COMMISSION EUROPÉENNE
Bruxelles, le 14.9.2016
COM(2016) 592 final
COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS
Promouvoir une économie européenne fondée sur le droit d'auteur juste, efficiente et compétitive dans le marché unique numérique
1. Introduction
Dans sa stratégie pour un marché unique numérique
adoptée en mai 2015, la Commission considérait que le contenu numérique était l'un des principaux moteurs de la croissance de l'économie numérique. Elle soulignait la nécessité de prendre des mesures afin de permettre aux utilisateurs de bénéficier d'un accès élargi aux contenus en ligne, qu'il s'agisse d'œuvres audiovisuelles, de musique, de livres ou d'autres types d'œuvres, et de mettre en place un environnement de marché et réglementaire propice à la créativité, à son financement sur le long terme et à la diversité culturelle.
La communication de la Commission de décembre 2015 intitulée «Vers un cadre moderne et plus européen pour le droit d’auteur»
proposait une modernisation ciblée des règles de l'Union européenne en matière de droit d’auteur. Elle exposait des actions ciblées et une vision à long terme, tenant compte de la nécessité de faire progresser le marché unique dans ce domaine et d'adapter les règles aux réalités numériques afin que les industries créatives européennes restent compétitives et qu'un bon équilibre soit maintenu entre la protection du droit d’auteur et d'autres objectifs d'intérêt public tels que l’éducation, la recherche, l’innovation et les besoins des personnes handicapées.
À la suite du règlement sur la portabilité transfrontière des services de contenu en ligne
, proposé en décembre 2015 et dont l'objet était de permettre aux résidents de l'Union de voyager avec les contenus numériques qu'ils ont achetés ou auxquels ils se sont abonnés dans leur pays de résidence, la Commission propose à présent un train de mesures législatives répondant à trois objectifs: (i) élargir l'accès en ligne aux contenus dans l'Union et toucher de nouveaux publics, (ii) adapter certaines exceptions à l'environnement numérique et transfrontière, et (iii) favoriser un marché du droit d'auteur performant et équitable. En outre, elle travaille également à la définition de mesures visant à mettre en place un système efficace et équilibré de protection des droits d'auteur, ce qui est particulièrement important dans la lutte contre la contrefaçon à l'échelle commerciale.
Comme le soulignait la communication de décembre, les règles de l’Union en matière de droit d’auteur ne peuvent être considérées en dehors de l’ensemble plus large des politiques européennes, y compris notamment le programme «Europe créative», qui contribuent à la richesse de la production culturelle de l’Europe et ont une incidence sur l’environnement des industries culturelles et créatives, de l’innovation et de la diversité culturelle.
L’Union européenne compte, entre autres, certaines des plus grandes maisons d’édition et jouit d'une industrie musicale dynamique et d'un secteur cinématographique reconnu à l'échelle internationale. Aussi occupe-t-elle une place de leader sectoriel et culturel au niveau mondial. Certaines de ses industries culturelles et créatives sont toutefois confrontées à des défis en matière de compétitivité et sur les plans entrepreneurial et financier. Ainsi, il serait souhaitable que les productions cinématographiques européennes touchent de nouveaux publics au sein de l’Union et au-delà. Cela aurait un impact positif sur le développement de nouveaux modèles économiques et l'émergence de nouvelles sources de revenus, pour autant qu'il soit remédié aux principales difficultés liées à l'échelle, à la disponibilité et à la visibilité des productions.
Outre la promotion de la diversité culturelle et linguistique, l'aide à la professionnalisation des secteurs de la culture et de la création, et un élargissement de l'accès aux contenus culturels et créatifs, le programme «Europe créative» vise à remédier à certains de ces problèmes de compétitivité, y compris en ce qui concerne l’accès au financement grâce à un nouveau mécanisme de garantie, déjà doté d’un budget de 121 millions d’EUR.
Grâce à une combinaison de mesures législatives et non législatives, la Commission propose un programme ambitieux destiné à aider les industries européennes qui dépendent de la protection du droit d’auteur à prospérer dans le marché unique et les auteurs européens, à toucher de nouveaux publics, tout en rendant les œuvres européennes accessibles au plus grand nombre de citoyens européens, mais aussi par-delà les frontières. La présente communication décrit les dernières évolutions et établit un état des lieux à la suite de la communication du mois de décembre.
