EUR-Lex Access to European Union law

Back to EUR-Lex homepage

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62013CO0304

Ordonnance de la Cour (sixième chambre) du 4 décembre 2014.
Agenţia de Plăţi şi Intervenţie pentru Agricultură (APIA) – Centrul Judeţean Timiş contre Curtea de Conturi a României et Camera de Conturi a Judeţului Timiş.
Demande de décision préjudicielle, introduite par la Curtea de Apel Timişoara.
Agriculture – Politique agricole commune – Règlement (CE) no 1782/2003 – Régimes de soutien direct – Conditions d’octroi des paiements directs nationaux complémentaires – Condition non prévue par la réglementation de l’Union – Condition tenant à l’absence de dette échue à l’égard du budget de l’État et/ou du budget local à la date d’introduction de la demande d’aide – Admissibilité – Non.
Affaire C-304/13.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2014:2422

ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

4 décembre 2014 (*)

«Agriculture – Politique agricole commune – Règlement (CE) n° 1782/2003 – Régimes de soutien direct – Conditions d’octroi des paiements directs nationaux complémentaires – Condition non prévue par la réglementation de l’Union – Condition tenant à l’absence de dette échue à l’égard du budget de l’État et/ou du budget local à la date d’introduction de la demande d’aide – Admissibilité – Non»

Dans l’affaire C‑304/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Curtea de Apel Timişoara (Roumanie), par décision du 15 mai 2013, parvenue à la Cour le 3 juin 2013, dans la procédure

Agenţia de Plăţi şi Intervenţie pentru Agricultură (APIA) – Centrul Judeţean Timiş

contre

Curtea de Conturi a României,

Camera de Conturi a Judeţului Timiş,

en présence de:

Agenţia de Plăţi şi Intervenţie pentru Agricultură (APIA) – Bucureşti,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. A. Borg Barthet (rapporteur), faisant fonction de président de la sixième chambre, M. E. Levits et Mme M. Berger, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–        pour le gouvernement roumain, par M. R. H. Radu, en qualité d’agent, assisté de M. V. Angelescu et de Mme D. Bulancea, conseillers,

–        pour le gouvernement hellénique, par M. I. Chalkias et Mme A. Vasilopoulou, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. I. Rogalski et G. von Rintelen, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) n° 2019/93, (CE) n° 1452/2001, (CE) n° 1453/2001, (CE) n° 1454/2001, (CE) n° 1868/94, (CE) n° 1251/1999, (CE) n° 1254/1999, (CE) n° 1673/2000, (CEE) n° 2358/71 et (CE) n° 2529/2001 (JO L 270, p. 1, et rectificatifs JO 2004, L 94, p. 70, et JO 2008, L 307, p. 22), tel que modifié par l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République de Bulgarie et de la Roumanie et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2005, L 157, p. 203, ci-après le «règlement n° 1782/2003»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’Agenția de Plăţi şi Intervenţie pentru Agricultură (APIA) – Centrul Judeţean Timiş [Agence de paiements et d’intervention pour l’agriculture (APIA) – Centre départemental de Timiş, ci-après l’«APIA Timiş»] à la Curtea de Conturi a României (Cour des comptes de Roumanie) et à la Camera de Conturi a Județului Timiș (Chambre des comptes départementale de Timiş) au sujet d’un refus d’octroi, au titre des années 2008 à 2010, de paiements directs nationaux complémentaires, opposé à plusieurs agriculteurs ayant des dettes échues à l’égard du budget local et/ou du budget de l’État.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 Le règlement n° 1782/2003

3        L’article 1er du règlement n° 1782/2003 disposait:

«Le présent règlement établit:

–        des règles communes en matière de paiements directs au titre des régimes de soutien des revenus relevant de la politique agricole commune [(PAC)] [...]

–        une aide au revenu des agriculteurs (ci-après dénommée ‘le régime de paiement unique’),

–        une aide aux revenus simplifiée et transitoire destinée aux agriculteurs des nouveaux États membres (ci-après, le ‘régime de paiement unique à la surface’),

[...]»

