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Document 52003DC0101

Deuxieme Rapport de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur l'application des directives 90/364, 90/365 et 93/96 (droit de séjour)

/* COM/2003/0101 final */

52003DC0101

Deuxieme rapport de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur l'application des directives 90/364, 90/365 et 93/96 (droit de séjour) /* COM/2003/0101 final */


DEUXIEME RAPPORT DE LA COMMISSION AU CONSEIL ET AU PARLEMENT EUROPEEN Sur l'application des directives 90/364, 90/365 et 93/96 (droit de séjour)

RESUME

Le présent rapport est le deuxième rapport sur l'application des trois directives relatives au droit de séjour des citoyens de l'Union et les membres de leur famille, quelle que soit leur nationalité, qui n'exercent pas d'activité économique dans l'Etat membre d'accueil (« inactifs ») et couvre la période 1999-2002.

Tout d'abord, une série d'arrêts de la Cour de justice a établi ou confirmé des principes très importants pour l'application des trois directives, notamment :

- les étudiants ne doivent pas prouver qu'ils disposent de ressources suffisantes d'un montant déterminé, mais une simple déclaration suffit ;

- les Etats membres ne peuvent pas limiter les moyens de preuve des ressources suffisantes et de l'assurance maladie qui peuvent être invoqués, ni disposer que certains documents doivent être délivrés ou visés par l'autorité d'un autre Etat membre ;

- les bénéficiaires des trois directives en question bénéficient de l'application du principe de non-discrimination et ont droit à des prestations sociales du régime non contributif, tel que le minimum de moyens de subsistance, sauf en cas d'exceptions expressément prévues ;

- en cas de recours des bénéficiaires des trois directives à l'assistance sociale du pays de l'Etat membre d'accueil, celui-ci n'a pas la possibilité de mettre fin à leur droit de séjour automatiquement et doit faire preuve de solidarité lorsque ceux-ci rencontrent des difficultés d'ordre temporaire ;

- l'entrée irrégulière ou l'absence ou la péremption du visa d'entrée requis par le droit communautaire ne constitue pas une raison valable pour les Etats membres leur permettant de refuser la délivrance d'une carte de séjour aux ressortissants de pays tiers qui sont membres de la famille d'un citoyen de l'Union au sens du droit communautaire ;

- l'article 18 du traité CE, qui consacre le droit de libre circulation et de séjour des citoyens de l'Union, a un effet direct, mais les limitations et conditions prévues continuent d'être appliquées ;

- les dispositions relatives à la libre circulation des personnes doivent être interprétées à la lumière de l'exigence du respect de la vie familiale prévue à l'article 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme (CEDH) ; par conséquent, le parent, quelle que soit sa nationalité, qui a la garde des enfants ayant le droit de séjour dans le pays d'accueil en vertu de l'article 12 du règlement 1612/68, a aussi le droit de séjour sur cette base, même si les parents ont entre-temps divorcé ou que le parent qui a la qualité de citoyen de l'Union n'est plus un travailleur migrant dans l'Etat membre d'accueil.

La Commission, pour sa part, a intensifié ses efforts pour l'application correcte des trois directives en engageant des procédures d'infraction contre des Etats membres à divers sujets, comme par exemple la provenance des ressources, la durée de validité de la carte de séjour, les documents qui peuvent être demandés, etc. Elle continuera à veiller à la bonne application des trois directives en ayant comme guide les implications de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et du statut de citoyen de l'Union.

Enfin, par sa proposition d'une nouvelle directive sur le droit de séjour du 29 juin 2001, qui remplacera, si le Conseil et le Parlement européen l'adoptent, les divers instruments juridiques actuellement en vigueur, la Commission a la volonté politique de résoudre les problèmes résultant des trois directives :

- par l'extension de trois à six mois du droit de séjour sans aucune condition ni formalité ;

- pour les séjours de plus de six mois, par le remplacement de la carte de séjour par un enregistrement et de la preuve des ressources suffisantes et de l'assurance maladie par une simple déclaration, comme c'est le cas actuellement pour les étudiants en ce qui concerne les ressources suffisantes ; et

- par l'instauration d'un droit de séjour permanent acquis après quatre ans de résidence dans l'Etat membre d'accueil qui supprime les conditions du droit de séjour et assimile de façon permanente le statut des bénéficiaires, sur le plan de l'assistance sociale, au statut des nationaux.

INTRODUCTION

Le présent rapport est le deuxième rapport sur l'application des directives 90/364/CEE du Conseil, du 28 juin 1990, relative au droit de séjour (JO L 180 du 13.07.1990, page 26), 90/365/CEE du Conseil, du 28 juin 1990, relative au droit de séjour des travailleurs salariés et non salariés ayant cessé leur activité professionnelle (JO L 180 du 13.07.1990, page 28), et 93/96/CEE du Conseil, du 29 octobre 1993, relative au droit de séjour des étudiants (JO L 317 du 18.12.1993, page 59), les trois directives relatives au droit de séjour des citoyens de l'Union et des membres de leur famille, quelle que soit leur nationalité, qui n'exercent pas d'activité économique dans l'Etat membre d'accueil. L'adoption de ces trois directives marque le passage de la libre circulation des personnes afin d'exercer une activité économique à la libre circulation des personnes en tant que citoyens et indépendamment de l'exercice d'une activité économique.

Par ce rapport, la Commission européenne remplit l'obligation, que lui imposent l'article 4 des directives 90/364 et 90/365, ainsi que l'article 5 de la directive 93/96, de présenter tous les trois ans en la matière un rapport au Parlement européen et au Conseil. Le premier rapport ayant été présenté le 17 mars 1999 [1], le deuxième rapport couvre la période depuis cette date jusqu'à la date de sa présentation. Par ailleurs, le troisième rapport de la Commission sur la citoyenneté de l'Union [2], qui couvre la période 1997-2001, se réfère aux développements en matière de citoyenneté de l'Union et notamment au droit de libre circulation qui constitue le noyau des droits attachés au statut de citoyen de l'Union.

[1] COM(1999) 127 final.

[2] COM(2001) 506 final du 07.09.2001.

En outre, l'article 5, second alinéa, de la directive 93/96, sur le droit de séjour des étudiants, demande à la Commission de prêter une attention particulière aux difficultés qui pourraient résulter, dans les Etats membres, de l'application de l'article premier de cette directive [3] et de soumettre au Conseil, le cas échéant, des propositions visant à remédier à de telles difficultés. La Commission n'a pas jusqu'à présent constaté de difficultés dans les Etats membres résultant de l'application de l'article premier de la directive et les Etats membres ne lui ont pas fait part de difficultés provoquées par un afflux d'étudiants venant d'autres Etats membres ou par une charge déraisonnable pour leurs finances publiques.

