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Document 62012TJ0431

Arrêt du Tribunal (huitième chambre élargie) du 3 mai 2018.
Distillerie Bonollo SpA e.a. contre Conseil de l'Union européenne.
Dumping – Importations d’acide tartrique originaire de Chine – Modification du droit antidumping définitif – Réexamen intermédiaire partiel – Recours en annulation – Affectation directe et individuelle – Recevabilité – Détermination de la valeur normale – Valeur normale construite – Changement de méthode – Traitement individuel – Article 2, paragraphe 7, sous a), et article 11, paragraphe 9, du règlement (CE) no 1225/2009 [devenus article 2, paragraphe 7, sous a), et article 11, paragraphe 9, du règlement (UE) 2016/1036] – Modulation dans le temps des effets d’une annulation.
Affaire T-431/12.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2018:251

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

3 mai 2018 ( *1 )

« Dumping – Importations d’acide tartrique originaire de Chine – Modification du droit antidumping définitif – Réexamen intermédiaire partiel – Recours en annulation – Affectation directe et individuelle – Recevabilité – Détermination de la valeur normale – Valeur normale construite – Changement de méthode – Traitement individuel – Article 2, paragraphe 7, sous a), et article 11, paragraphe 9, du règlement (CE) no 1225/2009 [devenus article 2, paragraphe 7, sous a), et article 11, paragraphe 9, du règlement (UE) 2016/1036] – Modulation dans le temps des effets d’une annulation »

Dans l’affaire T‑431/12,

Distillerie Bonollo SpA, établie à Formigine (Italie),

Industria Chimica Valenzana (ICV) SpA, établie à Borgoricco (Italie),

Distillerie Mazzari SpA, établie à Sant’Agata sul Santerno (Italie),

Caviro Distillerie Srl, établie à Faenza (Italie),

Comercial Química Sarasa, SL, établie à Madrid (Espagne),

représentées par M. R. MacLean, solicitor, et Me A. Bochon, avocat,

parties requérantes,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme S. Boelaert et M. B. Driessen, en qualité d’agents, assistés initialement de Me G. Berrisch, avocat, et Mme N. Chesaites, barrister, puis de Me Berrisch et enfin de Me N. Tuominen, avocat,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée initialement par M. M. França et Mme A. Stobiecka-Kuik, puis par MM. França et J.-F. Brakeland, en qualité d’agents,

et par

Changmao Biochemical Engineering Co. Ltd, établie à Changzhou (Chine), représentée par Mes E. Vermulst, S. Van Cutsem, F. Graafsma et J. Cornelis, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation du règlement d’exécution (UE) no 626/2012 du Conseil, du 26 juin 2012, modifiant le règlement d’exécution (UE) no 349/2012 du Conseil instituant un droit antidumping définitif sur les importations d’acide tartrique originaire de la République populaire de Chine (JO 2012, L 182, p. 1),

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie),

composé de M. A. M. Collins (rapporteur), président, Mme M. Kancheva, MM. E. Bieliūnas, R. Barents et J. Passer, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 17 octobre 2017,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1

L’acide tartrique est utilisé notamment comme additif alimentaire dans la production du vin et d’autres boissons et comme retardateur de prise pour le plâtre. Dans l’Union européenne ainsi qu’en Argentine, l’acide tartrique L+ est fabriqué à partir de sous-produits de la fabrication du vin, les lies de vin, qui sont transformés en tartrate de calcium et, par la suite, en acide tartrique. En Chine, l’acide tartrique L+ et l’acide tartrique DL sont fabriqués à partir du benzène, qui est transformé en anhydride maléique, puis en acide maléique et, enfin, en acide tartrique. L’acide tartrique fabriqué par synthèse chimique a les mêmes caractéristiques physiques et chimiques et est destiné aux mêmes utilisations de base que celui fabriqué à partir de sous-produits de la fabrication du vin.

2

Le 24 septembre 2004, la Commission européenne a été saisie d’une plainte relative à des pratiques de dumping dans le domaine de l’acide tartrique qu’ont déposée plusieurs producteurs européens, dont Comercial Química Sarasa, SL, Distillerie Mazzari SpA et Industria Chimica Valenzana (ICV) SpA.

3

Le 30 octobre 2004, la Commission a publié au Journal officiel de l’Union européenne l’avis d’ouverture d’une procédure antidumping concernant les importations d’acide tartrique originaire de la République populaire de Chine (JO 2004, C 267, p. 4).

4

Les producteurs à l’origine de la plainte ont fait connaître leur point de vue.

5

La Commission a effectué des visites de vérification dans les locaux d’une série de producteurs européens, dont les trois sociétés indiquées au point 2 ci-dessus et Distillerie Bonollo SpA.

6

Le 27 juillet 2005, la Commission a adopté le règlement (CE) no 1259/2005 instituant un droit antidumping provisoire sur les importations d’acide tartrique originaire de la République populaire de Chine (JO 2005, L 200, p. 73, ci-après le « règlement provisoire »).

7

Le 23 janvier 2006, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement (CE) no 130/2006 instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations d’acide tartrique originaire de la République populaire de Chine (JO 2006, L 23, p. 1, ci-après le « règlement définitif »).

8

À la suite de la publication, le 4 août 2010, d’un avis d’expiration prochaine de certaines mesures antidumping (JO 2010, C 211, p. 11), la Commission a reçu, le 27 octobre 2010, une demande de réexamen au titre de l’expiration de ces mesures, déposée par les requérantes, Caviro Distillerie Srl, Comercial Química Sarasa, Distillerie Bonollo, Distillerie Mazzari et Industria Chimica Valenzana.

9

Le 26 janvier 2011, la Commission a publié au Journal officiel de l’Union européenne l’avis d’ouverture d’un réexamen au titre de l’expiration et d’un réexamen des mesures antidumping applicables aux importations d’acide tartrique originaire de la République populaire de Chine (JO 2011, C 24, p. 14), en vertu du règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 343, p. 51, ci-après le « règlement de base ») [remplacé par le règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d'un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21)] et, plus précisément, de l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base (devenu article 11, paragraphe 2, du règlement 2016/1036).

10

Le 9 juin 2011, les requérantes ont déposé une demande de réexamen intermédiaire partiel concernant Changmao Biochemical Engineering Co. Ltd et Ninghai Organic Chemical Factory (ci-après les « deux producteurs-exportateurs chinois »), en vertu de l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base (devenu article 11, paragraphe 3, du règlement 2016/1036).

11

Le 29 juillet 2011, la Commission a publié au Journal officiel de l’Union européenne l’avis d’ouverture d’un réexamen intermédiaire partiel de mesures antidumping applicables aux importations d’acide tartrique originaires de la République populaire de Chine (JO 2011, C 223, p. 16), conformément à l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base.

12

Le 16 avril 2012, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) no 349/2012 instituant un droit antidumping définitif sur les importations d’acide tartrique originaire de la République populaire de Chine à l’issue d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures effectué en vertu de l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base (JO 2012, L 110, p. 3).

13

À la même date, la Commission a communiqué aux requérantes le document d’information finale contenant les faits et les considérations essentiels sur la base desquels elle envisageait de recommander la modification des mesures antidumping en vigueur.

14

Le même jour, les requérantes ont envoyé à la Commission une demande de clarifications relatives au calcul de la valeur normale.

15

Le 19 avril 2012, la Commission a communiqué sa réponse aux requérantes.

16

Le 25 avril 2012, les requérantes ont envoyé à la Commission leurs commentaires sur le document d’information finale, critiquant en particulier le prétendu changement de méthodologie utilisée pour calculer la valeur normale. Par ailleurs, les requérantes ont demandé une audition avec les représentants de la Commission.

17

Le 10 mai 2012, lors de l’audition avec les représentants de la Commission, les requérantes ont exprimé leurs objections sur la position de celle-ci. Elles ont par ailleurs soumis des observations écrites additionnelles les 16 mai et 7 juin 2012.

18

À l’issue de la procédure de réexamen intermédiaire partiel visant les deux producteurs-exportateurs chinois, le Conseil a adopté, le 26 juin 2012, le règlement d’exécution (UE) no 626/2012 modifiant le règlement d’exécution no 349/2012 (JO 2012, L 182, p. 1, ci-après le « règlement attaqué »).

19

En substance, le règlement attaqué refuse le statut d’entreprise opérant dans les conditions d’une économie de marché (ci-après le « SEM ») aux deux producteurs-exportateurs chinois et, après construction de la valeur normale sur la base des informations communiquées par un producteur ayant coopéré dans le pays analogue, à savoir l’Argentine, augmente le droit antidumping applicable aux produits fabriqués par les deux producteurs-exportateurs chinois, respectivement, de 10,1 à 13,1 % et de 4,7 à 8,3 %.

Procédure et conclusions des parties

20

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 septembre 2012, les requérantes ont introduit le présent recours.

21

Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 5 décembre 2012, les requérantes ont demandé la suspension de la procédure. Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 7 décembre 2012, le Conseil a demandé également la suspension de la procédure.

22

Le 13 décembre 2012, le président de la première chambre du Tribunal a accueilli la demande de suspension pour une période de deux ans, en application de l’article 77, sous c), du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991.

23

Par actes déposés au greffe du Tribunal les 31 janvier et 16 mai 2013, la Commission et Changmao Biochemical Engineering ont respectivement demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du Conseil.

