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Document 52016IE0950

Avis du Comité économique et social européen sur «Le pilier numérique de la croissance: les e-seniors, un potentiel de 25 % de la population européenne» (avis d’initiative)

OJ C 389, 21.10.2016, p. 28–34 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

21.10.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 389/28


Avis du Comité économique et social européen sur «Le pilier numérique de la croissance: les e-seniors, un potentiel de 25 % de la population européenne»

(avis d’initiative)

(2016/C 389/04)

Rapporteure:

Mme Laure BATUT

Le 21 janvier 2016, le Comité économique et social européen (CESE) a décidé, conformément à l’article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d’élaborer un avis d’initiative sur le thème:

«Le pilier numérique de la croissance: les e-seniors, un potentiel de 25 % de la population européenne»

(avis d’initiative).

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l’information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 21 juin 2016.

Lors de sa 518e session plénière des 13 et 14 juillet 2016 (séance du 13 juillet 2016), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 189 voix pour et une abstention.

1.   Recommandations

Pour potentialiser la force économique des 25 % de citoyens seniors de l’Union européenne, le CESE estime qu’il n’est pas pertinent pour la croissance de les considérer comme une catégorie de citoyens hors du courant de la vie, mais qu’il conviendrait de reconnaître leurs capacités comme leurs attentes et de les inclure en tant qu’acteurs économiques et sociaux de l’ère du numérique. Le Comité recommande de rapidement:

1)

changer l’approche de l’«économie des seniors» (silver economy), en considérant que le numérique efface la fracture de l’âge et que les seniors sont des acteurs de la chaîne de valeur et de leur propre vie;

2)

à l’occasion de la réunion des ministres de l’Union européenne chargés de l’emploi, de la politique sociale, de la santé et des consommateurs du mois de juin 2016, ainsi que du sommet européen du mois de décembre 2016 sur les personnes âgées, favoriser l’inclusion numérique des seniors pour résoudre les deux transitions, numérique et démographique;

3)

développer une gouvernance globale, en intégrant les seniors dans la vie numérique en développant des services publics performants, dotés de moyens à tous les niveaux, dont le niveau territorial, et soustraits aux exigences du semestre européen;

4)

définir une clause horizontale européenne «égalité-seniors», assortie d’incitations pour son application par les ministères chargés de l’égalité dans les États membres;

5)

faire participer les associations représentatives des seniors et le CESE aux réflexions du groupe de parties prenantes sur l’économie collaborative souhaité par le Parlement européen;

6)

favoriser l’accès des seniors au numérique et l’accessibilité de celui-ci par l’acquisition de connaissances et de compétences, et développer sans attendre pour réussir leur inclusion, leur éducation, leur formation tout au long de la vie, l’adaptation des matériels et des logiciels et le parrainage;

7)

définir des indicateurs pour mesurer l’impact économique des seniors, leur qualité de vie et les bénéfices découlant des innovations;

8)

favoriser l’accès des seniors à un programme européen d’échange de bonnes pratiques à créer qui pourrait être, par exemple, une plateforme dénommée «SENEQUE-Seniors Equivalent Erasmus»;

9)

développer la confiance, faire connaître aux citoyens les règles européennes sur le numérique en les publiant sous forme de code et sous un guichet unique numérique respectant le multilinguisme;

10)

reconnaître dans tous les États membres l’accès à l’internet comme un droit à un service universel, relevant du critère de prix abordable, et inciter, dans les cas de barrières liées aux prix, à l’aménagement de tarifs régulés, voire à l’accès libre et gratuit dans des espaces définis, pour les personnes âgées démunies;

11)

promouvoir les partenariats public-privé (PPP) dont le gain relève du capital humain, grâce à des cours gratuits pour les seniors à la charge des géants des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans le cadre de leur politique en matière de responsabilité sociale des entreprises (RSE), et ce, dans toutes les écoles primaires de l’Union européenne, hors temps scolaire;

12)

abolir les barrières opposées aux seniors pour souscrire des prêts bancaires;

13)

promouvoir un «service civique» pour lutter contre l’illettrisme numérique.

