet de la définition du besoin de service public et des obligations de service public imposées à Saremar. Or, pour les raisons exposées aux points 122 à 132 ci-dessus, ces griefs sont inopérants.

216

Il est vrai que la portée du présent moyen ne se limite pas à l’application par la Commission de la première condition Altmark, mais vise également l’examen par cette institution de la compatibilité de la mesure de compensation litigieuse dans le cadre de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, en particulier au regard de la décision SIEG de 2011, d’une part, et de l’encadrement SIEG de 2011, d’autre part. Cependant, il résulte de l’examen du troisième et du cinquième moyen, aux points 133 à 167 et 205 à 212 ci-dessus que la Commission a pu, à bon droit, considérer que la mesure de compensation litigieuse n’était conforme ni aux exigences de la décision SIEG de 2011 ni à celles de l’encadrement SIEG de 2011 en se fondant sur d’autres motifs que son appréciation de la définition du besoin de service public en l’espèce et des obligations de service public imposées à Saremar. Par conséquent, même à supposer que cette appréciation soit erronée ou entachée d’incompétence, cette circonstance serait sans incidence sur la légalité de l’application par la Commission, en l’espèce, de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

217

Il résulte de ce qui précède que l’ensemble du premier moyen est inopérant et ne peut donc qu’être rejeté.

En ce qui concerne la seconde partie du recours, relative à la partie de la décision attaquée concernant l’augmentation de capital litigieuse

218

Dans la seconde partie du recours, la requérante soulève formellement un unique moyen tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, ainsi que d’une violation de l’obligation de motivation, commises dans le cadre de l’appréciation de la conformité de l’augmentation de capital litigieuse au critère de l’investisseur privé en économie de marché. Il convient donc de considérer, pour les raisons exposées au point 69 ci-dessus, que la requérante soulève en réalité deux moyens, tirés pour l’un d’une violation de l’obligation de motivation et, pour l’autre, d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation.

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

219

Dans le cadre du présent moyen, la RAS fait grief à la Commission de ne pas avoir exposé les raisons pour lesquelles elle n’a pas pris en compte le fait que la recapitalisation litigieuse ne serait que la reconstitution de ressources économiques appartenant déjà aux actifs de Saremar.

220

À cet égard, il convient de rappeler que, comme il a été indiqué au point 79 ci-dessus, il résulte de la jurisprudence que la Commission n’est pas tenue d’écarter chacun des arguments invoqués par les parties durant la procédure administrative. En particulier, l’obligation de motivation ne saurait imposer à la Commission de prendre position sur des éléments qui sont manifestement hors de propos, dépourvus de signification ou clairement secondaires (voir arrêt du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 89 et jurisprudence citée).

221

En l’espèce, d’une part, il résulte clairement de l’analyse de la Commission exposée aux points 235 à 245 de la décision attaquée que cette dernière a considéré que l’augmentation de capital litigieuse représentait un transfert de ressources. D’autre part, ainsi qu’il sera exposé aux points 225 à 237 ci-dessous, l’argument de la RAS, selon lequel la recapitalisation litigieuse ne serait que la reconstitution de ressources économiques appartenant déjà aux actifs de Saremar est dénué de fondement, dans la mesure où quand bien même l’apport de capital litigieux représenterait une « reconstitution » du patrimoine de Saremar, il n’en constitue pas moins, de manière évidente, un apport financier de ressources publiques. Dès lors, la Commission ne pouvait être tenue de répondre à cet argument et, par voie de conséquence, le premier moyen ne peut qu’être rejeté.

Sur le second moyen, tiré d’erreurs de droit et d’appréciation

222

Le second moyen comporte en substance trois branches. Par la première branche de ce moyen, la RAS soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation relative à la nature des ressources correspondant à l’augmentation de capital litigieuse et a, de ce fait, violé l’article 107, paragraphe 1, TFUE et l’article 106, paragraphe 2, TFUE. La deuxième branche de ce moyen est tirée d’erreurs manifestes d’appréciation en ce qui concerne l’application en l’espèce du critère de l’investisseur privé en économie de marché. La troisième branche de ce moyen est tirée d’une erreur manifeste d’appréciation relative à la compatibilité de l’augmentation de capital litigieuse.

223

La Commission, soutenue par CIN, considère que cette argumentation n’est pas fondée.

