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Document 52000DC0803

Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen - Application du principe précaution et mécanismes pluriannuels de fixation des TAC

/* COM/2000/0803 final */

52000DC0803

Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen - Application du principe précaution et mécanismes pluriannuels de fixation des TAC /* COM/2000/0803 final */


COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU CONSEIL ET AU PARLEMENT EUROPEEN Application du principe précaution et mécanismes pluriannuels de fixation des TAC

Application du principe de précaution et mécanismes pluriannuels de fixation des TAC

I. L'approche de précaution appliquée aux pêches

I-1 Histoire et bases

I-2 Le mode de formulation du CIEM

I-2-1 Principes de base

I-2-2 Améliorations souhaitables dans la formulation des avis

II. L'approche pluriannuelle de la détermination des TAC

II-1 Attentes des professionnels et possibilités

II.1.1 Variations des stocks et variation des avis scientifiques

II.1.2 Contreparties nécessaires à la stabilisation des TAC

II-2. Règles de décision/ « harvest rules »

III. Liens avec l'approche de précaution

IV La tentative antérieure, ce qui est déjà en place et ce qui reste à faire

IV-1 La tentative antérieure

IV-2 Les stratégies pluriannuelles mises en place depuis « au cas par cas »

IV-3 Vers une nouvelle étape

IV-3-1 Ligne directrice pour la définition de stratégies pluriannuelles

IV-3-2 La préparation de la nouvelle initiative

Introduction

L'ensemble du texte est centré sur l'application de l'approche de précaution à un problème spécifique : la fixation des TAC et de taux d'exploitation dans un contexte de gestion des pêches sur une base monospécifique. L'analyse pourrait et devrait être élargie ultérieurement.

L'application du principe de précaution couvre un champ beaucoup plus large que la pêche. Une réflexion générale à été à ce propos conduite (COM(2000)1). Si elle est délibérément limitée dans son propos, l'analyse qui suit, traite cependant un problème clé de la P.C.P.

L'utilisation de la précaution dans les Organisations Régionales et les Conventions de Pêche, tant au niveau du principe que de la méthode d'application, correspond au concept de principe de précaution tel que reflété dans la Communication de la Commission COM(2000)1.

Au sein de la PCP la politique de conservation des ressources a été dominée jusqu'à ce jour par une rythme annuel, marqué par la négociation en fin d'année des TAC pour l'année suivante. L'omniprésence de ce rythme a engendré des inconvénients qui se sont aggravés au fil des années :

- la fixation annuelle des TAC ne permet pas de définir et de respecter une perspective à moyen terme. Les négociations au Conseil ont régulièrement amené à repousser les mesures difficiles nécessaires à la récupération des stocks, au nom notamment des incertitudes scientifiques. Le report pour une année de l'application de telles mesures peut effectivement ne pas présenter isolément de dangers majeurs. Mais la répétition chaque année du processus ne peut qu'amener les stocks dans des situations d'extrême danger

- l'industrie de la pêche ne dispose pas de la visibilité nécessaire sur les perspectives d'évolution de ses activités, les TAC pour une année n'étant en général connus que vers la toute fin de l'année précédente. Ils peuvent en outre être marqués par des variations brutales dont la profession conteste la souvent la nécessité.

- il est très difficile d'établir le lien entre une politique de conservation dominée par un rythme strictement annuel et la politique de la flotte qui nécessite des perspectives à moyen et long terme.

De facto le rythme de décision annuel a amené à une politique de gestion des stocks dilatoire, qui a échoué à protéger ou restaurer les ressources. Le problème n'étant pas propre à la PCP le principe de précaution s'est développé en réponse à de telles difficultés. Sa mise en oeuvre est toutefois plus complexe que l'énoncé du principe. La première partie du présent document s'attache ainsi à clarifier le débat à ce sujet. La seconde élargit la discussion à la mise en place de cadres de gestion pluriannuels, car la dimension pluriannuelle n'est pas seulement nécessaire pour éviter les risques de « catastrophes » : elle l'est à la rationalisation de la gestion des ressources. Le troisième paragraphe est plus précisément consacré aux liens entre l'approche de précaution et les mécanismes de décision pluriannuels des TAC. La dernière partie présente la marche à suivre pour doter la PCP de tels cadres de décision pluriannuels, qui prennent en compte l'approche de précaution comme les autres éléments, à commencer par le souci des professionnels d'éviter autant que possible des variations trop rapides des TAC.

I. L'approche de précaution appliquée aux pêches

I-1 Histoire et bases

Comme le mentionnait l'introduction, le principe de précaution s'est imposé en réaction au fait que les décisions difficiles ont été trop souvent refusées, retardées ou diluées au nom des incertitudes sur leur nécessité. Une telle démarche dilatoire amène régulièrement à ce que les évidences requises ne soient disponibles qu'après que l'événement que l'on voulait prévenir est survenu. Le principe de précaution qui veut que l'absence de certitudes ne saurait être un argument suffisant pour repousser les décisions difficiles répond donc à un besoin majeur.

La mise en application, qualifiée d'approche de précaution, s'est cependant heurtée d'emblée à une double ambiguïté :

- 1/ quelle est la nature du risque encouru, ou en d'autres termes quel est l'événement que l'on souhaite éviter par une démarche de précaution-

- 2/ comment définir le niveau de risque acceptable-

1/ Nature du risque

Dans l'esprit du grand public le danger perçu correspond souvent au risque d'une évolution irréversible, associée plus précisément à la disparition d'une espèce, ou du moins d'une population biologique. Cette perception n'est pas globalement correcte en ce sens que les avis scientifiques émis par les experts qui suivent l'évolution des ressources ne font pas en général référence à ce type d'événement. L'ambiguïté ne s'arrête pas là car selon les groupes d'experts, les textes et les organes de gestion des pêches, la nature du risque que veut prévenir la mise en place de l'approche de précaution varie.