2.   Observations générales

2.1.

L’Union européenne est confrontée à un défi jamais affronté par aucune population humaine, à savoir la concomitance, d’une part, de la longévité des populations et, d’autre part, de la généralisation du numérique, qui exigent ensemble de véritables stratégies à la fois économiques et sociales.

2.2.

À l’horizon 2060 et comme l’indiquent les projections (The 2015 Ageing Report, Commission européenne), on comptera deux personnes âgées pour un jeune, avec un nombre de personnes très âgées qui excédera le nombre d’enfants de moins de 5 ans: selon le critère de l’âge médian (Eurostat), les premiers États concernés seront l’Allemagne, la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie et la Suède, puis, avec un décalage de quelques années, la Belgique, le Danemark, l’Irlande, et enfin tous les États membres.

2.3.

Les seniors et les travailleurs âgés sont perçus à la fois comme une menace pour les systèmes de protection sociale et comme une opportunité pour le secteur des biens et des services. En 2011, l’Union s’engageait pour «les adultes» (1) et fixait cinq orientations stratégiques, avec pour objectif une économie «riche en emplois» et une amélioration de la qualité et de l’efficacité de l’offre d’éducation et de formation pour les adultes.

2.4.

Le Comité observe que les seniors n’étaient pas directement concernés.

Qu’est-ce qu’un senior?

2.5.

Première génération ayant vécu sans guerre sur leur sol commun, les baby-boomers (terme qui désigne les générations nombreuses nées juste après la Seconde Guerre mondiale) ont été, avec leurs parents, les plus «pro-européens» de l’Histoire. Ils sont désormais considérés comme des seniors. Dans son document de support à la discussion «Growing the European Silver Economy» de février 2015, la Commission européenne évoque la volonté de couvrir «les besoins des plus de 50 ans». Ce groupe de population est parfois divisé en trois sous-groupes: actifs, fragiles, dépendants. Le CESE reprend à son compte cette définition qui confirme sa proposition de changement d’approche à opérer à l’égard des seniors: ce sont des acteurs de la croissance.

2.6.

Le vieillissement démographique désigne une augmentation de la proportion de personnes âgées dans une population, en raison de la diminution de la fécondité et de la mortalité. Les Japonais (Étude comparative du marché des seniors français et japonais — Opportunités croisées, David Barboni, Eurasiam, série Management no 001, 2007) sont en avance sur le phénomène du vieillissement. Ils ont créé une dynamique de consommation spécifique aux seniors dans les domaines du bien-être, de la santé, de la finance, des assurances, de la distribution et du tourisme. Les technologies de l’information et de la communication, quant à elles, sont intégrées dans les biens du marché qui servent à l’amélioration de la vie; elles visent un senior «consommateur» de produits ciblés plutôt qu’un senior «acteur» de la société numérique, s’inscrivant ainsi dans la perspective de bénéficses à court terme pour les producteurs. C’est important, mais réducteur.

2.7.

Dans l’Union européenne, les baby-boomers ne sont pas seulement devenus des seniors consommateurs de biens. Hommes et femmes, ils ont été massivement — pour la première fois dans l’histoire du continent — étudiants, puis «actifs» et «productifs». Beaucoup d’entre eux ont maintenant le choix de rester actifs dans l’économie marchande ou dans l’économie sociale et solidaire.

2.8.

Leur engagement dans les TIC est parfois perçu comme lent et difficile. Or, ils ont été souvent les premiers à s’en servir et même à créer les nouveautés (The Seven Myths of Population Aging, Julika Erfurt e.a., Accenture, février 2012). En 2010, en France, plus de 16 % des créations d’entreprises ont été le fait de personnes de 50 ans et plus, dont près d’une sur deux en autofinancement: âgés de plus de 50 ans, ce sont des seniors salariés, demandeurs d’emploi, des entrepreneurs encore en activité et même des retraités (voir l’article de Yann Le Galès, Le Figaro, 27 avril 2012).