4        Le titre III du règlement n° 1782/2003 était consacré au «Régime de paiement unique», tandis que le titre IV de ce règlement concernait les «Autres régimes d’aide».

5        Le chapitre 11 du titre IV du règlement n° 1782/2003, intitulé «Primes aux ovins et caprins», comportait un article 111 ainsi libellé:

«En cas d’application de l’article 67, les États membres octroient, sur une base annuelle, des primes ou des paiements supplémentaires aux agriculteurs qui pratiquent l’élevage d’animaux des espèces ovine et caprine, aux conditions définies dans le présent chapitre, sauf dispositions contraires.»

6        L’article 115 de ce règlement disposait:

«1.      La prime est versée à l’agriculteur bénéficiaire en fonction du nombre de brebis et/ou de chèvres maintenues sur l’exploitation pendant une période minimale à déterminer selon la procédure visée à l’article 144, paragraphe 2.

2.      Lorsque le règlement (CE) n° 21/2004 [du Conseil, du 17 décembre 2003, établissant un système d’identification et d’enregistrement des animaux des espèces ovine et caprine et modifiant le règlement (CE) n° 1782/2003 et les directives 92/102/CEE et 64/432/CEE (JO 2004, L 5, p. 8),] devient applicable, pour remplir les conditions requises en vue de l’octroi de la prime, l’animal est identifié et enregistré conformément à ces règles.»

7        Le chapitre 12 du titre IV du règlement n° 1782/2003, intitulé «Paiements pour la viande bovine», comportait un article 121 ainsi libellé:

«En cas d’application de l’article 68, les États membres octroient, aux conditions définies dans le présent chapitre, sauf dispositions contraires, l’aide ou les aides choisie(s) par l’État membre concerné conformément audit article.»

8        L’article 135 de ce règlement prévoyait:

1.      Les paiements par tête pour les bovins mâles peuvent être octroyés par année civile, dans un État membre, pour, au maximum, un nombre d’animaux:

[...]

–        pour les nouveaux États membres, égal aux plafonds établis à l’article 123, paragraphe 8, ou au nombre moyen d’abattages de bovins mâles effectués en 2001, 2002 et 2003 d’après les données d’Eurostat pour ces années ou toute autre information statistique officielle publiée pour ces années et admise par la Commission.

[...]

4.      Les paiements par tête pour les génisses autres que celles visées au paragraphe 2 peuvent être octroyés par État membre et par année civile pour, au maximum, un nombre de génisses égal au nombre moyen de génisses abattues en 1997, 1998 et 1999, selon les données d’Eurostat ou toutes autres informations statistiques officielles publiées pour ces années et que la Commission a acceptées. Pour les nouveaux États membres, les années de référence sont 2001, 2002 et 2003.»

9        Le titre IV bis du règlement n° 1782/2003 était intitulé «Mise en œuvre des régimes de soutien dans les nouveaux États membres». Il comportait un article 143 quater qui était libellé comme suit:

«1.      Aux fins du présent article, on entend par ‘régime national similaire à ceux de la PAC’, tout régime national de paiements directs applicable avant la date d’adhésion des nouveaux États membres et au titre duquel une aide était accordée aux exploitants en ce qui concerne la production relevant de l’un des paiements directs.

2.      Les nouveaux États membres ont la faculté, sous réserve de l’autorisation de la Commission, de compléter les paiements directs [...]

[...]

4.      S’il décide d’appliquer le régime de paiement unique à la surface, un nouvel État membre peut octroyer l’aide directe nationale complémentaire aux conditions visées aux paragraphes 5 et 8.

[...]

6.      Le nouvel État membre peut décider, en se fondant sur des critères objectifs et après avoir reçu l’autorisation de la Commission, des montants des aides nationales complémentaires à accorder.

7.      L’autorisation donnée par la Commission:

–        spécifie les régimes pertinents de paiements directs nationaux similaires à ceux de la PAC, lorsque le paragraphe 2, point b), est applicable,

–        définit le montant jusqu’à concurrence duquel l’aide nationale complémentaire peut être versée, le taux de l’aide nationale complémentaire et, le cas échéant, les conditions de son octroi,

–        est accordée sous réserve de tout ajustement que pourrait rendre nécessaire l’évolution de la [PAC].