- L'accord des Nations Unies sur les stocks chevauchants et hautement migratoires (1995) comme le code de conduite de la FAO pour une pêche responsable font référence au souci d'éviter que le taux d'exploitation devienne supérieur à ce qui permettrait une production équilibrée maximale (Maximum Sustainable Yield) [1]. Les réflexions conduites au sein de la NAFO vont dans le même sens. L'événement que l'on cherche à éviter correspond alors au risque de surexploitation en terme de production pondérale soutenue.

[1] Même la signification à donner à la référence au MSY au sein des instances internationales mériterait une clarification. Les textes évoqués mentionnent l'utilisation du MSY « as qualified by relevant environmental factors, including the special requirements of developing countries », ce qui montre le caractère composite des bases.

- Les avis du CIEM font en revanche référence à un autre risque [2]: l'effondrement du stock. L'abondance des géniteurs peut en effet devenir si basse que le renouvellement des générations est mis en péril. Une diminution modérée de l'abondance des géniteurs ( abondance mesurée par la biomasse des adultes ou biomasse féconde = « spawning biomass ») affecte peu celle des jeunes qui en seront issus, dont l'effectif est appelé recrutement. Des mécanismes biologiques permettent de compenser une baisse modérée du stock de reproducteurs.

[2] Si le CIEM se réfère aux risques d'effondrement du stock et non à une maximisation de la production soutenue c'est parce que pour une ensemble de stocks les conditions d'une telle maximisation sont difficiles, voire impossibles à définir, mais aussi parce que la mortalité par pêche exercée sur beaucoup de stocks est largement supérieure à ce qui correspondrait à une maximisation de la production pondérale. C'est d'ailleurs souvent le cas depuis que la PCP a été mise en place. L'objectif accessible à moyen terme ne peut pas être une maximisation, mais simplement d'éviter l'effondrement des stocks, et de réduire les mortalités par pêche dans des proportions acceptables au plan social et politique.

Mais une diminution trop forte de la biomasse féconde peut entraîner une diminution systématique du recrutement. La régression du stock peut alors devenir très rapide si rien n'est fait : un manière d'effet boule de neige se met en place. Ceci ne veut pas dire que l'évolution soit nécessairement irréversible. En règle générale les stocks protégés de la pêche après leur effondrement ont récupéré. Mais il existe des exceptions, et de plus la récupération peut être très lente :près de cinquante ans pour le hareng atlanto-scandien. Eviter l'effondrement des ressources est bien un objectif de la plus haute priorité. C'est au nom de cet objectif que l'approche de précaution sera conçue dans la suite du présent document.

2/ Choix des niveaux de risque

L'application de l'approche de précaution ne peut se ramener à la recherche du risque nul. Il faudrait bien souvent fermer toute pêche si l'on voulait éviter tout risque d'effondrement. On tomberait d'un travers ( ne pas imposer de restrictions efficaces à la pêche parce que leur nécessité n'est pas démontrée) à un autre (prendre systématiquement les mesures les plus sévères pour réduire au maximum les risques). Une approche équilibrée doit peser l'ensemble des risques induits par chaque mesure de gestion : risques biologiques d'effondrement pour les stocks, risques économiques pour le secteur.

La détermination des niveaux de risque acceptables relève des organes de gestion, les scientifiques explicitant les risques associés à différents scénarios. Les seconds auraient en charge l'évaluation des risques (« risk assessment »), les premiers le choix des réponses à apporter (« risk management »). Si la communauté scientifique estime que la gestion des risques mise en place par les décideurs/gestionnaires n'est pas raisonnable, il lui appartiendrait de le faire savoir publiquement, mais non de formuler ses avis d'une façon qui force la main des décideurs.

Ce schéma théorique ne peut qu'exceptionnellement être intégralement appliqué. Les risques d'effondrement peuvent difficilement être directement quantifiés. Le plus souvent on dispose au plus de la constatation de ce que le recrutement parait être devenu plus faible depuis que la biomasse féconde a franchi une certaine valeur, mais sans pouvoir affirmer qu'il ne s'agit pas là d'une coïncidence. Il se peut aussi que les bases se limitent au fait que la biomasse féconde a atteint un niveau historiquement bas, et que par conséquent il n'existe aucune garantie sur l'aptitude du stock à fournir des recrutements normaux en deçà de ce « plus bas » historique. Parfois on procède à des analogies avec d'autres stocks présentant des caractéristiques voisines. Le plus souvent les scientifiques combinent diverses indications pour définir un niveau de biomasse féconde en dessous duquel il paraîtrait dangereux de descendre. Mais ils ne peuvent directement quantifier le risque d'effondrement du stock. Le choix de la biomasse seuil comporte déjà un choix. Le décideur est donc confronté à une situation où les choix quant aux risques considérés comme inacceptables ont déjà été faits en partie, et les raisons de ces choix ne sont pas toujours très explicites.

Ceci ne veut pas dire que les scientifiques aient tort d'opérer ainsi. Ils doivent rassembler les indices disponibles à défaut d'évidences pour identifier les circonstances où ils estiment que des risques importants d'effondrement existent, même s'ils ne peuvent les quantifier.

Le schéma idéal est donc impossible à suivre. Mais il faut tenter de s'en rapprocher autant que possible pour éviter la confusion des rôles entre scientifiques et décideurs.