24

Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 13 novembre 2014, les requérantes ont demandé le maintien de la suspension de la procédure. Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 19 novembre 2014, le Conseil a exprimé son accord sur cette demande.

25

Le 27 janvier 2015, le Tribunal a accueilli la demande de suspension jusqu’au 13 avril 2015, en application de l’article 77, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991.

26

Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 18 mai 2015, les requérantes ont demandé une suspension additionnelle de la procédure. Cependant, le Conseil s’étant opposé à cette demande par lettre déposée au greffe du Tribunal le 5 juin 2015, l’affaire n’a pas pu être suspendue sur le fondement de l’article 77, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991.

27

Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 29 juin 2015, le Conseil a soulevé une exception d’irrecevabilité, conformément à l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991.

28

Le 22 avril 2016, en application de l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, la présente affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur, affecté à la sixième chambre, qui, par ordonnance du 20 juillet 2016, a joint au fond l’exception d’irrecevabilité et a réservé les dépens.

29

Par décision du 9 septembre 2016 et par ordonnance du 15 septembre 2016, le président de la sixième chambre du Tribunal a admis les interventions de la Commission et de Changmao Biochemical Engineering, en précisant que, dès lors que leurs demandes d’intervention avaient été déposées après l’expiration du délai visé à l’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure du 2 mai 1991, elles seraient autorisées à présenter leurs observations lors de la procédure orale, sur la base du rapport d’audience qui leur aurait été communiqué.

30

La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la huitième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

31

Sur proposition de la huitième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

32

Les requérantes concluent, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

déclarer recevable le recours ;

annuler le règlement attaqué, tout en maintenant en vigueur ses effets jusqu’à l’adoption par le Conseil des mesures d’exécution que comporte l’arrêt du Tribunal ;

condamner le Conseil et toute partie intervenante aux dépens.

33

Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours comme irrecevable ;

à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

condamner les requérantes aux dépens.

34

Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, sous a), du règlement de procédure, a invité les parties à répondre à certaines questions écrites. Les parties ont répondu à ces questions dans les délais impartis.

35

Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 17 octobre 2017.

En droit

Sur la recevabilité

36

L’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil est fondée, d’une part, sur l’absence de qualité pour agir et, d’autre part, sur l’absence d’intérêt à agir des requérantes.

Sur la qualité pour agir

– Arguments des parties

37

Le Conseil soutient que le règlement attaqué se limite à augmenter légèrement le droit antidumping sur les importations d’acide tartrique fabriqué par les deux producteurs-exportateurs chinois, sans modifier les autres constatations opérées par le règlement d’exécution no 349/2012, telles que le dumping pratiqué par tout autre producteur-exportateur chinois, le préjudice important subi par l’industrie de l’Union, le lien de causalité entre le dumping et le préjudice et l’intérêt de l’Union à maintenir les mesures. Le Conseil ajoute que le règlement attaqué est un instrument juridique hybride. En effet, selon le Conseil, alors qu’il contient des décisions individuelles pour les deux producteurs-exportateurs chinois, il constitue une mesure d’application générale pour les requérantes. Aux fins de la recevabilité du recours, la situation des producteurs-exportateurs et des producteurs de l’Union, comme les requérantes, serait donc fondamentalement différente.

38

À cet égard, le Conseil considère que le fait que les requérantes aient été à l’origine de l’adoption du règlement attaqué, par leur demande de réexamen intermédiaire partiel, n’est pas décisif. Selon lui, si leur demande de réexamen avait été rejetée, les requérantes auraient pu contester cette décision. La procédure de réexamen intermédiaire partiel ayant été ouverte à la demande des requérantes, le règlement attaqué qui en résulte serait une mesure d’application générale pour celles-ci, qu’elles ne peuvent pas contester pour diverses raisons.

39

Premièrement, selon le Conseil, les requérantes ne sont pas directement concernées par le règlement attaqué, qui se limite à établir un droit antidumping révisé pour les deux producteurs-exportateurs chinois. À cet égard, le Conseil ajoute que la modification du taux du droit antidumping applicable aux importations des deux producteurs-exportateurs chinois n’est pas susceptible de produire des effets juridiques sur les requérantes, puisqu’elles ne paient pas de droit antidumping. Même si la révision du taux en cause était susceptible d’avoir un impact économique pour les producteurs de l’Union, y compris pour les requérantes, cela ne démontrerait pas l’effet juridique requis.

40

Les requérantes n’auraient pas un droit subjectif à l’institution de droits antidumping d’un certain niveau à l’égard de leurs concurrents. D’une part, l’imposition de droits antidumping serait subordonnée à l’existence d’un intérêt de l’Union. D’autre part, l’industrie de l’Union n’aurait pas de droit subjectif à ce qu’un droit d’un niveau précis soit fixé, puisque le niveau du droit dépend de données confidentielles d’autres parties et résulte de l’appréciation de situations économiques, politiques et juridiques complexes.

41

Deuxièmement, le Conseil fait valoir que les requérantes ne sont pas concernées individuellement par le règlement attaqué. La situation des requérantes, en tant que producteurs d’acide tartrique, serait analogue à celle de toute entité exerçant des activités sur le marché de l’acide tartrique de l’Union. À cet égard, il y aurait lieu de se référer par analogie à la jurisprudence en matière d’aides d’État, qui impliquerait que les requérantes démontrent que leur position sur le marché serait substantiellement affectée par la modification des droits antidumping introduite par le règlement attaqué. La seule circonstance qu’un acte soit susceptible d’exercer une certaine influence sur les rapports de concurrence existant dans le marché pertinent et que les requérantes se trouvent dans un quelconque rapport de concurrence avec le bénéficiaire de l’acte ne suffirait pour qu’elles puissent être considérées comme individuellement concernées.

42

Le Conseil rejette comme non étayée l’affirmation des requérantes selon laquelle l’industrie de l’acide tartrique de l’Union pourrait facilement disparaître, eu égard à la marge de bénéfice de l’industrie de l’Union au cours de la période d’enquête de réexamen.

43

De surcroît, le Conseil soutient que le fait que les requérantes aient participé activement à la procédure administrative n’est pas suffisant pour qu’elles soient considérées comme individuellement concernées. De plus, le niveau des droits antidumping ne serait pas fondé sur des données fournies par les requérantes, mais sur des données fournies par les deux producteurs-exportateurs chinois et par le producteur ayant coopéré dans le pays analogue ou sur des données accessibles publiquement.

44

Dans ce contexte, le Conseil considère que le fait que le règlement attaqué mentionne les requérantes explicitement est sans pertinence.

45

Lors de l’audience, la Commission a indiqué qu’elle soutenait les objections du Conseil concernant l’absence de qualité pour agir des requérantes. Cependant, en réponse aux questions du Tribunal, elle a précisé que le fait que les requérantes ne payent pas de droit antidumping est un élément à prendre en compte parmi d’autres, mais n’est pas décisif en soi pour déterminer si elles sont directement concernées par le règlement attaqué.

46

Les requérantes contestent les objections du Conseil concernant leur qualité pour agir et soutiennent qu’elles sont directement et individuellement concernées par le règlement attaqué.

– Appréciation du Tribunal

47

Aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

48

Les requérantes n’étant pas les destinataires du règlement attaqué, il y a lieu d’examiner d’abord si elles sont directement et individuellement concernées par celui-ci.

49

En ce qui concerne la question de savoir si les requérantes sont concernées de façon directe, cette condition exige, selon une formule fréquemment utilisée dans la jurisprudence, que l’acte de l’Union attaqué produise directement des effets sur la situation juridique de la partie requérante, d’une part, et qu’il n’existe aucun pouvoir d’appréciation laissé aux destinataires de cet acte qui sont chargés de sa mise en œuvre, cette mise en œuvre ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union sans application d’autres règles intermédiaires, d’autre part (ordonnances du 6 septembre 2011, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, T‑18/10, EU:T:2011:419, point 71, et du 14 janvier 2015, SolarWorld e.a./Commission, T‑507/13, EU:T:2015:23, point 40).

50

Étant donné que les États membres, chargés de mettre en œuvre le règlement attaqué, n’avaient aucune marge d’appréciation s’agissant du taux du droit antidumping et de l’imposition de ce droit aux produits visés [voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2014, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑643/11, EU:T:2014:1076, point 28 (non publié)], la seconde exigence mentionnée au point 49 ci-dessus est remplie.

51

En ce qui concerne la première de ces exigences, contrairement à ce que font valoir le Conseil et la Commission, une interprétation restrictive de l’exigence d’une affectation directe de la situation juridique des requérantes ne saurait être accueillie.

52

À cet égard, il convient de rappeler les conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (C‑583/11 P, EU:C:2013:21, point 71), selon lesquelles il n’est pas rare que la jurisprudence, parfaitement à bon droit, accueille comme étant recevables des recours en annulation formés par des particuliers contre des actes de l’Union dont les effets sur les parties requérantes ne sont pas des effets de droit, mais des effets essentiellement matériels en raison du fait, notamment, qu’elles sont directement concernées en leur qualité d’opérateurs livrés à la concurrence de leurs congénères.