8.      Aucune aide ni aucun paiement national complémentaire ne peuvent être accordés pour des activités agricoles pour lesquelles les paiements directs ne sont pas prévus dans la Communauté dans sa composition au 30 avril 2004.

[...]»

 Le règlement (CE) n° 73/2009

10      L’article 132 du règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil, du 19 janvier 2009, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) n° 1290/2005, (CE) n° 247/2006, (CE) n° 378/2007, et abrogeant le règlement (CE) n° 1782/2003 (JO L 30, p. 16, et rectificatif JO 2010, L 43, p. 7), disposait:

«[...]

2.      Les nouveaux États membres ont la faculté, sous réserve de l’autorisation de la Commission, de compléter les paiements directs [...]

[...]

4.      S’il décide d’appliquer le régime de paiement unique à la surface, un nouvel État membre peut octroyer l’aide directe nationale complémentaire selon les conditions visées aux paragraphes 5 et 8.

[...]

6.      Les nouveaux États membres peuvent décider, sur la base des critères objectifs et après autorisation de la Commission, des montants des aides nationales complémentaires à accorder.

7.      L’autorisation donnée par la Commission:

a)      spécifie, lorsque le paragraphe 2, premier alinéa, point b), s’applique, les régimes de paiements uniques nationaux similaires à ceux de la PAC concernés,

b)      définit le montant jusqu’à concurrence duquel l’aide nationale complémentaire peut être versée, le taux de l’aide nationale complémentaire et, le cas échéant, les conditions de son octroi,

c)      est accordée sous réserve de tout ajustement que l’évolution de la PAC pourrait rendre nécessaire.

8.      Aucune aide ni aucun paiement national complémentaire ne peuvent être accordés pour des activités agricoles pour lesquelles les paiements directs ne sont pas prévus dans les États membres autres que les nouveaux États membres.»

11      Conformément à ce que prévoyait son article 149, le règlement n° 73/2009 est devenu applicable à compter du 1er janvier 2009. Il a été abrogé par le règlement (UE) n° 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (CE) n° 637/2008 du Conseil et le règlement n° 73/2009 (JO L 347, p. 608).

 Le droit roumain

 L’ordonnance d’urgence du gouvernement n° 125/2006

12      L’ordonnance d’urgence du gouvernement n° 125/2006, du 21 décembre 2006, portant approbation des régimes de paiements directs et de paiements directs nationaux complémentaires, accordés dans le domaine de l’agriculture à partir de l’année 2007, et modifiant l’article 2 de la loi n° 36/1991 relative aux sociétés agricoles et à d’autres formes d’association dans l’agriculture (Monitorul Oficial al României, partie I, n° 1043 du 29 décembre 2006), dans sa version applicable au litige au principal, énonce dans son préambule qu’elle vise à être conforme, notamment, «aux mécanismes prévus par la législation européenne, à savoir le [règlement n° 1782/2003]».

13      L’article 1er de cette ordonnance prévoit:

«La présente ordonnance d’urgence régit l’approbation des régimes de paiements directs et de paiements directs nationaux complémentaires, octroyés dans l’agriculture à partir de l’année 2007.»

14      Aux termes de l’article 2 de ladite ordonnance:

«Les régimes de paiements directs octroyés à partir de l’année 2007, en tant que mécanismes de soutien en faveur des producteurs agricoles, sont les suivants:

a)      le régime de paiement unique à la surface (RPUS);

b)      les paiements directs nationaux complémentaires (PDNC) dans le secteur végétal;

c)      les paiements directs nationaux complémentaires (PDNC) dans le secteur de l’élevage;

d)      le régime de paiement pour les cultures énergétiques;

e)      le régime de paiement séparé pour le sucre.»

15      L’article 4, paragraphe 2, de l’ordonnance d’urgence du gouvernement n° 125/2006 dispose:

«L’Agence de paiements et d’intervention pour l’agriculture est l’institution responsable de la mise en œuvre des régimes de paiements directs pour l’agriculture; elle est financée par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA), par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et par les fonds provenant du budget de l’État.»

