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Document 52014DC0036

RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL sur les progrès réalisés par la Bulgarie au titre du mécanisme de coopération et de vérification

/* COM/2014/036 final */

52014DC0036

RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL sur les progrès réalisés par la Bulgarie au titre du mécanisme de coopération et de vérification /* COM/2014/036 final */


1. Introduction

En 2012, cinquième année de mise en œuvre du mécanisme de coopération et de vérification (MCV), la Commission a décidé d'effectuer une évaluation à plus long terme pour rendre pleinement compte des progrès accomplis. Cette évaluation a été publiée en juillet 2012[1]. Elle mettait en lumière des avancées importantes en ce qui concerne l'adaptation du cadre législatif et institutionnel de base, mais relevait également qu'il restait certaines lacunes importantes et qu'une mise en œuvre efficace et cohérente des réformes s'imposait. Des défis importants restaient encore à relever. Dans ce contexte, il a été décidé de tenir compte d'une période plus longue avant le rapport suivant (18 mois) pour voir comment les réformes déjà mises en œuvre par la Bulgarie prenaient racine et pour disposer du temps nécessaire pour mesurer le caractère durable du processus avant la prochaine évaluation. Le rapport 2012, sa méthodologie et ses conclusions ont également été approuvés par le Conseil des ministres dans ses conclusions[2].

Le présent rapport examine les progrès réalisés par la Bulgarie dans les principaux domaines du MCV en matière de réforme du système judiciaire et de lutte contre la corruption et la criminalité organisée. Ces questions sont fondamentales pour la modernisation de la société bulgare: pour assurer le succès des réformes, une approche méthodique et cohérente s'impose, basée sur un vaste consensus au sein de la société bulgare. La période couverte par le présent rapport a été marquée par trois gouvernements différents, ce qui n'a pas contribué à la mise en place d'un tel consensus, même si les événements ont fait apparaître que la population, dans sa grande majorité, aspirait à la réforme

La Commission est convaincue que la procédure de suivi du MCV, les opportunités offertes par les fonds de l'Union et l'engagement constructif de la Commission et de nombreux États membres continuent d'être un soutien précieux pour les réformes en Bulgarie. Le prochain rapport officiel sera publié d'ici un an.

2. Le processus de réforme en Bulgarie

2.1       Réforme du système judiciaire

Indépendance, intégrité et responsabilisation

Le degré de confiance de la population envers le système judiciaire bulgare est faible[3]. Les rapports MCV ont évoqué des pistes pour remédier à ce manque de confiance, grâce à une gestion professionnelle du système permettant de dissocier les nominations et les décisions de justice de toute influence politique[4].

Certaines mesures importantes ont été prises depuis le mois de juillet 2012. Les procédures de nomination à des postes élevés de la magistrature font désormais l'objet d'une publicité plus large et des efforts plus soutenus ont été consentis pour résoudre certains problèmes liés à la gestion de l'appareil judiciaire, tels que le déséquilibre des charges de travail. Il a été reconnu que certains problèmes graves devaient faire l'objet de mesures, comme la nécessité d'éviter toute manipulation dans le système d'attribution des affaires. Au cours du second semestre 2013, il n'y a pas eu d'attaques frontales du pouvoir exécutif à l'encontre du pouvoir judiciaire[5]. En tout état de cause, ainsi que cela a également été signalé dans les rapports précédents, des inquiétudes subsistent en ce qui concerne l'indépendance de l'appareil judiciaire en Bulgarie.

En juillet 2012, la Commission avait exprimé le fervent espoir que la direction future du Conseil supérieur de la magistrature transforme cette institution en principal acteur de la réforme judiciaire. Les réformes engagées en 2012 ont introduit des procédures de nomination plus transparentes au sein du Conseil supérieur de la magistrature. La procédure d'élection du Conseil supérieur de la magistrature en automne 2012 n'a toutefois pas démontré de manière convaincante que les nominations résultaient d'un concours ouvert fondé sur le mérite professionnel et l'intégrité. La procédure d'élection du quota parlementaire, certes plus transparente que par le passé[6], tendait néanmoins à indiquer une ingérence politique importante. L'élection du quota judiciaire a pâti de la décision de ne pas autoriser un vote direct par les juges[7]. Les hautes instances judiciaires en place ont ainsi pu user de leur forte influence, ce qui a limité les possibilités d'insuffler un nouvel élan.