Changer d’approche

2.9.

C’est seulement depuis la déclaration et le plan d’action international sur le vieillissement de l’Organisation des Nations unies (ONU) de 2002 et la déclaration du Conseil relative à l’Année européenne du vieillissement actif et de la solidarité intergénérationnelle de 2012 que, dans l’Union, l’on parle de l’économie des seniors (silver economy). En outre, la Commission considère qu’il convient de tout mettre en œuvre pour le «bien vieillir», notamment grâce aux TIC, et donner ainsi à l’Union l’occasion de jouer un rôle prééminent: «L’économie des seniors peut être définie comme les perspectives économiques ouvertes par les dépenses de consommation et les dépenses publiques liées au vieillissement de la population et aux besoins des plus de 50 ans» (voir la page web Silver economy, Commission européenne).

2.10.

Le Comité estime que les questions du bien-être, de l’autonomie, de la dépendance et du marché sont à prendre en considération. Cependant, les seniors européens sont presque 125 millions de citoyens; ils sont acteurs de leur vie, de l’économie et de la croissance, et les technologies de l’information doivent faire partie de leur vie comme de celle des «actifs».

2.11.

C’est pourquoi le Comité voudrait mettre l’accent sur la nécessité d’une approche de l’âge qui soit une continuité d’autres étapes de la vie, sans cloisonnement; chaque senior en bonne santé conservant son expérience et ses capacités numériques et ne pouvant être dissocié de l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur. Il s’agit d’envisager les seniors dans une perspective dynamique et inclusive et pas seulement dans la dernière étape de leur vie, et de ne pas limiter le numérique à l’«assistanat technico-médical».

2.12.

Ceci ne préjuge en rien du droit à la retraite (articles 25 et 34 de la Charte des droits fondamentaux, articles 153 et 156 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne) ni des systèmes de retraite, tous différents dans les États membres.

2.13.

Une approche globale et inclusive pourrait donner à tous les citoyens européens «âgés» la certitude qu’ils sont concernés par l’innovation numérique. Pour le Comité, c’est à travers une prise de responsabilités à tous les niveaux que l’Union pourrait assumer le rôle de premier plan auquel elle aspire dans le domaine de la silver economy.

3.   Observations spécifiques

3.1.    Européens de plus de 50 ans: devenir tous des e-seniors est urgent

Les TIC et leur maîtrise sont un impératif. Cela requiert de la volonté politique et des moyens. Toutes les institutions se sont emparées de la transition numérique; le CESE souhaite que les 125 millions de plus de 50 ans y soient inclus.

3.1.1.

Les baby-boomers devenus «papy-boomers» ont dans leurs bagages un outil: la révolution des nouvelles technologies. Il est urgent de voir plus loin et plus large que le marché et de ne laisser personne en marge de la connaissance et de la pratique des technologies de l’information, car la connectivité est partout. L’Union européenne est partagée entre le besoin d’interopérabilité européenne et l’exigence de protection dans des États membres aux contextes très fragmentés; or, les communications de la Commission d’avril 2016 [COM(2016) 176, 178 et 179 final] ne concernent que des aspects techniques et n’évoquent pas les aspects sociaux. La communication de la Commission de juin 2016 sur «Une nouvelle stratégie en matière de compétences pour l’Europe» [COM(2016) 381/2] et sa proposition de recommandation du Conseil sur l’établissement d’une garantie de compétences [COM(2016) 382/2] visent l’employabilité et la productivité. Les seniors n’y sont pas cités, le numérique peu. Le Comité espère que la réunion des ministres de l’Union européenne de juin et le sommet de décembre 2016, qui devront aborder la question des personnes âgées, pourront favoriser leur inclusion numérique ainsi que l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail, ce qui est nécessaire pour répondre aux deux transitions, numérique et démographique.

3.1.2.

Pour favoriser la cohésion, vulgariser et sensibiliser les seniors et toutes les catégories de population, le Comité souhaite que soient publiés sous forme d’un code tous les textes de l’Union européenne liés au numérique qui ont déjà été adoptés et envisager la création d’un guichet unique numérique respectant le multilinguisme.

