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Document 62013CJ0375

Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 28 janvier 2015.
Harald Kolassa contre Barclays Bank plc.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Handelsgericht Wien.
Espace de liberté, de sécurité et de justice – Règlement (CE) no 44/2001 – Compétence judiciaire en matière civile et commerciale – Contrats conclus par les consommateurs – Consommateur, domicilié dans un État membre, ayant acheté des titres, émis par une banque établie dans un autre État membre, auprès d’un intermédiaire établi dans un troisième État membre – Compétence pour connaître des recours dirigés contre la banque émettrice desdits titres.
Affaire C-375/13.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2015:37

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

28 janvier 2015 ( *1 )

«Espace de liberté, de sécurité et de justice — Règlement (CE) no 44/2001 — Compétence judiciaire en matière civile et commerciale — Contrats conclus par les consommateurs — Consommateur, domicilié dans un État membre, ayant acheté des titres, émis par une banque établie dans un autre État membre, auprès d’un intermédiaire établi dans un troisième État membre — Compétence pour connaître des recours dirigés contre la banque émettrice desdits titres»

Dans l’affaire C‑375/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Handelsgericht Wien (Autriche), par décision du 20 juin 2013, parvenue à la Cour le 3 juillet 2013, dans la procédure

Harald Kolassa

contre

Barclays Bank plc,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, Mme K. Jürimäe, MM. J. Malenovský, M. Safjan (rapporteur) et Mme A. Prechal, juges,

avocat général: M. M. Szpunar,

greffier: M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 21 mai 2014,

considérant les observations présentées:

pour M. Kolassa, par Me P. Miller, Rechtsanwalt,

pour Barclays Bank plc, par Me H. Bielesz, Rechtsanwalt,

pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze et Mme J. Kemper, en qualité d’agents,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

pour le gouvernement néerlandais, par Mme M. Bulterman, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par Mmes B. Eggers et A.‑M. Rouchaud-Joët, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 3 septembre 2014,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 5, points 1, sous a), et 3, ainsi que 15, paragraphe 1, du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Kolassa, domicilié à Vienne (Autriche), à Barclays Bank plc (ci-après «Barclays Bank»), établie à Londres (Royaume-Uni), au sujet d’une demande de dommages-intérêts au titre de la responsabilité contractuelle, précontractuelle et délictuelle de cette banque en raison de la dévalorisation d’un investissement financier qu’il avait réalisé par l’intermédiaire d’un instrument financier émis par cette dernière.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Les considérants 2 et 11 à 15 du règlement no 44/2001 énoncent:

«(2)

Certaines différences entre les règles nationales en matière de compétence judiciaire et de reconnaissance des décisions rendent plus difficile le bon fonctionnement du marché intérieur. Des dispositions permettant d’unifier les règles de conflit de juridictions en matière civile et commerciale ainsi que de simplifier les formalités en vue de la reconnaissance et de l’exécution rapides et simples des décisions émanant des États membres liés par le présent règlement sont indispensables.

[...]

(11)

Les règles de compétence doivent présenter un haut degré de prévisibilité et s’articuler autour de la compétence de principe du domicile du défendeur et cette compétence doit toujours être disponible, sauf dans quelques cas bien déterminés où la matière en litige ou l’autonomie des parties justifie un autre critère de rattachement. S’agissant des personnes morales, le domicile doit être défini de façon autonome de manière à accroître la transparence des règles communes et à éviter les conflits de juridictions.

(12)

Le for du domicile du défendeur doit être complété par d’autres fors autorisés en raison du lien étroit entre la juridiction et le litige ou en vue de faciliter une bonne administration de la justice.

(13)

S’agissant des contrats d’assurance, de consommation et de travail, il est opportun de protéger la partie la plus faible au moyen de règles de compétence plus favorables à ses intérêts que ne le sont les règles générales.

(14)

L’autonomie des parties à un contrat autre qu’un contrat d’assurance, de consommation et de travail pour lequel n’est prévue qu’une autonomie limitée quant à la détermination de la juridiction compétente doit être respectée sous réserve des fors de compétence exclusifs prévus dans le présent règlement.

(15)

Le fonctionnement harmonieux de la justice commande de réduire au maximum la possibilité de procédures concurrentes et d’éviter que des décisions inconciliables ne soient rendues dans deux États membres. [...]»

4

Les articles 2 à 31 dudit règlement, qui figurent sous le chapitre II de celui-ci, traitent des règles de compétence.

5

La section 1 de ce chapitre II, intitulée «Dispositions générales», comprend un article 2, dont le paragraphe 1 est libellé comme suit:

«Sous réserve des dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre.»

6

Aux termes de l’article 5, points 1 et 3, du même règlement:

«Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite, dans un autre État membre:

1)

a)

en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée;

b)

aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est:

pour la vente de marchandises, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées,

pour la fourniture de services, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis;

c)

le point a) s’applique si le point b) ne s’applique pas;

[...]

3)

en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire».

7

Dans la section 4 du même chapitre II, intitulée «Compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs», figure notamment l’article 15 du règlement no 44/2001, qui dispose à son paragraphe 1:

«En matière de contrat conclu par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice des dispositions de l’article 4 et de l’article 5, point 5:

a)

lorsqu’il s’agit d’une vente à tempérament d’objets mobiliers corporels;

b)

lorsqu’il s’agit d’un prêt à tempérament ou d’une autre opération de crédit liés au financement d’une vente de tels objets;

c)

lorsque, dans tous les autres cas, le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l’État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités.»

