EUR-Lex Access to European Union law

Back to EUR-Lex homepage

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62013CJ0088

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 11 septembre 2014.
Philippe Gruslin contre Beobank SA.
Demande de décision préjudicielle, introduite par la Cour de cassation (Belgique).
Renvoi préjudiciel – Liberté d’établissement – Libre prestation de services – Organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) – Directive 85/611/CEE – Article 45 – Notion de ‘paiements aux participants’ – Livraison aux participants de certificats de parts nominatives.
Affaire C-88/13.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2014:2205

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

11 septembre 2014 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Liberté d’établissement — Libre prestation de services — Organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) — Directive 85/611/CEE — Article 45 — Notion de ‘paiements aux participants’ — Livraison aux participants de certificats de parts nominatives»

Dans l’affaire C‑88/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Cour de cassation (Belgique), par décision du 24 janvier 2013, parvenue à la Cour le 22 février 2013, dans la procédure

Philippe Gruslin

contre

Beobank SA, anciennement Citibank Belgium SA,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. J. L. da Cruz Vilaça (rapporteur), G. Arestis, J.‑C. Bonichot et A. Arabadjiev, juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: M. V. Tourrès, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 novembre 2013,

considérant les observations présentées:

pour M. Gruslin, par Mes L. Misson et J. Meyer, avocats,

pour Beobank SA, anciennement Citibank Belgium SA, par Mes M. van der Haegen et A. Fontaine, avocats,

pour le gouvernement belge, par M. J.‑C. Halleux et Mme M. Jacobs, en qualité d’agents,

pour le gouvernement tchèque, par M. M. Smolek, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par Mme J. Hottiaux ainsi que par MM. J. Rius et A. Nijenhuis, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 13 février 2014,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 45 de la directive 85/611/CEE du Conseil, du 20 décembre 1985, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeur mobilières (OPCVM) (JO L 375, p. 3), telle que modifiée par la directive 95/26/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 juin 1995 (JO L 168, p. 7, ci-après la «directive OPCVM»).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Gruslin à Beobank SA, anciennement Citibank Belgium SA (ci-après «Beobank»), au sujet de la livraison de certificats de parts nominatives du fonds commun de placement Citiportfolios (ci-après le «fonds Citiportfolios»).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

La directive OPCVM a été modifiée à plusieurs reprises avant d’être abrogée par la directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) (JO L 302, p. 32), laquelle a procédé à une refonte de la directive OPCVM. C’est néanmoins cette dernière qui était applicable au moment des faits relatifs au litige au principal.

4

Les deuxième à cinquième considérants de la directive OPCVM, dans sa version en vigueur à l’époque des faits du litige au principal, énonçaient:

«considérant qu’une coordination des législations nationales qui régissent les organismes de placement collectif paraît [...] opportune en vue de rapprocher sur le plan communautaire les conditions de concurrence entre ces organismes et d’y réaliser une protection plus efficace et plus uniforme des participants; qu’une telle coordination paraît opportune en vue de faciliter aux organismes de placement collectif situés dans un État membre la commercialisation de leurs parts sur le territoire des autres États membres;

considérant que la réalisation de ces objectifs facilite la suppression des restrictions à la libre circulation sur le plan communautaire des parts des organismes de placement collectif et que cette coordination contribue à la création d’un marché européen des capitaux;

considérant que, eu égard aux objectifs visés ci-avant, il est souhaitable d’établir, pour les organismes de placement collectif situés dans les États membres, des règles minimales communes en ce qui concerne leur agrément, leur contrôle, leur structure, leur activité et les informations qu’ils doivent publier;

considérant que l’application de ces règles communes constitue une garantie suffisante pour permettre, sous réserve des dispositions applicables en matière de mouvements de capitaux, aux organismes de placement collectif situés dans un État membre de commercialiser leurs parts dans les autres États membres sans que ces derniers puissent soumettre ces organismes ou leurs parts à quelque disposition que ce soit, sauf celles qui, dans ces États, ne relèvent pas des domaines régis par la présente directive; qu’il convient toutefois de prévoir que, si un organisme de placement collectif commercialise ses parts dans un État membre autre que celui où il est situé, il doit y prendre toute mesure nécessaire pour que les participants dans cet autre État membre puissent y exercer de façon aisée leurs droits financiers et y disposer des informations nécessaires».