Le Conseil supérieur de la magistrature a recensé ses priorités de manière plus précise que par le passé. Il a également consenti des efforts pour s'ouvrir au public, en organisant davantage d'actions de sensibilisation et en mettant en place un conseil civique, constitué d'ONG importantes et d'organisations professionnelles, chargé de lui transmettre les observations émanant de la société civile. Le rapport de juillet 2012 avait souligné que la participation active de la société civile dans ce domaine constituait une avancée importante pour la Bulgarie[8]. L'influence réelle de la société civile sur la politique reste toutefois floue. Le conseil civique gagnerait en efficacité si sa procédure de consultation était plus claire et si des explications étaient fournies lorsque ses recommandations ne sont pas suivies. De manière générale, le Conseil devrait œuvrer à davantage de transparence.

Le Conseil supérieur de la magistrature a pris certaines mesures pour réformer sa gestion. En ce qui concerne la charge de travail et la réaffectation des ressources, une approche pratique semble donner certains résultats. Dans d'autres domaines tels que l'évaluation objective et les procédures de promotion ou la cohérence dans les procédures disciplinaires, les avancées concrètes sont peu nombreuses à ce jour [9]. On pourrait attendre du comité d'éthique qu'il se pose en défenseur de l'intégrité, mais le Conseil supérieur de la magistrature n'a pas inscrit cette dernière au titre de ses priorités essentielles[10]. Il est un fait que le Conseil peine à dissiper les doutes qui continuent de peser sur l'ingérence politique dans son processus décisionnel.

Il en résulte qu'à l'heure actuelle, le Conseil supérieur de la magistrature n'est pas largement considéré comme une autorité autonome et indépendante en mesure de défendre efficacement l'indépendance de l'appareil judiciaire par rapport au pouvoir exécutif et au parlement. Il semble qu'il incombe souvent à la société civile de défendre l'indépendance du pouvoir judiciaire ou d'examiner attentivement si certaines affaires politiquement sensibles sont traitées objectivement[11]. Le Conseil supérieur de la magistrature devrait faire figurer cette question parmi ses priorités essentielles et mettre en place des procédures transparentes pour un traitement cohérent des affaires qui se présenteront. Cela implique aussi une politique plus cohérente à l'égard des médias.

Les nominations constituent un des principaux domaines influençant la perception des autorités répressives et judiciaires par l'opinion publique. Elles ont retenu l'attention des médias et de la classe politique. Les inquiétudes concernant les décisions de nomination de hauts fonctionnaires prises sans transparence et impliquant de puissants groupes d'intérêt économiques et politiques ont encore été renforcées par plusieurs nominations de personnalités très médiatisées au cours de l'année écoulée. Les nominations non approuvées de membres de la Cour constitutionnelle et de l'agence d'État pour la sécurité nationale (SANS) en ont été des exemples concrets[12]. Dans les deux cas, les candidats ont finalement dû se retirer, mais ils ont laissé dans leur sillage des inquiétudes quant au mode de fonctionnement du système. Il ne s'agit là que des cas les plus représentatifs. Dans d'autres cas, les résultats étaient moins contestés, mais ils ont quand même laissé une impression de prises de décisions manquant de transparence plus influentes que les procédures officielles, en dépit de certaines améliorations en la matière[13].

Ces cas montrent bien que si des procédures transparentes sont importantes pour assurer le bon fonctionnement des institutions publiques, les règles formelles ne s'avèrent pas toujours suffisantes. Pour renforcer la confiance dans ses institutions, la Bulgarie doit veiller à ce que les décisions relatives à des nominations, y compris à des postes élevés, soient basées sur une réelle compétition entre les candidats, dans le respect des critères clairs de mérite et d'intégrité mis en lumière dans les précédents rapports MCV[14]. La prochaine nomination et l'élection de l'inspecteur principal des services de l'inspection judiciaire constitueront un test important à cet égard. Des retards dans la procédure ont donné l'impression que le facteur principal était une incapacité de se mettre d'accord à l'avance sur un candidat, alors que ce genre de poste doit être pourvu à la suite d'une procédure ouverte destinée à désigner un expert hautement qualifié pouvant démontrer et appliquer une objectivité totale. L'élection du président de la Cour suprême de cassation sera également une nomination importante à la fin de 2014.

Les procédures disciplinaires à l'encontre des magistrats constituent un élément important de la protection de la responsabilité et de l'intégrité au sein de l'appareil judiciaire. Des critères systématiques sont nécessaires à cet effet afin d'assurer la cohérence des mesures disciplinaires[15]. En l'absence de normes claires pour l'évaluation des cas individuels, le processus n'est pas à l'abri de décisions arbitraires. L'annulation fréquente par la Cour suprême administrative de décisions prises par le Conseil supérieur de la magistrature fait également apparaître une incohérence ou un manque d'interprétation commune des règles. Une approche systématique des mesures disciplinaires est fondamentale pour garantir l'indépendance et l'intégrité du système judiciaire; en effet, des décisions arbitraires dans ce domaine tendent à créer des pressions injustifiées - réelles ou ressenties - sur les magistrats. 

