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Document 62013TJ0710

Arrêt du Tribunal (sixième chambre) du 18 septembre 2015.
Bundesverband Deutsche Tafel eV contre Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).
Marque communautaire - Procédure de nullité - Marque communautaire verbale Tafel - Motifs absolus de refus - Caractère distinctif - Absence de caractère descriptif - Article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement (CE) nº 207/2009.
Affaire T-710/13.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2015:643

Parties
Motifs de l'arrêt
Dispositif

Parties

Dans l’affaire T‑710/13,

Bundesverband Deutsche Tafel eV, établie à Berlin (Allemagne), représentée par M es  T. Koerl, E. Celenk et S. Vollmer, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté initialement par M. A. Pohlmann, puis par M. M. Fischer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Tiertafel Deutschland eV, établie à Rathenow (Allemagne), représentée par M e  M. Nitschke, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 17 octobre 2013 (affaire R 1074/2012‑4), relative à une procédure de nullité entre Tiertafel Deutschland eV et Bundesverband Deutsche Tafel eV,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, F. Dehousse (rapporteur) et A. M. Collins, juges,

greffier : M me  J. Weychert, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 23 décembre 2013,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 11 avril 2014,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 16 avril 2014,

vu la décision du 11 juin 2014 refusant d’autoriser le dépôt d’un mémoire en réplique,

à la suite de l’audience du 18 mars 2015,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

Antécédents du litige

1. La requérante, Bundesverband Deutsche Tafel eV, est titulaire de la marque communautaire verbale Tafel, demandée le 26 mars 2010 et enregistrée le 27 septembre 2010 sous le numéro 8985541 auprès de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) nº 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2. Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 39 et 45 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

– classe 39 : « Collecte, enlèvement, transport et distribution de produits d’usage quotidien, y compris d’aliments, pour le compte de tiers, en particulier les nécessiteux » ;

– classe 45 : « Services à caractère personnel et social offerts par des tiers pour couvrir des besoins individuels ».

3. Le 4 novembre 2010, l’intervenante, Tiertafel Deutschland eV, a présenté à l’OHMI une demande en nullité de la marque communautaire Tafel, fondée sur l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement nº 207/2009, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du même règlement, ainsi que sur l’article 52, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

4. Par décision du 16 avril 2012, la division d’annulation de l’OHMI a rejeté la demande en nullité sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement nº 207/2009, lu conjointement avec l’article 52, paragraphe 1, sous a), du même règlement.

5. Le 6 juin 2012, l’intervenante a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision de la division d’annulation.

6. Par décision du 17 octobre 2013 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a accueilli le recours et a annulé la décision de la division d’annulation. Elle a considéré que le mot allemand « Tafel » avait un rapport suffisamment clair et spécifique avec les services en cause et qu’il était donc descriptif. Elle a également décidé que, en tant qu’indication descriptive dont le public ciblé comprendrait directement la signification sans effort d’analyse, ce terme était également dépourvu de caractère distinctif pour les services concernés. Elle a donc annulé la marque en cause, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement nº 207/2009. La chambre de recours a enfin estimé inutile de statuer sur le motif tiré de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du même règlement, à savoir la mauvaise foi, qui n’avait plus été abordé par les parties au cours de la procédure de recours.

Conclusions des parties

7. La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée ;

– condamner l’OHMI aux dépens.

8. L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

En droit

9. À l’appui du recours, la requérante invoque deux moyens d’annulation, tirés, le premier, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 207/2009 et, le second, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 207/2009

10. La requérante conteste la conclusion de la chambre de recours selon laquelle la marque en cause est descriptive. Elle fait valoir notamment qu’il n’y a pas de rapport direct entre le terme allemand « Tafel », dans le sens indiqué par la chambre de recours d’une « grande table, couverte pour un repas de fête », et les services pour lesquels la marque est enregistrée. Le terme allemand « Tafel » n’indiquerait ni l’espèce, ni la qualité, ni la destination, ni aucune des caractéristiques des services concernés. S’agissant des services relevant de la classe 39, ils n’auraient aucun rapport avec une table, qui serait inappropriée pour servir de lieu de fourniture de tels services. En outre, il y aurait une opposition entre l’idée d’un repas de fête véhiculée par le terme allemand « Tafel » et les services protégés visant à fournir des produits d’usage quotidien et des aliments, c’est-à-dire le minimum vital. En ce qui concerne les services relevant de la classe 45, la requérante soutient que la chambre de recours a méconnu leur objet et les a confondus avec les services de restauration, couverts par la classe 43, non visés par la marque Tafel.