I-2 Le mode de formulation du CIEM

I-2-1 Principes de base

Deux paramètres sont pris en considération par les avis : d'une part l'abondance des géniteurs, d'autre part le niveau de mortalité par pêche [3].

[3] La mortalité par pêche correspond au paramètre qui mesure au mieux pour les scientifiques la pression exercée par la pêche sur un stock. Elle se ramène directement à la fraction du stock capturée chaque année, c'est à dire au taux d'exploitation.

- Dans le premier registre les avis scientifiques s'attachent à identifier un seuil au delà duquel les risques d'effondrement du stock seraient « non maîtrisables ». Comme ce fut noté plus haut ceci ne correspond pas à une probabilité quantifiable. Mais le concept de biomasse seuil qu'il faut éviter de franchir est indispensable à la traduction concrète d'une approche de précaution qui vise à éviter l'effondrement des stocks. Cette grandeur est baptisée Blim (pour B limite). Les avis du CIEM évoquent régulièrement une deuxième valeur de biomasse, notée Bpa (pour B de précaution), supérieure à la première pour définir une marge de sécurité. Le risque que l'on cherche à prévenir n'est donc plus directement celui d'un effondrement, mais celui que la biomasse féconde devienne inférieure à Blim.

- Pour le second registre (mortalités), les scientifiques évaluent pour chaque niveau de mortalité par pêche, quelle sera la fécondité développée par une classe d'âge, qui se ramène au nombre d'oeufs qu'elle pourra pondre. En rapportant ce résultat à la fécondité qui serait développée (le nombre d'oeufs qui seraient pondus) en l'absence de pêche on obtient un indice du potentiel de fécondité « résiduel » laissé par la pêche. Plus la pêche est intense, et la mortalité par pêche élevée, et plus cet indice de fécondité est faible (à effectif initial égal de la classe d'âge). Il est possible de relier une baisse trop forte de l'indice de fécondité à un risque à terme pour le stock. Là encore il n'est pas possible de chiffrer un risque direct d'effondrement. Mais diverses considérations amènent à définir une valeur extrême, où les dangers pour la pérennité du stock sont jugés excessifs. Cette valeur est notée Flim. Une valeur dite de précaution, et notée Fpa, lui est également associée, qui vise à apporter une marge de sécurité supplémentaire.

La combinaison des deux critères (niveau de la biomasse féconde par rapport à Blim et Bpa, niveau de la mortalité par pêche par rapport à Flim et Fpa) définit des zones différentes quant à la sécurité du stock, comme le montre la figure 1.

I-2-2 Améliorations souhaitables dans la formulation des avis

Le CIEM a développé des efforts considérables pour émettre ses avis d'une façon qui les situe de façon adéquate dans des perspectives à moyen et long terme, en relation avec l'approche de précaution, et en répondant aux besoins des gestionnaires/décideurs. L'exercice est très difficile car il faut trouver l'équilibre entre la nécessaire simplicité dans l'expression des avis, sans laquelle ils ne seront pas lisibles par les non scientifiques, et le danger du simplisme, qui masque des éléments essentiels et peut conduire à des interprétations abusives.

Différentes réunions de dialogue ont été tenues entre les experts du CIEM et des représentants des « utilisateurs » des avis (membres des services de la Commission comme des E.M. qui sont parties contractantes du CIEM et des pays tiers qui participent aussi au CIEM). Ces réunions ont fait apparaître que l'ensemble des utilisateurs d'avis, tout en saluant les progrès accomplis, s'étaient heurtés à des difficultés quant aux avis transmis en 98 et 99, depuis que le CIEM a systématisé les références à l'approche de précaution :

° Les arguments utilisés pour définir Blim et Flim varient selon les stocks, de telle sorte qu'il existe une très forte hétérogénéité quant aux dangers liés au dépassement de ces seuils. Cette hétérogénéité devrait être expliquée.

° Les procédures utilisées pour définir Bpa ou Fpa ne sont toujours très explicites, et si l'on doit admettre que Blim et Flim doivent être définis par des biologistes, la définition de Bpa et Fpa devrait se faire par un dialogue entre les gestionnaires utilisateurs des avis et les scientifiques.

° Il est d'autant plus important de veiller à une amélioration de la définition des valeurs seuils que celles ci ont vis à vis du grand public un impact considérable et peuvent conduire à une interprétation manichéenne: le maintien d'une mortalité par pêche à un niveau légèrement supérieur à Fpa peut être perçu comme du laxisme même quand une analyse du dossier prouverait le contraire (cf.infra).

° L'accent n'a pas été mis sur le fait que les diagnostics liés à la biomasse féconde n'ont pas les mêmes conséquences immédiates que ceux reliés à la mortalité par pêche. Si la biomasse féconde est très basse il faut agir immédiatement. Si la mortalité par pêche parait trop élevée, les conséquences sur les risques d'effondrement peuvent ne se développer qu'avec un délai : si la biomasse féconde est au même moment suffisante, une réponse progressive peut être conforme à la logique de précaution.

° Les avis ont été émis de telle façon qu'il paraissait nécessaire pour un non spécialiste de réduire systématiquement, immédiatement et fortement, la mortalité par pêche, en imposant un TAC correspondant à une mortalité par pêche non supérieure à Fpa. Une analyse des conséquences vraisemblables de scénarios de récupération plus ou moins rapide a fait défaut.