2. Mesures visant à assurer un accès plus large aux contenus dans toute l’Union
Dans sa communication de décembre, la Commission annonçait une approche progressive pour supprimer les obstacles à l’accès transfrontière aux contenus et à une circulation plus large des œuvres dans toute l’Union, notamment face à la généralisation des connexions internet et des technologies numériques. L’objectif est d’accroître la disponibilité des œuvres pour les citoyens de toute l’Europe, d’offrir de nouveaux canaux de distribution aux créateurs, de promouvoir les cultures des États membres et de mettre en évidence le patrimoine culturel commun.
La communication de décembre présentait des actions ciblées visant à faciliter la distribution transfrontière en ligne de programmes de télévision et de radio, l’octroi de licences pour des œuvres audiovisuelles européennes aux plateformes de vidéo à la demande (VOD) et la numérisation et la diffusion plus large des œuvres indisponibles. Comme l'annonçait également la communication de décembre, un certain nombre de mesures prises dans le cadre du programme MEDIA, qui soutient le développement, la promotion et la distribution des œuvres européennes depuis 25 ans, poursuivent également l’objectif d’un accès plus large aux films européens dans toute l’Union, sur une base commerciale ou non. Ces mesures sont présentées ci-après, accompagnées de la nouvelle proposition de législation sur le droit d’auteur.
En premier lieu, une proposition de règlement vise à créer des conditions favorables à de nouveaux modes de distribution transfrontière en ligne de programmes de télévision et de radio, comparables à celles qui sont applicables aux transmissions plus traditionnelles par satellite et à la retransmission par câble. Grâce aux nouvelles règles, inspirées de celles qui existent dans la directive «câble et satellite»
, il sera plus simple et plus rapide d'obtenir les droits qui sont nécessaires pour certains services en ligne fournis par des radiodiffuseurs (programmes diffusés en ligne par les radiodiffuseurs en même temps que leurs émissions et leurs services de rattrapage) et pour les services de retransmission par des moyens tels que la télévision sur IP (télévision ou radio en circuit fermé sur des réseaux fonctionnant avec des protocoles internet). Ces règles visent à faciliter l’évolution de ce marché et une diffusion plus large des productions radiophoniques et télévisuelles européennes, qui constituent une source importante d’information et de divertissement pour les Européens, ce qui, à son tour, élargira le choix offert aux consommateurs et renforcera la diversité culturelle.
Par ailleurs, la proposition de directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique instaure un nouveau mécanisme de négociation qui facilitera la conclusion d’accords de licence aux fins de la mise à disposition d'œuvres audiovisuelles sur les plateformes de vidéo à la demande. Elle s'inscrit dans le cadre d'efforts plus vastes destinés à s'attaquer à la multiplicité des facteurs qui limitent la disponibilité des œuvres audiovisuelles européennes, notamment cinématographiques, dans l’ensemble de l’Union. Généralement produits par de petites sociétés de production, les films européens sont beaucoup moins distribués en ligne dans l’Union que les films américains. Dans les territoires où aucun accord n’a été signé avec les distributeurs locaux, les citoyens européens ne sont pas en mesure d’accéder à ces films légalement. Les problèmes liés à l'octroi de licences et les difficultés juridiques et contractuelles qui en découlent pour l’exploitation des œuvres audiovisuelles européennes sur les services de vidéo à la demande seront également abordés dans le cadre d’un dialogue structuré avec les parties prenantes. Ce dialogue structuré, que la Commission entend encourager, permettra de réunir régulièrement des acteurs issus de toute la chaîne de valeur (producteurs, auteurs, agents de vente, distributeurs, diffuseurs, agrégateurs et plateformes de VOD). Il visera à simplifier les pratiques en matière d’octroi de licences et à faciliter les accords de branche en vue d'une exploitation plus durable et d'une disponibilité plus grande des œuvres européennes. La Commission fera rapport sur les résultats de ce dialogue d'ici à la fin de l'année 2018.