11. L’OHMI soutient que c’est à juste titre que la chambre de recours a annulé l’enregistrement du signe Tafel pour les services en cause. Il observe qu’une des significations du terme allemand « Tafel » décrite dans le dictionnaire Duden désigne un approvisionnement des nécessiteux en aliments et qu’une signification similaire est mentionnée sous l’expression clé allemande « Tafel-Initiativen » dans l’édition de 2006 de l’encyclopédie Brockhaus et dans l’édition en ligne du dictionnaire Meyers .

12. S’agissant des services relevant de la classe 39, l’OHMI soutient qu’il s’agit des services de logistique essentiels au bon déroulement d’une banque alimentaire et qu’il existe donc un rapport direct et clair entre ceux-ci et le terme allemand « Tafel ». En outre, il soutient que le public concerné, mis en présence du terme allemand « Tafel » pour ce qui est des services relevant de la classe 45, pensera immédiatement aux services d’une banque alimentaire consistant en un service social sous la forme d’un approvisionnement en aliments et en autres produits quotidiens. Il ajoute que les services relevant des classes 39 et 45 sont, pour ainsi dire, conçus pour les banques alimentaires.

13. L’intervenante fait valoir que c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que le signe Tafel était descriptif. Selon elle, en effet, le terme allemand « Tafel » est une appellation générique désignant des institutions d’aide sociale. Elle évoque à cet égard différentes études de 2008 et de 2009 ainsi que des ouvrages tels que les lexiques Brockhaus et Meyers et le dictionnaire Duden . Le caractère descriptif du terme résulterait également de l’existence d’organisations dont les dénominations sont des variations du terme allemand « Tafel ». Ce terme ne se rapporterait pas de façon spécifique à la requérante, mais au mouvement des banques alimentaires, les « Tafeln ». Les documents produits par la requérante feraient d’ailleurs eux-mêmes apparaître que le terme allemand « Tafel » se réfère à une institution. Ce terme revêtirait ainsi une signification générique non seulement pour le public allemand, mais aussi pour le public autrichien. L’intervenante fait également valoir que le terme allemand « Tafel » est descriptif des services en cause. Ainsi, le terme allemand « Tafel » désignerait notamment le lieu de prestation des services en cause et son contenu sémantique varié, à savoir le terme « table » ou l’expression « tableau d’affichage », serait directement descriptif des services en cause, généralement fournis à table.

14. Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. En outre, l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 207/2009 énonce que le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.

15. Selon la jurisprudence, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 207/2009 empêche que les signes ou indications visés par lui soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque. Cette disposition poursuit ainsi un but d’intérêt général, lequel exige que de tels signes ou indications puissent être librement utilisés par tous [arrêts du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, Rec, EU:C:2003:579, point 31, et du 7 juillet 2011, Cree/OHMI (TRUEWHITE), T‑208/10, EU:T:2011:340, point 12].

16. En outre, des signes ou des indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner des caractéristiques du produit ou du service pour lequel l’enregistrement est demandé sont, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 207/2009, réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix, si l’expérience se révèle positive, ou de faire un autre choix, si elle se révèle négative (arrêts OHMI/Wrigley, point 15 supra, EU:C:2003:579, point 30, et TRUEWHITE, point 15 supra, EU:T:2011:340, point 13).

17. Les signes et les indications visés par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 207/2009 sont ceux qui peuvent servir, dans un usage normal du point de vue du public ciblé, pour désigner, soit directement, soit par la mention d’une de ses caractéristiques essentielles, le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé [arrêts du 20 septembre 2001, Procter & Gamble/OHMI, C‑383/99 P, Rec, EU:C:2001:461, point 39, et du 5 juillet 2012, Deutscher Ring/OHMI (Deutscher Ring Sachversicherungs-AG), T‑209/10, EU:T:2012:347, point 17].

18. Il en résulte que, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par la disposition susmentionnée, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret, de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques (voir arrêt TRUEWHITE, point 15 supra, EU:T:2011:340, point 14 et jurisprudence citée).

19. Il convient également de rappeler que l’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport à la perception qu’en a le public concerné et, d’autre part, par rapport aux produits ou aux services visés [arrêts du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, Rec, EU:T:2002:41, point 38, et TRUEWHITE, point 15 supra, EU:T:2011:340, point 17].

20. C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner le premier moyen soulevé dans le cadre du présent recours.

21. Tout d’abord, il y a lieu de relever que, ainsi que l’a constaté la chambre de recours, les services en cause concernent des produits d’usage quotidien ainsi que des besoins individuels et s’adressent au public en général. En outre, le signe en cause étant un terme allemand, il y a lieu d’apprécier le caractère descriptif de la marque litigieuse par rapport à la compréhension qu’en a le consommateur moyen germanophone de l’Union, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par la requérante.