8

L’article 16 du règlement no 44/2001, qui se trouve dans la même section 4 du chapitre II de celui-ci, prévoit à ses paragraphes 1 et 2:

«1.   L’action intentée par un consommateur contre l’autre partie au contrat peut être portée soit devant les tribunaux de l’État membre sur le territoire duquel est domiciliée cette partie, soit devant le tribunal du lieu où le consommateur est domicilié.

2.   L’action intentée contre le consommateur par l’autre partie au contrat ne peut être portée que devant les tribunaux de l’État membre sur le territoire duquel est domicilié le consommateur.»

9

Le chapitre II dudit règlement comporte également une section 8, intitulée «Vérification de la compétence et de la recevabilité», sous laquelle figurent les articles 25 et 26 de celui-ci, qui sont libellés comme suit:

«Article 25

Le juge d’un État membre, saisi à titre principal d’un litige pour lequel une juridiction d’un autre État membre est exclusivement compétente en vertu de l’article 22, se déclare d’office incompétent.

Article 26

1.   Lorsque le défendeur domicilié sur le territoire d’un État membre est attrait devant une juridiction d’un autre État membre et ne comparaît pas, le juge se déclare d’office incompétent si sa compétence n’est pas fondée aux termes du présent règlement.

2.   Le juge est tenu de surseoir à statuer aussi longtemps qu’il n’est pas établi que ce défendeur a été mis à même de recevoir l’acte introductif d’instance ou un acte équivalent en temps utile pour se défendre ou que toute diligence a été faite à cette fin.

[...]»

Le droit autrichien

10

L’article 11 de la loi relative au marché des capitaux (Kapitalmarktgesetz), dans sa version applicable au litige au principal, était rédigé comme suit:

«1.   Sont responsables du préjudice subi par un investisseur qui s’est fié aux informations contenues dans le prospectus ou aux autres informations requises par la présente loi fédérale (article 6), dès lors que ces informations sont déterminantes pour l’évaluation des valeurs mobilières ou des placements:

1)

l’émetteur, lorsque les informations transmises sont inexactes ou incomplètes par sa faute ou par celle de ses préposés ou des personnes auxquelles il a été fait appel pour la rédaction du prospectus;

2)

le contrôleur du prospectus, lorsque le contrôle a été opéré de manière inexacte ou incomplète par sa faute ou par celle de ses préposés ou des personnes auxquelles il a été fait appel pour le contrôle du prospectus;

[...]

3)

la personne qui a reçu en son nom propre ou au nom d’autrui l’engagement contractuel de l’investisseur et le courtier du contrat, si ces personnes pratiquent à titre professionnel le commerce ou le courtage de valeurs mobilières ou de placements et qu’elles-mêmes ou leurs préposés avaient connaissance, ou n’avaient pas connaissance en raison d’une grave négligence, du caractère inexact ou incomplet des informations visées au point 1 ou du contrôle [...]

2.   Lorsque l’émetteur des valeurs mobilières ou des placements est étranger, la responsabilité civile visée au premier point du paragraphe 1 ci-dessus s’étend également à la personne qui a proposé en Autriche l’offre soumise aux formalités de prospectus.

3.   Lorsque la responsabilité est encourue par plusieurs personnes, elles l’assument solidairement. La responsabilité de chacune n’est pas réduite par le fait que d’autres personnes sont elles aussi tenues à réparation du même préjudice.

4.   La responsabilité ne peut être ni exclue ni limitée à l’avance au détriment des investisseurs.

[...]

8.   Les droits à réparation fondés sur la violation d’autres dispositions légales ou sur la violation de contrats ne sont pas affectés par les dispositions qui précèdent.»

11

L’article 26 de la loi relative aux fonds d’investissement (Investmentfondsgesetz), dans sa version applicable aux faits en cause au principal, disposait:

«1.   Avant la conclusion du contrat, l’acquéreur de parts de fonds communs de placement étrangers doit recevoir gratuitement les dispositions relatives aux fonds et/ou au statut de la société d’investissement, un prospectus de la société d’investissement étrangère ainsi qu’une copie de la demande de conclusion du contrat. Le formulaire de demande doit mentionner le montant de la prime d’émission ainsi que la rémunération annuelle à verser à la société d’investissement.

2.   Le prospectus doit comporter toutes les informations qui, au moment de la demande, revêtent une importance particulière pour l’évaluation des parts de fonds communs de placement étrangers. [...] Le prospectus doit en outre contenir les informations suivantes:

1)

le nom ou la raison sociale, la forme juridique, le siège et le capital propre (capital social diminué des apports non versés et augmenté des réserves) de la société d’investissement étrangère, de l’entreprise qui décide du placement de l’argent versé (société de gestion), de l’entreprise chargée de la commercialisation des parts (société de commercialisation) ainsi que de la banque de dépôt;

2)

la raison sociale, le siège et l’adresse du représentant et des organismes payeurs;

3)

les biens susceptibles d’être acquis dans le patrimoine du fonds, les principes en vertu desquels ces biens sont choisis, la possibilité d’acquérir des titres négociables en Bourse (en précisant, le cas échéant, sur quelle place boursière ces titres doivent être admis à la cote), l’affectation du produit du fonds ainsi que la possibilité de détenir une partie du patrimoine du fonds sous forme d’avoir bancaire (et, le cas échéant, dans quelle limite);

4)

les conditions dans lesquelles les porteurs de parts peuvent réclamer le paiement de la partie du patrimoine correspondant à leurs parts ainsi que les organismes compétents à cet effet.