° Les avis émis ne permettaient pas aux gestionnaires de mesurer quel est le « prix » à payer pour donner au stock une marge de sécurité plus ou moins grande. Toute réduction de la mortalité par pêche impose un « manque à gagner » immédiat, mais si pour certains stocks (en général ceux où les poissons ont une durée de vie courte) ce manque à gagner ne sera compensé que par une diminution des risques d'effondrement, pour d'autres stocks il se traduira aussi par un gain à terme dans la production pondérale car le stock est surexploité en terme de rendement par recrue [4].

[4] Qu'une classe d'âge soit d'effectif élevé ou faible, c'est à dire que le recrutement soit fort ou médiocre, plus la mortalité par pêche sera élevée, et plus les individus capturés dans cette classe d'âge seront jeunes et donc de poids réduit. S'il est vrai qu'une pêche intense accroît pour un recrutement donné le nombre des individus capturés, car la part des morts dues à la pêche s'accroît vis à vis de celles liées à causes « naturelles », l'âge moyen et le poids moyens des poissons pêchés diminuent quand la pêche s'intensifie. Le produit du nombre d'individus capturés par le poids moyen des captures, qui définit la production pondérale extraite d'un recrutement, peut ainsi paradoxalement décroître si la pêche dépasse un certain seuil. Ceci résulte alors de la trop forte diminution du poids moyen dans les captures. Ce phénomène a eu une importance majeure pour caractériser la surexploitation en terme de production par recrue (Yield per recruit), car les raisonnements ci-dessus s'effectuant à recrutement donné, il est possible de se rapporter à une recrue. C'est ainsi que se définit Fmax, niveau de mortalité par pêche permettant de maximiser la production par recrue. Si ce concept ne joue plus le rôle central qui fut le sien il y a quelques décennies, il constitue une référence essentielle pour juger si une pêche est ou non si intense qu'elle empêche de tirer parti du potentiel de croissance des individus.

° Les diagnostics sont apparus soudainement, au moins en 98, sans laisser le temps à des discussions avec les professionnels avant que les décisions résultantes (TAC ) doivent être arrêtées.

Ces remarques, largement liées au fait que l'incorporation de l'approche de précaution est encore dans une phase d'apprentissage, ne sauraient faire oublier les grands efforts déployés par le CIEM. A la suite de contact avec les Etats Membres, la Commission a modifié la formulation de sa demande d'avis vis à vis du CIEM. Mais il faudra certainement continuer et approfondir le dialogue avec les instances scientifiques pour aboutir à un partage des tâches plus clair entre scientifiques, gestionnaires et décideurs.

II. L'approche pluriannuelle de la détermination des TAC

II-1 Attentes des professionnels et possibilités

Les professionnels souhaiteraient que les variations, et surtout les réductions de TAC d'une année sur l'autre soient aussi faibles que possible. Il existe cependant des limites majeures à ce qui peut être fait.

II.1.1 Variations des stocks et variation des avis scientifiques

Le sentiment s'est répandu que les variations des TAC étaient uniquement imputables aux scientifiques. Ce sentiment est erroné, et il doit être dissipé en préalable à tout débat quant à la possibilité de stabiliser les niveaux de TAC. Leurs variations reflètent avant tout les fluctuations de l'abondance des ressources exploitées. Celles-ci proviennent essentiellement de causes naturelles, et avant tout des variations d'une année sur l'autre du nombre de jeunes qui atteignent l'âge d'être exploitables (le recrutement). Ces fluctuations sont associées aux écarts dans le succès de la reproduction et de la survie des oeufs, des larves et des premiers stades des jeunes poissons. Si le stock est modérément exploité il peut comporter un ensemble de classes d'âges successives, et les variations de l'abondance globale lissent celles des recrutements annuels. Si le stock est pêché très intensément le stock exploité ne repose plus que sur un nombre réduit de classes d'âge, parfois une seule. Les variations d'une année sur l'autre du stock exploité ne sont donc plus lissées.

Les variations de TAC sont aussi pour partie liées à celle des avis scientifiques. A la variabilité « réelle » de l'abondance des stocks s'ajoute une composante liée aux inévitables incertitudes des évaluations scientifiques. En outre si le diagnostic sur la nécessité d'une action vigoureuse pour restaurer le stock s'aggrave, par exemple parce que le risque d'effondrement du stock apparaît plus fort à la lumière des dernières informations, l'avis scientifique pourra se traduire par une recommandation pour une réduction forte du TAC.

Mais globalement si les TAC varient c'est d'abord, et de très loin, parce que les ressources varient d'une année sur l'autre. Une amélioration des méthodes d'évaluation scientifiques, et surtout des données disponibles, permettra de limiter l'influence des incertitudes des évaluations scientifiques, mais non de les éliminer. Par ailleurs si un diagnostic scientifique fait apparaître un danger imminent, faire passer avant toute autre préoccupation le souci d'éviter une réduction brutale des TAC serait hautement déraisonnable.

Si beaucoup demandent que l'on accorde plus d'importance au souci d'éviter les diminutions brutales de TAC, il faut donc garder en mémoire qu'il sera particulièrement difficile de stabiliser les TAC dans un avenir immédiat, notamment parce que trop souvent les captures n'ont pas été dans le passé réduites suffisamment vite. Ceci a conduit à des taux d'exploitations très élevés, à des stocks qui ne comprennent plus qu'un nombre très limité de classes d'âges, voire une seule, et qui sont maintenus si longtemps en situation critique, sans marge de sécurité, que des mesures d'urgences violentes deviennent nécessaires faute d'acceptation en temps utile de mesures modérées.