3.2.    Être seniors dans la société numérique  (2)

3.2.1.

Le numérique donne la possibilité d’apprendre et d’être proactif, en particulier lorsqu’on est âgé et qu’on pâtit d’une mobilité réduite. Il permet d’éviter la «ghettoïsation» et facilite la transmission des savoirs. Il peut conduire à l’inversion du tutorat générationnel et à l’effacement de la fracture due à l’âge.

3.3.    Un des moyens d’amortir le choc du papy-boom consiste à se placer délibérément dans le champ du numérique

3.3.1.

Le Comité a publié de nombreux avis sur les aspects techniques, économiques et sociaux des avancées numériques: les infrastructures, les droits, les coûts, la télémédecine, la santé en ligne (e-health), le vieillissement actif, la cybercriminalité, les villes/la mobilité/les îles intelligentes, la neutralité de l’internet, etc.

3.3.2.

La Commission devrait inclure toutes les générations, sans fracture géographique, et anticiper sur le long terme (2060), car la courbe du vieillissement (3) va s’accélérer dans tous les États membres.

3.3.3.

Dans ses communications (4) du 19 avril 2016, la Commission indique qu’elle va s’intéresser à la normalisation en matière de TIC, «élément vital du marché unique», à la numérisation des entreprises et à l’informatique en nuage.

3.3.4.

Les présidences néerlandaise et slovaque ont demandé au Comité un avis exploratoire sur les conséquences sociales: «L’évolution de la nature des relations du travail et l’impact sur le maintien d’un salaire décent, ainsi que l’impact de l’évolution technologique sur le système de sécurité sociale et le droit du travail», avis adopté par le CESE le 26 mai 2016.

3.3.5.

Dans sa résolution du 19 janvier 2016«Vers un acte sur le marché unique numérique» (paragraphe 80), le Parlement européen encourage la Commission à «mettre en place un groupe de parties prenantes chargé de promouvoir les bonnes pratiques dans le secteur de l’économie du partage», que le CESE appelle aussi économie collaborative et qui ne peut exister en grande partie sans numérique; représenter la société civile est typiquement une tâche que les seniors peuvent accomplir. Le CESE souhaite participer à cette initiative.

3.4.    Les risques induits sont-ils plus grands pour les e-seniors?

3.4.1.

Avec les mégadonnées, l’informatique en nuage, l’internet des objets, l’impression en 3D et d’autres technologies apparues avec la diffusion très soudaine de l’internet dans la vie contemporaine, certaines peurs paralysantes restent très répandues; les seniors y sont plus sensibles que les jeunes «natifs du numérique» et butent sur les points de blocage suivants:

la peur que ce soit compliqué à utiliser,

la peur de l’intrusion dans la vie privée,

la peur d’être dépossédé lors de paiements en ligne,

la peur que ce soit dangereux.

3.4.2.

Le Comité, comme le Parlement européen, «considère que la confiance des citoyens et des entreprises dans l’environnement numérique est indispensable à la pleine réalisation de l’innovation et de la croissance de l’économie numérique».

3.4.3.

Le contexte de crise et les mesures d’état d’urgence renforcent le sentiment de danger pour les libertés et d’hypersurveillance, ainsi que les peurs face aux risques de la cybercriminalité.

3.4.4.

Les textes protecteurs qui existent dans les États membres et au niveau de l’Union sont mal connus. Sensibiliser sans affoler ces populations, pour lesquelles l’école n’est plus opérationnelle, informer et former, permettrait d’avancer en atténuant l’asymétrie d’information entre les grands opérateurs, presque toujours étrangers, et les citoyens utilisateurs.