La nouvelle unité mise en place pour enquêter sur les délits commis par les magistrats sera responsable d'un domaine particulièrement sensible. Si elle parvient à afficher un bon bilan en termes d'objectivité et d'efficacité, elle pourrait compléter de manière significative les efforts de promotion de l'intégrité. Toutefois, les abus identifiés par les responsables actuels à la tête du ministère public concernant les agissements des précédents services d'inspection illustrent également les risques que représentent des organismes autonomes au sein du ministère public[16]. La mise en œuvre et l'application de procédures claires, transparentes et responsabilisantes sont essentielles pour écarter ces risques.

Cadre juridique

Les discussions actuelles relatives à la réforme du code pénal ont pour objectif de conclure les discussions de longue date sur un premier projet, et une proposition a été présentée au Parlement en janvier. Le nouveau code devrait apporter des améliorations importantes. Toutefois, il convient de noter que, même si elle est utile, la réforme du code pénal de 1968 - régulièrement modifié - doit s'inscrire dans le cadre d'une approche plus globale de la justice pénale et faire l'objet de discussions approfondies avec les praticiens du droit et les représentants de la société civile. Dans les domaines couverts par le MCV, il importera d'identifier et d'expliquer les dispositions destinées à améliorer la lutte contre la corruption et la criminalité organisée, mais il sera également important de voir comment les changements pourront être combinés avec un système judiciaire et répressif mieux administré. À cet effet, des modifications du code de procédure pénale pourraient s'avérer nécessaires. En même temps, les modifications législatives nécessaires ne devraient pas entraver la prise de mesures pratiques et organisationnelles utiles à court terme, indépendamment de la nouvelle loi. Les conclusions d'une analyse des affaires inabouties recommandée par la Commission[17] devraient constituer un élément important dans ce processus, de même que les analyses d'autres dysfonctionnements tels que les retards dans les procédures pénales (voir ci-dessous).

Cadre stratégique de la réforme judiciaire

Outre le Conseil supérieur de la magistrature, l'autre acteur fondamental donnant le ton pour la réforme du système judiciaire est le ministère de la justice. Compte tenu des changements à la tête du ministère et d'une arithmétique parlementaire qui complique maintenant les modifications législatives, le ministère a eu du mal à fournir la perspective nécessaire; toutefois, la promotion de la justice en ligne peut porter des fruits à l'avenir. Moyennant une réelle appropriation, les efforts actuellement consentis en vue d'actualiser la stratégie à long terme pour la réforme du système judiciaire pourraient s'avérer particulièrement utiles.

Le ministère de la justice a demandé aux grandes ONG d'aider à analyser l'état d'avancement de la réforme du système judiciaire à ce jour. Il est prévu de poursuivre la stratégie lancée en 2010, qui n'a été que partiellement mise en œuvre, et de couvrir de nombreux sujets, y compris le rééquilibrage des ressources par rapport aux besoins, les questions d'intégrité, l'harmonisation des pratiques de gestion des instances judiciaires et le rôle des responsables administratifs. Cette analyse aurait dû être prête à l'automne 2013, mais a été retardée. Elle devrait être adoptée en 2014, après consultation des parties concernées, et devrait couvrir une période de 7 ans pour la mise en œuvre des réformes, en partie pour aligner le délai sur la programmation de l'aide au titre des fonds structurels de l'UE. Il est important que cette stratégie fasse l'objet d'une vaste consultation, comprenant la société civile et les organisations professionnelles, mais soit ensuite adoptée en tant que feuille de route acceptée par le gouvernement et le Conseil supérieur de la magistrature, afin d'assurer une appropriation maximale.

Efficacité du système judiciaire et des autorités chargées de faire appliquer la loi

Des mesures ont commencé à être prises pour résoudre les questions complexes de la charge de travail et de la réaffectation des ressources entre les tribunaux et le ministère public. Elles risquent de rencontrer quelque résistance de la part de certaines parties concernées, mais tant qu'il pourra être prouvé qu'elles sont fondées sur des critères objectifs et transparents, elles permettront également de démontrer la capacité des hautes instances judiciaires à aborder des questions sensibles. Ces mesures, associées au lancement des concours qui avaient été bloqués, devraient maintenant apporter de réelles améliorations[18]. Les travaux entrepris au sein du Conseil supérieur de la magistrature pour définir des orientations méthodologiques en vue de rééquilibrer la charge de travail devraient également fournir une bonne base pour l'avenir. Une répartition équitable de la charge de travail permettra non seulement d'obtenir un système plus efficace fournissant de meilleurs services à la population bulgare, mais aura également des conséquences pour les procédures disciplinaires. Actuellement, il est trop facile d'invoquer la réalité des retards importants pour prendre des mesures disciplinaires - souvent de manière incohérente - alors que la responsabilité du problème serait plutôt à imputer aux hautes instances judiciaires et aux responsables administratifs.