II.1.2 Contreparties nécessaires à la stabilisation des TAC

Les deux dilemmes fondamentaux

° Puisque les ressources disponibles fluctuent et fluctueront d'une année sur l'autre, que les captures résultent du produit de la taille du stock par le taux d'exploitation, on ne peut stabiliser les captures sans faire varier les taux d'exploitation, et donc les efforts de pêche déployés. Toute stabilité gagnée dans les niveaux de captures autorisés se paie d'abord d'une fluctuation des efforts de pêches. Ceci est d'autant plus important que pour limiter certaines années les diminutions de TAC il faudra en contrepartie pour d'autres années ne pas augmenter le TAC autant qu'il serait « biologiquement » possible, afin de constituer une épargne [5] (« buffer stock »). Ceci imposera pour ces années d' « épargne » une diminution immédiate des taux d'exploitation, et donc une limitation des activités de pêche. Cette limitation devra être planifiée pour éviter un épuisement des quotas avant la fin de l'année et/ou des problèmes de contrôle difficiles voire insurmontables, voire des rejets massifs si des quotas de débarquement par navire sont mis en place.

[5] Cette épargne aura le plus souvent une double utilité : 1/ permettre à la pêche dans les années suivantes de disposer d'un stock exploitable même si les recrutement ultérieurs sont moins bons ; 2/ permettre à la biomasse féconde de ne pas être trop basse lors de la ou des saisons de reproduction à suivre, améliorant ainsi la sécurité biologique du stock et ses perspectives à moyen et long terme.

° Si la situation du stock est telle qu'il n'existe pas de marge de sécurité vis à vis des risques d'effondrement biologique, limiter la diminution du TAC pourra engendrer un accroissement des risques. La stabilisation à court terme du TAC se paierait alors de l'acceptation d'un risque accru d'effondrement du stock.

Possibilités de réduction de ces dilemmes

° Le dilemme quant à la stabilisation des TAC ou des efforts est d'autant plus grave que les variations d'une année sur l'autre de la taille du stock exploité sont importantes, et donc que le taux d'exploitation est élevé. L'autre dilemme, à savoir le choix entre une diminution forte du TAC et l'acceptation d'un risque accru d'effondrement du stock est lui aussi d'autant plus aigu que le niveau du stock est bas, ce qui va de pair avec une exploitation très intense. La seule façon de réduire l'acuité de ces dilemmes c'est de réduire les taux d'exploitation. Une telle réduction peut être nécessaire pour préserver l'avenir du stock. Dans beaucoup de cas elle pourra en outre permettre à terme un accroissement de la production pondérale. Mais il peut être concevable de réduire la mortalité par pêche au delà de ce qui correspondrait à la production maximale équilibrée, en acceptant une certaine sous-exploitation. De façon générale toute réduction des taux d'exploitation implique des contreparties. Pour réduire le poids des deux dilemmes fondamentaux il faut donc accepter d'autres contreparties.

- L'autre marge correspond à une amélioration des bases scientifiques. Ceci permettrait d'une part de réduire l'ampleur des incertitudes des diagnostics « en temps réel » sur la situation des stocks, et d'autre part de mieux cerner les risques d'effondrement, et donc de réduire les « précautions inutiles ». Des améliorations sur le front scientifique sont possibles. Elles ne permettront pas d'éliminer la nécessité des choix précédemment évoqués. Elles ne seront pas spontanées, et supposent un effort en matière de moyens et d'organisation.

II-2. Règles de décision/ « harvest rules »

Les scientifiques ne peuvent pas réaliser de prévisions sur l'abondance à venir des stocks au-delà d'un horizon proche, du fait surtout de l'impossibilité de prévoir l'abondance des classes d'âge qui ne sont pas encore nées, et dont l'effectif dépend beaucoup de l'environnement marin. Ces variations environnementales sont elles-mêmes imprévisibles et le lien de causalité avec les fluctuations du recrutement est en outre mal connu..

Les scientifiques sont en revanche souvent à même d'indiquer quelle devrait être l'évolution des mortalités par pêche. Le schéma le plus simple conduit à choisir un niveau de mortalité par pêche cible. Ce pourrait être celui qui permet de maximiser la production pondérale par recrue (cf. note infrapaginale, paragraphe II-2-1) mais aussi tout autre niveau de mortalité par pêche de référence. On peut aussi planifier une diminution régulière sur quelques années des mortalités par pêche considérées comme excessives à un titre ou à un autre, en partant de la valeur actuelle.

Une règle de décision élémentaire conduit alors à fixer le TAC en appliquant le taux d'exploitation correspondant à la mortalité par pêche préalablement choisie. Ce taux combiné avec l'estimation de la taille du stock conduit directement au TAC.

Cette règle simple peut poser au moins deux types de problèmes : biologiques (risques d'effondrement du stock), et économiques (variations des TAC d'une année sur l'autre). Au plan biologique elle peut conduire à une prise de risque excessive si le recrutement récent ayant été faible, l'abondance des géniteurs est si basse qu'il faut prendre des mesures de sauvegarde, et donc appliquer un taux d'exploitation plus faible que celui qui avait été anticipé. Ceci peut être pris en compte par une règle de décision adaptant le taux d'exploitation à l'abondance du stock de géniteurs. Ce type de règle de décision est illustré par la figure 2. Cette « amélioration » n'apporte toutefois pas de remède au deuxième inconvénient évoqué, à savoir les possibilités de fortes variations de TAC d'une année sur l'autre. Elle pourrait même l'aggraver. Pour tenter de limiter les variations de TAC il faut élaborer des règles de décision qui intègrent la valeur du TAC sur l'année en cours. On peut ainsi s'efforcer d'éviter les variations supérieures à un seuil prédéterminé. Ce faisant le TAC choisi en définitive ne correspondra pas exactement au taux d'exploitation reconnu comme « souhaitable », et le cas échéant pourra même conduire à un risque accru d'effondrement du stock. On retrouve ainsi fait la question du prix à payer pour stabiliser les TAC.