[...] L’exactitude et l’exhaustivité du prospectus et de ses modifications doivent être vérifiées par le représentant agissant en qualité de contrôleur du prospectus. S’agissant de l’élaboration, de la modification et du contrôle du prospectus ainsi que de la responsabilité relative à son contenu, les dispositions [de la loi relative au marché des capitaux] s’appliquent mutatis mutandis tant à l’égard de l’émetteur que du contrôleur du prospectus. [...]»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

12

M. Kolassa, en qualité de consommateur, a, par l’intermédiaire de la banque autrichienne direktanlage.at AG (ci-après «direktanlage.at»), investi 68180,36 euros dans des certificats X1 Global EUR Index (ci-après les «certificats»). Ces certificats ont été émis par Barclays Bank, inscrite au registre du commerce au Royaume-Uni, cette banque possédant également une succursale à Francfort-sur-le-Main (Allemagne).

13

Lors de l’émission desdits certificats, Barclays Bank a diffusé un prospectus de base, daté du 22 septembre 2005. Ces certificats sont soumis à des conditions générales qui ont été portées à la connaissance du public le 20 décembre 2005. À la demande de Barclays Bank, ce prospectus de base a également été diffusé en Autriche. L’offre publique de souscription a eu lieu entre le 20 décembre 2005 et le 24 février 2006, les certificats ayant été émis le 31 mars 2006. Le remboursement vient à échéance en 2016. Les conditions d’emprunt prévoient en outre la possibilité de résilier le contrat de souscription.

14

Lesdits certificats prennent la forme d’obligations au porteur. Le montant à rembourser et, partant, la valeur de ces obligations sont déterminés sur la base d’un indice formé à partir d’un portefeuille de plusieurs fonds cibles, de telle sorte que cette valeur est directement indexée sur ce portefeuille. Le portefeuille devait être créé et géré par la société X1 Fund Allocation GmbH, que Barclays Bank a chargée d’investir l’argent résultant de l’émission des certificats. Cet argent a été perdu en grande partie. Actuellement, la valeur desdits certificats est estimée à zéro euro, ce qui est toutefois contesté par M. Kolassa.

15

Il ressort de la décision de renvoi que ces certificats ont été vendus à des investisseurs institutionnels qui les ont revendus, notamment à des consommateurs. En l’occurrence, direktanlage.at a commandé les certificats que souhaitait souscrire M. Kolassa à sa société mère allemande, à savoir DAB Bank AG, établie à Munich (Allemagne), qui les a, à son tour, acquis auprès de Barclays Bank. À chaque fois, les commandes ont été passées et exécutées au nom des sociétés concernées. Conformément à ses conditions générales, direktanlage.at a exécuté la commande de M. Kolassa en «dépôt», c’est-à-dire qu’elle a conservé, en tant que fonds de couverture, les certificats à Munich en son nom propre et pour le compte de ses clients. M. Kolassa pouvait uniquement réclamer la livraison des certificats à hauteur de la part détenue dans le fonds de couverture, étant entendu que ceux-ci ne pouvaient pas être transférés à son nom.

16

En tant qu’investisseur lésé, M. Kolassa a introduit une action devant le Handelsgericht Wien pour réclamer le paiement d’un montant de 73 705,07 euros de dommages-intérêts au titre de la responsabilité contractuelle, précontractuelle et délictuelle de Barclays Bank. Il a fait valoir que, si celle-ci s’était comportée conformément au droit, il n’aurait pas réalisé l’investissement, mais aurait placé son capital dans le portefeuille d’un fonds diversifié d’orientation neutre, ce qui lui aurait permis d’obtenir à l’échéance la somme réclamée, à savoir celle investie augmentée des intérêts.

17

M. Kolassa soutient que ladite juridiction est compétente, à titre principal, en vertu de l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement no 44/2001 ou, à titre subsidiaire, sur le fondement de l’article 5, points 1, sous a), et 3, de ce même règlement.

18

Devant la juridiction de renvoi, Barclays Bank conteste tant les griefs de M. Kolassa au fond que la compétence de la juridiction saisie.

19

Dans ces conditions, le Handelsgericht Wien a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

a)

En ce qui concerne l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 44/2001, convient-il d’interpréter l’expression ‘en matière de contrat conclu par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle’ figurant à [cette disposition] en ce sens que:

i)

un demandeur qui, en tant que consommateur, a acquis une obligation au porteur sur le marché secondaire et qui fait désormais valoir des droits à l’encontre de l’émetteur de l’obligation sur le fondement des conditions d’emprunt, de la violation des obligations d’information et de contrôle et de la responsabilité engagée par l’émetteur au titre du prospectus peut se prévaloir de la compétence prévue par ladite disposition, lorsque, par l’effet de l’achat du titre auprès d’un tiers, il est entré dans la relation contractuelle liant le souscripteur initial à l’émetteur;

ii)

en cas de réponse affirmative à la première question, sous a), i), le demandeur peut également se prévaloir de la compétence prévue à l’article 15 du règlement no 44/2001 lorsque le tiers auprès duquel il a acquis l’obligation l’a lui-même acquise pour un usage pouvant être considéré comme relevant de son activité professionnelle, c’est-à-dire lorsque le demandeur a acquis l’obligation auprès d’une personne qui n’est pas un consommateur, et

iii)

en cas de réponse affirmative à la première question, sous a), i) et ii), le demandeur peut également se prévaloir de la compétence prévue à l’article 15 du règlement no 44/2001 lorsque le porteur de l’obligation est non pas le demandeur lui-même, mais le tiers chargé de procurer le titre au demandeur, étant entendu que, conformément aux modalités convenues, ce tiers, qui n’est pas lui-même un consommateur, conserve le titre en son nom et pour le compte du demandeur, ce dernier pouvant uniquement en réclamer la livraison en vertu du droit des obligations?

b)

En cas de réponse affirmative à la première question, sous a), i), la juridiction appelée à statuer en matière contractuelle sur des droits tirés de l’acquisition d’un emprunt est-elle aussi accessoirement compétente, en vertu de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 44/2001, pour statuer en matière délictuelle?