– Sur la première branche du second moyen, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation s’agissant de la nature des ressources correspondant à l’augmentation de capital litigieuse et d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et de l’article 106, paragraphe 2, TFUE

224

Dans le cadre de la première branche du second moyen, la RAS soutient, en premier lieu, que la Commission a omis de prendre en compte que le montant de l’augmentation de capital litigieuse correspondait aux créances de Saremar détenues sur Tirrenia et ne présentait donc aucun rapport avec les liaisons vers le continent exploitées par Saremar. Ainsi, selon la RAS, cette augmentation de capital n’est autre que la reconstitution de ressources économiques qui avaient été soustraites à cette société à la suite du placement sous administration extraordinaire de Tirrenia. Cette mesure ne constituerait donc pas un apport de nouvelles ressources publiques ni, par voie de conséquence, une aide d’État au sens de l’article 107 TFUE.

225

Ce grief est dénué de fondement.

226

D’une part, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’article 107, paragraphe 1, TFUE définit les interventions étatiques en fonction de leurs effets (voir arrêt du 19 mars 2013, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission e.a. et Commission/France e.a., C‑399/10 P et C‑401/10 P, EU:C:2013:175, point 102 et jurisprudence citée). Par conséquent, en l’espèce, en vue d’apprécier l’existence d’un avantage économique au regard du critère de l’investisseur privé en économie de marché, il n’était pas pertinent pour la Commission de se demander si l’augmentation de capital litigieuse correspondait à l’une ou l’autre des activités de Saremar. En tout état de cause, comme l’a relevé la Commission, cette augmentation de capital était, par définition, de nature à bénéficier à l’ensemble des activités de l’entreprise. Enfin, la RAS n’explique pas pourquoi elle considère que seul le lien avec les opérations de Saremar sur les liaisons avec le continent permettrait de justifier, en l’espèce, le recours au critère de l’investisseur privé en économie de marché. En effet, ces liaisons ayant été exploitées par Saremar aux fins de l’exécution d’une mission de service public confiée par la RAS, un financement de ces liaisons par cette autorité publique se rapportait nécessairement à son rôle en tant que puissance publique et non en tant qu’actionnaire de Saremar.

227

D’autre part, il ne fait pas de doute que l’augmentation de capital litigieuse a constitué un transfert de ressources publiques au bénéfice de Saremar, quand bien même ce transfert de ressources aurait visé à compenser la perte de ressources antérieures. À cet égard, ainsi qu’il a déjà été rappelé au point 226 ci-dessus, l’article 107, paragraphe 1, TFUE définit les interventions étatiques en fonction de leurs effets et non en fonction de leur finalité. Or la RAS ne conteste pas que, à la date à laquelle l’augmentation de capital litigieuse a été décidée, les ressources qui auraient appartenu, selon elle, au patrimoine de Saremar et que cette augmentation de capital visait à « reconstituer » n’étaient plus disponibles. La notion même de reconstitution, utilisée par la RAS, démontre, à cet égard, que la requérante est consciente de l’existence d’un apport de ressources nouvelles en l’espèce. En tout état de cause, il convient de relever que la thèse de la RAS selon laquelle ces ressources appartenaient déjà aux actifs de Saremar, en ce qu’elles étaient constituées par des créances sur son ancienne société mère, est factuellement et juridiquement erronée. En effet, comme la RAS l’expose elle-même dans le cadre de la présente branche, l’augmentation de capital litigieuse visait à permettre à l’entreprise de retrouver son niveau de capitalisation initial, à la suite de sa décision de couvrir la dépréciation des créances sur Tirrenia par une réduction de capital correspondant au montant de ces créances après utilisation de la réserve légale et des bénéfices des années précédentes. Par conséquent, ces créances dépréciées ne constituaient plus, par définition, des actifs au patrimoine de Saremar, puisqu’elles n’étaient plus recouvrables, mais bien des pertes qui ont été couvertes par la réduction de capital susmentionnée de l’entreprise, laquelle a été elle-même compensée par l’augmentation de capital litigieuse (voir point 8 ci-dessus).

228

Enfin, comme l’a souligné la Commission en défense, l’augmentation de capital litigieuse était susceptible de constituer un avantage économique réel pour Saremar, dans la mesure où, sans cette intervention, Saremar n’aurait recouvré que partiellement les fonds correspondant au montant des créances détenues sur Tirrenia, compte tenu de la dépréciation de ces créances à hauteur de 50 % dans le cadre de la procédure de faillite de Tirrenia.