53

En effet, si la position défendue par le Conseil et la Commission dans la présente affaire concernant la notion d’affectation directe était correcte, tout recours introduit par un producteur de l’Union contre un règlement imposant des droits antidumping devrait être systématiquement déclaré irrecevable, de même que tout recours introduit par un concurrent du bénéficiaire d’une aide déclarée compatible avec le marché intérieur par la Commission à l’issue de la procédure formelle d’examen et tout recours introduit par un concurrent contre une décision déclarant une concentration compatible avec le marché intérieur.

54

Or, ces types de recours ont été déclarés recevables par la jurisprudence à maintes reprises.

55

Premièrement, dans le domaine de l’antidumping, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 20 mars 1985, Timex/Conseil et Commission (264/82, EU:C:1985:119, points 12 à 16), qui concernait une situation extrêmement proche de celle de l’espèce, la Cour a explicitement jugé que le règlement en cause concernait directement la partie requérante, un producteur européen concurrent qui estimait que les droits antidumping imposés n’étaient pas suffisamment élevés. Par ailleurs, dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 8 juillet 1998, CECOM/Conseil (T‑232/95, EU:T:1998:158), et du 28 octobre 1999, EFMA/Conseil (T‑210/95, EU:T:1999:273), l’irrecevabilité des recours introduits par des associations de producteurs européens contre des règlements imposant des droits antidumping que ces producteurs considéraient comme n’étant pas satisfaisants n’a été soulevée ni par la partie défenderesse ni d’office.

56

Même si la jurisprudence a jugé irrecevable le recours introduit par un certain nombre de producteurs de l’Union appartenant à une association à l’origine d’une plainte antidumping contre la décision de la Commission d’accepter des engagements des producteurs-exportateurs dans le cadre d’une procédure antidumping, cette conclusion résultait du fait que cette décision avait été considérée comme ne produisant pas directement d’effets sur les parties requérantes, lesquels effets auraient éventuellement pu découler du règlement antidumping mettant en œuvre les engagements (voir, en ce sens, ordonnance du 14 janvier 2015, SolarWorld e.a./Commission, T‑507/13, EU:T:2015:23, points 48, 52 et 58, confirmée par ordonnance du 10 mars 2016, SolarWorld/Commission, C‑142/15 P, non publiée, EU:C:2016:163, points 24 à 28), ce qui est très différent du cas d’espèce.

57

Deuxièmement, dans le domaine des aides d’État, il a très souvent été jugé que des concurrents des entreprises bénéficiaires de l’aide étaient directement concernés par la décision de la Commission déclarant l’aide en cause compatible avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêts du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, EU:C:1986:42, point 30 ; du 27 avril 1995, ASPEC e.a./Commission, T‑435/93, EU:T:1995:79, points 60 et 61, et du 22 octobre 1996, Skibsværftsforeningen e.a./Commission, T‑266/94, EU:T:1996:153, point 49). À cet égard, il convient de préciser que la situation du concurrent du bénéficiaire d’une aide et celle du concurrent du producteur-exportateur dont les produits sont soumis à des droits antidumping prétendument insuffisants sont en substance comparables aux fins de l’analyse de la condition de l’affectation directe dans le cadre de la recevabilité du recours.

58

Troisièmement, il existe de nombreux exemples dans la jurisprudence de recours introduits par des concurrents contre des décisions déclarant des concentrations compatibles avec le marché intérieur dans lesquels la condition de l’affectation directe a été considérée comme remplie (arrêts du 19 mai 1994, Air France/Commission, T‑2/93, EU:T:1994:55, point 41 ; du 3 avril 2003, BaByliss/Commission, T‑114/02, EU:T:2003:100, point 89, et du 30 septembre 2003, ARD/Commission, T‑158/00, EU:T:2003:246, point 60). Il ressort en particulier de ces affaires que le caractère direct de l’affectation des parties requérantes a été reconnu, alors qu’elles n’étaient pas parties aux concentrations. En effet, dès lors que les décisions en cause dans ces affaires permettaient la réalisation immédiate de la concentration, elles étaient de nature à induire une modification immédiate de la situation des marchés concernés. En outre, le Tribunal a jugé que, dans la mesure où la volonté des parties à la concentration de réaliser cette dernière n’était pas sujette à caution, les opérateurs économiques intervenant sur les marchés concernés pouvaient, à la date de la décision qui était attaquée, tenir pour acquise une modification immédiate ou rapide de l’état du marché (arrêt du 4 juillet 2006, easyJet/Commission, T‑177/04, EU:T:2006:187, points 31 et 32).

59

Eu égard à ce qui précède, il convient d’observer que le règlement attaqué met fin à la procédure de réexamen intermédiaire partiel, engagée à la demande des requérantes, en modifiant les droits antidumping applicables aux importations des deux producteurs-exportateurs chinois. En effet, en introduisant leur demande de réexamen intermédiaire partiel en vertu de l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base, les requérantes ont cherché à obtenir que la Commission et le Conseil adoptent des mesures adéquates pour contrebalancer le dumping à l’origine de leur préjudice. Dans la mesure où les requérantes sont à l’origine de la procédure de réexamen intermédiaire partiel et où les mesures adoptées à l’issue de cette procédure étaient destinées à contrebalancer le dumping à l’origine du préjudice dont elles sont victimes en tant que producteurs-concurrents opérant sur le même marché, elles sont directement concernées par le règlement attaqué.

60

Les arguments avancés par le Conseil et la Commission ne sauraient infirmer cette conclusion.

61

Premièrement, il y a lieu de rejeter l’argument du Conseil relatif au fait que la modification des droits antidumping applicables n’est pas susceptible de produire des effets juridiques à l’égard des requérantes, car elles ne payent aucun droit antidumping. Cette circonstance n’est pas décisive en elle-même (voir, en ce sens, la jurisprudence citée au point 55 ci-dessus), comme la Commission l’a par ailleurs reconnu lors de l’audience.

62

Qui plus est, il y a lieu de rappeler que, comme les requérantes l’ont relevé à juste titre, les deux producteurs-exportateurs chinois n’ont pas à payer non plus de tels droits. En effet, ces droits sont acquittés par les importateurs dans l’Union. De plus, l’article 12 du règlement de base (devenu article 12 du règlement 2016/1036), lu à la lumière de ses considérants 16 et 18 (devenus considérants 17 et 19 du règlement 2016/1036), s’oppose à la prise en charge, ou « absorption », des droits antidumping par les producteurs-exportateurs.

63

Deuxièmement, il y a lieu de rejeter l’argument du Conseil, soutenu par la Commission lors de l’audience, selon lequel les requérantes n’ont pas un droit subjectif à l’institution de droits antidumping d’un certain niveau à l’égard de leurs concurrents. D’une part, aux fins d’apprécier la recevabilité du recours, il suffit d’examiner si le règlement attaqué affecte directement les requérantes, ce qui est le cas pour les raisons exposées ci-dessus. D’autre part, il convient de rappeler que, comme il ressort de la requête, les requérantes ne font pas valoir qu’elles ont un droit subjectif à l’institution de droits antidumping d’un niveau précis, mais se limitent à reprocher au Conseil et à la Commission la violation des règles prévues par le règlement de base dans le calcul de la valeur normale.

64

Troisièmement, il convient de rejeter également l’argument du Conseil, soutenu par la Commission lors de l’audience, en vertu duquel, une fois que lui-même et la Commission acceptent d’engager la procédure de réexamen intermédiaire partiel, les requérantes ne sauraient contester l’issue de cette procédure. Il ressort en particulier du point 16 de l’exception d’irrecevabilité et du point 23 de la duplique que cet argument semble s’appuyer sur deux considérations, à savoir que, d’une part, l’issue de cette procédure ne saurait aboutir à un résultat moins favorable pour l’industrie de l’Union, car les droits antidumping seront soit augmentés soit maintenus à leur niveau, et que, d’autre part, l’acte adopté à l’issue de cette procédure serait une mesure de portée générale pour les requérantes.

65

Le second aspect de cet argument sera examiné dans le cadre de l’appréciation de la condition relative à l’affectation individuelle aux points 74 à 91 ci-après. S’agissant du premier aspect de l’argument, il ne saurait être accueilli pour deux raisons. D’une part, le Conseil ne fait référence à aucune règle de droit qui empêcherait que lui-même et la Commission décident d’imposer des droits antidumping moins élevés à l’issue de la procédure de réexamen intermédiaire, à laquelle peuvent participer par ailleurs les producteurs-exportateurs visés. En effet, il ne saurait être préjugé des conclusions de l’enquête de réexamen, qui pourrait mener à l’utilisation d’une méthode différente s’il y avait un changement des circonstances au sens de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base (devenu article 11, paragraphe 9, du règlement 2016/1036) ou si la méthode initialement utilisée s’avérait contraire aux dispositions de l’article 2 du règlement de base (devenu article 2 du règlement 2016/1036) (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2008, Huvis/Conseil, T‑221/05, non publié, EU:T:2008:258, points 41 et 42). D’autre part, si la position du Conseil et de la Commission était acceptée, ils auraient la possibilité d’échapper de facto au contrôle du juge en se limitant à augmenter de manière purement marginale les droits antidumping à la suite de toute demande de réexamen intermédiaire de l’industrie de l’Union, même si l’application correcte des dispositions du règlement de base aurait dû conduire à une augmentation significativement supérieure. Une telle possibilité ne saurait être acceptée.