[3] Cet article dispose : « Afin de préciser les conditions destinées à faciliter l'exercice du droit de séjour et en vue de garantir l'accès à la formation professionnelle, de manière non discriminatoire, au bénéfice d'un ressortissant qui a été admis à suivre une formation professionnelle dans un autre Etat membre, les Etats membres reconnaissent le droit de séjour à tout étudiant ressortissant d'un Etat membre qui ne dispose pas de ce droit sur la base d'une autre disposition du droit communautaire, ainsi qu'à son conjoint et à leurs enfants à charge et qui, par déclaration ou, au choix de l'étudiant, par tout autre moyen au moins équivalent, assure à l'autorité nationale concernée disposer de ressources afin d'éviter qu'ils ne deviennent, pendant leur séjour, une charge pour l'assistance sociale de l'Etat membre d'accueil, à condition qu'il soit inscrit dans un établissement agréé pour y suivre, à titre principal, une formation professionnelle et qu'il dispose d'une assurance maladie couvrant l'ensemble des risques dans l'Etat membre d'accueil ».

Le premier rapport a décrit en détail les lenteurs et les difficultés de la transposition des trois directives dans les droits internes des Etats membres, qui s'est clôturée par l'adoption par la République italienne du décret législatif n° 358 du 2 août 1999, quelques mois avant le prononcé de l'arrêt de la Cour de justice dans l'affaire C-424/98, Commission contre République italienne, le 25 mai 2000.

Malgré le fait que la transposition a eu lieu, des cas individuels de mauvaise application, découverts suite à des plaintes adressées à la Commission ou à des pétitions introduites devant la commission des pétitions du Parlement européen, n'ont pas manqué.

La période couverte par le présent rapport se caractérise par un effort intensifié de la Commission d'engager et de mener à terme des procédures d'infraction contre les Etats membres qui, par des dispositions législatives ou réglementaires, circulaires, instructions ou pratiques administratives, ont manqué à leurs obligations découlant de ces trois directives ; elle est aussi marquée par des développements très importants dans la jurisprudence de la Cour de justice, qui, tirant les conséquences de la citoyenneté de l'Union, donnent une interprétation plus souple des conditions prévues par les trois directives pour la reconnaissance du droit de séjour. Elle est couronnée par une initiative législative de grande envergure de la Commission qui vise à faciliter et à simplifier, par un instrument unique remplaçant les multiples instruments juridiques actuellement en vigueur, l'exercice du droit des citoyens de l'Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres.

Enfin, la signature et la proclamation de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne par les présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, le 7 décembre 2000, à Nice revêt une importance particulière pour la libre circulation des personnes, non parce qu'elle consacre, dans son chapitre Citoyenneté et notamment par son article 45, le droit de tout citoyen ou de toute citoyenne de l'Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres sous réserve des conditions et limitations prévues par le droit communautaire [4], ce qui, en fait, ne change rien au droit communautaire de la libre circulation des personnes actuellement en vigueur, mais parce que la Charte codifie et rend visibles et clairs les droits fondamentaux, qui lient les trois institutions de l'Union, notamment la Commission, et servent à celle-ci de guide d'interprétation des dispositions du droit de la libre circulation des personnes actuellement en vigueur et de ligne directrice pour les initiatives législatives actuelles ou futures.

[4] Article 52, paragraphe 2, de la Charte.

I. L'APPORT DE LA JURISPRUDENCE DE LA COUR DE JUSTICE

Quatre arrêts [5] ont été rendus par la Cour de justice en la matière pendant la période couverte par le présent rapport, dont le premier à l'initiative de la Commission qui a saisi la Cour de justice contre la République italienne pour mauvaise transposition des trois directives.

[5] Arrêts de la Cour de justice du 25 mai 2000 dans l'affaire C-424/98, Commission contre République italienne, Recueil 2000, page I-4001, du 20 septembre 2001 dans l'affaire C-184/99, Grzelczyk, Receuil 2001, page I-6193, du 25 juillet 2002 dans l'affaire C-459/99, MRAX, Recueil 2002, page I-6591 et du 17 septembre 2002 dans l'affaire C-413/99, Baumbast, R, non encore publié au Recueil.

De l'arrêt de la Cour de justice du 25 mai 2000 [6], on peut tirer trois enseignements :

[6] Affaire C-424/98, Commission contre République italienne, Recueil 2000, page I-4001.

a) Sur le montant des revenus des membres de la famille des bénéficiaires de la directive 90/364, en comparaison avec les bénéficiaires de la directive 90/365

La Cour de Justice, contrairement à la position défendue par la Commission, a admis que le fait pour un Etat membre, d'accorder un régime plus favorable aux membres de la famille des personnes ayant exercé une activité professionnelle qu'à ceux des bénéficiaires de la directive 90/364 ne constitue pas en soi la preuve que le montant supérieur exigé de ces derniers excède la marge de manoeuvre des Etats membres [7].

[7] En effet, la législation italienne prévoyait que le montant minimal des ressources suffisantes d'un membre de la famille d'un bénéficiaire de la directive 90/364 doit être supérieur d'un tiers par rapport au même montant exigé d'un membre de la famille d'un bénéficiaire de la directive 90/365.

Comme le grief de la Commission portait sur une différenciation spécifique prévue par la législation italienne et eu égard aux motifs de l'arrêt, on pourrait difficilement en déduire un principe général selon lequel les Etats membres sont entièrement libres de fixer différents montants des ressources suffisantes pour les bénéficiaires des deux directives. En effet, la Cour de Justice réaffirme par ailleurs que les Etats membres doivent exercer leurs compétences dans le respect des libertés fondamentales garanties par le traité et de l'effet utile des dispositions des directives comportant des mesures pour abolir, entre eux-mêmes, les obstacles à la libre circulation des personnes, afin que l'exercice du droit de séjour des citoyens de l'Union européenne et des membres de leur famille sur le territoire de tout Etat membre soit facilité.

Toutefois, le problème n'est que théorique, étant donné que le seul Etat membre (Italie) qui prévoyait une différenciation l'a supprimée avant même le prononcé de l'arrêt de la Cour.

b) Sur les documents que les bénéficiaires des directives 90/364 et 90/365 sont tenus de présenter

Sur base du même principe, la Cour de Justice indique que les Etats membres doivent recourir aux diverses possibilités que présentent d'autres règles du droit communautaire, en ce qui concerne notamment l'administration de la preuve, au moyen des certificats délivrés par les organismes nationaux de sécurité sociale à la demande des intéressés, de la couverture par un régime déterminé de sécurité sociale et du montant des pensions et rentes versées par ces organismes et a reconnu qu'en limitant les moyens de preuve qui peuvent être invoqués et en disposant notamment que certains documents doivent être délivrés ou visés par l'autorité d'un autre Etat membre, la République italienne a outrepassé les limites que lui impose le droit communautaire.