2)

a)

En ce qui concerne l’article 5, point 1, sous a), du règlement no 44/2001, convient-il d’interpréter l’expression ‘en matière contractuelle’ figurant à [cette disposition] en ce sens que:

i)

un demandeur qui a acquis une obligation au porteur sur le marché secondaire et qui fait désormais valoir des droits à l’encontre de l’émetteur de l’obligation sur le fondement des conditions d’emprunt, de la violation des obligations d’information et de contrôle et de la responsabilité engagée par l’émetteur au titre du prospectus peut se prévaloir de la compétence prévue par cette disposition, lorsque, par l’effet de l’achat du titre auprès d’un tiers, il est entré dans la relation contractuelle liant le souscripteur initial à l’émetteur, et

ii)

en cas de réponse affirmative à la deuxième question, sous a), i), le demandeur peut également se prévaloir de la compétence prévue à l’article 5, point 1, sous a), du règlement no 44/2001 lorsque le porteur de l’obligation est non pas le demandeur lui-même, mais le tiers chargé de procurer le titre au demandeur, étant entendu que, conformément aux modalités convenues, ce tiers conserve le titre en son nom et pour le compte du demandeur, ce dernier pouvant uniquement en réclamer la livraison en vertu du droit des obligations?

b)

En cas de réponse affirmative à la deuxième question, sous a), i), la juridiction appelée à statuer en matière contractuelle sur des droits tirés de l’acquisition d’un emprunt est-elle aussi accessoirement compétente, en vertu de l’article 5, point 1, sous a), du règlement no 44/2001, pour statuer en matière délictuelle?

3)

a)

En ce qui concerne l’article 5, point 3, du règlement no 44/2001, dans le cadre de l’émission d’une obligation au porteur, les droits afférents à la législation relative au marché de capitaux et fondés sur la responsabilité engagée par l’émetteur au titre du prospectus ainsi que sur la violation des obligations de protection et d’information peuvent-ils être considérés comme des droits de nature délictuelle ou quasi délictuelle au sens de [cette disposition]?

i)

En cas de réponse affirmative à la troisième question, sous a), en va-t-il également ainsi lorsqu’une personne qui n’est pas elle-même le porteur de l’obligation, mais qui dispose uniquement d’un droit à restitution en vertu du droit des obligations envers la personne qui conserve le titre pour son compte fait valoir de tels droits à l’encontre de l’émetteur?

b)

Convient-il d’interpréter l’expression ‘lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire’ figurant à l’article 5, point 3, du règlement no 44/2001 en ce sens que, dans le cas où un titre a été acquis sur la base d’informations intentionnellement erronées,

i)

le lieu du fait dommageable est réputé se situer au domicile de la victime en tant que centre de son patrimoine?

ii)

En cas de réponse affirmative à la troisième question, sous b), i), en va-t-il également ainsi lorsque l’ordre d’achat et le virement de la valeur peuvent être révoqués jusqu’à la réalisation de la transaction et que ladite transaction a été réalisée dans un autre État membre un certain temps après le débit du compte de la victime?

4)

Dans le cadre de la vérification de la compétence au titre des articles 25 et 26 du règlement no 44/2001, la juridiction saisie doit-elle procéder à une administration détaillée de la preuve en ce qui concerne les éléments de fait litigieux qui sont pertinents à la fois pour la question de la compétence et pour l’existence du droit invoqué (‘éléments de fait doublement pertinents’) ou bien peut-elle considérer, aux fins de la décision sur la compétence, que les allégations de la partie demanderesse sont correctes?»

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

20

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 44/2001 doit être interprété en ce sens qu’un demandeur qui, en tant que consommateur, a acquis une obligation au porteur auprès d’un tiers professionnel peut se prévaloir de la compétence prévue à cette disposition aux fins de l’action introduite contre l’émetteur de cette obligation et fondée sur les conditions d’emprunt, la violation des obligations d’information et de contrôle ainsi que la responsabilité concernant le prospectus.

21

À titre liminaire, il convient, d’une part, de rappeler que, dans la mesure où le règlement no 44/2001 remplace la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32), telle que modifiée par les conventions successives relatives à l’adhésion des nouveaux États membres à cette convention, l’interprétation fournie par la Cour en ce qui concerne les dispositions de ladite convention vaut également pour celles dudit règlement, lorsque les dispositions de ces instruments peuvent être qualifiées d’équivalentes (arrêt Maletic, C‑478/12, EU:C:2013:735, point 27 et jurisprudence citée).

22

D’autre part, les notions employées par le règlement no 44/2001, et notamment celles figurant à l’article 15, paragraphe 1, de ce règlement, doivent être interprétées de façon autonome, en se référant principalement au système et aux objectifs dudit règlement, en vue d’assurer l’application uniforme de celui-ci dans tous les États membres (voir arrêt Česká spořitelna, C‑419/11, EU:C:2013:165, point 25 et jurisprudence citée).