5

L’article 1er, paragraphe 6, de la directive OPCVM disposait:

«Sous réserve des dispositions en matière de circulation de capitaux ainsi que des articles 44 et 45 et de l’article 52 paragraphe 2, un État membre ne peut soumettre les [organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM)] situés dans un autre État membre, ni les parts émises par ces OPCVM, à quelque autre disposition que ce soit dans le domaine régi par la présente directive, lorsque ces OPCVM commercialisent leurs parts sur son territoire.»

6

Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de cette directive:

«Un OPCVM doit, pour exercer son activité, être agréé par les autorités de l’État membre où l’OPCVM est situé [...]

Cet agrément vaut pour tous les États membres.»

7

Sous la section VIII de ladite directive, intitulée «Dispositions spéciales applicables aux OPCVM qui commercialisent leurs parts dans les États membres autres que ceux où ils sont situés», l’article 44, paragraphe 1, de celle-ci prévoyait:

«Un OPCVM qui commercialise ses parts dans un autre État membre doit respecter les dispositions législatives, réglementaires et administratives qui sont en vigueur dans cet État et qui ne relèvent pas du domaine régi par la présente directive.»

8

L’article 45 de la même directive était ainsi libellé:

«Dans l’hypothèse visée à l’article 44, l’OPCVM doit prendre, entre autres, les mesures nécessaires, dans le respect des dispositions législatives, réglementaires et administratives en vigueur dans l’État membre de commercialisation, pour que les paiements aux participants, le rachat ou le remboursement des parts, ainsi que la diffusion des informations qui incombent à l’OPCVM, soient assurés aux participants dans cet État.»

9

Le point 1.10 figurant sous la colonne 1, intitulée «Information concernant le fonds commun de placement», du schéma A annexé à la directive OPCVM était libellé comme suit:

«Mention de la nature et des caractéristiques principales des parts, avec notamment les indications suivantes:

nature du droit (réel, de créance ou autre) que la part représente,

titres originaux ou certificats représentatifs de ces titres, inscription sur un registre ou un compte,

caractéristiques des parts: nominatives ou au porteur. [...]

[...]»

Le droit belge

10

L’article 138, deuxième alinéa, de la loi du 4 décembre 1990 relative aux opérations financières et aux marchés financiers, (Moniteur belge du 22 décembre 1990, p. 23800, ci-après la «loi du 4 décembre 1990»), dans sa version en vigueur au moment des faits relatifs au litige au principal, disposait:

«L’organisme de placement visé à l’alinéa 1er doit désigner un organisme visé à l’article 3, 1o ou 2o, pour assurer les distributions aux participants, la vente ou le rachat des parts ainsi que la diffusion [...] des informations qui incombent à l’organisme de placement.»

Le litige au principal et la question préjudicielle

11

Il ressort de la décision de renvoi et du dossier soumis à la Cour que le fonds Citiportfolios est un fonds commun de placement de droit luxembourgeois dont la gestion est assurée par la société de droit luxembourgeois Citiportfolios, et dont la banque dépositaire est la société de droit luxembourgeois Citibank Luxembourg.

12

Le prospectus du fonds Citiportfolios a été distribué en Belgique par Beobank en qualité d’organisme désigné par la société Citiportfolios, conformément à l’article 138, deuxième alinéa, de la loi du 4 décembre 1990.

13

M. Gruslin, ressortissant belge, résidant en Belgique, a investi, entre le 12 et le 24 janvier 1996, dans le fonds Citiportfolios en souscrivant des parts directement auprès de la société Citibank Luxembourg. Beobank n’est pas intervenue comme domicile de souscription et n’a perçu aucune commission en cette qualité.

14

Le 9 septembre 1996, la société Citibank Luxembourg a mis fin à toutes ses relations de comptes et d’affaires avec M. Gruslin avec effet au 17 septembre 1996 et l’a invité à retirer pour cette date tous les fonds et valeurs se trouvant encore sur ses comptes. Il a été averti que, à défaut de lui donner des instructions quant aux opérations à effectuer pour réaliser les parts dans le fonds Citiportfolios, celles-ci seraient inscrites à son nom dans le registre des porteurs de parts détenu par l’émetteur. Le 14 octobre 1996, sans instructions de la part de M. Gruslin, la société Citibank Luxembourg a procédé à cette inscription.