66

Quatrièmement, il y a lieu de rejeter les arguments avancés par le Conseil sur le fondement de la jurisprudence afin de contester l’affectation directe des requérantes.

67

D’abord, le Conseil cite le point 75 de l’ordonnance du 6 septembre 2011, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (T‑18/10, EU:T:2011:419), selon lequel s’il ne saurait être exclu que l’interdiction générale de mise sur le marché prévue par le règlement en cause puisse avoir des répercussions sur l’activité des personnes intervenant en amont ou en aval de cette mise sur le marché, il n’en demeure pas moins que de telles répercussions ne peuvent être considérées comme découlant directement de celui-ci. Ce point précise également que, « en ce qui concerne d’éventuelles conséquences économiques de cette interdiction, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, ces dernières ne concernent pas la situation juridique, mais uniquement la situation de fait des requérants ».

68

À cet égard, il ressort de la lecture d’ensemble du point 75 de l’ordonnance du 6 septembre 2011, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (T‑18/10, EU:T:2011:419), qu’il portait sur la question de savoir si un règlement concernant la mise sur le marché de produits dérivés du phoque produisait des effets directs uniquement sur la situation de ceux qui étaient actifs sur ce marché ou s’il produisait des effets directs aussi sur la situation de personnes opérant en amont, comme les chasseurs, ce que le Tribunal a exclu en considérant que les éventuels effets seraient indirects. Cette interprétation est par ailleurs confirmée par les points 73 à 75 des conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (C‑583/11 P, EU:C:2013:21). Dès lors, le Conseil ne saurait invoquer au soutien de sa thèse l’ordonnance du 6 septembre 2011, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (T‑18/10, EU:T:2011:419), dont les circonstances et la problématique diffèrent fondamentalement du cas d’espèce.

69

Le Conseil se réfère également au point 40 de l’ordonnance du 7 juillet 2014, Group’Hygiène/Commission (T‑202/13, EU:T:2014:664), concernant un recours en annulation contre une directive. Il résulte des points 36 à 40 de cette ordonnance que ce sont les dispositions nationales transposant la directive, et non celle-ci, qui sont susceptibles de produire des effets juridiques sur la situation de la partie requérante. Dans ce contexte, le Tribunal a jugé que cette dernière ne pouvait pas se fonder sur les prétendues répercussions financières résultant de la directive pour démontrer qu’elle la concernait directement.

70

Force est de constater que les circonstances et la problématique de l’ordonnance du 7 juillet 2014, Group’Hygiène/Commission (T‑202/13, EU:T:2014:664), ne sont pas comparables à celles du cas présent. En l’espèce, les requérantes n’attaquent pas une directive et il n’existe pas de mesure nationale de transposition susceptible de les affecter directement. En réalité, comme le Conseil l’a reconnu dans sa réponse aux questions écrites du Tribunal et lors de l’audience, le règlement attaqué ne comporte aucune mesure d’exécution sur le plan national à l’égard des requérantes. Si le Conseil se prévaut des considérations énoncées, à titre surabondant, au point 40 de l’ordonnance du 7 juillet 2014, Group’Hygiène/Commission (T‑202/13, EU:T:2014:664), relatives à l’absence d’affectation directe de la situation juridique de la partie requérante, il n’en demeure pas moins que la situation particulière de la partie requérante en l’espèce ne paraît pas transposable au présent litige alors que, ainsi qu’il est rappelé au point 52 ci-dessus, la jurisprudence admet la recevabilité des recours en annulation formés contre des actes de l’Union dont les effets sur les parties requérantes sont essentiellement des effets matériels.

71

Enfin, le Conseil cite les points 78, 79 et 87 de l’arrêt du 9 juin 2016, Growth Energy et Renewable Fuels Association/Conseil (T‑276/13, sous pourvoi, EU:T:2016:340), au soutien de ses arguments concernant l’absence d’affectation directe.

72

Il convient de relever que les points 75 à 87 de l’arrêt du 9 juin 2016, Growth Energy et Renewable Fuels Association/Conseil (T‑276/13, sous pourvoi, EU:T:2016:340), concernaient une question différente de celle de l’espèce. En particulier, ils portaient sur l’examen de la qualité pour agir à titre individuel, et donc indépendamment de la qualité pour agir, en tant que représentantes de leurs membres, de deux associations de producteurs américains dont les produits avaient été assujettis à des droits antidumping. Dans ce contexte, le Tribunal a jugé que les associations requérantes n’étaient pas affectées à titre individuel par le règlement antidumping visant les produits de leurs membres, sauf en ce qui concernait un moyen relatif à la protection de leurs droits procéduraux en raison de leur propre participation à la procédure antidumping. Il en résulte que les points 78, 79 et 87 de l’arrêt du 9 juin 2016, Growth Energy et Renewable Fuels Association/Conseil (T‑276/13, sous pourvoi, EU:T:2016:340) ne sauraient soutenir la thèse du Conseil.

73

Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que les requérantes sont directement concernées par le règlement attaqué.

74

Pour ce qui est de la question de savoir si les requérantes sont individuellement concernées, il ressort de la jurisprudence que les sujets autres que les destinataires d’un acte ne sauraient prétendre être concernés au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE que si cet acte les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle du destinataire (arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223).

75

S’agissant, plus particulièrement, du domaine de l’antidumping, s’il est vrai que, au regard des critères de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, les règlements instituant des droits antidumping ont, par leur nature et leur portée, un caractère normatif, en ce qu’ils s’appliquent à la généralité des opérateurs économiques intéressés, il n’est pas exclu pour autant que certaines dispositions de ces règlements puissent concerner individuellement certains opérateurs économiques (voir, en ce sens, arrêt du 16 avril 2015, TMK Europe, C‑143/14, EU:C:2015:236, point 19).

76

Il en résulte que les actes portant institution de droits antidumping peuvent, sans perdre leur caractère réglementaire, concerner, dans certaines circonstances, individuellement certains opérateurs économiques, qui ont, dès lors, qualité pour introduire un recours en annulation de ces actes (arrêt du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil, C‑358/89, EU:C:1991:214, point 14).

77

La reconnaissance du droit de certaines catégories d’opérateurs économiques d’introduire un recours en annulation contre un règlement antidumping ne saurait cependant empêcher que d’autres opérateurs puissent également être individuellement concernés par un tel règlement (arrêts du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil, C‑358/89, EU:C:1991:214, point 16, et du 16 avril 2015, TMK Europe, C‑143/14, EU:C:2015:236, point 22). À cet égard, il importe de souligner qu’il n’existe pas de liste exhaustive des critères auxquels devrait correspondre la situation des requérantes, qui peuvent ainsi se référer à l’existence d’un ensemble d’éléments constitutifs d’une telle situation particulière (voir, en ce sens, arrêt du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil, C‑358/89, EU:C:1991:214, point 17).

78

Aux fins de cette analyse, il y a lieu d’examiner, d’une part, le rôle des requérantes dans le cadre de la procédure antidumping et, d’autre part, leur position sur le marché visé par le règlement attaqué (voir, en ce sens, arrêts du 20 mars 1985, Timex/Conseil et Commission, 264/82, EU:C:1985:119, points 12 à 15 ; du 9 juin 2016, Growth Energy et Renewable Fuels Association/Conseil, T‑276/13, sous pourvoi, EU:T:2016:340, point 122, et du 9 juin 2016, Marquis Energy/Conseil, T‑277/13, non publié, sous pourvoi, EU:T:2016:343, point 84).

79

Premièrement, il ressort de la jurisprudence que la participation active de la partie requérante à la procédure administrative, par exemple par le biais d’une plainte, la communication de données, le dépôt d’observations écrites ou la participation à une audition, constitue un élément pertinent afin d’établir l’affectation individuelle de celle-ci (voir, en ce sens, arrêts du 16 avril 2015, TMK Europe, C‑143/14, EU:C:2015:236, points 24 à 26, et du 9 juin 2016, Growth Energy et Renewable Fuels Association/Conseil, T‑276/13, sous pourvoi, EU:T:2016:340, points 123 à 127).

80

Deuxièmement, afin d’apprécier l’affectation de la position d’une partie requérante sur le marché, le juge de l’Union se fonde sur une série d’éléments tels que la structure concentrée ou fragmentée du marché, la position de la partie requérante et du concurrent en cause en termes absolus et relatifs sur le marché ou l’ampleur de l’impact de l’acte litigieux sur les activités de la partie requérante (voir, en ce sens, arrêts du 20 mars 1985, Timex/Conseil et Commission, 264/82, EU:C:1985:119, point 15 ; du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil, C‑358/89, EU:C:1991:214, point 17 ; du 9 juin 2016, Growth Energy et Renewable Fuels Association/Conseil, T‑276/13, sous pourvoi, EU:T:2016:340, point 128, et du 9 juin 2016, Marquis Energy/Conseil, T‑277/13, non publié, sous pourvoi, EU:T:2016:343, point 90).

81

Il peut se déduire de l’appréciation faite de ce faisceau d’éléments par le juge de l’Union que plus les rapports de concurrence entre la partie requérante et le concurrent en cause sont directs, soit parce que le nombre d’opérateurs actifs sur le marché est réduit, soit parce que l’entreprise en cause est le concurrent principal de la partie requérante, et plus importantes sont les conséquences négatives pour cette dernière, plus il y a lieu de conclure qu’elle est individuellement concernée par l’acte attaqué.