23

L’article 15, paragraphe 1, du règlement no 44/2001 trouve à s’appliquer dans l’hypothèse où trois conditions sont remplies, à savoir, premièrement, une partie contractuelle a la qualité de consommateur qui agit dans un cadre pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, deuxièmement, le contrat entre un tel consommateur et un professionnel a été effectivement conclu et, troisièmement, un tel contrat relève de l’une des catégories visées au paragraphe 1, sous a) à c), dudit article 15. Ces conditions doivent être remplies de manière cumulative, de sorte que, si l’une des trois conditions fait défaut, la compétence ne saurait être déterminée selon les règles en matière de contrats conclus par les consommateurs (arrêt Česká spořitelna, EU:C:2013:165, point 30).

24

À cet égard, il ressort du dossier dont dispose la Cour que les première et troisième conditions mentionnées au point précédent se trouvent en l’occurrence remplies, ainsi d’ailleurs que l’a relevé M. l’avocat général au point 28 de ses conclusions.

25

Il suffit donc d’examiner si la deuxième condition, à savoir celle tenant à la conclusion d’un contrat avec le professionnel mis en cause, est remplie dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal.

26

À cet égard, il résulte de la présentation succincte des faits par la juridiction de renvoi, ce qu’il appartient néanmoins à cette dernière de vérifier, qu’il n’existe pas de contrat entre Barclays Bank et M. Kolassa, car ce dernier n’est pas le porteur des obligations mentionnées au point 14 du présent arrêt, celles-ci étant conservées par direktanlage.at en tant que fonds de couverture, en son nom propre. En revanche, selon cette juridiction également, M. Kolassa pouvait demander la livraison des certificats à hauteur de la part détenue dans le fonds de couverture, étant entendu que les certificats ne pouvaient pas être transférés à son nom.

27

Selon M. Kolassa, dans de telles circonstances, l’objectif de protection des consommateurs impose d’adopter une perspective économique et de considérer qu’un contrat a bien été conclu, au sens de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 44/2001, entre lui-même et Barclays Bank, car le rôle joué par direktanlage.at serait celui d’un intermédiaire.

28

À cet égard, il importe de rappeler que l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 44/2001 constitue une dérogation tant à la règle générale de compétence édictée à l’article 2, paragraphe 1, de ce règlement, attribuant la compétence aux juridictions de l’État membre sur le territoire duquel le défendeur est domicilié, qu’à la règle de compétence spéciale en matière de contrats, énoncée à l’article 5, point 1, de ce même règlement, selon laquelle le tribunal compétent est celui du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée. Ainsi, cet article 15, paragraphe 1, doit nécessairement faire l’objet d’une interprétation stricte (voir arrêt Česká spořitelna, EU:C:2013:165, point 26 et jurisprudence citée).

29

Par ailleurs, la condition relative à l’existence d’un contrat conclu entre le consommateur et le professionnel mis en cause permet de garantir la prévisibilité de l’attribution de compétence, qui est l’un des objectifs du règlement no 44/2001, ainsi qu’il ressort du considérant 11 de celui-ci.

30

Par conséquent, il y a lieu de considérer que l’exigence de la conclusion d’un contrat avec le professionnel mis en cause lui-même ne se prête pas à une interprétation en ce sens qu’une telle exigence se trouverait également remplie en présence d’une chaîne de contrats en application de laquelle certains droits et obligations du professionnel en cause sont transférés vers le consommateur.

31

Cette considération est corroborée par une lecture combinée de l’article 15 du règlement no 44/2001 avec l’article 16 de celui-ci.

32

En effet, les règles de compétence établies, en matière de contrats conclus par les consommateurs, par l’article 16, paragraphe 1, dudit règlement s’appliquent, conformément au libellé de cet article, uniquement à l’action intentée par le consommateur contre l’autre partie au contrat, ce qui implique nécessairement la conclusion d’un contrat par le consommateur avec le professionnel mis en cause.

33

La Cour a, certes, relevé que la notion d’«autre partie au contrat», prévue à l’article 16, paragraphe 1, du règlement no 44/2001, doit être interprétée en ce sens qu’elle désigne également le cocontractant de l’opérateur avec lequel le consommateur a conclu ce contrat (arrêt Maletic, EU:C:2013:735, point 32). Cependant, cette interprétation repose sur des circonstances spécifiques dans lesquelles le consommateur était d’emblée contractuellement lié, de manière indissociable, à deux cocontractants. Par ailleurs, l’exclusion du cocontractant établi dans l’État membre du consommateur du champ d’application dudit article 16 aurait eu pour conséquence que la juridiction saisie de l’action en condamnation solidaire des deux cocontractants n’aurait été compétente qu’à l’égard de l’opérateur établi dans un autre État membre.

34

Une telle interprétation ne saurait valoir dans les circonstances de l’affaire au principal, dans lesquelles la conclusion d’un contrat avec le professionnel mis en cause fait totalement défaut.

35

Il découle des considérations qui précèdent que l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 44/2001 doit être interprété en ce sens que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, un demandeur qui, en tant que consommateur, a acquis une obligation au porteur auprès d’un tiers professionnel, sans qu’un contrat soit conclu entre ledit consommateur et l’émetteur de cette obligation – ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier –, ne peut pas se prévaloir de la compétence prévue à cette disposition aux fins de l’action introduite contre ledit émetteur et fondée sur les conditions d’emprunt, la violation des obligations d’information et de contrôle ainsi que la responsabilité concernant le prospectus.