En fait on peut construire un ensemble de règles de décisions qui se fondent sur trois chiffres : 1/une mortalité par pêche cible, 2/ l'estimation de la biomasse féconde, à situer par rapport à des valeurs critiques, et 3/le dernier TAC décidé. Il serait vain de rechercher la règle de décision qui éliminerait les conflits entre les différents objectifs associés (optimiser la production par recrue, combattre les risques d'effondrement du stock, réduire les variations de TAC d'une année sur l'autre). Mais les scientifiques sont à même de conduire des simulations permettant d'apprécier et de comparer les performances des diverses règles de décision vis à vis des différents critères.

Le choix d'une règle de décision permettrait de faire le choix explicite d'un compromis, sur une base rationnelle. Il mettrait fin à la pratique qui a conduit à donner trop souvent priorité au souci d'éviter les restrictions impopulaires à court terme, aboutissant de facto à une quasi règle de décision qui ne pouvait que conduire au déclin des stocks en utilisant systématiquement les marges d'incertitude des avis scientifiques pour fixer les TAC au niveau le plus élevé possible. Seule une analyse des perspectives à moyen terme permettra de dépasser la « dictature du court terme ».

Par ailleurs la prise en compte explicite du souci de limiter les variations de TAC d'une année sur l'autre montrera à la profession que ses préoccupations sont pleinement prises en compte. Le débat nécessaire au choix des règles de décision permettra de mettre en évidence les limites de ce qui peut être fait, et la nécessité de compromis entre différents objectifs individuellement souhaitables.

La détermination de taux d'exploitations visés à moyen terme permettrait de faire le lien avec la gestion des intrants, car les mortalités par pêches sont liées aux efforts de pêche, même si faute de données et d'études adéquates ce lien a été à ce jour difficile à quantifier.

III. Liens avec l'approche de précaution

- L'approche pluriannuelle telle qu'elle a été décrite ci-dessus par la fixation de règles de décisions pluriannuelles est directement liée à l'approche de précaution, du moins telle qu'elle est abordée dans le cadre du C.I.E.M. Comme l'a exposé le paragraphe II, les avis du CIEM situent en effet la mortalité par pêche par rapport à ce qui mettrait gravement en danger l'avenir du stock (Flim), et le niveau qui est nécessaire pour disposer d'une marge de sécurité (Fpa). Ils situent aussi la biomasse féconde estimée par rapport aux valeurs en deçà de laquelle un danger majeur immédiat existe (Blim) ou à ce qui est nécessaire pour donner une marge de sécurité au stock(Bpa). Dans ce cadre pour tous les stocks où la mortalité par pêche est supérieure à Fpa il faudrait pour suivre les avis scientifiques planifier une réduction de la mortalité, au besoin par étapes, pour la ramener vers Fpa qui serait un objectif à moyen terme. Mais la règle de décision devrait aussi comporter une nécessaire réduction accélérée de la mortalité par pêche si la Biomasse féconde est à un moment donné trop basse, en référence notamment Bpa et plus encore à Blim. Pour en revenir aux règles de décision évoquées plus haut il faudra aussi intégrer le souci d'éviter des diminutions trop rapides du TAC, du moins tant que ceci ne créera pas de risque excessif pour l'avenir du stock.

- Il existe aussi des ressources qui ne sont pas en danger apparent d'effondrement du recrutement. Il est souhaitable pour elles aussi de définir un cadre de gestion pluriannuel. L'approche de précaution ne peut que définir des seuils de mortalités par pêche et de biomasse féconde définissant un domaine considéré comme mettant à l'abri des risques d'effondrement. Mais à l'intérieur de ce domaine de sécurité la place existe pour de nombreuses stratégies d'exploitation. Pour mettre en oeuvre une telle stratégie il faut en expliciter l'objectif prioritaire, une fois la sécurité des stocks assurée. Il faut ainsi définir ce dont la maximisation est recherchée: la production pondérale - la valeur économique des captures - les bénéfices extraits de la pêcherie - certains types d'emplois - une combinaison spécifique de ces différents critères-. En fait la réflexion n'a jamais été menée à terme au sein de la P.C.P. La stratégie implicite a oscillé entre le maintien des niveaux de mortalité par pêche tant qu'un risque d'effondrement n'apparaissait pas, et le maintien des TAC [6].

[6] Ceci a même constamment posé problème car si pour les scientifiques le statu quo c'est le maintien des mortalités par pêche, pour les professionnels c'est avant tout la stabilité des TAC qui importe. Un dilemme précédemment évoqué réapparaît, qui n'a jamais été tranché sur le fond, chaque négociation annuelle des TAC amenant les mêmes dilemmes dès que le maintien de la mortalité par pêche aurait entraîné une diminution du TAC. En outre si le TAC proposé par la Commission selon une hypothèse de statu quo des mortalités est accepté au Conseil quand il permet une stabilité du TAC ou une augmentation, mais qu'il est revu à la hausse s'il correspond à une diminution, une martingale se construit qui ne peut que progressivement amener une augmentation de la mortalité par pêche, et des risques d'effondrement croissants.