La jurisprudence de la Cour confirme donc la flexibilité des modes de preuve des conditions posées par les deux directives et, indirectement, le libre choix de l'intéressé. En effet, il ressort de cette jurisprudence, d'une part, que le bénéficiaire des directives 90/364 et 90/365 a un choix entre plusieurs possibilités de preuve de ses ressources suffisantes et de son assurance maladie, sans qu'il puisse lui être demandé que les documents à présenter doivent émaner ou être visés par une autorité d'un Etat membre et, de l'autre, qu'un Etat membre ne peut limiter les moyens de preuve, en exigeant, par exemple, de manière limitative, un extrait de compte bancaire ou un document émanant d'un autre Etat membre ou visé par un de ses services consulaires. L'Etat membre doit au contraire laisser le choix à l'intéressé entre tous les moyens de preuve pouvant être présentés, qu'ils soient des documents publics ou sous seing privé.

c) Sur les dispositions en matière de ressources des étudiants

La Cour confirme la position de la Commission selon laquelle le régime de la directive 93/96 sur le droit de séjour des étudiants diffère de celui des deux autres directives en ce qui concerne les ressources suffisantes. En effet, la Cour, après avoir constaté que dans la directive 93/96 ne figure aucune condition relative à des ressources d'un montant déterminé devant, au surplus, être justifiées par des documents spécifiques, conclut qu'un Etat membre ne peut exiger de l'étudiant bénéficiaire de cette directive une preuve ou une garantie de ressources d'un montant déterminé, mais doit se contenter d'une déclaration ou de tout autre moyen au moins équivalent au choix de l'intéressé, même s'il est accompagné de membres de sa famille. Par ailleurs, dans son arrêt Grzelczyk du 20 septembre 2001 (voir infra), la Cour de justice a dit pour droit que « ...la situation financière d'un étudiant peut changer au fil du temps pour des raisons indépendantes de sa volonté. La véracité de sa déclaration ne peut donc être évaluée qu'au moment ou elle est faite » (point 45).

Il résulte de la jurisprudence précitée que l'exigence par une autorité nationale à l'égard d'un étudiant bénéficiaire de la directive 93/96 de présenter un document spécifique, tel par exemple un extrait de compte, pour justifier qu'il remplit la condition de ressources suffisantes prévue par la directive, n'est pas conforme à celle-ci.

d) Le droit de séjour des inactifs suite au recours à l'assistance sociale

L'article 3 des directives 90/364 et 90/365 et l'article 4 de la directive 93/96 prévoient que le droit de séjour demeure tant que le bénéficiaire remplit les conditions de ressources suffisantes et d'assurance maladie. En se basant sur cette disposition, des Etats membres mettent automatiquement fin au droit de séjour des bénéficiaires des trois directives, lorsque ceux-ci font appel à l'assistance sociale.

Par son arrêt du 20 septembre 2001 [8], dans l'affaire C-184/99, Grzelczyk, la Cour de justice a limité la possibilité pour les Etats membres, sur base des dispositions précitées des trois directives, de mettre fin au droit de séjour des bénéficiaires des trois directives lorsqu'ils font appel, faute de ressources suffisantes, à l'assistance sociale.

[8] Recueil 2001, page I-6193.

Tout en reconnaissant qu'un Etat membre peut considérer qu'un étudiant qui a eu recours à l'assistance sociale ne remplit plus les conditions auxquelles est soumis son droit de séjour et peut mettre fin à son droit de séjour, la Cour admet cependant que ceci doit se faire « dans le respect des limites imposées à cet égard par le droit communautaire » (point 42 de l'arrêt), en sous-entendant l'application du principe de proportionnalité, et que « de telles mesures ne peuvent en aucun cas devenir la conséquence automatique du recours à l'assistance sociale de l'Etat membre d'accueil par un étudiant ressortissant d'un autre Etat membre » (point 43). La Cour exclut ainsi catégoriquement et dans tous les cas sans exception, l'automatisme entre le recours à l'assistance sociale et la fin du droit de séjour.

La Cour fonde son appréciation sur le sixième considérant de la directive 93/96, selon lequel les bénéficiaires du droit de séjour ne doivent pas devenir une charge « déraisonnable » pour les finances publiques de l'Etat membre d'accueil, d'où résulte, selon la Cour, que « la directive 93/96, tout comme les directives 90/364 et 90/365 d'ailleurs, admet donc une certaine solidarité financière des ressortissants de cet Etat avec ceux des autres Etats membres, notamment si les difficultés que rencontre le bénéficiaire du droit de séjour sont d'ordre temporaire » (point 44).

Tout d'abord, il ressort de la référence aux directives 90/364 et 90/365 et de l'unicité qui caractérise le système suivi par les trois directives que la jurisprudence de la Cour pourrait être appliquée non seulement aux étudiants, que concernait l'affaire au principal, mais aussi par analogie aux bénéficiaires des directives 90/364 et 90/365. Par ailleurs, la Cour exclut la possibilité pour les Etats membres de mettre fin au droit de séjour des étudiants et des autres inactifs, lorsqu'ils rencontrent des difficultés financières d'ordre temporaire.

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la Cour a exclu pour les étudiants et les autres catégories d'inactifs et dans tous les cas sans exception, l'automatisme entre le recours à l'assistance sociale et la fin du droit de séjour, rendant ainsi incompatibles avec le droit communautaire toutes les dispositions nationales qui prévoient un tel automatisme [9], et la possibilité des Etats membres de mettre fin au droit de séjour lorsque les bénéficiaires des trois directives rencontrent notamment des difficultés d'ordre temporaire. La Commission veillera à ce que les Etats membres prennent les mesures nécessaires à cet effet.

[9] La Commission a déjà envoyé, suite à l'arrêt de la Cour de justice du 20 septembre 2001, une lettre de mise en demeure complémentaire contre un Etat membre dont la législation prévoit un tel automatisme avec une mention spéciale sur la carte de séjour elle-même. L'Etat membre mis en cause a répondu qu'il modifiera sa législation suite à l'arrêt en question.

e) Sur le principe de l'interdiction de discrimination en raison de la nationalité et la reconnaissance du statut du citoyen de l'Union

En confirmant sa jurisprudence Martinez Sala [10], la Cour de justice répète dans son arrêt Grzelczyk que le citoyen de l'Union peut se prévaloir du principe de l'interdiction des discriminations de l'article 12 du traité CE dans toutes les situations relevant du domaine d'application ratione materiae du droit communautaire, qui comprennent notamment celles relevant de l'exercice de la liberté de circuler et de séjourner sur le territoire des Etats membres, telle que conférée par l'article 18 du traité CE.

[10] Arrêt du 12 mai 1998 dans l'affaire C-85/96, Rec. p. I-2691.