15

Au mois de décembre 1996, M. Gruslin a écrit à Beobank pour obtenir la livraison de certificats représentatifs des parts qui ont été inscrites à son nom dans le registre des porteurs de parts relevant du fonds Citiportfolios. Beobank a répondu que, les parts ayant été achetées directement auprès de la société Citibank Luxembourg, elles ne figuraient pas au dossier ouvert au nom de M. Gruslin auprès de Beobank. Cette dernière lui a signalé transmettre le dossier à la société Citibank Luxembourg pour suite utile.

16

Le 14 janvier 2008, M. Gruslin a introduit une procédure devant le tribunal de commerce de Bruxelles en vue d’obtenir que Beobank soit condamnée à lui livrer lesdits certificats afin de pouvoir démontrer la propriété des parts qu’il a souscrites. N’ayant pas obtenu satisfaction au terme de la procédure devant cette juridiction, il a interjeté appel de la décision de celle-ci, en s’appuyant notamment sur l’article 138, deuxième alinéa, de la loi du 4 décembre 1990.

17

Par arrêt du 11 janvier 2011, la cour d’appel de Bruxelles a déclaré non fondée la demande de M. Gruslin tendant à la livraison des certificats en cause, ayant notamment relevé que, dans la mesure où l’article 138, deuxième alinéa, de la loi du 4 décembre 1990 constituait la transposition en droit belge de l’article 45 de la directive OPCVM, la notion de «distribution» qui y était employée devait s’entendre comme visant non pas la livraison de certificats de parts, comme le soutenait M. Gruslin, mais le «paiement» aux participants.

18

M. Gruslin a introduit un pourvoi en cassation contre cet arrêt. Au soutien de ce recours, il fait notamment valoir que, aux termes de l’article 138, deuxième alinéa, de la loi du 4 décembre 1990, la livraison de certificats de parts fait partie des tâches confiées à Beobank pour le fonds Citiportfolios.

19

Dans ces conditions, la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’article 45 de la directive [OPCVM] doit-il être interprété en ce sens que la notion de ‘paiements aux participants’ vise aussi la livraison aux participants de certificats de parts nominatives?»

Sur la demande tendant à la réouverture de la procédure orale

20

Par acte du 6 mars 2014, parvenu au greffe de la Cour le 10 mars suivant, M. Gruslin a demandé, à la suite des conclusions de M. l’avocat général prononcées le 13 février 2014, conformément à l’article 83 du règlement de procédure de la Cour, la réouverture de la procédure orale en relevant, en substance, que, au point 48 de ses conclusions, M. l’avocat général avait fait état d’un principe juridique inédit, qui n’aurait pas été abordé par les parties dans leurs observations.

21

En premier lieu, conformément à l’article 83 de son règlement de procédure, la Cour peut ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure, notamment si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée, ou lorsqu’une partie a soumis, après la clôture de cette phase, un fait nouveau de nature à exercer une influence décisive sur la décision de la Cour, ou encore lorsque l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les parties ou les intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

22

En second lieu, conformément à l’article 252, deuxième alinéa, TFUE, l’avocat général a pour rôle de présenter publiquement, en toute impartialité et en toute indépendance, des conclusions motivées sur les affaires qui, conformément au statut de la Cour, requièrent son intervention. Dans l’exercice de cette mission, il lui est loisible, le cas échéant, d’analyser une demande de décision préjudicielle en la replaçant dans un contexte plus large que celui strictement défini par la juridiction de renvoi ou par les parties au principal. Étant donné que la Cour n’est liée ni par les conclusions de l’avocat général ni par la motivation sur laquelle celles-ci sont fondées, il n’est pas indispensable de rouvrir la procédure orale chaque fois que l’avocat général soulève un point de droit qui n’a pas fait l’objet d’un échange entre les parties (arrêt Pohotovosť, C‑470/12, EU:C:2014:101, point 22 et jurisprudence citée).

23

Dans la présente affaire, la Cour, M. l’avocat général entendu, considère qu’elle dispose de tous les éléments nécessaires pour répondre à la question posée et que les observations présentées devant elle, entre autres par M. Gruslin, ont porté sur ces éléments.

24

Par conséquent, il convient de rejeter la demande tendant à la réouverture de la procédure orale.