En ce qui concerne l'attribution des affaires, le Conseil supérieur de la magistrature envisage la mise en place d'un système centralisé d'attribution aléatoire dans tous les tribunaux, pour répondre aux préoccupations selon lesquelles il est possible de manipuler le système actuel[19]. Il est heureux de constater que l'existence d'un problème a désormais été reconnue. Un système permanent devrait bénéficier d'une expertise extérieure et de la participation des parties concernées et de la société civile pour réinstaurer la confiance. Il est également important de disposer de règles d'application communes, de sorte que toutes les parties sachent comment le système est traduit dans la pratique et puissent mettre en question toute instance au sein de laquelle les règles ne semblent pas avoir été respectées.

L'Inspection du Conseil supérieur de la magistrature constitue un autre élément important de l'administration du système judiciaire. Comme le signalent les rapports MCV précédents[20], l'Inspection pourrait s'avérer un instrument précieux pour favoriser une approche administrative plus rigoureuse et pour cibler des dysfonctionnements identifiés, passant d'une approche formelle à une approche qualitative des inspections. Actuellement, l'Inspection analyse les statistiques relatives au respect des délais ou vérifie l'application du système d'attribution aléatoire des affaires, mais elle contrôle rarement la qualité des dossiers et ne tient pas systématiquement compte des questions de charge de travail. En conséquence, les conclusions de l'Inspection en ce qui concerne par exemple l'attribution aléatoire ne semblent pas tenir compte de tous les éléments. De plus, les questions relatives à l'intégrité ou au comportement éthique des magistrats ne sont pas traitées par l'Inspection, cette dernière estimant qu'elles ne relèvent pas de sa compétence. Ces facteurs limitent l'impact que peut avoir l'Inspection pour remédier aux dysfonctionnements affectant le système judiciaire en Bulgarie[21].

Le ministère public constitue un exemple d'un domaine où les hautes instances ont adopté une approche plus systématique[22]. L'audit entrepris par le procureur général et le plan d'action subséquent fournissent une analyse claire et souvent sincère des insuffisances, et s'efforcent d'y trouver des solutions spécifiques, lesquelles, si elles sont mises en œuvre avec succès, pourraient fournir des résultats importants, tout en démontrant en même temps qu'il n'est pas toujours nécessaire d'injecter des ressources nouvelles pour favoriser le changement. Bien que la procédure appliquée pour le ministère public ne puisse pas être reproduite automatiquement au niveau de l'appareil judiciaire, compte tenu de sa moindre hiérarchisation, elle est représentative de la volonté de s'attaquer aux problèmes et d'y trouver des solutions spécifiques. Il serait cependant utile d'appliquer davantage de transparence à cette procédure, pour assurer que sa mise en œuvre soit effectivement prise en charge. La réforme au sein du ministère public doit également être poursuivie dans le cadre d'une stratégie plus vaste de réforme judiciaire - des problèmes tels que la résolution de difficultés en profitant de l'expérience des tribunaux doivent faire l'objet d'une approche commune du ministère public et du Conseil supérieur de la magistrature. Les questions telles que les évaluations des performances pourraient également être abordées d'une manière qui garantisse une approche cohérente pour les juges et les procureurs.

Plus généralement, le ministère de l'intérieur a subi plusieurs réformes importantes destinées à lui permettre de se concentrer sur ses activités prioritaires de contrôle de l’application de la législation et de réaffecter des effectifs des fonctions administratives vers des fonctions opérationnelles. Il semblerait qu'il ait été mis fin à la pratique problématique de donations au ministère de l'intérieur, qui avait été limitée aux autorités publiques et aux entreprises publiques. Dans le même temps, le ministère doit faire face à des défis tels que la gestion adéquate des manifestations et des pressions aux frontières.

2.2       Corruption 

La corruption généralisée est perçue comme un problème majeur et représente un défi important pour les autorités bulgares[23]. Elle a clairement un impact sur la volonté des entreprises à investir en Bulgarie[24]. Une stratégie de lutte contre la corruption a été adoptée en 2010 par le gouvernement précédent, laquelle est actuellement en cours d'actualisation et pourrait tirer parti d'une expertise extérieure indépendante pour ces travaux. Dans l'ensemble, les résultats des efforts précédents ont été très limités. L'image générale qui se dégage est celle d'une réponse faible et non coordonnée à ce qui constitue un problème systémique dans l'ensemble de l'administration publique. Les dysfonctionnements recensés dans le précédent rapport MCV subsistent[25].