Sur base de l'article 12, lu en combinaison avec les dispositions du traité sur la citoyenneté de l'Union, la Cour dit dans son arrêt Grzelczyk que « ...le statut de citoyen de l'Union a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des Etats membres permettant à ceux parmi ces derniers qui se trouvent dans la même situation d'obtenir, indépendamment de leur nationalité et sans préjudice des exceptions expressément prévues à cet égard, le même traitement juridique » (point 31) [11].

[11] Dans son arrêt du 11 juillet 2002 dans l'affaire C-224/98, D'Hoop, Recueil 2002, page I-6191, la Cour de justice dit (point 35) que le statut de citoyen de l'Union lui offre la garantie d'un même traitement juridique dans l'exercice de sa liberté de circuler.

On pourrait en conclure que les inactifs citoyens de l'Union qui résident légalement dans un autre Etat membre bénéficient, du fait de leur statut de citoyen de l'Union, de l'égalité de traitement avec les nationaux. Toutefois, la Cour de justice admet des limitations à cette règle lorsqu'il y a « des exceptions expressément prévues à cet égard » par le droit communautaire. Ainsi la Cour admet-t-elle implicitement dans son arrêt Grzelczyk, le droit de l'Etat membre d'accueil de ne pas payer une bourse d'entretien aux étudiants bénéficiant du droit de séjour, sur base de l'article 3 de la directive 93/96 [12]. Il est rappelé, dans ce contexte, que les étudiants bénéficient de l'égalité de traitement par rapport à toute aide relative à l'accès à l'éducation (frais d'inscription et scolarité) [13]. Par contre, la Cour constate que « en revanche, aucune disposition de ladite directive n'exclut ses bénéficiaires des prestations sociales » (point 39) pour conclure, en se fondant sur les articles 12 et 17 du traité CE, qu'un Etat membre ne peut exclure du bénéfice d'une prestation sociale d'un régime non contributif, tel que le minimum de moyens d'existence, les ressortissants des Etats membres autre que l'Etat membre d'accueil sur le territoire duquel lesdits ressortissants séjournent légalement, au motif que ces derniers n'entrent pas dans le champ d'application du règlement n° 1612/68, dès lors qu'aucune condition de cette nature ne s'applique aux nationaux.

[12] Cet article dispose : « La présente directive ne constitue pas le fondement d'un droit au paiement, par l'Etat membre d'accueil, de bourses d'entretien aux étudiants bénéficiant du droit de séjour ».

[13] Le septième considérant de la directive 93/96 dispose qu'en l'état actuel du droit communautaire une aide aux étudiants pour leur entretien ne relève pas, ainsi qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice, du domaine d'application du traité au sens de l'article 7 dudit traité. La version anglaise de ce texte omet, par erreur, le mot "maintenance" avant "assistance granted to students".

Par conséquent, il est clair que les bénéficiaires des directives 90/364, 90/365 et 93/96 ont, sur base des articles 12 et 17 du traité CE, droit à l'égalité de traitement par rapport aux nationaux et droit aux prestations sociales de régime non contributif, sauf dans les cas d'exceptions expressément prévues par le droit communautaire. Ils ont même droit à l'assistance sociale, sans que l'Etat membre d'accueil puisse mettre fin automatiquement à leur droit de séjour notamment lorsque leurs difficultés financières sont d'ordre temporaire. Toutefois, le droit de séjour des bénéficiaires des directives 90/364, 90/365 [14] et 93/96 continue à être subordonné à la limitation qu'ils ne doivent pas devenir une charge déraisonnable pour les finances publiques de l'Etat membre d'accueil et, dans un tel cas, l'Etat membre d'accueil peut, dans le respect du droit communautaire, notamment du principe de proportionnalité, mettre fin à leur droit de séjour et, par conséquent, à leur droit à l'assistance sociale.

[14] Les versions anglaise, suedoise et finlandaise de l'article 1 de la directive 90/365 parle de charge « on the social security system of the host Member State (EN)», « ligga det sociala tryghetssystemet i värdmedlemsstaten (SV)» et «kuuluvan vastaanottavan jäsenvaltion sosiaaliturvajärjestelmään (FI)». Cette phrase doit être lue comme signifiant une charge « on the social assistance system of the host Member State (EN) », « ligga det sociala bidragssystemet i värdmedlemstaten (SV)» et «kuuluvan vastaanottavan jäsenvaltion sosiaalihuoltojärjestelmään (FI)», conformément aux autres versions linguistiques de la même directive, ainsi que celles des directives 90/364 et 93/96.

f) Sur le refus de délivrance d'une carte de séjour pour entrée irrégulière ou visa périmé

Dans son arrêt du 25 juillet 2002 dans l'affaire MRAX la Cour de Justice a réaffirmé l'importance d'assurer la protection de la vie familiale des ressortissants des Etats membres qui bénéficient de la réglementation communautaire relative à la libre circulation. La Cour de justice a jugé que le droit de séjour des conjoints des citoyens communautaires, ressortissants de pays tiers, découle directement des normes communautaires, indépendamment de la délivrance d'un titre de séjour par un Etat membre. La délivrance d'un titre de séjour est un acte destiné à constater la situation individuelle de l'intéressé au regard du droit communautaire. La Cour rappelle toutefois que l'Etat membre peut subordonner la délivrance de ce titre de séjour à la présentation du document sous le couvert duquel l'intéressé a pénétré sur son territoire. Les autorités nationales compétentes peuvent imposer des sanctions pour le non-respect des mesures relatives au contrôle des étrangers, pourvu qu'elles soient proportionnées. Un Etat membre peut également prendre des mesures qui dérogent à la libre circulation, si des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique sont en jeu, mais en se fondant exclusivement sur le comportement personnel de l'individu qui en fait l'objet.

En revanche, un refus du titre de séjour ou une décision d'éloignement fondés exclusivement sur le non-accomplissement de formalités légales relatives au contrôle des étrangers - telle qu'une entrée sans visa dans un Etat membre - sont des mesures disproportionnées et donc contraires aux normes communautaires, lorsque l'intéressé peut rapporter la preuve de son identité et de son lien conjugal avec un citoyen de l'Union.

A propos de la demande d'un titre de séjour après l'expiration du visa, la Cour relève que les normes communautaires ne requièrent pas de visa en cours de validité pour la délivrance d'un titre de séjour. En outre, une mesure d'éloignement du territoire au seul motif de la péremption du visa constituerait une sanction manifestement disproportionnée par rapport à la gravité de la méconnaissance des prescriptions nationales relatives au contrôle des étrangers.

g) Sur l'effet direct de l'article 18 du traité CE - Conditions et limitations à appliquer en tenant compte du principe de proportionnalité et de la protection de la vie familiale

L'arrêt de la Cour de justice du 17 septembre 2002 dans l'affaire C-413/99, Baumbast, R

La Cour a reconnu que le traité n'exige pas que les citoyens de l'Union exercent une activité professionnelle pour jouir des droits de la citoyenneté de l'Union, notamment du droit de circuler et de séjourner sur le territoire des Etats membres.La Cour a par ailleurs reconnu que l'article 18, paragraphe 1, du TCE est une disposition claire et précise et que l'application des limitations et conditions admises à cette disposition est susceptible d'un contrôle juridictionnel et reconnaît que cette disposition confère aux particuliers des droits qu'ils peuvent faire valoir en justice et que les juridictions nationales doivent donc sauvegarder.

