EUR-Lex Access to European Union law

Back to EUR-Lex homepage

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62011TJ0091

Arrêt du Tribunal (sixième chambre) du 27 février 2014.
InnoLux Corp. contre Commission européenne.
Concurrence – Ententes – Marché mondial des écrans d’affichage à cristaux liquides (LCD) – Accords et pratiques concertées en matière de prix et de capacités de production – Compétence territoriale – Ventes internes – Ventes de produits finis intégrant les produits cartellisés – Infraction unique et continue – Amendes – Méthode d’arrondissement – Pleine juridiction.
Affaire T‑91/11.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2014:92

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

27 février 2014 ( *1 )

«Concurrence — Ententes — Marché mondial des écrans d’affichage à cristaux liquides (LCD) — Accords et pratiques concertées en matière de prix et de capacités de production — Compétence territoriale — Ventes internes — Ventes de produits finis intégrant les produits cartellisés — Infraction unique et continue — Amendes — Méthode d’arrondissement — Pleine juridiction»

Dans l’affaire T‑91/11,

InnoLux Corp., anciennement Chimei InnoLux Corp., établie à Zhunan (Taïwan), représentée par Me J.‑F. Bellis, avocat, et M. R. Burton, solicitor,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. P. Van Nuffel, F. Ronkes Agerbeek et A. Biolan, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision C (2010) 8761 final de la Commission, du 8 décembre 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.309 – LCD), et de réduction du montant de l’amende infligée à la requérante par cette décision,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, G. Berardis (rapporteur) et C. Wetter, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 avril 2013,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1. Sociétés en cause dans la présente affaire

1

Chi Mei Optoelectronics Corp. (ci-après «CMO») était la société de droit taïwanais qui contrôlait un groupe de sociétés établies dans le monde entier et actives dans la production d’écrans d’affichage à cristaux liquides à matrice active (ci-après les «LCD»).

2

Le 20 novembre 2009, CMO a passé un accord de concentration avec les sociétés InnoLux Display Corp. et TPO Displays Corp. En vertu de cet accord, à compter du 18 mars 2010, TPO Displays et CMO ont cessé d’exister. L’entité juridique survivante a changé de dénomination à deux reprises, passant d’abord d’InnoLux Display Corp. à Chimei InnoLux Corp. et, enfin, à InnoLux Corp., la requérante.

2. Procédure administrative

3

Le [confidentiel] ( 1 ), la société de droit coréen Samsung Electronics Co. Ltd (ci-après «Samsung») a présenté à la Commission des Communautés européennes une demande visant à obtenir une immunité d’amende au titre de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la «communication sur la clémence de 2002»).

4

À cette occasion, Samsung a dénoncé l’existence d’une entente entre plusieurs entreprises, dont la requérante, concernant certains types de LCD.

5

Le 23 novembre 2006, la Commission a accordé à Samsung l’immunité conditionnelle, conformément au paragraphe 15 de la communication sur la clémence de 2002, alors qu’elle l’a refusée à un autre participant à l’entente, la société de droit coréen LG Display Co. Ltd, antérieurement dénommée LG Philips LCD Co. Ltd (ci-après «LGD»).

6

Le 27 mai 2009, la Commission a engagé la procédure administrative et adopté une communication des griefs, conformément à l’article 10 du règlement (CE) no 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO L 123, p. 18). Cette communication des griefs était adressée à seize sociétés, dont CMO et deux filiales européennes détenues à 100 % par cette dernière, à savoir Chi Mei Optoelectronics BV et Chi Mei Optoelectronics UK. Ltd. À cet égard, aux considérants 281 à 285 de la communication des griefs, la Commission a, notamment, rappelé que, selon la jurisprudence, premièrement, les dispositions du droit de l’Union européenne relatives à la concurrence reconnaissaient que différentes sociétés appartenant à un même groupe constituaient une entité économique, et donc une entreprise au sens des articles 101 TFUE et 102 TFUE, si les sociétés concernées ne déterminaient pas de façon autonome leur comportement sur le marché (arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Michelin/Commission, T-203/01, Rec. p. II-4071, point 290), et, deuxièmement, il suffisait que la Commission prouvât que la totalité du capital d’une filiale était détenue par sa société mère pour que la présomption selon laquelle cette dernière exerçait une influence déterminante sur le comportement de la filiale sur le marché fût établie (arrêt du Tribunal du 31 mars 2009, ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, T-405/06, Rec. p. II-771, point 91). Ensuite, aux considérants 327 à 329 de la communication des griefs, la Commission a expliqué les raisons pour lesquelles, en application de la jurisprudence rappelée, les deux filiales de CMO mentionnées ci-dessus devaient être tenues pour solidairement responsables des infractions commises par cette dernière.

7

À la communication des griefs était annexé un CD-ROM qui contenait les parties accessibles du dossier de la Commission. Les destinataires de la communication des griefs ont fait usage de leur droit d’accès aux parties du dossier de la Commission qui n’étaient disponibles que dans les locaux de la Commission.

8

Les destinataires de la communication des griefs ont fait connaître à la Commission, par écrit, leur point de vue sur les objections soulevées à leur égard dans le délai prescrit.

9

Plusieurs destinataires de la communication des griefs, dont la requérante, ont exercé leur droit d’être entendus oralement, lors de l’audition tenue les 22 et 23 septembre 2009.

10

Par demande d’informations du 4 mars 2010 et par courrier du 6 avril 2010, les parties ont été notamment invitées à soumettre les données relatives à la valeur des ventes qui seraient prises en considération pour le calcul des amendes et à présenter leurs observations sur cette question.

11

CMO a répondu audit courrier le 23 avril 2010.

3. Décision attaquée

12

Le 8 décembre 2010, la Commission a adopté la décision C (2010) 8761 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.309 – LCD) (ci-après la «décision attaquée»), dont un résumé est publié au Journal officiel de l’Union européenne du 7 octobre 2011 (JO C 295, p. 8).

13

La décision attaquée est adressée à six des seize sociétés destinataires de la communication des griefs, dont la requérante. En revanche, ses filiales, auxquelles cette communication avait été adressée, ne sont plus visées.

14

Dans la décision attaquée, la Commission a constaté l’existence d’une entente entre six grands fabricants internationaux de LCD, dont la requérante, en ce qui concerne les deux catégories suivantes de ces produits, de taille égale ou supérieure à douze pouces : les LCD pour les technologies de l’information, tels que ceux pour les ordinateurs portables compacts et les moniteurs d’ordinateurs (ci-après les «LCD-TI»), et les LCD pour les téléviseurs (ci-après les «LCD-TV») (ci-après, pris ensemble, les «LCD cartellisés»).

15

Selon la décision attaquée, cette entente a pris la forme d’une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE, laquelle s’est déroulée entre le 5 octobre 2001 et le 1er février 2006 (ci-après la «période infractionnelle»), à tout le moins. Pendant cette période, les participants à l’entente ont tenu de nombreuses réunions multilatérales, qu’ils appelaient «réunions Cristal», principalement dans des hôtels de Taïwan. Ces réunions avaient un objet clairement anticoncurrentiel, dès lors qu’elles étaient l’occasion pour les participants, notamment, de fixer des prix minimaux pour les LCD cartellisés, de discuter de leurs projections de prix pour en éviter la diminution et de coordonner les augmentations de prix ainsi que les niveaux de production. Au cours de la période infractionnelle, les participants à l’entente se sont également rencontrés de manière bilatérale et se sont fréquemment échangé des informations sur les sujets traités lors des «réunions Cristal». Ils ont par ailleurs pris des mesures afin de vérifier si les décisions adoptées lors de ces réunions étaient appliquées (considérants 70 à 74 de la décision attaquée).

16

Bien que la requérante eût fait valoir que le marché des LCD-TV était distinct de celui des LCD-TI et qu’une entente n’existait que pour ces derniers, la Commission a néanmoins considéré qu’il s’agissait d’une infraction unique et continue couvrant l’ensemble de ces produits (considérants 281 et 283 à 290 de la décision attaquée).

17

Pour la fixation des amendes infligées par la décision attaquée, la Commission a utilisé les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les «lignes directrices de 2006»).

18

En application des lignes directrices de 2006, la Commission a, premièrement, défini la valeur des ventes des LCD cartellisés directement ou indirectement concernées par l’infraction. À cette fin, elle a établi les trois catégories suivantes de ventes effectuées par les participants à l’entente :

«ventes EEE directes», à savoir ventes de LCD cartellisés à une autre entreprise au sein de l’Espace économique européen (EEE) ;

«ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés», à savoir ventes de LCD cartellisés intégrés, au sein du groupe dont relève le producteur, dans des produits finis qui sont vendus à une autre entreprise au sein de l’EEE ;

«ventes indirectes», à savoir ventes de LCD cartellisés à une autre entreprise située en dehors de l’EEE, laquelle incorpore ensuite les écrans dans des produits finis qu’elle vend dans l’EEE (considérant 380 de la décision attaquée).

19

Cependant, la Commission a estimé qu’elle pouvait se limiter à prendre en compte les deux premières catégories mentionnées au point 18 ci-dessus, l’inclusion de la troisième catégorie n’étant pas nécessaire pour que les amendes infligées pussent atteindre un niveau dissuasif suffisant (considérant 381 de la décision attaquée).

20

Au lieu d’utiliser la valeur des ventes réalisées par une entreprise au cours de la dernière année complète de sa participation à l’infraction, comme normalement prévu au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, la Commission a considéré comme plus adéquat d’utiliser, en l’espèce, la valeur annuelle moyenne des ventes pendant la durée complète de l’infraction, compte tenu notamment de la croissance exponentielle des ventes de la plupart des entreprises concernées au cours des années visées par la décision attaquée (considérant 384 de la décision attaquée).

21

S’agissant de la requérante, la Commission a rejeté les objections de celle-ci relatives aux faits que, tout d’abord, la valeur des ventes pertinentes aurait dû être calculée sans tenir compte de ses «ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés» et de ses «ventes EEE directes», faites à d’autres destinataires de la communication des griefs, ensuite, il y avait lieu d’exclure les expéditions de LCD qui n’avaient pas été facturées à des entreprises européennes et, enfin, il était nécessaire de faire une différence entre les ventes de LCD-TI et celles de LCD-TV. Ainsi, pour la requérante, le total des ventes pertinentes effectuées pendant la période infractionnelle a été fixé à 1 555 111 603 euros, dont la moyenne annuelle, obtenue en divisant ledit montant par la durée de l’entente égale à 4,33 ans, équivalait à 359 148 176 euros (considérants 388, 394, 398 à 401 et tableau 4 de la décision attaquée).

22

Deuxièmement, la Commission a observé que, compte tenu de la gravité de l’infraction commise, il convenait de fixer à 16 % la proportion de la valeur des ventes des produits en cause à retenir pour le calcul du montant de base de l’amende, et ce pour tous les participants à l’entente (considérant 416 de la décision attaquée).

23

Troisièmement, la Commission a appliqué à la requérante un facteur de multiplication relatif à la durée de l’infraction égal à 4,25, en raison de sa participation à l’infraction pour toute la durée de l’entente retenue dans la décision attaquée, à savoir quatre ans et trois mois (considérants 417 et 418 ainsi que tableau 5 de la décision attaquée).

24

Quatrièmement, la Commission a estimé que les circonstances de l’espèce justifiaient d’inclure dans le montant de base de l’amende une majoration égale à 16 % de la valeur moyenne des ventes pertinentes, pour en assurer l’effet dissuasif (ci-après le «droit d’entrée»), conformément au paragraphe 25 des lignes directrices de 2006, et ce pour tous les participants à l’entente (considérants 419 et 424 de la décision attaquée).

25

Cinquièmement, la Commission n’a retenu de circonstances aggravantes ou atténuantes, au titre des lignes directrices de 2006, à l’égard d’aucun des participants à l’entente. Ainsi, la Commission a notamment rejeté les arguments de la requérante relatifs aux prétendus faits selon lesquels elle avait eu un rôle passif dans l’entente, y avait participé par négligence et, enfin, avait coopéré avec la Commission au-delà du champ d’application de la communication sur la clémence de 2002, et ce bien que la Commission ne lui eût pas adressé de demandes de renseignements aussi précises que celles envoyées à d’autres participants à l’entente (considérants 426, 430, 433, 434, 438, 439 et 442 à 444 de la décision attaquée).

26

Sixièmement, en application de la communication sur la clémence de 2002, la Commission a, tout d’abord, confirmé l’immunité totale accordée à Samsung. Ensuite, elle a considéré que la coopération fournie par la requérante ne lui donnait droit à aucune réduction de l’amende (considérants 455 à 458 et 472 de la décision attaquée).

27

Sur la base de ces considérations, la Commission, à l’article 2 de la décision attaquée, a condamné la requérante au paiement d’une amende de 300000000 euros.

Procédure et conclusions des parties

28

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 février 2011, la requérante a introduit le présent recours.

29

Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a posé par écrit des questions aux parties, lesquelles y ont répondu dans le délai imparti.

30

Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 24 avril 2013.

31

La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée, en ce qu’elle la concerne ;

réduire le montant de l’amende que lui a infligée la décision attaquée ;

condamner la Commission aux dépens.

32

La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante aux dépens.

En droit

33

À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens :

le premier, tiré de ce que la Commission aurait appliqué une notion juridiquement erronée, la notion de «ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés», lorsqu’elle a déterminé la valeur des ventes pertinentes pour le calcul de l’amende ;

le deuxième, tiré de ce que la Commission aurait violé l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en concluant que l’infraction s’étendait aux LCD-TV ;

le troisième, tiré de ce que la valeur des ventes pertinentes retenue par la Commission à son égard aurait inclus à tort d’autres ventes que celles relatives aux LCD cartellisés.

1. Sur le premier moyen, tiré de ce que la Commission aurait appliqué une notion juridiquement erronée, la notion de «ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés», lorsqu’elle a déterminé la valeur des ventes pertinentes pour le calcul de l’amende

34

Le premier moyen de la requérante se compose, en substance, de deux branches, relatives, la première, au fait que la notion de «ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés» serait en contradiction avec l’absence de constatation d’une infraction concernant les produits finis intégrant les LCD cartellisés et, la seconde, aux incohérences prétendument inhérentes à cette notion.

Sur la première branche, relative au fait que la notion de «ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés» serait en contradiction avec l’absence de constatation d’une infraction concernant les produits finis intégrant les LCD cartellisés

35

La requérante fait valoir, d’une part, que l’emploi de la notion de «ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés» n’est pas compatible avec le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, puisque la Commission a tenu compte de ventes de produits finis, par rapport auxquels aucune infraction n’a été constatée dans la décision attaquée et qui ne sont donc pas en relation, directe ou même indirecte, avec l’infraction constatée dans cette décision. D’autre part, la requérante souligne que les prix des LCD cartellisés ne sont pas des prix de référence pour les produits finis qui intègrent lesdits LCD.

36

Aux termes du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, «en vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission utilise la valeur des ventes de biens ou services, réalisées par l’entreprise, en relation directe ou indirecte avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE».

37

À cet égard, il convient d’observer, tout d’abord, qu’il ne ressort pas de cette disposition que seule la valeur des ventes résultant des transactions réellement affectées par les pratiques infractionnelles peut être prise en considération pour calculer la valeur des ventes pertinente (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 juin 2011, Putters International/Commission, T-211/08, Rec. p. II-3729, point 58).

38

La formulation du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 vise, en effet, les ventes réalisées sur le marché pertinent, concerné par l’infraction. A fortiori, ledit paragraphe ne vise pas que les cas pour lesquels la Commission dispose de preuves documentaires de l’infraction (voir, en ce sens, arrêt Putters International/Commission, précité, point 59).

39

Cette interprétation est confortée par l’objectif des règles de concurrence de l’Union. En effet, l’interprétation proposée par la requérante signifierait que, pour déterminer le montant de base des amendes à infliger dans les affaires portant sur des ententes, la Commission serait obligée dans chaque cas d’établir quelles sont les ventes individuelles qui ont été affectées par l’entente. Une telle obligation n’a jamais été imposée par les juridictions de l’Union et rien n’indique que la Commission avait l’intention de s’imposer une telle obligation dans les lignes directrices de 2006 (arrêt Putters International/Commission, précité, point 60).

40

En outre, il résulte d’une jurisprudence constante que la part du chiffre d’affaires provenant des marchandises faisant l’objet de l’infraction est de nature à donner une juste indication de l’ampleur d’une infraction sur le marché concerné. En particulier, le chiffre d’affaires réalisé sur les produits ayant fait l’objet d’une pratique restrictive constitue un élément objectif qui donne une juste mesure de la nocivité de cette pratique pour le jeu normal de la concurrence (arrêt Putters International/Commission, précité, point 61 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 121, et arrêt du Tribunal du 11 mars 1999, British Steel/Commission, T-151/94, Rec. p. II-629, point 643).

41

En l’espèce, il convient de rappeler que, au considérant 380 de la décision attaquée, la Commission a défini les catégories de ventes décrites au point 18 ci-dessus.

42

En ce qui concerne les «ventes EEE directes», il n’est pas contesté qu’elles remplissent les conditions requises par le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, lues à la lumière de la jurisprudence pertinente.

43

En ce qui concerne les «ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés», la requérante, par la première branche du premier moyen, soutient que celles-ci ne sont pas en relation directe ou indirecte avec l’infraction, dès lors qu’elles ont trait aux ventes des produits finis intégrant les LCD cartellisés, et non aux ventes de ces derniers.

44

À cet égard, il convient d’observer, tout d’abord, que, si la note de bas de page insérée sous le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 indique qu’un cas de ventes en relation indirecte avec une infraction peut être constaté lorsque le prix du produit faisant l’objet d’accords de prix horizontaux sert de base pour le prix de produits de qualité supérieure ou inférieure, cette note précise que ledit cas est présenté à titre d’exemple. Ainsi, le fait, invoqué par la requérante, que, en l’espèce, les produits finis intégrant les LCD cartellisés ne sont pas des produits de qualité supérieure ou inférieure à ceux-ci est dénué de toute pertinence.

45

Quant à la circonstance, également invoquée par la requérante, selon laquelle la décision attaquée n’a constaté aucune infraction par rapport aux produits finis intégrant les LCD cartellisés, il convient d’observer que la Commission n’a pas pris en compte la valeur entière des ventes de ces produits finis, mais seulement la fraction de cette valeur qui pouvait correspondre à la valeur des LCD cartellisés, intégrés dans les produits finis, pourvu que ces derniers aient été vendus par la requérante à des entreprises tierces établies dans l’EEE. S’il est évident que la Commission n’aurait pas pu tenir compte de ladite valeur entière, sans avoir préalablement constaté d’infraction concernant les produits finis, il ne saurait être considéré qu’une telle constatation était nécessaire afin de pouvoir prendre en compte la fraction de cette valeur constituée par la valeur des LCD cartellisés intégrés dans les produits finis.

46

Par ailleurs, si la Commission n’avait pas eu recours à la notion de «ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés», elle n’aurait pas pu tenir compte, dans le calcul de l’amende, d’une fraction considérable des ventes de LCD cartellisés faites par les participants à l’entente relevant d’entreprises verticalement intégrées, bien que ces ventes aient nui au jeu de la concurrence dans l’EEE.

47

Ainsi, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 37 à 40 ci-dessus, la Commission devait tenir compte de l’ampleur de l’infraction sur le marché concerné et, à cette fin, pouvait utiliser le chiffre d’affaires réalisé par la requérante sur les LCD cartellisés, en tant qu’élément objectif donnant une juste mesure de la nocivité de sa participation à l’entente sur le jeu normal de la concurrence, pourvu que ce chiffre d’affaires fût le résultat des ventes présentant un lien avec l’EEE. Or, un tel lien existe lorsque des LCD cartellisés sont transférés par la requérante à ses filiales, établies n’importe où, lesquelles les intègrent dans des produits finis qui sont vendus à des tiers dans l’EEE.

48

Le choix de la Commission de tenir compte des «ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés» est d’autant plus justifié en l’espèce qu’il ressort des éléments de preuve contenus dans la décision attaquée (voir notamment considérant 394 de la décision attaquée), non remis en cause par la requérante, que les ventes de LCD cartellisés internes aux entreprises participant à l’entente se faisaient à des prix influencés par celle-ci.

49

Par ailleurs, ainsi que cela ressort notamment des considérants 92 et 93 de la décision attaquée, les participants à l’entente savaient que les prix des LCD cartellisés affectaient ceux des produits finis les intégrant.

50

Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’arrêt du Tribunal du 10 septembre 2008, JSC Kirovo-Chepetsky Khimichesky Kombinat/Conseil (T‑348/05, non publié au Recueil, point 62), s’oppose à toute assimilation entre les ventes de produits finis incorporant un composant et les ventes de ces composants en tant que tels, il convient d’observer que le contexte dans lequel et la finalité pour laquelle la Commission a tenu compte des LCD cartellisés qui ont été intégrés dans des produits finis ne peuvent pas être assimilés à ceux qui caractérisaient l’affaire ayant donné lieu audit arrêt.

51

En effet, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt JSC Kirovo-Chepetsky Khimichesky Kombinat/Conseil, précité (points 54, 55, 57 et 58), le Conseil de l’Union européenne, après avoir adopté, sur la base d’une enquête antidumping relative à certains produits dont le nitrate d’ammonium, des mesures antidumping relatives à ces derniers, a étendu le champ d’application de ces mesures à d’autres produits, sans ouvrir de nouvelle enquête, au motif que ces autres produits étaient semblables à ceux visés par ladite enquête, en termes notamment de teneur de nitrate d’ammonium.

52

À cet égard, le Tribunal a constaté l’illégalité de cette extension, en relevant ce qui suit :

«62.

[…] Le composant d’un produit fini peut, bien entendu, faire l’objet de mesures antidumping, mais, dans ce cas, il doit être considéré comme étant un produit [faisant] en tant que tel [l’objet d’un dumping]. Lorsque ce composant n’est pas envisagé en soi, mais comme élément d’un autre produit, c’est cet autre produit, avec tous ses composants, qui constitue le produit concerné, et l’enquête antidumping doit dès lors porter sur ce produit indépendamment desdits composants. Seuls des produits qui ont fait l’objet d’une enquête antidumping sont susceptibles d’être soumis à des mesures antidumping, dès lors qu’il a été constaté que les produits en question sont exportés vers la Communauté à un prix inférieur au prix des ‘produits similaires’ au sens de l’article 1er du règlement [(CE) no 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1)]. Par conséquent, dès lors qu’il est constant que les nouveaux types de produits visés par le règlement attaqué diffèrent du produit concerné au sens des règlements initiaux, il est impossible de leur imposer un droit antidumping sans, au préalable, procéder à une enquête afin d’examiner si ces produits font, eux aussi, l’objet d’un dumping sur le marché communautaire.»

53

Rien de comparable n’a eu lieu dans la présente affaire, dès lors que, en l’espèce, la Commission n’a pas utilisé l’enquête qu’elle a effectuée sur les LCD cartellisés afin de constater une infraction relative aux produits finis dans lesquels ces LCD sont intégrés. Loin d’assimiler les LCD cartellisés aux produits finis dont ils étaient un composant, la Commission s’est limitée à considérer, aux seules fins du calcul de l’amende, que, à l’égard des entreprises verticalement intégrées telles que la requérante, le lieu de vente des produits finis coïncidait avec le lieu de vente du composant faisant l’objet de l’entente à un tiers, ne relevant donc pas de la même entreprise que celle ayant produit ce composant.

54

Sur la base de l’ensemble des considérations qui précèdent, la première branche du présent moyen doit être rejetée.

Sur la seconde branche, relative aux incohérences prétendument inhérentes à la notion de «ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés»

55

La seconde branche du premier moyen comporte deux griefs à l’encontre de la notion de «ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés», laquelle aurait eu pour effet que la Commission, d’une part, outrepasse les limites de sa compétence territoriale et, d’autre part, soumette la requérante à un traitement défavorable et discriminatoire par rapport à d’autres participants à la même entente.