La Commission encourage également la mise au point d’outils pratiques destinés à faciliter et à rationaliser l'octroi de licences pour l’exploitation d'œuvres audiovisuelles sur plusieurs territoires dans toute l’Union. Il pourrait s'agir du développement de plateformes d'octroi de licences, c'est-à-dire d'outils en ligne permettant la distribution numérique d'œuvres européennes dans les pays où elles n'ont pas été diffusées en salles ou dans lesquels il n'existe pas de distributeur national, et de la constitution de catalogues gérés d'œuvres audiovisuelles provenant de différents producteurs, prêtes à être proposées aux fournisseurs de services de VOD. D’autres difficultés tiennent au fait qu’il n'existe pas de système universel d’identification dans le secteur audiovisuel. Deux identifiants standard coexistent en effet sur le marché et le secteur reste réticent à les utiliser car ils ne sont pas interopérables. Aussi les activités d’octroi de licences sont-elles lourdes et difficiles à automatiser. Les organisations responsables des deux identifiants distincts précités travaillent actuellement avec la Commission en vue de parvenir à la pleine interopérabilité de leurs bases de données et identifiants. Enfin, la Commission cherchera également les moyens d’encourager les titulaires de droits à mettre leurs œuvres bénéficiant d'une aide à la distribution au titre du programme MEDIA, à disposition dans les territoires où aucun accord de distribution n'a été signé.
Des mesures sont également mises en place pour remédier au manque de visibilité et aux barrières linguistiques qui empêchent les utilisateurs d'accéder aux œuvres européennes. Le sous-titrage et le doublage, qui sont essentiels pour la distribution transfrontière des œuvres audiovisuelles, sont financés par le sous-programme «MEDIA» du programme Europe créative et par d’autres fonds publics. Par des projets en cours financés au titre de MEDIA, et par une base de données en ligne qui doit être lancée d’ici fin 2016 pour permettre aux opérateurs de l’Union d'accéder aisément aux sous-titres et aux doublages existants et de les réutiliser, la Commission vise à rendre plus efficaces les financements publics et l’utilisation du sous-titrage et du doublage. Les outils de recherche en ligne sont également un bon moyen de permettre aux consommateurs de trouver des offres légales de films en ligne. L’Office de la propriété intellectuelle de l’Union européenne développe actuellement un outil de recherche pouvant fonctionner au niveau européen et une boîte à outils pour la création d’outils de recherche nationaux, qui seront pleinement opérationnels en 2017 et mis gratuitement à la disposition des États membres. La Commission promouvra également l’utilisation de données et d’outils automatisés pour recommander des contenus qui répondent à des intérêts et des goûts variés afin d’élargir le public des œuvres européennes. Plus généralement, la promotion de la «découvrabilité» des films européens constitue un défi important, qui donne actuellement lieu à des discussions entre la Commission, l'association des agences publiques européennes de promotion du cinéma (l’EFADs) et l’industrie cinématographique. Étant donné que les films coproduits traversent plus facilement les frontières européennes et internationales, la Commission, en collaboration avec l’EFADs, analysera en 2017 les moyens d’élaborer des stratégies conjointes de promotion des coproductions européennes. Toutes ces mesures complètent la récente proposition de modification de la directive «services de médias audiovisuels»
, qui renforce l’exigence de promotion des œuvres européennes pour les services de vidéo à la demande en obligeant à assurer la présence et la visibilité de ces œuvres.
En outre, la Commission s’emploie à étudier des modèles alternatifs de financement, de production et de distribution qui visent dès le départ le marché unique et les marchés internationaux. À cet égard, la Commission mettra un accent particulier sur le secteur de l’animation européenne. L’aspect narratif revêt une importance particulière dans ce secteur et les œuvres traversent plus facilement les frontières. Les producteurs d’animations travaillent souvent sur différents projets à la fois pour la télévision et le cinéma, et sont également susceptibles de coopérer avec d’autres studios sur des projets distincts. Parallèlement au soutien du volet MEDIA du programme Europe créative, la Commission engagera avant la fin de l’année un dialogue avec les grands studios d’animation européens pour débattre de la manière dont le secteur pourrait passer à l’échelle supérieure. Elle devrait également recenser les besoins spécifiques du secteur sur divers aspects, par exemple en vue de limiter la fuite des cerveaux ou de favoriser davantage la diffusion internationale des productions animées télévisuelles et cinématographiques. L’objectif de ce dialogue serait de convenir d’un plan d’action commun pour le secteur d’ici la mi-2017.