La Cour admet que les limitations et conditions prévues par l'article 18 du TCE et par la directive 90/364 continuent à s'appliquer, car l'exercice du droit de séjour des citoyens de l'Union peut être subordonné à la protection des intérêts légitimes des Etats membres. Toutefois, cela doit se faire dans le respect des limites imposées par le droit communautaire et conformément aux principes généraux de ce droit, notamment, le principe de proportionnalité.

En appliquant ce dernier principe aux circonstances de l'affaire Baumbast , la Cour conclut que constitue une ingérence disproportionnée dans l'exercice du droit de séjour le fait pour l'Etat membre d'accueil de refuser le droit de séjour de l'intéressé au motif que l'assurance maladie dont il dispose ne couvre pas les soins urgents administrés dans cet Etat, alors qu'il dispose, ainsi que sa famille, d'une assurance maladie complète dans un autre Etat membre de l'Union et que l'article 19, paragraphe 1, sous a), du règlement 1408/71 leur garantit le droit de bénéficier, à charge de l'Etat membre compétent, de prestations de maladie en nature fournies par l'institution de l'Etat membre de résidence.

Protection de la vie familiale

Par son arrêt Baumbast, R, la Cour confirme aussi le principe dégagé dans son arrêt du 11 juillet 2002 dans l'affaire C-60/00, Carpenter [15], selon lequel les dispositions du droit communautaire relatives à la libre circulation des personnes doivent être interprétées à la lumière de l'exigence du respect de la vie familiale, prévu à l'article 8 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales (CEDH), ce respect faisant partie des droits fondamentaux qui sont reconnus par le droit communautaire.

[15] Recueil 2002, page I-6279. Dans cet arrêt, la Cour, sur base de l'article 49 du traité CE, lu à la lumière du droit fondamental au respect de la vie familiale, a dit pour droit que l'Etat membre d'origine d'un prestataire de services établi dans ce même Etat, qui fournit des services à des destinataires établis dans d'autres Etats membres, ne peut refuser le droit de séjour sur son territoire du conjoint de ce prestataire, ressortissant d'un pays tiers. Après avoir rappelé que le « législateur communautaire a reconnu l'importance d'assurer la protection de la vie familiale des ressortissants des Etats membres afin d'éliminer les obstacles à l'exercice des libertés fondamentales garanties par le traité » (point 38), la Cour dit que « (...) exclure une personne d'un pays où vivent ses parents proches peut constituer une ingérence dans le droit de la vie familiale (...) » (point 42 de l'arrêt).

En appliquant ce principe, la Cour conclut que lorsque des enfants bénéficient d'un droit de séjour dans un Etat membre afin d'y suivre des cours d'enseignement général conformément à l'article 12 du règlement n° 1612/68, cette disposition, pour ne pas être privée de son effet utile, doit être interprétée en ce sens qu'elle permet au parent qui a effectivement la garde des enfants, quelle que soit sa nationalité, de séjourner avec eux de manière à faciliter l'exercice dudit droit, nonobstant le fait que les parents ont entre-temps divorcé ou que le parent qui a la qualité de citoyen de l'Union n'est plus un travailleur migrant dans l'Etat membre d'accueil.

Il ressort de cette jurisprudence que le parent, quelle que soit sa nationalité, qui assure la garde des enfants, même s'il n'exerce pas d'activité économique dans l'Etat membre d'accueil, a le droit de séjour sans qu'il puisse être obligé de prouver qu'il dispose des ressources suffisantes et d'une assurance maladie, parce que son droit de séjour ne relève pas de la directive 90/364, mais il est fondé sur l'article 12 du règlement 1612/68, qui ne pose pas de telles conditions.

II. L'ACTION DE LA COMMISSION EN TANT QUE GUARDIENNE DE L'APPLICATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE

Introduction

Suite à la jurisprudence de la Cour de justice exposée ci-dessus, deux sont les phares qui guideront et fonderont l'action de la Commission dans son rôle de gardienne de l'application du droit communautaire de la libre circulation des personnes : d'une part, le statut de citoyen de l'Union, qui, selon la formule utilisée par la Cour de justice, a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des Etats membres, et, de l'autre, les droits fondamentaux tels que reconnus par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et les instruments internationaux, qui, en tant que principes généraux du droit, font partie intégrante du droit communautaire et sont protégés par celui-ci.

Le statut de citoyen de l'Union implique, d'une part, que le principe de l'interdiction des discriminations directes ou indirectes en raison de la nationalité s'applique pleinement aussi aux ressortissants des autres Etats membres qui n'exercent pas d'activité économique dans l'Etat membre d'accueil, sans préjudice toutefois des exceptions expressément prévues par le droit communautaire, et, de l'autre, que les Etats membres doivent faire preuve d'une certaine solidarité à l'égard de ces personnes, sans toutefois que celles-ci puissent devenir une charge déraisonnable pour les finances publiques de l'Etat membre d'accueil.

La protection des droits fondamentaux est devenue un facteur important et décisif de l'interprétation du droit communautaire. Sans vouloir anticiper la question des effets juridiques de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de son statut futur, la Commission utilise, comme par ailleurs les dispositions de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (CEDH), plusieurs dispositions de la Charte comme base d'interprétation des dispositions communautaires relatives au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles, quelle que soit leur nationalité, de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres. Notamment :

a) les articles 33 (protection de la vie familiale), 7 (respect de la vie privée et familiale), 9 (droit de se marier et de fonder une famille) et 14 (droit à l'éducation) dans le cadre de l'application des dispositions communautaires relatives au regroupement familial ;

b) les articles 8 (protection des données à caractère personnel) et 41 (droit à une bonne administration) pour les contacts des citoyens de l'Union avec les autorités nationales chargées de l'application des trois directives ; et

c) les articles 20 (égalité en droit), 21 (non-discrimination), 22 (diversité culturelle, religieuse et linguistique), 25 (droits des personnes âgées), 34 (sécurité sociale et aide sociale), 35 (protection de la santé) et 36 (accès aux services d'intérêt économique général), afin de s'assurer de la bonne application des principes de solidarité et de non-discrimination par rapport aux nationaux.