82

C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner la situation des requérantes afin de déterminer si elles sont individuellement concernées par le règlement attaqué.

83

En premier lieu, s’agissant de leur participation à la procédure administrative, critère ni indispensable ni suffisant en soi, mais néanmoins pertinent, il ressort du considérant 2 du règlement attaqué que les requérantes ont été à l’origine de la procédure de réexamen intermédiaire partiel du fait de leur demande introduite, le 9 juin 2011, en vertu de l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base. De plus, il ressort également du considérant 2 du règlement attaqué que les requérantes y sont identifiées nominativement, ce qui est un élément pertinent conjointement avec d’autres pour apprécier leur affectation individuelle, contrairement à ce que le Conseil prétend. Par ailleurs, elles ont soumis des observations écrites au moins à cinq reprises pendant la procédure de réexamen intermédiaire, concernant le rejet du SEM aux deux producteurs-exportateurs chinois et la méthodologie de calcul de la valeur normale appliquée par la Commission. Elles ont également participé à une réunion avec les représentants de la Commission le 10 mai 2012. De plus, il ressort en particulier des considérants 39 et 41 du règlement attaqué que celui-ci réfute explicitement certains arguments avancés par les requérantes pendant la procédure de réexamen.

84

Il en résulte que les requérantes ont activement participé à la procédure administrative et ont contribué significativement à son déroulement, ainsi qu’à son résultat.

85

En second lieu, s’agissant du critère relatif à l’affectation de la position des requérantes sur le marché, même si la jurisprudence traditionnelle en matière d’antidumping ne reprend pas de manière générale l’exigence que l’affectation de la position de la partie requérante sur le marché concerné soit substantielle, comme en matière d’aides d’État, le raisonnement appliqué est matériellement identique. De plus, les requérantes n’avancent aucune raison de principe permettant de justifier l’application de critères de recevabilité moins stricts en matière d’antidumping, comme elles le prétendent. Par ailleurs, la jurisprudence plus récente du Tribunal fait référence à l’exigence d’une affectation substantielle de la position sur le marché (voir, en ce sens, arrêts du 9 juin 2016, Growth Energy et Renewable Fuels Association/Conseil, T‑276/13, sous pourvoi, EU:T:2016:340, points 122 et 128, et du9 juin 2016, Marquis Energy/Conseil, T‑277/13, non publié, sous pourvoi, EU:T:2016:343, points 84 et 90). Dès lors, l’argument du Conseil selon lequel il appartient aux requérantes de démontrer que leur position sur le marché a été substantiellement affectée est fondé.

86

En ce qui concerne la condition de l’affectation substantielle de la position des requérantes sur le marché eu égard aux circonstances du cas d’espèce, il convient de relever d’abord que le Conseil lui-même admet que le règlement attaqué ne remet pas en question les constatations établies par le règlement d’exécution no 349/2012 concernant l’existence d’un préjudice important subi par l’industrie de l’Union ainsi que l’existence d’un lien de causalité entre les importations en provenance de Chine, y compris celles des deux producteurs-exportateurs chinois, et ledit préjudice. Ces constatations, d’ailleurs non contestées par les parties, sont importantes pour établir si les requérantes étaient individuellement concernées par le règlement attaqué, qui visait à adopter des mesures antidumping appropriées.

87

Plus spécifiquement, les requérantes soutiennent que leur production représente 73 % de la production d’acide tartrique par l’industrie de l’Union, sans que cela soit contredit par le Conseil et la Commission. Lors de l’audience, la Commission a relevé que l’industrie de l’Union avait une part de marché de 44 % en 2012. Les requérantes ont également fait valoir lors de l’audience, sans que cela soit contesté par le Conseil et la Commission, que figuraient parmi elles les principaux producteurs de l’industrie de l’Union, y compris le producteur le plus important, à savoir Distillerie Mazzari. De surcroît, il ressort des écritures des requérantes et du considérant 58 du règlement d’exécution no 349/2012 que le marché en cause se caractérise par un nombre restreint de producteurs dans l’Union et qu’il est donc relativement concentré.

88

En outre, les requérantes soutiennent que, en tant que concurrentes des deux producteurs-exportateurs chinois, elles ont subi les effets négatifs graves des pratiques de dumping, en particulier des pertes de parts de marché et des pertes d’emplois de 28 %, et que de telles pratiques risqueraient de les faire disparaître. Même si le Conseil conteste le prétendu risque de disparition des requérantes, force est de constater que les considérants 75 et 77 du règlement d’exécution no 349/2012, adopté seulement deux mois avant le règlement attaqué, font état d’une réduction de la part de marché des producteurs de l’Union de plus de 7 points entre 2007 et 2010 ainsi que d’une réduction de 28 % du niveau d’emploi pendant la même période. Par ailleurs, le considérant 80 du règlement d’exécution no 349/2012 indique que l’industrie de l’Union restait vulnérable aux effets préjudiciables du dumping. Dès lors, il ne peut être nié que les requérantes subissaient les effets négatifs graves des pratiques de dumping que le règlement attaqué visait à éliminer. De plus, selon le considérant 62 du règlement d’exécution no 349/2012, le volume des importations dans l’Union du produit en cause provenant de producteurs-exportateurs chinois faisant l’objet de mesures antidumping a atteint une part de marché de plus de 12 % en 2010, ce qui est considérable.

89

Lors de l’audience, la Commission a fait valoir que les considérations relatives à Changmao Biochemical Engineering, présente à l’audience, ne sauraient être prises en compte afin d’examiner l’affectation substantielle de la position sur le marché des requérantes. Cet argument ne saurait être accueilli pour plusieurs raisons. D’abord, il y a lieu de rappeler que le règlement attaqué visait à adopter des droits antidumping appropriés pour contrebalancer le dumping lié aux importations des produits de Changmao Biochemical Engineering et de Ninghai Organic Chemical Factory. De plus, des importations de produits de Changmao Biochemical Engineering ont effectivement eu lieu. Par ailleurs, au moment de l’introduction du recours, aucune raison ne s’opposait à la prise en compte de considérations relatives à Changmao Biochemical Engineering afin d’établir si les requérantes étaient individuellement concernées. En outre, il convient de relever que l’arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil (T‑442/12, EU:T:2017:372), a annulé le règlement attaqué uniquement en raison d’une violation des droits de la défense à l’égard de Changmao Biochemical Engineering. Enfin, comme il est indiqué aux points 105 à 113 ci-après, les requérantes conservent un intérêt à agir également afin d’éviter que les illégalités reprochées ne se reproduisent à l’avenir, notamment dans le contexte du maintien envisagé des droits antidumping.

90

À cet égard, il y a lieu de relever que, le 19 avril 2017, la Commission a publié au Journal officiel de l’Union européenne l’avis d’ouverture d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures antidumping applicables aux importations d’acide tartrique originaire de la République populaire de Chine (JO 2017, C 122, p. 8), en vertu de l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base. Il en résulte que le Conseil et la Commission envisagent le maintien des droits antidumping concernant les produits de tous les producteurs-exportateurs visés, dont Changmao Biochemical Engineering.

91

Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que les requérantes présentent des qualités particulières en tant que concurrentes des deux producteurs-exportateurs chinois et sont dans une situation de fait qui les caractérise et les individualise d’une manière analogue à celle des destinataires du règlement attaqué.

92

Par ailleurs, étant donné qu’il n’impose pas de droits antidumping sur les produits des requérantes, le règlement attaqué n’est pas susceptible en principe de comporter des mesures d’exécution sur le plan national à l’égard de celles-ci, à la différence de la situation du producteur-exportateur ou de l’importateur de produits soumis à des droits antidumping (voir, en ce sens, ordonnance du 21 janvier 2014, Bricmate/Conseil, T‑596/11, non publiée, EU:T:2014:53, points 71 à 73). Il en résulte que les requérantes ne disposent pas en principe de voies de recours alternatives sur le plan national afin de faire valoir la prétendue illégalité du règlement attaqué.

93

Même si une telle circonstance ne saurait aboutir à écarter la condition relative à l’affectation individuelle, qui est expressément prévue par le traité FUE, il y a lieu de rappeler que la condition selon laquelle une personne ne peut former un recours contre un règlement que si elle est concernée non seulement directement mais également individuellement doit être interprétée à la lumière du droit à une protection juridictionnelle effective compte tenu des diverses circonstances qui sont de nature à individualiser une partie requérante (voir, en ce sens, arrêts du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, EU:C:2002:462, point 44 ; du 1er avril 2004, Commission/Jégo-Quéré, C‑263/02 P, EU:C:2004:210, point 36, et du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 44).

94

À la lumière de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de considérer que les requérantes sont directement et individuellement concernées par le règlement attaqué, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, deuxième membre de phrase, TFUE.

95

Eu égard à cette conclusion, il n’y a pas lieu pour le Tribunal de se prononcer sur la qualité pour agir des requérantes au titre de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE, concernant la recevabilité d’un recours formé contre un acte réglementaire qui concerne la partie requérante directement et qui ne comporte pas de mesures d’exécution, questions sur lesquelles les parties se sont prononcées en réponse aux questions écrites du Tribunal et lors de l’audience.

