EUR-Lex Access to European Union law

Back to EUR-Lex homepage

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 32009D0613

2009/613/CE: Décision de la Commission du 8 avril 2009 concernant les mesures C 7/07 (ex NN 82/06 et NN 83/06) mises en œuvre par le Royaume-Uni en faveur de Royal Mail [notifiée sous le numéro C(2009) 2486] (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

OJ L 210, 14.8.2009, p. 16–35 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

Legal status of the document In force

ELI: http://data.europa.eu/eli/dec/2009/613/oj

14.8.2009   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

L 210/16


DÉCISION DE LA COMMISSION

du 8 avril 2009

concernant les mesures C 7/07 (ex NN 82/06 et NN 83/06) mises en œuvre par le Royaume-Uni en faveur de Royal Mail

[notifiée sous le numéro C(2009) 2486]

(Le texte en langue anglaise est le seul faisant foi.)

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

(2009/613/CE)

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa,

vu l’accord sur l’Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a),

après avoir invité les parties intéressées à présenter leurs observations, conformément aux observations précitées (1), et vu ces observations,

considérant ce qui suit:

1.   PROCÉDURE

(1)

Le 3 décembre 2002, Deutsche Post AG (ci-après «DP») a déposé une plainte contre des subventions croisées prétendument accordées aux activités de transport de colis de Royal Mail Group plc («Royal Mail» ou «RM»).

(2)

En réponse aux demandes de renseignements de la Commission, les autorités du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord («Royaume-Uni») ont soumis des renseignements se rapportant aux questions soulevées dans la plainte par des lettres datées du 25 février 2003 et du 13 février 2004, ainsi que par un courriel daté du 17 décembre 2003. Ces renseignements incluaient d’autres mesures publiques se rapportant à RM.

(3)

Le 27 mai 2003, la Commission a approuvé une série de mesures en faveur de Post Office Limited («POL»), une filiale de RM (affaire N 784/02) (2). Au titre de ces mesures, POL a obtenu une indemnité, financée par le biais d’une réserve (les «réserves de Royal Mail») constituée à partir de l’excédent de numéraire généré par RM. Le 22 février 2006, la Commission n’a soulevé aucune objection à la poursuite de l’une de ces mesures (financement du réseau rural) pour une nouvelle période (affaire N 166/05) (3).

(4)

Le 8 octobre 2003, DP a introduit un recours en annulation (T-343/03) contre la décision de la Commission N 784/02, faisant valoir que cette décision avait rejeté implicitement sa plainte CP 206/02. Le 16 novembre 2005, le Tribunal de première instance a rejeté le recours de DP, indiquant que la décision N 784/02 n’impliquait pas le rejet de la plainte et que les investigations de la Commission étaient en cours (comme l’a démontré la correspondance présentée devant le Tribunal).

(5)

Le 10 août 2006, DP a envoyé une lettre invitant la Commission à prendre position sur sa plainte de 2002 dans les deux mois, sur la base de l’article 232 du traité. Cette même lettre contenait des informations concernant une série de nouvelles mesures d’aide d’État présumées. Ces mesures sont distinctes de celles qui ont fait l’objet de la plainte de 2002 et la plainte à leur encontre a dès lors été traitée en tant que plainte distincte recevant la référence CP 221/06, puis NN 83/06. Les mesures alléguées étaient les suivantes:

a)

un transfert de 850 millions de livres sterling (GBP) vers un compte spécial réservé au financement des pensions de RM;

b)

une décision du ministère du commerce et de l’industrie de porter le montant d’un prêt à RM de 844 millions de GBP à 900 millions de GBP;

c)

la violation de la décision de la Commission dans l’affaire N 166/05 concernant le financement du réseau rural de POL, étant donné que 150 millions de GBP ont été transférés vers POL directement à partir du budget de l’État et non, comme l’avait approuvé la décision, à partir d’une réserve spéciale allouée en vue d'une utilisation spécifique.

(6)

En réponse aux demandes de renseignements de la Commission, les autorités du Royaume-Uni ont fourni des informations concernant les points soulevés dans les deux plaintes par les lettres du 6 octobre et du 31 octobre 2006. Par lettre du 5 décembre 2006, elles ont complété ces informations eu égard aux mesures en faveur de POL mentionnées au considérant 3.

(7)

Par lettre du 27 octobre 2006, le Mail Competition Forum (MCF), un organisme représentant les nouveaux arrivés sur le marché postal du Royaume-Uni, a déposé une plainte concernant le compte spécial réservé au financement des pensions de RM, qui faisait également l'objet de la seconde plainte de DP. La plainte de MCF a été enregistrée sous la référence CP 164/06, puis NN 82/06. Une version non confidentielle de la plainte a été envoyée aux autorités britanniques le 20 novembre 2006. Celles-ci ont fourni des remarques concernant la plainte par lettre du 19 décembre 2006.

(8)

Par lettre du 7 décembre 2006, la Commission a informé DP qu’elle ne trouvait aucune raison suffisante pour poursuivre l’examen de la plainte CP 206/02 et que si elle ne recevait aucune information de DP dans les vingt jours ouvrables, elle considérerait que la plainte avait été retirée. Aucune réponse n’a été obtenue dans le délai imparti. Cette plainte a donc été réputée retirée.

(9)

Le 7 décembre 2006, les autorités britanniques ont notifié le projet de prolongation d’une autre des mesures en faveur de POL (financement du paiement de la dette), portant la référence N 784/02, dont l’expiration était normalement prévue en 2007. La Commission a autorisé cette aide sous la référence N 822/06 par décision du 7 mars 2007 (4).

(10)

Le 8 février 2007, les autorités britanniques ont communiqué à la Commission les conditions d’une annonce relative à «la mesure concernant les pensions», un prêt de 900 millions de GBP et également l’octroi d’un nouveau prêt de 300 millions de GBP à Royal Mail.

(11)

Le 21 février 2007, la Commission a ouvert une procédure d’examen concernant les mesures suivantes:

a)

un prêt de 500 millions de GBP consenti à Royal Mail en 2001, remboursable après 2021, assorti d’un taux d’intérêt fixe, destiné à financer ses acquisitions à l’étranger;

b)

des facilités de crédit d’un milliard de GBP mises à la disposition de Royal Mail à partir de sources nationales en 2003, dont 900 millions de GBP devaient être étendus après 2007;

c)

la «mesure concernant les pensions», à savoir le placement de 850 millions de GBP dans un «compte séquestre» qui prolongera la période pendant laquelle Royal Mail doit combler le déficit actuel de son fonds de pension et réduira par conséquent les cotisations qu’elle fera au cours des premières années de la période;

d)

le prêt de 300 millions de GBP annoncé le 8 février 2007.

(12)

La décision du 21 février a confirmé le retrait de la plainte CP 206/02 et confirmé également que la Commission n’a soulevé aucune objection au financement des mesures autorisées en faveur de POL sur le budget d’État plutôt que sur la réserve de Royal Mail.

(13)

Par lettre datée du 22 février 2007, la Commission a notifié au Royaume-Uni sa décision d’engager la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, du traité eu égard aux mesures énumérées au considérant 11.

(14)

La décision d’engager la procédure prise par la Commission a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne  (5). La Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations sur les mesures.

2.   DESCRIPTION DES MESURES

2.1.   Le bénéficiaire de l’aide d’État présumée

(15)

Le bénéficiaire de l’aide d’État présumée est Royal Mail Group plc, devenue par la suite Royal Mail Group Ltd («RM»), société qui, par l’intermédiaire d’une société holding, Royal Mail Holdings plc, est détenue à 100 % par l’État. RM est le principal exploitant postal du Royaume-Uni et disposait, jusqu’à fin 2005, d’un monopole légal sur la plupart des services de base de la poste aux lettres. Le réseau de bureaux de poste est géré par POL, une filiale de RM.

(16)

Avant 2001, les activités postales au Royaume-Uni étaient assurées par The Post Office Corporation, un organisme public créé par la loi de 1969 sur la poste (Post Office Act 1969). L’actif et le passif de The Post Office Corporation ont été transférés à Consignia Holdings (rebaptisée aujourd’hui Royal Mail Holdings plc) et à sa filiale, Consignia plc (aujourd’hui RM), le 26 mars 2001, conformément aux dispositions de la loi de 2000 sur les services postaux.

(17)

RM a une division distincte pour les colis, Parcelforce, qui a été citée en tant que bénéficiaire dans la plainte déposée par DP en 2002. Parcelforce dispose de son propre noyau et de ses propres lignes de collecte et de distribution. En 2003, une partie de l’activité des colis (notamment la fourniture d’un service universel pour les colis remis dans les bureaux de poste) a été transférée de Parcelforce vers la division des lettres de RM et est à présent exploitée par le biais de cette infrastructure. Aujourd’hui, Parcelforce traite uniquement des colis urgents.

2.2.   Régime financier du bénéficiaire et relations avec l’État

(18)

Sous le régime existant avant l’intégration et les transferts de 2001, rien n’obligeait The Post Office Corporation à payer des dividendes aux autorités britanniques et elle ne le faisait pas non plus. Elle était cependant obligée d’investir une partie des bénéfices qu’elle réalisait chaque année dans des titres d’État ou des dépôts du National Loans Fund. Ces investissements, qui étaient considérés comme des actifs réalisables et souvent appelés «fonds d’État», sont restés chez RM suite aux transferts de 2001 et s’élevaient, au 31 mars 2002, à 1 800 millions de GBP. Suite aux instructions données par les autorités britanniques, le 30 janvier 2003, en vertu de l’article 72 de la loi de 2000 sur la poste, RM a placé cet actif dans une réserve spéciale («la réserve de Royal Mail») en vue de l’utiliser pour financer des mesures spécifiques conformément à certaines directives.

2.3.   Les mesures faisant l'objet de la procédure d’enquête

2.3.1.   Le prêt de 2001

(19)

En février 2001, les autorités britanniques ont consenti à RM un prêt de 500 millions de GBP visant à financer des acquisitions à l’étranger pour l’activité de courrier et de colis. Ce prêt est remboursable entre 2021 et 2025 et il est assorti d’un taux d’intérêt moyen d’environ 5,8 %. Les autorités britanniques ont déclaré, dans leur correspondance avec la Commission, que ce prêt avait été accordé à des conditions commerciales et qu’elles suivaient le conseil de consultants pour faire en sorte que ce principe soit respecté. Le prêt a été garanti sur la participation de RM dans General Logistics Systems International Holdings BV et sur certains autres actifs de RM. Le prêt n’a pas été notifié à la Commission.

2.3.2.   Les facilités de crédit

(20)

En 2003, les autorités britanniques ont ouvert à RM diverses facilités de crédit pour financer son «plan de rénovation» (notamment la restructuration de Parcelforce). Ces facilités, que les autorités britanniques ont présentées comme une formule commerciale, ont été négociées entre RM et les autorités britanniques et consistaient en une ligne de crédit de 544 millions de GBP provenant du National Loans Fund («NLF»), garantie sur les avoirs en numéraire accumulés de RM (en particulier sur les fonds affectés à la réserve de Royal Mail), et en l’acquisition par les autorités de deux obligations émises par RM (l’une de 300 millions de GBP et l’autre de 200 millions de GBP). Là encore, les autorités britanniques ont déclaré, dans les lettres qu’elles ont adressées à la Commission, que ces facilités de crédit avaient été accordées à des conditions commerciales et qu’elles avaient suivi le conseil de consultants pour faire en sorte que ce principe soit respecté. Elles ont également informé la Commission qu’au mois d’octobre 2006, ces facilités de crédit n’avaient pas été utilisées, en dehors de 50 millions de GBP tirés à titre de test qui ont été remboursés en sept jours, et que la ligne de crédit de 200 millions de GBP avait expiré depuis lors. RM s’était néanmoins acquittée de commissions d’ouverture de crédit à concurrence d’un montant de quelque 2,5 millions de GBP. Ces lignes de crédit n’ont pas été notifiées à la Commission.

(21)

En mai 2006, les autorités britanniques ont annoncé leur intention de porter les autres facilités de crédit de 844 millions de GBP à 900 millions de GBP. Les autorités britanniques ont indiqué, le 31 octobre 2006, que les conditions précises de cette extension n'étaient pas encore parachevées, mais que l’intention était que cela se fasse à des conditions commerciales et que le crédit ne constitue pas une aide d’État.