Sur la compétence territoriale de la Commission

56

La requérante fait valoir que, par la comptabilisation des «ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés», la Commission a artificiellement déplacé le lieu où ces ventes se sont effectivement déroulées et ainsi violé les limites de sa compétence territoriale.

57

Il convient tout d’abord de rappeler les principes établis par la jurisprudence en ce qui concerne la compétence territoriale de la Commission pour constater des infractions au droit de la concurrence.

58

À cet égard, la Cour a reconnu que, lorsque des entreprises, établies en dehors de l’EEE, mais qui produisent des biens qui sont vendus dans l’EEE à des tiers, se concertent sur les prix qu’elles consentent à leurs clients établis dans l’EEE et mettent en œuvre cette concertation en vendant à des prix effectivement coordonnés, elles participent à une concertation qui a pour objet et pour effet de restreindre le jeu de la concurrence sur le marché intérieur, au sens de l’article 101 TFUE, et que la Commission est territorialement compétente à poursuivre (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 27 septembre 1988, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, 89/85, 104/85, 114/85, 116/85, 117/85 et 125/85 à 129/85, Rec. p. 5193, ci-après l’«arrêt pâte de bois I», points 13 et 14).

59

La jurisprudence a également précisé qu’une infraction à l’article 101 TFUE implique deux éléments de comportement, à savoir la formation de l’entente et sa mise en œuvre. Faire dépendre l’applicabilité des interdictions édictées par le droit de la concurrence du lieu de formation de l’entente aboutirait à l’évidence à fournir aux entreprises un moyen facile de se soustraire auxdites interdictions. Ce qui compte est donc le lieu où l’entente est mise en œuvre. Par ailleurs, afin de déterminer si ce lieu se situe dans l’EEE, il importe peu que les participants à l’entente aient fait appel ou non à des filiales, agents, sous-agents ou succursales établis dans l’EEE en vue d’établir des contacts entre eux et les acheteurs qui y sont établis (voir, en ce sens, arrêt pâte de bois I, points 16 et 17).

60

Dès lors que la condition relative à la mise en œuvre est satisfaite, la compétence de la Commission pour appliquer les règles de concurrence de l’Union à l’égard de tels comportements est couverte par le principe de territorialité qui est universellement reconnu en droit international public (arrêt pâte de bois I, point 18).

61

La jurisprudence issue de l’arrêt pâte de bois I a été reprise par l’arrêt du Tribunal du 25 mars 1999, Gencor/Commission (T-102/96, Rec. p. II-753), où il s’agissait d’une décision portant sur une concentration au sens du règlement (CEE) no 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JO 1990, L 257, p. 13), remplacé par le règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO L 24, p. 1).

62

À cette occasion, le Tribunal a, certes, relevé que, lorsqu’il est prévisible qu’une concentration projetée produise un effet immédiat et substantiel dans l’Union, l’application des dispositions du droit de l’Union relatives au contrôle des concentrations est justifiée au regard du droit international public (arrêt Gencor/Commission, précité, point 90).

63

Toutefois, au point 87 de l’arrêt Gencor/Commission, précité, le Tribunal a, en substance, souligné que le critère de la mise en œuvre d’une entente en tant qu’élément de rattachement de celle-ci au territoire de l’Union est satisfait par la simple vente au sein de cette dernière du produit cartellisé, indépendamment de la localisation des sources d’approvisionnement et des installations de production. Ainsi, le Tribunal a rejeté l’argument que la requérante, dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, cherchait à tirer du fait que la concentration dont il s’agissait en l’espèce n’était ni née ni exécutée sur le territoire de l’Union, mais en Afrique du Sud, et n’aurait donc pas réuni les conditions de compétence territoriale définies dans l’arrêt pâte de bois I (arrêt Gencor/Commission, précité, points 56, 61 et 87).

64

Il en découle que le raisonnement suivi par le Tribunal dans l’arrêt Gencor/Commission, précité, ne remet pas en cause la jurisprudence issue de l’arrêt pâte de bois I.

65

Il s’ensuit que, en l’espèce, il suffit de se concentrer sur la question de savoir si la Commission pouvait utiliser la catégorie de «ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés» sans pour autant violer les principes énoncés dans l’arrêt pâte de bois I.

66

À cet égard, il doit être observé, premièrement, que, lorsqu’une entente de portée mondiale a un objet anticoncurrentiel, elle est mise en œuvre dans le marché intérieur, au sens de l’arrêt pâte de bois I, du simple fait que les produits cartellisés sont commercialisés sur ce marché.

67

En effet, il convient de relever que la mise en œuvre d’une entente n’implique pas nécessairement qu’elle produise des effets réels (arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Prym et Prym Consumer/Commission, T‑30/05, non publié au Recueil, point 110 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C-125/07 P, C-133/07 P, C-135/07 P et C-137/07 P, Rec. p. I-8681, points 116 et 117). En réalité, la question de savoir si l’entente a eu des effets concrets sur les prix pratiqués par les participants n’est pertinente que dans le cadre de la détermination de la gravité de l’entente, aux fins du calcul de l’amende, pourvu que la Commission décide de se fonder sur ce critère (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C-8/08, Rec. p. I-4529, point 31), parmi ceux qu’elle peut prendre en considération dans ce contexte. Or, tel n’a pas été le cas en l’espèce (voir considérant 416 de la décision attaquée).

68

De même, il importe peu que les participants à l’entente ne se soient pas toujours tenus aux décisions prises en matière de prix. En effet, la fixation d’un prix, même simplement indicatif, affecte le jeu de la concurrence par le fait qu’il permet à tous les participants à l’entente de prévoir avec un degré raisonnable de certitude quelle sera la politique de prix poursuivie par leurs concurrents. Plus généralement, de telles ententes comportent une intervention directe dans les paramètres essentiels de la concurrence sur le marché concerné. En effet, en exprimant une volonté commune d’appliquer un certain niveau de prix à leurs produits, les producteurs concernés ne déterminent plus de manière autonome leur politique sur le marché, portant ainsi atteinte à la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence (voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, T-224/00, Rec. p. II-2597, point 120, et la jurisprudence citée).

69

Deuxièmement, il convient d’observer que le concept de mise en œuvre au sens de l’arrêt pâte de bois I se fonde en substance sur la notion d’entreprise en droit de la concurrence, telle qu’elle ressort de la jurisprudence rappelée au point 6 ci-dessus (voir également, en ce sens, arrêts de la Cour du 12 juillet 1984, Hydrotherm Gerätebau, 170/83, Rec. p. 2999, point 11, et du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C-201/09 P et C-216/09 P, Rec. p. I-2239, point 95), à laquelle doit être reconnu un rôle déterminant dans la fixation des limites de la compétence territoriale de la Commission pour appliquer ledit droit.

70

En particulier, si l’entreprise dont relève la requérante a participé à une entente conçue en dehors de l’EEE, la Commission doit pouvoir poursuivre les répercussions que le comportement de cette entreprise a eu sur le jeu de la concurrence dans le marché intérieur et lui infliger une amende proportionnée à la nocivité de cette entente sur le jeu de la concurrence dans ledit marché. À cette fin, lorsque les LCD cartellisés réalisés par la requérante ont été intégrés dans des produits finis par des sociétés relevant de la même entreprise que la requérante et que ces produits finis ont été vendus dans l’EEE par cette entreprise, il convient de considérer que l’entente a affecté les transactions qui se sont déroulées jusqu’au moment de cette vente inclus.

71

Dans ce contexte, il n’est pas déterminant de savoir si les ventes internes à ladite entreprise se sont ou non réalisées à des prix majorés en raison de l’entente. En effet, dans l’affirmative, la nocivité de l’entente se reflète dans ces majorations. Dans la négative, cette nocivité réside dans l’avantage compétitif dont l’entreprise participant à l’entente bénéficie en comparaison avec les autres entreprises qui réalisent des produits finis contenant des LCD cartellisés, mais qui achètent lesdits LCD à un prix non découlant de conditions normales de marché. À cet égard, il ressort de la jurisprudence que ne pas tenir compte de la valeur des livraisons internes à une entreprise reviendrait nécessairement à avantager, sans justification, les entreprises verticalement intégrées, dès lors que le profit tiré de l’entente pourrait, dans une telle situation, ne pas être pris en compte, si bien que l’entreprise en cause échapperait à une sanction proportionnée à son importance sur le marché des produits faisant l’objet de l’infraction (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Europa Carton/Commission, T-304/94, Rec. p. II-869, points 127 et 128).

72

La requérante ne conteste pas cette jurisprudence, mais fait remarquer que la simple transposition de celle-ci au cas d’espèce aurait permis à la Commission d’atteindre l’objectif de ne pas favoriser les entreprises verticalement intégrées. Ainsi, à la différence de ce qu’a prétendu la Commission dans la décision attaquée, il n’aurait pas été nécessaire à ces fins de recourir à la notion de «ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés». Selon la requérante, la Commission ne saurait se fonder sur l’arrêt Europa Carton/Commission, précité, pour prendre en compte la valeur des LCD cartellisés incorporés, en dehors de l’EEE, dans des produits finis vendus dans l’EEE. Toute assimilation entre la vente d’un produit fini et celle d’un LCD cartellisé devrait être exclue. En revanche, les ventes internes à une entreprise verticalement intégrée devraient être assimilées aux ventes à des tiers et être ainsi comptabilisées si elles sont faites dans l’EEE.

73

Il convient de constater que, ainsi que le fait remarquer la Commission, rien dans la jurisprudence issue de l’arrêt Europa Carton/Commission, précité, ne peut être interprété en ce sens que la compétence territoriale de la Commission est exclue lorsque les produits faisant l’objet d’une entente sont d’abord soumis à une transaction entre deux sociétés, établies en dehors de l’EEE et relevant de l’entreprise ayant participé à l’entente, avant d’atteindre le marché intérieur.

74

En l’espèce, les participants à l’entente qui, comme la requérante, étaient des entreprises verticalement intégrées, incorporaient, à l’extérieur de l’EEE, des LCD cartellisés dans des produits finis vendus dans l’EEE. Ainsi, le cas auquel la Commission était confrontée ne se prêtait pas à la transposition pure et simple de la jurisprudence issue de l’arrêt Europa Carton/Commission, précité. Par conséquent, la Commission était en droit d’adapter les enseignements de cette dernière aux circonstances de l’espèce, afin d’atteindre le but, visé par ladite jurisprudence, de ne pas privilégier les entreprises verticalement intégrées qui ont participé à une entente.

75

Sur la base de ce qui précède, il y a lieu de conclure que, par la comptabilisation des «ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés», la Commission n’a pas illégalement étendu sa compétence territoriale pour poursuivre les infractions aux règles de concurrence énoncées dans les traités.

Sur les prétendues discriminations découlant de la notion de «ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés»

76

La requérante soutient que le caractère illégal de la notion de «ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés» est démontré par le fait que l’emploi de celle-ci l’a exposée à un traitement défavorable et discriminatoire par rapport à d’autres participants à la même entente.

– Observations liminaires

77

Il convient de rappeler que le principe d’égalité de traitement constitue un principe général du droit de l’Union, consacré par les articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

78

Il ressort d’une jurisprudence constante que ledit principe exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt de la Cour du 14 septembre 2010, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission e.a., C-550/07 P, Rec. p. I-8301, point 55, et la jurisprudence citée).

79

S’agissant de la détermination du montant de l’amende, le principe en cause s’oppose à ce que la Commission opère, par l’application de méthodes de calcul différentes, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord ou à une pratique concertée contraire à l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir arrêt de la Cour du 19 juillet 2012, Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission et Commission/Alliance One International e.a., C‑628/10 P et C‑14/11 P, point 58, et la jurisprudence citée).

80

En l’espèce, il y a lieu d’observer que la Commission a calculé l’amende à infliger à chacun des participants à l’entente sur la base des trois mêmes catégories de ventes rappelées au point 18 ci-dessus. Le fait que la catégorie des «ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés» n’était applicable qu’à certains de ces participants ne constitue pas une discrimination, dès lors que la Commission a apprécié l’applicabilité de cette catégorie à chacun des participants sur la base des mêmes critères objectifs. De manière analogue, le fait que l’absence de prise en compte des «ventes indirectes» puisse avoir bénéficié à certains participants de manière plus importante qu’à la requérante ne constitue pas non plus en soi une discrimination (voir, en ce sens, arrêt Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission et Commission/Alliance One International e.a., précité, points 135 et 138, et conclusions de l’avocat général Mme Kokott sous ledit arrêt, point 87).

– Sur la prétendue discrimination par rapport à Samsung

81

La requérante fait valoir que la Commission l’a traitée de manière moins favorable que Samsung, et ce bien que ces deux entreprises se soient trouvées dans des situations prétendument comparables. À cet égard, la requérante signale que les livraisons de LCD cartellisés faites par Samsung à ses filiales établies dans l’EEE, qui les ont intégrés dans des produits finis, ont été comptabilisées en tant que «ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés» seulement lorsque les produits finis ont été vendus dans l’EEE. En revanche, les LCD cartellisés vendus par la requérante aux mêmes filiales européennes de Samsung ont été tous pris en compte, y compris lorsque les produits finis étaient vendus par ces filiales en dehors de l’EEE, en tant que «ventes EEE directes». Au vu de ces circonstances, la requérante souligne que, lorsqu’elle vend des LCD cartellisés à Samsung, ceux-ci ne quittent pas le cercle des membres de l’entente et ne constituent dès lors pas une mise sur le marché.

82

Il convient de relever, tout d’abord, que la Commission a appliqué les mêmes critères à l’égard de Samsung et de la requérante. En effet, d’une part, les ventes de LCD cartellisés faites par la requérante ou par Samsung à des tiers indépendants établis dans l’EEE ont été incluses parmi les «ventes EEE directes». D’autre part, les situations dans lesquelles la requérante ou Samsung transféraient d’abord les LCD cartellisés à d’autres sociétés relevant de la même entreprise, qui les intégraient dans des produits finis vendus à des tiers indépendants, ont été prises en compte, en tant que «ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés», si ces ventes à des tiers avaient lieu dans l’EEE.

83

Ensuite, il doit être observé que la Commission était parfaitement en droit d’inclure les ventes de la requérante aux filiales européennes de Samsung parmi les «ventes EEE directes», dès lors que les LCD cartellisés en cause étaient vendus à des clients établis dans l’EEE, ce qui a forcément faussé le jeu de la concurrence dans le marché intérieur. La mesure de la nocivité doit être estimée sur la base du chiffre d’affaires que la requérante a réalisé notamment par ces ventes, conformément à la jurisprudence rappelée au point 37 ci-dessus.

84

L’argument de la requérante selon lequel la Commission n’aurait pas dû prendre en compte les ventes qui n’ont pas quitté le cercle des participants à l’entente ne saurait être suivi. En effet, dès lors qu’un produit faisant l’objet d’une entente est vendu dans le marché intérieur, le jeu de la concurrence au sein de celui-ci est faussé et la Commission doit en tenir compte dans le calcul de l’amende qu’elle inflige à l’entreprise qui a tiré un bénéfice de cette vente. À cet égard, il importe de souligner que l’article 101 TFUE vise, à l’instar des autres règles de concurrence énoncées dans les traités, à protéger non pas uniquement les intérêts des concurrents ou des consommateurs, mais la structure du marché et, ce faisant, la concurrence en tant que telle (arrêts de la Cour T‑Mobile Netherlands e.a., précité, point 38, et du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., C-501/06 P, C-513/06 P, C-515/06 P et C-519/06 P, Rec. p. I-9291, point 63). En l’espèce, l’origine de la distorsion de la concurrence dans le marché intérieur se trouve dans la vente entre la requérante et Samsung.

85

Par ailleurs, s’il est vrai que certains des LCD cartellisés que les filiales européennes de Samsung ont achetés à la requérante peuvent avoir été intégrés dans des produits finis vendus en dehors de l’EEE, cette circonstance ne remet pas en cause le fait qu’une vente entre deux entreprises distinctes a bien eu lieu dans l’EEE lorsque les LCD de la requérante ont été achetés par les filiales européennes de Samsung. Ainsi, la Commission pouvait considérer qu’il s’agissait de ventes affectant le jeu de la concurrence dans le marché intérieur.

86

Quant au fait que, à l’égard de Samsung, la Commission a pris en considération seulement les ventes des LCD cartellisés qui ont été intégrés, par les filiales européennes de Samsung, dans des produits finis vendus dans l’EEE, il y a lieu de relever que, par rapport à ces LCD cartellisés, leur première vente à une entreprise tierce s’est réalisée lors de la vente du produit fini. Dès lors, afin de ne prendre en considération que des ventes ayant un lien avec l’EEE, la Commission était en droit, voire dans l’obligation, de se limiter à prendre en compte les ventes des LCD cartellisés qui avaient été intégrés dans des produits finis vendus dans l’EEE.

87

S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le fait d’établir une distinction fondée sur la destination du produit fini serait contraire à la jurisprudence issue de l’arrêt de la Cour du 6 mars 1974, Istituto Chemioterapico Italiano et Commercial Solvents/Commission (6/73 et 7/73, Rec. p. 223, point 33), il convient d’observer que la question qui se posait dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt était différente de celle de l’espèce. En effet, il s’agissait de savoir si l’interdiction d’abus de position dominante, prévue à l’article 102 TFUE, était applicable lorsque le détenteur d’une telle position établi dans le marché intérieur tendait, par l’exploitation abusive de celle-ci, à éliminer un concurrent également établi dans ce marché. Ce n’est qu’à cet égard que la Cour a considéré qu’il était indifférent de savoir si le comportement en cause concernait les activités exportatrices de ce concurrent ou ses activités dans le marché intérieur. La Cour n’a pas manqué de souligner que c’était l’élimination même dudit concurrent qui aurait des répercussions sur la structure de la concurrence dans le marché intérieur (arrêt Istituto Chemioterapico Italiano et Commercial Solvents/Commission, précité, point 33). En l’espèce, au contraire, la Commission était en droit de définir la catégorie des «ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés» en la limitant aux seules ventes de LCD cartellisés qui se retrouvaient dans des produits finis vendus dans l’EEE. En effet, si cette première vente des produits cartellisés à un tiers n’avait pas eu lieu dans l’EEE, le lien entre le marché intérieur et l’infraction aurait été trop faible.

88

Enfin, s’il ne saurait être exclu que même les LCD intégrés dans les autres produits finis vendus par Samsung à des tiers établis en dehors de l’EEE puissent par la suite être revenus dans ce dernier et y avoir ainsi faussé le jeu de la concurrence, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation pour ce qui est de la méthode de calcul des amendes. Cette méthode, circonscrite par les lignes directrices de 2006, comporte différents éléments de flexibilité permettant à la Commission d’exercer son pouvoir d’appréciation en conformité avec les dispositions du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1) (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, C-322/07 P, C-327/07 P et C-338/07 P, Rec. p. I-7191, point 112, et du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, C-280/08 P, Rec. p. I-9555, point 271). En outre, la Commission n’est pas obligée de constater et de sanctionner tout comportement anticoncurrentiel (arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié au Recueil, point 369). Par ailleurs, puisque, à l’égard de toutes les entreprises verticalement intégrées, la Commission a appliqué la notion de «ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés», qui exclut les ventes de LCD cartellisés qui ont été intégrés dans des produits finis vendus en dehors de l’EEE, quel que fût le lieu où les produits finis ont été réalisés, aucune inégalité de traitement injustifiée n’a été commise.

– Sur les prétendues discriminations par rapport à deux autres destinataires de la décision attaquée

89

La requérante soutient qu’elle a été discriminée par rapport à deux autres participants à l’entente, à savoir LGD et la société de droit taïwanais AU Optronics Corp. (ci-après «AUO»), lesquels relèveraient de groupes ayant un degré d’intégration verticale comparable à celui de la requérante. En effet, selon la requérante, puisque la Commission n’a appliqué à ces participants que la notion de «ventes EEE directes», leurs ventes de LCD cartellisés adressées à des sociétés liées ont été prises en compte uniquement lorsque l’acheteur se trouvait dans l’EEE. En revanche, par l’utilisation de la notion de «ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés», les ventes internes de la requérante ont été comptabilisées même lorsqu’elles étaient adressées à des filiales établies en dehors de l’EEE, pourvu que les produits finis, réalisés par ces filiales avec l’emploi des LCD cartellisés, fussent vendus dans l’EEE. Le caractère discriminatoire de la distinction opérée par la Commission serait d’autant plus évident que, ainsi qu’il ressortirait des considérants 394 et 396 de la décision attaquée, elle aurait utilisé en substance les mêmes éléments de preuve pour établir l’influence de l’entente, d’une part, sur les ventes de la requérante à ses filiales et, d’autre part, sur les ventes de LGD et d’AUO aux sociétés avec lesquelles chacune d’elles était liée.

90

En premier lieu, il convient d’observer que la Commission, dans la décision attaquée, n’a pas conclu que LGD formait une entreprise unique, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 6 et 69 ci-dessus, avec la société de droit coréen LG Electronics, Inc. (ci-après «LGE») et avec la société de droit néerlandais Koninklijke Philips Electronics NV (ci-après «Philips»). De même, la Commission n’a pas appliqué cette notion à AUO et à la société de droit taïwanais BenQ Corp. (ci-après «BenQ»). Dès lors, les ventes de LGD à LGE et à Philips et celles d’AUO à BenQ ont été considérées comme étant des «ventes EEE directes» et non des «ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés». Le traitement différent auquel les ventes de la requérante ont été soumises est justifié par le fait qu’elle a transféré les LCD cartellisés d’abord, au sein de la même entreprise, à des sociétés établies en dehors de l’EEE, lesquelles ont ensuite intégrés ces LCD dans des produits finis qui ont été vendus, par cette même entreprise, à des tiers établis dans l’EEE. Cette différence objective justifie l’inclusion des ventes de la requérante dans une autre catégorie que celle appliquée aux ventes de LGD à LGE et à Philips.

91

En second lieu, dans la mesure où le grief de la requérante résumé au point 89 ci-dessus peut être interprété en ce sens qu’elle reprocherait à la Commission d’avoir exclu l’existence d’une entreprise unique entre LGD, LGE et Philips et entre AUO et BenQ, il convient de rappeler, tout d’abord, que, selon la jurisprudence, un grief se rapportant à un moyen d’annulation est irrecevable, au motif que l’intérêt à agir fait défaut lorsque, à supposer même qu’il soit fondé, l’annulation de l’acte attaqué sur la base de ce moyen ne serait pas de nature à donner satisfaction au requérant (arrêt de la Cour du 9 juin 2011, Evropaïki Dynamiki/BCE, C-401/09 P, Rec. p. I-4911, point 49 ; voir également, en ce sens, arrêts de la Cour du 15 mars 1973, Marcato/Commission, 37/72, Rec. p. 361, points 2 à 8, et du 21 septembre 2000, EFMA/Conseil, C-46/98 P, Rec. p. I-7079, point 38).

92

En l’espèce, le grief de la requérante est irrecevable, au motif que, à supposer que ce fût à tort que la Commission ait omis de considérer que LGD, LGE et Philips formaient une entreprise unique, tout comme AUO et BenQ, cette circonstance ne pourrait aucunement profiter à la requérante. En effet, contrairement à ce qu’elle soutient, ces prétendues erreurs de la Commission, même si elles étaient avérées, ne démontreraient pas que la notion de «ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés» est à son tour erronée, dès lors que la définition de cette notion est indépendante des cas auxquels elle a été appliquée ou non. Ainsi, si la Commission avait constaté que les groupes de sociétés susmentionnées formaient des entreprises uniques, elle aurait tout simplement dû exclure que les transferts de LCD cartellisés au sein de la même entreprise soient comptabilisés en tant que «ventes EEE directes». En revanche, la Commission aurait vérifié lesquelles parmi lesdites ventes remplissaient les conditions pour être considérées comme étant des «ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés», conditions qui auraient été exactement celles appliquées aux ventes de la requérante qui ont été incluses dans cette catégorie.