3.5.    Agir au niveau de l’Union, des autorités nationales, des entreprises et des services

3.5.1.   Au niveau de l’Union européenne

Le numérique devrait abaisser le coût social du vieillissement. Environ 58 millions de citoyens européens âgés de 16 à 74 ans n’ont jamais utilisé l’internet (Bridging the digital divide in the EU, note d’information du Parlement européen). Selon les estimations d’une organisation caritative en 2014 (Secours catholique, cité par le journal Le Monde, 6 novembre 2014), en France, la part des personnes aidées parmi les 50-59 ans est passée de 13 à 17 % entre 2000 et 2013. Cela indique la montée en puissance du chômage des seniors et la précarisation des actifs âgés, et met en relief l’urgence d’agir, car il s’agit là d’un frein au moteur de croissance que devrait être le numérique pour l’économie.

3.5.1.1.   Le principe d’égalité (article 20 de la Charte) ne se réduit pas au care

Le CESE préconise que l’Union européenne définisse une clause horizontale «seniors-égalité» et incite les ministères chargés de l’égalité dans les États membres à l’appliquer. Être connecté a un coût. Le CESE estime que, devant les périls qui pèsent sur les retraites, les seniors devraient bénéficier dans tous les États membres d’un accès libre et gratuit à l’internet dans des espaces définis. Dans le cas de barrières liées aux prix, il convient d’envisager de fixer des tarifs régulés.

3.5.1.2.   Une gouvernance globale

3.5.1.2.1.

Dans une vision d’ensemble, une nouvelle gouvernance pourrait instaurer une solidarité active entre générations et de la durabilité dans le secteur social.

Selon le CESE, les acteurs représentatifs de la société civile, y compris les bénéficiaires potentiels des innovations pour la santé et l’autonomie, devraient dès lors participer à des structures de dialogue.

Le CESE recommande que les seniors s’organisent à tous les niveaux pour établir leur représentativité.

Le Comité insiste sur une «participation active des citoyens», qui devraient «bénéficier du passage au numérique», et invite «la Commission à continuer d’évaluer comment la révolution numérique façonne la société européenne». Le CESE estime que cet examen doit inclure les évolutions des seniors.

3.5.1.3.   Le financement

Des changements majeurs sont déjà engagés (5) dans toute l’industrie et les services.

3.5.1.3.1.

Des fonds spécifiques (recherche, haut débit, intelligence), ainsi que des Fonds structurels et des programmes spéciaux sont dédiés au développement du numérique. Cependant, les investissements nécessaires pour préserver la position prédominante de l’Union européenne n’ont pas été chiffrés, alors que les besoins de la population européenne, depuis l’école élémentaire jusqu’aux seniors, en passant par l’apprentissage tout au long de la vie, devraient l’être. Il est important de s’assurer que les financements dégagés ne soient pas soumis aux règles d’austérité budgétaire. Enfin, il est urgent de lever les barrières qui limitent l’accès des seniors au financement privé (prêts bancaires) (6).

3.5.1.3.2.

La Commission propose des partenariats public-privé. Le Comité est circonspect, car le risque est toujours le même: le secteur privé ne s’engage que s’il estime un gain possible, le coût des intérêts alourdit l’endettement public et, en définitive, une part du domaine public a été privatisée.

3.6.    Au niveau des autorités nationales et régionales

3.6.1.

Une véritable politique publique du numérique pour les seniors

Le CESE a déjà suggéré que l’accès à l’internet doit être considéré comme un droit à un service universel, en insistant sur le caractère économiquement abordable, pour lutter contre les inégalités sociales et géographiques. Des espaces publics seniors avec accès libre à l’internet iraient dans ce sens.

Les services publics doivent naturellement intégrer les problématiques liées aux seniors: transports, santé, poste, services d’intérêt général (SIG), services d’intérêt économique général (SIEG), services sociaux d’intérêt général (SSIG), services sociaux d’intérêt économique général (SSIEG), etc.

3.6.2.

Les autorités nationales et régionales doivent veiller à ce que les seniors acquièrent de nouvelles habitudes de protection et de sécurité des données numériques. Rendre indissociables l’inclusion sociale et l’inclusion numérique est d’autant plus nécessaire à mesure que la perte d’autonomie progresse. Le niveau territorial favorise une évolution en ce sens en raison de sa proximité. Le CESE préconise un «service civique» pour lutter contre l’illettrisme numérique.