2.3.3.   Le compte séquestre des pensions

(22)

En 2006, les autorités britanniques ont décidé de libérer 850 millions de GBP de la trésorerie restant dans la réserve de Royal Mail pour constituer un «compte séquestre» sur lequel le Royal Mail Pension Plan («RMPP») pourrait tirer dans certaines circonstances en cas de défaillance de RM. En effet, les différents régimes de pension de RM, dont le RMPP est de loin le plus important, accusaient un déficit total (excédent des obligations projetées sur les avoirs suivant certaines hypothèses prudentielles) de 5,6 milliards de GBP dans ses comptes de 2005-2006, dans lesquels ce déficit a été porté pour la première fois au bilan de RM. À l’instar d’autres régimes de pension d’entreprise britanniques, le RMPP est un régime financé qui doit détenir des actifs afin de couvrir ses obligations. Selon les autorités britanniques, RM ne serait pas en mesure de rembourser ce déficit rapidement et de moderniser parallèlement l’entreprise, compte tenu de la marge brute d'autofinancement projetée. Le compte permet par conséquent à RM de convenir avec les administrateurs du RMPP d’un allongement du délai nécessaire pour combler le déficit, en réduisant ses cotisations au fonds de pensions de retraite au cours des premières années. Les autorités britanniques ont déclaré que selon elles, l’utilisation des réserves à cette fin était conforme à l’intérêt commercial de RM et qu’en permettant à cette dernière de réaliser son plan stratégique, la valeur de la participation des autorités britanniques s’en trouverait augmentée. Sans le compte séquestre et sans les facilités de crédit étendues, les autorités britanniques maintiennent qu’il existe un risque qu’au lieu d’être promue, la valeur actionnariale soit détruite et elles font dès lors valoir qu’elles agissent d’une manière commerciale.

2.3.4.   La nouvelle avance d’actionnaire de 300 millions de GBP

(23)

Le 8 février 2007, les autorités britanniques ont annoncé qu'elles étaient d'accord pour consentir à RM une avance d’actionnaire de 300 millions de GBP. Cette avance n’a pas été notifiée à la Commission. Il ressortait clairement des conditions de l’annonce que ce prêt fait partie d’un ensemble de mesures englobant le compte séquestre pour les pensions et la facilité de crédit.

2.4.   Motivation de l’ouverture de la procédure

(24)

Dans sa décision d’engager la procédure d’examen, la Commission a exprimé des doutes concernant les affirmations des autorités britanniques selon lesquelles les mesures ne constituaient pas des aides d’État, étant donné qu’elles étaient consenties à des conditions commerciales et n'accordaient donc aucun avantage à Royal Mail. L’activité de courrier et de colis est internationale et la Commission estime qu’un avantage sélectif en faveur de RM ou de Parcelforce entraverait la concurrence et affecterait les échanges entre les États membres. Les mesures ont toutes été accordées sur des fonds se trouvant sous le contrôle direct de l’État et constituaient donc des ressources d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, du traité. Les mesures étaient toutes imputables à l’État et étaient sélectives en ce sens qu’elles n’étaient accordées qu’à RM. Si elles fournissaient un avantage à Royal Mail, elles rempliraient les critères pour être considérées comme des aides d’État. La Commission a évalué la question de l’avantage lié aux mesures au sujet desquelles elle a engagé la procédure.

2.4.1.   Le prêt de 2001

(25)

Comme indiqué au considérant 19, le prêt de 2001 est remboursable entre 2021 et 2025 et il est assorti d’un taux d’intérêt moyen d’environ 5,8 %. Celui-ci est nettement inférieur au taux de référence qui était en vigueur au Royaume-Uni en 2001 (7,06 %), date à laquelle les autorités britanniques ont informé la Commission de l'octroi de ce prêt. Les autorités britanniques ont fourni certains éléments prouvant qu’à cette date, la courbe de rendement au Royaume-Uni évoluait à la baisse et que le taux d’intérêt porté par ce genre de prêt à long terme pouvait être inférieur au taux de référence (lequel était fondé à l’époque sur des taux à cinq ans) sans violer le principe de l’investisseur en économie de marché. Or, ces éléments de preuve semblaient indiquer également qu’une partie du prêt avait été accordée en 1999 et en 2000. Non seulement ces éléments contredisaient les informations communiquées antérieurement, mais ils portaient également sur une période pendant laquelle le taux de référence était encore plus élevé (7,64 % en 2000). La Commission a également constaté qu’au minimum en 2001, les performances financières de Royal Mail commençaient à baisser. Ceci devrait normalement se refléter dans les conditions de tout prêt. Pour cette raison, lors de l'appréciation d'un prêt octroyé à une entreprise en difficulté financière, la Commission peut utiliser comme point de comparaison un taux supérieur au taux de référence.

2.4.2.   Les facilités de crédit

(26)

Les autorités britanniques avaient informé la Commission qu’à partir d’octobre 2006, aucun tirage n’avait été effectué sur les facilités de crédit octroyées en 2003. Mais on ne pouvait conclure sur la base de cette seule information que ces facilités de crédit ne procuraient aucun avantage, puisque leur disponibilité avait une «valeur d’option» pour l’entreprise. Il était impossible de savoir en 2003 qu’elles ne seraient pas utilisées. Les conditions des facilités de crédit doivent donc être évaluées de la même manière que celles du prêt de 2001. On peut observer que ces facilités de crédit étaient liées au plan de rénovation de RM.

(27)

Le prêt NLF de 544 millions de GBP a été octroyé «25 points de base au-dessus du LIBOR ou de tout autre emprunt applicable» (6). Il convient de souligner que le taux de référence est fixé à 75 points au-dessus d’un taux swap interbancaire. Les autorités britanniques ont justifié la faible marge par référence à la garantie fournie, notamment les réserves de trésorerie de RM. Or, la Commission a constaté que ces réserves constituent des ressources d’État sur lesquelles les autorités britanniques disposaient d’un contrôle par le biais d’une législation spécifique. La Commission s’est dès lors demandé si l’utilisation de ces réserves comme garantie était forcément de nature à dissiper ses doutes quant au caractère d’aide de la mesure. Elle a constaté que si le prêt avait été utilisé, une économie de 50 points de base compenserait la valeur des commissions d’ouverture de crédit que RM avait payées.

(28)

Les obligations de 300 millions de GBP et de 200 millions de GBP ont été émises à des taux se situant 50 et 200 points de base au-dessus du «titre pertinent». La plus grande obligation a été garantie par une charge flottante sur tous les actifs de RM, tandis que la plus petite avait une garantie moindre. La marge de 50 points de base au-dessus d’un taux basé sur des titres d’État (dont le taux est généralement inférieur aux taux interbancaires) donne à penser que l’emprunt de 300 millions de GBP peut avoir été contracté à un taux inférieur au taux de référence de la Commission.

(29)

Le 31 octobre 2006, les autorités britanniques ont informé la Commission que les conditions de l’extension des facilités de crédit de 2003, qui étaient toujours en vigueur en octobre 2006 (à savoir le prêt de 544 millions de GBP du National Loans Fund et l’obligation de 300 millions de GBP), étaient encore en cours de négociation, mais qu’elles se faisaient conseiller par des consultants afin que ces conditions soient commerciales.

2.4.3.   Le compte séquestre des pensions

(30)

Selon les informations fournies par les autorités britanniques, le compte séquestre avait pour effet, entre autres, de réduire les cotisations au fonds de pension de vieillesse que RM devait toujours verser au RMPP afin de combler le déficit accumulé au cours des premières années. La Commission a souligné que ceci était une indication que la mesure était susceptible de fournir un avantage à RM et donc de constituer une aide d’État. La Commission doutait de l’argument selon lequel la mesure pouvait être justifiée en tant qu’intervention d’un investisseur en économie de marché, qui n’était étayé ni par des projections ni par une analyse financière.

(31)

La Commission a recensé trois questions à examiner. Étant donné que Royal Mail détenait déjà le fonds de réserve qui constituait sa réserve et que celui-ci était déjà porté au bilan, une question consistait à savoir si la création du compte séquestre pouvait être considérée comme une décision commerciale prise par RM en dépit de l’implication des autorités britanniques, qui s’est présentée suite au régime légal particulier applicable. Une deuxième question, compte tenu des pouvoirs particuliers exercés par les autorités britanniques sur ces réserves, visait à savoir si un actionnaire agissant de manière commerciale approuverait une telle utilisation des capitaux propres. Vu que l’utilisation des réserves pour la mesure concernant les pensions requiert que les autorités financent les mesures de POL sur le budget d’État, une troisième question visait à savoir si un actionnaire accepterait d'apporter de nouveaux capitaux propres pour financer un compte séquestre de ce type.

2.4.4.   La nouvelle avance d’actionnaire de 300 millions de GBP

(32)

Les conditions du prêt n’avaient pas été communiquées à la Commission au moment de l’ouverture de l’enquête. La Commission était dès lors dans l’incapacité d’apprécier si ses conditions incluaient une aide. Comme ce prêt faisait partie d’un ensemble de mesures au sujet desquelles la Commission soupçonnait toujours l’existence d’une aide d’État, les modalités de prêt n’ont de toute façon pas pu faire l’objet d’une appréciation distincte.

2.4.5.   Compatibilité de toute aide d’État

(33)

La Commission a en outre exprimé des doutes concernant la compatibilité des mesures avec le marché commun dans l'hypothèse où elles constitueraient des aides d’État. Elle a souligné qu’il n’apparaissait pas possible de se fonder sur la base juridique de l’article 86, paragraphe 2, du traité, même si RM était une entreprise chargée de services d’intérêt économique général. Les autorités britanniques avaient formellement lié le prêt et les facilités de crédit à d’autres projets que la fourniture de tels services, en l’occurrence des acquisitions à l’étranger par RM et le plan de rénovation adopté en 2003. De même, le compte séquestre concernant les pensions n’avait pas été lié à un service d’intérêt économique général assuré par RM.

(34)

La seule base permettant de conclure à la compatibilité de ces mesures, si elles contiennent des aides d’État, semblait être l’article 87, paragraphe 3, point c), du traité. Or, ces mesures n’apparaissaient conformes à aucun des textes d’application de cette disposition promulgués à ce jour par la Commission. Par conséquent, si les mesures en cause comportaient l’octroi d’une aide d’État, la Commission doutait qu’elles soient compatibles avec le marché commun.

3.   OBSERVATIONS DES PARTIES INTÉRESSÉES

3.1.   Deutsche Post

(35)

Deutsche Post a indiqué que l’enquête ne couvrait qu’une partie de l’aide octroyée à Royal Mail ces dernières années. La Commission avait approuvé tout un ensemble de mesures d’aides britanniques, ce qui faisait de Royal Mail le plus grand bénéficiaire d’aides du secteur postal (après Poste Italiane), ces dernières années. DPAG a souligné qu’en dépit de toutes ces mesures, le fournisseur de services libéralisés de distribution de colis de Royal Mail, Parcelforce, enregistrait un important déficit depuis de nombreuses années. Parallèlement, étant donné que Royal Mail n’avait pas tiré de ses autres activités de recettes suffisantes pour compenser ces pertes, celles-ci devaient forcément être couvertes à l’aide de ressources d’État. Selon la décision de la Commission du 19 juin 2002 [affaire C 61/99, Deutsche Post AG (7)], une telle perte de compensation constitue une aide d'État incompatible avec le marché commun. DPAG a regretté qu’en dépit du fait qu’elle ait attiré l’attention sur ce point dans sa plainte du 3 décembre 2002, la Commission n’en ait tenu aucun compte dans la présente procédure.

(36)

En ce qui concerne le prêt de 2001, DP a fait remarquer qu’en janvier 1999, Royal Mail a racheté le fournisseur allemand de services de livraison de colis German Parcel GmbH («German Parcel») à concurrence de 424 millions d’EUR. À l'automne 1999, German Parcel GmbH a été intégrée à la société General Logistics System («GLS») nouvellement constituée. GLS a continué à effectuer de nombreux achats sur le marché européen. Au cours de la période 2000-2003, Royal Mail n'a réalisé pratiquement aucun bénéfice qui lui aurait permis de financer de telles acquisitions. Si le prêt finançant ces achats a été accordé à des conditions qu’il n’était pas possible d’obtenir sur le marché à l’époque, il y aurait alors aide d’État illégale, qu’il conviendrait de rembourser.

(37)

En ce qui concerne les facilités de crédit, DPAG a estimé qu’il était difficile de comprendre la raison pour laquelle Royal Mail ne finançait pas la rénovation de son infrastructure postale avec les recettes enregistrées au cours des dernières années (selon ses propres chiffres, Royal Mail a réalisé au cours de l’exercice 2005-2006 un bénéfice d’exploitation de 355 millions de GBP). L’organisme de réglementation Postcomm avait déjà largement tenu compte des obligations de service universel de l’entreprise dans ses approbations de taux. Il fallait dès lors craindre que les nombreuses mesures de soutien sous forme de paiements d’aides directes, d’emprunts et de mesures de tarification approuvées aient pour effet général de surcompenser les coûts de service universel d’une manière inacceptable en vertu des règles régissant les aides d’État. Ceci pourrait affecter sensiblement la concurrence sur le marché des services de courrier, de colis et de courrier rapide au Royaume-Uni, où DPAG avait enregistré en 2006 un chiffre d’affaires supérieur à un milliard d’EUR.