Enfin, la proposition de directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique propose des solutions pour faciliter l’octroi de licences par les institutions de gestion du patrimoine culturel afin de permettre la numérisation et la diffusion des œuvres qui sont indisponibles mais présentent un grand intérêt culturel. L’accès aux œuvres dans des contextes non commerciaux tels que les établissements d'enseignement, les bibliothèques publiques, les lieux de représentation non cinématographiques, etc., est également très important à des fins de promotion de la diversité culturelle, d’éducation et d’inclusion sociale. Ces canaux, ainsi qu’une meilleure éducation aux médias, peuvent contribuer de manière déterminante à la promotion et à la création d’un public durable pour les œuvres européennes. En outre, la Commission envisage actuellement, avec l’EFADs et le secteur audiovisuel, de créer et de financer en 2017 un catalogue de films européens à des fins éducatives. Un tel projet pilote pourrait utilement présenter la diversité et la qualité des films européens à un jeune public.
3. Mesures pour adapter les exceptions aux environnements numérique et transfrontière
Les exceptions au droit d’auteur permettent, à des fins spécifiques et sous certaines conditions, l’utilisation d’œuvres protégées sans l’autorisation des titulaires des droits. Elles répondent à des objectifs de politique publique au niveau de l’Union et jouent un rôle important dans le cadre plus large du droit d’auteur. Cependant, à l’heure actuelle, la plupart des exceptions prévues par le droit de l’Union sont facultatives et n’ont pas d’effet transfrontière. En outre, certaines d’entre elles doivent être revues à la lumière des réalités technologiques actuelles, en renforçant l’harmonisation lorsque c'est nécessaire, mais sans pour autant porter atteinte au bon fonctionnement des systèmes qui existent au niveau national.
Les mesures législatives présentées aujourd’hui adaptent le cadre de l’Union régissant les exceptions aux utilisations numériques dans certains domaines essentiels tels que l’éducation, la recherche et l’accès à la connaissance; ces mesures concernent particulièrement les aspects transfrontières, contribuant ainsi à approfondir encore le marché unique. La proposition de directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique instaure de nouvelles exceptions obligatoires dans les domaines de l’éducation, de la recherche et de la conservation du patrimoine culturel.
Une nouvelle exception relative à l’illustration à des fins d’enseignement offrira une pleine sécurité juridique lors de l’utilisation de contenus protégés dans le cadre d’activités d’enseignement numériques et en ligne, y compris dans un contexte transfrontière. Cette exception favorisera les nouveaux modes de fourniture de services éducatifs, notamment l’apprentissage à distance, et la mobilité des étudiants et des enseignants dans l’Union.
La proposition introduit également une nouvelle exception obligatoire pour la fouille de textes et l’exploration de données effectuées à des fins de recherche scientifique. Cette exception permettra aux organismes de recherche d’utiliser les technologies de fouille de textes et d’exploration de données en bénéficiant d’une pleine sécurité juridique. Le caractère obligatoire de cette exception permettra d’éviter les différences d’approche entre les États membres dans un domaine tel que la recherche où la coopération transfrontière à grande échelle et la collaboration interdisciplinaire sont de plus en plus courantes. Cela favorisera le progrès scientifique et l’innovation dans l’Union.
La proposition de directive prévoit aussi une nouvelle exception obligatoire pour la conservation numérique des œuvres par les institutions de gestion du patrimoine culturel afin de tenir compte des besoins de contenus sous une forme numérique et de l’utilisation de la technologie numérique à des fins de conservation. Elle est le reflet du recours à la numérisation en tant que technique de conservation, mais aussi du nombre croissant d’œuvres nées sous une forme numérique dans les collections des institutions de gestion du patrimoine culturel. Un accroissement du taux de conservation aidera à assurer la survie du patrimoine culturel et permettra aux Européens d’en profiter pendant plus longtemps.
Dans le même temps, deux propositions législatives seront adoptées aujourd’hui pour mettre en œuvre dans le droit de l’Union le traité de Marrakech
, qui impose aux parties de prévoir des exceptions en faveur des personnes ayant des difficultés de lecture des textes imprimés, afin de leur permettre d’accéder aux livres et autres œuvres imprimées dans des formats qui leur soient accessibles. La proposition de directive prévoit une exception obligatoire, ainsi que les mesures permettant d’assurer son bon fonctionnement, en ce qui concerne la réalisation et la diffusion d’exemplaires en format accessible au sein du marché unique. La proposition de règlement autorisera l’échange transfrontière de tels exemplaires entre l’Union et les pays tiers parties au traité.