22. Ensuite, il ressort des éléments du dossier que le terme allemand « Tafel » revêt plusieurs significations. Ce terme renvoie en particulier, d’une part, à la notion de table et, d’autre part, à la notion de banques alimentaires et de projets sociaux relatifs, notamment, à l’approvisionnement des personnes nécessiteuses, gratuit ou à bas prix, en aliments invendus dans le commerce, mais encore bien conservés, ou en repas préparés. Ce constat n’est pas remis en cause par les parties.

23. Toutefois, il ressort de la décision attaquée que, en l’espèce, la chambre de recours ne s’est fondée que sur la première signification du terme allemand « Tafel », à savoir la notion de table.

24. En effet, au point 30 de la décision attaquée, la chambre de recours a fait référence à l’édition en ligne du dictionnaire universel Duden , en ce qu’elle a indiqué que le terme allemand « Tafel » se comprenait notamment comme une « grande table, couverte pour un repas de fête » et comme le « repas ». Les expressions « à table » et « lever le couvert/la table » y sont également mentionnées.

25. Force est de constater que la chambre de recours ne s’est fondée que sur la signification « table » du terme allemand « Tafel » pour conclure à l’existence, en l’espèce, d’un rapport suffisamment clair et spécifique avec les services en cause. Ainsi, d’une part, en ce qui concerne les services relevant de la classe 39, elle a indiqué, au point 31 de sa décision, que le terme allemand « Tafel » décrivait le fait que les produits d’usage quotidien étaient collectés, enlevés, transportés et distribués à une table et que des repas et des aliments étaient offerts à table. D’autre part, en ce qui concerne les services relevant de la classe 45, elle a relevé que le terme allemand « Tafel » décrivait le fait que les services à caractère pers onnel et social proposés par des tiers et concernant des besoins individuels, tels que, par exemple, l’approvisionnement en aliments et les repas, étaient proposés à une table.

26. Il y a lieu de noter que, au point 32 de la décision attaquée, la chambre de recours a évoqué la suite de la définition figurant dans le dictionnaire en ligne Duden selon lequel le terme allemand « Tafel » signifiait « approvisionnement des personnes nécessiteuses, gratuit ou à bas prix, en aliments invendus dans le commerce, mais encore bien conservés, ou en repas préparés » et qui précisait que « beaucoup d’assistantes bénévoles [s’engageaient] auprès de la ‘Mannheimer Tafel’ ». Elle s’est également référée à l’encyclopédie Brockhaus de 2006 et au dictionnaire Meyers de 2007, qui expliquaient, à propos de l’expression allemande « Tafel-Initiative », que « les excédents alimentaires [étaient] collectés […] et transmis gratuitement aux personnes nécessiteuses ou œuvres sociales ».

27. Toutefois, il résulte du même point 32 de la décision attaquée qu’il n’est ainsi fait référence à ces autres définitions du terme allemand « Tafel » que pour « confirmer » que ledit terme, en association avec les services en cause, serait compris par le grand public « dans le sens que ces derniers sont proposés à une ‘table’ ».

28. De même, au point 33 de la décision attaquée, la chambre de recours évoque le fait que, même si un grand nombre de banques alimentaires sont organisées par la requérante, la signification descriptive du terme allemand « Tafel » demeure en ce qui concerne les services relevant des classes 39 et 45, « qui peuvent tous être proposés à une table ».

29. Enfin, la dernière phrase du point 34 de la décision attaquée mentionne également le fait que le terme allemand « Tafel », « en ce qui concerne les services des classes 39 et 45, est compris dans le sens que ceux-ci sont accomplis à une table, sur une table couverte ».

30. Il résulte donc de la décision attaquée que la chambre de recours ne s’est fondée que sur la signification « table » du terme allemand « Tafel » et non sur sa signification « banque alimentaire ».

31. Or, le terme allemand « Tafel » au sens du mot « table » ne revêt pas un caractère descriptif des services en cause en l’espèce.

32. En effet, premièrement, il convient de rappeler que les services relevant de la classe 39 consistent en la collecte, l’enlèvement, le transport et la distribution de produits d’usage quotidien, y compris d’aliments, pour le compte de tiers, en particulier les nécessiteux.

33. Il y a lieu de relever que la collecte, l’enlèvement et le transport des produits n’apparaissent pas comme étant liés à la notion de table. Certes, la distribution des produits d’usage quotidien, dont les aliments, est l’objectif final de l’ensemble des services en cause et peut se faire sur une table. Toutefois, tel n’est pas nécessairement le cas. En outre, en ce qui concerne les aliments, comme l’indique la requérante, l’idée d’un repas de fête sous-jacent dans le terme allemand « Tafel » est opposée aux services visant à fournir le minimum vital en cause en l’espèce. Les services relevant de la classe 39 sont ainsi des prestations intermédiaires qui ne sont pas directement associées au terme de « table », y compris les services en cause visant les aliments.