Plusieurs changements institutionnels ont été effectués ces dernières années, mais ces initiatives ont tendance à se heurter à des problèmes ou simplement ne donnent pas de résultats visibles. Ainsi par exemple, la commission chargée des conflits d'intérêts, qui aurait pu jouer un rôle crucial pour épingler les pratiques illégales à tous les niveaux du secteur public, s'est retrouvée à son tour impliquée dans un sérieux scandale concernant des suspicions de forte ingérence politique. Le projet de mesures anti-corruption «Borkor», qui avait été promu en tant qu'instrument majeur pour identifier les risques de corruption et y remédier, n'affiche toujours aucun résultat concret, en dépit des ressources qui lui ont été affectées. Dans le domaine des marchés publics, un cadre législatif complexe et toujours changeant a rendu encore plus compliquée la tâche de créer une culture d'objectivité et de rigueur. Dans les entreprises, certaines voix se font entendre qui craignent qu'une vague de manipulations des appels d'offres ne puisse être endiguée[26].

Toutefois, on constate également certaines évolutions positives. Depuis 2007, les services d'inspection internes de l'administration publique travaillant sous la direction de l'inspection générale relevant du cabinet du premier ministre ont été renforcés. Ils peuvent jouer un rôle important dans la détection et la prévention d'irrégularités ainsi que pour présenter des propositions pour améliorer le système de lutte contre la corruption. La pratique consistant à mettre en place des équipes mixtes entre les agences chargées des enquêtes et le ministère public devrait également déboucher sur une réponse plus efficace en ce qui concerne les affaires de corruption graves. Il n'en reste pas moins que les efforts de lutte contre la corruption sont diffus, et qu'aucune autorité chargée de la lutte contre la corruption ne dispose des pouvoirs ni de l'autonomie pour dynamiser le processus de changement. L'inspection générale pourrait constituer le noyau de ce travail, mais est à l'heure actuelle de dimension trop réduite pour avoir une grande influence.

L'expérience laisse néanmoins penser qu'il est d'une importance capitale pour la crédibilité de la lutte contre la corruption que le traitement des affaires de corruption de haut niveau aboutisse, de manière à démontrer que les violations font l'objet d'actions en justice. L'absence de bilan positif en matière de traitement des affaires de corruption de haut niveau reste un obstacle pour convaincre l'opinion publique bulgare que des efforts sérieux sont en cours pour lutter contre ce problème.

2.3       Criminalité organisée

De même, l'absence de progrès globaux en ce qui concerne le traitement d'affaires emblématiques de criminalité organisée est inévitablement lourde de conséquences pour la perception par l'opinion publique de la lutte contre la criminalité organisée. Un certain nombre d'affaires de corruption à haut niveau ont été classées, tandis que pour d'autres infractions criminelles graves, telles que des assassinats commandités, aucune mise en accusation n'a été faite après plusieurs années d'enquête.

Le fait que des personnalités impliquées dans des affaires de corruption à haut niveau aient pu échapper à la justice à la veille d'un verdict final en juillet 2012 a suscité de vives inquiétudes[27]: mais le fait que personne ne souhaite en assumer la responsabilité, et qu'aucune mesure n'ait été prise pour garantir que cela ne se reproduise plus, reflète d'autant plus les difficultés du système à traiter les problèmes[28].

La principale mesure prise par le nouveau gouvernement a été le renforcement de l'agence d'État pour la sécurité nationale (SANS), qui aura maintenant parmi ses attributions non seulement l'espionnage et le contre-espionnage, mais également la lutte contre la criminalité organisée et le traitement de plusieurs autres délits considérés comme suffisamment importants pour mettre en danger la sécurité de l'État. Cette mesure implique le transfert d'unités de police spécialisées dans la lutte contre la criminalité organisée (GDBOP) vers les services de sécurité (SANS). Cela a causé quelques perturbations dans le fonctionnement des services concernés, et il importe de veiller à ce que cet effet n'ait qu'un caractère transitoire. Qui plus est, la manière dont cette décision a été prise à l'époque, sans consultation ni justification, a grandement porté préjudice à la réputation de ces services ainsi que du nouveau gouvernement, laquelle ne pourra être rétablie que si ces services démontrent que les changements apportent de meilleurs résultats opérationnels. Comme indiqué plus haut, dans le cas présent, l'image générale d'une réforme mise en œuvre prématurément a en plus souffert de la controverse sur la nomination du nouveau responsable de l'agence de sécurité.

Le partage des tâches avec le ministère de l'intérieur est également une question fondamentale. Par exemple, la SANS sera chargée de la lutte contre la production et le trafic international de drogues, alors que la police traitera les autres affaires de criminalité liée à la drogue. La SANS traitera les affaires de corruption de haut niveau et la police aura parmi ses attributions la lutte contre toutes les autres formes de corruption. Parfois, il sera peut-être nécessaire, en cours d'enquête, de réaffecter les affaires.