229

Il résulte de ce qui précède que la Commission n’a commis aucune erreur en examinant l’augmentation de capital litigieuse seulement au regard de ses effets et en considérant que ladite augmentation de capital avait constitué un transfert de ressources d’État à Saremar susceptible de conférer à cette dernière un avantage économique et nécessitant, pour vérifier cette dernière condition, l’application du critère de l’investisseur privé en économie de marché.

230

L’argument de la RAS, selon lequel a été versée une part seulement minime de l’augmentation de capital litigieuse, c’est-à-dire le montant de 824309, 69 euros, n’est, à l’évidence, pas de nature à remettre en cause cette conclusion. En effet, ainsi qu’il a déjà été rappelé au point 142 ci-dessus, il résulte d’une jurisprudence constante qu’une aide d’État doit être considérée comme accordée lorsque les autorités nationales compétentes ont adopté un acte juridiquement contraignant par lequel elles s’engagent à verser l’aide en cause ou lorsque le droit de recevoir cette aide est conféré au bénéficiaire par les dispositions législatives et réglementaires applicables. Dès lors, le fait que la RAS n’a effectué qu’un versement correspondant à une part réduite de l’augmentation de capital litigieuse est sans incidence sur la qualification d’aide d’État de ladite augmentation de capital.

231

La référence de la RAS au point 3.3 de la communication de la Commission aux États membres de 1984 intitulée « Participation des autorités publiques dans les capitaux des entreprises » (Bull. CE. 9-1984, ci-après la « communication de 1984 ») est également dénuée de pertinence. En effet, contrairement à ce que la RAS indique, le libellé des points 3.2 et 3.3 de la communication de 1984 ne fait pas référence à la notion d’« apport de nouvelles ressources publiques », mais à celle d’« apport de capital neuf ». En outre, il résulte du libellé de ces points de la communication de 1984 que, pour déterminer si un apport de capital neuf, au sens de cette communication, constitue une aide d’État, il est nécessaire de faire application du critère de l’investisseur privé en économie de marché, ce qui va précisément à l’encontre du raisonnement de la RAS qui tend à démontrer que la Commission n’aurait pas dû considérer comme applicable ce critère en l’espèce.

232

En second lieu, la RAS soutient que, dans la mesure où les ressources « reconstituées » au travers de l’augmentation de capital litigieuse faisaient partie intégrante d’une compensation de service public, elles relevaient de l’article 106, paragraphe 2, TFUE. En outre le montant de cette compensation aurait déjà été approuvé par la Commission dans une décision antérieure.

233

Ce second grief est lui aussi dénué de pertinence.

234

À cet égard, il suffit de rappeler que, comme il a été constaté aux points 227 à 229 ci-dessus dans le cadre du premier grief, contrairement à ce que la RAS soutient, elle ne s’est pas contentée, par l’augmentation de capital litigieuse, de mettre à disposition de Saremar des fonds appartenant déjà au patrimoine de cette société. Par voie de conséquence, la RAS n’est pas non plus fondée à soutenir qu’elle se serait bornée, en l’espèce, à restituer des compensations de service public qui devraient être appréciées au regard de l’article 106, paragraphe 2, TFUE. Sur cette seule base, ce grief peut donc être rejeté.

235

En outre, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il y a lieu de distinguer entre, d’une part, le rôle de l’État membre actionnaire d’une entreprise et, d’autre part, celui de l’État agissant en tant que puissance publique. L’applicabilité du critère de l’investisseur privé en économie de marché dépend, en définitive, de ce que l’État membre concerné accorde non pas en sa qualité de puissance publique, mais en sa qualité d’actionnaire, un avantage économique à une entreprise (voir arrêt du 4 septembre 2014, SNCM et France/Corsica Ferries France, C‑533/12 P et C‑536/12 P, EU:C:2014:2142, point 31 et jurisprudence citée). En l’espèce, il résulte de la décision attaquée ainsi que de la requête que, pour justifier l’augmentation de capital litigieuse, la RAS s’est constamment référée à son rôle d’actionnaire de Saremar et non à son rôle de puissance publique. En effet, la RAS explique, en particulier, dans le cadre du premier grief, que, au lieu de répercuter sur le prix de vente de Saremar, lors de sa privatisation, les pertes résultant de la dépréciation de sa créance sur Tirrenia, elle a choisi de procéder à l’augmentation de capital litigieuse en vue d’obtenir un meilleur prix de vente de cette société grâce à l’amélioration de la situation patrimoniale de celle-ci. Par conséquent, dans ce contexte, la RAS ne saurait se prévaloir de son rôle de puissance publique pour soutenir que Saremar n’a pas obtenu d’avantage économique.