Sur l’intérêt à agir

– Arguments des parties

96

Le Conseil fait valoir que les requérantes n’ont aucun intérêt dans l’annulation du règlement attaqué, car cette annulation impliquerait que les droits antidumping établis par le règlement d’exécution no 349/2012, moins élevés, deviendraient rétroactivement applicables dès la date d’entrée en vigueur du règlement attaqué.

97

Il ajoute que les conditions pour le maintien des effets du règlement attaqué en vertu de l’article 264, second alinéa, TFUE ne sont pas remplies. En particulier, il ne saurait être omis de tenir compte de l’intérêt des importateurs, qui devraient s’acquitter de droits antidumping illégaux jusqu’à l’adoption d’un nouveau règlement.

98

En réponse aux questions écrites du Tribunal sur les conséquences de l’arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil (T‑442/12, EU:T:2017:372), le Conseil soutient que le présent litige est devenu sans objet en ce qui concerne les droits antidumping imposés sur les produits de Changmao Biochemical Engineering. Dès lors, l’objet du présent litige serait limité aux droits antidumping imposés sur les produits de Ninghai Organic Chemical Factory.

99

En ce qui concerne la question de l’intérêt à agir, la Commission a fait valoir lors de l’audience que la nature des illégalités reprochées n’était pas telle qu’elles étaient susceptibles de se reproduire à l’avenir indépendamment des circonstances de la présente affaire, au sens de l’arrêt du 15 décembre 2016, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil (T‑199/04 RENV, non publié, sous pourvoi, EU:T:2016:740). En réalité, les illégalités reprochées seraient étroitement liées aux circonstances de l’affaire.

100

Les requérantes contestent les objections concernant leur intérêt à agir.

– Appréciation du Tribunal

101

Selon une jurisprudence constante, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où la partie requérante dispose d’un intérêt à voir annuler l’acte en cause (voir arrêt du 20 juin 2001, Euroalliages/Commission, T‑188/99, EU:T:2001:166, point 26 et jurisprudence citée). Cela suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du 17 avril 2008, Flaherty e.a./Commission, C‑373/06 P, C‑379/06 P et C‑382/06 P, EU:C:2008:230, point 25 et jurisprudence citée).

102

En l’espèce, les requérantes ne demandent pas l’imposition rétroactive de droits antidumping plus élevés mais le remplacement des droits résultant du règlement attaqué à partir de la date d’adoption de l’éventuel nouveau règlement du Conseil. Dès lors, contrairement à ce que soutient le Conseil, il ne peut pas en être inféré que la demande des requérantes ignore des considérations impérieuses de sécurité juridique tenant à l’ensemble des intérêts, tant publics que privés, en jeu (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2010, Winner Wetten, C‑409/06, EU:C:2010:503, point 66).

103

À cet égard, il convient de rappeler que, lorsqu’un recours vise, non pas à la suppression des effets résultant de l’acte attaqué, mais à leur remplacement par une mesure de portée plus sévère comportant l’imposition d’un droit antidumping plus élevé, le juge de l’Union peut faire usage de la faculté conférée par l’article 264, second alinéa, TFUE afin de maintenir le droit antidumping institué par le règlement qui est attaqué jusqu’à ce que les institutions compétentes aient pris les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt (arrêt du 20 mars 1985, Timex/Conseil et Commission, 264/82, EU:C:1985:119, point 32 ; voir également, par analogie, arrêt du 29 juin 2000, Medici Grimm/Conseil, T‑7/99, EU:T:2000:175, point 55).

104

Dans ces conditions, les requérantes ont un intérêt à demander l’annulation du règlement attaqué, qui est susceptible de leur procurer un bénéfice. Partant, l’argument du Conseil doit être rejeté.

105

S’agissant de la question des effets de l’arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil (T‑442/12, EU:T:2017:372), ainsi qu’il ressort des réponses aux questions écrites du Tribunal, les parties s’accordent sur le fait que le présent litige n’est pas devenu entièrement sans objet en raison de cet arrêt, dans la mesure où le Conseil ne conteste pas que le présent litige conserve son objet au moins en ce qui concerne l’application du règlement attaqué aux produits de Ninghai Organic Chemical Factory.

106

En effet, le règlement attaqué a été annulé uniquement en ce qui concerne Changmao Biochemical Engineering et il reste donc pleinement en vigueur en ce qui concerne les produits de l’autre producteur-exportateur visé, à savoir Ninghai Organic Chemical Factory. Par ailleurs, il a été annulé en raison d’une violation des droits de la défense.

107

Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’annulation d’un acte pour violation des formes substantielles, la procédure visant à remplacer l’acte annulé peut en principe être reprise au point précis dans lequel l’illégalité est intervenue (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, points 45 et 73).

108

Il ressort également de la jurisprudence qu’une partie requérante peut conserver un intérêt à demander l’annulation d’un acte d’une institution de l’Union pour permettre d’éviter que l’illégalité dont celui-ci est prétendument entaché ne se reproduise à l’avenir (arrêts du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, point 50, et du 18 mars 2009, Shanghai Excell M&E Enterprise et Shanghai Adeptech Precision/Conseil, T‑299/05, EU:T:2009:72, point 48).

109

À cet égard, il convient de relever que, dans le cadre du présent recours, les requérantes contestent à plusieurs titres la méthode choisie par le Conseil et la Commission, dans le règlement attaqué, pour calculer la valeur normale et dès lors la marge de dumping, méthode qui est susceptible d’être reprise à l’avenir, notamment s’agissant des importations d’acide tartrique originaire de Chine.

110

Par ailleurs, il y a lieu de rejeter l’argument de la Commission tiré de l’arrêt du 15 décembre 2016, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil (T‑199/04 RENV, non publié, sous pourvoi, EU:T:2016:740), selon lequel les irrégularités reprochées en l’espèce seraient étroitement liées aux circonstances de l’affaire et ne sauraient se reproduire indépendamment de celle-ci. D’une part, l’utilisation d’une méthode erronée pour calculer la valeur normale est susceptible de se reproduire à l’avenir indépendamment des circonstances de l’espèce. D’autre part, l’élément déterminant mentionné dans l’arrêt du 15 décembre 2016, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil (T‑199/04 RENV, non publié, sous pourvoi, EU:T:2016:740) est le fait que les irrégularités soient susceptibles de se reproduire à l’avenir, même si l’acte attaqué a cessé de produire ses effets, et non que cette possibilité existe indépendamment des circonstances de l’affaire.

111

De plus, comme il est indiqué au point 90 ci-dessus, le 19 avril 2017, la Commission a publié l’avis d’ouverture d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures antidumping applicables aux importations d’acide tartrique originaire de Chine.

112

Il en résulte que la Commission envisage à présent le maintien des mesures découlant du règlement attaqué qui restent en vigueur s’agissant des produits de Ninghai Organic Chemical Factory, sans préjudice de la possibilité de prendre les mesures appropriées afin de corriger la violation des formes substantielles constatée, s’agissant de Changmao Biochemical Engineering, par l’arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil (T‑442/12, EU:T:2017:372).

113

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, les requérantes conservent un intérêt à agir. Partant, le recours doit être déclaré recevable.

Sur le fond

114

Au soutien du recours, les requérantes avancent cinq moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base en raison du changement de la méthodologie utilisée pour calculer la valeur normale, le deuxième, de la violation de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base [devenu article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement 2016/1036], lu conjointement avec l’article 2, paragraphes 1 à 3, du règlement de base (devenu article 2, paragraphes 1 à 3, du règlement 2016/1036), du fait du recours à une valeur normale construite plutôt qu’aux prix de vente intérieurs effectifs pratiqués dans le pays analogue, le troisième, de la violation de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base dans la construction de la valeur normale sur la base des coûts dans un pays autre que le pays analogue, le quatrième, de la violation de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base dans la construction de la valeur normale en recourant à une matière première qui n’était pas équivalente et, le cinquième, de la violation des droits de la défense et de l’obligation de motivation.

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base

– Arguments des parties

115

Par le premier moyen, les requérantes soutiennent que le règlement attaqué viole l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base dans la mesure où le Conseil a changé la méthodologie utilisée pour calculer la valeur normale, sans que cela soit justifié par un changement de circonstances. En particulier, elles reprochent au règlement attaqué d’avoir construit la valeur normale plutôt que d’avoir utilisé les prix de vente intérieurs effectifs.

116

Même si les requérantes admettent qu’il était inévitable de changer la méthodologie pour les deux producteurs-exportateurs chinois, qui n’étaient plus éligibles au SEM, en utilisant un pays analogue, elles considèrent que le Conseil aurait dû se fonder sur les prix de vente intérieurs effectifs dans le pays analogue, comme il avait fait lors de l’enquête initiale pour les producteurs-exportateurs n’ayant pas demandé le SEM.

117

Le Conseil, soutenu par la Commission en ce qui concerne ce moyen, rejette les arguments des requérantes.

118

Plus précisément, le Conseil relève que, lors de l’enquête initiale, les deux producteurs-exportateurs chinois ont bénéficié du SEM et, dès lors, la valeur normale a été établie sur la base de leurs prix de vente intérieurs effectifs, en vertu de l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base [devenu article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement 2016/1036]. Selon le Conseil, compte tenu du fait que le règlement attaqué a conclu que les conditions leur permettant de bénéficier du SEM n’étaient plus remplies, la méthode utilisée lors de l’enquête initiale pour les deux producteurs-exportateurs chinois ne pouvait plus être utilisée et la valeur normale devait être calculée conformément à l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base. Dès lors, l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base ne serait pas applicable en l’espèce.