Les procédures d'infraction engagées par la Commission

Plus particulièrement, l'action de la Commission pendant les trois ans couverts par le présent rapport a porté principalement sur les sujets suivants :

Sur la provenance de ressources suffisantes dans le cadre de la directive 90/364

Malgré le fait que la directive 90/364 ne précise pas la provenance des ressources suffisantes du citoyen de l'Union qui revendique le droit de séjour sur base de cette directive, certains Etats membres exigent qu'il dispose, de son propre chef, de ressources suffisantes et n'acceptent pas de ressources provenant d'une autre personne qu'un conjoint ou un enfant.

La Commission, estimant qu'est ajoutée à la directive la condition supplémentaire que l'intéressé dispose de ressources personnelles suffisantes ou émanant uniquement du conjoint ou d'un enfant ce qui est contraire à la directive, qui n'exclut pas que les ressources suffisantes puissent provenir d'une tierce personne, notamment un parent ou un partenaire non marié, a adressé des avis motivés.

D'autres Etats membres ont aussi de manière arbitraire ajouté la condition que les ressources suffisantes doivent être personnelles. Suite à l'intervention de la Commission, la Suède a supprimé cette condition de sa législation entrée en vigueur depuis le 10 avril 2001.

Sur la durabilité des ressources et durée de validité de la carte de séjour

Certains Etats membres faisaient dépendre la durée de validité de la carte de séjour de la preuve de la durabilité des ressources suffisantes. Compte tenu de la disposition des directives 90/364 et 90/365 que la durée de validité de la carte de séjour peut être limitée à cinq ans, renouvelable, et de la possibilité de revalidation de la carte de séjour au terme des deux premières années de séjour, des autorités nationales délivraient une carte de séjour d'un ou de cinq ans, selon que l'intéressé pouvait prouver des ressources suffisantes d'un ou de cinq ans. Des plaintes ont révélé que des autorités nationales ont exigé des ressources suffisantes de cinq ans déposées sur un compte bancaire pour délivrer une carte de séjour de cinq ans.

Suite à l'intervention de la Commission, certains Etats membres, comme la Suède, ont modifié leur législation pour prévoir que les bénéficiaires des directives 90/364 et 90/365 reçoivent dans tous les cas une carte de cinq ans.

La Commission rappelle que les cinq ans doivent être la durée de validité de la carte de séjour délivrée, même si la possibilité de revalidation au terme des deux premières années de séjour est conforme au droit communautaire. Cette solution est dans la ligne de la règle générale communautaire de validité de cinq ans de la carte de séjour et en harmonie avec le régime de la libre circulation des travailleurs, qui prévoit une carte de séjour d'une validité d'au moins cinq ans.

Sur les documents exigés pour la délivrance de la carte de séjour

Les documents que les autorités nationales peuvent exiger sont énumérés dans les trois directives de manière limitative, comme cela résulte des trois directives (« Pour la délivrance de la carte ou du document de séjour, l'Etat membre ne peut demander au requérant que de présenter ... »).

Ces documents sont la carte d'identité ou le passeport et la preuve des ressources suffisantes et de l'assurance maladie ou, pour les étudiants, une déclaration des ressources suffisantes et une preuve d'assurance maladie.

Il en résulte que la pratique des Etats membres d'exiger, en plus des documents mentionnés ci-dessus, d'autres documents est contraire aux trois directives et constitue une entrave à l'exercice du droit de séjour par les bénéficiaires des trois directives. Certains Etats membres exigent parfois encore:

1) un acte de naissance, parfois même en traduction officielle : les éléments importants contenus dans un tel acte (date et lieu de naissance) se trouvent aussi sur la carte d'identité ou le passeport. Il en résulte que cette exigence est injustifiée et bureaucratique.

2) un certificat de nationalité : la même remarque vaut pour ce document, cette exigence étant injustifiée, étant donné qu'en vertu du droit communautaire, les Etats membres sont obligés de délivrer à leurs nationaux une carte d'identité ou un passeport précisant notamment la nationalité. En cas de doutes, un Etat membre a le droit de contrôler l'authenticité de la carte d'identité ou du passeport, mais en aucun cas il ne peut exiger un certificat de nationalité.

3) extrait du casier judiciaire ou déclaration d'antécédents judiciaires ou certificat de bonnes moeurs: un Etat membre ne peut exiger un tel document, parce qu'il n'est pas prévu en droit communautaire. Si un Etat membre souhaite faire usage de la réserve d'ordre public ou de sécurité publique, il doit suivre la procédure prévue à l'article 5, paragraphe 2, de la directive 64/221 et donc faire usage de la possibilité de demander des informations aux autres Etats membres.

Dans un Etat membre, tous les ressortissants des autres Etats membres doivent faire une déclaration d'antécédents judiciaires ; ceux qui refusent sont systématiquement contrôlés. Cette pratique est en plus contraire à l'article 5, paragraphe 2, de la directive 64/221 [16] qui dispose que la consultation des autres Etats membres ne peut avoir un caractère systématique.

[16] Directive 64/221/CEE du Conseil, du 25 février 1964, pour la coordination des mesures spéciales aux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique, JO n° 56 du 04.04.1964, page 850.

La Commission a déjà attiré l'attention des Etats membres que l'exigence de tels documents est incompatible avec le droit communautaire et poursuivra les procédures d'infractions déjà ouvertes contre les Etats membres qui refusent de s'y conformer.

Sur les sanctions discriminatoires pour omission d'obtenir ou de renouveler une carte de séjour

La législation espagnole prévoit que les citoyens de l'Union qui omettent d'obtenir ou de renouveler leur carte de séjour sont passibles d'amendes pouvant atteindre 3.000 EUR alors que les nationaux qui omettent d'obtenir ou de renouveler leur carte d'identité sont passibles d'une amende jusqu'à 300 EUR. Plusieurs plaintes ont révélé des cas d'amende de 240 EUR pour un retard de renouvellement de 14 mois ou de 540 EUR pour omission d'obtenir une carte de séjour pendant 4 ans.

La Commission a adressé un avis motivé à ce sujet au Royaume d'Espagne le 5 avril 2002 et, compte tenu de la réponse reçue, elle a décidé de saisir la Cour de justice.

Sur le délai de délivrance d'une carte de séjour

La Commission a reçu de nombreuses plaintes relatives à de longs délais de délivrance d'une carte de séjour, dépassant souvent les six mois, ou à de longues files d'attente, ou encore à l'absence d'une ligne spéciale pour les citoyens de l'Union et au comportement non approprié des services chargés de la délivrance de carte de séjour.