Sur la deuxième question

36

Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, point 1, sous a), du règlement no 44/2001 doit être interprété en ce sens que, aux fins de l’action introduite contre l’émetteur d’une obligation au porteur et fondée sur les conditions d’emprunt, la violation des obligations d’information et de contrôle ainsi que la responsabilité concernant le prospectus, un demandeur qui a acquis cette obligation auprès d’un tiers peut se prévaloir de la compétence prévue à cette disposition.

37

Afin de répondre à cette question, il convient de rappeler d’emblée que la notion de «matière contractuelle», au sens de l’article 5, point 1, du règlement no 44/2001, ne saurait être comprise comme renvoyant à la qualification que la loi nationale applicable donne au rapport juridique en cause devant la juridiction nationale. Cette notion doit, au contraire, être interprétée de manière autonome, en se référant au système et aux objectifs de ce règlement, en vue d’assurer l’application uniforme de celle-ci dans tous les États membres (arrêts Handte, C‑26/91, EU:C:1992:268, point 10, et Česká spořitelna, EU:C:2013:165, point 45).

38

Contrairement à l’exigence énoncée à l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 44/2001, la conclusion d’un contrat ne constitue pas une condition d’application de l’article 5, point 1, du même règlement, de sorte que l’exclusion de la compétence au titre de la première disposition ne préjuge pas nécessairement de l’applicabilité de la seconde.

39

Toutefois, même si l’article 5, point 1, sous a), du règlement no 44/2001 n’exige pas la conclusion d’un contrat, l’identification d’une obligation est néanmoins indispensable à l’application de cette disposition, étant donné que la compétence juridictionnelle en vertu de celle-ci est établie en fonction du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée. Ainsi, l’application de la règle de compétence spéciale prévue en matière contractuelle à ladite disposition présuppose la détermination d’une obligation juridique librement consentie par une personne à l’égard d’une autre et sur laquelle se fonde l’action du demandeur (voir arrêt Česká spořitelna, EU:C:2013:165, points 46 et 47).

40

À cet égard, il résulte de la présentation succincte des faits par la juridiction de renvoi qu’une telle obligation juridique librement consentie par Barclays Bank à l’égard de M. Kolassa fait défaut dans les circonstances de l’affaire au principal même si, en vertu du droit national applicable, Barclays Bank a certaines obligations envers M. Kolassa.

41

Il découle des considérations qui précèdent que l’article 5, point 1, sous a), du règlement no 44/2001 doit être interprété en ce sens que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, un demandeur qui a acquis une obligation au porteur auprès d’un tiers, sans que l’émetteur de celle-ci ait librement assumé une obligation à l’égard de ce demandeur, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, ne peut pas se prévaloir de la compétence prévue à cette disposition aux fins de l’action introduite contre ledit émetteur et fondée sur les conditions d’emprunt, la violation des obligations d’information et de contrôle ainsi que la responsabilité concernant le prospectus.

Sur la troisième question

42

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, point 3, du règlement no 44/2001 doit être interprété en ce sens qu’il s’applique à une action visant à mettre en cause la responsabilité de l’émetteur d’un certificat du fait du prospectus afférent à celui-ci ainsi que de la violation d’autres obligations légales d’information incombant à cet émetteur, permettant ainsi d’établir la compétence des juridictions du domicile du demandeur en tant que lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire.

43

À cet égard, il y a lieu de rappeler d’emblée que l’article 5, point 3, du règlement no 44/2001 doit être interprété de manière autonome et stricte (voir, en ce sens, arrêt Coty Germany, C‑360/12, EU:C:2014:1318, points 43 à 45).

44

Il n’en demeure pas moins que la notion de «matière délictuelle ou quasi délictuelle», au sens de l’article 5, point 3, du règlement no 44/2001, comprend toute demande qui vise à mettre en jeu la responsabilité d’un défendeur et qui ne se rattache pas à la «matière contractuelle», au sens de l’article 5, point 1, sous a), de ce règlement (arrêt Brogsitter, C‑548/12, EU:C:2014:148, point 20). Ainsi, il convient de considérer que les actions en responsabilité engagées à l’encontre d’un émetteur du fait du prospectus ainsi que pour violation d’autres obligations légales d’information des investisseurs relèvent de la matière délictuelle ou quasi délictuelle pour autant qu’elles ne sont pas couvertes par la notion de «matière contractuelle» telle que définie au point 39 du présent arrêt.

45

S’agissant de l’application de l’article 5, point 3, du règlement no 44/2001 dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, il convient de rappeler que les termes «lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire», figurant à cette disposition, visent à la fois le lieu de la matérialisation du dommage et celui de l’événement causal qui est à l’origine de ce dommage, de telle sorte que le défendeur peut être attrait, au choix du demandeur, devant le tribunal de l’un ou l’autre de ces deux lieux (arrêt Coty Germany, EU:C:2014:1318, point 46).

46

À cet égard, il est de jurisprudence constante que la règle de compétence prévue à l’article 5, point 3, du règlement no 44/2001 est fondée sur l’existence d’un lien de rattachement particulièrement étroit entre la contestation et les juridictions du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire, qui justifie une attribution de compétence à ces dernières pour des raisons de bonne administration de la justice et d’organisation utile du procès (arrêt Coty Germany, EU:C:2014:1318, point 47).

47

L’identification de l’un des points de rattachement reconnus par la jurisprudence telle que rappelée au point 45 du présent arrêt devant permettre d’établir la compétence de la juridiction objectivement la mieux placée pour apprécier si les éléments constitutifs de la responsabilité de la personne attraite sont réunis, il en résulte que ne peut être valablement saisie que la juridiction dans le ressort de laquelle se situe le point de rattachement pertinent (arrêt Coty Germany, EU:C:2014:1318, point 48).