34. Dès lors, le terme allemand « Tafel » au sens du mot « table » ne présente pas, avec les services relevant de la classe 39, à savoir la collecte, l’enlèvement, le transport et la distribution des produits d’usage quotidien, dont les aliments, aux personnes démunies, un rapport direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir, immédiatement et sans autre réflexion, une description desdits services.

35. Deuxièmement, concernant les services relevant de la classe 45, à savoir les services à caractère personnel et social offerts par des tiers pour couvrir des besoins individuels, ils ne peuvent pas davantage être directement, et sans autre réflexion, associés à la notion de table. Même s’ils peuvent, dans certains cas, être accomplis à une table, notamment pour les services de restauration, tel n’est pas nécessairement le cas.

36. Il s’ensuit que l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le signe Tafel au sens du mot « table » présente, avec les services concernés relevant des classes 39 et 45, un rapport suffisamment clair et spécifique est erronée.

37. Dès lors, sans préjudice de ce qui pourrait être jugé en ce qui concerne d’autres significations du terme allemand « Tafel », non analysées par la chambre de recours, c’est à tort que celle-ci a considéré que le signe Tafel au sens du mot « table » revêtait un caractère descriptif des services en cause, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 207/2009.

38. Il résulte de ce qui précède que le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 207/2009, doit être accueilli.

Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009

39. Aux termes d’une jurisprudence constante, il suffit que l’un des motifs absolus de refus énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement nº 207/2009 s’applique pour qu’un signe ne puisse être enregistré comme marque communautaire [arrêts du 19 septembre 2002, DKV/OHMI, C‑104/00 P, Rec, EU:C:2002:506, point 29 ; du 10 juillet 2014, BSH/OHMI, C‑126/13 P, EU:C:2014:2065, point 33, et du 19 mai 2010, Ravensburger/OHMI – Educa Borras (Memory), T‑108/09, EU:T:2010:213, point 38].

40. Dès lors que l’appréciation du caractère descriptif du signe Tafel au sens du mot « table », effectuée au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 207/2009 par la décision attaquée, doit être annulée (point 38 ci-dessus), il convient d’examiner si l’appréciation de la chambre de recours concernant l’absence de caractère distinctif du signe Tafel au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009 est, quant à elle, fondée.

41. La requérante fait valoir que la décision attaquée doit être annulée, dès lors que la chambre de recours n’a pas effectué un examen séparé du motif de refus fondé sur l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009. La chambre de recours n’aurait déduit l’absence de caractère distinctif du signe Tafel qu’en se fondant sur son caractère descriptif, ce qui, en outre, serait erroné.

42. L’OHMI fait valoir que, même si chaque motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement nº 207/2009 est indépendant et doit être interprété à la lumière de l’intérêt général qui le sous-tend, si un signe est purement descriptif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 207/2009, il sera normalement dépourvu du caractère distinctif requis par l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement. En outre, même dans l’hypothèse où le signe Tafel ne serait pas purement descriptif des services concernés, il présenterait un rapport direct et concret avec ceux-ci. Le public pertinent le percevrait ainsi comme fournissant des informations sur la nature des services qu’il désigne et non comme indiquant leur origine, de sorte à permettre de distinguer les services fournis par la requérante de ceux des concurrents.

43. L’intervenante fait valoir que l’absence de caractère distinctif du signe Tafel découle de son contenu sémantique purement descriptif. De plus, elle souligne que l’intérêt général impose de pouvoir continuer d’utiliser librement cette dénomination.

44. Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. En vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, le caractère distinctif d’une marque au sens de cette disposition signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises. De plus, le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009, doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir, par analogie, ordonnance du 26 avril 2012, Deichmann/OHMI, C‑307/11 P, EU:C:2012:254, points 49 et 50 et jurisprudence citée).

45. En l’espèce, il suffit de relever que la chambre de recours s’est limitée à mentionner que, en tant qu’indication descriptive dont le public ciblé comprendrait directement la signification sans effort d’analyse, le terme Tafel était également dépourvu de caractère distinctif pour les services en cause, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009.

46. Ce faisant, la chambre de recours a déduit l’absence de caractère distinctif de la marque en cause de son caractère descriptif et n’a donc pas effectué l’analyse du caractère distinctif du signe Tafel au regard des critères posés par la jurisprudence applicable.

47. Par conséquent, le raisonnement de la chambre de recours quant à l’absence de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009 doit être écarté, en ce qu’il est fondé sur l’erreur constatée aux points 31 à 38 ci-dessus.

48. Il résulte de ce qui précède que le second moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009, doit également être accueilli et, partant, le recours dans son ensemble.

49. Dès lors, il y a lieu d’annuler la décision attaquée.

Sur les dépens

50. Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

51. L’OHMI ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la requérante et d’ordonner que l’intervenante supportera ses propres dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1) La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 17 octobre 2013 (affaire R 1074/2012‑4) est annulée.