3.6.3.

Lancer des campagnes nationales de sensibilisation

3.6.4.

L’inclusion des seniors: Il devrait être de la responsabilité des États membres d’informer leurs citoyens de toutes les possibilités qu’ils offrent aux seniors pour se former au numérique. Des campagnes de sensibilisation par les médias pourraient y pourvoir.

3.6.4.1.   Par les compétences et les formations

3.6.4.2.

Les seniors ont besoin d’acquérir ou de maintenir des connaissances numériques. L’action, importante, des organisations non gouvernementales (ONG) ne suffit pas. Les seniors ont besoin de voir leurs qualifications reconnues et de poursuivre des apprentissages tout au long de leur vie. Par exemple, la Slovaquie compte dix-huit universités du troisième âge et beaucoup d’académies pour les personnes âgées les moins éduquées.

3.6.4.3.

Par les apprentissages et l’«alphabétisation numérique»: le Comité réitère sa demande en faveur de la promotion d’une éducation (7) aux médias et à l’internet pour tous les citoyens de l’Union, en particulier pour les personnes vulnérables, et salue la mise en place, à l’échelon européen, de la «grande coalition pour les emplois numériques». Il souligne que de nombreux acteurs participent aux formations.

3.6.4.4.

Le Comité estime que la Commission gagnerait à travailler avec les États membres et les universités sur les besoins de compétences des seniors et les moyens d’y répondre, par exemple en créant des liens institutionnels avec les universités pour faciliter l’accès des seniors aux cours en ligne (massive open online course, MOOC).

3.6.5.

Par l’accessibilité et la participation de tous les seniors

3.6.5.1.

Comme le Parlement (8), le Comité reconnaît la nécessité de «dépasser les stéréotypes» et note «l’immense potentiel des femmes innovatrices et entrepreneures et le rôle qu’elles peuvent jouer dans la transformation numérique», et aspire à «leur intégration et à leur participation à la société de l’information»; le Comité a conscience que les femmes seniors ont souvent eu à souffrir de carrières fractionnées, et se situent plus que les hommes en situation de pauvreté une fois à la retraite. Il convient de tenir compte de cette donnée dans les mesures visant l’inclusion des femmes dans le monde numérique des seniors.

3.6.5.2.

De même, il «reconnaît que le marché unique numérique pourrait assurer l’accès et la participation de tous les citoyens — y compris les personnes ayant des besoins spécifiques, les personnes âgées, les minorités et les autres citoyens appartenant à des groupes vulnérables — à tous les aspects de l’économie numérique  (9)», mais préférerait que les «personnes âgées» restent des acteurs économiques sans être toutes stigmatisées et assimilées à des personnes à «besoins spécifiques».

3.6.5.3.

Le Comité s’est déclaré favorable à la proposition de directive sur l’accessibilité (10), mais regrette son élaboration tardive ainsi que la non-ratification du traité de Marrakech. En matière numérique, il entend par accessibilité aussi bien celle de la composante matérielle (hardware) que celle des logiciels (software): il souhaite des manipulations facilitées pour les seniors ainsi que des logiciels plus adaptés et multilingues, des espaces publics numériques qui créent du lien entre personnes. Le lien social est vital pour les personnes vulnérables.

3.6.6.

Le CESE recommande que le programme européen Erasmus+ soit doté d’un volet «seniors» qui pourrait être une plateforme d’échange de bonnes pratiques dénommée, par exemple, «SENEQUE-Seniors Equivalent Erasmus».

3.6.7.

Encourager la créativité et l’innovation à tous les âges par le numérique, les seniors étant les mieux placés pour connaître leurs besoins et soutenir les aidants et les acteurs associatifs.