93

En tout état de cause, à supposer que la requérante soit recevable à invoquer le grief résumé au point 89 ci-dessus, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, d’une part, le respect du principe d’égalité de traitement doit se concilier avec celui du principe de légalité, ce qui implique que nul ne peut invoquer à son profit une illégalité commise en faveur d’autrui ; d’autre part, lorsqu’une entreprise a, par son propre comportement, violé l’article 101, paragraphe 1, TFUE, elle ne saurait échapper à toute sanction au motif que d’autres opérateurs économiques ne se sont pas vu infliger d’amende, lorsque, comme en l’espèce, le juge de l’Union n’est pas saisi de la situation de ces derniers (voir arrêt du Tribunal du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T-120/04, Rec. p. II-4441, point 77, et la jurisprudence citée).

94

Également pour ces raisons, la requérante ne saurait tirer aucun bénéfice des éventuelles erreurs commises par la Commission quant à l’existence d’une entreprise unique entre LGD, LGE et Philips et entre AUO et BenQ.

95

Quant au fait, invoqué par la requérante, que la Commission, dans la communication des griefs, avait considéré que LGD, LGE et Philips formaient une entreprise unique, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, il est inhérent à la nature de la communication des griefs d’être provisoire et susceptible de modifications lors de l’évaluation à laquelle la Commission procède ultérieurement sur la base des observations qui lui ont été présentées en réponse par les parties ainsi que d’autres constatations factuelles. En effet, la Commission doit tenir compte des éléments résultant de l’intégralité de la procédure administrative soit pour abandonner des griefs qui seraient mal fondés, soit pour aménager et compléter tant en fait qu’en droit son argumentation à l’appui des griefs qu’elle retient. Ainsi, la communication des griefs n’empêche nullement la Commission de modifier sa position en faveur des entreprises concernées (voir arrêt de la Cour du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C-413/06 P, Rec. p. I-4951, point 63, et la jurisprudence citée).

96

Il s’ensuit que la Commission n’est pas liée au maintien des appréciations de fait ou de droit portées dans ce document. Au contraire, elle doit motiver sa décision finale par ses appréciations définitives fondées sur les résultats de l’intégralité de son enquête tels qu’ils se présentent au moment de la clôture de la procédure administrative. Par ailleurs, la Commission n’est pas tenue d’expliquer les différences éventuelles existant entre ses appréciations définitives et ses appréciations provisoires contenues dans la communication des griefs (voir arrêt Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, précité, points 64 et 65, et la jurisprudence citée).

97

Ainsi, la Commission n’était pas tenue d’expliquer, dans la décision attaquée, les raisons pour lesquelles elle avait finalement considéré que LGD ne formait pas une entreprise unique avec LGE et Philips.

98

Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante ayant trait au fait que le raisonnement suivi et les éléments de preuve invoqués par la Commission à l’égard tant des ventes de LCD cartellisés internes à des entreprises que de celles faites à des entreprises liées aux participants par une relation particulière sont en substance les mêmes, il y a lieu de le rejeter comme inopérant. En effet, cette circonstance n’affecte pas le fait que la présence ou l’absence d’une entreprise unique au sens de la jurisprudence rappelée aux points 6 et 69 ci-dessus est une circonstance suffisante pour justifier que la Commission classifie différemment les ventes effectuées dans un cas ou dans l’autre aux fins de l’amende.

99

Sur la base des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter également la seconde branche du premier moyen et, par conséquent, ce dernier dans son ensemble.

2. Sur le deuxième moyen, tiré du fait que la Commission aurait violé l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en concluant que l’infraction s’étendait aux LCD-TV

100

Par le présent moyen, d’une part, la requérante conteste, en substance, que son comportement anticoncurrentiel relatif tant aux LCD-TV qu’aux LCD-TI puisse être considéré comme donnant lieu à une même infraction unique et continue. D’autre part, elle reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait que les participants coréens à l’entente constatée dans la décision attaquée se seraient concertés avec les fournisseurs japonais de LCD-TV au sujet de ces derniers produits.

Observations liminaires

101

Il convient tout d’abord de rappeler que la notion d’infraction unique vise une situation dans laquelle plusieurs entreprises ont participé à une infraction constituée d’un comportement continu poursuivant un seul but économique visant à fausser la concurrence ou bien encore d’infractions individuelles liées entre elles par une identité d’objet (même finalité de l’ensemble des éléments) et de sujets (identité des entreprises concernées, conscientes de participer à l’objet commun) (voir arrêt du Tribunal du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T-446/05, Rec. p. II-1255, point 89, et la jurisprudence citée).

102

Ensuite, il y a lieu de relever qu’une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu. Cette interprétation ne saurait être contestée au motif qu’un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes et pris isolément une violation de ladite disposition. Lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un plan global, en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché unique, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (voir arrêt Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, précité, point 90, et la jurisprudence citée).

103

Il importe également de préciser que l’objectif unique visé par le plan global qui caractérise une infraction unique et continue ne saurait être déterminé par la référence générale à la distorsion de concurrence dans le marché concerné par l’infraction, dès lors que l’atteinte portée à la concurrence constitue, en tant qu’objet ou effet, un élément consubstantiel à tout comportement relevant du champ d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Une telle définition de la notion d’objectif unique risquerait de priver la notion d’infraction unique et continue d’une partie de son sens, dans la mesure où elle aurait comme conséquence que plusieurs comportements, concernant un secteur économique, interdits par l’article 101, paragraphe 1, TFUE, devraient systématiquement être qualifiés d’éléments constitutifs d’une infraction unique. Ainsi, aux fins de qualifier différents agissements en tant qu’infraction unique et continue, il y a lieu de vérifier s’ils présentent un lien de complémentarité, en ce sens que chacun d’entre eux est destiné à faire face à une ou à plusieurs conséquences du jeu normal de la concurrence, et contribuent, par le biais d’une interaction, à la réalisation de l’ensemble des effets anticoncurrentiels voulus par leurs auteurs, dans le cadre d’un plan global visant un objectif unique. À cet égard, il y a lieu de tenir compte de toute circonstance susceptible d’établir ou de remettre en cause ledit lien, telle que la période d’application, le contenu (y compris les méthodes employées) et, corrélativement, l’objectif des divers agissements en question (voir arrêt Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, précité, point 92, et la jurisprudence citée).

104

C’est à la lumière de ces principes qu’il y a lieu d’examiner les arguments de la requérante, après avoir rappelé les constatations effectuées par la Commission dans la décision attaquée qui sont pertinentes à cet égard.

Constatations effectuées dans la décision attaquée

105

Il convient d’observer, tout d’abord, que l’infraction que la Commission a reprochée aux destinataires de la décision attaquée réside dans le fait qu’ils ont participé, d’une part, aux «réunions Cristal», au cours desquelles ils fixaient des prix minimaux pour les LCD cartellisés, discutaient de leurs projections de prix pour en éviter la diminution et coordonnaient leurs augmentations de prix ainsi que leurs niveaux de production, et, d’autre part, à des réunions bilatérales ayant trait aux sujets discutés lors des «réunions Cristal» (voir point 15 ci-dessus).

106

De manière plus détaillée, dans la décision attaquée, la Commission a estimé, premièrement, que les participants à l’entente s’étaient engagés dans une entente unique, complexe et continue pour les LCD-TI et les LCD-TV, constituée par une série d’actions connexes et interdépendentes qui ont duré pendant toute la période infractionnelle, dans le but d’augmenter et de maintenir les prix desdits LCD au niveau mondial et au niveau de l’EEE (considérant 283).

107

Deuxièmement, selon la décision attaquée, la fixation des prix, atteinte par voie d’augmentation de prix, de fixation de fourchettes de prix et de fixation de prix minimaux ou cibles, et l’adoption d’une position commune et d’une stratégie future sur les paramètres qui déterminent les prix, tels que la production, les capacités, les expéditions ainsi que la demande, assorties d’un système de surveillance pour garantir le respect des arrangements conclus, sont autant d’éléments faisant tous partie d’un plan global, qui avait pour objectif commun de contrôler les prix pour les ventes mondiales, y compris celles effectuées dans l’EEE, tant des LCD-TI que des LCD-TV (considérant 284).

108

Troisièmement, la Commission a observé que les caractéristiques de l’infraction, ses lignes d’action et son organisation ont suivi le même modèle durant toute la période infractionnelle. Si le mode opératoire de la collusion a certes changé au fil du temps, selon la décision attaquée, cela devait être considéré comme normal à l’égard d’une entente de longue durée, dont les participants s’étaient adaptés à des changements de circonstances, notamment afin de ne pas être repérés. Ainsi, dans la décision attaquée, il a été observé que même la présence, aux réunions de l’entente tenues à partir du mois de mai 2005, de personnel de secrétariat, et non plus de direction comme auparavant, n’avait pas déterminé un changement dans la nature des réunions, lesquelles continuaient à viser la fixation des prix et le contrôle de paramètres tels que la production des LCD cartellisés (considérant 287).

109

Quatrièmement, la Commission a reconnu que les discussions qui avaient eu lieu durant la première année de l’entente s’étaient concentrées sur les LCD-TI et a relevé que les LCD-TV avaient été impliqués dans ces discussions dès le mois de septembre 2002. Elle a cependant remarqué qu’au fur et à mesure que les autres participants à l’entente s’étaient lancés dans la production de LCD-TV ils avaient commencé à partager avec les autres leurs données relatives à ceux-ci. À cet égard, la Commission a souligné, d’une part, que les LCD-TV avaient, depuis lors, systématiquement fait l’objet de discussions lors des mêmes réunions que celles où étaient visés les LCD-TI et, d’autre part, que les participants étaient en mesure de réallouer les capacités entre les différentes applications des LCD cartellisés afin d’influencer la demande et, par ce biais, également le prix de ces produits. Sur cette base, la Commission a conclu que les mêmes entreprises poursuivaient, pour les LCD-TV, le même objectif et suivaient le même mode opératoire, dans le cadre du même plan global, que dans le cas des discussions concernant les LCD-TI qui avaient eu lieu depuis 2001 (considérants 288 et 289).

Appréciation des arguments contestant les constatations effectuées dans la décision attaquée

110

Il ressort de nombreux documents recueillis par la Commission que les participants à l’entente étaient en mesure de réallouer leurs capacités de production entre LCD-TI et LCD-TV afin d’influencer la demande et, par là même, les prix de ces produits.

111

À cet égard, en premier lieu, le considérant 154 de la décision attaquée cite les notes d’un participant à la «réunion Cristal» du 11 juin 2003, à laquelle la requérante a assisté, dans lesquelles une déclaration de [confidentiel] a été reprise dans les termes suivants :

«[… S]i les clients actuels dans les secteurs des moniteurs et des ordinateurs portables compacts réduisent leurs commandes, la capacité de production sera déplacée afin de produire en réaction des téléviseurs […]»

112

En deuxième lieu, il ressort d’un courriel relatif à la «réunion Cristal» du 9 juillet 2003, mentionné au considérant 155 de la décision attaquée, que la requérante décidait de ses priorités dans l’allocation de ses capacités de production de LCD entre les LCD-TV et les LCD-TI selon les marges de profit attendues. Ce même courriel fait état d’une réallocation des capacités de production des LCD-TI vers les LCD-TV par [confidentiel]. Par ailleurs, le compte rendu rédigé par l’un des participants à cette réunion fait état de la circonstance, reprise au considérant 156 de la décision attaquée, que, pour la requérante, la production de moniteurs était une manière d’absorber toute les capacités de production qui restaient disponibles.

113

En troisième lieu, dans un courriel interne d’[confidentiel], relatif au compte rendu de la «réunion Cristal» du 5 février 2004, qui s’était tenue chez la requérante, il est indiqué que [confidentiel] réallouait ses capacités de production notamment vers les LCD-TV.

114

En quatrième lieu, au considérant 187 de la décision attaquée, la Commission s’est référée aux notes d’un participant à la «réunion Cristal» du 4 novembre 2004, lesquelles mentionnaient des discussions portant sur la réattribution des capacités de production entre les différentes applications des LCD cartellisés afin d’influencer la demande. En particulier, [confidentiel] a confirmé «son intention de ne lancer la production du MEP 17’’ que si la demande du marché des téléviseurs [était] limitée et si elle n’[avait] pas d’alternative». Selon ces mêmes notes, l’offre de la requérante de certains LCD-TV était devenue insuffisante dès lors qu’elle avait redirigé ses capacités de production vers d’autres LCD [confidentiel], qui étaient des LCD-TI, ainsi que la requérante l’a confirmé en réponse à une question écrite du Tribunal.

115

En cinquième lieu, au considérant 192 de la décision attaquée, la Commission cite des notes relatives à la «réunion Cristal» du 7 janvier 2005, à laquelle la requérante a participé, dont il ressort qu’un autre participant à l’entente réallouait ses capacités de production des moniteurs vers les ordinateurs portables et les téléviseurs.

116

En sixième lieu, au considérant 220 de la décision attaquée, la Commission mentionne le fait que, selon un rapport de [confidentiel] sur la «réunion Cristal» du 4 novembre 2005, la requérante a, à cette occasion, présenté ses volumes de ventes et ses capacités de production. À cet égard, il convient de préciser que le rapport en question mentionne le fait que la requérante, pendant le mois de novembre 2005, utilisait presque 100 % des capacités de production de certaines de ses installations de production pour réaliser des LCD-TV.

117

En septième lieu, au considérant 223 de la décision attaquée, la Commission fait état de documents relatifs à la «réunion Cristal» du 6 décembre 2005, à laquelle la requérante a assisté, dans lesquels il est référé que l’un des participants à l’entente réallouait une partie de ses capacités de production vers les téléviseurs et les ordinateurs portables.

118

Ces éléments démontrent que les participants à l’entente, y compris la requérante, étaient en mesure de réallouer, et ont effectivement à plusieurs reprises réalloué, leurs capacités de production des LCD-TI vers les LCD-TV et vice versa, pour chercher à maintenir les prix des uns et des autres produits aux niveaux convenus ou, à tout le moins, pour limiter leurs baisses. Dès lors, ces éléments permettent de conclure qu’il existait un lien de complémentarité, au sens de la jurisprudence rappelée au point 103 ci-dessus, entre les décisions prises et les informations échangées à l’égard des deux catégories de LCD cartellisés.

119

S’agissant de l’invocation par la requérante du prétendu caractère superficiel et épisodique des échanges d’informations entre les participants à l’entente quant aux LCD-TV, il convient d’observer que les preuves contenues dans la décision attaquée révèlent, tout d’abord, qu’à plusieurs reprises les participants aux réunions de l’entente sont convenus de maintenir constant le niveau des prix des LCD-TV. Ainsi qu’il est indiqué au considérant 154 de la décision attaquée, à l’occasion de la «réunion Cristal» du 11 juin 2003, des informations ont été échangées au sujet notamment de la stratégie des prix (price policies) que l’un des participants à l’entente envisageait, notamment, pour les LCD-TV. De même, des tableaux ont été examinés concernant les tendances des prix de différents types de LCD cartellisés pour les mois de mai, juin et juillet de cette année. Dans un de ces tableaux figurent des données portant sur des LCD-TV. Ensuite, au considérant 165 de la décision attaquée, la Commission a fait état de documents relatifs à la «réunion Cristal» du 7 novembre 2003, desquels il ressort que les participants se fixaient comme objectifs d’augmenter les prix des LCD pour les ordinateurs portables et de maintenir le niveau des prix des autres LCD cartellisés, avec mention explicite des LCD-TV. En annexe à un compte rendu de cette réunion figurent des tableaux affichant les prix de nombreuses catégories de LCD cartellisés, dont des LCD-TV, au cours de l’année 2003. D’autres exemples du fait que les discussions lors des réunions de l’entente portaient sur des données, notamment les prix et les capacités de production, concernant non seulement les LCD-TI, mais également les LCD-TV, apparaissent aux considérants 167, 171, 173, 174, 202 et 214 de la décision attaquée ainsi que dans les documents du dossier de la Commission auxquels ces considérants renvoient.

120

Même à supposer que les participants à l’entente aient échangé plus d’informations, ou des informations plus sensibles, à l’égard des LCD-TI qu’à l’égard des LCD-TV, il n’en demeure pas moins que les preuves recueillies par la Commission démontrent que toutes ces informations étaient échangées au même moment, souvent par le biais des mêmes documents et, surtout, en poursuivant le même but. Par ailleurs, le caractère sensible et détaillé des informations fournies par la requérante ressort du considérant 202 de la décision attaquée, où la Commission cite un document, relatif à la «réunion Cristal» du 5 mai 2005, dont il ressort que, en ce qui concerne la requérante, compte tenu de capacités serrées, le prix d’une catégorie de LCD-TV a augmenté de 5 à 10 dollars des États-Unis (USD) en mai, ce qui a porté le prix à 230 USD.

121

S’agissant du fait, invoqué par la requérante, que les discussions sur les LCD-TV ont, à son avis, mis en exergue une tendance continue à la baisse des prix de ces produits, il convient d’observer que plusieurs documents sur lesquels la Commission s’est fondée dans la décision attaquée font état de l’intention des participants à l’entente de maintenir constants les niveaux des prix de ces LCD et du fait que des baisses des prix n’étaient pas probables à court terme (voir considérants 165, 167, 173 et 207 de la décision attaquée). En tout état de cause, à supposer que, souvent, les discussions de l’entente aient uniquement abouti à des décisions de baisse des prix, cette coordination des comportements n’en aurait pas moins faussé le jeu de la concurrence, dès lors que les baisses des prix ont été effectuées de manière coordonnée et qu’elles auraient pu être plus importantes en l’absence de concertation. Par ailleurs, la possibilité de réallouer les capacités de production, qui faisait l’objet des discussions de l’entente, permettait aux participants à celle-ci de réagir à des baisses des prix des LCD-TV, et ce de manière coordonnée, dans le cadre d’un plan global.

122

S’agissant de la circonstance, également invoquée par la requérante, que le personnel envoyé par les participants à l’entente aux réunions de celle-ci était spécialisé dans les LCD-TI, et non dans les LCD-TV, il convient de relever que, si elle peut s’interpréter en ce sens que les LCD-TI étaient plus importants aux yeux des entreprises concernées, elle ne signifie pas pour autant que les LCD-TV ne faisaient l’objet que de discussions superficielles et épisodiques. En effet, ainsi que le fait remarquer à juste titre la Commission, la circonstance en question démontre que les échanges d’informations concernant les LCD-TV se faisaient de manière préméditée, dès lors que le personnel présent aux réunions devait se préparer à ce sujet, qui ne faisait pas partie de leur domaine principal d’activité.

123

Il ressort de ce qui précède que les échanges de données concernant les LCD-TV relevaient du même plan global que ceux relatifs aux LCD-TI et, par conséquent, de la même infraction unique et continue.

124

Les autres arguments de la requérante ne remettent pas en cause la constatation qu’il s’agissait bien d’une infraction unique et continue, relative tant aux LCD-TI qu’aux LCD-TV, que la Commission était en droit de sanctionner par une amende globale.

125

Premièrement, est dépourvue de toute pertinence la circonstance selon laquelle les données relatives aux LCD-TV ont commencé à être discutées entre les participants à l’entente après une première phase au cours de laquelle l’entente n’avait concerné que les LCD-TI. En effet, dès lors qu’il a été prouvé que les échanges d’informations et les décisions prises lors des réunions de l’entente à l’égard des LCD-TV relevaient du même plan global que celui mis en place pour les LCD-TI, le moment auquel cette extension de l’entente a eu lieu, pour chacun des participants, n’a pas d’influence. En outre, il convient de souligner que, aux fins du calcul du montant de l’amende, la Commission a tenu compte de la moyenne de la valeur des ventes pertinentes de chaque destinataire de la décision attaquée tout au long de la période infractionnelle. Cette moyenne est influencée, de manière favorable à la requérante, par le fait que celle-ci ne produisait pas de LCD-TV au début de la période infractionnelle.

126

Par ailleurs, le fait que la requérante ne produisait pas de LCD-TV lorsque des données relatives à ces derniers ont commencé à être échangées au cours des «réunions Cristal» n’enlève rien à la circonstance selon laquelle la requérante, lorsqu’elle a élargi ses activités aux LCD-TV, a pu bénéficier des informations dont elle disposait concernant les prix et les capacités de production des autres participants à l’entente qui l’avaient précédée dans ce secteur. À cet égard, il ressort de la jurisprudence qu’une entreprise peut être tenue responsable d’une pratique concertée même si sa participation se limite à la simple réception d’informations sur le comportement futur de ses concurrents (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T‑54/03, non publié au Recueil, points 459 et 460, et la jurisprudence citée). Ainsi, une entreprise peut n’avoir directement participé qu’à une partie des comportements anticoncurrentiels composant une infraction unique et continue, mais avoir eu connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs, ou avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque. Dans un tel cas, la Commission est en droit d’imputer à cette entreprise la responsabilité de l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant une telle infraction et, par suite, de celle-ci dans son ensemble (arrêt de la Cour du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, point 43).

127

Dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire d’examiner la valeur probante, contestée par la requérante, du document sur lequel la Commission s’est fondée pour considérer que l’extension de l’entente aux LCD-TV a commencé en septembre 2002.

128

Deuxièmement, il importe peu que les LCD-TI et les LCD-TV puissent relever de marchés différents, comme le soutient la requérante. À cet égard, il convient de rappeler, tout d’abord, qu’une infraction unique ne doit pas nécessairement porter sur le même produit ou sur des produits substituables. D’autres critères sont également pertinents à cette fin, tels que l’identité ou la diversité des objectifs des pratiques en cause, l’identité des entreprises qui y ont pris part, l’identité des modalités de mise en œuvre desdites pratiques, l’identité des personnes physiques impliquées pour le compte des entreprises et l’identité du champ d’application géographique des pratiques en cause (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2012, Almamet/Commission, T‑410/09, points 172 et 174, et la jurisprudence citée). Ces critères sont satisfaits en l’espèce, ainsi que cela ressort des points 110 à 127 ci-dessus.

129

En outre, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, c’est pour déterminer si un accord est susceptible d’affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence dans le marché intérieur qu’il faut définir le marché en cause. Par conséquent, l’obligation d’opérer une délimitation du marché en cause dans une décision adoptée en application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE s’impose à la Commission uniquement lorsque, sans une telle délimitation, il n’est pas possible de déterminer si l’accord, la décision d’association d’entreprises ou la pratique concertée en cause est susceptible d’affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence dans le marché intérieur (arrêts du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T-38/02, Rec. p. II-4407, point 99, et du 6 décembre 2005, Brouwerij Haacht/Commission, T-48/02, Rec. p. II-5259, point 58 ; voir également, en ce sens, ordonnance de la Cour du 16 février 2006, Adriatica di Navigazione/Commission, C‑111/04 P, non publiée au Recueil, point 31).

130

En l’espèce, il n’est pas contesté par la requérante que l’entente était susceptible d’affecter le commerce entre les États membres et avait pour objet de restreindre et de fausser le jeu de la concurrence dans le marché intérieur.

131

Par ailleurs, la jurisprudence a également précisé que le marché visé par une décision de la Commission constatant une infraction à l’article 101 TFUE est déterminé par les accords et les activités de l’entente (voir arrêt du Tribunal du 24 mars 2011, IBP et International Building Products France/Commission, T-384/06, Rec. p. II-1177, point 118, et la jurisprudence citée). En l’espèce, ainsi que le fait remarquer à juste titre la Commission, ce sont les membres de l’entente qui ont délibérément focalisé leur comportement anticoncurrentiel à la fois sur les LCD-TI et sur les LCD-TV.