(38)

DPAG a insisté auprès de la Commission pour qu’elle soumette les mesures d’aide énumérées dans la décision d'ouverture de la procédure à un examen critique, étant donné les nombreuses mesures d’aide d’État déjà approuvées pour Royal Mail en particulier.

3.2.   TNT Post UK Limited

(39)

Dans une première réponse à l’ouverture de la procédure, TNT Post UK Ltd («TNT») a entièrement soutenu l’enquête en sa qualité de membre du Mail Competition Forum qui avait déposé plainte contre la mesure relative aux pensions. En tant qu’entrant sur le marché, elle était directement affectée par toute forme de financement effectué autrement qu’à des conditions commerciales loyales. Un tel financement signifiait que Royal Mail se trouve dans une position lui permettant de maintenir ses prix à un niveau artificiellement bas, réduisant ainsi la capacité de TNT de soutenir la concurrence.

(40)

TNT a constaté dans les comptes provisoires soumis par Royal Mail Group Limited (anciennement plc) que «Royal Mail Group plc n’est pas en ordre de remboursement de ses facilités de crédit auprès de l’État, mais a obtenu des dérogations officielles du ministère du commerce et de l’industrie en sa capacité de prêteur». TNT a affirmé qu’au vu de ces conditions, aucun prêteur commercial ne serait disposé à avancer d’autres fonds à moins que les conditions ne reflètent adéquatement le risque accru de non-paiement des intérêts ou de non-remboursement du capital. TNT a en outre fait remarquer que dans un document de Royal Mail daté de mars 2007, intitulé «Royal Mail’s position on the interim review» (position de Royal Mail concernant le bilan intermédiaire), Royal Mail a confirmé que le refinancement était interdépendant du règlement relatif au contrôle des prix et du financement du déficit des pensions en dix-sept ans. TNT a interprété ceci comme une période indûment longue et a estimé que s’il devait apparaître que le financement s’effectuait à des conditions qui ne seraient pas acceptables pour un investisseur ou un prêteur opérant dans les conditions d'une économie de marché, ceci indiquerait que cette période de recouvrement était trop longue. En conséquence, l’organisme de réglementation postale Postcomm aurait fixé les plafonds de contrôle de prix à un niveau trop bas. En tant que concurrent, TNT a expliqué qu’elle avait été directement touchée par les plafonds de prix sur le courrier professionnel qui étaient fixés à un niveau laissant supposer l’existence d’un financement public et une période de comblement du déficit du fonds de pension indûment longue.

(41)

TNT a soumis une autre déclaration, qui est arrivée bien après le délai officiel imparti pour la formulation d’observations, mais dont la Commission a néanmoins tenu compte. TNT avait entrepris une analyse des deux sources de financement public mises à la disposition de Royal Mail, à savoir: i) le financement au moyen d’un prêt et ii) le déblocage des réserves sous contrôle de l’État en vue de leur transfert vers un compte séquestre auquel les administrateurs du fonds de pension de Royal Mail pouvaient avoir accès. TNT a conclu qu’aucun investisseur privé opérant dans une économie de marché n’aurait apporté l’une ou l’autre des deux sources de financement.

(42)

Concernant les prêts de 2001, ils ont été accordés sous la forme de prêts non garantis en février 2001 pour une durée avoisinant en moyenne vingt et un ans et avec un taux d’intérêt fixe de 5,84 % en moyenne. Au cours du mois d’émission des prêts, le taux swap à vingt ans (par rapport au LIBOR en GBP) a connu des variations comprises entre 5,87 % et 6,12 %. Partant de là, on pourrait en déduire que les prêts d’État ont dû avoir été conclus au rabais par rapport aux taux interbancaires en vigueur, alors que dans des conditions normales, la dette non garantie d’entreprise paie un écart créditeur au-delà des taux interbancaires. Ceci s’applique également à Royal Mail, comme le prouve l’écart créditeur de 0,25 % au-dessus du LIBOR que les banques commerciales lui ont porté en compte pour des prêts d’une durée nettement plus courte. TNT a également constaté que les écarts créditeurs augmentaient fortement pour des échéances plus longues. Sur la base des informations disponibles, elle concluait qu’un acteur privé n’aurait pas conclu de prêts de 500 millions de GBP avec Royal Mail aux conditions publiées. En réalité, un prêt octroyé dans des conditions de pleine concurrence aurait produit un taux d’intérêt nettement plus élevé.

(43)

En ce qui concerne les obligations émises en 2003 (c’est-à-dire les facilités de crédit), TNT estimait que la situation était quelque peu différente vu qu’il apparaissait que les obligations étaient garanties par des actifs de Royal Mail. En fonction de la solidité de ces actifs (qui semblaient plutôt solides sur la base des informations disponibles), on pouvait s’attendre à une réduction de l’écart créditeur au-delà du LIBOR. Seul le montant d’une telle réduction pouvait être remis en question, mais comme TNT ignorait le taux que Royal Mail payait en réalité, il était difficile de déterminer si ceci pouvait être justifié d’un point de vue commercial tant par Royal Mail que par le gouvernement britannique.

(44)

S’agissant des obligations émises en 2007, TNT a fait remarquer qu’il n’était pas possible de déterminer le caractère commercial des conditions, étant donné qu’elles ne relevaient pas du domaine public et que le prêt était apparemment relié au compte séquestre et à la facilité de prêt existante. Or, dans des conditions normales, un acteur commercial n’accorderait jamais de dérogation aux clauses ordinaires des facilités existantes [telles qu’elles étaient confirmées par les comptes semestriels réglementaires de Royal Mail (8), dans la note 3 en page 18, «Royal Mail Group plc a des obligations financières nettes au 24 septembre 2006 qui résultent premièrement du déficit des pensions dans son plan de pension principal, le Royal Mail Pension Plan. Royal Mail n’est donc pas en ordre de remboursement de ses facilités de prêt auprès de l’État, mais a obtenu des dérogations officielles du ministère du commerce et de l’industrie en sa capacité de prêteur») et ne consentirait jamais de prêt supplémentaire.

(45)

Pour ce qui est de la mesure concernant les pensions, TNT se demandait si le transfert d’actifs autres que le capital d’exploitation et des fonds propres associés, connus sous le nom des «réserves de Royal Mail», lors de l’intégration de Royal Mail en mars 2001, était commercial. Selon TNT, un actionnaire privé n’aurait très probablement pas établi une entreprise dont l’actif était constitué d’un prêt (dans laquelle l’emprunteur était l’actionnaire) pour fournir ensuite un apport similaire en fonds propres. TNT a fait remarquer qu’au moment où l’opérateur néerlandais KPN a été «privatisé» en 1989, un arrangement similaire avait été mis en place, mais que le bilan d’ouverture de KPN en tant que société anonyme néerlandaise en 1989 ne reprenait ni les actifs associés ni les réserves.

(46)

Selon TNT, le transfert vers le compte séquestre qui a été opéré par les autorités britanniques sert de garantie pour la fiducie de pension qui offrirait à Royal Mail l’avantage de pouvoir combler son déficit sur une période de financement plus longue et d’utiliser ses propres fonds pour renforcer son activité. Si Royal Mail avait dû financer le déficit directement, elle aurait dû subir, selon que l’obligation de pension dans le bilan aurait déjà reflété un tel déficit ou non, une perte et une réduction substantielle de ses fonds propres, ainsi qu’une réduction de fonds, ce qui est peut-être plus important encore. Dans des conditions de marché normales, si une entreprise a besoin de fonds, elle peut emprunter sur le marché des capitaux ou lever des capitaux supplémentaires sur le marché des actions. Dans le cas de Royal Mail, il est apparu qu’il existait une troisième possibilité, à savoir convenir avec l’organisme de réglementation d’un plafond de prix plus modéré dans son contrôle de prix. Les prix pouvaient augmenter d’un niveau substantiel sans atteindre des niveaux trop élevés. Le consentement de Royal Mail étant requis pour que le contrôle de prix soit effectif, il s’agissait d’une question qui relevait du pouvoir de Royal Mail et d’une option qui était connue de son actionnaire.

(47)

TNT a souligné que pour se procurer des fonds sur le marché des capitaux, un emprunteur doit avoir un argument convaincant afin de prouver qu’il est capable de rembourser la dette sur ses futurs flux de liquidités. Pour se procurer des fonds sur le marché des actions, une entreprise doit prouver de manière encore plus convaincante qu’elle générera un rendement important pour l’actionnaire sur la contribution en capitaux totale investie. En tant qu’unique actionnaire de Royal Mail, le gouvernement britannique aurait dû procéder à toutes les investigations nécessaires pour se convaincre que Royal Mail se trouverait dans une meilleure condition financière si elle avait la possibilité de mener à bien son plan stratégique. La question décisive était de savoir si la réalisation d’autres investissements suite au déblocage des fonds des réserves se justifiait sur le plan commercial ou équivalait à investir «à fonds perdus». Une analyse très précise du rendement qui serait généré par l’investissement additionnel serait primordiale pour prendre une telle décision. En l’absence de preuves indiscutables visant à démontrer que le plan de restructuration, rendu possible suite au déblocage des fonds provenant des réserves, produirait un retour commercial sur cet investissement pour l’actionnaire, TNT estimait que la décision avait été prise à des conditions non commerciales.

4.   COMMENTAIRES DU ROYAUME-UNI

4.1.   Le prêt de 2001

(48)

En ce qui concerne le prêt de 2001, le Royaume-Uni a précisé que le prêt remontait à 1999, lorsque le gouvernement a approuvé la stratégie de Royal Mail consistant à faire certaines acquisitions afin de soutenir la compétitivité des principales activités de Royal Mail. En donnant leur accord sur cette stratégie, les autorités ont tenu compte en particulier du retour prévu escompté au fur et à mesure que Royal Mail s’efforçait d’atteindre son objectif stratégique. Vers la cinquième année de sa stratégie d’acquisition globale, Royal Mail prévoyait une croissance de son chiffre d’affaires de 40 % et une augmentation des recettes de 210 %. Au cours de discussions concernant le financement des acquisitions et en particulier de l’acquisition de German Parcel, qui était la première grande acquisition étrangère de Royal Mail, les autorités britanniques ont indiqué qu’elles souhaitaient que Royal Mail finance cette transaction (de même que les futures) au moyen d’un prêt contracté à des taux commerciaux auprès du NLF du gouvernement. Ceci reflétait l’intention du gouvernement d’imposer à Royal Mail des disciplines commerciales et de veiller également à ce qu’elle soit en concurrence loyale avec d’autres opérateurs postaux dans le secteur postal, étant donné que le marché s’ouvrait progressivement à la concurrence.

(49)

NLF n’étant pas en mesure de concéder les prêts en 1999, le gouvernement britannique a accepté que Royal Mail finance les transactions temporairement en utilisant les réserves de liquidités inscrites sur son bilan conformément à la politique britannique qui prévoyait que les organismes publics ne devaient, d’une manière générale, pas contracter d’emprunt sur les marchés des capitaux privés. L’intérêt sur le prêt NLF s’appliquerait à partir des dates (9) auxquelles Royal Mail prélèverait des fonds sur ses réserves de liquidités comme si l’emprunt avait été en place à partir de ce moment-là (comme cela était initialement prévu) afin de laisser l’entreprise dans une position de neutralité par rapport à la mesure de financement intermédiaire. Le Royaume-Uni a présenté à la Commission la lettre du 12 janvier 1999 par laquelle les autorités britanniques ont donné à Royal Mail leur accord sur l’acquisition de German Parcel, qui précisait la façon dont le financement se produirait.

(50)

Afin d’examiner si les acquisitions proposées par Royal Mail étaient sensibles sur le plan stratégique et commercial, les autorités britanniques se sont adjoint l’assistance d’un conseiller externe pour l’acquisition de German Parcel. Pour les acquisitions suivantes, qui étaient également financées par le prêt de 500 millions de GBP et qui nécessitaient l’autorisation des autorités britanniques, la firme Deloitte & Touche LLP («Deloitte») a été consultée et a évalué chaque acquisition sur une base individuelle avant que les autorités britanniques autorisent leur poursuite. Deloitte n’a émis un avis défavorable pour aucune des acquisitions.