2) L’OHMI supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Bundesverband Deutsche Tafel eV.

3) Tiertafel Deutschland eV supportera ses propres dépens.

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ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

18 septembre 2015 ( *1 )

«Marque communautaire — Procédure de nullité — Marque communautaire verbale Tafel — Motifs absolus de refus — Caractère distinctif — Absence de caractère descriptif — Article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement (CE) no 207/2009»

Dans l’affaire T‑710/13,

Bundesverband Deutsche Tafel eV, établie à Berlin (Allemagne), représentée par Mes T. Koerl, E. Celenk et S. Vollmer, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté initialement par M. A. Pohlmann, puis par M. M. Fischer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Tiertafel Deutschland eV, établie à Rathenow (Allemagne), représentée par Me M. Nitschke, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 17 octobre 2013 (affaire R 1074/2012‑4), relative à une procédure de nullité entre Tiertafel Deutschland eV et Bundesverband Deutsche Tafel eV,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, F. Dehousse (rapporteur) et A. M. Collins, juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 23 décembre 2013,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 11 avril 2014,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 16 avril 2014,

vu la décision du 11 juin 2014 refusant d’autoriser le dépôt d’un mémoire en réplique,

à la suite de l’audience du 18 mars 2015,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1

La requérante, Bundesverband Deutsche Tafel eV, est titulaire de la marque communautaire verbale Tafel, demandée le 26 mars 2010 et enregistrée le 27 septembre 2010 sous le numéro 8985541 auprès de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2

Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 39 et 45 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

classe 39 : « Collecte, enlèvement, transport et distribution de produits d’usage quotidien, y compris d’aliments, pour le compte de tiers, en particulier les nécessiteux » ;

classe 45 : « Services à caractère personnel et social offerts par des tiers pour couvrir des besoins individuels ».

3

Le 4 novembre 2010, l’intervenante, Tiertafel Deutschland eV, a présenté à l’OHMI une demande en nullité de la marque communautaire Tafel, fondée sur l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du même règlement, ainsi que sur l’article 52, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

4

Par décision du 16 avril 2012, la division d’annulation de l’OHMI a rejeté la demande en nullité sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 52, paragraphe 1, sous a), du même règlement.

5

Le 6 juin 2012, l’intervenante a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision de la division d’annulation.

6

Par décision du 17 octobre 2013 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a accueilli le recours et a annulé la décision de la division d’annulation. Elle a considéré que le mot allemand « Tafel » avait un rapport suffisamment clair et spécifique avec les services en cause et qu’il était donc descriptif. Elle a également décidé que, en tant qu’indication descriptive dont le public ciblé comprendrait directement la signification sans effort d’analyse, ce terme était également dépourvu de caractère distinctif pour les services concernés. Elle a donc annulé la marque en cause, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009. La chambre de recours a enfin estimé inutile de statuer sur le motif tiré de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du même règlement, à savoir la mauvaise foi, qui n’avait plus été abordé par les parties au cours de la procédure de recours.

Conclusions des parties

7

La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée ;

condamner l’OHMI aux dépens.

8

L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante aux dépens.

En droit

9

À l’appui du recours, la requérante invoque deux moyens d’annulation, tirés, le premier, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 et, le second, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009

10

La requérante conteste la conclusion de la chambre de recours selon laquelle la marque en cause est descriptive. Elle fait valoir notamment qu’il n’y a pas de rapport direct entre le terme allemand « Tafel », dans le sens indiqué par la chambre de recours d’une « grande table, couverte pour un repas de fête », et les services pour lesquels la marque est enregistrée. Le terme allemand « Tafel » n’indiquerait ni l’espèce, ni la qualité, ni la destination, ni aucune des caractéristiques des services concernés. S’agissant des services relevant de la classe 39, ils n’auraient aucun rapport avec une table, qui serait inappropriée pour servir de lieu de fourniture de tels services. En outre, il y aurait une opposition entre l’idée d’un repas de fête véhiculée par le terme allemand « Tafel » et les services protégés visant à fournir des produits d’usage quotidien et des aliments, c’est-à-dire le minimum vital. En ce qui concerne les services relevant de la classe 45, la requérante soutient que la chambre de recours a méconnu leur objet et les a confondus avec les services de restauration, couverts par la classe 43, non visés par la marque Tafel.

11

L’OHMI soutient que c’est à juste titre que la chambre de recours a annulé l’enregistrement du signe Tafel pour les services en cause. Il observe qu’une des significations du terme allemand « Tafel » décrite dans le dictionnaire Duden désigne un approvisionnement des nécessiteux en aliments et qu’une signification similaire est mentionnée sous l’expression clé allemande « Tafel-Initiativen » dans l’édition de 2006 de l’encyclopédie Brockhaus et dans l’édition en ligne du dictionnaire Meyers.