La Commission continuera à examiner différentes autres questions en rapport avec les exceptions mentionnées dans la communication de décembre. Certaines de ces questions pourraient faire l’objet d’un réexamen ultérieur, à la lumière du résultat d’affaires pendantes devant la Cour de justice de l’Union européenne. Il s'agit par exemple de l’exception autorisant les bibliothèques et autres établissements à permettre la consultation d’œuvres à l’écran dans leurs locaux, à des fins de travaux de recherche ou d’études privées
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À la suite de l’analyse des résultats de la consultation publique sur la «liberté de panorama»
, qui confère le droit de photographier et de mettre en ligne des photos d’ouvrages et d’œuvres tels que des bâtiments ou des sculptures situées dans des espaces publics, la Commission confirme la pertinence de cette exception. En vertu du droit de l’Union, les États membres disposent d’une grande latitude pour instaurer de telles exceptions. Le droit interne de presque tous les États membres prévoit une liberté de panorama et récemment, certains États membres qui ne l’avaient pas encore fait ont introduit cette exception dans leur législation ou examinent depuis peu des projets législatifs à cette fin. La Commission continuera à suivre ces évolutions et recommande vivement que tous les États membres mettent en œuvre cette exception.
4. Mesures pour réaliser un marché performant pour le droit d’auteur
Ces dernières années, l’internet est devenu le principal marché pour l’accès à des contenus protégés par le droit d’auteur et leur distribution. Les services en ligne constituent désormais une source majeure de revenus pour les œuvres et autres contenus protégés et devraient continuer à gagner en importance. Toutefois, la question du partage équitable de la valeur générée par certaines des nouvelles formes de distribution de contenus en ligne tout au long de la chaîne de valeur suscite des préoccupations croissantes. Les titulaires de droits signalent qu’ils rencontrent des difficultés lorsqu’ils cherchent à autoriser et à être équitablement rémunérés pour l’utilisation de leurs contenus en ligne. Cette situation pourrait aussi désavantager certains prestataires de services pratiquant des formes de distribution équivalentes. Il se pose par ailleurs la question, liée à la précédente mais qui touche également les formes d’exploitation hors ligne, de la juste rémunération des auteurs et des artistes interprètes et des différences dans leur pouvoir de négociation lorsqu’ils concèdent des licences ou transfèrent leurs droits.
Ces difficultés nuisent à l’objectif d’un marché unique numérique générant un juste retour sur investissement pour tous. Ces questions sont d’une importance capitale pour tous les secteurs culturels et créatifs, et notamment ceux de l’édition, de l’image, de la musique et de l’audiovisuel. À la suite de la communication de décembre, la nécessité d’y répondre a été confirmée dans la communication sur les plateformes en ligne de mai 2016
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La proposition de directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique offrira une sécurité juridique aux éditeurs de presse et les placera dans une meilleure position de négociation dans leurs relations contractuelles avec les services en ligne qui utilisent leurs contenus et en permettent l’accès. Elle prévoit en effet un nouveau droit voisin qui reconnaît le rôle clé que jouent les éditeurs de presse en termes d’investissements et de contribution globale à la création de contenus journalistiques de qualité, et leur confère la protection dont ils ont besoin pour exploiter efficacement leurs publications dans l'environnement numérique. La proposition donnera également la possibilité aux États membres d’établir des systèmes de rémunération, analogues à ceux existant pour la copie privée et la reprographie, auxquels pourraient participer les éditeurs (dont les éditeurs de livres et les éditeurs scientifiques).
La proposition renforcera également la capacité des titulaires de droits à négocier et être rémunérés pour l’exploitation en ligne de leurs contenus par les services en ligne qui stockent des contenus mis en ligne par leurs utilisateurs et donnent accès à ces contenus. Compte tenu du rôle joué par ces services dans la transmission de contenus protégés, la proposition demandera aux prestataires de services qui stockent et donnent accès à un grand nombre d’œuvres de prendre, en coopération avec les titulaires de droits, des mesures appropriées et proportionnées, y compris des mesures fondées sur des technologies de reconnaissance des contenus, afin d’assurer le respect des accords passés avec les titulaires de droits. Dans ce domaine, il sera également important d’assurer une coopération active entre les parties prenantes. Les consommateurs continueront à pouvoir mettre en ligne leurs contenus et à bénéficier d’une large offre de contenus dans un environnement plus équitable et juridiquement plus sûr.