La SANS et le ministère public ont constitué des équipes spécialisées chargées de la lutte contre la corruption, le trafic et la criminalité financière[29]. 

Alors que cette réorganisation est susceptible de favoriser quelques avancées, notamment grâce à une approche plus intégrée compte tenu des liens entre la corruption et la criminalité organisée, la nouvelle agence devra cependant se montrer particulièrement efficace si elle veut dissiper l'impression négative engendrée par la controverse entourant sa création. Une attention particulière doit être accordée à la coopération avec les services répressifs d'autres États membres[30].

Plus généralement, les rapports MCV avaient recommandé une analyse détaillée des raisons pour lesquelles certaines affaires avaient été bloquées dans le passé ou n'avaient pas abouti, impliquant toutes les autorités concernées du gouvernement et de l'appareil judiciaire[31]. Des problèmes perçus tels que le recours aux experts devant les tribunaux, la protection insuffisante des témoins et les problèmes avec les éléments de preuve doivent être examinés dans la perspective des enquêtes policières, du ministère public et du stade du procès, si l'on veut obtenir des améliorations. Les progrès accomplis dans la réalisation de cette analyse ont été lents, et des initiatives parallèles prises par le ministère public et le Conseil supérieur de la magistrature laissent apparaître un manque de coordination et, dans une certaine mesure, d'appropriation de l'initiative[32]. Des discussions ouvertes avec les parties prenantes et la société civile, suivies d'un plan d'action clair, sont nécessaires pour relancer le processus.

La confiscation des avoirs est un instrument essentiel pour priver les groupes criminels organisés de leurs revenus illégaux. Il semble que les nouveaux dirigeants de la commission chargée de l'identification et de la confiscation des avoirs d'origine criminelle (CEPACA) aient légèrement accru le volume d'avoirs confisqués. Cependant, la nouvelle loi, même si elle a amélioré certains aspects, comprenait également certains amendements parlementaires qui ont introduit de nouveaux obstacles, notamment la définition d'un seuil très élevé d'enrichissement injustifié pour que la CEPACA intervienne d'office. Il subsiste par conséquent certains points d'interrogation en ce qui concerne le nouveau cadre juridique et son impact sur la capacité de la CEPACA d'agir avec efficacité[33].

De même, les parquets et tribunaux spécialisés doivent encore présenter des résultats convaincants en ce qui concerne le traitement efficace d'affaires importantes. Il est toujours préoccupant de constater que certains aspects de leur configuration nuisent à leur efficacité, notamment l'absence de pouvoirs pour établir les priorités, laissant les institutions encombrées par des affaires mineures. Le manque d'expertise technique est également souvent épinglé par les parquets spécialisés comme un grave problème opérationnel, et l'importance croissante des enquêtes financières dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée en font un élément particulièrement important.

3.         CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

Depuis le dernier rapport de la Commission en juillet 2012, la Bulgarie a enregistré quelques avancées. Certaines améliorations ont été introduites sur le plan des procédures de nomination, quelques mesures de gestion utiles ont été prises par le procureur général et quelques résultats ont été enregistrés par le Conseil supérieur de la magistrature en ce qui concerne la question de la charge de travail.

Toutefois, dans l'ensemble, les progrès n'ont pas encore été suffisants et restent fragiles. La confiance de l'opinion publique est largement conditionnée par des moments clés, à l'occasion de décisions ou d'événements revêtant une importance suffisante pour garantir un intérêt plus général. La plupart de ces événements intervenus au cours des 18 derniers mois – période au cours de laquelle la Bulgarie a connu trois gouvernements différents – ont été source d'inquiétude plutôt que rassurants, certaines nominations ayant dû être annulées en raison de problèmes d'intégrité, du fait que des dirigeants condamnés de groupes criminels organisés ont échappé à la justice et d'une succession de révélations sur l'ingérence politique dans le système judiciaire. Les cas où des affaires de corruption ou de criminalité organisée ont abouti devant les tribunaux restent très rares.

Des voix s'élèvent en Bulgarie en faveur des réformes, frustrées par la lenteur des changements, qui méritent d'être encouragées. Pour progresser plus rapidement vers la réalisation des critères de référence du MCV, les autorités bulgares doivent les prendre en compte et assurer une gestion basée sur une vision axée sur des principes fondamentaux tels que l'État de droit et l'indépendance du système judiciaire. Ceci impliquerait un engagement politique envers une stratégie de réforme à long terme ainsi que des mesures concrètes et pratiques à court terme pour faire avancer le processus.