Au delà de l'application de l'approche de précaution il faut définir une règle de décision pluriannuelle et ne pas se contenter de décisions à courtes vue. On peut là encore construire une règle de décision qui intègre trois éléments précédemment évoqués: 1/ la mortalité par pêche cible qui permettrait d'optimiser le critère qui aura explicitement été choisi, 2/ les seuils de biomasses féconde pour éviter ou quitter les plages qui pourraient être dangereuses 3/ les variations de TAC d'une année sur l'autre. Des compromis seront là encore nécessaires. La seule manière d'aborder le problème c'est de se fonder sur des simulations qui permettent d'apprécier les conséquences possibles vis à vis d'un ensemble de critère de différentes stratégies de gestion, associées à autant de règles de décision.

IV La tentative antérieure, ce qui est déjà en place et ce qui reste à faire

IV-1 La tentative antérieure

Depuis de longues années les scientifiques insistent sur la nécessité de définir des objectifs et stratégies à moyen terme, évoquent des niveaux de biomasse et de mortalités seuils tandis que les professionnels déplorent les variations de TAC.

La Commission avait tenté d'apporter une réponse à ces préoccupations en introduisant deux propositions, qui faisaient suite à une communication [7]. La première proposition [8] visait à définir des stratégies à moyen terme pour une réduction progressive des mortalités par pêche vers les niveaux recommandés par les scientifiques, tout en essayant d'accroître les biomasses fécondes pour qu'elles atteignent des valeurs seuils, ou d'éviter qu'elles deviennent inférieures à ces seuils. Le souci de limiter les variations des TAC correspondait à l'utilisation d'une règle conduisant à diminuer de préférence la mortalité par pêche quand un bon recrutement entre dans la pêcherie, ce qui permet de ne pas réduire le TAC, ou de peu le réduire. Par ailleurs le second volet [9] proposait une flexibilisation dans la consommation des quotas actuels, destinée entre autres à réduire les conséquences des variations de TAC.

[7] La mise en oeuvre des nouveaux éléments de la P.C.P.COM (93) 664 final.

[8] Proposition de Règlement (CE) du Conseil fixant pour certaines pêcheries, et pour certains groupes de pêcheries, les objectifs et stratégies de gestion pour la période 1994-1997. Com(93) 663 final.

[9] Proposition de Règlement (CE) du Conseil établissant des conditions additionnelles pour la gestion interannuelle des totaux admissibles des captures et quotas. COM(94) 583 final.

Le second volet a été adopté. Son ampleur était modeste, car il représentait une innovation qui avait suscité des inquiétudes. Cette modification a cependant fonctionné de façon satisfaisante. En revanche la proposition pour des stratégies à moyen terme n'a pas rencontré de majorité. Le débat s'est enlisé en 95.

Parmi les raisons de ce qu'il faut reconnaître comme un échec apparaissent divers facteurs :

- à l'époque les avis scientifiques n'avaient pas explicitement fourni des bases précises, et officiellement approuvées par les instances autorisées, à la définition d'objectifs et stratégies pluriannuelles

- les professionnels ont eu le sentiment que la démarche proposée n'accordait pas suffisamment d'importance à leurs préoccupations quant aux variations brutales de TAC

- beaucoup ont craint que la fixation des TAC relève d'un automatisme qui empêcherait au Conseil d'intervenir en tant que de besoin.

IV-2 Les stratégies pluriannuelles mises en place depuis « au cas par cas »

Si la démarche globale n'a pas abouti, un ensemble de stocks sont néanmoins gérés en suivant des stratégies et objectifs multiannuels. Ces dispositifs ont notamment été mises en place au titre d'accords avec des pays tiers. En Mer du Nord pour cinq stocks (hareng, cabillaud, églefin, lieu noir et plie) des objectifs ont été définis en termes de mortalité par pêche et de seuils de biomass féconde au titre des accords bilatéraux avec la Norvège. Pour la maquereau de l'Atlantique et le hareng atlantico-scandien, un cadre similaire a été défini impliquant l'ensemble des états côtiers. Ce cadre a été approuvé par la NEAFC.

Dans la Baltique, un plan à long terme a été défini au sein de la Commission Baltique (IBSFC)° pour le cabillaud, le saumon et le sprat. Ce plan se rapporte en outre au cadre général du processus dit « Baltique 21 » qui cherche à définir une politique globale pour l'avenir de la Mer Baltique.

IV-3 Vers une nouvelle étape

Depuis le précédent échec les circonstances ont changé comme la montré la réunion du Groupe à Haut Niveau organisée en Septembre 2 000 par la Présidence française. La nécessité de définir des procédures pluriannuelles prenant en compte l'approche de précaution est désormais largement acceptée. Les scientifiques ont beaucoup progressé pour fournir des bases plus complètes, même si des améliorations restent nécessaires. Les difficultés rencontrées lors de la tentative précédente ont mis en évidence des écueils qu'il faudra éviter. Il est donc possible et nécessaire de rouvrir le dossier.

IV-3-1 Ligne directrice pour la définition de stratégies pluriannuelles

Conformément aux paragraphes ci-dessus ces stratégies de gestion seront fondées sur une évolution « planifiée » des mortalités par pêche sur le moyen terme (par exemple une réduction progressive et régulière sur cinq ans), assortie de deux aspects complémentaires liés d'une part à la nécessité d'une réaction rapide si la biomasse féconde apparaît trop basse, d'autre part à une limitation des variations de TAC d'une année sur l'autre pour par exemple éviter toute diminution supérieure à un seuil préétabli.

La difficulté majeure relèvera du compromis entre ces deux derniers volets ( garantir une évolution de la Biomasse conforme à l'approche de précaution en limitant les variations de TAC d'une année sur l'autre). La stratégie devra prendre en compte les particularités de chaque stock.