16      Aux termes de l’article 13 de cette ordonnance:

«Les modalités de mise en œuvre, les conditions spécifiques, les critères d’éligibilité et les termes de référence pour l’application des régimes de paiements directs et de paiements directs nationaux complémentaires sont établis, conformément aux dispositions communautaires en la matière, par arrêté du ministre de l’Agriculture, des Forêts et du Développement rural [...]»

 Les arrêtés nos 295/2007 et 215/2010

17      L’article 2, paragraphe 1, de l’annexe de l’arrêté nº 295/2007 du ministre de l’Agriculture, des Forêts et du Développement rural, du 3 avril 2007, établissant les modalités de mise en œuvre, les conditions spécifiques et les critères d’éligibilité pour l’application des régimes de paiements directs nationaux complémentaires dans le secteur de l’élevage, conformément aux réglementations communautaires en la matière (Monitorul Oficial al României, partie I, n° 283 du 27 avril 2007), dans sa version applicable au litige au principal, dispose:

«La prime par exploitation est accordée aux producteurs agricoles mentionnés à l’article 1er une seule fois dans l’année, en fonction de l’effectif de bovins, tel qu’enregistré au registre national des exploitations ou attesté par des documents d’identification et d’enregistrement délivrés par le vétérinaire agréé jusqu’au 31 janvier 2007, le cas échéant, qui remplissent les conditions cumulatives suivantes:

[...]

d)      n’ont pas de dettes à l’égard du budget de l’État et/ou du budget local.»

18      L’article 1er de l’arrêté n° 215/2010 du ministre de l’Agriculture et du Développement rural, du 28 septembre 2010, établissant la mise en œuvre, les conditions spécifiques, les critères d’éligibilité et les termes de référence pour l’application des régimes de paiements directs nationaux complémentaires dans le secteur zootechnique à l’espèce bovine, conformément aux dispositions communautaires en la matière (Monitorul Oficial al României, partie I, n° 667 du 29 septembre 2010), dispose:

«Le présent arrêté fixe la mise en œuvre, les conditions spécifiques, les critères d’éligibilité et les termes de référence pour l’application des régimes de paiements directs nationaux complémentaires dans le secteur zootechnique à l’espèce bovine, conformément aux dispositions communautaires en la matière, contenues dans l’annexe qui fait partie intégrante du présent arrêté.»

19      L’article 2 de ladite annexe prévoit:

«Pour l’année 2010, la prime par exploitation est accordée aux producteurs agricoles mentionnés à l’article 1er une seule fois dans l’année, en fonction de l’effectif de bovins, tel qu’enregistré au registre national des exploitations:

1.      au 31 janvier 2008, [pour les producteurs agricoles] qui remplissent les conditions cumulatives suivantes:

[...]

d)      [le producteur agricole] n’a pas de dettes échues à l’égard du budget de l’État et/ou du budget local à la date de demande de la prime;

2.      au 31 janvier 2009, en ce qui concerne les exploitations créées entre le 1er février 2008 et le 31 janvier 2009, [pour les producteurs agricoles] qui remplissent les conditions cumulatives suivantes:

[...]

d)      [le producteur agricole] n’a pas de dettes échues à l’égard du budget de l’État et/ou du budget local à la date de demande de la prime;

3.      au 31 janvier 2010, en ce qui concerne les exploitations créées entre le 1er février 2009 et le 31 janvier 2010, [pour les producteurs agricoles] qui remplissent les conditions cumulatives suivantes:

[...]

d)      [le producteur agricole] n’a pas de dettes échues à l’égard du budget de l’État et/ou du budget local à la date de demande de la prime.»

 Le litige au principal et la question préjudicielle

20      À la suite d’un contrôle portant sur l’activité de l’APIA Timiş, la Curtea de Conturi a României a constaté, notamment, que cette agence avait, au titre des années 2008 à 2010 et en violation des dispositions de l’arrêté n° 215/2010, accordé des paiements directs nationaux complémentaires à plusieurs agriculteurs ayant des dettes diverses, de nature fiscale ou non, à l’égard du budget local et du budget de l’État.