Enfin, les auteurs et les artistes interprètes bénéficieront d’une plus grande transparence quant à l’exploitation de leurs œuvres et interprétations et seront plus à mêmes de recevoir une rémunération appropriée. Il devrait en résulter un cadre amélioré pour l’ensemble des acteurs puisque ceux qui acquièrent des droits bénéficieront d’une plus grande clarté juridique tandis que les auteurs et les artistes interprètes auront davantage confiance dans le système, y compris dans l'environnement en ligne. Le déploiement effectif de ces mesures nécessitera que les États membres organisent des discussions sectorielles pour définir dans la pratique les obligations de transparence appropriées par type de contenu et par secteur. La Commission suivra de près les travaux menés à cet égard dans les États membres afin d’assurer l’efficacité et la cohérence des résultats. Elle poursuivra par ailleurs ses échanges avec toutes les parties intéressées des secteurs culturels et créatifs, dans le cadre de dialogues sectoriels ou généraux, afin de discuter de l’évolution de la situation en la matière et de l'opportunité de prendre d’autres mesures.
Ces mesures dans leur ensemble contribueront à créer un marché des droits d’auteur qui fonctionne efficacement pour toutes les parties, qui crée les incitations appropriées en faveur de l’investissement dans les contenus créatifs et leur diffusion dans l’environnement en ligne, et qui défend l’importance de la liberté et de la pluralité de la presse dans l’Union.
5. Mesures pour mettre en place un système efficace et équilibré de contrôle du respect des droits d'auteur
Les atteintes aux droits d’auteur à l’échelle commerciale, commises par les contrefacteurs pour profiter du travail et des investissements d'autrui, représentent aujourd’hui une menace grave pour les créateurs européens en ce qu'elles les empêchent de tirer un profit légitime de leurs créations et finissent ainsi par décourager la créativité et l’innovation. Faute de système efficace et équilibré de contrôle du respect des droits d’auteur et des autres droits de propriété intellectuelle (DPI), ces droits seront mal protégés et l’investissement dans la créativité et l’innovation sera bridé. Comme annoncé dans la communication de décembre, la Commission procède actuellement à l’évaluation du fonctionnement global du cadre juridique existant relatif aux mesures de protection des DPI, dans le cadre d’une initiative plus vaste visant à améliorer le respect de tous les DPI et mettant l’accent sur les infractions commises à une échelle commerciale.
Les contributions à la consultation publique sur l’évaluation et la modernisation du cadre juridique relatif aux mesures de protection des droits de propriété intellectuelle, lancée à l'appui de cette évaluation, ont confirmé que les atteintes aux droits de propriété intellectuelle, y compris les droits d’auteur, constituent un problème majeur. Plus des trois quarts des titulaires de droits et des pouvoirs publics ayant répondu à cette consultation ont observé une augmentation des atteintes aux DPI au cours des 10 dernières années. Alors que la majorité des répondants ont estimé que les règles en vigueur avaient contribué de manière efficace à protéger la propriété intellectuelle et à prévenir les atteintes aux DPI, de nombreux titulaires de droits et intermédiaires, en particulier, ont estimé que les mesures correctives et autres mesures prévues par la directive relative au respect des droits de propriété intellectuelle n'étaient pas appliquées de manière homogène dans l'ensemble des États membres. Une telle situation est susceptible d’entraîner une inégalité de protection selon les pays, et laisse penser que ladite directive n’a pas entièrement fait disparaître les disparités qui existent au niveau national en ce qui concerne les mesures visant à faire respecter les droits de propriété intellectuelle. Un grand nombre de répondants a également souligné la nécessité d’adapter certaines de ces mesures afin de garantir la sécurité juridique et de les rendre plus efficaces, par exemple en ce qui concerne l’application de mesures provisoires et conservatoires et des injonctions à l’encontre des prestataires de services intermédiaires, ou le calcul de dommages-intérêts appropriés. La lourdeur de la procédure visant à obtenir des mesures provisoires et conservatoires ou des injonctions pour les mêmes infractions à l’encontre de destinataires analogues dans plusieurs juridictions de l’Union est un autre aspect que les titulaires de droits ont particulièrement mis en avant.