Sur la question préjudicielle

25

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’obligation prévue à l’article 45 de la directive OPCVM, selon laquelle un OPCVM qui commercialise ses parts sur le territoire d’un État membre autre que celui où il est situé est tenu d’assurer les paiements aux participants dans l’État membre de commercialisation, doit être interprétée en ce sens qu’elle inclut la livraison aux participants de certificats représentatifs de parts qui se trouvent inscrites à leur nom dans le registre des porteurs de parts détenu par l’émetteur.

Sur la recevabilité

26

La Commission européenne émet des doutes sur la recevabilité de la question préjudicielle, au motif, pour l’essentiel, que M. Gruslin s’est rendu lui-même au Luxembourg pour souscrire les parts directement auprès de la société Citibank Luxembourg, alors que l’objectif poursuivi par la directive OPCVM viserait plutôt la protection des participants qui procèdent à des investissements en recourant à un intermédiaire établi dans un État membre distinct de celui où l’OPCVM est situé. Cette directive ne trouverait, partant, pas nécessairement à s’appliquer au litige au principal.

27

Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la procédure instituée à l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution des litiges qu’elles sont appelées à trancher (voir, notamment, arrêt Fish Legal et Shirley, C‑279/12, EU:C:2013:853, point 29 et jurisprudence citée).

28

Les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une demande de décision préjudicielle formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, notamment, arrêt Fish Legal et Shirley, EU:C:2013:853, point 30 et jurisprudence citée).

29

Il est constant, d’une part, que le fonds Citiportfolios est situé au Luxembourg et que ses parts ont été commercialisées en Belgique. D’autre part, l’article 138, deuxième alinéa, de la loi du 4 décembre 1990 visait à transposer en droit belge l’article 45 de la directive OPCVM, M. Gruslin s’appuyant sur ces dispositions pour obtenir la livraison des certificats en cause au principal. Par conséquent, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 22 de ses conclusions, il n’apparaît pas que la question préjudicielle, laquelle concerne strictement l’interprétation de cet article, soit sans rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal.

30

Il découle de ce qui précède que la question préjudicielle est recevable.

Sur le fond

31

La directive OPCVM ne définit pas la notion de «paiements aux participants» figurant à l’article 45 de celle-ci.

32

Selon une jurisprudence constante de la Cour, il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union européenne, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (arrêt Fish Legal et Shirley, EU:C:2013:853, point 42 et jurisprudence citée).

33

Il résulte des deuxième à quatrième considérants de la directive OPCVM que, en vue d’assurer la libre commercialisation des parts des OPCVM au sein de l’Union, cette directive tend à coordonner les législations nationales qui régissent les OPCVM, de manière, d’une part, à rapprocher, dans l’Union, les conditions de concurrence entre ces organismes et, d’autre part, à assurer une protection plus efficace et plus uniforme des participants. À ces fins, cette directive établit des règles minimales communes en ce qui concerne l’agrément, le contrôle, la structure, l’activité et les informations que les OPCVM doivent publier.

34

Il ressort de l’article 1er, paragraphe 6, de la directive OPCVM, lu en combinaison avec le cinquième considérant de celle-ci, que la libre commercialisation des parts des OPCVM au sein de l’Union implique, pour les OPCVM situés dans un État membre, la possibilité de commercialiser leurs parts dans un autre État membre sans que ce dernier puisse les soumettre à quelque autre disposition que ce soit dans les domaines régis par cette directive.

35

Ainsi, conformément à l’article 4, paragraphe 1, de ladite directive, tout OPCVM doit, pour exercer son activité, être agréé par les autorités de l’État membre où il est situé et cet agrément vaut dans tous les autres États membres.

36

De la même manière, l’article 44, paragraphe 1, de la même directive dispose que, lorsqu’un OPCVM commercialise ses parts dans un État membre autre que celui où il est situé, il doit respecter les dispositions législatives, réglementaires et administratives en vigueur dans cet État qui ne relèvent pas du domaine régi par la directive OPCVM.

37

Toutefois, dans le même cas de figure, l’article 45 de cette directive prévoit que l’OPCVM doit prendre, entre autres, les mesures nécessaires pour que les paiements aux participants, le rachat ou le remboursement des parts ainsi que la diffusion des informations qui lui incombent soient assurés aux participants dans cet État. Cette disposition précise que ces mesures doivent être prises dans le respect des dispositions législatives, réglementaires et administratives en vigueur dans l’État membre de commercialisation.