21      Au cours de la procédure engagée devant la Curtea de Apel Timișoara (cour d’appel de Timișoara), a été soulevée la question de savoir si la condition selon laquelle l’agriculteur ne doit pas avoir de dettes échues à l’égard du budget de l’État et/ou du budget local est compatible avec les dispositions du règlement n° 1782/2003. En particulier, l’APIA Timiş soutient que, dans la mesure où cette condition n’est pas prévue par ce règlement, l’institution d’une telle condition dans la réglementation roumaine est contraire audit règlement et conduit à une application non uniforme de ce dernier dans l’Union européenne.

22      Dans ces conditions, la Curtea de Apel Timişoara a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Les dispositions du [règlement n° 1782/2003], notamment ses articles 115 et 135, s’opposent-elles à ce qu’un État [membre] subordonne à des conditions supplémentaires, non comprises dans ce règlement, l’octroi de la prime à un agriculteur, à savoir à la condition que ce dernier ‘n’ait pas de dettes échues à l’égard du budget de l’État et/ou du budget local à la date de demande de la prime’?»

 Sur la question préjudicielle

23      En vertu de l’article 99 du règlement de procédure de la Cour, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou ne laisse place à aucun doute raisonnable, la Cour peut à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.

24      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

25      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il appartient à la Cour, dans le cadre de la procédure de coopération avec les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, de fournir au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises (arrêt Byankov, C‑249/11, EU:C:2012:608, point 57 et jurisprudence citée).

26      De même, selon une jurisprudence également constante, en vue de fournir une réponse utile à la juridiction qui est à l’origine d’un renvoi préjudiciel, la Cour peut être amenée à prendre en considération des normes du droit de l’Union auxquelles le juge national n’a pas fait référence dans ses questions préjudicielles (arrêt Petersen, C‑544/11, EU:C:2013:124, point 24 et jurisprudence citée).

27      L’affaire au principal concerne l’octroi de paiements directs nationaux complémentaires au titre des années 2008 à 2010. Les règles en matière d’aide directe nationale complémentaire, applicables à la date des faits au principal, étaient constituées par les articles 143 quater du règlement n° 1782/2003 et 132 du règlement n° 73/2009.

28      Il s’ensuit que c’est au regard de ces dispositions qu’il convient de répondre à la question préjudicielle posée par la juridiction de renvoi.

29      Afin de fournir une réponse utile à cette dernière, il convient, dès lors, de déterminer si les articles 143 quater du règlement n° 1782/2003 et 132 du règlement n° 73/2009 s’opposent à une réglementation nationale qui exclut du bénéfice de l’aide nationale complémentaire les producteurs qui, à la date de l’introduction de leur demande d’aide, ont des dettes échues à l’égard du budget de l’État et/ou du budget local.

30      Le règlement n° 1782/2003 a notamment établi, aux termes de son article 1er, des règles communes en matière de paiements directs au titre des régimes de soutien des revenus relevant de la PAC, une aide au revenu des agriculteurs (le régime de paiement unique) ainsi qu’une aide aux revenus simplifiée et transitoire destinée aux agriculteurs des nouveaux États membres (le régime de paiement unique à la surface).

31      Conformément aux articles 143 bis et 143 ter du règlement n° 1782/2003, les paiements directs ou, le cas échéant, le régime de paiement unique à la surface ont été introduits progressivement dans les nouveaux États membres. Cette introduction progressive des régimes d’aides de l’Union dans les nouveaux États membres avait pour but de ne pas ralentir la nécessaire restructuration du secteur agricole de ces États membres et de ne pas créer des disparités de revenus considérables et des distorsions sociales par l’octroi d’aides disproportionnées par rapport au niveau des revenus des agriculteurs et de la population en général (arrêt Bábolna, C‑115/10, EU:C:2011:376, point 34).