119

Le Conseil considère que, en réalité, les requérantes prétendent que le règlement attaqué aurait dû appliquer aux deux producteurs-exportateurs chinois la même méthode que celle utilisée lors de l’enquête initiale vis-à-vis des autres producteurs-exportateurs n’ayant pas coopéré. Selon lui, cet argument doit être rejeté, car l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base concerne l’application de la même méthode à la même entité économique lors des enquêtes initiale et de réexamen. Dès lors, le Conseil rejette l’argument selon lequel une enquête unique serait menée pour toutes les exportations du produit concerné en provenance de Chine. En réalité, de nombreuses méthodes seraient appliquées simultanément lors d’une enquête en fonction de la situation spécifique de chaque producteur-exportateur, selon qu’il est ou non retenu dans l’échantillon et qu’il coopère ou non.

120

De plus, l’interprétation des requérantes effacerait toute distinction entre les producteurs-exportateurs ayant coopéré et les producteurs-exportateurs n’ayant pas coopéré, ce qui serait contraire au principe de non-discrimination.

121

Par ailleurs, le Conseil relève que, lors de l’enquête initiale, les marges de dumping des deux producteurs-exportateurs chinois ont été calculées à partir de données relatives au processus de production synthétique. L’interprétation des requérantes conduirait à fonder pour la première fois le calcul de la valeur normale sur des données relatives au processus de production naturel, alors que le prix à l’exportation serait toujours calculé sur des données relatives au processus de production synthétique, ce qui fausserait leur comparaison.

122

Enfin, le Conseil fait référence à l’obligation d’effectuer une comparaison équitable, résultant de l’article 11, paragraphe 9, lu conjointement avec l’article 2, paragraphes 10 et 11, du règlement de base (devenu article 2, paragraphes 10 et 11, du règlement 2016/1036). Même s’il admet que l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base concerne la comparaison entre la valeur normale et le prix à l’exportation, cette disposition impliquerait également qu’il doive veiller à ce que le calcul de la valeur normale soit effectué de manière à permettre que la comparaison ultérieure soit équitable. En l’espèce, compte tenu des différences dans les procédés de production en Argentine et en Chine, il aurait été inéquitable de se fonder sur les prix de vente effectifs du producteur argentin.

– Appréciation du Tribunal

123

Par le premier moyen, les requérantes reprochent en substance au Conseil d’avoir construit la valeur normale utilisée pour calculer la marge de dumping des deux producteurs-exportateurs chinois, plutôt que d’avoir utilisé les prix de vente intérieurs effectifs dans le pays analogue, comme il l’avait fait pour les producteurs ne bénéficiant pas du SEM lors de l’enquête initiale. Selon les requérantes, un tel procédé serait contraire à l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base.

124

À cet égard, il y a lieu de rappeler que les règles pour calculer la valeur normale sont définies à l’article 2, paragraphes 1 à 7, du règlement de base (devenu article 2, paragraphes 1 à 7, du règlement 2016/1036). Pour les importations en provenance d’un pays n’ayant pas une économie de marché, qui est membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à la date de l’ouverture de l’enquête, la valeur normale est déterminée en principe selon la méthode spécifique prévue à l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base. Selon cette méthode, la valeur normale est déterminée notamment sur la base du prix ou de la valeur construite dans un pays tiers à économie de marché, à savoir le pays analogue.

125

Par exception, en vertu de l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base, en ce qui concerne les importations en provenance d’un pays n’ayant pas une économie de marché, la valeur normale est déterminée conformément à l’article 2, paragraphes 1 à 6, de ce règlement lorsqu’il est établi que les conditions d’une économie de marché prévalent pour ce ou ces producteurs (voir, en ce sens, arrêts du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, T‑35/01, EU:T:2004:317, point 50, et du 26 septembre 2012, LIS/Commission, T‑269/10, non publié, EU:T:2012:474, point 39). Il convient de rappeler que l’article 2, paragraphes 1 à 6, du règlement de base contient les règles applicables à la détermination de la valeur normale pour les importations en provenance des pays ayant une économie de marché.

126

Par ailleurs, aux termes de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base, dans toutes les enquêtes de réexamen, la Commission applique, dans la mesure où les circonstances n’ont pas changé, la même méthode que lors de l’enquête ayant abouti à l’imposition du droit, compte tenu des dispositions de l’article 2 du règlement de base.

127

Il ressort de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base que, en règle générale, dans le cadre d’un réexamen, les institutions de l’Union sont tenues d’appliquer la même méthode, y compris pour comparer le prix à l’exportation et la valeur normale, que la méthode utilisée lors de l’enquête initiale ayant abouti à l’imposition du droit. Cette même disposition prévoit une exception permettant aux institutions d’appliquer une méthode différente de celle utilisée lors de l’enquête initiale dans la mesure où les circonstances ont changé. Il résulte de la même disposition que la méthode appliquée doit être conforme aux dispositions de l’article 2 du règlement de base (arrêt du 8 juillet 2008, Huvis/Conseil, T‑221/05, non publié, EU:T:2008:258, points 41 et 42).

128

C’est à la lumière de ces principes qu’il y a lieu d’examiner le cas d’espèce.

129

Il ressort des considérants 18 à 28 du règlement provisoire et du considérant 13 du règlement définitif que, lors de l’enquête initiale, en ce qui concerne les deux producteurs-exportateurs chinois, qui avaient démontré que les conditions d’une économie de marché prévalaient pour eux et qui, dès lors, avaient bénéficié du SEM, la Commission a calculé la valeur normale en application des règles prévues à l’article 2, paragraphes 1 à 6, du règlement de base, en particulier sur la base du prix de vente intérieur réel facturé par chaque producteur-exportateur. En ce qui concerne les producteurs-exportateurs ne bénéficiant pas du SEM lors de l’enquête initiale, il découle des considérants 29 à 34 du règlement provisoire et du considérant 13 du règlement définitif que la valeur normale a été établie sur la base d’informations émanant du producteur du pays analogue, en particulier des prix payés sur le marché intérieur argentin, en application des règles prévues à l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base.

130

Selon les considérants 15 à 21 du règlement attaqué, le SEM a été refusé aux deux producteurs-exportateurs chinois lors de l’enquête de réexamen. Pour cette raison, la valeur normale ne pouvait plus être établie sur le fondement du prix de vente intérieur réel facturé par chacun des deux producteurs-exportateurs chinois, en application des règles prévues à l’article 2, paragraphes 1 à 6, du règlement de base. Comme les requérantes l’admettent, cela ne constitue pas en soi un changement de méthodologie contraire à l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base.

131

Or, il ressort des considérants 27 à 29 du règlement attaqué que, pour les deux producteurs-exportateurs chinois, lors de l’enquête de réexamen, la valeur normale a été construite, en substance, sur la base des coûts de production en Argentine, et non sur l’utilisation des prix de vente intérieurs dans ce pays.

132

Contrairement à ce que soutient le Conseil, cela constitue un changement de méthodologie au sens de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base. En effet, selon cette disposition, dans toutes les enquêtes de réexamen, la Commission applique « la même méthode que dans l’enquête ayant abouti à l’imposition du droit ». En l’espèce, la valeur normale pour les producteurs-exportateurs ne bénéficiant pas du SEM avait été calculée sur la base des prix de vente intérieurs argentins lors de l’enquête initiale, alors qu’elle a été construite, en substance, sur les coûts de production en Argentine lors de l’enquête de réexamen pour les deux producteurs-exportateurs chinois qui ne pouvaient plus bénéficier du SEM. À cet égard, il convient de souligner que le libellé de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base fait référence à l’application d’une même méthode dans l’enquête initiale et dans l’enquête de réexamen. Dès lors, contrairement à ce que le Conseil soutient, cette disposition ne se borne pas à exiger seulement l’application d’une même méthode à la même entité économique.

133

Il est évident que des méthodologies différentes peuvent être appliquées pour calculer la valeur normale de producteurs-exportateurs qui, étant dans des situations différentes, sont soumis à des dispositions différentes du règlement de base. Tel est par exemple le cas des producteurs-exportateurs bénéficiant du SEM et de ceux ne bénéficiant pas du SEM. Or, en principe, en vertu de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base, les institutions de l’Union sont tenues d’appliquer la même méthode pour calculer la valeur normale pour des producteurs-exportateurs ne bénéficiant pas du SEM, lors de l’enquête initiale et de l’enquête de réexamen, sous réserve d’un changement de circonstances ou du fait que la méthode initialement utilisée se soit avérée contraire aux dispositions de l’article 2 du règlement de base.

134

En l’espèce, le règlement attaqué ne fait pas référence à un changement de circonstances. Même s’il est précisé au considérant 27 du règlement attaqué que le choix de la méthodologie appliquée découle des différences entre les procédés de production de l’acide tartrique en Argentine et en Chine, à savoir, respectivement, le procédé naturel et le procédé synthétique, comme les requérantes le font valoir à juste titre, ces différences existaient et étaient déjà connues au stade de l’enquête initiale.