38

Il résulte du cinquième considérant de la directive OPCVM que l’article 45 de celle-ci vise à garantir l’existence de mécanismes permettant aux participants d’exercer de façon aisée leurs droits financiers dans l’État membre de commercialisation ainsi que la diffusion dans cet État membre des informations qui doivent être fournies aux participants par l’OPCVM.

39

Il convient de relever dans ce contexte que, même si une multitude de prestations, dont Beobank fait état dans ses observations, peut être liée à la souscription et à la détention des parts d’un OPCVM, il résulte néanmoins du libellé de l’article 45 de la directive OPCVM que cet organisme n’est tenu d’assurer dans l’État membre de commercialisation que les paiements aux participants, le rachat ou le remboursement des parts et la diffusion d’informations.

40

Par conséquent, force est de constater que le législateur de l’Union a jugé à la fois nécessaire et suffisant, en vue de réaliser une protection plus efficace et plus uniforme des participants, d’imposer à l’OPCVM l’obligation de garantir aux participants dans l’État membre de commercialisation les prestations dont il est question au point précédent.

41

En particulier, les dispositions de la directive OPCVM qui régissent les droits financiers des participants et les obligations d’information de ces derniers qui incombent à l’OPCVM ne comportent aucune prescription quant aux modalités de représentation, de détention et de circulation des parts d’un OPCVM, ni quant aux moyens de preuve de la propriété des parts en vue de l’exercice, par leur titulaire, des droits y attachés.

42

Ainsi que l’ont observé tant M. l’avocat général au point 32 de ses conclusions que la Commission, la forme sous laquelle une part est émise est intrinsèquement liée à la manière dont la propriété des parts peut être démontrée et les droits qui y sont afférents exercés.

43

À cet égard, il convient de relever, par ailleurs, que le point 1.10 figurant sous la colonne 1, intitulée «Information concernant le fonds commun de placement», du schéma A annexé à la directive OPCVM énumère les renseignements à fournir aux participants en ce qui concerne la nature et les caractéristiques principales des parts à émettre par l’OPCVM, y compris la forme de représentation de celles-ci, à savoir si elles le seront par un titre vif, par un certificat représentatif, soit encore par l’inscription sur un registre ou en compte, ainsi que l’indication de ce que les parts seront émises sous forme nominative ou au porteur.

44

Par voie de conséquence, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 29 de ses conclusions, force est de conclure que la directive OPCVM ne régit pas les domaines susvisés, se bornant à établir une obligation d’information des participants à cet égard.

45

Un participant ne saurait partant pas se fonder sur l’article 45 de cette directive et, en particulier, sur l’obligation qui incombe à l’OPCVM d’assurer les paiements aux participants dans l’État membre de commercialisation, aux fins d’obtenir du service financier de cet organisme la livraison d’un certificat représentatif des parts qu’il a souscrites.

46

Une telle interprétation est corroborée par l’article 19, paragraphe 3, sous m), de la directive 2009/65, lu en combinaison avec le considérant 22 de celle-ci. En effet, il en ressort de manière explicite que le contenu du registre des porteurs de parts, l’organisation de la tenue de ce registre ainsi que sa localisation relèvent soit des règles de l’État membre d’origine de l’OPCVM, soit des modalités d’organisation de la société de gestion de cet organisme.

47

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question préjudicielle que l’obligation prévue à l’article 45 de la directive OPCVM, selon laquelle un OPCVM qui commercialise ses parts sur le territoire d’un État membre autre que celui où il est situé est tenu d’assurer les paiements aux participants dans l’État membre de commercialisation, doit être interprétée en ce sens qu’elle n’inclut pas la livraison aux participants de certificats représentatifs de parts qui se trouvent inscrites à leur nom dans le registre des porteurs de parts détenu par l’émetteur.

Sur les dépens

48

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

 

L’obligation prévue à l’article 45 de la directive 85/611/CEE du Conseil, du 20 décembre 1985, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), telle que modifiée par la directive 95/26/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 juin 1995, selon laquelle un organisme de placement collectif en valeurs mobilières qui commercialise ses parts sur le territoire d’un État membre autre que celui où il est situé est tenu d’assurer les paiements aux participants dans l’État membre de commercialisation, doit être interprétée en ce sens qu’elle n’inclut pas la livraison aux participants de certificats représentatifs de parts qui se trouvent inscrites à leur nom dans le registre des porteurs de parts détenu par l’émetteur.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: le français.

Top