32      En vertu des articles 143 quater, paragraphes 2 et 4, du règlement n° 1782/2003 et 132 du règlement n° 73/2009, les nouveaux États membres avaient néanmoins la possibilité de compléter les paiements directs ou le paiement unique à la surface par une aide nationale complémentaire financée, au moins partiellement, par leur budget national (voir arrêt Bábolna, EU:C:2011:376, point 35).

33      À cet égard, les règlements nos 1782/2003 et 73/2009 accordaient auxdits États membres une certaine marge d’appréciation dans le cadre de la mise en œuvre de l’aide nationale complémentaire. En particulier, conformément aux articles 143 quater, paragraphe 6, du règlement n° 1782/2003 et 132, paragraphe 6, du règlement n° 73/2009, les nouveaux États membres pouvaient décider, sur la base de critères objectifs et après avoir reçu l’autorisation de la Commission, des montants des aides nationales complémentaires à accorder (voir arrêt Bábolna, EU:C:2011:376, point 36).

34      Toutefois, le pouvoir d’appréciation dont disposaient les nouveaux États membres était limité dans la mesure où, conformément à ce que prévoyaient les articles 143 quater, paragraphe 7, du règlement n° 1782/2003 et 132, paragraphe 7, sous b), du règlement n° 73/2009, le montant jusqu’à concurrence duquel l’aide nationale complémentaire pouvait être versée, ainsi que le taux de cette aide et les conditions éventuelles d’octroi de celle-ci devaient faire l’objet d’une autorisation préalable de la Commission (voir arrêt Bábolna, EU:C:2011:376, point 38).

35      Or, en l’occurrence, il ressort du dossier dont dispose la Cour que les décisions de la Commission du 17 octobre 2008 [C(2008) 5965], du 25 septembre 2009 [C(2009) 7088] et du 29 novembre 2010 [C(2010) 8254] autorisant la Roumanie à octroyer, respectivement au titre des années 2008, 2009 et 2010, des paiements directs nationaux complémentaires, ne comportaient aucune condition relative à l’absence de dettes échues à l’égard du budget de l’État et/ou du budget local à la date de demande du paiement.

36      Dès lors, il suffit de constater que les articles 143 quater du règlement n° 1782/2003 et 132 du règlement n° 73/2009 s’opposent, en ce qui concerne l’octroi d’une aide nationale complémentaire, telle que celle en cause au principal, à ce que soit imposée une condition qui n’a pas été autorisée par la Commission, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la compatibilité de celle-ci avec les objectifs de ces règlements et, d’une manière générale, avec les principes généraux du droit de l’Union que les États membres sont également tenus de respecter (voir arrêt Bábolna, EU:C:2011:376, point 40).

37      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que les articles 143 quater du règlement n° 1782/2003 et 132 du règlement n° 73/2009 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui exclut du bénéfice de l’aide nationale complémentaire les producteurs qui, à la date de l’introduction de leur demande d’aide, ont des dettes échues à l’égard du budget de l’État et/ou du budget local, dès lors qu’aucune condition relative à l’absence de telles dettes n’a fait l’objet d’une autorisation préalable de la Commission.

 Sur les dépens

38      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit:

Les articles 143 quater du règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) n° 2019/93, (CE) n° 1452/2001, (CE) n° 1453/2001, (CE) n° 1454/2001, (CE) n° 1868/94, (CE) n° 1251/1999, (CE) n° 1254/1999, (CE) n° 1673/2000, (CEE) n° 2358/71 et (CE) n° 2529/2001, tel que modifié par l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République de Bulgarie et de la Roumanie et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne, et 132 du règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil, du 19 janvier 2009, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) n° 1290/2005, (CE) n° 247/2006, (CE) n° 378/2007 et abrogeant le règlement (CE) n° 1782/2003, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui exclut du bénéfice de l’aide nationale complémentaire les producteurs qui, à la date de l’introduction de leur demande d’aide, ont des dettes échues à l’égard du budget de l’État et/ou du budget local, dès lors qu’aucune condition relative à l’absence de telles dettes n’a fait l’objet d’une autorisation préalable de la Commission européenne.

Signatures


* Langue de procédure: le roumain.

Top