132

Ensuite, il y a lieu d’examiner l’argument que la requérante cherche à tirer de l’arrêt du Tribunal du 11 décembre 2003, Adriatica di Navigazione/Commission (T-61/99, Rec. p. II-5349, point 36), afin de soutenir que la Commission a insuffisamment défini les marchés concernés et ainsi mal compris la nature et l’ampleur précises de l’infraction constatée dans la décision attaquée.

133

À cet égard, il convient de rappeler que, certes, au point 30 de l’arrêt Adriatica di Navigazione/Commission, précité, le Tribunal a observé que des griefs à l’encontre de la définition du marché en cause, retenue par la Commission, peuvent viser des éléments propres à l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE autres que l’existence d’une restriction de la concurrence dans le marché intérieur et l’affectation du commerce entre les États membres, tels que la portée de l’entente en question, son caractère unique ou global ainsi que la portée de la participation individuelle de chacune des entreprises concernées. De même, aux points 31 et 32 dudit arrêt, le Tribunal a souligné qu’une décision de la Commission constatant la participation à une entente peut avoir des conséquences sur les relations des destinataires de cette décision avec des tiers. Aussi est-il souhaitable que la Commission, lorsqu’elle adopte une décision constatant la participation d’une entreprise à une infraction complexe, collective et ininterrompue, au-delà de la vérification du respect des conditions spécifiques d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, prenne en considération le fait que, si une telle décision doit entraîner la responsabilité personnelle de chacun de ses destinataires, c’est uniquement pour leur participation établie aux comportements collectifs sanctionnés et correctement délimités.

134

Cependant, même lu à la lumière de cette jurisprudence, l’argument de la requérante en l’espèce ne saurait prospérer. En effet, il ressort des points 110 à 127 ci-dessus que la Commission a tenu la requérante pour responsable uniquement de l’infraction qui s’est concrétisée par la participation aux «réunions Cristal» et aux réunions bilatérales liées à celles-ci, lesquelles avaient pour but de coordonner les prix et les capacités de production tant des LCD-TI que des LCD-TV. Ainsi, l’absence de définition plus précise des marchés concernés par l’entente n’a pas exposé la requérante aux risques mis en avant par le Tribunal dans l’arrêt Adriatica di Navigazione/Commission, précité, mentionnés au point 133 ci-dessus.

Absence de prise en considération des contacts avec les fournisseurs japonais

135

La requérante reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait que les participants coréens à l’infraction constatée dans la décision attaquée se concertaient prétendument avec les fournisseurs japonais de LCD-TV, qui, avec lesdits participants coréens, seraient les acteurs principaux sur ce marché, alors que la requérante n’y jouerait qu’un rôle secondaire. Selon la requérante, la véritable infraction que la Commission aurait dû poursuivre en relation à ces LCD résidait dans la concertation entre les acteurs principaux de ce marché. De ce fait, la Commission aurait violé l’obligation de motivation, le principe d’égalité de traitement ainsi que le principe de proportionnalité.

Observations liminaires

136

Il convient de relever que, si la jurisprudence relative à la notion d’infraction unique et continue permet à la Commission de poursuivre, par une seule procédure et une seule décision, à la fois plusieurs comportements qui auraient pu être poursuivis individuellement, elle n’a pas pour conséquence que la Commission soit dans l’obligation de procéder de la sorte. Ainsi, à supposer que la prétendue concertation entre les fournisseurs japonais de LCD-TV et les participants coréens à l’entente visée par la décision attaquée constitue une infraction à l’article 101 TFUE, et que cette infraction relève de la même infraction unique et continue que celle constatée dans la décision attaquée, la Commission n’aurait pas pour autant été obligée de poursuivre l’ensemble de ces comportements à la fois.

137

En effet, la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation quant à la portée des procédures qu’elle engage. À ce sujet, selon la jurisprudence, elle ne peut être obligée de constater et de sanctionner tout comportement anticoncurrentiel et les juridictions de l’Union ne pourraient – ne serait-ce qu’en vue d’une réduction d’amende – juger que la Commission, eu égard aux preuves à sa disposition, aurait dû établir l’existence d’une infraction pendant une période donnée et à l’encontre d’une entreprise donnée (voir, en ce sens, Tokai Carbon e.a./Commission, précité, points 369 et 370).

138

L’exercice de ce pouvoir est soumis au contrôle juridictionnel. Cependant, il ressort de la jurisprudence que ce n’est que s’il pouvait être démontré que la Commission a engagé, sans motif objectif, deux procédures distinctes relatives à une situation de fait unique que son choix pourrait être considéré comme étant un détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 juin 2010, Commission/Alrosa, C-441/07 P, Rec. p. I-5949, point 89).

139

En l’espèce, la Commission a considéré qu’elle ne disposait pas, ou pas encore, de preuves suffisantes à l’encontre des fournisseurs japonais et a ainsi choisi de ne pas les poursuivre en même temps que la requérante et les autres destinataires de la décision attaquée, à l’égard desquels elle disposait, en revanche, de nombreuses preuves de l’existence d’une infraction, et ce tant pour les LCD-TI que pour les LCD-TV, ainsi qu’il a été constaté ci-dessus (points 110 à 134). Or, cette circonstance constitue un motif objectif, qui justifie le choix de la Commission. Cependant, il convient d’observer que, dans le cadre de la procédure ouverte à l’encontre des fournisseurs japonais, la Commission sera tenue de respecter notamment le principe ne bis in idem à l’égard de la requérante.

Sur la prétendue violation de l’obligation de motivation

140

La requérante prétend que la Commission aurait dû, dans la décision attaquée, expliquer les raisons pour lesquelles elle a exclu de la procédure ayant abouti à l’adoption de la décision attaquée les fournisseurs japonais de LCD-TV.

141

À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Commission n’avait aucune obligation d’exposer, dans la décision attaquée, les raisons pour lesquelles les fournisseurs japonais n’ont pas été poursuivis dans le cadre de cette procédure. En effet, selon la jurisprudence, l’obligation de motivation d’un acte ne saurait englober une obligation pour l’institution qui en est l’auteur de motiver le fait de ne pas avoir adopté d’autres actes similaires adressés à des parties tierces (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T-67/00, T-68/00, T-71/00 et T-78/00, Rec. p. II-2501, point 414, et du 4 juillet 2006, Hoek Loos/Commission, T-304/02, Rec. p. II-1887, point 63).

Sur la prétendue violation du principe d’égalité de traitement

142

Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence rappelée au point 93 ci-dessus, dès lors qu’une entreprise a, par son comportement, violé l’article 101, paragraphe 1, TFUE, elle ne saurait échapper à toute sanction au motif que d’autres opérateurs économiques ne se sont pas vu infliger d’amende, alors même que, comme en l’espèce, le juge de l’Union n’est pas saisi de la situation de ces derniers. À cet égard, il y a lieu d’observer que, s’il est vrai que la Commission n’est pas en droit d’opérer une discrimination entre les entreprises qui ont participé à une même entente, il n’en reste pas moins que l’infraction reprochée à la requérante réside dans la concertation qui a eu lieu, lors des «réunions Cristal» et des réunions bilatérales liées à ces dernières, entre les fournisseurs taïwanais et coréens de LCD cartellisés. Puisque les fournisseurs japonais n’ont pas participé à cette concertation, la décision attaquée n’est pas viciée par une inégalité de traitement à cet égard.

143

En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel les seules discussions importantes concernant les LCD-TV étaient celles impliquant les fournisseurs japonais, auxquelles la requérante ne participait pas, il suffit de rappeler que la Commission a apporté des preuves suffisantes pour démontrer que les destinataires de la décision attaquée se sont concertés, dans le cadre d’un plan global, tant sur les LCD-TI que sur les LCD-TV (voir points 105 à 134 ci-dessus). Cette concertation constitue une infraction que la Commission était en droit de poursuivre, indépendamment de l’existence éventuelle d’autres infractions concernant les LCD-TV auxquelles certains destinataires de la décision attaquée, autres que la requérante, pourraient avoir participé.

144

En réponse à l’argument que la requérante cherche à tirer de la pratique administrative de la Commission, en particulier de la décision C (2008) 5955 final de la Commission, du 15 octobre 2008, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] (affaire COMP/39.188 – Bananes) (ci-après la «décision Bananes»), il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une pratique décisionnelle de la Commission ne saurait servir de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence et que des décisions concernant d’autres affaires ne revêtent qu’un caractère indicatif en ce qui concerne l’existence éventuelle d’une discrimination, étant donné qu’il est peu vraisemblable que les circonstances propres à celles-ci, telles que les marchés, les produits, les entreprises et les périodes concernés, soient identiques (voir arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Carbone-Lorraine/Commission, T-73/04, Rec. p. II-2661, point 92, et la jurisprudence citée).

145

Afin de souligner les différences existant entre les faits visés par la décision Bananes et ceux de la présente affaire, il doit être observé que l’un des participants à l’infraction dont il s’agissait dans ladite décision s’est vu reconnaître une réduction de l’amende de 10 %, à titre de circonstance atténuante, au motif qu’il ne ressortait pas du dossier qu’il avait connaissance de certains aspects de cette infraction, auxquels il ne participait pas directement, ou qu’il pouvait raisonnablement les prévoir (voir considérants 465 et 466 de la décision Bananes).

146

En revanche, le cas d’espèce ne présente pas de circonstances comparables, dès lors que la requérante, qui a bel et bien participé à tous les aspects de l’infraction constatée dans la décision attaquée, cherche à se prévaloir du fait qu’elle n’a pas participé à une infraction impliquant d’autres entreprises.

147

En tout état de cause, ainsi que le fait remarquer à juste titre la Commission, à supposer que les contacts bilatéraux entre les fournisseurs coréens et japonais de LCD-TV aient constitué une infraction unique et continue avec celle constatée dans la décision attaquée et que la requérante ait ignoré l’existence de ces contacts bilatéraux, ces circonstances n’auraient pas pour conséquence que les griefs retenus à l’égard de la requérante en raison de sa participation à l’infraction constatée dans la décision attaquée deviendraient dépourvus de fondement, ni que l’amende infligée à la requérante devrait être réduite. En effet, rien ne permet en effet d’affirmer que l’amende infligée en cas d’entente plus vaste, incluant les fournisseurs japonais, aurait été, au final, inférieure pour la requérante. À cet égard, l’éventuelle réduction que la Commission aurait pu octroyer à la requérante, à titre de circonstance atténuante, aurait pu être compensée, voire dépassée, par l’augmentation découlant de l’application de pourcentages plus élevés en ce qui concerne la gravité de l’infraction et le «droit d’entrée».

Sur la prétendue violation du principe de proportionnalité

148

La requérante invoque la violation du principe de proportionnalité, du fait que la Commission n’aurait pas tenu compte du caractère moins grave des comportements anticoncurrentiels relatifs aux LCD-TV, en comparaison avec ceux relatifs aux LCD-TI.

149

En réponse à cet argument, il y a lieu de relever, en premier lieu, que la Commission a, à juste titre, considéré qu’il s’agissait d’une infraction unique et continue. À cet égard, il ressort de la jurisprudence que la Commission n’est pas obligée d’effectuer une analyse séparée de chaque élément d’une infraction unique, en raison notamment de l’existence d’une stratégie d’ensemble partagée par tous les membres de l’entente (voir, en ce sens, arrêt Carbone-Lorraine/Commission, précité, point 49).

150

En second lieu, en ce qui concerne plus particulièrement le caractère proportionné des coefficients retenus par la Commission en relation à la gravité de l’infraction et en tant que «droit d’entrée» (voir point 24 ci-dessus), il convient de rappeler que les lignes directrices de 2006, et la jurisprudence dont elles s’inspirent, prévoient que la gravité de l’infraction est, dans une première phase, appréciée en fonction des éléments propres à l’infraction, tels que sa nature, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction et sa mise en œuvre ou non. Dans une seconde phase, cette appréciation est modulée en fonction de circonstances aggravantes ou atténuantes propres à chacune des entreprises ayant participé à l’infraction (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 octobre 2011, Aragonesas Industrias y Energía/Commission, T-348/08, Rec. p. II-7583, point 264, et la jurisprudence citée).

151

Ladite première phase a pour objet de déterminer le montant de base de l’amende infligée à chaque entreprise concernée, et ce en appliquant sur la valeur des ventes de produits ou de services en cause sur le marché géographique concerné de chacune d’elles un premier coefficient multiplicateur reflétant la gravité de l’infraction, voire un second coefficient multiplicateur visant à les dissuader de s’engager de nouveau dans de tels comportements illégaux. Chacun de ces deux coefficients multiplicateurs est déterminé au regard de facteurs qui reflètent les caractéristiques de l’infraction prise dans sa globalité, à savoir en ce qu’elle regroupe l’ensemble des comportements anticoncurrentiels de la totalité de ses participants (voir, en ce sens, arrêt Aragonesas Industrias y Energía/Commission, précité, point 265).

152

Il s’ensuit que, à supposer même que les comportements anticoncurrentiels relatifs aux LCD-TV aient été moins graves que ceux relatifs aux LCD-TI, la Commission était en droit de fixer le coefficient relatif à la gravité et celui relatif aux «droits d’entrée» en tenant compte du plan global visé par l’infraction unique et continue dont l’ensemble de ces comportements relevaient.

153

Par ailleurs, quant au fait que, dans la décision Bananes, la Commission a appliqué des pourcentages moins importants que ceux de la décision attaquée et concédé une réduction élevée à titre de circonstance atténuante, il suffit de se référer à la jurisprudence mentionnée au point 144 ci-dessus et de relever que, dans ladite décision, la Commission a accordé une réduction, compte tenu de la situation particulière créée notamment par le cadre règlementaire en vigueur pour le commerce des bananes (voir considérant 460 de la décision Bananes et le renvoi qu’il contient ainsi que son considérant 467).

154

Sur la base de l’ensemble des considérations exposées ci-dessus, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

3. Sur le troisième moyen, tiré du fait que la valeur des ventes pertinentes retenue par la Commission à l’égard de la requérante aurait inclus à tort d’autres ventes que celles relatives aux LCD cartellisés

155

Au soutien de sa demande tendant à ce que le Tribunal réforme le montant de l’amende qui lui a été infligée dans la décision attaquée, la requérante soulève le troisième moyen, tiré, en substance, de ce que le montant de l’amende a été calculé sur la base d’une valeur des ventes inexacte, la requérante y ayant par erreur inclus des ventes relatives à des catégories de LCD autres que celles visées par la décision attaquée.

156

Il convient de rappeler que le contrôle de légalité des décisions adoptées par la Commission est complété par la compétence de pleine juridiction, qui est reconnue au juge de l’Union par l’article 31 du règlement no 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE. Cette compétence habilite le juge, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer l’amende ou l’astreinte infligée.

157

Il appartient dès lors au Tribunal, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, d’apprécier, à la date où il adopte sa décision, si la requérante s’est vu infliger une amende dont le montant reflète correctement la gravité de l’infraction en cause (voir arrêt du Tribunal du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a./Commission, T‑343/06, point 117, et la jurisprudence citée).

158

En l’espèce, il est constant entre les parties que, en raison des erreurs commises par la requérante, le montant de base de l’amende qui lui a été infligée s’élevait, avant arrondissement, à 301 684 468 euros et que la portion de ce montant découlant des erreurs en cause était de 13246618 euros. En revanche, les parties s’opposent sur la manière selon laquelle ces montants doivent être arrondis.

159

La requérante, dans la requête, a demandé qu’un montant de 13250000 euros soit déduit de l’amende qui lui a été infligée dans la décision attaquée, à savoir 300000000 euros. Le nouveau montant devrait ainsi s’élever à 286750000 euros.

160

Dans le mémoire en défense, la Commission a expliqué que, à l’égard de tous les destinataires de la décision attaquée, elle a arrondi le montant de base à la baisse aux deux premiers chiffres, excepté dans les cas où cette réduction représentait plus de 2 % du montant avant arrondissement, auquel cas la Commission a arrondi ce montant aux trois premiers chiffres.

161

À cet égard, il convient de noter que la requérante, dans la décision attaquée, a bénéficié de l’arrondissement aux deux premiers chiffres. En effet, le montant de base non arrondi s’élevait à 301 684 468 euros, alors que ce montant arrondi, ainsi qu’il est indiqué au tableau 6 de la décision attaquée, était de 300000000 euros.

162

Selon la Commission, le calcul proposé par la requérante est erroné, puisqu’il comporte deux arrondis : celui que la Commission a déjà appliqué au montant de base qui figure dans la décision attaquée et celui qui amène à considérer que le montant à soustraire en raison de l’exclusion des ventes des produits autres que les LCD cartellisés passerait de 13246618 à 13250000 euros.

163

En revanche, ainsi que le fait observer la Commission, l’application de la méthode suivie dans la décision attaquée au montant de base résultant de la valeur de ventes corrigée, à savoir 288437850 euros, conduit à un montant arrondi de 288000000 euros. En effet, un arrondi aux deux premiers chiffres donnerait lieu à une réduction de 8437850 euros, soit plus de 2 % (2,9 %) du montant de base non arrondi.

164

Dans la réplique, la requérante fait valoir que le fait d’arrondir le nouveau montant de son amende aux trois premiers chiffres, au lieu des deux premiers, aurait pour résultat qu’elle serait le destinataire de la décision attaquée qui profite au minimum de l’arrondissement. Elle demande ainsi une réduction plus importante.

165

À cet égard, il convient de relever que, s’il appartient au Tribunal d’apprécier lui-même les circonstances de l’espèce afin de déterminer le montant de l’amende, l’exercice d’une compétence de pleine juridiction ne saurait entraîner, lors de la détermination du montant des amendes infligées, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à une entente contraire à l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt Commission/Verhuizingen Coppens, précité, point 80).

166

En l’espèce, dans la décision attaquée, la Commission a appliqué la méthode d’arrondissement décrite au point 160 ci-dessus à tous les participants à l’entente. Cette méthode est objective et permet à tous ces participants de bénéficier d’une réduction, dans la limite de 2 %. S’il est vrai que certaines réductions sont plus importantes que d’autres et que celle de la requérante serait la moins élevée en pourcentage si le Tribunal suivait la même méthode, il n’en demeure pas moins que toute méthode d’arrondissement comporte des ajustements qui varient pour chaque entreprise et qui donnent lieu à une réduction plus ou moins importante. Dès lors, puisque la méthode choisie par la Commission bénéficie, certes dans une mesure différente, à tous les destinataires de la décision attaquée et que cette mesure est plafonnée à 2 %, il est opportun de s’y tenir, afin d’éviter des inégalités de traitement (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 17 mai 2011, Elf Aquitaine/Commission, T-299/08, Rec. p. II-2149, points 307 et 308).

167

Il y a cependant lieu de rappeler que, afin de préserver l’effet utile de l’article 18, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1/2003, la Commission est en droit d’obliger une entreprise à fournir tous les renseignements nécessaires portant sur des faits dont elle peut avoir connaissance et à lui communiquer, au besoin, les documents s’y rapportant qui sont en sa possession, à la seule condition de ne pas imposer à l’entreprise l’obligation de fournir des réponses par lesquelles celle-ci serait amenée à admettre l’existence de l’infraction dont il appartient à la Commission d’établir la preuve (arrêt de la Cour du 18 octobre 1989, Orkem/Commission, 374/87, Rec. p. 3283, points 34 et 35). Une entreprise à laquelle la Commission adresse une demande de renseignements en application des dispositions de l’article 18 du règlement no 1/2003 est, dès lors, tenue à une obligation de collaboration active et peut se voir sanctionner par une amende spécifique, prévue par les dispositions de l’article 23, paragraphe 1, de ce règlement, qui peut représenter jusqu’à 1 % de son chiffre d’affaires total si elle fournit, de propos délibéré ou par négligence, un renseignement inexact ou dénaturé (arrêt Shell Petroleum e.a./Commission, précité, point 118).

168

Il en résulte que, dans l’exercice de ses pouvoirs de pleine juridiction, le Tribunal peut prendre en compte, le cas échéant, un défaut de collaboration d’une entreprise et majorer en conséquence le montant de l’amende qui lui a été infligée pour violation des articles 101 TFUE ou 102 TFUE, sous réserve que cette entreprise n’ait pas été sanctionnée pour ce même comportement par une amende spécifique fondée sur les dispositions de l’article 23, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 (arrêt Shell Petroleum e.a./Commission, précité, point 118).

169

Tel pourrait être, par exemple, le cas dans l’hypothèse où, en réponse à une demande en ce sens de la part de la Commission, une entreprise aurait omis de présenter, de propos délibéré ou par négligence, lors de la procédure administrative, des éléments déterminants en vue de la fixation du montant de l’amende et dont elle disposait ou aurait pu disposer lors de l’adoption de la décision attaquée. Si le Tribunal ne se trouve pas empêché de prendre en considération de tels éléments, il n’en demeure pas moins que l’entreprise qui n’en fait état qu’au stade contentieux, en portant ainsi atteinte à la finalité et à la bonne conduite de la procédure administrative, s’expose à la prise en considération de cette circonstance dans la détermination, par le Tribunal, du montant approprié de l’amende (arrêt Shell Petroleum e.a./Commission, précité, point 119).

170

En l’espèce, la requérante admet avoir commis des erreurs lorsqu’elle a fourni à la Commission les données nécessaires pour le calcul de la valeur des ventes pertinentes, puisqu’elle y a inclus des ventes relatives à des produits autres que les LCD cartellisés. La Commission confirme que ces produits n’auraient pas dû être inclus dans le calcul.

171

En outre, il ressort du dossier que ces erreurs découlent du fait que la requérante n’avait pas précisé les caractéristiques spécifiques de certains LCD à l’entreprise qu’elle avait choisie afin de calculer les données à transmettre à la Commission.

172

Le Tribunal estime que cette circonstance ne permet pas de considérer que la requérante a manqué à son obligation de collaboration résultant des dispositions de l’article 18 du règlement no 1/2003 à un point tel qu’il faille en tenir compte dans la fixation du montant de l’amende. En effet, la requérante n’a pas cherché à induire la Commission en erreur, ni ne lui a soumis de données brutes, à partir desquelles la Commission aurait dû calculer la valeur des ventes pertinentes, sans lui fournir à la fois les précisions nécessaires pour en extraire les données nettes. La requérante a eu recours à des consultants externes spécialisés afin de pouvoir fournir à la Commission les données nécessaires, mais a commis la négligence de ne pas expliquer à ces consultants les différences existant entre certaines typologies de LCD. À cet égard, il convient d’observer que la requérante n’avait manifestement aucun intérêt à ce que la Commission reçoive des données erronées, qui incluaient les ventes de produits autres que les LCD cartellisés, dès lors que ces inexactitudes ne pouvaient que jouer à son détriment, en rendant plus élevé le montant de l’amende que la Commission lui infligerait.

173

Dans ces circonstances, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en calculant le montant de l’amende à infliger à la requérante sur la base de la valeur des ventes corrigée et en appliquant à celle-ci la même méthode que celle suivie par la Commission dans la décision attaquée, y compris en ce qui concerne l’arrondissement. Le montant ainsi établi s’élève à 288 000 000 euros (voir point 163 ci-dessus).

174

Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de réduire le montant de l’amende à la somme de 288000000 euros et de rejeter le surplus des conclusions de la requête.

Sur les dépens

175

Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En application du paragraphe 3, premier alinéa, de la même disposition, le Tribunal peut répartir les dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

176

En l’espèce, la Commission n’a succombé qu’en ce qui concerne le fait d’avoir inclus les ventes relatives à des produits autres que les LCD cartellisés dans la valeur des ventes pertinentes aux fins du calcul du montant de base de l’amende à infliger à la requérante. Or, cette erreur n’est due qu’à la négligence de la requérante, qui a fourni à la Commission des données erronées. En revanche, la requérante a succombé en ce qui concerne l’ensemble des autres conclusions qu’elle a présentées. Dans une telle situation, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en condamnant la requérante aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Roquette Frères/Commission, T-322/01, Rec. p. II-3137, points 338 et 339).