12

S’agissant des services relevant de la classe 39, l’OHMI soutient qu’il s’agit des services de logistique essentiels au bon déroulement d’une banque alimentaire et qu’il existe donc un rapport direct et clair entre ceux-ci et le terme allemand « Tafel ». En outre, il soutient que le public concerné, mis en présence du terme allemand « Tafel » pour ce qui est des services relevant de la classe 45, pensera immédiatement aux services d’une banque alimentaire consistant en un service social sous la forme d’un approvisionnement en aliments et en autres produits quotidiens. Il ajoute que les services relevant des classes 39 et 45 sont, pour ainsi dire, conçus pour les banques alimentaires.

13

L’intervenante fait valoir que c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que le signe Tafel était descriptif. Selon elle, en effet, le terme allemand « Tafel » est une appellation générique désignant des institutions d’aide sociale. Elle évoque à cet égard différentes études de 2008 et de 2009 ainsi que des ouvrages tels que les lexiques Brockhaus et Meyers et le dictionnaire Duden. Le caractère descriptif du terme résulterait également de l’existence d’organisations dont les dénominations sont des variations du terme allemand « Tafel ». Ce terme ne se rapporterait pas de façon spécifique à la requérante, mais au mouvement des banques alimentaires, les « Tafeln ». Les documents produits par la requérante feraient d’ailleurs eux-mêmes apparaître que le terme allemand « Tafel » se réfère à une institution. Ce terme revêtirait ainsi une signification générique non seulement pour le public allemand, mais aussi pour le public autrichien. L’intervenante fait également valoir que le terme allemand « Tafel » est descriptif des services en cause. Ainsi, le terme allemand « Tafel » désignerait notamment le lieu de prestation des services en cause et son contenu sémantique varié, à savoir le terme « table » ou l’expression « tableau d’affichage », serait directement descriptif des services en cause, généralement fournis à table.

14

Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. En outre, l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 énonce que le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.

15

Selon la jurisprudence, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 empêche que les signes ou indications visés par lui soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque. Cette disposition poursuit ainsi un but d’intérêt général, lequel exige que de tels signes ou indications puissent être librement utilisés par tous [arrêts du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, Rec, EU:C:2003:579, point 31, et du 7 juillet 2011, Cree/OHMI (TRUEWHITE), T‑208/10, EU:T:2011:340, point 12].

16

En outre, des signes ou des indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner des caractéristiques du produit ou du service pour lequel l’enregistrement est demandé sont, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix, si l’expérience se révèle positive, ou de faire un autre choix, si elle se révèle négative (arrêts OHMI/Wrigley, point 15 supra, EU:C:2003:579, point 30, et TRUEWHITE, point 15 supra, EU:T:2011:340, point 13).

17

Les signes et les indications visés par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 sont ceux qui peuvent servir, dans un usage normal du point de vue du public ciblé, pour désigner, soit directement, soit par la mention d’une de ses caractéristiques essentielles, le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé [arrêts du 20 septembre 2001, Procter & Gamble/OHMI, C‑383/99 P, Rec, EU:C:2001:461, point 39, et du 5 juillet 2012, Deutscher Ring/OHMI (Deutscher Ring Sachversicherungs-AG), T‑209/10, EU:T:2012:347, point 17].

18

Il en résulte que, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par la disposition susmentionnée, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret, de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques (voir arrêt TRUEWHITE, point 15 supra, EU:T:2011:340, point 14 et jurisprudence citée).

19

Il convient également de rappeler que l’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport à la perception qu’en a le public concerné et, d’autre part, par rapport aux produits ou aux services visés [arrêts du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, Rec, EU:T:2002:41, point 38, et TRUEWHITE, point 15 supra, EU:T:2011:340, point 17].

20

C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner le premier moyen soulevé dans le cadre du présent recours.

21

Tout d’abord, il y a lieu de relever que, ainsi que l’a constaté la chambre de recours, les services en cause concernent des produits d’usage quotidien ainsi que des besoins individuels et s’adressent au public en général. En outre, le signe en cause étant un terme allemand, il y a lieu d’apprécier le caractère descriptif de la marque litigieuse par rapport à la compréhension qu’en a le consommateur moyen germanophone de l’Union, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par la requérante.

22

Ensuite, il ressort des éléments du dossier que le terme allemand « Tafel » revêt plusieurs significations. Ce terme renvoie en particulier, d’une part, à la notion de table et, d’autre part, à la notion de banques alimentaires et de projets sociaux relatifs, notamment, à l’approvisionnement des personnes nécessiteuses, gratuit ou à bas prix, en aliments invendus dans le commerce, mais encore bien conservés, ou en repas préparés. Ce constat n’est pas remis en cause par les parties.