(51)

Deloitte a également été sélectionnée pour aider à déterminer les taux d’intérêt commerciaux pour les avances faites par le NLF à Royal Mail et en particulier pour établir le degré de solvabilité de Royal Mail sur la base de l’évaluation de sa crédibilité en tant qu’entreprise autonome, indépendante de la propriété publique. Deloitte a évalué le risque de crédit de RM en tant que fonction du risque de l’entreprise et du risque financier et a déterminé, à l’aide d'éléments de comparaison et de ratios financiers, une cote de crédit comprise entre AA et AA. Deloitte a en outre recommandé que le taux d’intérêt porté en compte à Royal Mail soit déterminé par référence à des taux pratiqués par des sociétés émettrices et notés de façon comparable sur la base d’un écran tarifiant l’«index» des écarts pour la cote de crédit donnée par rapport à des obligations d’État servant d’éléments de référence. Sur cette base, l’écart pertinent appliqué à Royal Mail était compris entre 76 et 165 points de base.

(52)

Royal Mail a cherché à obtenir un emprunt à long terme étant donné que pour appliquer sa stratégie, elle avait l’intention de garder à long terme les entreprises qu’elle rachetait. Sur la base des taux d’intérêt commerciaux disponibles à l’époque (au moment où les taux d’intérêt à long terme étaient nettement inférieurs aux taux d’intérêt à court terme), Royal Mail a sollicité des durées de prêt comprises entre 20 et 25 ans, le cas échéant, pour les acquisitions à long terme concernées, ce qui lui permettait de rembourser 100 millions de GBP du montant total emprunté au cours de chacune des années comprises entre 2021 et 2025, au lieu de rembourser la totalité des 500 millions de GBP en un an. Les tranches de prêt avaient des durées différentes, comprises entre 20 et 25 ans, ce qui n’était pas inhabituel vu l’attrait relatif des taux d’intérêt à long terme à cette époque. Les taux de prêt étaient basés sur une dette notée AA d’une échéance reportée à 20 et 25 ans qui n’était pas garantie non plus, et des taux annuels ont ensuite été interpolés de façon à établir un taux adéquat pour le prêt de Royal Mail.

(53)

Le Royaume-Uni a affirmé que les taux d’intérêt de référence de la Commission ne constituaient pas un élément de comparaison valable pour les taux applicables au prêt de 2001, compte tenu en particulier du fait que les taux de la Commission sont basés sur des échéances à cinq ans et que le prêt en cause se composait d’une dette à long terme avec un éventail de dates d’échéance allant de 20 à 25 ans, parce que le prêt avancé à Royal Mail reflétait les taux commerciaux disponibles pour des emprunteurs à long terme se trouvant dans une même position et parce que la courbe de rendement britannique en 1999-2000 (la période de référence pour le calcul de l’intérêt) évoluait à la baisse, ce qui rendait l’emprunt des sociétés meilleur marché.

(54)

Aucune garantie sur le prêt n’a été jugée nécessaire ou adéquate, étant donné que la cote de crédit de Royal Mail a été fixée à AA pour les lignes de crédit d'un montant maximal de 1 milliard de GBP. Le prêt proposé maintiendrait toujours la dette à long terme de Royal Mail à ce niveau et comprendrait en soi la grosse majorité des dettes à plus d’un an de Royal Mail. Au moment de négocier ce prêt, toutefois, les autorités britanniques ont décidé de revoir la forme du prêt de 500 millions de GBP de 2001 pour en aligner les modalités sur celles du nouveau prêt. Ni le montant ni la durée ni les taux d’intérêt applicables des prêts n'ont été modifiés, mais compte tenu de l’augmentation générale de l’endettement de l’entreprise, la garantie sur les actions de GLS qui avait été accordée dans le cadre des nouvelles facilités a également été étendue de façon à couvrir le prêt de 2001. Parallèlement, le prêt a été garanti par une charge fixe et une charge flottante sur certains actifs de Royal Mail.

4.2.   Les facilités de crédit

4.2.1.   Les facilités accordées en 2003

(55)

Le Royaume-Uni a fourni d’autres informations concernant les facilités de crédit mises à disposition en 2003. Les conditions exigeaient que les emprunts soient garantis par une caution sur certains des dépôts en espèces détenus qui figuraient au bilan de Royal Mail et qui constituaient par conséquent une dette particulièrement peu risquée, justifiant une marge de […] (10). En réponse à l’observation formulée par la Commission selon laquelle ces dépôts en espèces constituaient des ressources d’État sur lesquelles les autorités britanniques disposaient d’un contrôle au moyen d’une législation spécifique et dont l’utilisation en tant que caution pouvait ne pas forcément lever les doutes concernant le caractère d’aide de la mesure, les autorités britanniques ont indiqué qu’elles cherchaient à réaliser l’utilisation des dépôts en espèces et d’autres avoirs de l’entreprise d’une manière reflétant les principes commerciaux de façon à ce que des disciplines efficaces soient imposées à l’entreprise en ce qui concerne les facilités. Recourant aux pouvoirs qui leur sont conférés par l’article 72 de la loi de 2000 sur les services postaux, les autorités ont enjoint à Royal Mail d’affecter les dépôts en espèces qu’elle obtenait auprès du NLF et qui étaient générés par les profits accumulés de l’entreprise (totalisant environ 1,8 milliard de GBP) à une réserve spéciale sur le bilan de Royal Mail (la réserve de Royal Mail). Par une lettre d’accord distincte, 549 millions de GBP de la réserve ont pu être utilisés comme garantie pour les facilités de crédit de 544 millions de GBP contractées auprès du NLF.

(56)

En réponse aux questions posées par la Commission concernant la commission d’ouverture de crédit payée par Royal Mail pour les facilités de crédit du NLF, les autorités britanniques ont précisé que la commission d’ouverture de crédit annuelle représentait dans ce cas […] points de base de la valeur de prêt, soit […] % de la marge de […] points de base taxée au-dessus du LIBOR. Elles ont déclaré que selon la convention du marché, les commissions d’ouverture de crédit équivalent généralement à 50 %, voire moins, de la marge au-dessus du LIBOR et elles ont joint des exemples pour illustrer ce point. Des marges relativement faibles, tournant autour de 50 points de base ou moins, étaient fréquentes pour la créance prioritaire au cours de cette période. Compte tenu du fait que la disponibilité des autres facilités (les obligations) était soumise à la condition que le Parlement approuve la fourniture des fonds au ministère public compétent à cette époque, étant donné qu’il avait besoin des fonds pour acheter les obligations que Royal Mail devait émettre, une commission d’ouverture de crédit pour ces autres facilités n’était pas adéquate, les facilités n’ayant en réalité jamais été affectées à Royal Mail. Selon la pratique du marché en vigueur dans un contexte de prêt privé, une commission d’ouverture de crédit ne doit être payée qu’à partir du moment où le prêteur a obtenu toutes les autorisations internes nécessaires pour que les fonds soient officiellement affectés à l’emprunteur (et mis à sa disposition sans condition).

(57)

Le Royaume-Uni a également décrit l’analyse des facilités de crédit proposées qui a été entreprise préalablement à l’octroi de celles-ci, y compris le calcul de la valeur actuelle nette («VAN») des taux de rentabilité interne des investissements du refinancement proposé, ainsi que certaines options alternatives. Selon les estimations, l’option proposée avait un recouvrement de […] GBP, tandis que les alternatives en avaient un de […] GBP au mieux. Le Royaume-Uni a en outre confirmé qu’aucun prélèvement n’a été effectué sur les facilités accordées en 2003 en dehors du prélèvement expérimental qui a été remboursé en une semaine avant leur expiration ou leur reformulation dans les facilités accordées en 2007.

4.2.2.   Les facilités accordées en 2007

(58)

Le Royaume-Uni a expliqué que les facilités de crédit accordées en 2007 consistaient en une facilité de créance prioritaire de 900 millions de GBP. Celle-ci fait partie d’un financement composite qui inclut la mesure de soutien des pensions et le prêt subordonné de 300 millions de GBP. Les facilités de crédit sont destinées à financer le programme de transformation et d’investissement de Royal Mail, y compris les coûts des licenciements. La créance prioritaire de 900 millions de GBP remplace et prolonge les facilités de crédit de 844 millions de GBP octroyées en 2003 et est structurée en deux tranches: une tranche de […] GBP, qui n’est autorisée que pour financer la transformation, et une tranche de […] GBP, qui sert de capital d’exploitation général au sein de l’entreprise (à l’exclusion de Post Office Limited). La mesure est entrée en vigueur le 19 mars 2007 et a une durée de […] années à partir de cette date. Elle a une marge de […] BPS au-dessus du LIBOR (11) pertinent pour les […] premiers mois. Par la suite, la marge dépend du niveau de couverture à taux fixe (rentabilité en tant que multiple de paiements d’intérêt) avec un minimum de […] BPS. La facilité de 900 millions de GBP est garantie par des actions dans une nouvelle filiale établie par Royal Mail, à savoir Royal Mail Estates Limited, qui détient la quasi-totalité de ses biens immobiliers (à l’exclusion de ceux qui se rapportent à Post Office Limited), avec une valeur totale de marché qu’Atis Real a estimée à […] GBP en septembre 2006.

(59)

Le Royaume-Uni a décrit les mesures prises afin de garantir qu’il soit satisfait aux conditions du principe de l’investisseur en économie de marché (PIEM), tout en faisant remarquer que le caractère commercial des mesures de financement de 2007 devait être évalué globalement (voir plus loin aux considérants 64 et 65). Crédit Suisse et Deloitte ont tous deux recommandé que la facilité s’effectue à des conditions commerciales et que l’intérêt payable soit établi au taux du marché, notamment à l’aide d’une analyse comparative par rapport aux prêts consentis sur le marché. Bien que cette analyse ait laissé entendre que la durée de sept ans se trouvait à la limite supérieure de la plage des prêts consentis sur le marché, la commission de montage, la commission d’ouverture de crédit et les tests de tirage et de défaillance apparaissent tous conformes aux normes de marché pour les prêts garantis consentis sur la même base que les prêts accordés à Royal Mail (dans ce cas essentiellement sur l’immobilier). Les montages de garanties étaient différents de la pratique du marché (taxe sur les actions plutôt que sur la propriété), mais le Royaume-Uni a estimé que ceci était en réalité plus avantageux pour le prêteur sur le plan du coût, de l’échéancier et de l’administration.

(60)

En ce qui concerne la déclaration de TNT faisant référence à la violation des facilités d’emprunt de RM auprès du gouvernement et à l’obtention de dérogations officielles auprès du ministère du commerce et de l’industrie, les autorités britanniques ont expliqué que la nécessité de la dérogation se justifiait par des considérations d’ordre purement technique liées à l’introduction de nouvelles dispositions comptables concernant les pensions (FRS17) et non par une quelconque détérioration sous-jacente de la performance commerciale de l’entreprise. Elles ont également fait remarquer que contrairement à ce qu’avait laissé entendre TNT, les facilités de 2007 n’étaient pas «additionnelles», mais remplaçaient bel et bien celles de 2003.

4.3.   La mesure concernant les pensions

(61)

Les autorités britanniques ont clarifié le mécanisme d’établissement du compte séquestre, y compris la garantie donnée aux administrateurs du fonds de pension concernant le montant. En l’espèce, le compte séquestre de 850 millions de GBP a été financé à partir de la réserve de Royal Mail à concurrence de 796 millions de GBP et d’une injection de capitaux pour les 54 millions de GBP restants. En vertu des conventions, les administrateurs sont autorisés à exercer la garantie sur les comptes séquestres dès [l’apparition de certains événements limités de défaillance essentiellement liés à la mise en liquidation pour insolvabilité de l’entreprise concernée (Royal Mail Holdings plc ou Royal Mail Group Limited) ou le caractère inexécutable de la garantie constituée par les comptes séquestres]. Les conventions de garantie ont également arrêté les conditions dans lesquelles les fonds se trouvant sur le compte peuvent être libérés de la garantie constituée par les conventions de garantie qui existeront grosso modo dès que le fonds de pension aura atteint un niveau de solvabilité de 75 %. Lorsque les fonds sont libérés de la garantie constituée par la convention de garantie de Royal Mail Holdings, les parties sont convenues que l’actionnaire peut décider que les fonds séquestres de 850 millions de GBP (majorés des intérêts accumulés) qui sont libérés de la garantie constituée par la convention de garantie de Royal Mail Holdings puissent être accordés à l’actionnaire en recourant aux pouvoirs conférés par la loi de 2000 sur les services postaux ou d’autres droits ou pouvoirs applicables.