En ce qui concerne le délai de délivrance, l'article 5, paragraphe 1, de la directive 64/221 prévoit que la décision d'octroi ou de refus du premier titre de séjour doit être prise dans les plus brefs délais et au plus tard dans les six mois de la demande. Il résulte de cette disposition, contenue dans la directive relative aux mesures justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique, que la carte de séjour doit être délivrée dans les plus brefs délais. Tout à fait exceptionnellement, lorsqu'il y a des raisons d'ordre public nécessitant une consultation des autres Etats membres, un Etat membre peut faire usage de la possibilité de délivrer la carte de séjour dans un délai maximum de six mois. En aucun cas, un Etat membre ne peut, pour la délivrance d'une carte de séjour, dépasser le délai des six mois à dater de l'introduction de la demande.

En ce qui concerne l'absence d'une ligne spéciale pour les citoyens de l'Union, il y a lieu de rappeler qu'une telle mesure, même si dans certains Etats membres ou dans certaines villes cette mesure est appliquée, n'est pas prévue par le droit communautaire, comme c'est le cas pour les contrôles aux frontières. Toutefois, l'existence d'une ligne séparée en faveur des citoyens de l'Union et des membres de leur famille pour leurs contacts avec la police des étrangers serait une mesure de bonne organisation des services publics nationaux facilitant l'exercice du droit de séjour des citoyens de l'Union, vu que le traitement des dossiers des demandes de cartes de séjour des citoyens de l'Union est beaucoup plus simple par rapport aux demandes des ressortissants de pays tiers. Il ne s'agirait pas d'une discrimination à l'égard de ressortissants de pays tiers, puisque la motivation de la mesure serait que le régime juridique applicable aux deux catégories de personnes n'est pas comparable. Pour des raisons de rapidité, un traitement différent des demandes émanant de ces deux catégories de personnes serait donc souhaitable.

Enfin, en ce qui concerne le fonctionnement des services publics nationaux et le comportement des fonctionnaires nationaux, il y a lieu de rappeler que, conformément au principe de subsidiarité, l'organisation des services publics nationaux relève de la compétence des Etats membres. Toutefois, les Etats membres sont obligés de prendre toutes les mesures nécessaires pour accomplir leurs obligations découlant du droit communautaire, sans qu'ils puissent invoquer des motifs d'ordre économique ou financier. La Commission a l'intention d'ouvrir des procédures en manquement contre les Etats membres qui, à cause d'une mauvaise organisation administrative ou de la non affectation du personnel nécessaire pour répondre au traitement des dossiers des ressortissants des autres Etats membres, créent des entraves à l'exercice du droit de séjour par les citoyens de l'Union et les membres de leur famille, quelle que soit leur nationalité.

Sur l'application du régime national des partenaires non mariés au lieu de la directive 90/364

Le droit de séjour des citoyens de l'Union ne peut être soumis qu'au régime prévu par le droit communautaire. Si le citoyen de l'Union ne tombe pas dans le champ d'application des directives 68/360, 73/148, 90/365 et 93/96 ou des règlements 1612/68 et 1251/70, la dernière possibilité qui lui reste est d'obtenir le droit de séjour sur base de la directive 90/364, laquelle consacre le droit de séjour généralisé ; toutefois, il doit encore remplir les conditions des ressources suffisantes et d'assurance maladie prévues par cette directive. Ce n'est que lorsqu'il ne remplit pas ces deux conditions, qu'il pourrait être soumis à un régime national.

Compte tenu de ce principe, les Etats membres doivent, en dernier lieu, examiner la possibilité de reconnaître le droit de séjour sur base de la directive 90/364 et en informer l'intéressé ; si ce dernier ne remplit pas les conditions de ladite directive, un régime national lui accordant le droit de séjour peut lui être appliqué.

Certains Etats membres appliquent d'emblée leur législation relative aux partenaires non mariés [17], alors que le requérant est un citoyen de l'Union et remplit les conditions de la directive 90/364. La Commission a attiré l'attention des Etats membres sur le fait que cela constitue une violation du droit communautaire. Elle a défendu la thèse que les ressources suffisantes du requérant peuvent provenir d'une tierce personne, notamment d'un partenaire non marié.

[17] Souvent cette législation prévoit des conditions pouvant être considérées comme portant atteinte à la dignité d'une personne, comme par exemple l'obligation de présenter un certificat de bonnes moeurs.

Sur le visa de résidence

La législation espagnole soumet les ressortissants de pays tiers qui sont conjoints ou les autres membres de la famille d'un citoyen de l'Union, qui s'installent avec lui en Espagne, à l'obligation d'obtenir un visa de residence (visado de residencia). Exceptionnellement, des cas d'exemption de cette obligation sont prévus. Selon les autorités espagnoles, puisqu'il s'agit d'un séjour de plus de trois mois, un Etat membre a le droit de soumettre les ressortissants de pays tiers à un visa national.

La Commission, estimant que les ressortissants de pays tiers membres de la famille d'un citoyen de l'Union qui s'installent avec lui dans l'Etat membre d'accueil ne peuvent pas être soumis à l'obligation d'obtenir un visa de residence ou un autre type de visa national autre que le visa communautaire Schengen au cas où les intéressés sont soumis, en vertu du droit communautaire, à l'obligation d'un tel visa pour entrer sur le territoire d'un Etat membre, a adressé, le 5 avril 2002, un avis motivé à l'Espagne, qui cependant insiste sur sa position antérieure.

La position de la Commission est renforcée par l'arrêt de la Cour du 25 juillet 2002 dans l'affaire MRAX (points 89 à 91), d'où il ressort qu'un Etat membre ne peut subordonner la délivrance d'un titre de séjour à un ressortissant de pays tiers, conjoint d'un citoyen de l'Union, à la condition que son visa soit en cours de validité. A fortiori, il serait exclu que la personne en question soit soumise à un visa national. L'article 18 de la Convention d'application de l'Accord Schengen qui autorise les visas nationaux pour les séjours de plus de trois mois ne concerne pas les bénéficiaires du droit communautaire et, si c'était le cas, cette disposition serait inapplicable, en tant que contraire au droit communautaire (article 134 de la Convention Schengen). Compte tenu de la position espagnole, la Commission a décidé de saisir la Cour de justice.

Sur la carte de séjour permanente - Discrimination selon la nationalité

La législation française prévoit la délivrance d'une carte de séjour permanente lors du premier renouvellement de la carte de séjour de ressortissant CE, qui est valable pour dix ans, à condition que le pays dont l'intéressé est ressortissant accorde le même avantage aux citoyens français.

La Commission, estimant qu'il s'agit d'une discrimination selon la nationalité à l'encontre des ressortissants des autres Etats membres et que la condition de réciprocité est incompatible avec le droit communautaire, a adressé, le 24 avril 2002, un avis motivé à la France.

III. L'INITIATIVE LEGISLATIVE DE LA COMMISSION

Le 29 juin 2001, la Commission a présenté une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres [18]. Cette proposition de la Commission fait actuellement l'objet de discussions devant le Conseil et le Parlement européen et devrait être adoptée début 2004 [19].