236

En tout état de cause, comme la RAS l’a reconnu, il ne résulte pas des éléments du dossier que l’augmentation de capital litigieuse résulterait de l’exécution d’obligations résultant des engagements qu’elle aurait contractés à l’égard de l’État italien lorsque ce dernier lui a transféré la propriété de Saremar. En particulier, il n’apparaît pas que la RAS était tenue, dans le cadre de ce transfert de compétences, d’indemniser Saremar au titre de la partie des montants correspondant aux compensations de service public versées entre 1998 et 2008 que cette société n’aurait pas pu recouvrer dans le cadre de la procédure de faillite de Tirrenia. Ainsi, la seule obligation à laquelle la RAS s’est référée à cet égard, au cours de la procédure formelle d’examen, est celle prévue par l’article 2446 du code civil italien, relative à l’apport de capital devant être réalisé par les actionnaires d’une société dont le capital social a diminué en deçà d’un certain seuil, laquelle ne s’imposait à elle qu’en qualité d’actionnaire d’une société et non en qualité de puissance publique.

237

Par conséquent, même à supposer que l’augmentation de capital litigieuse visait à restituer à Saremar les fonds correspondant aux compensations de service public que cette société n’avait pu recouvrer dans le cadre de la procédure de faillite de Tirrenia, elle ne saurait être qualifiée de compensation de service public susceptible de bénéficier de la dérogation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

238

Il s’ensuit que la première branche du second moyen ne peut qu’être rejetée.

– Sur la deuxième branche du second moyen, tirée d’erreurs manifestes d’appréciation en ce qui concerne l’application en l’espèce du critère de l’investisseur privé en économie de marché

239

Dans le cadre de la deuxième branche de ce moyen, la RAS soutient que, en tout état de cause, elle a adopté en l’espèce un comportement très prudent, à l’instar de tout investisseur privé, en prenant soin de procéder à un apport en capital minimal, en vue d’obtenir un meilleur prix de vente lors de sa privatisation. Cette mesure aurait donc contribué à préserver la réalisation du plan d’entreprise précédent.

240

À cet égard, il suffit de constater que les arguments exposés dans le cadre de la présente branche ne sont pas susceptibles d’établir l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation que la Commission aurait commise en vérifiant, aux points 236 à 244 de la décision attaquée, si l’augmentation de capital litigieuse avait constitué un avantage économique pour Saremar, au regard du critère de l’investisseur privé en économie de marché.

241

En effet, la circonstance que la RAS aurait veillé à ne verser qu’une part minimale de l’augmentation de capital litigieuse, de manière à obtenir un meilleur prix au moment de la privatisation de Saremar et à préserver le plan d’entreprise précédent, n’est pas de nature à remettre en cause la conclusion de la Commission, figurant au point 242 de la décision attaquée, selon laquelle l’augmentation de capital litigieuse n’apparaît pas fondée sur des évaluations économiques semblables à celles qu’un investisseur privé rationnel aurait effectuées avant de procéder à un tel investissement.

242

Ainsi, la RAS ne conteste pas que, comme la Commission l’a constaté au point 239 de la décision attaquée, le plan d’entreprise pour les années 2011-2022, approuvé en juillet 2010, n’a pas été réactualisé pour tenir compte des changements significatifs de l’environnement économique survenus postérieurement à son approbation, en particulier l’insolvabilité de Tirrenia, son rachat par CIN et le report de la privatisation de Saremar.

243

De même, la RAS ne conteste pas le constat opéré par la Commission au point 240 de la décision attaquée, selon lequel cette autorité publique, avant de procéder à l’augmentation de capital litigieuse, n’a pas pris en compte les perspectives de profitabilité de Saremar et n’a pas examiné les options autres que cette augmentation de capital, en particulier la liquidation de l’entreprise. À cet égard, il convient de relever que cette dernière option se serait imposée à la RAS si elle n’avait pas procédé à cette augmentation de capital. En effet, il résulte de la décision régionale no 36/6 que, compte tenu du niveau du capital de Saremar, qui se trouvait en dessous du seuil légal fixé par l’article 2446 du code civil italien, cette entreprise n’aurait pas pu rester en activité. En tout état de cause, le caractère partiel du versement de l’augmentation de capital litigieuse, invoqué par la RAS, est sans incidence, dans la mesure où c’est la décision d’octroyer cette augmentation de capital qui devait être prise en compte en vue de déterminer l’existence d’une aide d’État.