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

 

1)

Le montant de l’amende infligée à InnoLux Corp., anciennement Chimei InnoLux Corp., à l’article 2 de la décision C (2010) 8761 final de la Commission, du 8 décembre 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.309 – LCD), est fixé à 288 000 000 euros.

 

2)

Le recours est rejeté pour le surplus.

 

3)

InnoLux est condamnée aux dépens.

 

Kanninen

Berardis

Wetter

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 février 2014.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.

( 1 ) Données confidentielles occultées.

Top

Parties
Motifs de l'arrêt
Dispositif

Parties

Dans l’affaire T‑91/11,

InnoLux Corp., anciennement Chimei InnoLux Corp., établie à Zhunan (Taïwan), représentée par M e  J.‑F. Bellis, avocat, et M. R. Burton, solicitor,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. P. Van Nuffel, F. Ronkes Agerbeek et A. Biolan, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision C (2010) 8761 final de la Commission, du 8 décembre 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.309 – LCD), et de réduction du montant de l’amende infligée à la requérante par cette décision,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, G. Berardis (rapporteur) et C. Wetter, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 avril 2013,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

Antécédents du litige

1. Sociétés en cause dans la présente affaire

1. Chi Mei Optoelectronics Corp. (ci-après « CMO ») était la société de droit taïwanais qui contrôlait un groupe de sociétés établies dans le monde entier et actives dans la production d’écrans d’affichage à cristaux liquides à matrice active (ci-après les « LCD »).

2. Le 20 novembre 2009, CMO a passé un accord de concentration avec les sociétés InnoLux Display Corp. et TPO Displays Corp. En vertu de cet accord, à compter du 18 mars 2010, TPO Displays et CMO ont cessé d’exister. L’entité juridique survivante a changé de dénomination à deux reprises, passant d’abord d’InnoLux Display Corp. à Chimei InnoLux Corp. et, enfin, à InnoLux Corp., la requérante.

2. Procédure administrative

3. Le [ confidentiel ] (1), la société de droit coréen Samsung Electronics Co. Ltd (ci-après « Samsung ») a présenté à la Commission des Communautés européennes une demande visant à obtenir une immunité d’amende au titre de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la « communication sur la clémence de 2002 »).

4. À cette occasion, Samsung a dénoncé l’existence d’une entente entre plusieurs entreprises, dont la requérante, concernant certains types de LCD.

5. Le 23 novembre 2006, la Commission a accordé à Samsung l’immunité conditionnelle, conformément au paragraphe 15 de la communication sur la clémence de 2002, alors qu’elle l’a refusée à un autre participant à l’entente, la société de droit coréen LG Display Co. Ltd, antérieurement dénommée LG Philips LCD Co. Ltd (ci-après « LGD »).

6. Le 27 mai 2009, la Commission a engagé la procédure administrative et adopté une communication des griefs, conformément à l’article 10 du règlement (CE) n° 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO L 123, p. 18). Cette communication des griefs était adressée à seize sociétés, dont CMO et deux filiales européennes détenues à 100 % par cette dernière, à savoir Chi Mei Optoelectronics BV et Chi Mei Optoelectronics UK. Ltd. À cet égard, aux considérants 281 à 285 de la communication des griefs, la Commission a, notamment, rappelé que, selon la jurisprudence, premièrement, les dispositions du droit de l’Union européenne relatives à la concurrence reconnaissaient que différentes sociétés appartenant à un même groupe constituaient une entité économique, et donc une entreprise au sens des articles 101 TFUE et 102 TFUE, si les sociétés concernées ne déterminaient pas de façon autonome leur comportement sur le marché (arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Michelin/Commission, T‑203/01, Rec. p. II‑4071, point 290), et, deuxièmement, il suffisait que la Commission prouvât que la totalité du capital d’une filiale était détenue par sa société mère pour que la présomption selon laquelle cette dernière exerçait une influence déterminante sur le comportement de la filiale sur le marché fût établie (arrêt du Tribunal du 31 mars 2009, ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, T‑405/06, Rec. p. II‑771, point 91). Ensuite, aux considérants 327 à 329 de la communication des griefs, la Commission a expliqué les raisons pour lesquelles, en application de la jurisprudence rappelée, les deux filiales de CMO mentionnées ci-dessus devaient être tenues pour solidairement responsables des infractions commises par cette dernière.

7. À la communication des griefs était annexé un CD-ROM qui contenait les parties accessibles du dossier de la Commission. Les destinataires de la communication des griefs ont fait usage de leur droit d’accès aux parties du dossier de la Commission qui n’étaient disponibles que dans les locaux de la Commission.

8. Les destinataires de la communication des griefs ont fait connaître à la Commission, par écrit, leur point de vue sur les objections soulevées à leur égard dans le délai prescrit.

9. Plusieurs destinataires de la communication des griefs, dont la requérante, ont exercé leur droit d’être entendus oralement, lors de l’audition tenue les 22 et 23 septembre 2009.

10. Par demande d’informations du 4 mars 2010 et par courrier du 6 avril 2010, les parties ont été notamment invitées à soumettre les données relatives à la valeur des ventes qui seraient prises en considération pour le calcul des amendes et à présenter leurs observations sur cette question.

11. CMO a répondu audit courrier le 23 avril 2010.

3. Décision attaquée

12. Le 8 décembre 2010, la Commission a adopté la décision C (2010) 8761 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.309 – LCD) (ci-après la « décision attaquée »), dont un résumé est publié au Journal officiel de l’Union européenne du 7 octobre 2011 (JO C 295, p. 8).

13. La décision attaquée est adressée à six des seize sociétés destinataires de la communication des griefs, dont la requérante. En revanche, ses filiales, auxquelles cette communication avait été adressée, ne sont plus visées.

14. Dans la décision attaquée, la Commission a constaté l’existence d’une entente entre six grands fabricants internationaux de LCD, dont la requérante, en ce qui concerne les deux catégories suivantes de ces produits, de taille égale ou supérieure à douze pouces : les LCD pour les technologies de l’information, tels que ceux pour les ordinateurs portables compacts et les moniteurs d’ordinateurs (ci-après les « LCD-TI »), et les LCD pour les téléviseurs (ci-après les « LCD-TV ») (ci-après, pris ensemble, les « LCD cartellisés »).

15. Selon la décision attaquée, cette entente a pris la forme d’une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE, laquelle s’est déroulée entre le 5 octobre 2001 et le 1 er  février 2006 (ci-après la « période infractionnelle »), à tout le moins. Pendant cette période, les participants à l’entente ont tenu de nombreuses réunions multilatérales, qu’ils appelaient « réunions Cristal », principalement dans des hôtels de Taïwan. Ces réunions avaient un objet clairement anticoncurrentiel, dès lors qu’elles étaient l’occasion pour les participants, notamment, de fixer des prix minimaux pour les LCD cartellisés, de discuter de leurs projections de prix pour en éviter la diminution et de coordonner les augmentations de prix ainsi que les niveaux de production. Au cours de la période infractionnelle, les participants à l’entente se sont également rencontrés de manière bilatérale et se sont fréquemment échangé des informations sur les sujets traités lors des « réunions Cristal ». Ils ont par ailleurs pris des mesures afin de vérifier si les décisions adoptées lors de ces réunions étaient appliquées (considérants 70 à 74 de la décision attaquée).

16. Bien que la requérante eût fait valoir que le marché des LCD-TV était distinct de celui des LCD-TI et qu’une entente n’existait que pour ces derniers, la Commission a néanmoins considéré qu’il s’agissait d’une infraction unique et continue couvrant l’ensemble de ces produits (considérants 281 et 283 à 290 de la décision attaquée).

17. Pour la fixation des amendes infligées par la décision attaquée, la Commission a utilisé les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) n° 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 »).

18. En application des lignes directrices de 2006, la Commission a, premièrement, défini la valeur des ventes des LCD cartellisés directement ou indirectement concernées par l’infraction. À cette fin, elle a établi les trois catégories suivantes de ventes effectuées par les participants à l’entente :

– « ventes EEE directes », à savoir ventes de LCD cartellisés à une autre entreprise au sein de l’Espace économique européen (EEE) ;

– « ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés », à savoir ventes de LCD cartellisés intégrés, au sein du groupe dont relève le producteur, dans des produits finis qui sont vendus à une autre entreprise au sein de l’EEE ;

– « ventes indirectes », à savoir ventes de LCD cartellisés à une autre entreprise située en dehors de l’EEE, laquelle incorpore ensuite les écrans dans des produits finis qu’elle vend dans l’EEE (considérant 380 de la décision attaquée).

19. Cependant, la Commission a estimé qu’elle pouvait se limiter à prendre en compte les deux premières catégories mentionnées au point 18 ci-dessus, l’inclusion de la troisième catégorie n’étant pas nécessaire pour que les amendes infligées pussent atteindre un niveau dissuasif suffisant (considérant 381 de la décision attaquée).

20. Au lieu d’utiliser la valeur des ventes réalisées par une entreprise au cours de la dernière année complète de sa participation à l’infraction, comme normalement prévu au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, la Commission a considéré comme plus adéquat d’utiliser, en l’espèce, la valeur annuelle moyenne des ventes pendant la durée complète de l’infraction, compte tenu notamment de la croissance exponentielle des ventes de la plupart des entreprises concernées au cours des années visées par la décision attaquée (considérant 384 de la décision attaquée).

21. S’agissant de la requérante, la Commission a rejeté les objections de celle-ci relatives aux faits que, tout d’abord, la valeur des ventes pertinentes aurait dû être calculée sans tenir compte de ses « ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés » et de ses « ventes EEE directes », faites à d’autres destinataires de la communication des griefs, ensuite, il y avait lieu d’exclure les expéditions de LCD qui n’avaient pas été facturées à des entreprises européennes et, enfin, il était nécessaire de faire une différence entre les ventes de LCD-TI et celles de LCD-TV. Ainsi, pour la requérante, le total des ventes pertinentes effectuées pendant la période infractionnelle a été fixé à 1 555 111 603 euros, dont la moyenne annuelle, obtenue en divisant ledit montant par la durée de l’entente égale à 4,33 ans, équivalait à 359 148 176 euros (considérants 388, 394, 398 à 401 et tableau 4 de la décision attaquée).

22. Deuxièmement, la Commission a observé que, compte tenu de la gravité de l’infraction commise, il convenait de fixer à 16 % la proportion de la valeur des ventes des produits en cause à retenir pour le calcul du montant de base de l’amende, et ce pour tous les participants à l’entente (considérant 416 de la décision attaquée).

23. Troisièmement, la Commission a appliqué à la requérante un facteur de multiplication relatif à la durée de l’infraction égal à 4,25, en raison de sa participation à l’infraction pour toute la durée de l’entente retenue dans la décision attaquée, à savoir quatre ans et trois mois (considérants 417 et 418 ainsi que tableau 5 de la décision attaquée).

24. Quatrièmement, la Commission a estimé que les circonstances de l’espèce justifiaient d’inclure dans le montant de base de l’amende une majoration égale à 16 % de la valeur moyenne des ventes pertinentes, pour en assurer l’effet dissuasif (ci-après le « droit d’entrée »), conformément au paragraphe 25 des lignes directrices de 2006, et ce pour tous les participants à l’entente (considérants 419 et 424 de la décision attaquée).

25. Cinquièmement, la Commission n’a retenu de circonstances aggravantes ou atténuantes, au titre des lignes directrices de 2006, à l’égard d’aucun des participants à l’entente. Ainsi, la Commission a notamment rejeté les arguments de la requérante relatifs aux prétendus faits selon lesquels elle avait eu un rôle passif dans l’entente, y avait participé par négligence et, enfin, avait coopéré avec la Commission au-delà du champ d’application de la communication sur la clémence de 2002, et ce bien que la Commission ne lui eût pas adressé de demandes de renseignements aussi précises que celles envoyées à d’autres participants à l’entente (considérants 426, 430, 433, 434, 438, 439 et 442 à 444 de la décision attaquée).

26. Sixièmement, en application de la communication sur la clémence de 2002, la Commission a, tout d’abord, confirmé l’immunité totale accordée à Samsung. Ensuite, elle a considéré que la coopération fournie par la requérante ne lui donnait droit à aucune réduction de l’amende (considérants 455 à 458 et 472 de la décision attaquée).

27. Sur la base de ces considérations, la Commission, à l’article 2 de la décision attaquée, a condamné la requérante au paiement d’une amende de 300 000 000 euros.

Procédure et conclusions des parties

28. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 février 2011, la requérante a introduit le présent recours.

29. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a posé par écrit des questions aux parties, lesquelles y ont répondu dans le délai imparti.

30. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 24 avril 2013.

31. La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée, en ce qu’elle la concerne ;

– réduire le montant de l’amende que lui a infligée la décision attaquée ;

– condamner la Commission aux dépens.

32. La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

En droit

33. À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens :

– le premier, tiré de ce que la Commission aurait appliqué une notion juridiquement erronée, la notion de « ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés », lorsqu’elle a déterminé la valeur des ventes pertinentes pour le calcul de l’amende ;

– le deuxième, tiré de ce que la Commission aurait violé l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en concluant que l’infraction s’étendait aux LCD-TV ;

– le troisième, tiré de ce que la valeur des ventes pertinentes retenue par la Commission à son égard aurait inclus à tort d’autres ventes que celles relatives aux LCD cartellisés.

1. Sur le premier moyen, tiré de ce que la Commission aurait appliqué une notion juridiquement erronée, la notion de « ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés », lorsqu’elle a déterminé la valeur des ventes pertinentes pour le calcul de l’amende

34. Le premier moyen de la requérante se compose, en substance, de deux branches, relatives, la première, au fait que la notion de « ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés » serait en contradiction avec l’absence de constatation d’une infraction concernant les produits finis intégrant les LCD cartellisés et, la seconde, aux incohérences prétendument inhérentes à cette notion.

Sur la première branche, relative au fait que la notion de « ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés » serait en contradiction avec l’absence de constatation d’une infraction concernant les produits finis intégrant les LCD cartellisés

35. La requérante fait valoir, d’une part, que l’emploi de la notion de « ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés » n’est pas compatible avec le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, puisque la Commission a tenu compte de ventes de produits finis, par rapport auxquels aucune infraction n’a été constatée dans la décision attaquée et qui ne sont donc pas en relation, directe ou même indirecte, avec l’infraction constatée dans cette décision. D’autre part, la requérante souligne que les prix des LCD cartellisés ne sont pas des prix de référence pour les produits finis qui intègrent lesdits LCD.

36. Aux termes du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, « en vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission utilise la valeur des ventes de biens ou services, réalisées par l’entreprise, en relation directe ou indirecte avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE ».

37. À cet égard, il convient d’observer, tout d’abord, qu’il ne ressort pas de cette disposition que seule la valeur des ventes résultant des transactions réellement affectées par les pratiques infractionnelles peut être prise en considération pour calculer la valeur des ventes pertinente (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 juin 2011, Putters International/Commission, T‑211/08, Rec. p. II‑3729, point 58).

38. La formulation du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 vise, en effet, les ventes réalisées sur le marché pertinent, concerné par l’infraction. A fortiori, ledit paragraphe ne vise pas que les cas pour lesquels la Commission dispose de preuves documentaires de l’infraction (voir, en ce sens, arrêt Putters International/Commission, précité, point 59).

39. Cette interprétation est confortée par l’objectif des règles de concurrence de l’Union. En effet, l’interprétation proposée par la requérante signifierait que, pour déterminer le montant de base des amendes à infliger dans les affaires portant sur des ententes, la Commission serait obligée dans chaque cas d’établir quelles sont les ventes individuelles qui ont été affectées par l’entente. Une telle obligation n’a jamais été imposée par les juridictions de l’Union et rien n’indique que la Commission avait l’intention de s’imposer une telle obligation dans les lignes directrices de 2006 (arrêt Putters International/Commission, précité, point 60).

40. En outre, il résulte d’une jurisprudence constante que la part du chiffre d’affaires provenant des marchandises faisant l’objet de l’infraction est de nature à donner une juste indication de l’ampleur d’une infraction sur le marché concerné. En particulier, le chiffre d’affaires réalisé sur les produits ayant fait l’objet d’une pratique restrictive constitue un élément objectif qui donne une juste mesure de la nocivité de cette pratique pour le jeu normal de la concurrence (arrêt Putters International/Commission, précité, point 61 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 121, et arrêt du Tribunal du 11 mars 1999, British Steel/Commission, T‑151/94, Rec. p. II‑629, point 643).

41. En l’espèce, il convient de rappeler que, au considérant 380 de la décision attaquée, la Commission a défini les catégories de ventes décrites au point 18 ci-dessus.

42. En ce qui concerne les « ventes EEE directes », il n’est pas contesté qu’elles remplissent les conditions requises par le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, lues à la lumière de la jurisprudence pertinente.

43. En ce qui concerne les « ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés », la requérante, par la première branche du premier moyen, soutient que celles-ci ne sont pas en relation directe ou indirecte avec l’infraction, dès lors qu’elles ont trait aux ventes des produits finis intégrant les LCD cartellisés, et non aux ventes de ces derniers.

44. À cet égard, il convient d’observer, tout d’abord, que, si la note de bas de page insérée sous le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 indique qu’un cas de ventes en relation indirecte avec une infraction peut être constaté lorsque le prix du produit faisant l’objet d’accords de prix horizontaux sert de base pour le prix de produits de qualité supérieure ou inférieure, cette note précise que ledit cas est présenté à titre d’exemple. Ainsi, le fait, invoqué par la requérante, que, en l’espèce, les produits finis intégrant les LCD cartellisés ne sont pas des produits de qualité supérieure ou inférieure à ceux-ci est dénué de toute pertinence.

45. Quant à la circonstance, également invoquée par la requérante, selon laquelle la décision attaquée n’a constaté aucune infraction par rapport aux produits finis intégrant les LCD cartellisés, il convient d’observer que la Commission n’a pas pris en compte la valeur entière des ventes de ces produits finis, mais seulement la fraction de cette valeur qui pouvait correspondre à la valeur des LCD cartellisés, intégrés dans les produits finis, pourvu que ces derniers aient été vendus par la requérante à des entreprises tierces établies dans l’EEE. S’il est évident que la Commission n’aurait pas pu tenir compte de ladite valeur entière, sans avoir préalablement constaté d’infraction concernant les produits finis, il ne saurait être considéré qu’une telle constatation était nécessaire afin de pouvoir prendre en compte la fraction de cette valeur constituée par la valeur des LCD cartellisés intégrés dans les produits finis.

46. Par ailleurs, si la Commission n’avait pas eu recours à la notion de « ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés », elle n’aurait pas pu tenir compte, dans le calcul de l’amende, d’une fraction considérable des ventes de LCD cartellisés faites par les participants à l’entente relevant d’entreprises verticalement intégrées, bien que ces ventes aient nui au jeu de la concurrence dans l’EEE.

47. Ainsi, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 37 à 40 ci-dessus, la Commission devait tenir compte de l’ampleur de l’infraction sur le marché concerné et, à cette fin, pouvait utiliser le chiffre d’affaires réalisé par la requérante sur les LCD cartellisés, en tant qu’élément objectif donnant une juste mesure de la nocivité de sa participation à l’entente sur le jeu normal de la concurrence, pourvu que ce chiffre d’affaires fût le résultat des ventes présentant un lien avec l’EEE. Or, un tel lien existe lorsque des LCD cartellisés sont transférés par la requérante à ses filiales, établies n’importe où, lesquelles les intègrent dans des produits finis qui sont vendus à des tiers dans l’EEE.

48. Le choix de la Commission de tenir compte des « ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés » est d’autant plus justifié en l’espèce qu’il ressort des éléments de preuve contenus dans la décision attaquée (voir notamment considérant 394 de la décision attaquée), non remis en cause par la requérante, que les ventes de LCD cartellisés internes aux entreprises participant à l’entente se faisaient à des prix influencés par celle-ci.

49. Par ailleurs, ainsi que cela ressort notamment des considérants 92 et 93 de la décision attaquée, les participants à l’entente savaient que les prix des LCD cartellisés affectaient ceux des produits finis les intégrant.

50. Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’arrêt du Tribunal du 10 septembre 2008, JSC Kirovo-Chepetsky Khimichesky Kombinat/Conseil (T‑348/05, non publié au Recueil, point 62), s’oppose à toute assimilation entre les ventes de produits finis incorporant un composant et les ventes de ces composants en tant que tels, il convient d’observer que le contexte dans lequel et la finalité pour laquelle la Commission a tenu compte des LCD cartellisés qui ont été intégrés dans des produits finis ne peuvent pas être assimilés à ceux qui caractérisaient l’affaire ayant donné lieu audit arrêt.

51. En effet, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt JSC Kirovo-Chepetsky Khimichesky Kombinat/Conseil, précité (points 54, 55, 57 et 58), le Conseil de l’Union européenne, après avoir adopté, sur la base d’une enquête antidumping relative à certains produits dont le nitrate d’ammonium, des mesures antidumping relatives à ces derniers, a étendu le champ d’application de ces mesures à d’autres produits, sans ouvrir de nouvelle enquête, au motif que ces autres produits étaient semblables à ceux visés par ladite enquête, en termes notamment de teneur de nitrate d’ammonium.

52. À cet égard, le Tribunal a constaté l’illégalité de cette extension, en relevant ce qui suit :

« 62. […] Le composant d’un produit fini peut, bien entendu, faire l’objet de mesures antidumping, mais, dans ce cas, il doit être considéré comme étant un produit [faisant] en tant que tel [l’objet d’un dumping]. Lorsque ce composant n’est pas envisagé en soi, mais comme élément d’un autre produit, c’est cet autre produit, avec tous ses composants, qui constitue le produit concerné, et l’enquête antidumping doit dès lors porter sur ce produit indépendamment desdits composants. Seuls des produits qui ont fait l’objet d’une enquête antidumping sont susceptibles d’être soumis à des mesures antidumping, dès lors qu’il a été constaté que les produits en question sont exportés vers la Communauté à un prix inférieur au prix des ‘produits similaires’ au sens de l’article 1 er du règlement [(CE) n° 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1)]. Par conséquent, dès lors qu’il est constant que les nouveaux types de produits visés par le règlement attaqué diffèrent du produit concerné au sens des règlements initiaux, il est impossible de leur imposer un droit antidumping sans, au préalable, procéder à une enquête afin d’examiner si ces produits font, eux aussi, l’objet d’un dumping sur le marché communautaire. »

53. Rien de comparable n’a eu lieu dans la présente affaire, dès lors que, en l’espèce, la Commission n’a pas utilisé l’enquête qu’elle a effectuée sur les LCD cartellisés afin de constater une infraction relative aux produits finis dans lesquels ces LCD sont intégrés. Loin d’assimiler les LCD cartellisés aux produits finis dont ils étaient un composant, la Commission s’est limitée à considérer, aux seules fins du calcul de l’amende, que, à l’égard des entreprises verticalement intégrées telles que la requérante, le lieu de vente des produits finis coïncidait avec le lieu de vente du composant faisant l’objet de l’entente à un tiers, ne relevant donc pas de la même entreprise que celle ayant produit ce composant.

54. Sur la base de l’ensemble des considérations qui précèdent, la première branche du présent moyen doit être rejetée.

Sur la seconde branche, relative aux incohérences prétendument inhérentes à la notion de « ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés »

55. La seconde branche du premier moyen comporte deux griefs à l’encontre de la notion de « ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés », laquelle aurait eu pour effet que la Commission, d’une part, outrepasse les limites de sa compétence territoriale et, d’autre part, soumette la requérante à un traitement défavorable et discriminatoire par rapport à d’autres participants à la même entente.

Sur la compétence territoriale de la Commission

56. La requérante fait valoir que, par la comptabilisation des « ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés », la Commission a artificiellement déplacé le lieu où ces ventes se sont effectivement déroulées et ainsi violé les limites de sa compétence territoriale.

57. Il convient tout d’abord de rappeler les principes établis par la jurisprudence en ce qui concerne la compétence territoriale de la Commission pour constater des infractions au droit de la concurrence.