La Commission invite la Bulgarie à prendre des mesures dans les domaines mentionnés ci-après:

1.         Indépendance, intégrité et responsabilisation du système judiciaire

Les règles régissant les nominations devraient être appliquées clairement et de manière transparente. Pour restaurer la confiance de la population, il faudra pouvoir faire état de plusieurs cas où les nominations sont clairement basées sur les critères de professionnalisme et d'intégrité, particulièrement dans le cas de nominations aux postes les plus élevés. Dans ce domaine, la Bulgarie devrait:

· élaborer un ensemble de normes objectives pour les évaluations et les promotions, centrées sur le mérite, l'intégrité et la transparence, et mettre en place un système pour surveiller et évaluer l'application de ces normes dans la pratique, compte tenu des spécificités des fonctions des juges, des procureurs et des enquêteurs. À ces deux stades, impliquer les associations professionnelles et les autres parties prenantes concernées;

· élaborer, au sein du Conseil supérieur de la magistrature, une pratique cohérente en matière d'application de critères objectifs de mérite, d'intégrité et de transparence aux nominations, y compris aux postes élevés;

· garantir l'intégrité et la transparence du système d'attribution des affaires dans l'ensemble de l'appareil judiciaire, avec un système d'attribution aléatoire vérifié par des experts indépendants, pour assurer que les responsables administratifs soient pleinement responsables de toute décision de s'écarter du système. Des règles communes pour l'application du système s'imposent, qui devraient s'appliquer à tous les tribunaux; 

· réorienter le travail de l'Inspection du Conseil supérieur de la magistrature pour agir de manière proactive afin de promouvoir l'intégrité et l'efficacité du système judiciaire;

· établir une procédure claire permettant au Conseil supérieur de la magistrature de réagir publiquement en cas d'ingérence politique dans le système judiciaire et le ministère public.

2.         Réforme du système judiciaire

La stratégie mise à jour relative à la réforme du système judiciaire devrait être utilisée pour orienter et dynamiser la réforme. Dans ce domaine, la Bulgarie devrait:

· mettre en œuvre le plan d'action pour le ministère public dans les délais proposés. Inclure le plan d'action dans la réforme plus vaste du système judiciaire. Entretemps, au sein du Conseil supérieur de la magistrature, prendre des mesures concrètes pour régler de manière objective le problème de la charge de travail inégale entre les tribunaux et les magistrats;

· la stratégie devrait prévoir un rapport annuel du Conseil supérieur de la magistrature sur les progrès réalisés en matière de réforme du système judiciaire et en ce qui concerne les objectifs pour l'année à venir, pour renforcer la transparence du processus;

définir un objectif en ce qui concerne l’achèvement des travaux relatifs au nouveau code pénal et la mise en œuvre de celui-ci; garantir la participation ouverte de toutes les ONG et organisations professionnelles importantes à la définition et au suivi des stratégies en matière de réforme.

3.         Efficacité du système judiciaire

Il conviendrait de poursuivre les efforts menés pour trouver des solutions aux questions relatives aux déséquilibres de la charge de travail et à la répartition des ressources, ainsi qu'à celles concernant les évaluations et les promotions en tenant pleinement compte du critère d'intégrité. Dans ce domaine, la Bulgarie devrait en outre:

· établir des procédures claires, des normes et des pénalités pour assurer la cohérence des sanctions disciplinaires. Celles-ci devraient servir de base pour une approche cohérente par les responsables administratifs;

· rendre entièrement accessible au public l'audit fonctionnel des parquets mené par le procureur général ainsi que le plan d'action et lancer une consultation publique sur le plan d'action;

· résoudre les lacunes concernant l’exécution effective des décisions de justice, telles que la fuite des personnes cherchant à échapper à des peines d'emprisonnement ou la non-exécution des sanctions financières imposées par les tribunaux;

· réaliser des avancées concrètes dans le domaine de la justice en ligne, de manière à améliorer l'efficacité, la transparence et la cohérence du processus judiciaire à court et moyen termes, ainsi que dans une perspective à long terme.

4.         Corruption

La lutte contre la corruption nécessite un effort soutenu et cohérent en matière de prévention, mais également en ce qui concerne la poursuite des infractions et la sanction des actes illicites. Dans ce domaine, la Bulgarie devrait:

attribuer la coordination de la lutte contre la corruption à une institution unique, qui devra contribuer aux efforts déployés dans différents secteurs et coordonner ceux-ci;

· réexaminer et actualiser la stratégie nationale de lutte contre la corruption en consultation avec les organisations de la société civile, basée sur le modèle standard d'une administration publique disposant de services d'inspection indépendants, transparents et responsables;

· prendre des mesures pour réduire le risque de corruption dans les procédures de marchés publics en les rendant plus simples et plus transparentes;

· revoir les procédures relatives aux conflits d'intérêts de manière à en assurer l'efficacité et l'impartialité et consolider la crédibilité du mécanisme de sanction.