244

La seconde branche du second moyen ne peut donc qu’être rejetée.

– Sur la troisième branche du second moyen, tirée d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation relatives à l’examen de la compatibilité de l’augmentation de capital litigieuse

245

Cette troisième branche concerne la partie de la décision attaquée dans laquelle la Commission a examiné la compatibilité avec le marché intérieur de l’augmentation de capital litigieuse (points 297 à 299 de cette décision) au regard des lignes directrices concernant les aides au sauvetage et à la restructuration. Elle vise plus particulièrement le point 299 de cette décision dans lequel la Commission a conclu que les conditions indiquées dans lesdites lignes directrices n’étaient pas remplies en l’espèce, en se référant aux motifs exposés aux points 271 à 278 de la même décision l’ayant conduite à tirer une conclusion semblable en ce qui concerne la mesure de compensation litigieuse. Or, pour étayer le présent grief, la RAS se réfère uniquement aux arguments qu’elle a exposés dans le cadre du quatrième moyen sans autre justification. Par conséquent, il suffit, à cet égard, de constater que, ainsi qu’il résulte des points 170 à 204 ci-dessus, ces arguments ne peuvent qu’être rejetés.

246

Il résulte de ce qui précède qu’il convient de rejeter la troisième branche du second moyen et, partant, ce moyen dans son ensemble.

247

Dès lors, aucun des moyens du présent recours ne pouvant prospérer, ce recours ne peut qu’être rejeté dans son intégralité.

Sur les dépens

248

Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

249

La requérante ayant succombé, il convient de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission et de CIN.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

La Regione autonoma della Sardegna (Italie) est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne et Compagnia Italiana di Navigazione SpA.

 

Gratsias

Kancheva

Półtorak

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 avril 2017.

Signatures

Table des matières

 

Antécédents du litige

 

1. Contexte factuel

 

2. Procédure administrative

 

3. Décision attaquée

 

Procédure et conclusions des parties

 

En droit

 

1. Sur la qualité pour agir et l’intérêt à agir

 

2. Sur le fond

 

En ce qui concerne la première partie du recours, relative à la partie de la décision attaquée concernant la mesure de compensation litigieuse

 

Sur le sixième moyen, tiré de la violation des formes substantielles

 

– Sur la première branche, tirée d’une violation de l’obligation de motivation de la décision attaquée

 

– Sur la seconde branche, tirée d’une violation des droits de la défense

 

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, ainsi que d’erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission dans l’application des conditions Altmark

 

Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation relatives à l’application de la décision SIEG de 2005 et de la décision SIEG de 2011

 

– Sur la première branche du troisième moyen, tirée d’une erreur de droit relative au champ d’application ratione temporis de la décision SIEG de 2005 et de la décision SIEG de 2011

 

– Sur la deuxième branche du troisième moyen tirée d’erreurs de droit et d’appréciation relatives à l’application des principes et des conditions de la décision SIEG de 2011

 

– Sur la troisième branche du troisième moyen, tirée de l’application erronée de l’article 4, sous f), de la décision SIEG de 2011 et, à titre subsidiaire, d’une exception d’illégalité de cette disposition

 

Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission relatives à la qualification d’entreprise en difficulté, d’une violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE ainsi que d’une exception d’illégalité du point 9 de l’encadrement SIEG

 

Sur le cinquième moyen, tiré d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation, en ce que la Commission a considéré que la mesure de compensation litigieuse ne respectait pas les critères de l’encadrement SIEG de 2011

 

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE et d’une appréciation erronée de la définition des obligations de service public imposées à Saremar

 

En ce qui concerne la seconde partie du recours, relative à la partie de la décision attaquée concernant l’augmentation de capital litigieuse

 

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

 

Sur le second moyen, tiré d’erreurs de droit et d’appréciation

 

– Sur la première branche du second moyen, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation s’agissant de la nature des ressources correspondant à l’augmentation de capital litigieuse et d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et de l’article 106, paragraphe 2, TFUE

 

– Sur la deuxième branche du second moyen, tirée d’erreurs manifestes d’appréciation en ce qui concerne l’application en l’espèce du critère de l’investisseur privé en économie de marché

 

– Sur la troisième branche du second moyen, tirée d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation relatives à l’examen de la compatibilité de l’augmentation de capital litigieuse

 

Sur les dépens


( 1 ) Langue de procédure : l’italien.

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