58. À cet égard, la Cour a reconnu que, lorsque des entreprises, établies en dehors de l’EEE, mais qui produisent des biens qui sont vendus dans l’EEE à des tiers, se concertent sur les prix qu’elles consentent à leurs clients établis dans l’EEE et mettent en œuvre cette concertation en vendant à des prix effectivement coordonnés, elles participent à une concertation qui a pour objet et pour effet de restreindre le jeu de la concurrence sur le marché intérieur, au sens de l’article 101 TFUE, et que la Commission est territorialement compétente à poursuivre (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 27 septembre 1988, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, 89/85, 104/85, 114/85, 116/85, 117/85 et 125/85 à 129/85, Rec. p. 5193, ci-après l’« arrêt pâte de bois I », points 13 et 14).

59. La jurisprudence a également précisé qu’une infraction à l’article 101 TFUE implique deux éléments de comportement, à savoir la formation de l’entente et sa mise en œuvre. Faire dépendre l’applicabilité des interdictions édictées par le droit de la concurrence du lieu de formation de l’entente aboutirait à l’évidence à fournir aux entreprises un moyen facile de se soustraire auxdites interdictions. Ce qui compte est donc le lieu où l’entente est mise en œuvre. Par ailleurs, afin de déterminer si ce lieu se situe dans l’EEE, il importe peu que les participants à l’entente aient fait appel ou non à des filiales, agents, sous-agents ou succursales établis dans l’EEE en vue d’établir des contacts entre eux et les acheteurs qui y sont établis (voir, en ce sens, arrêt pâte de bois I, points 16 et 17).

60. Dès lors que la condition relative à la mise en œuvre est satisfaite, la compétence de la Commission pour appliquer les règles de concurrence de l’Union à l’égard de tels comportements est couverte par le principe de territorialité qui est universellement reconnu en droit international public (arrêt pâte de bois I, point 18).

61. La jurisprudence issue de l’arrêt pâte de bois I a été reprise par l’arrêt du Tribunal du 25 mars 1999, Gencor/Commission (T‑102/96, Rec. p. II‑753), où il s’agissait d’une décision portant sur une concentration au sens du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JO 1990, L 257, p. 13), remplacé par le règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO L 24, p. 1).

62. À cette occasion, le Tribunal a, certes, relevé que, lorsqu’il est prévisible qu’une concentration projetée produise un effet immédiat et substantiel dans l’Union, l’application des dispositions du droit de l’Union relatives au contrôle des concentrations est justifiée au regard du droit international public (arrêt Gencor/Commission, précité, point 90).

63. Toutefois, au point 87 de l’arrêt Gencor/Commission, précité, le Tribunal a, en substance, souligné que le critère de la mise en œuvre d’une entente en tant qu’élément de rattachement de celle-ci au territoire de l’Union est satisfait par la simple vente au sein de cette dernière du produit cartellisé, indépendamment de la localisation des sources d’approvisionnement et des installations de production. Ainsi, le Tribunal a rejeté l’argument que la requérante, dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, cherchait à tirer du fait que la concentration dont il s’agissait en l’espèce n’était ni née ni exécutée sur le territoire de l’Union, mais en Afrique du Sud, et n’aurait donc pas réuni les conditions de compétence territoriale définies dans l’arrêt pâte de bois I (arrêt Gencor/Commission, précité, points 56, 61 et 87).

64. Il en découle que le raisonnement suivi par le Tribunal dans l’arrêt Gencor/Commission, précité, ne remet pas en cause la jurisprudence issue de l’arrêt pâte de bois I.

65. Il s’ensuit que, en l’espèce, il suffit de se concentrer sur la question de savoir si la Commission pouvait utiliser la catégorie de « ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés » sans pour autant violer les principes énoncés dans l’arrêt pâte de bois I.

66. À cet égard, il doit être observé, premièrement, que, lorsqu’une entente de portée mondiale a un objet anticoncurrentiel, elle est mise en œuvre dans le marché intérieur, au sens de l’arrêt pâte de bois I, du simple fait que les produits cartellisés sont commercialisés sur ce marché.

67. En effet, il convient de relever que la mise en œuvre d’une entente n’implique pas nécessairement qu’elle produise des effets réels (arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Prym et Prym Consumer/Commission, T‑30/05, non publié au Recueil, point 110 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, Rec. p. I‑8681, points 116 et 117). En réalité, la question de savoir si l’entente a eu des effets concrets sur les prix pratiqués par les participants n’est pertinente que dans le cadre de la détermination de la gravité de l’entente, aux fins du calcul de l’amende, pourvu que la Commission décide de se fonder sur ce critère (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, Rec. p. I‑4529, point 31), parmi ceux qu’elle peut prendre en considération dans ce contexte. Or, tel n’a pas été le cas en l’espèce (voir considérant 416 de la décision attaquée).

68. De même, il importe peu que les participants à l’entente ne se soient pas toujours tenus aux décisions prises en matière de prix. En effet, la fixation d’un prix, même simplement indicatif, affecte le jeu de la concurrence par le fait qu’il permet à tous les participants à l’entente de prévoir avec un degré raisonnable de certitude quelle sera la politique de prix poursuivie par leurs concurrents. Plus généralement, de telles ententes comportent une intervention directe dans les paramètres essentiels de la concurrence sur le marché concerné. En effet, en exprimant une volonté commune d’appliquer un certain niveau de prix à leurs produits, les producteurs concernés ne déterminent plus de manière autonome leur politique sur le marché, portant ainsi atteinte à la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence (voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, T‑224/00, Rec. p. II‑2597, point 120, et la jurisprudence citée).

69. Deuxièmement, il convient d’observer que le concept de mise en œuvre au sens de l’arrêt pâte de bois I se fonde en substance sur la notion d’entreprise en droit de la concurrence, telle qu’elle ressort de la jurisprudence rappelée au point 6 ci-dessus (voir également, en ce sens, arrêts de la Cour du 12 juillet 1984, Hydrotherm Gerätebau, 170/83, Rec. p. 2999, point 11, et du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C‑201/09 P et C‑216/09 P, Rec. p. I‑2239, point 95), à laquelle doit être reconnu un rôle déterminant dans la fixation des limites de la compétence territoriale de la Commission pour appliquer ledit droit.

70. En particulier, si l’entreprise dont relève la requérante a participé à une entente conçue en dehors de l’EEE, la Commission doit pouvoir poursuivre les répercussions que le comportement de cette entreprise a eu sur le jeu de la concurrence dans le marché intérieur et lui infliger une amende proportionnée à la nocivité de cette entente sur le jeu de la concurrence dans ledit marché. À cette fin, lorsque les LCD cartellisés réalisés par la requérante ont été intégrés dans des produits finis par des sociétés relevant de la même entreprise que la requérante et que ces produits finis ont été vendus dans l’EEE par cette entreprise, il convient de considérer que l’entente a affecté les transactions qui se sont déroulées jusqu’au moment de cette vente inclus.

71. Dans ce contexte, il n’est pas déterminant de savoir si les ventes internes à ladite entreprise se sont ou non réalisées à des prix majorés en raison de l’entente. En effet, dans l’affirmative, la nocivité de l’entente se reflète dans ces majorations. Dans la négative, cette nocivité réside dans l’avantage compétitif dont l’entreprise participant à l’entente bénéficie en comparaison avec les autres entreprises qui réalisent des produits finis contenant des LCD cartellisés, mais qui achètent lesdits LCD à un prix non découlant de conditions normales de marché. À cet égard, il ressort de la jurisprudence que ne pas tenir compte de la valeur des livraisons internes à une entreprise reviendrait nécessairement à avantager, sans justification, les entreprises verticalement intégrées, dès lors que le profit tiré de l’entente pourrait, dans une telle situation, ne pas être pris en compte, si bien que l’entreprise en cause échapperait à une sanction proportionnée à son importance sur le marché des produits faisant l’objet de l’infraction (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Europa Carton/Commission, T‑304/94, Rec. p. II‑869, points 127 et 128).

72. La requérante ne conteste pas cette jurisprudence, mais fait remarquer que la simple transposition de celle-ci au cas d’espèce aurait permis à la Commission d’atteindre l’objectif de ne pas favoriser les entreprises verticalement intégrées. Ainsi, à la différence de ce qu’a prétendu la Commission dans la décision attaquée, il n’aurait pas été nécessaire à ces fins de recourir à la notion de « ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés ». Selon la requérante, la Commission ne saurait se fonder sur l’arrêt Europa Carton/Commission, précité, pour prendre en compte la valeur des LCD cartellisés incorporés, en dehors de l’EEE, dans des produits finis vendus dans l’EEE. Toute assimilation entre la vente d’un produit fini et celle d’un LCD cartellisé devrait être exclue. En revanche, les ventes internes à une entreprise verticalement intégrée devraient être assimilées aux ventes à des tiers et être ainsi comptabilisées si elles sont faites dans l’EEE.

73. Il convient de constater que, ainsi que le fait remarquer la Commission, rien dans la jurisprudence issue de l’arrêt Europa Carton/Commission, précité, ne peut être interprété en ce sens que la compétence territoriale de la Commission est exclue lorsque les produits faisant l’objet d’une entente sont d’abord soumis à une transaction entre deux sociétés, établies en dehors de l’EEE et relevant de l’entreprise ayant participé à l’entente, avant d’atteindre le marché intérieur.

74. En l’espèce, les participants à l’entente qui, comme la requérante, étaient des entreprises verticalement intégrées, incorporaient, à l’extérieur de l’EEE, des LCD cartellisés dans des produits finis vendus dans l’EEE. Ainsi, le cas auquel la Commission était confrontée ne se prêtait pas à la transposition pure et simple de la jurisprudence issue de l’arrêt Europa Carton/Commission, précité. Par conséquent, la Commission était en droit d’adapter les enseignements de cette dernière aux circonstances de l’espèce, afin d’atteindre le but, visé par ladite jurisprudence, de ne pas privilégier les entreprises verticalement intégrées qui ont participé à une entente.

75. Sur la base de ce qui précède, il y a lieu de conclure que, par la comptabilisation des « ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés », la Commission n’a pas illégalement étendu sa compétence territoriale pour poursuivre les infractions aux règles de concurrence énoncées dans les traités.

Sur les prétendues discriminations découlant de la notion de « ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés »

76. La requérante soutient que le caractère illégal de la notion de « ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés » est démontré par le fait que l’emploi de celle-ci l’a exposée à un traitement défavorable et discriminatoire par rapport à d’autres participants à la même entente.

– Observations liminaires

77. Il convient de rappeler que le principe d’égalité de traitement constitue un principe général du droit de l’Union, consacré par les articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

78. Il ressort d’une jurisprudence constante que ledit principe exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt de la Cour du 14 septembre 2010, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission e.a., C‑550/07 P, Rec. p. I‑8301, point 55, et la jurisprudence citée).

79. S’agissant de la détermination du montant de l’amende, le principe en cause s’oppose à ce que la Commission opère, par l’application de méthodes de calcul différentes, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord ou à une pratique concertée contraire à l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir arrêt de la Cour du 19 juillet 2012, Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission et Commission/Alliance One International e.a., C‑628/10 P et C‑14/11 P, point 58, et la jurisprudence citée).

80. En l’espèce, il y a lieu d’observer que la Commission a calculé l’amende à infliger à chacun des participants à l’entente sur la base des trois mêmes catégories de ventes rappelées au point 18 ci-dessus. Le fait que la catégorie des « ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés » n’était applicable qu’à certains de ces participants ne constitue pas une discrimination, dès lors que la Commission a apprécié l’applicabilité de cette catégorie à chacun des participants sur la base des mêmes critères objectifs. De manière analogue, le fait que l’absence de prise en compte des « ventes indirectes » puisse avoir bénéficié à certains participants de manière plus importante qu’à la requérante ne constitue pas non plus en soi une discrimination (voir, en ce sens, arrêt Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission et Commission/Alliance One International e.a., précité, points 135 et 138, et conclusions de l’avocat général M me  Kokott sous ledit arrêt, point 87).

– Sur la prétendue discrimination par rapport à Samsung

81. La requérante fait valoir que la Commission l’a traitée de manière moins favorable que Samsung, et ce bien que ces deux entreprises se soient trouvées dans des situations prétendument comparables. À cet égard, la requérante signale que les livraisons de LCD cartellisés faites par Samsung à ses filiales établies dans l’EEE, qui les ont intégrés dans des produits finis, ont été comptabilisées en tant que « ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés » seulement lorsque les produits finis ont été vendus dans l’EEE. En revanche, les LCD cartellisés vendus par la requérante aux mêmes filiales européennes de Samsung ont été tous pris en compte, y compris lorsque les produits finis étaient vendus par ces filiales en dehors de l’EEE, en tant que « ventes EEE directes ». Au vu de ces circonstances, la requérante souligne que, lorsqu’elle vend des LCD cartellisés à Samsung, ceux-ci ne quittent pas le cercle des membres de l’entente et ne constituent dès lors pas une mise sur le marché.

82. Il convient de relever, tout d’abord, que la Commission a appliqué les mêmes critères à l’égard de Samsung et de la requérante. En effet, d’une part, les ventes de LCD cartellisés faites par la requérante ou par Samsung à des tiers indépendants établis dans l’EEE ont été incluses parmi les « ventes EEE directes ». D’autre part, les situations dans lesquelles la requérante ou Samsung transféraient d’abord les LCD cartellisés à d’autres sociétés relevant de la même entreprise, qui les intégraient dans des produits finis vendus à des tiers indépendants, ont été prises en compte, en tant que « ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés », si ces ventes à des tiers avaient lieu dans l’EEE.

83. Ensuite, il doit être observé que la Commission était parfaitement en droit d’inclure les ventes de la requérante aux filiales européennes de Samsung parmi les « ventes EEE directes », dès lors que les LCD cartellisés en cause étaient vendus à des clients établis dans l’EEE, ce qui a forcément faussé le jeu de la concurrence dans le marché intérieur. La mesure de la nocivité doit être estimée sur la base du chiffre d’affaires que la requérante a réalisé notamment par ces ventes, conformément à la jurisprudence rappelée au point 37 ci-dessus.

84. L’argument de la requérante selon lequel la Commission n’aurait pas dû prendre en compte les ventes qui n’ont pas quitté le cercle des participants à l’entente ne saurait être suivi. En effet, dès lors qu’un produit faisant l’objet d’une entente est vendu dans le marché intérieur, le jeu de la concurrence au sein de celui-ci est faussé et la Commission doit en tenir compte dans le calcul de l’amende qu’elle inflige à l’entreprise qui a tiré un bénéfice de cette vente. À cet égard, il importe de souligner que l’article 101 TFUE vise, à l’instar des autres règles de concurrence énoncées dans les traités, à protéger non pas uniquement les intérêts des concurrents ou des consommateurs, mais la structure du marché et, ce faisant, la concurrence en tant que telle (arrêts de la Cour T‑Mobile Netherlands e.a., précité, point 38, et du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., C‑501/06 P, C‑513/06 P, C‑515/06 P et C‑519/06 P, Rec. p. I‑9291, point 63). En l’espèce, l’origine de la distorsion de la concurrence dans le marché intérieur se trouve dans la vente entre la requérante et Samsung.

85. Par ailleurs, s’il est vrai que certains des LCD cartellisés que les filiales européennes de Samsung ont achetés à la requérante peuvent avoir été intégrés dans des produits finis vendus en dehors de l’EEE, cette circonstance ne remet pas en cause le fait qu’une vente entre deux entreprises distinctes a bien eu lieu dans l’EEE lorsque les LCD de la requérante ont été achetés par les filiales européennes de Samsung. Ainsi, la Commission pouvait considérer qu’il s’agissait de ventes affectant le jeu de la concurrence dans le marché intérieur.

86. Quant au fait que, à l’égard de Samsung, la Commission a pris en considération seulement les ventes des LCD cartellisés qui ont été intégrés, par les filiales européennes de Samsung, dans des produits finis vendus dans l’EEE, il y a lieu de relever que, par rapport à ces LCD cartellisés, leur première vente à une entreprise tierce s’est réalisée lors de la vente du produit fini. Dès lors, afin de ne prendre en considération que des ventes ayant un lien avec l’EEE, la Commission était en droit, voire dans l’obligation, de se limiter à prendre en compte les ventes des LCD cartellisés qui avaient été intégrés dans des produits finis vendus dans l’EEE.

87. S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le fait d’établir une distinction fondée sur la destination du produit fini serait contraire à la jurisprudence issue de l’arrêt de la Cour du 6 mars 1974, Istituto Chemioterapico Italiano et Commercial Solvents/Commission (6/73 et 7/73, Rec. p. 223, point 33), il convient d’observer que la question qui se posait dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt était différente de celle de l’espèce. En effet, il s’agissait de savoir si l’interdiction d’abus de position dominante, prévue à l’article 102 TFUE, était applicable lorsque le détenteur d’une telle position établi dans le marché intérieur tendait, par l’exploitation abusive de celle-ci, à éliminer un concurrent également établi dans ce marché. Ce n’est qu’à cet égard que la Cour a considéré qu’il était indifférent de savoir si le comportement en cause concernait les activités exportatrices de ce concurrent ou ses activités dans le marché intérieur. La Cour n’a pas manqué de souligner que c’était l’élimination même dudit concurrent qui aurait des répercussions sur la structure de la concurrence dans le marché intérieur (arrêt Istituto Chemioterapico Italiano et Commercial Solvents/Commission, précité, point 33). En l’espèce, au contraire, la Commission était en droit de définir la catégorie des « ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés » en la limitant aux seules ventes de LCD cartellisés qui se retrouvaient dans des produits finis vendus dans l’EEE. En effet, si cette première vente des produits cartellisés à un tiers n’avait pas eu lieu dans l’EEE, le lien entre le marché intérieur et l’infraction aurait été trop faible.

88. Enfin, s’il ne saurait être exclu que même les LCD intégrés dans les autres produits finis vendus par Samsung à des tiers établis en dehors de l’EEE puissent par la suite être revenus dans ce dernier et y avoir ainsi faussé le jeu de la concurrence, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation pour ce qui est de la méthode de calcul des amendes. Cette méthode, circonscrite par les lignes directrices de 2006, comporte différents éléments de flexibilité permettant à la Commission d’exercer son pouvoir d’appréciation en conformité avec les dispositions du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1) (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, C‑322/07 P, C‑327/07 P et C‑338/07 P, Rec. p. I‑7191, point 112, et du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, C‑280/08 P, Rec. p. I‑9555, point 271). En outre, la Commission n’est pas obligée de constater et de sanctionner tout comportement anticoncurrentiel (arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié au Recueil, point 369). Par ailleurs, puisque, à l’égard de toutes les entreprises verticalement intégrées, la Commission a appliqué la notion de « ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés », qui exclut les ventes de LCD cartellisés qui ont été intégrés dans des produits finis vendus en dehors de l’EEE, quel que fût le lieu où les produits finis ont été réalisés, aucune inégalité de traitement injustifiée n’a été commise.

– Sur les prétendues discriminations par rapport à deux autres destinataires de la décision attaquée

89. La requérante soutient qu’elle a été discriminée par rapport à deux autres participants à l’entente, à savoir LGD et la société de droit taïwanais AU Optronics Corp. (ci-après « AUO »), lesquels relèveraient de groupes ayant un degré d’intégration verticale comparable à celui de la requérante. En effet, selon la requérante, puisque la Commission n’a appliqué à ces participants que la notion de « ventes EEE directes », leurs ventes de LCD cartellisés adressées à des sociétés liées ont été prises en compte uniquement lorsque l’acheteur se trouvait dans l’EEE. En revanche, par l’utilisation de la notion de « ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés », les ventes internes de la requérante ont été comptabilisées même lorsqu’elles étaient adressées à des filiales établies en dehors de l’EEE, pourvu que les produits finis, réalisés par ces filiales avec l’emploi des LCD cartellisés, fussent vendus dans l’EEE. Le caractère discriminatoire de la distinction opérée par la Commission serait d’autant plus évident que, ainsi qu’il ressortirait des considérants 394 et 396 de la décision attaquée, elle aurait utilisé en substance les mêmes éléments de preuve pour établir l’influence de l’entente, d’une part, sur les ventes de la requérante à ses filiales et, d’autre part, sur les ventes de LGD et d’AUO aux sociétés avec lesquelles chacune d’elles était liée.

90. En premier lieu, il convient d’observer que la Commission, dans la décision attaquée, n’a pas conclu que LGD formait une entreprise unique, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 6 et 69 ci-dessus, avec la société de droit coréen LG Electronics, Inc. (ci-après « LGE ») et avec la société de droit néerlandais Koninklijke Philips Electronics NV (ci-après « Philips »). De même, la Commission n’a pas appliqué cette notion à AUO et à la société de droit taïwanais BenQ Corp. (ci-après « BenQ »). Dès lors, les ventes de LGD à LGE et à Philips et celles d’AUO à BenQ ont été considérées comme étant des « ventes EEE directes » et non des « ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés ». Le traitement différent auquel les ventes de la requérante ont été soumises est justifié par le fait qu’elle a transféré les LCD cartellisés d’abord, au sein de la même entreprise, à des sociétés établies en dehors de l’EEE, lesquelles ont ensuite intégrés ces LCD dans des produits finis qui ont été vendus, par cette même entreprise, à des tiers établis dans l’EEE. Cette différence objective justifie l’inclusion des ventes de la requérante dans une autre catégorie que celle appliquée aux ventes de LGD à LGE et à Philips.

91. En second lieu, dans la mesure où le grief de la requérante résumé au point 89 ci-dessus peut être interprété en ce sens qu’elle reprocherait à la Commission d’avoir exclu l’existence d’une entreprise unique entre LGD, LGE et Philips et entre AUO et BenQ, il convient de rappeler, tout d’abord, que, selon la jurisprudence, un grief se rapportant à un moyen d’annulation est irrecevable, au motif que l’intérêt à agir fait défaut lorsque, à supposer même qu’il soit fondé, l’annulation de l’acte attaqué sur la base de ce moyen ne serait pas de nature à donner satisfaction au requérant (arrêt de la Cour du 9 juin 2011, Evropaïki Dynamiki/BCE, C‑401/09 P, Rec. p. I‑4911, point 49 ; voir également, en ce sens, arrêts de la Cour du 15 mars 1973, Marcato/Commission, 37/72, Rec. p. 361, points 2 à 8, et du 21 septembre 2000, EFMA/Conseil, C‑46/98 P, Rec. p. I‑7079, point 38).

92. En l’espèce, le grief de la requérante est irrecevable, au motif que, à supposer que ce fût à tort que la Commission ait omis de considérer que LGD, LGE et Philips formaient une entreprise unique, tout comme AUO et BenQ, cette circonstance ne pourrait aucunement profiter à la requérante. En effet, contrairement à ce qu’elle soutient, ces prétendues erreurs de la Commission, même si elles étaient avérées, ne démontreraient pas que la notion de « ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés » est à son tour erronée, dès lors que la définition de cette notion est indépendante des cas auxquels elle a été appliquée ou non. Ainsi, si la Commission avait constaté que les groupes de sociétés susmentionnées formaient des entreprises uniques, elle aurait tout simplement dû exclure que les transferts de LCD cartellisés au sein de la même entreprise soient comptabilisés en tant que « ventes EEE directes ». En revanche, la Commission aurait vérifié lesquelles parmi lesdites ventes remplissaient les conditions pour être considérées comme étant des « ventes EEE directes par l’intermédiaire de produits transformés », conditions qui auraient été exactement celles appliquées aux ventes de la requérante qui ont été incluses dans cette catégorie.