135

Il y a lieu de relever que le Conseil soutient dans ses écritures que la comparaison entre, d’une part, la valeur normale calculée sur les prix de vente intérieurs en Argentine et donc fondée sur des données relatives au procédé de production naturel et, d’autre part, les prix à l’exportation des deux producteurs-exportateurs chinois relatifs au procédé de production synthétique serait faussée, voire inéquitable. Interrogé sur la portée de cet argument lors de l’audience, le Conseil a fait valoir qu’une telle méthode de calcul des droits antidumping serait contraire à l’article 2 du règlement de base.

136

À cet égard, il y a lieu de relever que le règlement attaqué n’indique pas que la méthode initiale se soit avérée contraire à l’article 2 du règlement de base, ce qui est par ailleurs confirmé par le fait que le droit antidumping en vigueur pour les autres producteurs-exportateurs est toujours fondé sur la valeur normale déterminée selon la méthode initiale. Si la thèse du Conseil était acceptée, cela aurait pour conséquence que l’application de cette méthode aux autres producteurs-exportateurs, dont les droits sont toujours fixés sur la base de cette méthode, serait illégale. Or, force est de constater que le Conseil et la Commission n’ont aucunement modifié le droit antidumping applicable aux autres producteurs-exportateurs depuis l’adoption du règlement provisoire.

137

Par ailleurs, il y a lieu de rejeter le bien-fondé de cet argument, compte tenu du fait que l’acide tartrique fabriqué par synthèse chimique a les mêmes caractéristiques et est destiné aux mêmes utilisations de base que celui fabriqué à partir de sous-produits de la fabrication du vin, comme il est indiqué au point 1 ci-dessus. Dès lors, la comparaison entre la valeur normale calculée sur des données relatives au procédé de production naturel et les prix à l’exportation sur des données relatives au procédé de production synthétique n’apparaît pas contraire à l’article 2 du règlement de base.

138

Il convient d’ajouter que le Conseil ne saurait justifier le changement de la méthode en considérant simplement que la méthode retenue par le règlement attaqué est plus appropriée. En effet, selon la jurisprudence, il ne suffit pas qu’une nouvelle méthode soit plus appropriée que l’ancienne lorsque celle-ci est toutefois conforme à l’article 2 du règlement de base (arrêt du 8 juillet 2008, Huvis/Conseil, T‑221/05, non publié, EU:T:2008:258, point 50).

139

Enfin, il convient de rejeter l’argument avancé par le Conseil selon lequel l’interprétation des requérantes effacerait toute distinction entre les producteurs-exportateurs ayant coopéré et ceux n’ayant pas coopéré. Il ressort du considérant 22 du règlement attaqué que les deux producteurs-exportateurs chinois ayant coopéré, qui remplissent les conditions prévues à l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base (devenu article 9, paragraphe 5, du règlement 2016/1036), ont bénéficié d’un traitement individuel. Dès lors, à la différence des autres producteurs-exportateurs n’ayant pas coopéré, ils ont bénéficié d’un droit antidumping individuel fondé sur leurs prix à l’exportation respectifs.

140

De plus, il ressort de la jurisprudence que, en vertu de l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base, un droit antidumping individuel est normalement calculé en comparant la valeur normale applicable à l’ensemble des producteurs-exportateurs avec les prix individuels à l’exportation du producteur en cause [voir, en ce sens, arrêts du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma, C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74, point 130, et du 26 novembre 2015, Giant (China)/Conseil, T‑425/13, non publié, EU:T:2015:896, point 47]. Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argument avancé par le Conseil et la Commission lors de l’audience visant à écarter le premier moyen sur le fondement de l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base.

141

En effet, il convient de relever qu’il est logique que, lorsque plusieurs producteurs-exportateurs se voient accorder le SEM, la valeur normale soit différente pour chacun, puisqu’elle est calculée sur le fondement de leurs données respectives. En revanche, il n’y a pas de raison pour que la valeur normale soit différente dans le cas de plusieurs producteurs-exportateurs qui se voient refuser le SEM, puisque, dans cette situation, les calculs de la valeur normale se fondent sur les données d’un pays analogue et donc indépendamment de leurs données respectives. Dans cette dernière hypothèse, un producteur-exportateur peut toujours demander un traitement individuel, ce qui implique qu’une marge de dumping individuelle sera calculée en comparant la valeur normale, qui est la même pour tous, avec ses propres prix à l’exportation, au lieu de comparer la valeur normale avec les prix à l’exportation de l’industrie.

142

À la lumière de ce qui précède, il y a lieu d’accueillir le premier moyen. Dès lors, le règlement attaqué doit être annulé.

143

Partant, il n’y a pas lieu pour le Tribunal d’examiner les autres moyens soulevés par les requérantes.

Sur la demande de maintien des effets du règlement attaqué

– Arguments des parties

144

Dans l’hypothèse où le recours en annulation serait accueilli, les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal de maintenir en vigueur les effets du règlement attaqué jusqu’à ce que le Conseil adopte les mesures appropriées pour se conformer à l’arrêt du Tribunal, en vertu de l’article 264, second alinéa, TFUE. À cet égard, les requérantes font valoir que l’annulation pure et simple du règlement attaqué aurait pour conséquence de les placer dans une situation encore plus difficile, puisqu’elles seraient exposées au dumping des deux producteurs-exportateurs chinois, dans l’attente de l’adoption des mesures d’exécution par le Conseil. Elles précisent que leur recours ne vise pas à obtenir l’annulation de tous les effets du règlement attaqué, mais plutôt à corriger celui-ci. Dès lors, il n’y aurait pas lieu de conférer un avantage injustifié aux deux producteurs-exportateurs chinois.

145

Selon le Conseil, les requérantes n’ont pas démontré que les conditions pour l’application de l’article 264, second alinéa, TFUE étaient réunies en l’espèce. En particulier, le Conseil relève qu’il convient de prendre en compte l’ensemble des intérêts en jeu, en particulier ceux des importateurs qui devront s’acquitter de droits antidumping illégaux tant que les institutions n’auront pas agi. De plus, les requérantes n’auraient pas démontré l’existence de motifs importants de sécurité juridique tendant à maintenir les effets du règlement attaqué.

– Appréciation du Tribunal

146

Compte tenu de l’annulation prononcée par l’arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil (T‑442/12, EU:T:2017:372), il est impossible d’accueillir la demande des requérantes en ce qui concerne Changmao Biochemical Engineering. Cependant, cette demande est susceptible d’être accueillie en ce qui concerne Ninghai Organic Chemical Factory.

147

À cet égard, il convient de relever que le recours ne vise pas à la suppression du droit antidumping résultant du règlement attaqué, mais à son remplacement par une mesure de portée plus sévère comportant un droit antidumping plus élevé en application d’une méthodologie de calcul éventuellement différente. Par ailleurs, lors que les conséquences de la seule annulation du règlement attaqué pourraient avoir pour effet de porter atteinte à l’intérêt général de la politique de l’Union en matière d’antidumping, il convient, afin d’assurer l’efficacité de telles mesures et contrairement aux objections du Conseil, de maintenir le droit antidumping résultant du règlement attaqué jusqu’à ce que les institutions aient pris les mesures que comporte l’exécution du présent arrêt, conformément à l’article 264, second alinéa, TFUE (arrêt du 20 mars 1985, Timex/Conseil et Commission, 264/82, EU:C:1985:119, point 32).

148

De surcroît, il y a lieu de se référer aux points 101 à 113 ci-dessus en ce qui concerne l’intérêt à agir des requérantes malgré l’annulation du règlement attaqué.

149

Dès lors, il y a lieu d’accueillir la demande de maintien des effets du règlement attaqué dans la mesure où il n’avait pas été annulé par l’arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil (T‑442/12, EU:T:2017:372).

Sur les dépens

150

Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions des requérantes.

151

Selon l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Dès lors, la Commission supportera ses propres dépens.

152

Aux termes de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut décider qu’un intervenant autre que ceux mentionnés aux paragraphes 1 et 2 dudit article supportera ses propres dépens. Dans les circonstances du présent litige, il y a lieu de décider que Changmao Biochemical Engineering supportera ses propres dépens.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

déclare et arrête :

 

1)

Le règlement d’exécution (UE) no 626/2012 du Conseil, du 26 juin 2012, modifiant le règlement d’exécution (UE) no 349/2012 du Conseil instituant un droit antidumping définitif sur les importations d’acide tartrique originaire de la République populaire de Chine est annulé.

 

2)

Le droit antidumping imposé par le règlement d’exécution no 626/2012 est maintenu en ce qui concerne les produits de Ninghai Organic Chemical Factory jusqu’à ce que la Commission européenne et le Conseil de l’Union européenne aient pris les mesures que comporte l’exécution du présent arrêt.

 

3)

Le Conseil supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Distillerie Bonollo SpA, Industria Chimica Valenzana (ICV) SpA, Distillerie Mazzari SpA, Caviro Distillerie Srl et Comercial Química Sarasa, SL.

 

4)

La Commission supportera ses propres dépens.

 

5)

Changmao Biochemical Engineering Co. Ltd supportera ses propres dépens.

 

Collins

Kancheva

Bieliūnas

Barents

Passer

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 mai 2018.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.

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