Pour la période couverte par la proposition pour chaque stock, la fixation du TAC devra résulter de l'application de la règle de décision retenue, en intégrant à chaque fois la mise à jour du diagnostic établi par les scientifiques. Pour chacun des stocks concernés le niveau du TAC pour l'année suivante serait ainsi connu, en situation normale, (cf. infra pour les situations extrêmes qui devraient échapper à la règle de décision) dès que les évaluations scientifiques auraient été mises à jour par les instances habilitées [10].

[10] En liaison avec la mise en place d'un calendrier de décision nouveau il serait également possible de définir pour certains stocks des découpages annuels mieux adaptés que l'année calendaire qui court de janvier à décembre pour prendre en compte d'une part les particularités biologiques de chaque stock, et d'autre part le calendrier des évaluations scientifiques.

S'il est essentiel de mettre en place des stratégies en moyen terme, il faut aussi prévenir toute rigidité abusive. Si les analyses scientifiques font apparaître qu'une stratégie devrait être modifiée en cours d'exercice, la Commission devra introduire en temps utile les propositions appropriées. Elle aura veillé au préalable par ses demandes d'avis à ce que les instances scientifiques interviennent dès qu'elles estiment qu'une stratégie doit être révisée. Par ailleurs il est nécessaire de prévoir que si un dilemme majeur apparaît, par exemple parce que seule une forte diminution du TAC, supérieure à la marge de variation maximale reconnue par la règle de décision, permettrait d'éviter une évolution très dangereuse de la biomasse féconde, un débat au Conseil serait nécessaire pour fixer définitivement le TAC.

En tout état de cause, à l'issue des étapes de préparation décrites par le paragraphe suivant, la Commission devra introduire une proposition pour l'adoption et la mise en oeuvre de stratégies pluriannuelles couvrant les stocks pour lesquels les analyses préparatoires auront été fructueuses.

IV-3-2 La préparation de la nouvelle initiative

A/ Analyse des performances des règles de décision possibles

La Commission a lancé durant l'été 2 000 un appel d'offres pour obtenir que les simulations évoquées plus haut soient systématiquement conduites pour un ensemble de stocks pour lesquels les données appropriées existent. Ces simulations doivent analyser les performances de différentes règles de décision (« harvest rules ») fondées sur les principes décrits plus haut, y compris la recherche d'une stabilisation des TAC. Le résultat de ces simulation sera soumis au CSTEP pour qu'il les analyse et pour qu'il apporte les compléments économiques nécessaires.

La Commission fera réaliser au besoin d'autres simulations pour compléter la gamme des stocks couverts par les premières, et/ou envisager des règles de décisions autres que celles qui auront été analysées et dont la pertinence serait ultérieurement apparue.

B/ Consultations

Outre le CSTEP il conviendra de consulter largement l'ensemble des partenaires pendant toute la préparation de la future proposition.

Le Comité Consultatif de la Pêche sera aussi saisi du problème. Une première réunion sera organisée dès que possible pour débattre des orientations générales, sur la base du présent texte. Des réunions ultérieures seront consacrées à l'analyse du résultat des simulations évoquées plus haut, et des conclusions du CSTEP à leur propos.

La Commission réunira en outre des groupes d'experts ( consacrés pour chacun à un ensemble spécifique de stocks) pour associer les E.M. à la réflexion sur le résultat des simulations.

Pour les stocks partagés avec des pays tiers, des consultations seront enfin menées, notamment pour actualiser les stratégies pluriannuelles qui ont été négociés avec eux.

C/ Mise à jour ultérieure des avis scientifiques

Pour mettre en place le processus, mais aussi pour le faire vivre ultérieurement, il faudra que les avis soient scientifiques soient transmis sous la forme requise, et selon le calendrier le mieux adapté. La Commission prendra les dispositions nécessaires vis à vis du CSTEP, et entreprendra vis à vis du C.I.E.M. les démarches adéquates.

Conclusions

Le pilotage « à vue » de la gestion des stocks selon les mécanismes actuels de négociation annuelle des TAC ne peut être perpétué. Les tentatives antérieures pour mettre en place des stratégies à moyen terme n'ont connu qu'un succès très partiel. Mais le besoin demeure. Il s'est même accru du fait de la dégradation de plusieurs stocks essentiels qui exigent la mis en place de plans de récupération.

Dans le même temps les conditions d'un progrès décisif sont désormais réunies. Les premiers débats relatifs à l'approche de précaution ont abouti à une prise de conscience générale sur les dangers de l'approche traditionnelle pour la détermination des TAC. Les avis scientifiques désormais disponibles, même si les dialogues doivent être approfondis pour qu'ils soient encore mieux adaptés, préparent la voie à une approche pluriannuelle. Les difficultés rencontrées précédemment ont permis d'identifier des écueils qui pourront à l'avenir être ainsi évités.

Il faut encore approfondir un ensemble de questions avant de déboucher sur une proposition formelle. Les bases scientifiques doivent être précisées. De larges débats permettront de mesurer ce qu'une approche pluriannuelle apportera, de concentrer les discussions sur les équilibres à trouver entre les différentes aspirations, de la protection des ressources à la stabilisation des activités de pêche. Mais la dynamique déjà lancée doit permettre la mise en place dans les années qui viennent d'un cadre pluriannuel beaucoup plus large que celui qui a été mis en place pour quelques stocks. Cette mise en place ne doit pas attendre la conclusion des débats sur la réforme de la PCP, car l'urgence est là, mais aussi et surtout parce qu'il faudra de toutes façons disposer d'une meilleur mécanisme de détermination des TAC.

>REFERENCE A UN GRAPHIQUE>

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