23

Toutefois, il ressort de la décision attaquée que, en l’espèce, la chambre de recours ne s’est fondée que sur la première signification du terme allemand « Tafel », à savoir la notion de table.

24

En effet, au point 30 de la décision attaquée, la chambre de recours a fait référence à l’édition en ligne du dictionnaire universel Duden, en ce qu’elle a indiqué que le terme allemand « Tafel » se comprenait notamment comme une « grande table, couverte pour un repas de fête » et comme le « repas ». Les expressions « à table » et « lever le couvert/la table » y sont également mentionnées.

25

Force est de constater que la chambre de recours ne s’est fondée que sur la signification « table » du terme allemand « Tafel » pour conclure à l’existence, en l’espèce, d’un rapport suffisamment clair et spécifique avec les services en cause. Ainsi, d’une part, en ce qui concerne les services relevant de la classe 39, elle a indiqué, au point 31 de sa décision, que le terme allemand « Tafel » décrivait le fait que les produits d’usage quotidien étaient collectés, enlevés, transportés et distribués à une table et que des repas et des aliments étaient offerts à table. D’autre part, en ce qui concerne les services relevant de la classe 45, elle a relevé que le terme allemand « Tafel » décrivait le fait que les services à caractère personnel et social proposés par des tiers et concernant des besoins individuels, tels que, par exemple, l’approvisionnement en aliments et les repas, étaient proposés à une table.

26

Il y a lieu de noter que, au point 32 de la décision attaquée, la chambre de recours a évoqué la suite de la définition figurant dans le dictionnaire en ligne Duden selon lequel le terme allemand « Tafel » signifiait « approvisionnement des personnes nécessiteuses, gratuit ou à bas prix, en aliments invendus dans le commerce, mais encore bien conservés, ou en repas préparés » et qui précisait que « beaucoup d’assistantes bénévoles [s’engageaient] auprès de la ‘Mannheimer Tafel’ ». Elle s’est également référée à l’encyclopédie Brockhaus de 2006 et au dictionnaire Meyers de 2007, qui expliquaient, à propos de l’expression allemande « Tafel-Initiative », que « les excédents alimentaires [étaient] collectés […] et transmis gratuitement aux personnes nécessiteuses ou œuvres sociales ».

27

Toutefois, il résulte du même point 32 de la décision attaquée qu’il n’est ainsi fait référence à ces autres définitions du terme allemand « Tafel » que pour « confirmer » que ledit terme, en association avec les services en cause, serait compris par le grand public « dans le sens que ces derniers sont proposés à une ‘table’ ».

28

De même, au point 33 de la décision attaquée, la chambre de recours évoque le fait que, même si un grand nombre de banques alimentaires sont organisées par la requérante, la signification descriptive du terme allemand « Tafel » demeure en ce qui concerne les services relevant des classes 39 et 45, « qui peuvent tous être proposés à une table ».

29

Enfin, la dernière phrase du point 34 de la décision attaquée mentionne également le fait que le terme allemand « Tafel », « en ce qui concerne les services des classes 39 et 45, est compris dans le sens que ceux-ci sont accomplis à une table, sur une table couverte ».

30

Il résulte donc de la décision attaquée que la chambre de recours ne s’est fondée que sur la signification « table » du terme allemand « Tafel » et non sur sa signification « banque alimentaire ».

31

Or, le terme allemand « Tafel » au sens du mot « table » ne revêt pas un caractère descriptif des services en cause en l’espèce.

32

En effet, premièrement, il convient de rappeler que les services relevant de la classe 39 consistent en la collecte, l’enlèvement, le transport et la distribution de produits d’usage quotidien, y compris d’aliments, pour le compte de tiers, en particulier les nécessiteux.

33

Il y a lieu de relever que la collecte, l’enlèvement et le transport des produits n’apparaissent pas comme étant liés à la notion de table. Certes, la distribution des produits d’usage quotidien, dont les aliments, est l’objectif final de l’ensemble des services en cause et peut se faire sur une table. Toutefois, tel n’est pas nécessairement le cas. En outre, en ce qui concerne les aliments, comme l’indique la requérante, l’idée d’un repas de fête sous-jacent dans le terme allemand « Tafel » est opposée aux services visant à fournir le minimum vital en cause en l’espèce. Les services relevant de la classe 39 sont ainsi des prestations intermédiaires qui ne sont pas directement associées au terme de « table », y compris les services en cause visant les aliments.

34

Dès lors, le terme allemand « Tafel » au sens du mot « table » ne présente pas, avec les services relevant de la classe 39, à savoir la collecte, l’enlèvement, le transport et la distribution des produits d’usage quotidien, dont les aliments, aux personnes démunies, un rapport direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir, immédiatement et sans autre réflexion, une description desdits services.