(62)

La clause concernant le compte séquestre a eu pour effet que les administrateurs sont convenus d’une période de dix-sept ans pour combler le déficit des pensions. Les autorités britanniques ont attiré l’attention sur des déclarations faites par l’organisme de réglementation du fonds de pension qui soulignaient que les périodes de recouvrement de plus de dix ans feraient l’objet d’un examen particulier visant notamment à déterminer si les administrateurs avaient fait usage d’un «actif éventuel» (tel qu’un compte séquestre) afin de réduire les risques découlant du plan de recouvrement. Le Royaume-Uni a contesté que l’arrangement séquestre permette à Royal Mail de réduire ses cotisations au fonds de pension, comme l’a laissé entendre la Commission, et fait valoir qu’en l’absence de compte séquestre, le résultat ferait l’objet de négociations et serait imprévisible. L’absence d’accord aurait mis en péril la disponibilité de fonds pour des placements d’entreprise.

4.4.   Avance d’actionnaire de 300 millions de GBP

(63)

Les autorités britanniques ont confirmé qu’elles concédaient à Royal Mail une avance d’actionnaire au moyen d’une créance subordonnée de 300 millions de GBP à un taux d’intérêt de […] % accumulé jusqu’à l’échéance du prêt. La facilité a été offerte pour deux ans, l’échéance étant la dernière des dates de remboursement final de la facilité de créance prioritaire, […], ou la libération des fonds séquestres de pension. Les conditions du prêt subordonné ont été négociées dans le cadre du financement total contrairement à une facilité autonome. Le Royaume-Uni a déclaré que la condition selon laquelle le remboursement ne pourrait se faire qu’après déblocage du compte séquestre de pension était une conséquence de la nature subordonnée du prêt. Ceci se reflétait à son tour dans le taux d’intérêt élevé qui était, compte tenu des risques d’entreprise, supérieur à la fourchette avancée par les conseillers du gouvernement pour le coût d’option adéquat de la valeur nette de participation. Les conseillers du gouvernement avaient confirmé que le dépôt de garantie entre mains de tiers était «tout à fait commercial».

4.5.   Conformité avec le principe de l’investisseur en économie de marché du financement composite de 2007

(64)

Le Royaume-Uni a déclaré que les composants du financement composite de 2007 ont été négociés en tant qu’éléments d’un ensemble intégré et que leur caractère commercial n’était pas et ne devait pas être évalué sur une base autonome, bien que leurs conditions individuelles aient été étalonnées par rapport à des équivalents commerciaux. La nature commerciale du financement composite et en particulier du dépôt de garantie entre mains de tiers a été analysée par Deloitte et Crédit Suisse et le gouvernement s’est basé sur leurs conseils.

(65)

L’approche de Deloitte consistait à tenir compte de la valeur d’entreprise de l’affaire d’un point de vue stratégique en partant du principe que le placement entre mains de tiers de 1,0 milliard de GBP est effectué. Cette valeur d’entreprise est estimée en décomptant les flux de trésorerie de préfinancement projetés au coût moyen pondéré du capital de l’entreprise. Selon le Royaume-Uni, le placement entre mains de tiers est adéquat pour un investisseur privé au comportement rationnel:

a)

s’il fournit une valeur nette réelle positive pour l’investisseur (après avoir déduit la dette financière nette, la valeur du déficit de pension et le coût net de la garantie entre mains de tiers de la valeur d’entreprise); et

b)

si une valeur plus élevée ne pouvait être atteinte en n’investissant pas dans les comptes séquestres tel que cela a été proposé.

Deloitte a également calculé un taux interne de rentabilité (TIR) associé, défini comme étant le taux d’actualisation des futurs flux de liquidités qui réduisait la valeur nette réelle de l’entreprise à […]. L’analyse exécutée par Deloitte a indiqué une valeur nette réelle après investissement supérieure à […] GBP et un taux interne de rentabilité («TIR») de […], précisant que ces retours étaient solides conformément à une série d’analyses de sensibilité. Deux scénarios alternatifs sans placement entre mains de tiers ont été examinés dans le cadre desquels, selon Deloitte, la valeur des capitaux propres risquait d’être fortement réduite. Par opposition, avec l’investissement proposé, la valeur de l’investissement devait s’améliorer considérablement au fil des années.

5.   APPRÉCIATION DES MESURES: EXISTENCE D’UNE AIDE D’ÉTAT

(66)

Ainsi que cela a été expliqué dans la décision d’ouverture de la procédure, la question de savoir si chacune des mesures en cours d’examen constitue une aide d’État dépend de la présence d’un avantage pour Royal Mail au sens de l’article 87 du traité, les autres critères permettant d'établir l’existence de l’aide étant clairement remplis. Afin de déterminer si la mesure procurait un avantage à RM, la Commission examine si un opérateur privé, agissant dans une économie de marché, aurait été disposé à fournir des fonds aux mêmes conditions.

5.1.   Le prêt de 2001

(67)

Les éclaircissements apportés par les autorités du Royaume-Uni expliquent pourquoi le taux d’intérêt auquel les tranches de prêt ont été consenties a été fixé à un taux moyen de 5,8 % sur une longue période (vingt ans), soit à un niveau inférieur au taux de référence de la Commission qui était applicable à l’époque et qui est un taux à plus court terme (12). Dans la lettre à laquelle il est fait référence au considérant 49, elles précisent également les origines du prêt en 1999 et la façon dont les conditions ont été fixées à cette date. Elles répondent aux observations formulées par TNT (voir le considérant 42), étant donné que TNT a établi des comparaisons avec les taux d’intérêt de 2001, ce qui ne correspondait pas à l’époque où les taux de prêt ont été fixés. Elles expliquent également l’absence de garantie sur le prêt (ce qui a en tout état de cause été modifié par la suite lorsque les prêts de 2003 ont été émis). Enfin, elles répondent au point soulevé par la Commission dans sa décision d’ouverture de la procédure selon lequel la performance financière de Royal Mail commençait à baisser, du moins en 2001. Tel n’était pas le cas en 1999 lorsque l’engagement pour le prêt a été donné et au cours de la période 1999-2000 qui sont les dates à retenir pour la fixation des taux d’intérêt.

(68)

Au moment où les prêts ont été consentis, les taux d’intérêt de référence de la Commission étaient fixés au titre de la communication de 1997 de la Commission concernant la méthode de fixation des taux de référence et d’actualisation («la communication de 1997 sur les taux de référence») (13). Dans cette communication, la Commission définissait les taux en se basant sur les taux interbancaires dits «swap» à cinq ans, majorés d’une prime, mais se réservait le droit d’utiliser un taux de base plus court (par exemple, le LIBOR à un an) ou plus long (par exemple, le taux des obligations à dix ans) que le taux swap interbancaire à cinq ans. Compte tenu de la durée fixe plus longue des prêts, la Commission estime que l’utilisation d’un tel taux à plus long terme convient en l’espèce.

(69)

La Commission a constaté que les taux portés en compte avaient été obtenus par une opération basée sur des transactions de prêt commerciales observées qui ont ensuite été comparées à l’obligation d’État concernée (14). L’écart par rapport aux obligations d’État était compris entre 76 et 165 points de base, ce qui est par conséquent suffisant par comparaison avec les 75 points de base arrêtés dans la communication sur les taux de référence. La Commission a également comparé les taux portés en compte avec les taux swap interbancaires à vingt ans aux mêmes dates. Les taux portés en compte sont extrêmement proches de ces taux (généralement une différence inférieure à 10 points de base). La Commission observe que le Royaume-Uni et ses consultants ne se sont pas basés sur le taux interbancaire pertinent ou sur d’autres taux publiés, mais ont plutôt cherché des éléments de référence commerciaux directs. À la lumière de ce qui précède, la Commission reconnaît que la mesure en cause n’a pas offert un avantage à Royal Mail et n’a pas constitué une aide d’État.

5.2.   Les facilités de crédit

5.2.1.   Les facilités accordées en 2003

(70)

Ainsi que cela a été souligné dans la décision d’ouverture de la procédure, ces facilités n’ont jamais été utilisées au cours de la période précédant leur prorogation ou leur modification en 2007. La Commission n’a dès lors pas engagé la procédure concernant les conditions du prêt et la présente décision n’évalue pas l’adéquation du taux consenti. La Commission a toutefois cherché à savoir si les facilités représentaient néanmoins une possibilité que l’entreprise aurait pu exploiter et qu'il convenait donc d'évaluer en vue de déterminer l'élément d'aide contenu dans la mesure. Sur ce point, la Commission a établi qu’en dépit du fait qu’elles n’aient pas été utilisées, les facilités faisaient néanmoins l’objet d’une commission d’ouverture de crédit de […] par an pour les facilités engagées. La Commission s'est assurée qu’il s’agissait d’un taux de marché qui a été fixé en tant que pourcentage de la marge au-delà du LIBOR du prêt sous-jacent, ce qui correspond à la pratique du marché, et à un niveau (de […]) qui est conforme à cette pratique (la Commission a relevé des exemples allant de 16 à 50 %). D’autres facilités n’ont jamais été approuvées par le Parlement et n’ont dès lors jamais été engagées, ce qui ne devrait normalement donc pas donner lieu à une commission. Partant, la Commission est convaincue que les facilités accordées en 2003 n’ont en pratique pas conféré à Royal Mail une aide d’État.

5.2.2.   Les facilités accordées en 2007

(71)

En 2007, les facilités restantes de 2003 (15) ont été remplacées par une «facilité de créance prioritaire» de 900 millions de GBP à des conditions révisées. La Commission a examiné les conditions de cette facilité. Le taux d’intérêt porté en compte est supérieur au LIBOR pertinent de […] points de base au cours des douze premiers mois, le taux variant par la suite en fonction de la couverture à taux fixe sans jamais être inférieur à […] points de base au-dessus du LIBOR pertinent. La facilité est garantie par une charge flottante (16) sur l’actif de Royal Mail, une charge sur les actions d’une nouvelle filiale Royal Mail Estates Ltd, qui détient un portefeuille immobilier de RM, et une charge flottante sur l’actif de cette société. La valeur de marché des biens immobiliers détenus dans RM Estates a été évaluée à […] GBP. La Commission a apprécié ces conditions au regard des termes de la communication sur les taux de référence de 1997 qui était d’application au moment de leur établissement. Étant donné que la valeur de l’actif sur lequel une charge est détenue par rapport aux prêts excède la valeur de ceux-ci d’environ 50 %, la caution est jugée «élevée». La marge au-dessus du LIBOR, qui est comprise entre […] et […] points de base est donc suffisante conformément à la communication qui fixe une marge de 75 points de base (comme indiqué au considérant 68, la Commission a envisagé dans la communication sur les taux de référence de 1997 l’utilisation possible du LIBOR comme base d’appréciation). La Commission a en outre constaté que les informations fournies par les autorités britanniques sont extraites d’autres transactions garanties auprès de compagnies immobilières, ce qui semble montrer que les conditions ont été «étalonnées» par rapport à des transactions commerciales comparables. Sur la base de son analyse du taux de référence, la Commission a déterminé que, prises indépendamment, ces facilités de crédit ne constituent pas une aide d’État.

(72)

Vu que les facilités de 2007 ont été mises à disposition dans le cadre d’un financement composite avec d’autres mesures et vu que le Royaume-Uni insiste sur le fait que les composants du financement composite de 2007 ne devraient pas être évalués sur une base autonome, il y aurait lieu que la Commission détermine si l’appréciation distincte énoncée au considérant 71 peut être concluante. Cette question est examinée plus loin sous le point 5.5 ci-dessous.

5.3.   Le compte séquestre de pensions

5.3.1.   Existence d’une aide

(73)

Suite aux observations formulées et aux explications fournies par les autorités britanniques, la Commission a été en mesure de comprendre le mécanisme impliqué dans la mesure concernant les pensions. Comme décrit au considérant 22 ci-dessus, Royal Mail doit rendre compte de son grand déficit de constitution de pensions dans son bilan et la loi britannique sur les pensions exige qu’elle arrête avec les administrateurs un plan, et en particulier une durée, pour résorber ce déficit par le biais de paiements de régularisation au fonds du régime. La mesure a permis à Royal Mail de prolonger cette période, ce qui a un effet sur les paiements qu’elle doit effectuer. La Commission a constaté initialement que la nature légale de la mesure (impliquant le déblocage des réserves, sur lesquelles l’État disposait d’un contrôle effectif par le biais d’une législation spécifique, en vue de leur utilisation dans un placement entre mains de tiers en faveur du fonds de pension) n’avait pas de parallèle immédiat dans les transactions commerciales ordinaires même si le modèle du placement de fonds dans un compte séquestre peut être envisagé dans le secteur privé (17). Afin d’apprécier l’argument du Royaume-Uni selon lequel la mesure s’effectuait à des conditions commerciales, la Commission a, par conséquent, dû déterminer l’élément de référence adéquat par rapport auquel établir la comparaison.