93. En tout état de cause, à supposer que la requérante soit recevable à invoquer le grief résumé au point 89 ci-dessus, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, d’une part, le respect du principe d’égalité de traitement doit se concilier avec celui du principe de légalité, ce qui implique que nul ne peut invoquer à son profit une illégalité commise en faveur d’autrui ; d’autre part, lorsqu’une entreprise a, par son propre comportement, violé l’article 101, paragraphe 1, TFUE, elle ne saurait échapper à toute sanction au motif que d’autres opérateurs économiques ne se sont pas vu infliger d’amende, lorsque, comme en l’espèce, le juge de l’Union n’est pas saisi de la situation de ces derniers (voir arrêt du Tribunal du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T‑120/04, Rec. p. II‑4441, point 77, et la jurisprudence citée).

94. Également pour ces raisons, la requérante ne saurait tirer aucun bénéfice des éventuelles erreurs commises par la Commission quant à l’existence d’une entreprise unique entre LGD, LGE et Philips et entre AUO et BenQ.

95. Quant au fait, invoqué par la requérante, que la Commission, dans la communication des griefs, avait considéré que LGD, LGE et Philips formaient une entreprise unique, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, il est inhérent à la nature de la communication des griefs d’être provisoire et susceptible de modifications lors de l’évaluation à laquelle la Commission procède ultérieurement sur la base des observations qui lui ont été présentées en réponse par les parties ainsi que d’autres constatations factuelles. En effet, la Commission doit tenir compte des éléments résultant de l’intégralité de la procédure administrative soit pour abandonner des griefs qui seraient mal fondés, soit pour aménager et compléter tant en fait qu’en droit son argumentation à l’appui des griefs qu’elle retient. Ainsi, la communication des griefs n’empêche nullement la Commission de modifier sa position en faveur des entreprises concernées (voir arrêt de la Cour du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, Rec. p. I‑4951, point 63, et la jurisprudence citée).

96. Il s’ensuit que la Commission n’est pas liée au maintien des appréciations de fait ou de droit portées dans ce document. Au contraire, elle doit motiver sa décision finale par ses appréciations définitives fondées sur les résultats de l’intégralité de son enquête tels qu’ils se présentent au moment de la clôture de la procédure administrative. Par ailleurs, la Commission n’est pas tenue d’expliquer les différences éventuelles existant entre ses appréciations définitives et ses appréciations provisoires contenues dans la communication des griefs (voir arrêt Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, précité, points 64 et 65, et la jurisprudence citée).

97. Ainsi, la Commission n’était pas tenue d’expliquer, dans la décision attaquée, les raisons pour lesquelles elle avait finalement considéré que LGD ne formait pas une entreprise unique avec LGE et Philips.

98. Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante ayant trait au fait que le raisonnement suivi et les éléments de preuve invoqués par la Commission à l’égard tant des ventes de LCD cartellisés internes à des entreprises que de celles faites à des entreprises liées aux participants par une relation particulière sont en substance les mêmes, il y a lieu de le rejeter comme inopérant. En effet, cette circonstance n’affecte pas le fait que la présence ou l’absence d’une entreprise unique au sens de la jurisprudence rappelée aux points 6 et 69 ci-dessus est une circonstance suffisante pour justifier que la Commission classifie différemment les ventes effectuées dans un cas ou dans l’autre aux fins de l’amende.

99. Sur la base des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter également la seconde branche du premier moyen et, par conséquent, ce dernier dans son ensemble.

2. Sur le deuxième moyen, tiré du fait que la Commission aurait violé l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en concluant que l’infraction s’étendait aux LCD-TV

100. Par le présent moyen, d’une part, la requérante conteste, en substance, que son comportement anticoncurrentiel relatif tant aux LCD-TV qu’aux LCD-TI puisse être considéré comme donnant lieu à une même infraction unique et continue. D’autre part, elle reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait que les participants coréens à l’entente constatée dans la décision attaquée se seraient concertés avec les fournisseurs japonais de LCD-TV au sujet de ces derniers produits.

Observations liminaires

101. Il convient tout d’abord de rappeler que la notion d’infraction unique vise une situation dans laquelle plusieurs entreprises ont participé à une infraction constituée d’un comportement continu poursuivant un seul but économique visant à fausser la concurrence ou bien encore d’infractions individuelles liées entre elles par une identité d’objet (même finalité de l’ensemble des éléments) et de sujets (identité des entreprises concernées, conscientes de participer à l’objet commun) (voir arrêt du Tribunal du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T‑446/05, Rec. p. II‑1255, point 89, et la jurisprudence citée).

102. Ensuite, il y a lieu de relever qu’une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu. Cette interprétation ne saurait être contestée au motif qu’un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes et pris isolément une violation de ladite disposition. Lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un plan global, en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché unique, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (voir arrêt Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, précité, point 90, et la jurisprudence citée).

103. Il importe également de préciser que l’objectif unique visé par le plan global qui caractérise une infraction unique et continue ne saurait être déterminé par la référence générale à la distorsion de concurrence dans le marché concerné par l’infraction, dès lors que l’atteinte portée à la concurrence constitue, en tant qu’objet ou effet, un élément consubstantiel à tout comportement relevant du champ d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Une telle définition de la notion d’objectif unique risquerait de priver la notion d’infraction unique et continue d’une partie de son sens, dans la mesure où elle aurait comme conséquence que plusieurs comportements, concernant un secteur économique, interdits par l’article 101, paragraphe 1, TFUE, devraient systématiquement être qualifiés d’éléments constitutifs d’une infraction unique. Ainsi, aux fins de qualifier différents agissements en tant qu’infraction unique et continue, il y a lieu de vérifier s’ils présentent un lien de complémentarité, en ce sens que chacun d’entre eux est destiné à faire face à une ou à plusieurs conséquences du jeu normal de la concurrence, et contribuent, par le biais d’une interaction, à la réalisation de l’ensemble des effets anticoncurrentiels voulus par leurs auteurs, dans le cadre d’un plan global visant un objectif unique. À cet égard, il y a lieu de tenir compte de toute circonstance susceptible d’établir ou de remettre en cause ledit lien, telle que la période d’application, le contenu (y compris les méthodes employées) et, corrélativement, l’objectif des divers agissements en question (voir arrêt Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, précité, point 92, et la jurisprudence citée).

104. C’est à la lumière de ces principes qu’il y a lieu d’examiner les arguments de la requérante, après avoir rappelé les constatations effectuées par la Commission dans la décision attaquée qui sont pertinentes à cet égard.

Constatations effectuées dans la décision attaquée

105. Il convient d’observer, tout d’abord, que l’infraction que la Commission a reprochée aux destinataires de la décision attaquée réside dans le fait qu’ils ont participé, d’une part, aux « réunions Cristal », au cours desquelles ils fixaient des prix minimaux pour les LCD cartellisés, discutaient de leurs projections de prix pour en éviter la diminution et coordonnaient leurs augmentations de prix ainsi que leurs niveaux de production, et, d’autre part, à des réunions bilatérales ayant trait aux sujets discutés lors des « réunions Cristal » (voir point 15 ci-dessus).

106. De manière plus détaillée, dans la décision attaquée, la Commission a estimé, premièrement, que les participants à l’entente s’étaient engagés dans une entente unique, complexe et continue pour les LCD-TI et les LCD-TV, constituée par une série d’actions connexes et interdépendentes qui ont duré pendant toute la période infractionnelle, dans le but d’augmenter et de maintenir les prix desdits LCD au niveau mondial et au niveau de l’EEE (considérant 283).

107. Deuxièmement, selon la décision attaquée, la fixation des prix, atteinte par voie d’augmentation de prix, de fixation de fourchettes de prix et de fixation de prix minimaux ou cibles, et l’adoption d’une position commune et d’une stratégie future sur les paramètres qui déterminent les prix, tels que la production, les capacités, les expéditions ainsi que la demande, assorties d’un système de surveillance pour garantir le respect des arrangements conclus, sont autant d’éléments faisant tous partie d’un plan global, qui avait pour objectif commun de contrôler les prix pour les ventes mondiales, y compris celles effectuées dans l’EEE, tant des LCD-TI que des LCD-TV (considérant 284).

108. Troisièmement, la Commission a observé que les caractéristiques de l’infraction, ses lignes d’action et son organisation ont suivi le même modèle durant toute la période infractionnelle. Si le mode opératoire de la collusion a certes changé au fil du temps, selon la décision attaquée, cela devait être considéré comme normal à l’égard d’une entente de longue durée, dont les participants s’étaient adaptés à des changements de circonstances, notamment afin de ne pas être repérés. Ainsi, dans la décision attaquée, il a été observé que même la présence, aux réunions de l’entente tenues à partir du mois de mai 2005, de personnel de secrétariat, et non plus de direction comme auparavant, n’avait pas déterminé un changement dans la nature des réunions, lesquelles continuaient à viser la fixation des prix et le contrôle de paramètres tels que la production des LCD cartellisés (considérant 287).

109. Quatrièmement, la Commission a reconnu que les discussions qui avaient eu lieu durant la première année de l’entente s’étaient concentrées sur les LCD-TI et a relevé que les LCD-TV avaient été impliqués dans ces discussions dès le mois de septembre 2002. Elle a cependant remarqué qu’au fur et à mesure que les autres participants à l’entente s’étaient lancés dans la production de LCD-TV ils avaient commencé à partager avec les autres leurs données relatives à ceux-ci. À cet égard, la Commission a souligné, d’une part, que les LCD-TV avaient, depuis lors, systématiquement fait l’objet de discussions lors des mêmes réunions que celles où étaient visés les LCD-TI et, d’autre part, que les participants étaient en mesure de réallouer les capacités entre les différentes applications des LCD cartellisés afin d’influencer la demande et, par ce biais, également le prix de ces produits. Sur cette base, la Commission a conclu que les mêmes entreprises poursuivaient, pour les LCD-TV, le même objectif et suivaient le même mode opératoire, dans le cadre du même plan global, que dans le cas des discussions concernant les LCD-TI qui avaient eu lieu depuis 2001 (considérants 288 et 289).

Appréciation des arguments contestant les constatations effectuées dans la décision attaquée

110. Il ressort de nombreux documents recueillis par la Commission que les participants à l’entente étaient en mesure de réallouer leurs capacités de production entre LCD-TI et LCD-TV afin d’influencer la demande et, par là même, les prix de ces produits.

111. À cet égard, en premier lieu, le considérant 154 de la décision attaquée cite les notes d’un participant à la « réunion Cristal » du 11 juin 2003, à laquelle la requérante a assisté, dans lesquelles une déclaration de [ confidentiel ] a été reprise dans les termes suivants :

« [… S]i les clients actuels dans les secteurs des moniteurs et des ordinateurs portables compacts réduisent leurs commandes, la capacité de production sera déplacée afin de produire en réaction des téléviseurs […] »

112. En deuxième lieu, il ressort d’un courriel relatif à la « réunion Cristal » du 9 juillet 2003, mentionné au considérant 155 de la décision attaquée, que la requérante décidait de ses priorités dans l’allocation de ses capacités de production de LCD entre les LCD-TV et les LCD-TI selon les marges de profit attendues. Ce même courriel fait état d’une réallocation des capacités de production des LCD-TI vers les LCD-TV par [ confidentiel ]. Par ailleurs, le compte rendu rédigé par l’un des participants à cette réunion fait état de la circonstance, reprise au considérant 156 de la décision attaquée, que, pour la requérante, la production de moniteurs était une manière d’absorber toute les capacités de production qui restaient disponibles.

113. En troisième lieu, dans un courriel interne d’[ confidentiel ], relatif au compte rendu de la « réunion Cristal » du 5 février 2004, qui s’était tenue chez la requérante, il est indiqué que [ confidentiel ] réallouait ses capacités de production notamment vers les LCD-TV.

114. En quatrième lieu, au considérant 187 de la décision attaquée, la Commission s’est référée aux notes d’un participant à la « réunion Cristal » du 4 novembre 2004, lesquelles mentionnaient des discussions portant sur la réattribution des capacités de production entre les différentes applications des LCD cartellisés afin d’influencer la demande. En particulier, [ confidentiel ] a confirmé « son intention de ne lancer la production du MEP 17’’ que si la demande du marché des téléviseurs [était] limitée et si elle n’[avait] pas d’alternative ». Selon ces mêmes notes, l’offre de la requérante de certains LCD-TV était devenue insuffisante dès lors qu’elle avait redirigé ses capacités de production vers d’autres LCD [ confidentiel ], qui étaient des LCD-TI, ainsi que la requérante l’a confirmé en réponse à une question écrite du Tribunal.

115. En cinquième lieu, au considérant 192 de la décision attaquée, la Commission cite des notes relatives à la « réunion Cristal » du 7 janvier 2005, à laquelle la requérante a participé, dont il ressort qu’un autre participant à l’entente réallouait ses capacités de production des moniteurs vers les ordinateurs portables et les téléviseurs.

116. En sixième lieu, au considérant 220 de la décision attaquée, la Commission mentionne le fait que, selon un rapport de [ confidentiel ] sur la « réunion Cristal » du 4 novembre 2005, la requérante a, à cette occasion, présenté ses volumes de ventes et ses capacités de production. À cet égard, il convient de préciser que le rapport en question mentionne le fait que la requérante, pendant le mois de novembre 2005, utilisait presque 100 % des capacités de production de certaines de ses installations de production pour réaliser des LCD-TV.

117. En septième lieu, au considérant 223 de la décision attaquée, la Commission fait état de documents relatifs à la « réunion Cristal » du 6 décembre 2005, à laquelle la requérante a assisté, dans lesquels il est référé que l’un des participants à l’entente réallouait une partie de ses capacités de production vers les téléviseurs et les ordinateurs portables.

118. Ces éléments démontrent que les participants à l’entente, y compris la requérante, étaient en mesure de réallouer, et ont effectivement à plusieurs reprises réalloué, leurs capacités de production des LCD-TI vers les LCD-TV et vice versa, pour chercher à maintenir les prix des uns et des autres produits aux niveaux convenus ou, à tout le moins, pour limiter leurs baisses. Dès lors, ces éléments permettent de conclure qu’il existait un lien de complémentarité, au sens de la jurisprudence rappelée au point 103 ci-dessus, entre les décisions prises et les informations échangées à l’égard des deux catégories de LCD cartellisés.

119. S’agissant de l’invocation par la requérante du prétendu caractère superficiel et épisodique des échanges d’informations entre les participants à l’entente quant aux LCD-TV, il convient d’observer que les preuves contenues dans la décision attaquée révèlent, tout d’abord, qu’à plusieurs reprises les participants aux réunions de l’entente sont convenus de maintenir const ant le niveau des prix des LCD-TV. Ainsi qu’il est indiqué au considérant 154 de la décision attaquée, à l’occasion de la « réunion Cristal » du 11 juin 2003, des informations ont été échangées au sujet notamment de la stratégie des prix (price policies) que l’un des participants à l’entente envisageait, notamment, pour les LCD-TV. De même, des tableaux ont été examinés concernant les tendances des prix de différents types de LCD cartellisés pour les mois de mai, juin et juillet de cette année. Dans un de ces tableaux figurent des données portant sur des LCD-TV. Ensuite, au considérant 165 de la décision attaquée, la Commission a fait état de documents relatifs à la « réunion Cristal » du 7 novembre 2003, desquels il ressort que les participants se fixaient comme objectifs d’augmenter les prix des LCD pour les ordinateurs portables et de maintenir le niveau des prix des autres LCD cartellisés, avec mention explicite des LCD-TV. En annexe à un compte rendu de cette réunion figurent des tableaux affichant les prix de nombreuses catégories de LCD cartellisés, dont des LCD-TV, au cours de l’année 2003. D’autres exemples du fait que les discussions lors des réunions de l’entente portaient sur des données, notamment les prix et les capacités de production, concernant non seulement les LCD-TI, mais également les LCD-TV, apparaissent aux considérants 167, 171, 173, 174, 202 et 214 de la décision attaquée ainsi que dans les documents du dossier de la Commission auxquels ces considérants renvoient.

120. Même à supposer que les participants à l’entente aient échangé plus d’informations, ou des informations plus sensibles, à l’égard des LCD-TI qu’à l’égard des LCD-TV, il n’en demeure pas moins que les preuves recueillies par la Commission démontrent que toutes ces informations étaient échangées au même moment, souvent par le biais des mêmes documents et, surtout, en poursuivant le même but. Par ailleurs, le caractère sensible et détaillé des informations fournies par la requérante ressort du considérant 202 de la décision attaquée, où la Commission cite un document, relatif à la « réunion Cristal » du 5 mai 2005, dont il ressort que, en ce qui concerne la requérante, compte tenu de capacités serrées, le prix d’une catégorie de LCD-TV a augmenté de 5 à 10 dollars des États-Unis (USD) en mai, ce qui a porté le prix à 230 USD.

121. S’agissant du fait, invoqué par la requérante, que les discussions sur les LCD-TV ont, à son avis, mis en exergue une tendance continue à la baisse des prix de ces produits, il convient d’observer que plusieurs documents sur lesquels la Commission s’est fondée dans la décision attaquée font état de l’intention des participants à l’entente de maintenir constants les niveaux des prix de ces LCD et du fait que des baisses des prix n’étaient pas probables à court terme (voir considérants 165, 167, 173 et 207 de la décision attaquée). En tout état de cause, à supposer que, souvent, les discussions de l’entente aient uniquement abouti à des décisions de baisse des prix, cette coordination des comportements n’en aurait pas moins faussé le jeu de la concurrence, dès lors que les baisses des prix ont été effectuées de manière coordonnée et qu’elles auraient pu être plus importantes en l’absence de concertation. Par ailleurs, la possibilité de réallouer les capacités de production, qui faisait l’objet des discussions de l’entente, permettait aux participants à celle-ci de réagir à des baisses des prix des LCD-TV, et ce de manière coordonnée, dans le cadre d’un plan global.

122. S’agissant de la circonstance, également invoquée par la requérante, que le personnel envoyé par les participants à l’entente aux réunions de celle-ci était spécialisé dans les LCD-TI, et non dans les LCD-TV, il convient de relever que, si elle peut s’interpréter en ce sens que les LCD-TI étaient plus importants aux yeux des entreprises concernées, elle ne signifie pas pour autant que les LCD-TV ne faisaient l’objet que de discussions superficielles et épisodiques. En effet, ainsi que le fait remarquer à juste titre la Commission, la circonstance en question démontre que les échanges d’informations concernant les LCD-TV se faisaient de manière préméditée, dès lors que le personnel présent aux réunions devait se préparer à ce sujet, qui ne faisait pas partie de leur domaine principal d’activité.

123. Il ressort de ce qui précède que les échanges de données concernant les LCD-TV relevaient du même plan global que ceux relatifs aux LCD-TI et, par conséquent, de la même infraction unique et continue.

124. Les autres arguments de la requérante ne remettent pas en cause la constatation qu’il s’agissait bien d’une infraction unique et continue, relative tant aux LCD-TI qu’aux LCD-TV, que la Commission était en droit de sanctionner par une amende globale.

125. Premièrement, est dépourvue de toute pertinence la circonstance selon laquelle les données relatives aux LCD-TV ont commencé à être discutées entre les participants à l’entente après une première phase au cours de laquelle l’entente n’avait concerné que les LCD-TI. En effet, dès lors qu’il a été prouvé que les échanges d’informations et les décisions prises lors des réunions de l’entente à l’égard des LCD-TV relevaient du même plan global que celui mis en place pour les LCD-TI, le moment auquel cette extension de l’entente a eu lieu, pour chacun des participants, n’a pas d’influence. En outre, il convient de souligner que, aux fins du calcul du montant de l’amende, la Commission a tenu compte de la moyenne de la valeur des ventes pertinentes de chaque destinataire de la décision attaquée tout au long de la période infractionnelle. Cette moyenne est influencée, de manière favorable à la requérante, par le fait que celle-ci ne produisait pas de LCD-TV au début de la période infractionnelle.

126. Par ailleurs, le fait que la requérante ne produisait pas de LCD-TV lorsque des données relatives à ces derniers ont commencé à être échangées au cours des « réunions Cristal » n’enlève rien à la circonstance selon laquelle la requérante, lorsqu’elle a élargi ses activités aux LCD-TV, a pu bénéficier des informations dont elle disposait concernant les prix et les capacités de production des autres participants à l’entente qui l’avaient précédée dans ce secteur. À cet égard, il ressort de la jurisprudence qu’une entreprise peut être tenue responsable d’une pratique concertée même si sa participation se limite à la simple réception d’informations sur le comportement futur de ses concurrents (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T‑54/03, non publié au Recueil, points 459 et 460, et la jurisprudence citée). Ainsi, une entreprise peut n’avoir directement participé qu’à une partie des comportements anticoncurrentiels composant une infraction unique et continue, mais avoir eu connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs, ou avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque. Dans un tel cas, la Commission est en droit d’imputer à cette entreprise la responsabilité de l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant une telle infraction et, par suite, de celle-ci dans son ensemble (arrêt de la Cour du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, point 43).

127. Dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire d’examiner la valeur probante, contestée par la requérante, du document sur lequel la Commission s’est fondée pour considérer que l’extension de l’entente aux LCD-TV a commencé en septembre 2002.

128. Deuxièmement, il importe peu que les LCD-TI et les LCD-TV puissent relever de marchés différents, comme le soutient la requérante. À cet égard, il convient de rappeler, tout d’abord, qu’une infraction unique ne doit pas nécessairement porter sur le même produit ou sur des produits substituables. D’autres critères sont également pertinents à cette fin, tels que l’identité ou la diversité des objectifs des pratiques en cause, l’identité des entreprises qui y ont pris part, l’identité des modalités de mise en œuvre desdites pratiques, l’identité des personnes physiques impliquées pour le compte des entreprises et l’identité du champ d’application géographique des pratiques en cause (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2012, Almamet/Commission, T‑410/09, points 172 et 174, et la jurisprudence citée). Ces critères sont satisfaits en l’espèce, ainsi que cela ressort des points 110 à 127 ci-dessus.

129. En outre, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, c’est pour déterminer si un accord est susceptible d’affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence dans le marché intérieur qu’il faut définir le marché en cause. Par conséquent, l’obligation d’opérer une délimitation du marché en cause dans une décision adoptée en application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE s’impose à la Commission uniquement lorsque, sans une telle délimitation, il n’est pas possible de déterminer si l’accord, la décision d’association d’entreprises ou la pratique concertée en cause est susceptible d’affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence dans le marché intérieur (arrêts du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II‑4407, point 99, et du 6 décembre 2005, Brouwerij Haacht/Commission, T‑48/02, Rec. p. II‑5259, point 58 ; voir également, en ce sens, ordonnance de la Cour du 16 février 2006, Adriatica di Navigazione/Commission, C‑111/04 P, non publiée au Recueil, point 31).

130. En l’espèce, il n’est pas contesté par la requérante que l’entente était susceptible d’affecter le commerce entre les États membres et avait pour objet de restreindre et de fausser le jeu de la concurrence dans le marché intérieur.

131. Par ailleurs, la jurisprudence a également précisé que le marché visé par une décision de la Commission constatant une infraction à l’article 101 TFUE est déterminé par les accords et les activités de l’entente (voir arrêt du Tribunal du 24 mars 2011, IBP et International Building Products France/Commission, T‑384/06, Rec. p. II‑1177, point 118, et la jurisprudence citée). En l’espèce, ainsi que le fait remarquer à juste titre la Commission, ce sont les membres de l’entente qui ont délibérément focalisé leur comportement anticoncurrentiel à la fois sur les LCD-TI et sur les LCD-TV.

132. Ensuite, il y a lieu d’examiner l’argument que la requérante cherche à tirer de l’arrêt du Tribunal du 11 décembre 2003, Adriatica di Navigazione/Commission (T‑61/99, Rec. p. II‑5349, point 36), afin de soutenir que la Commission a insuffisamment défini les marchés concernés et ainsi mal compris la nature et l’ampleur précises de l’infraction constatée dans la décision attaquée.