35

Deuxièmement, concernant les services relevant de la classe 45, à savoir les services à caractère personnel et social offerts par des tiers pour couvrir des besoins individuels, ils ne peuvent pas davantage être directement, et sans autre réflexion, associés à la notion de table. Même s’ils peuvent, dans certains cas, être accomplis à une table, notamment pour les services de restauration, tel n’est pas nécessairement le cas.

36

Il s’ensuit que l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le signe Tafel au sens du mot « table » présente, avec les services concernés relevant des classes 39 et 45, un rapport suffisamment clair et spécifique est erronée.

37

Dès lors, sans préjudice de ce qui pourrait être jugé en ce qui concerne d’autres significations du terme allemand « Tafel », non analysées par la chambre de recours, c’est à tort que celle-ci a considéré que le signe Tafel au sens du mot « table » revêtait un caractère descriptif des services en cause, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009.

38

Il résulte de ce qui précède que le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, doit être accueilli.

Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

39

Aux termes d’une jurisprudence constante, il suffit que l’un des motifs absolus de refus énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 s’applique pour qu’un signe ne puisse être enregistré comme marque communautaire [arrêts du 19 septembre 2002, DKV/OHMI, C‑104/00 P, Rec, EU:C:2002:506, point 29 ; du 10 juillet 2014, BSH/OHMI, C‑126/13 P, EU:C:2014:2065, point 33, et du 19 mai 2010, Ravensburger/OHMI – Educa Borras (Memory), T‑108/09, EU:T:2010:213, point 38].

40

Dès lors que l’appréciation du caractère descriptif du signe Tafel au sens du mot « table », effectuée au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 par la décision attaquée, doit être annulée (point 38 ci-dessus), il convient d’examiner si l’appréciation de la chambre de recours concernant l’absence de caractère distinctif du signe Tafel au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 est, quant à elle, fondée.

41

La requérante fait valoir que la décision attaquée doit être annulée, dès lors que la chambre de recours n’a pas effectué un examen séparé du motif de refus fondé sur l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. La chambre de recours n’aurait déduit l’absence de caractère distinctif du signe Tafel qu’en se fondant sur son caractère descriptif, ce qui, en outre, serait erroné.

42

L’OHMI fait valoir que, même si chaque motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009 est indépendant et doit être interprété à la lumière de l’intérêt général qui le sous-tend, si un signe est purement descriptif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, il sera normalement dépourvu du caractère distinctif requis par l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement. En outre, même dans l’hypothèse où le signe Tafel ne serait pas purement descriptif des services concernés, il présenterait un rapport direct et concret avec ceux-ci. Le public pertinent le percevrait ainsi comme fournissant des informations sur la nature des services qu’il désigne et non comme indiquant leur origine, de sorte à permettre de distinguer les services fournis par la requérante de ceux des concurrents.

43

L’intervenante fait valoir que l’absence de caractère distinctif du signe Tafel découle de son contenu sémantique purement descriptif. De plus, elle souligne que l’intérêt général impose de pouvoir continuer d’utiliser librement cette dénomination.

44

Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. En vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, le caractère distinctif d’une marque au sens de cette disposition signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises. De plus, le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir, par analogie, ordonnance du 26 avril 2012, Deichmann/OHMI, C‑307/11 P, EU:C:2012:254, points 49 et 50 et jurisprudence citée).

45

En l’espèce, il suffit de relever que la chambre de recours s’est limitée à mentionner que, en tant qu’indication descriptive dont le public ciblé comprendrait directement la signification sans effort d’analyse, le terme Tafel était également dépourvu de caractère distinctif pour les services en cause, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

46

Ce faisant, la chambre de recours a déduit l’absence de caractère distinctif de la marque en cause de son caractère descriptif et n’a donc pas effectué l’analyse du caractère distinctif du signe Tafel au regard des critères posés par la jurisprudence applicable.

47

Par conséquent, le raisonnement de la chambre de recours quant à l’absence de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 doit être écarté, en ce qu’il est fondé sur l’erreur constatée aux points 31 à 38 ci-dessus.

48

Il résulte de ce qui précède que le second moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, doit également être accueilli et, partant, le recours dans son ensemble.

49

Dès lors, il y a lieu d’annuler la décision attaquée.

Sur les dépens

50

Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

51

L’OHMI ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la requérante et d’ordonner que l’intervenante supportera ses propres dépens.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

 

1)

La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 17 octobre 2013 (affaire R 1074/2012‑4) est annulée.

 

2)

L’OHMI supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Bundesverband Deutsche Tafel eV.

 

3)

Tiertafel Deutschland eV supportera ses propres dépens.

 

Frimodt Nielsen

Dehousse

Collins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 septembre 2015.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.

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