3.7.    Dans les entreprises et les services: activité et emploi

Le CESE propose un PPP dont le gain relève du capital humain grâce à des cours gratuits à inscrire dans le cadre de la politique de RSE des géants des TIC eux-mêmes: en parrainant les salariés partant à la retraite, et en dispensant ces cours à tous les seniors, dans chaque école publique des États membres, hors temps scolaire.

Les compétences numériques manquent dans l’Union européenne (900 000 emplois non pourvus) (11). La requalification des travailleurs âgés pourrait contribuer à améliorer la situation, qui doit être évaluée par rapport à la concurrence mondiale. Encourager l’entrepreneuriat numérique, les formations et les jeunes entreprises, ainsi que le développement des compétences et du bien-être de tous, requiert des investissements publics conséquents.

Dans une situation de chômage de masse, l’économie 4.0 permet aux seniors de constituer des réseaux et de créer de nouvelles entreprises, ainsi que des emplois pérennes à haute valeur ajoutée et non délocalisables, comme les emplois de service à la personne et relatifs à la santé, au soutien à l’autonomie ou aux politiques de prévention (12).

L’Union européenne, devant les formes d’économie collaborative, n’expose pas clairement sa position de principe sur les abus de position dominante et leur compatibilité avec l’objectif de «l’économie sociale de marché», alors qu’une part croissante de la main-d’œuvre concernée se trouve de facto hors la loi au regard du droit du travail. Les populations seniors risquent d’être plus touchées que les autres par l’influence de la numérisation sur la cohésion sociale.

3.8.    Des révolutions

3.8.1.

Le numérique permet une approche à la fois descendante et ascendante des rapports sociaux, et particulièrement de la «séniorité».

3.8.2.

L’économie collaborative peut rapprocher les personnes, par des modes d’apprentissage favorisant toutes les formes d’intelligence, des solutions de santé innovantes qui permettent à des personnes handicapées, ou âgées, de faire pleinement partie du corps social et d’être agiles à défaut d’être mobiles (ubiquitous).

3.8.3.

Toutefois, elle déstructure les rapports de travail. Avec le vieillissement, le numérique bouleverse ce qui a fait, depuis la Seconde Guerre mondiale, la cohésion des sociétés européennes: les systèmes de solidarité, qui ont été des amortisseurs de crises (comme en 2008).

3.8.4.

Le lien de subordination des salariés se trouve déstabilisé par la révolution 4.0, par les activités en réseau, par l’irruption des seniors et par l’atténuation des «frontières»; dans le même temps, environ 10 % des e-seniors sont connectés mais pauvres, et pourraient redevenir des «vieux», incapables de subvenir à leurs besoins (familles nucléaires) comme dans les siècles passés. Les transitions avec transmission des savoirs sont-elles dès lors possibles?

3.8.5.

Pour une économie sociale de marché numérique et inclusive (13) pour tous, préserver les systèmes de retraite est vital. Les asseoir sur d’autres éléments que le travail salarié, tout en évitant les aléas des fonds de pension, sera inévitable d’ici à 2060: une réflexion approfondie sur l’assiette des cotisations et la redistribution des richesses devra être menée pour préparer aux changements nos esprits et mentalités.

Bruxelles, le 13 juillet 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 372 du 20.12.2011, résolution du Conseil sur un agenda européen renouvelé dans le domaine de l’éducation et de la formation des adultes.

(2)  JO C 11 du 15.1.2013, p. 16.

(3)  http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Population_structure_and_ageing/fr

(4)  COM(2016) 176 final.

(5)  Voir JO C 13 du 15.1.2016, p. 161.

(6)  Directive 2013/36/UE (JO L 176 du 27.6.2013, p. 338).

(7)  JO C 451 du 16.12.2014, p. 25.

(8)  Parlement européen, op. cit., paragraphe 113.

(9)  Parlement européen, op. cit., paragraphe 114.

(10)  JO C 303 du 19.8.2016, p. 103.

(11)  http://europa.eu/rapid/press-release_IP-14-518_fr.htm

(12)  JO C 21 du 21.1.2011, p. 39.

(13)  JO C 318 du 29.10.2011, p. 9.


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