5.         Criminalité organisée

En matière de criminalité organisée, les enquêtes et les sanctions constitueront toujours le moyen le plus efficace de progresser; les avancées dans les cas emblématiques restent donc d'une importance capitale. Dans ce domaine, la Bulgarie devrait:

· élaborer et mettre en œuvre un plan d'action, basé sur la très attendue analyse complète et indépendante des échecs dans le traitement des affaires, ainsi qu'un calendrier pour la mise en œuvre de mesures concrètes pour aborder tous les aspects et tous les stades du système judiciaire et répressif;

· s'attaquer spécifiquement au problème des prévenus dans les affaires de haut niveau prenant la fuite avant une décision de justice définitive, avec une attribution claire des responsabilités pour tout dysfonctionnement;

· développer une politique claire régissant les relations entre l'agence d'État pour la sécurité nationale (SANS) et les organes chargés de la lutte contre la criminalité organisée dans d'autres États membres, ainsi que des procédures opérationnelles spécifiques pour assurer le maintien et l'amélioration de la coopération avec ces organes;

· prévoir des dispositions pour que le tribunal et le parquet spécialisés dans les affaires liées à la criminalité organisée puissent se concentrer sur les affaires de haut niveau; 

· assurer la coopération nécessaire entre la commission chargée de la confiscation des avoirs et les services répressifs compétents; réaliser, d'ici l'été 2014, une évaluation indépendante de la nouvelle loi sur la confiscation des avoirs et de ses conséquences.

[1] COM(2012) 411 final.

[2] 24 septembre 2012.

[3] Voir les derniers chiffres fournis par le Forum économique mondial  http://reports.weforum.org/the-global-competitiveness-report-2013-2014/

[4] Par exemple, COM(2012) 411, p. 6.

[5] Par exemple, la pratique consistant à donner aux opérations de police le nom des juges ayant échoué à imposer des mesures de détention à l'encontre de suspects interpellés a été abandonnée.

[6] Rapport technique, p. 2.

[7] COM(2012) 411 final, réf.

[8] COM(2012) 411 final, p. 6.

[9] Rapport technique, pp. 13-14.

[10] Rapport technique, pp. 11-12.

[11] Des affaires en cours concernant des allégations de mises sur écoute et de manipulations électorales seront un test à cet égard.

[12] Rapport technique, p. 4 et p. 25.

[13] Rapport technique, p. 5.

[14] Il existe des normes internationalement reconnues, telles que celles du réseau européen des Conseils de la justice: http://encj.net/images/stories/pdf/GA/Dublin/encj_dublin_declaration_def_dclaration_de_dublin_recj_def.pdf 

[15] En ce qui concerne les évaluations et les promotions, les procédures disciplinaires sont tantôt prises en compte lors des exercices de promotion, tantôt pas.

[16] Rapport technique, p. 10.

[17] COM(2012) 411 final, p. 21.

[18] Rapport technique, p. 14.

[19] Rapport technique, pp. 6-7.

[20] COM(2012) 411 final, p. 7 et p. 21.

[21] Rapport technique, p. 11.

[22] Rapport technique, p. 9.

[23] Centre pour l'étude de la démocratie, de la corruption et de la lutte contre la corruption en Bulgarie (2012-2013), dossier politique n° 43, novembre 2013. Selon l’indice de perception de la corruption 2013 établi par Transparency International, la Bulgarie occupe la deuxième place parmi les États membres de l'UE en ce qui concerne le niveau de corruption perçu. (http://www.transparency.org/cpi2013).

[24] Selon le rapport mondial sur la compétitivité pour 2013, la corruption est considérée comme le facteur le plus problématique pour qui veut exercer des activités en Bulgarie. http://www3.weforum.org/docs/WEF_GlobalCompetitivenessReport_2013-14.pdf p. 138.

[25] COM(2012) 411 final, p. 14.

[26] Contacts directs entre la Commission et les organisations d'entreprises.

[27] L'enlisement d'une affaire de confiscation des avoirs à l'encontre du même groupe est venu renforcer ces inquiétudes.

[28] En effet, une affaire comparable concernant un prévenu accusé d'un double meurtre est survenue en décembre 2013.

[29] En plus de l'unité spécialisée dans les délits impliquant la magistrature mentionnée plus haut.

[30] L'admissibilité dans certaines juridictions de preuves recueillies par les services de sécurité constitue un problème particulier.

[31] COM(2012) 411 final, p. 14 et p. 21.

[32] Rapport technique, p. 24.

[33] Rapport technique, pp. 25-26.

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