[18] JO C 270 E/150 du 25.9.2001.

[19] Dans l'annexe I aux conclusions de la Présidence du Conseil européen de Nice des 7, 8 et 9 décembre 2000, dans la partie I - Pour des emplois plus nombreux et meilleurs, sous h), il est mentionné qu'il faut faciliter la mobilité des citoyens européens, favoriser la libre circulation des personnes : adapter, d'ici 2003, le contenu des directives relatives au droit de séjour, promouvoir l'amélioration des règles relatives à la libre circulation des travailleurs.

Les approfondissements importants que cette proposition amène pour les inactifs sont les suivants :

a) pour les séjours jusqu'à six mois, au lieu des trois mois actuellement prévus, les citoyens de l'Union et les membres de leur famille ne seront soumis à aucune condition ni formalité. Ceci dispensera les pensionnés qui ont l'habitude de passer quelques mois dans leur résidence secondaire dans un autre Etat membre de démarches ou frais administratifs pour se faire délivrer une carte de séjour. De même, les étudiants qui se déplacent à l'intérieur de l'Union dans le cadre des programmes communautaires d'échange d'étudiants ne se verront plus, comme c'est encore le cas, dans l'obligation d'obtenir une carte de séjour.

b) en ce qui concerne les séjours de plus de six mois, l'obligation de solliciter et d'obtenir une carte de séjour sera remplacée par la possibilité des Etats membres d'exiger l'enregistrement du citoyen de l'Union auprès des autorités compétentes de son lieu de résidence, certifié par une attestation. En plus, pour la délivrance de l'attestation d'enregistrement, les Etats membres ne pourront demander que l'assurance par l'intéressé, via une déclaration ou tout autre moyen, au choix de l'intéressé, au moins équivalent, qu'il dispose de ressources suffisantes et d'une assurance maladie afin d'éviter de devenir pendant son séjour une charge pour l'assistance sociale de l'Etat membre d'accueil.

En d'autres termes, la proposition de la Commission non seulement supprime dans un premier stade d'une durée de quatre ans (à l'exception de ressortissants de pays tiers qui sont membres de la famille d'un citoyen de l'Union) la carte de séjour, mais en plus elle étend le système prévu par la directive sur le droit de séjour des étudiants en ce qui concerne les ressources suffisantes aux pensionnés et aux autres inactifs : l'exercice du droit des citoyens de l'Union de séjourner librement sur le territoire des Etats membres en résultera ainsi facilité par l'élimination des difficultés liées aux justificatifs à présenter de la part de ces personnes pour prouver leurs ressources.

c) la troisième grande innovation de la proposition de la Commission est l'instauration d'un droit de séjour permanent, qui est acquis après une résidence continue de quatre ans dans l'Etat membre d'accueil. Ce droit sera constaté par une carte de séjour permanent ayant une durée illimitée et renouvelable de plein droit tous les dix ans.

Cette solution offrira aux citoyens de l'Union et aux membres de leur famille, quelle que soit leur nationalité, une plus grande stabilité de statut de résident qui s'identifie à celui du national, étant donné qu'à partir de l'acquisition du droit de séjour permanent, le droit de séjour ne serait plus soumis à des conditions et les bénéficiaires seraient protégés, de manière absolue, contre le risque d'expulsion pour des raisons d'ordre public ou de sécurité publique. En plus, en ce qui concerne l'assistance sociale, le droit de séjour permanent rendra uniforme le statut des bénéficiaires et celui des nationaux.

Si la proposition de la Commission est adoptée par le Parlement européen et le Conseil, l'exercice du droit de séjour par les bénéficiaires des trois directives en question sera facilité par l'extension de trois à six mois du droit de séjour sans condition ni formalité et par la réduction substantielle des démarches et frais administratifs pour les séjours de plus de six mois. Par ailleurs, le remplacement de la preuve des ressources suffisantes et d'assurance maladie par une déclaration facilitera la mobilité des citoyens à l'intérieur de l'Union. Enfin, le droit de séjour permanent non seulement va consolider le droit de séjour des bénéficiaires, mais en plus il va rapprocher fortement leur statut à celui des nationaux.

Toutefois, la Commission devra réfléchir dans le cadre des procédures devant le Parlement européen et le Conseil à l'opportunité d'apporter des modifications au texte de la proposition afin de prendre en compte les développements récents de la jurisprudence de la Cour de justice, rappelés dans la première partie du présent rapport.

IV. CONCLUSIONS

Douze ans après l'adoption des trois directives sur le droit de séjour des inactifs et quelques années après leur transposition dans les droits nationaux, l'application des trois directives est en principe satisfaisante, comme par ailleurs le montre le nombre dégressif de plaintes reçues par les services de la Commission. Toutefois, des cas individuels de mauvaise application des trois directives subsistent. Ils sont principalement dus à des interprétations erronées des textes en vigueur et des pratiques administratives fondées sur de telles interprétations de la part des services publics nationaux, notamment de la part de la police des étrangers, qui souvent manquent de personnel formé au droit communautaire qui pourrait appliquer les dispositions en cause avec la flexibilité que requiert l'esprit des trois directives.

Les services de la Commission sont à la disposition tant des services publics nationaux que des citoyens de l'Union pour leur offrir leur aide et les informations dont ils ont besoin. Tout citoyen de l'Union peut, par simple lettre, demander l'intervention des services de la Commission au cas où il rencontre des difficultés dans le cadre de l'application des trois directives. L'intervention des services de la Commission présente l'avantage d'être gratuite pour le citoyen et efficace, compte tenu du poids reconnu par les administrations nationales aux services de la Commission. Toutefois, l'intervention des services de la Commission, vu l'absence d'un contact direct avec les services nationaux impliqués dans un cas individuel et les contraintes imposées par les procédures d'infractions, requiert du temps, alors que la situation exigerait une solution rapide. Cependant, des systèmes existent pouvant aider les citoyens de l'Union, comme le reseau « SOLVIT » [20] pour la recherche de solution rapide à un problème concret ou le service d'aiguillage des citoyens [21] pour obtenir des informations utiles.

[20] « Un système efficace de résolution des problèmes dans le marché intérieur », communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions, COM(2001)702 du 27 novembre 2001. http://europa.eu.int/comm/internal_market/ solvit/

[21] http://europa.eu.int/ citizensrights. Numéro gratuit: 00800 67891011.

Enfin, l'adoption future de la proposition de la Commission du 29 juin 2001 non seulement créerait un instrument juridique unique et simple, mais réduirait aussi la bureaucratie, faciliterait la mobilité des citoyens de l'Union et rapprocherait le statut des bénéficiaires des trois directives à celui des nationaux après quatre ans de résidence dans l'Etat membre d'accueil.

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