À la suite de l’évaluation, la Commission proposera les modifications nécessaires au cadre législatif en vue d'améliorer le cadre juridique relatif aux mesures de protection des DPI, y compris les droits d’auteur, une clarification de la portée et de l’application des mesures provisoires et conservatoires et des injonctions, ainsi que des règles pour le calcul et l’attribution des dommages-intérêts. Elle étudiera également les possibilités de faciliter l’obtention de mesures provisoires et conservatoires et d’injonctions à l’encontre de destinataires analogues pour les mêmes infractions commises dans plusieurs juridictions de l’Union.
En outre, eu égard à la rapidité de l’évolution de l’environnement et des technologies numériques, il est impératif que les règles, procédures et mesures correctives prévues par la directive relative au respect des DPI soient rapidement appliquées et décidées par les juridictions nationales compétentes. Cet aspect est particulièrement important pour la protection des œuvres et autres objets protégés. Les États membres doivent veiller à ce que leurs systèmes judiciaires respectifs disposent de capacités suffisantes pour assurer une protection efficace et rapide des droits de propriété intellectuelle, notamment sur l’internet. La Commission examinera par ailleurs les incitations en vue de promouvoir la spécialisation de juges nationaux en matière de contrefaçon et de validité des DPI, compte tenu des expériences positives des États membres qui possèdent déjà de tels juges spécialisés.
La communication du mois de décembre indiquait également que «la Commission [prendrait] des mesures immédiates pour participer, avec toutes les parties concernées, à la mise en place et à l’application de mécanismes “follow-the-money”, selon une approche d’autorégulation». Sur la base de l’expérience positive avec le protocole d'accord existant, et récemment actualisé, sur la vente en ligne de produits de contrefaçon, la Commission a approuvé la conclusion d’accords de coopération volontaires faisant participer d'autres types de prestataires de services intermédiaires à la protection des DPI, y compris les services de publicité en ligne, de paiement et de livraison. La publicité en ligne est une source majeure de revenus pour les sites internet qui enfreignent les droits d’auteur. L’objectif de l’initiative relative à la publicité est de décourager le placement d’annonces publicitaires sur les sites web qui enfreignent les DPI à une échelle commerciale, empêchant ainsi le financement des infractions aux DPI par des recettes publicitaires. Dans la mesure où les sites web enfreignant les droits d’auteur utilisent un modèle basé sur des abonnements donnant, contre paiement, un accès plus rapide au contenu, les prestataires de services de paiement peuvent jouer un rôle clé en mettant en œuvre le principe du «follow the money», interceptant les transactions financières et, à terme, cessant d’offrir leurs services, rendant ainsi ces activités non rentables. La Commission est déterminée à ce que ces processus, essentiels pour lutter contre le piratage, se traduisent par des résultats concrets, et espère que l’éventail le plus large possible de parties prenantes y participera en s’appuyant sur des accords similaires en place au niveau national. En fonction de l’évolution de ces initiatives, elle étudiera également d’autres options visant à renforcer la participation des prestataires de services intermédiaires à la protection des DPI, telles que la responsabilité des intermédiaires dans les cas où ceux-ci sont conscients du fait que leurs services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à des droits de propriété intellectuelle, mais s’abstiennent d’agir.
6. Conclusion
Les industries culturelles et créatives sont importantes pour l’Europe à de nombreux égards. Elles constituent un secteur économique important, mais sont également cruciales pour l’apprentissage et le divertissement et elles sont essentielles pour préserver et favoriser la diversité culturelle de l’Europe. La capacité des secteurs européens dépendant de la protection du droit d’auteur à innover dans l’environnement numérique conditionne leur réussite et leur capacité à faire face à la concurrence mondiale.
Un cadre bien conçu en matière de droit d’auteur et des mesures d’accompagnement sont donc essentiels pour que les auteurs, les artistes interprètes et les secteurs culturels et créatifs puissent atteindre un public plus large et, en définitive, offrir un plus grand choix aux citoyens. La Commission est en train de mettre en œuvre un programme ambitieux qui modernise le cadre européen en matière de droit d’auteur au profit de l’ensemble des parties prenantes et qui favorise la disponibilité et la visibilité des contenus culturels et créatifs européens, y compris dans un contexte transfrontière. Les initiatives législatives et les mesures d’aide financière prises à cet égard sont complémentaires et se renforcent mutuellement. La Commission assurera le suivi de l’incidence de ces mesures et des efforts déployés par le secteur pour intégrer les objectifs énoncés ci-dessus dans leurs modèles économiques.