48

Il convient de rappeler que la Cour a relevé que l’expression «lieu où le fait dommageable s’est produit» ne vise pas le lieu du domicile du demandeur, au seul motif qu’il y aurait subi un préjudice financier résultant de la perte d’éléments de son patrimoine intervenue et subie dans un autre État membre (arrêt Kronhofer, C‑168/02, EU:C:2004:364, point 21).

49

Ainsi, le seul fait que des conséquences financières affectent le demandeur ne justifie pas l’attribution de compétence aux juridictions du domicile de ce dernier si, comme cela était le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Kronhofer (EU:C:2004:364), tant l’événement causal que la matérialisation du dommage sont localisés sur le territoire d’un autre État membre (voir, en ce sens, arrêt Kronhofer, EU:C:2004:364, point 20).

50

En revanche, une telle attribution de compétence est justifiée dans la mesure où le domicile du demandeur constitue effectivement le lieu de l’événement causal ou celui de la matérialisation du dommage.

51

À cet égard, il ressort de la décision de renvoi que, d’une part, la dévalorisation des certificats était due non pas aux aléas des marchés financiers, mais à la gestion des fonds dans lesquels l’argent résultant de l’émission de ces certificats a été investi, empêchant, à terme, une évolution positive de leur valeur. D’autre part, les actions ou les omissions reprochées à Barclays Bank en ce qui concerne ses obligations légales d’information étaient antérieures à l’investissement fait par M. Kolassa et, selon ce dernier, déterminantes pour cet investissement.

52

À supposer que les actions et les omissions de Barclays Bank ont constitué une condition nécessaire de la survenance du dommage subi par M. Kolassa, ce qui est suffisant pour permettre l’application de l’article 5, point 3, du règlement no 44/2001 (voir, en ce sens, arrêt DFDS Torline, C‑18/02, EU:C:2004:74, point 34), encore faut-il vérifier, à cet effet, dans quelle mesure les circonstances de l’affaire au principal permettent de situer le lieu de l’événement causal ou celui de la matérialisation du dommage au domicile du demandeur.

53

En ce qui concerne l’événement causal du dommage allégué, à savoir la prétendue violation, par Barclays Bank, de ses obligations légales relatives au prospectus et à l’information des investisseurs, il convient de relever que les actes ou les omissions susceptibles de constituer une telle violation ne sauraient être localisés au domicile de l’investisseur prétendument lésé, dès lors qu’aucun élément du dossier n’indique que les décisions relatives aux modalités des investissements proposés par cette banque ainsi qu’aux contenus des prospectus y afférents ont été prises dans l’État membre où cet investisseur est domicilié ni que lesdits prospectus ont été rédigés et distribués à l’origine ailleurs que dans l’État membre du siège de ladite banque.

54

S’agissant, en revanche de la matérialisation du dommage, il convient de considérer que, dans des circonstances telles que celles résumées au point 51 du présent arrêt, le dommage survient au lieu où l’investisseur le subit.

55

Les juridictions du domicile du demandeur sont compétentes, au titre de la matérialisation du dommage, pour connaître d’une telle action notamment lorsque ledit dommage se réalise directement sur un compte bancaire de ce demandeur auprès d’une banque établie dans le ressort de ces juridictions.

56

Le lieu de la matérialisation du dommage ainsi identifié répond, dans des circonstances telles que celles visées au point 51 du présent arrêt, à l’objectif du règlement no 44/2001 visant à renforcer la protection juridique des personnes établies dans l’Union, en permettant à la fois au demandeur d’identifier facilement la juridiction qu’il peut saisir et au défendeur de prévoir raisonnablement celle devant laquelle il peut être attrait (voir, en ce sens, arrêt Kronhofer, EU:C:2004:364, point 20), étant donné que l’émetteur d’un certificat qui ne remplit pas ses obligations légales relatives au prospectus doit, lorsqu’il décide de faire notifier le prospectus relatif à ce certificat dans d’autres États membres, s’attendre à ce que des opérateurs insuffisamment informés, domiciliés dans ces États membres, investissent dans ce certificat et subissent le dommage.

57

Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la troisième question que l’article 5, point 3, du règlement no 44/2001 doit être interprété en ce sens qu’il s’applique à une action visant à mettre en cause la responsabilité de l’émetteur d’un certificat du fait du prospectus afférent à celui-ci ainsi que de la violation d’autres obligations d’information incombant à cet émetteur, pour autant que cette responsabilité ne relève pas de la matière contractuelle au sens de l’article 5, point 1, dudit règlement. En vertu du point 3 du même article 5, les juridictions du domicile du demandeur sont compétentes, au titre de la matérialisation du dommage, pour connaître d’une telle action notamment lorsque le dommage allégué se réalise directement sur un compte bancaire du demandeur auprès d’une banque établie dans le ressort de ces juridictions.

Sur la quatrième question

58

Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, s’il y a lieu, dans le cadre de la vérification de la compétence internationale au titre du règlement no 44/2001, de procéder à une administration détaillée de la preuve en ce qui concerne les éléments de fait litigieux qui sont pertinents à la fois pour la question de la compétence et pour l’existence du droit invoqué ou, plutôt, s’il convient de considérer que les allégations de la seule partie demanderesse au principal sont correctes aux fins de la décision en matière de la compétence.

59

Il est constant que le règlement no 44/2001 ne précise pas explicitement l’étendue des obligations de contrôle qui incombent aux juridictions nationales lors de la vérification de leur compétence internationale.