(74)

La mesure débloque des fonds qui se trouvaient entièrement sous le contrôle de l’actionnaire et dont RM devait se servir pour modifier les paiements de comblement du déficit qu’elle était obligée d’effectuer au système des pensions en plaçant ces fonds sur un compte séquestre (bien que la réserve de Royal Mail ait été officiellement constituée sur son bilan, RM ne pouvait se servir des réserves et de l’actif associé sans avoir obtenu l’approbation des autorités publiques). Bien que ce déblocage des fonds ne représente pas une injection pure de fonds propres, elle peut être assimilée au mieux, sur le plan de ses effets, à une telle opération. Si les fonds n’avaient pas été débloqués, Royal Mail n’aurait pas pu constituer le compte séquestre sans lever des capitaux auprès d’autres sources ou tirer sur d’autres réserves. Il est vrai que la mesure prévoyait qu’au moment du déblocage du compte séquestre, les fonds retourneraient sous le contrôle de l’État. Cependant, le temps jugé nécessaire pour que ceci se produise (dix-sept ans), l’incertitude associée concernant la question de savoir si les fonds pouvaient en pratique être restitués à l’actionnaire au cas où la performance financière de RM déclinerait au cours de cette période et l’absence de produits d’intérêt garantis ont conduit la Commission à rejeter la possibilité d’assimiler la transaction à la concession d’un prêt. La Commission a décidé que cette conclusion était d’autant plus raisonnable que lorsque la réserve de Royal Mail ne s'élevait au 31 mars 2007 qu'à 796 millions de GBP, les autorités britanniques ont injecté 54 millions de GBP sous forme de nouveaux fonds propres afin de porter la réserve de Royal Mail au niveau convenu de 850 millions de GBP avant d’établir le compte séquestre. À la lumière de ce qui précède et pour les besoins de l’analyse de la conformité avec le principe de l’investisseur en économie de marché, la Commission a analysé le déblocage des fonds se trouvant entièrement sous le contrôle de l’actionnaire en vue de leur utilisation par RM en tant qu’injection de fonds propres.

(75)

La méthode utilisée par la Commission pour analyser la conformité des injections de fonds propres avec le marché consiste à comparer la valeur actuelle nette des fonds propres détenus par les autorités publiques avec les investissements (après injection de capital) et sans les investissements (avant l’injection de capital) (18). Si la différence est supérieure au capital injecté, l’injection est jugée conforme au principe PIEM. Cette approche «par comparaison» est nécessaire, car autrement on ne verrait pas clairement quelle partie des revenus destinés à l’actionnaire (dividendes ou, dans le cas de la vente de la participation, prix de vente) résulterait de l’investissement et quelle partie se produirait indépendamment de ceci. La méthode permettant de calculer la valeur d’une prise de participation dans les cas à la fois postérieurs et antérieurs à l’injection de fonds sur une période définie consiste à ajouter la valeur actualisée des futurs flux de liquidités provenant de cette prise de participation au cours de cette période (il s’agit normalement de dividendes, mais une réduction du capital constituerait une autre possibilité) à toute augmentation de la valeur au cours de la période.

(76)

La première réponse du Royaume-Uni contenait un rapport rédigé par les consultants Deloitte qui visait à montrer un taux de rentabilité interne pour les investissements prévus de […]. L’examen a toutefois révélé l’existence de plusieurs problèmes avec la méthodologie utilisée.

(77)

Premièrement, le calcul ne concernait que le cas de l’investissement et ne se fondait pas sur une comparaison entre le scénario d’investissement et le scénario sans investissement. Pour répondre à cette critique, le Royaume-Uni a indiqué que dans le cas du non-investissement, une valeur de fonds propres de […] avait été avancée comme principe. L’argument que le cas du non-investissement débouchait sur une valeur de fonds propres de […] n’a cependant été ni avancé ni soutenu par le rapport de Deloitte. La Commission ne pouvait donc pas considérer que le rapport original de Deloitte avait suivi ce que la Commission juge comme la méthodologie adéquate, à savoir la méthodologie basée sur la comparaison entre les projections avec et sans investissement.

(78)

Deuxièmement, la méthode d’évaluation de la prise de participation consistait à calculer une valeur d’entreprise (c’est-à-dire la somme des créances des créditeurs ainsi que des actionnaires) en utilisant les flux de liquidités au niveau de l’entreprise et la valeur finale et à déduire ensuite les dettes. S’il ne s’agit pas d’une méthode incorrecte, elle ne montre toutefois pas clairement les flux de liquidités libres qui sont à la disposition des seuls actionnaires, alors qu’il s’agit de l’un des indicateurs (même si ce n'est pas le seul élément) montrant si une injection de fonds propres est conforme aux principes de l’investisseur en économie de marché. La Commission préfère donc la méthode qui implique l’actualisation des bénéfices disponibles directement payés à l’actionnaire (dividendes) et l’utilisation d’une valeur finale qui représente non pas une valeur d’entreprise, mais bien une valeur de fonds propres. Ceci implique également l’utilisation du coût des fonds propres en tant que taux d’actualisation au lieu du coût moyen pondéré du capital. C’est cette méthode qui a été utilisée dans les affaires Landesbanken précédemment citées (voir la note de bas de page 17).

(79)

Troisièmement, la facilité de la créance prioritaire, examinée au considérant 71, et le déblocage de la réserve de Royal Mail ont été évalués ensemble dans ce calcul, alors que normalement le test pour un prêt et le test pour une injection de fonds propres sont différents (test de l’investisseur privé par opposition au test du prêteur privé) et doivent donc être effectués de façon distincte (19). S’il est vrai qu’il n’est pas rare qu’un actionnaire œuvre également en qualité de prêteur dans de grands groupes, la Commission considère qu’il est difficile d’apprécier les deux mesures dans le même cadre compte tenu de leur nature différente. Ceci ne signifie toutefois pas que les effets que chacune des mesures a sur l'autre ne doivent pas être pris en compte. Au contraire, l’analyse du déblocage des fonds, qui se trouvaient entièrement sous le contrôle de l’actionnaire en vue de leur l’utilisation par RM, repose sur des flux de liquidités qui reflètent l’hypothèse que les prêts examinés dans la présente décision sont consentis à RM.

(80)

La Commission a donc demandé au Royaume-Uni de fournir l’évaluation des fonds propres dans le scénario, le meilleur possible mais réaliste, du «non-investissement». En ce qui concerne l’identification du cas alternatif, les propres prévisions de non-investissement de RM [le principe MFCC («manage for cash case» — gérer en tenant compte du cas des liquidités)] ont conduit à […]. Deloitte a donc échafaudé un «cas alternatif» (CA) dans le cadre duquel […] et a comblé son déficit de pension en douze ans au lieu de dix-sept. Mais l’appréciation que Deloitte a faite de ce cas était que si le problème de pension était effectivement traité à court terme, […]. On notera que la Commission n’a pas l’assurance que cette alternative représente le «meilleur» cas de non-investissement «disponible», qui constituerait bien entendu la base d’une appréciation concernant l’investisseur en économie de marché. On peut toutefois dire que tout doute concernant le cas de l’investissement serait amplifié par rapport à toute «meilleure alternative» concevable.

(81)

À la demande de la Commission, le Royaume-Uni a fourni des chiffres permettant d’apprécier le cas de l’investissement par rapport aux deux alternatives. Pour les raisons présentées au considérant 78, la Commission a demandé que les projections utilisent le cash-flow disponible qui est à la portée des titulaires de fonds propres, une valeur nette réelle pour la valeur finale et le coût des fonds propres en tant que taux d’actualisation.

(82)

Le Royaume-Uni a fourni les projections suivantes (20). Le tableau montre le calcul de la prise de participation du gouvernement avec investissement (cas de l’investissement), suivi du résultat du même calcul dans la situation alternative. Sur la base de ces chiffres, la valeur de la prise de participation du gouvernement est de […] GBP dans le cas de l’investissement, alors qu’elle serait de […] GBP dans le cas alternatif sans investissement.

CAS DE L’INVESTISSEMENT — 1,15 milliard de GBP d’investissement

VA

Cash-flows initiaux

07/08

08/09

09/10

10/11

11/12

12/13

13/14

14/15

15/16

16/17

17/18

18/19

19/20

20/21

21/22

22/23

VAN année 1-10 (cash-flow disponible actualisé, excluant les dettes)

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

 

 

 

 

 

 

 

Valeur finale

[…]

[…]

 

VAN de la provision Postcomm

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

Valeur d’entreprise

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

Recette nette liée aux intérêts

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

Tirage et remboursement de la dette/investissement de fonds

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

Dette restante à la fin de la période prévisionnelle

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[…]

Évaluation du déficit de pension

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

Solde du compte séquestre, y compris les intérêts cumulés

[…]

[…]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Remboursement du compte séquestre (pas à mi-année)

[…]

[…]

 

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

Exigence séquestre

[…]

[…]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Prêt d’actionnaire

[…]

[…]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Valeur nette réelle

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

CAS ALTERNATIF

Valeur nette réelle

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

Valeur nette réelle spécifique

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

(83)

La différence de […] GBP étant supérieure à la somme investie, le Royaume-Uni fait valoir qu’il a démontré que l’investissement s’effectue sur une base commerciale. La Commission a toutefois estimé que cette affirmation requiert un examen plus approfondi.

(84)

Le tableau montre que:

a)

les liquidités générées dans le cas de l’investissement ne fournissent aucun retour aux détenteurs de fonds propres au cours des […] premières années du plan;

b)

le cas de l’investissement se fonde donc fortement sur la valeur finale calculée en 2016-2017;

c)

le cas de l’investissement dégage un négatif en liquidités au cours des […] premières années, après quoi les liquidités obtenues sont entièrement consacrées au paiement de la dette et au comblement du déficit de pension jusqu’en 2013-2014;

d)

pour les années postérieures à 2016-2017 (et en acceptant que l’on ne puisse se baser que de façon limitée sur les projections à cette distance), le cas alternatif génère des retours plus importants, étant donné que le déficit des pensions a été remboursé, annulant les retours positifs en 2013-2016. Cette considération ajoute dès lors encore plus de poids à la valeur finale dans le cas de l’investissement.

(85)

La Commission a en outre confirmé que même au-delà des […] premières années, il n’est pas certain que les chiffres des années […] constituent en réalité des dividendes pouvant être distribués à l’actionnaire. Ceci s’explique par le fait que l'inscription du déficit de pension de RM au bilan (suite aux nouvelles règles comptables) qui se traduit par une valeur négative de l’entreprise sur une base comptable, imposant des restrictions sévères pour tout prélèvement de liquidités sous la forme de dividendes, y compris à partir de […]. Dans le rapport original de Deloitte que le Royaume-Uni a soumis, […].

(86)

Vu le modèle des retours pour l’actionnaire (ceux-ci résultant en quasi-totalité de la valeur finale et pratiquement en rien des dividendes), la Commission est d'avis qu’un investisseur privé s’attendrait à obtenir certains retours en espèces au cours des années […] après l’investissement et qu’il ne serait pas simple que la totalité ou la partie prédominante du retour de l’investissement provienne de la valeur finale au cours de l’année […]. La valeur finale étant, par essence, la valeur des liquidités à compter de l’année […], actualisée à l’année […], l’investisseur privé est censé croire que même si son investissement ne produit aucun retour en […] années, il s’agit néanmoins d’un bon investissement sur la base des perspectives qui suivent l’année […]. Les prévisions sur une période aussi longue étant exposées à de nombreuses variables imprévisibles et étant dès lors d’une fiabilité limitée par leur nature même, la Commission estime qu’un investisseur privé ne souhaiterait pas investir dans de telles conditions, en particulier dans le secteur postal dont les perspectives à long terme sont incertaines. La Commission se demande également si un tel investisseur aurait été disposé à faire dépendre aussi étroitement ses intérêts d’actionnaire de ceux des salariés/pensionnés et des remboursements de la dette.