133. À cet égard, il convient de rappeler que, certes, au point 30 de l’arrêt Adriatica di Navigazione/Commission, précité, le Tribunal a observé que des griefs à l’encontre de la définition du marché en cause, retenue par la Commission, peuvent viser des éléments propres à l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE autres que l’existence d’une restriction de la concurrence dans le marché intérieur et l’affectation du commerce entre les États membres, tels que la portée de l’entente en question, son caractère unique ou global ainsi que la portée de la participation individuelle de chacune des entreprises concernées. De même, aux points 31 et 32 dudit arrêt, le Tribunal a souligné qu’une décision de la Commission constatant la participation à une entente peut avoir des conséquences sur les relations des destinataires de cette décision avec des tiers. Aussi est-il souhaitable que la Commission, lorsqu’elle adopte une décision constatant la participation d’une entreprise à une infraction complexe, collective et ininterrompue, au-delà de la vérification du respect des conditions spécifiques d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, prenne en considération le fait que, si une telle décision doit entraîner la responsabilité personnelle de chacun de ses destinataires, c’est uniquement pour leur participation établie aux comportements collectifs sanctionnés et correctement délimités.

134. Cependant, même lu à la lumière de cette jurisprudence, l’argument de la requérante en l’espèce ne saurait prospérer. En effet, il ressort des points 110 à 127 ci-dessus que la Commission a tenu la requérante pour responsable uniquement de l’infraction qui s’est concrétisée par la participation aux « réunions Cristal » et aux réunions bilatérales liées à celles-ci, lesquelles avaient pour but de coordonner les prix et les capacités de production tant des LCD-TI que des LCD-TV. Ainsi, l’absence de définition plus précise des marchés concernés par l’entente n’a pas exposé la requérante aux risques mis en avant par le Tribunal dans l’arrêt Adriatica di Navigazione/Commission, précité, mentionnés au point 133 ci-dessus.

Absence de prise en considération des contacts avec les fournisseurs japonais

135. La requérante reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait que les participants coréens à l’infraction constatée dans la décision attaquée se concertaient prétendument avec les fournisseurs japonais de LCD-TV, qui, avec lesdits participants coréens, seraient les acteurs principaux sur ce marché, alors que la requérante n’y jouerait qu’un rôle secondaire. Selon la requérante, la véritable infraction que la Commission aurait dû poursuivre en relation à ces LCD résidait dans la concertation entre les acteurs principaux de ce marché. De ce fait, la Commission aurait violé l’obligation de motivation, le principe d’égalité de traitement ainsi que le principe de proportionnalité.

Observations liminaires

136. Il convient de relever que, si la jurisprudence relative à la notion d’infraction unique et continue permet à la Commission de poursuivre, par une seule procédure et une seule décision, à la fois plusieurs comportements qui auraient pu être poursuivis individuellement, elle n’a pas pour conséquence que la Commission soit dans l’obligation de procéder de la sorte. Ainsi, à supposer que la prétendue concertation entre les fournisseurs japonais de LCD-TV et les participants coréens à l’entente visée par la décision attaquée constitue une infraction à l’article 101 TFUE, et que cette infraction relève de la même infraction unique et continue que celle constatée dans la décision attaquée, la Commission n’aurait pas pour autant été obligée de poursuivre l’ensemble de ces comportements à la fois.

137. En effet, la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation quant à la portée des procédures qu’elle engage. À ce sujet, selon la jurisprudence, elle ne peut être obligée de constater et de sanctionner tout comportement anticoncurrentiel et les juridictions de l’Union ne pourraient – ne serait-ce qu’en vue d’une réduction d’amende – juger que la Commission, eu égard aux preuves à sa disposition, aurait dû établir l’existence d’une infraction pendant une période donnée et à l’encontre d’une entreprise donnée (voir, en ce sens, Tokai Carbon e.a./Commission, précité, points 369 et 370).

138. L’exercice de ce pouvoir est soumis au contrôle juridictionnel. Cependant, il ressort de la jurisprudence que ce n’est que s’il pouvait être démontré que la Commission a engagé, sans motif objectif, deux procédures distinctes relatives à une situation de fait unique que son choix pourrait être considéré comme étant un détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 juin 2010, Commission/Alrosa, C‑441/07 P, Rec. p. I‑5949, point 89).

139. En l’espèce, la Commission a considéré qu’elle ne disposait pas, ou pas encore, de preuves suffisantes à l’encontre des fournisseurs japonais et a ainsi choisi de ne pas les poursuivre en même temps que la requérante et les autres destinataires de la décision attaquée, à l’égard desquels elle disposait, en revanche, de nombreuses preuves de l’existence d’une infraction, et ce tant pour les LCD-TI que pour les LCD-TV, ainsi qu’il a été constaté ci-dessus (points 110 à 134). Or, cette circonstance constitue un motif objectif, qui justifie le choix de la Commission. Cependant, il convient d’observer que, dans le cadre de la procédure ouverte à l’encontre des fournisseurs japonais, la Commission sera tenue de respecter notamment le principe ne bis in idem à l’égard de la requérante.

Sur la prétendue violation de l’obligation de motivation

140. La requérante prétend que la Commission aurait dû, dans la décision attaquée, expliquer les raisons pour lesquelles elle a exclu de la procédure ayant abouti à l’adoption de la décision attaquée les fournisseurs japonais de LCD-TV.

141. À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Commission n’avait aucune obligation d’exposer, dans la décision attaquée, les raisons pour lesquelles les fournisseurs japonais n’ont pas été poursuivis dans le cadre de cette procédure. En effet, selon la jurisprudence, l’obligation de motivation d’un acte ne saurait englober une obligation pour l’institution qui en est l’auteur de motiver le fait de ne pas avoir adopté d’autres actes similaires adressés à des parties tierces (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 414, et du 4 juillet 2006, Hoek Loos/Commission, T‑304/02, Rec. p. II‑1887, point 63).

Sur la prétendue violation du principe d’égalité de traitement

142. Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence rappelée au point 93 ci-dessus, dès lors qu’une entreprise a, par son comportement, violé l’article 101, paragraphe 1, TFUE, elle ne saurait échapper à toute sanction au motif que d’autres opérateurs économiques ne se sont pas vu infliger d’amende, alors même que, comme en l’espèce, le juge de l’Union n’est pas saisi de la situation de ces derniers. À cet égard, il y a lieu d’observer que, s’il est vrai que la Commission n’est pas en droit d’opérer une discrimination entre les entreprises qui ont participé à une même entente, il n’en reste pas moins que l’infraction reprochée à la requérante réside dans la concertation qui a eu lieu, lors des « réunions Cristal » et des réunions bilatérales liées à ces dernières, entre les fournisseurs taïwanais et coréens de LCD cartellisés. Puisque les fournisseurs japonais n’ont pas participé à cette concertation, la décision attaquée n’est pas viciée par une inégalité de traitement à cet égard.

143. En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel les seules discussions importantes concernant les LCD-TV étaient celles impliquant les fournisseurs japonais, auxquelles la requérante ne participait pas, il suffit de rappeler que la Commission a apporté des preuves suffisantes pour démontrer que les destinataires de la décision attaquée se sont concertés, dans le cadre d’un plan global, tant sur les LCD-TI que sur les LCD-TV (voir points 105 à 134 ci-dessus). Cette concertation constitue une infraction que la Commission était en droit de poursuivre, indépendamment de l’existence éventuelle d’autres infractions concernant les LCD-TV auxquelles certains destinataires de la décision attaquée, autres que la requérante, pourraient avoir participé.

144. En réponse à l’argument que la requérante cherche à tirer de la pratique administrative de la Commission, en particulier de la décision C (2008) 5955 final de la Commission, du 15 octobre 2008, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] (affaire COMP/39.188 – Bananes) (ci-après la « décision Bananes »), il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une pratique décisionnelle de la Commission ne saurait servir de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence et que des décisions concernant d’autres affaires ne revêtent qu’un caractère indicatif en ce qui concerne l’existence éventuelle d’une discrimination, étant donné qu’il est peu vraisemblable que les circonstances propres à celles-ci, telles que les marchés, les produits, les entreprises et les périodes concernés, soient identiques (voir arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Carbone-Lorraine/Commission, T‑73/04, Rec. p. II‑2661, point 92, et la jurisprudence citée).

145. Afin de souligner les différences existant entre les faits visés par la décision Bananes et ceux de la présente affaire, il doit être observé que l’un des participants à l’infraction dont il s’agissait dans ladite décision s’est vu reconnaître une réduction de l’amende de 10 %, à titre de circonstance atténuante, au motif qu’il ne ressortait pas du dossier qu’il avait connaissance de certains aspects de cette infraction, auxquels il ne participait pas directement, ou qu’il pouvait raisonnablement les prévoir (voir considérants 465 et 466 de la décision Bananes).

146. En revanche, le cas d’espèce ne présente pas de circonstances comparables, dès lors que la requérante, qui a bel et bien participé à tous les aspects de l’infraction constatée dans la décision attaquée, cherche à se prévaloir du fait qu’elle n’a pas participé à une infraction impliquant d’autres entreprises.

147. En tout état de cause, ainsi que le fait remarquer à juste titre la Commission, à supposer que les contacts bilatéraux entre les fournisseurs coréens et japonais de LCD-TV aient constitué une infraction unique et continue avec celle constatée dans la décision attaquée et que la requérante ait ignoré l’existence de ces contacts bilatéraux, ces circonstances n’auraient pas pour conséquence que les griefs retenus à l’égard de la requérante en raison de sa participation à l’infraction constatée dans la décision attaquée deviendraient dépourvus de fondement, ni que l’amende infligée à la requérante devrait être réduite. En effet, rien ne permet en effet d’affirmer que l’amende infligée en cas d’entente plus vaste, incluant les fournisseurs japonais, aurait été, au final, inférieure pour la requérante. À cet égard, l’éventuelle réduction que la Commission aurait pu octroyer à la requérante, à titre de circonstance atténuante, aurait pu être compensée, voire dépassée, par l’augmentation découlant de l’application de pourcentages plus élevés en ce qui concerne la gravité de l’infraction et le « droit d’entrée ».

Sur la prétendue violation du principe de proportionnalité

148. La requérante invoque la violation du principe de proportionnalité, du fait que la Commission n’aurait pas tenu compte du caractère moins grave des comportements anticoncurrentiels relatifs aux LCD-TV, en comparaison avec ceux relatifs aux LCD-TI.

149. En réponse à cet argument, il y a lieu de relever, en premier lieu, que la Commission a, à juste titre, considéré qu’il s’agissait d’une infraction unique et continue. À cet égard, il ressort de la jurisprudence que la Commission n’est pas obligée d’effectuer une analyse séparée de chaque élément d’une infraction unique, en raison notamment de l’existence d’une stratégie d’ensemble partagée par tous les membres de l’entente (voir, en ce sens, arrêt Carbone-Lorraine/Commission, précité, point 49).

150. En second lieu, en ce qui concerne plus particulièrement le caractère proportionné des coefficients retenus par la Commission en relation à la gravité de l’infraction et en tant que « droit d’entrée » (voir point 24 ci-dessus), il convient de rappeler que les lignes directrices de 2006, et la jurisprudence dont elles s’inspirent, prévoient que la gravité de l’infraction est, dans une première phase, appréciée en fonction des éléments propres à l’infraction, tels que sa nature, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction et sa mise en œuvre ou non. Dans une seconde phase, cette appréciation est modulée en fonction de circonstances aggravantes ou atténuantes propres à chacune des entreprises ayant participé à l’infraction (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 octobre 2011, Aragonesas Industrias y Energía/Commission, T‑348/08, Rec. p. II‑7583, point 264, et la jurisprudence citée).

151. Ladite première phase a pour objet de déterminer le montant de base de l’amende infligée à chaque entreprise concernée, et ce en appliquant sur la valeur des ventes de produits ou de services en cause sur le marché géographique concerné de chacune d’elles un premier coefficient multiplicateur reflétant la gravité de l’infraction, voire un second coefficient multiplicateur visant à les dissuader de s’engager de nouveau dans de tels comportements illégaux. Chacun de ces deux coefficients multiplicateurs est déterminé au regard de facteurs qui reflètent les caractéristiques de l’infraction prise dans sa globalité, à savoir en ce qu’elle regroupe l’ensemble des comportements anticoncurrentiels de la totalité de ses participants (voir, en ce sens, arrêt Aragonesas Industrias y Energía/Commission, précité, point 265).

152. Il s’ensuit que, à supposer même que les comportements anticoncurrentiels relatifs aux LCD-TV aient été moins graves que ceux relatifs aux LCD-TI, la Commission était en droit de fixer le coefficient relatif à la gravité et celui relatif aux « droits d’entrée » en tenant compte du plan global visé par l’infraction unique et continue dont l’ensemble de ces comportements relevaient.

153. Par ailleurs, quant au fait que, dans la décision Bananes, la Commission a appliqué des pourcentages moins importants que ceux de la décision attaquée et concédé une réduction élevée à titre de circonstance atténuante, il suffit de se référer à la jurisprudence mentionnée au point 144 ci-dessus et de relever que, dans ladite décision, la Commission a accordé une réduction, compte tenu de la situation particulière créée notamment par le cadre règlementaire en vigueur pour le commerce des bananes (voir considérant 460 de la décision Bananes et le renvoi qu’il contient ainsi que son considérant 467).

154. Sur la base de l’ensemble des considérations exposées ci-dessus, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

3. Sur le troisième moyen, tiré du fait que la valeur des ventes pertinentes retenue par la Commission à l’égard de la requérante aurait inclus à tort d’autres ventes que celles relatives aux LCD cartellisés

155. Au soutien de sa demande tendant à ce que le Tribunal réforme le montant de l’amende qui lui a été infligée dans la décision attaquée, la requérante soulève le troisième moyen, tiré, en substance, de ce que le montant de l’amende a été calculé sur la base d’une valeur des ventes inexacte, la requérante y ayant par erreur inclus des ventes relatives à des catégories de LCD autres que celles visées par la décision attaquée.

156. Il convient de rappeler que le contrôle de légalité des décisions adoptées par la Commission est complété par la compétence de pleine juridiction, qui est reconnue au juge de l’Union par l’article 31 du règlement n° 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE. Cette compétence habilite le juge, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer l’amende ou l’astreinte infligée.

157. Il appartient dès lors au Tribunal, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, d’apprécier, à la date où il adopte sa décision, si la requérante s’est vu infliger une amende dont le montant reflète correctement la gravité de l’infraction en cause (voir arrêt du Tribunal du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a./Commission, T‑343/06, point 117, et la jurisprudence citée).

158. En l’espèce, il est constant entre les parties que, en raison des erreurs commises par la requérante, le montant de base de l’amende qui lui a été infligée s’élevait, avant arrondissement, à 301 684 468 euros et que la portion de ce montant découlant des erreurs en cause était de 13 246 618 euros. En revanche, les parties s’opposent sur la manière selon laquelle ces montants doivent être arrondis.

159. La requérante, dans la requête, a demandé qu’un montant de 13 250 000 euros soit déduit de l’amende qui lui a été infligée dans la décision attaquée, à savoir 300 000 000 euros. Le nouveau montant devrait ainsi s’élever à 286 750 000 euros.

160. Dans le mémoire en défense, la Commission a expliqué que, à l’égard de tous les destinataires de la décision attaquée, elle a arrondi le montant de base à la baisse aux deux premiers chiffres, excepté dans les cas où cette réduction représentait plus de 2 % du montant avant arrondissement, auquel cas la Commission a arrondi ce montant aux trois premiers chiffres.

161. À cet égard, il convient de noter que la requérante, dans la décision attaquée, a bénéficié de l’arrondissement aux deux premiers chiffres. En effet, le montant de base non arrondi s’élevait à 301 684 468 euros, alors que ce montant arrondi, ainsi qu’il est indiqué au tableau 6 de la décision attaquée, était de 300 000 000 euros.

162. Selon la Commission, le calcul proposé par la requérante est erroné, puisqu’il comporte deux arrondis : celui que la Commission a déjà appliqué au montant de base qui figure dans la décision attaquée et celui qui amène à considérer que le montant à soustraire en raison de l’exclusion des ventes des produits autres que les LCD cartellisés passerait de 13 246 618 à 13 250 000 euros.

163. En revanche, ainsi que le fait observer la Commission, l’application de la méthode suivie dans la décision attaquée au montant de base résultant de la valeur de ventes corrigée, à savoir 288 437 850 euros, conduit à un montant arrondi de 288 000 000 euros. En effet, un arrondi aux deux premiers chiffres donnerait lieu à une réduction de 8 437 850 euros, soit plus de 2 % (2,9 %) du montant de base non arrondi.

164. Dans la réplique, la requérante fait valoir que le fait d’arrondir le nouveau montant de son amende aux trois premiers chiffres, au lieu des deux premiers, aurait pour résultat qu’elle serait le destinataire de la décision attaquée qui profite au minimum de l’arrondissement. Elle demande ainsi une réduction plus importante.

165. À cet égard, il convient de relever que, s’il appartient au Tribunal d’apprécier lui-même les circonstances de l’espèce afin de déterminer le montant de l’amende, l’exercice d’une compétence de pleine juridiction ne saurait entraîner, lors de la détermination du montant des amendes infligées, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à une entente contraire à l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt Commission/Verhuizingen Coppens, précité, point 80).

166. En l’espèce, dans la décision attaquée, la Commission a appliqué la méthode d’arrondissement décrite au point 160 ci-dessus à tous les participants à l’entente. Cette méthode est objective et permet à tous ces participants de bénéficier d’une réduction, dans la limite de 2 %. S’il est vrai que certaines réductions sont plus importantes que d’autres et que celle de la requérante serait la moins élevée en pourcentage si le Tribunal suivait la même méthode, il n’en demeure pas moins que toute méthode d’arrondissement comporte des ajustements qui varient pour chaque entreprise et qui donnent lieu à une réduction plus ou moins importante. Dès lors, puisque la méthode choisie par la Commission bénéficie, certes dans une mesure différente, à tous les destinataires de la décision attaquée et que cette mesure est plafonnée à 2 %, il est opportun de s’y tenir, afin d’éviter des inégalités de traitement (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 17 mai 2011, Elf Aquitaine/Commission, T‑299/08, Rec. p. II‑2149, points 307 et 308).

167. Il y a cependant lieu de rappeler que, afin de préserver l’effet utile de l’article 18, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1/2003, la Commission est en droit d’obliger une entreprise à fournir tous les renseignements nécessaires portant sur des faits dont elle peut avoir connaissance et à lui communiquer, au besoin, les documents s’y rapportant qui sont en sa possession, à la seule condition de ne pas imposer à l’entreprise l’obligation de fournir des réponses par lesquelles celle-ci serait amenée à admettre l’existence de l’infraction dont il appartient à la Commission d’établir la preuve (arrêt de la Cour du 18 octobre 1989, Orkem/Commission, 374/87, Rec. p. 3283, points 34 et 35). Une entreprise à laquelle la Commission adresse une demande de renseignements en application des dispositions de l’article 18 du règlement n° 1/2003 est, dès lors, tenue à une obligation de collaboration active et peut se voir sanctionner par une amende spécifique, prévue par les dispositions de l’article 23, paragraphe 1, de ce règlement, qui peut représenter jusqu’à 1 % de son chiffre d’affaires total si elle fournit, de propos délibéré ou par négligence, un renseignement inexact ou dénaturé (arrêt Shell Petroleum e.a./Commission, précité, point 118).

168. Il en résulte que, dans l’exercice de ses pouvoirs de pleine juridiction, le Tribunal peut prendre en compte, le cas échéant, un défaut de collaboration d’une entreprise et majorer en conséquence le montant de l’amende qui lui a été infligée pour violation des articles 101 TFUE ou 102 TFUE, sous réserve que cette entreprise n’ait pas été sanctionnée pour ce même comportement par une amende spécifique fondée sur les dispositions de l’article 23, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 (arrêt Shell Petroleum e.a./Commission, précité, point 118).

169. Tel pourrait être, par exemple, le cas dans l’hypothèse où, en réponse à une demande en ce sens de la part de la Commission, une entreprise aurait omis de présenter, de propos délibéré ou par négligence, lors de la procédure administrative, des éléments déterminants en vue de la fixation du montant de l’amende et dont elle disposait ou aurait pu disposer lors de l’adoption de la décision attaquée. Si le Tribunal ne se trouve pas empêché de prendre en considération de tels éléments, il n’en demeure pas moins que l’entreprise qui n’en fait état qu’au stade contentieux, en portant ainsi atteinte à la finalité et à la bonne conduite de la procédure administrative, s’expose à la prise en considération de cette circonstance dans la détermination, par le Tribunal, du montant approprié de l’amende (arrêt Shell Petroleum e.a./Commission, précité, point 119).

170. En l’espèce, la requérante admet avoir commis des erreurs lorsqu’elle a fourni à la Commission les données nécessaires pour le calcul de la valeur des ventes pertinentes, puisqu’elle y a inclus des ventes relatives à des produits autres que les LCD cartellisés. La Commission confirme que ces produits n’auraient pas dû être inclus dans le calcul.

171. En outre, il ressort du dossier que ces erreurs découlent du fait que la requérante n’avait pas précisé les caractéristiques spécifiques de certains LCD à l’entreprise qu’elle avait choisie afin de calculer les données à transmettre à la Commission.

172. Le Tribunal estime que cette circonstance ne permet pas de considérer que la requérante a manqué à son obligation de collaboration résultant des dispositions de l’article 18 du règlement n° 1/2003 à un point tel qu’il faille en tenir compte dans la fixation du montant de l’amende. En effet, la requérante n’a pas cherché à induire la Commission en erreur, ni ne lui a soumis de données brutes, à partir desquelles la Commission aurait dû calculer la valeur des ventes pertinentes, sans lui fournir à la fois les précisions nécessaires pour en extraire les données nettes. La requérante a eu recours à des consultants externes spécialisés afin de pouvoir fournir à la Commission les données nécessaires, mais a commis la négligence de ne pas expliquer à ces consultants les différences existant entre certaines typologies de LCD. À cet égard, il convient d’observer que la requérante n’avait manifestement aucun intérêt à ce que la Commission reçoive des données erronées, qui incluaient les ventes de produits autres que les LCD cartellisés, dès lors que ces inexactitudes ne pouvaient que jouer à son détriment, en rendant plus élevé le montant de l’amende que la Commission lui infligerait.

173. Dans ces circonstances, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en calculant le montant de l’amende à infliger à la requérante sur la base de la valeur des ventes corrigée et en appliquant à celle-ci la même méthode que celle suivie par la Commission dans la décision attaquée, y compris en ce qui concerne l’arrondissement. Le montant ainsi établi s’élève à 288 000 000 euros (voir point 163 ci-dessus).

174. Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de réduire le montant de l’amende à la somme de 288 000 000 euros et de rejeter le surplus des conclusions de la requête.

Sur les dépens

175. Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En application du paragraphe 3, premier alinéa, de la même disposition, le Tribunal peut répartir les dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

176. En l’espèce, la Commission n’a succombé qu’en ce qui concerne le fait d’avoir inclus les ventes relatives à des produits autres que les LCD cartellisés dans la valeur des ventes pertinentes aux fins du calcul du montant de base de l’amende à infliger à la requérante. Or, cette erreur n’est due qu’à la négligence de la requérante, qui a fourni à la Commission des données erronées. En revanche, la requérante a succombé en ce qui concerne l’ensemble des autres conclusions qu’elle a présentées. Dans une telle situation, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en condamnant la requérante aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Roquette Frères/Commission, T‑322/01, Rec. p. II‑3137, points 338 et 339).

(1) .

(1) Données confidentielles occultées.

Dispositif

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1) Le montant de l’amende infligée à InnoLux Corp., anciennement Chimei InnoLux Corp., à l’article 2 de la décision C (2010) 8761 final de la Commission, du 8 décembre 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.309 – LCD), est fixé à 288 000 000 euros.

2) Le recours est rejeté pour le surplus.

3) InnoLux est condamnée aux dépens.

Top