60

S’il s’agit en effet d’un aspect du droit procédural interne que ledit règlement n’a pas pour objet d’unifier (voir, en ce sens, arrêt G, C‑292/10, EU:C:2012:142, point 44), l’application des règles nationales pertinentes ne doit toutefois pas porter atteinte à l’effet utile du règlement no 44/2001 (voir arrêt Shevill e.a., C‑68/93, EU:C:1995:61, point 36 et jurisprudence citée).

61

À cet égard, la Cour a jugé que l’objectif de sécurité juridique exige que le juge national saisi puisse aisément se prononcer sur sa propre compétence, sans être contraint de procéder à un examen de l’affaire au fond (voir arrêt Benincasa, C‑269/95, EU:C:1997:337, point 27). En ce qui concerne l’application de cette exigence dans le cadre des compétences spéciales en cause dans l’affaire au principal, la Cour a, d’une part, considéré que le juge appelé à trancher un litige issu d’un contrat peut vérifier, même d’office, les conditions essentielles de sa compétence, au vu d’éléments concluants et pertinents fournis par la partie intéressée, établissant l’existence ou l’inexistence du contrat (arrêt Effer, 38/81, EU:C:1982:79, point 7).

62

D’autre part, s’agissant spécifiquement de l’article 5, point 3, du règlement no 44/2001, la Cour a précisé que, au stade de la vérification de la compétence internationale, la juridiction saisie n’apprécie ni la recevabilité ni le bien-fondé de la demande selon les règles du droit national, mais identifie uniquement les points de rattachement avec l’État du for justifiant sa compétence en vertu de cette disposition (arrêt Folien Fischer et Fofitec, C‑133/11, EU:C:2012:664, point 50). Aussi cette juridiction peut-elle considérer comme établies, aux seules fins de vérifier sa compétence en vertu de cette disposition, les allégations pertinentes du demandeur quant aux conditions de la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle (arrêt Hi Hotel HCF, C‑387/12, EU:C:2014:215, point 20).

63

Il y a lieu de relever qu’une obligation de procéder, déjà à ce stade de la procédure, à une administration détaillée de la preuve en ce qui concerne les éléments de fait pertinents relatifs tant à la compétence qu’au fond risquerait de préjuger l’examen de celui-ci.

64

Si la juridiction nationale saisie n’est donc pas obligée, en cas de contestation par le défendeur des allégations du demandeur, de procéder à une administration de la preuve au stade de la détermination de la compétence, il convient de préciser que tant l’objectif d’une bonne administration de la justice, qui sous-tend le règlement no 44/2001, que le respect dû à l’autonomie du juge dans l’exercice de ses fonctions exigent que la juridiction saisie puisse examiner sa compétence internationale à la lumière de toutes les informations dont elle dispose, y compris, le cas échéant, les contestations émises par le défendeur.

65

Au vu de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la quatrième question que, dans le cadre de la vérification de la compétence au titre du règlement no 44/2001, il n’y a pas lieu de procéder à une administration détaillée de la preuve en ce qui concerne les éléments de fait litigieux qui sont pertinents à la fois pour la question de la compétence et pour l’existence du droit invoqué. Il est toutefois loisible à la juridiction saisie d’examiner sa compétence internationale à la lumière de toutes les informations dont elle dispose, y compris, le cas échéant, les contestations émises par le défendeur.

Sur les dépens

66

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

 

1)

L’article 15, paragraphe 1, du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, un demandeur qui, en tant que consommateur, a acquis une obligation au porteur auprès d’un tiers professionnel, sans qu’un contrat soit conclu entre ledit consommateur et l’émetteur de cette obligation – ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier –, ne peut pas se prévaloir de la compétence prévue à cette disposition aux fins de l’action introduite contre ledit émetteur et fondée sur les conditions d’emprunt, la violation des obligations d’information et de contrôle ainsi que la responsabilité concernant le prospectus.

 

2)

L’article 5, point 1, sous a), du règlement no 44/2001 doit être interprété en ce sens que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, un demandeur qui a acquis une obligation au porteur auprès d’un tiers sans que l’émetteur de celle-ci ait librement assumé une obligation à l’égard de ce demandeur, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, ne peut pas se prévaloir de la compétence prévue à cette disposition aux fins de l’action introduite contre ledit émetteur et fondée sur les conditions d’emprunt, la violation des obligations d’information et de contrôle ainsi que la responsabilité concernant le prospectus.

 

3)

L’article 5, point 3, du règlement no 44/2001 doit être interprété en ce sens qu’il s’applique à une action visant à mettre en cause la responsabilité de l’émetteur d’un certificat du fait du prospectus afférent à celui-ci ainsi que de la violation d’autres obligations d’information incombant à cet émetteur, pour autant que cette responsabilité ne relève pas de la matière contractuelle au sens de l’article 5, point 1, dudit règlement. En vertu du point 3 du même article 5, les juridictions du domicile du demandeur sont compétentes, au titre de la matérialisation du dommage, pour connaître d’une telle action notamment lorsque le dommage allégué se réalise directement sur un compte bancaire du demandeur auprès d’une banque établie dans le ressort de ces juridictions.

 

4)

Dans le cadre de la vérification de la compétence au titre du règlement no 44/2001, il n’y a pas lieu de procéder à une administration détaillée de la preuve en ce qui concerne les éléments de fait litigieux qui sont pertinents à la fois pour la question de la compétence et pour l’existence du droit invoqué. Il est toutefois loisible à la juridiction saisie d’examiner sa compétence internationale à la lumière de toutes les informations dont elle dispose, y compris, le cas échéant, les contestations émises par le défendeur.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.

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