(87)

Non seulement le cas de l’investissement se fonde fortement sur la valeur finale calculée en 2016-2017, mais cette même valeur peut aussi être remise en question en raison à la fois de la méthodologie de calcul et des chiffres sous-jacents. S’agissant de la méthodologie, la valeur finale a été obtenue en prenant la valeur de l'EBITDA au cours de la dernière année et en la multipliant par un facteur égal au ratio entre la valeur d’entreprise et l'EBITDA à des équivalents sectoriels. TNT et Deutsche Post/DHL ont été retenues compte tenu du fait que même si RM ne se trouve pas encore sur un pied d’égalité avec ces entreprises aujourd’hui, elle le sera après […] années du plan d’investissement. Le résultat de cette approche est une valeur d’entreprise (grosso modo dette plus fonds propres) qui n’est pas cohérente avec l’approche décrite au considérant 81, qui exige l’utilisation d’une valeur nette réelle en tant que valeur finale. Si une valeur nette réelle adéquate est utilisée, la valeur finale change considérablement: elle devient plus faible. Quant aux chiffres sous-jacents qui conduisent à la valeur finale, la Commission constate en particulier que la croissance annuelle des résultats avant impôts, intérêts et amortissements (EBITDA) de RM devait, selon les estimations, dépasser […] au cours de la période du plan. La Commission a estimé que cette prévision était extrêmement optimiste dans un secteur nouvellement libéralisé, réglementé et bien développé.

(88)

La Commission a vérifié la validité du calcul présenté par le Royaume-Uni en modifiant les hypothèses utilisées et la méthodologie de calcul, en particulier pour la valeur finale. Elle a constaté que vu l’importance de la valeur finale dans les chiffres fournis, des variations même mineures dans la méthodologie, telles qu’un calcul différent de la valeur finale et une croissance de bénéfices moins optimiste, modifieraient sensiblement l’appréciation de l’investissement.

(89)

En conclusion, la Commission n’a pas été en mesure de trouver que le déblocage de fonds se trouvant entièrement sous le contrôle de l’actionnaire afin de permettre à RM de les utiliser pour modifier les paiements de régularisation qu’elle est tenue d’effectuer à son système de pension en plaçant ces fonds dans un compte séquestre est conforme au PIEM.

(90)

La Commission a donc procédé à un examen de la comptabilité de toute aide contenue dans la mesure (voir le point 6).

5.3.2.   Quantification de l’aide

(91)

L’effet de la mesure sur Royal Mail se fait sentir sur les paiements que celle-ci doit effectuer au système de pension afin de combler le déficit de pension, ce qui peut s’étendre, suite à la mesure, sur un plus grand nombre d’années que ce qui aurait été le cas autrement. Ces paiements sont par conséquent moins élevés au cours des premières années (parce que sans la mesure, RM devrait combler le déficit plus rapidement et donc procéder à des cotisations de régularisation plus importantes), mais plus élevés au cours des dernières années, au moment où le déficit aurait été comblé autrement.

(92)

L’évaluation de cet avantage en calculant la valeur actuelle nette des paiements de cash-flow modifiés nécessite la formulation de certaines hypothèses, notamment en ce qui concerne la période sur laquelle le déficit devrait être traité en l'absence de la mesure et la sélection d’un taux d’actualisation. La Commission a accepté d’utiliser une période de douze ans pour combler le déficit, qui a été la base du «cas alternatif» examiné au considérant 80 et que Royal Mail a présenté à l’organisme de réglementation postal britannique dans le cadre de l’examen de la tarification. Ce chiffre dépasse légèrement la période de dix ans qui est utilisée comme période de référence par l’organisme de réglementation des pensions britanniques (21). Mais vu l’utilisation du chiffre de douze ans à d’autres finalités et compte tenu de l’ampleur du déficit par rapport à l’entreprise, qui nécessiterait par conséquent d’une manière générale une période de traitement plus longue, la Commission estime qu’il s’agit là d’une hypothèse acceptable. La Commission a appliqué un taux d’actualisation de 12 % représentant le coût des fonds propres. Sur cette base, la valeur de la modification des cotisations au système de pension résultant de la mesure représente, pour Royal Mail, un chiffre de […] GBP.

5.4.   L’avance d’actionnaire de 300 millions de GBP

(93)

Comme indiqué précédemment, l’avance d’actionnaire est subordonnée à la fois à l’autre dette de Royal Mail et à l’intérêt des pensionnés (elle ne peut être remboursée avant le déblocage du compte séquestre). Ceci a conduit la Commission à se demander s’il n’y a pas lieu d’assimiler la mesure à une injection de fonds propres (voir également la note de bas de page 19).

(94)

La Commission a toutefois décidé (22) que la subordination n’empêche pas d’apprécier les prêts afin de déterminer s’ils renferment des éléments d’aide d’État en appliquant la même méthode que pour les emprunts non subordonnés. De tels prêts peuvent dès lors être évalués conformément aux conditions de la communication sur les taux de référence (23), bien qu’à un niveau de notation moindre que leurs équivalents non subordonnés.

(95)

La communication sur les taux de référence de 1997, qui était en vigueur en 2007, fixe des taux en se référant aux taux observés d’une durée spécifique, à savoir cinq ans. La mesure en cours d’appréciation aurait toutefois une durée aussi longue que le compte séquestre, qui est estimée à dix-sept ans. Au moment de l’émission du prêt, la courbe de rendement britannique entamait une évolution à la baisse, comme elle l’a fait en 1999. Bien que le taux de référence ait été de 5,9 %, les swaps de taux d’intérêt à quinze ans de la livre sterling à fin mars 2007 se situaient à 5,2 %. Le critère de référence utilisé dans la communication sur les taux de référence de 1997 était des taux swap interbancaires à cinq ans et la Commission considère dès lors le taux à quinze ans correspondant comme un critère adéquat pour la mesure en question. Ce taux doit être majoré de la prime standard de 75 points de base selon la communication, ce qui donne 5,95 %.

(96)

Le taux ainsi déterminé devrait être ajusté davantage afin de refléter le degré de sécurité et de subordination.

(97)

Le prêt d’actionnaire n’est pas garanti et son cautionnement doit donc être considéré comme inférieur à ce que les banques requerraient normalement. Dans ces cas, la communication sur les taux de référence de 1997 fixe une marge au-dessus du critère pertinent de 400 points de base et même davantage si aucune banque privée n’avait accepté d’accorder le prêt en question. Dans la droite ligne des précédentes décisions de la Commission (24) prises au titre de la communication sur les taux de référence de 1997, la Commission est d'avis que le taux devrait être augmenté d’une prime de 400 points de base pour refléter l’absence de garantie et de 200 points de base pour tenir compte de la nature subordonnée de l’instrument.

(98)

Constatant que le taux de prêt de […] % est supérieur à la somme de 5,95 % majorés de 600 points de base, la Commission peut accepter que, prise indépendamment, la mesure ne constitue pas une aide d’État.

(99)

Vu que les facilités de 2007 ont été mises à disposition dans le cadre d’un financement composite incluant d’autres mesures, la Commission devrait déterminer si une telle évaluation distincte peut être concluante. Cette question est traitée plus loin au point 5.5.

5.5.   Appréciation distincte des mesures de 2007

(100)

La Commission a établi que deux des mesures de 2007 prises indépendamment (facilités de crédit de 2007 et prêt d’actionnaire de 300 millions de GBP) ne constituent pas une aide d’État, mais elle n’a pas été en mesure d’arriver à une telle décision interprétative pour la mesure concernant les pensions. Les mesures ayant été annoncées simultanément, la Commission doit évaluer si elle peut confirmer les conclusions relatives à l'absence d’aide à la lumière de la jurisprudence du Tribunal (25).

(101)

La Commission a constaté que les facilités de crédit prorogées en 2007 représentaient en pratique la continuation de mesures octroyées en 2003, mais à des conditions révisées. Il s’ensuit qu’au moment où la mesure a été accordée pour la première fois, la mesure concernant les pensions n’existait pas. Une distinction peut également être établie entre les objectifs des facilités de prêt et la mesure concernant les pensions: les premières offrent une source externe de financement pour le plan de transformation de Royal Mail, tandis que la seconde doit offrir une garantie pour le remboursement du déficit en dix-sept ans. Comme indiqué ci-dessus, la garantie prise sur les actifs de RM en rapport avec les facilités de prêt était conforme à la pratique du marché. Les trois critères établis par le Tribunal (chronologie, objectif et situation au moment de l'adoption de la mesure) plaident tous en faveur du caractère d’aide des facilités d’emprunt lorsque celles-ci sont évaluées de façon distincte.

(102)

En ce qui concerne le prêt d’actionnaire, la décision d’octroyer cette mesure a été prise postérieurement aux autres mesures de 2007. L’emprunt a été ajouté au cadre financier précédemment annoncé afin de fournir une marge de financement suffisante pour permettre à Royal Mail de mener à bien son plan de transformation suite à une baisse du résultat prévu sur la période du plan. L’objectif de la mesure peut être distingué de celui de la mesure concernant les pensions ainsi que de celui des facilités d’emprunt. Enfin, la situation de RM au moment de l’octroi du prêt n’invalide pas la constatation d’absence d’aide, étant donné que la situation est déjà prise en compte dans l’appréciation de l’adéquation du taux d’intérêt.

(103)

La Commission conclut donc que l’unique mesure pour laquelle on ne peut exclure un élément d’aide et qui doit dès lors être appréciée sur le plan de la compatibilité est la mesure concernant les pensions. Cette appréciation est présentée dans la section suivante.

6.   COMPATIBILITÉ AVEC LE MARCHÉ COMMUN

6.1.   Base d’évaluation

(104)

La Commission ne pourrait déclarer la mesure concernant les pensions compatible que conformément à l’article 87, paragraphe 3, point c), du traité qui précise que sont compatibles avec le marché commun les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun (26). Une jurisprudence concernant l’application de l’article 87, paragraphe 3, point c), du traité concernant la situation spécifique des mesures de pension existe également et l’analyse ci-dessous apprécie la mesure à la lumière de cette jurisprudence. Il s’ensuit que la décision actuelle ne représente pas une application des lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté pour les besoins visés au point 3.3 des lignes directrices communautaires concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté (27).

6.2.   Historique des régimes de pension de Royal Mail

(105)

Afin d’évaluer la compatibilité de la mesure concernant les pensions, il est nécessaire d’établir préalablement l’historique de Royal Mail et de ses régimes de pension.

(106)

En 1969, Royal Mail (qui s’appelait alors Post Office) a cessé d’être une administration publique pour devenir une «société de service public» conformément à la loi de 1969 sur la poste. Au titre de l’article 43, paragraphe 1, de la loi, les régimes de pension en faveur du personnel de Post Office étaient soumis à l’approbation du ministre des postes et des télécommunications. Les salariés ont cessé officiellement d’être des fonctionnaires, mais ont conservé leurs droits de pension acquis et ont continué à acquérir d’autres droits aux mêmes conditions essentiellement que les fonctionnaires. Dans ces conditions, la pension finale a été calculée en fonction des années de service et du salaire final. Il s’agissait donc d’un régime «à prestations définies» dans lequel le niveau de pension était fixé par les règles du régime. Le régime de pension a été séparé du régime de service civil pour devenir un système financé détenant des actifs par rapport aux obligations futures (en commun avec d’autres fonds de pension d’entreprise au Royaume-Uni).

(107)

D’importantes révisions aux régimes de pension ont été apportées en 1987 et en 2008 (dans le dernier cas, ces mesures étaient déjà en préparation au moment où la mesure concernant les pensions a été adoptée). Les conditions révisées de 1987 étaient toujours des conditions «à prestations définies», c’est-à-dire une pension basée sur un salaire final et proportionnelle au nombre d’années de service. Conformément à la révision de 2008, les nouveaux membres adhèrent sur une base de «cotisations déterminées» où le niveau de la pension finale dépendra de la performance de l’actif du fonds. Dans les deux cas, les nouveaux salariés ont été obligés d’adhérer aux conditions révisées, tandis que les salariés existants ont continué à acquérir des droits aux mêmes conditions ou à des conditions identiques aux précédentes.

6.3.   Décisions antérieures de la Commission concernant les obligations de pension et leur applicabilité à la situation de Royal Mail

(108)

Dans sa décision du 16 décembre 2003 relative aux aides d’État accordées par la France à EDF et au secteur des industries électriques et gazières (28), la Commission a déclaré compatible avec le marché commun l’aide d’État qui dégageait les entreprises d’un secteur particulier d’obligations spécifiques de retraite qui excédaient celles résultant du régime général des retraites et qui avaient été définies pendant une période de monopole. Elle a également estimé que l’atténuation partielle des coûts découlant du mécanisme de financement des droits de pension spécifiques acquis avant la date de la réforme constituait une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, du traité qui pouvait être déclarée compatible avec le marché commun. Dans son analyse des comptes, la Commission a conclu que la situation d’EDF ne différait intrinsèquement pas de celle des «coûts échoués» dans le secteur de l’énergie.

(109)

Dans sa décision du 10 octobre 2007 concernant les aides d’État accordées par la France en ce qui concerne la réforme du mode de financement des retraites des fonctionnaires de l'État rattachés à La Poste (29), la Commission a estimé que les mesures d’aide en cause déchargeaient La Poste d’obligations de pensions spécifiques à un secteur qui excédaient celles résultant du régime général des retraites et qui avaient été définies pendant une période de monopole. Ces engagements découlaient premièrement des cotisations de pension plus élevées payables pour les travailleurs ayant le statut de fonctionnaire et deuxièmement de l’obligation imposée à l’employeur d’assurer l’équilibre financier du régime de pension pour ces salariés.

(110)

La Commission a conclu que ces mesures constituaient des aides d’État qui étaient néanmoins compatibles avec le marché commun au titre de l’article 87, paragraphe 3, point c), du traité. En procédant de la sorte, elle a constaté que les mesures étaient limitées à ce qui était strictement nécessaire pour établir des conditions égales en matière de contributions sociales et fiscales et que, de ce fait, elles favorisaient le développement et la concurrence et une libéralisation plus poussée du secteur postal. En établissant un parallèle avec la décision d’EDF, elle a en outre constaté que La Poste ne recrutait plus de fonctionnaires, que les futurs régimes de pension de La Poste étaient placés dans une situation comparable par rapport à ses concurrents en ce qui concerne les contributions sociales et fiscales et que les obligations résultant de la loi de 1990, avant la libéralisation du secteur postal, auraient affecté la compétitivité de La Poste dans un environnement soumis à la libéralisation.

(111)

En France, les régimes de pension de retraite («pilier 2») sont obligatoires et sont financés sur la base d’un système par répartition. En général, le paiement des cotisations par l’employeur décharge celui-ci d’autres responsabilités de financement des droits de pension en résultant. En demandant à La Poste en vertu d’une loi de 1990 de garantir l’équilibre de son régime de pension pour les fonctionnaires, l’entreprise a été soumise à une obligation que d’autres entreprises n’avaient pas à supporter.

(112)

Au Royaume-Uni, les régimes de pension diffèrent des régimes français. La plupart des régimes de pension de retraite sont «dissociés» des régimes de pension de retraite de l’État baptisés State Earnings Related Pension Scheme (régime public de retraite lié au revenu). La plupart des grands employeurs exploitent leurs propres régimes de pension de retraite. Conformément à la loi britannique sur les pensions, ces régimes doivent procurer un droit à la pension qui répond à certaines normes et les employeurs ont certaines obligations pour garantir l’approvisionnement suffisant de ces régimes. Selon les normes comptables actuelles (IFRS), les employeurs doivent inscrire les déficits de ces régimes de pension dans leur bilan. Les règles qui imposent que Royal Mail rende compte de son déficit ne diffèrent dès lors pas de celles qui s’appliquent à d’autres entreprises. Mais le niveau de ce déficit découle des termes et conditions qui s’appliquaient lorsque l’entreprise relevait de l’administration publique.

(113)

Le contexte factuel et législatif de Royal Mail diffère donc de celui dans lequel les décisions d’EDF et de La Poste ont été prises. Selon la Commission, certains aspects de ces affaires sont néanmoins applicables à Royal Mail. En particulier, les affaires indiquent que des contributions plus élevées au fonds de pension découlant du statut spécifique (et en particulier du statut de fonctionnaire) et définies à une période de monopole peuvent être considérées comme des coûts anormaux dont la prise en charge par l’État peut être compatible avec le marché commun au titre de l’article 87, paragraphe 3, point c), du traité.

6.4.   Appréciation de la mesure concernant les pensions

(114)

Dans le cas de Royal Mail, les droits de pension acquis par les salariés qui adhéraient au régime de pension avant 1987 étaient clairement alignés sur ceux de la fonction publique. Au 31 mars 2007, le régime de pension comptait déjà 153 125 retraités touchant leur pension, qui avaient adhéré au régime à ces conditions. Il s’agit donc d’anciens salariés qui sont déjà à la retraite et dont les services ne profitent plus à l’entreprise. Selon les informations fournies par les autorités britanniques, les conditions applicables aux membres qui ont adhéré au système après 1987 ne peuvent manifestement pas être décrites comme des conditions propres à la fonction publique ni comme des conditions propres au secteur privé du même type que celles pratiquées par les concurrents de Royal Mail sur le marché postal nouvellement libéralisé. Comme cela a déjà été constaté, les nouveaux membres n'ont plus pu profiter de ces conditions après 2008. En moyenne, les obligations à l’égard des membres qui ont adhéré au régime de pension avant 1987 dépassent largement celles qui s’appliquent à l’égard des membres qui ont adhéré au régime aux conditions obtenues suite à la réforme de 1987 jusqu’à la réforme plus poussée de 2008. La valeur de ces obligations additionnelles a été quantifiée à […] GBP par salarié.

(115)

Il s’ensuit que le fonds de pension de Royal Mail reste porteur d’obligations substantielles qui découlent essentiellement du fait que des membres du personnel ont été employés aux conditions applicables à la fonction publique à une période où Royal Mail jouissait d’un monopole sur le courrier ordinaire. Ces conditions correspondent à celles qui existaient dans l’affaire de La Poste. Sur la base des informations fournies par le Royaume-Uni, la Commission a établi que ces obligations additionnelles représentaient un montant de […] GBP (le produit de 153 125 multiplié par […] GBP), ce qui excède par conséquent, d’une marge considérable, la quantification de […] GBP pour le contenu d’aide possible de la mesure. En effectuant cette analyse, la Commission n’a pas jugé nécessaire d’établir si ces obligations du régime de pensions constituent le montant total des obligations du système qui peuvent être considérées anormales dès lors qu’il a été établi qu’elles excèdent en tout état de cause l'élément d'aide maximum que la mesure peut contenir.

(116)

La Commission a également établi que, par similitude avec les caractéristiques des mesures de La Poste qui ont été décrites au considérant 107, les conditions donnant lieu aux coûts additionnels ne sont plus accessibles aux nouveaux salariés, notamment depuis 1987, et que les obligations résultant de ces conditions avant la libéralisation du secteur postal auraient affecté le développement d’une concurrence effective dans un environnement subissant une libéralisation. Dans le cas de Royal Mail, la mesure n’affecte pas les contributions sociales et fiscales pour les salariés actuels et ne place donc pas RM dans une meilleure position par rapport à ses concurrents sous cet angle.

(117)

La Commission a également constaté que la forme de la mesure a laissé intactes les obligations de pension de Royal Mail et a uniquement permis à l’entreprise de combler le déficit sur une plus longue période plutôt que de la dégager entièrement de ces obligations. Ce dégagement était la forme de la mesure incriminée dans La Poste, ce qui signifie que le bénéficiaire était libéré de façon permanente de ses responsabilités qu'il aurait dû autrement supporter et qu’il n’était, par conséquent, pas obligé d’en rendre compte dans son bilan. Dans le cas de Royal Mail, la mesure ne fait aucune différence par rapport au montant du déficit des pensions pour lequel l’entreprise est tenue de rendre compte dans son bilan en vertu des règles de comptabilité internationale. Conformément à la loi britannique sur les pensions, l’entreprise reste obligée de prendre des mesures pour supprimer ce déficit. La mesure a uniquement pour effet d’allonger la période pendant laquelle elle peut le faire. Alors qu’il ressort déjà de l’analyse ci-dessus que tout élément d’aide est évalué à […] GBP et non à 850 millions de GBP, la Commission estime qu’en général, les mesures exigeant qu’un bénéficiaire s’acquitte entièrement de ses dettes accumulées sont susceptibles d’engendrer moins de distorsion qu’une mesure qui dégage de ces obligations.

(118)

En ce qui concerne l’effet de la mesure sur la concurrence, on peut constater que les paiements de régularisation au système de pensions que Royal Mail est tenue d’effectuer, après qu'ils ont été établis à la suite des négociations entre l’entreprise et les administrateurs de pensions, ne varient pas en fonction des niveaux de sortie ou d’entrée. Leur réduction au cours des premières années au moyen de la mesure n’affecte dès lors pas les coûts marginaux et n’est pas de nature à affecter les décisions commerciales de Royal Mail et en particulier ses futures décisions d’investissement (30). La Commission estime dès lors que l’effet sur la concurrence n’est pas de nature à affecter les échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun au sens de l’article 87, paragraphe 3, point c) du traité.

(119)

Sur cette base, la Commission a estimé qu'au vu du niveau de l'élément d'aide contenu dans la mesure concernant les pensions, celle-ci est compatible avec le marché commun.

7.   CONCLUSION

(120)

La Commission conclut que la mesure concernant les pensions contient un élément d’aide et a été appliquée illégalement par le Royaume-Uni en violation de l’article 88, paragraphe 3, du traité. La Commission estime cependant que cette aide est compatible. Elle considère que les autres mesures ne constituent pas une aide d’État,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

Le prêt de 2001, les facilités de crédit et l’avance d’actionnaire de 2007 ne confèrent pas d’aide d’État à Royal Mail.

Article 2

Au vu de l'élément d'aide contenu dans la mesure concernant les pensions, celle-ci est compatible avec le marché commun.

Article 3

Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 8 avril 2009.

Par la Commission

Neelie KROES

Membre de la Commission


(1)  JO C 91 du 26.4.2007, p. 34.

(2)  JO C 269 du 8.11.2003, p. 23.

(3)  JO C 141 du 16.6.2006, p. 2.

(4)  JO C 80 du 13.4.2007, p. 5.

(5)  Voir la note de bas de page 1.

(6)  Lettre des autorités britanniques datée du 31 octobre 2006. Au Royaume-Uni, un titre d’État est une garantie publique.

(7)  JO L 247 du 14.9.2002, p. 27.

(8)  Royal Mail Holdings plc, Rapport provisoire non audité pour le semestre clôturé le 24 septembre 2006.

(9)  Le «prêt de 2001» se compose en réalité de 20 prêts de 25 millions de GBP chacun dont le taux d’intérêt est déterminé en fonction de la date, en 1999-2000, à laquelle s’effectue le prélèvement correspondant sur les réserves en espèces. Ces prêts individuels sont appelés «tranches» de l’emprunt de 2001 dans la présente décision.

(10)  Secret d’affaires.

(11)  […]

(12)  Le terme des taux de référence de la Commission était de cinq ans dans le cadre de la méthodologie en vigueur jusqu’au 31 décembre 2007 et d’un an dans le cadre de la communication adoptée au début de 2008.

(13)  JO C 273 du 9.9.1997, p. 3.

(14)  Étant donné que l’emprunt se compose de tranches différentes dont le taux dépend de la date et de la durée pour laquelle les fonds concernés ont été prélevés pour la première fois des réserves de Royal Mail (voir la note de bas de page 6 ci-dessus), chaque tranche est soumise à un taux différent. Ceci explique pourquoi le taux de 5,8 % constitue un taux moyen. Le taux de l’obligation d’État pertinente était celui de l’obligation la plus proche en durée de la tranche en question à la date de prélèvement.

(15)  Une partie des facilités de crédit avait expiré à l’époque de sorte que les facilités restantes s’élevaient à 844 millions de GBP.

(16)  Une charge flottante est une forme de garantie qui n’est pas reliée à un bien particulier, mais plutôt à une catégorie de biens.

(17)  La possibilité est mentionnée dans le Regulator Code of Practice 03, qui a été publié par l’organisme de réglementation des pensions britanniques, «Funding Defined Benefits», février 2006, point 104. Le Royaume-Uni n’a cependant pas fourni d’exemple d’utilisation de cette possibilité.

(18)  Voir par exemple les affaires Landesbanken (décision HSH NN 71/05, ainsi que les décisions NN 72/05, NN 19/06 et NN 34/07, par exemple).

(19)  Le Royaume-Uni insiste pour que ses entreprises publiques empruntent uniquement auprès de l’État. La Commission ne remet pas cette politique en cause dans la présente décision, mais estime que les mesures devraient permettre de faire une analyse distincte. Il serait en tout cas très inhabituel pour un investisseur en économie de marché d’être à la fois l’unique actionnaire d’une entreprise qui ne fait pas partie d’un groupe plus large, telle Royal Mail, et l’unique banquier de cette entreprise.

(20)  Aux fins de ces projections, les investissements incluaient les 300 millions de GBP du prêt d’actionnaire, étant donné que la Commission a envisagé, à un certain moment de l’enquête, la possibilité que cette mesure puisse aussi être assimilée à des fonds propres. La Commission a finalement décidé d’apprécier cette mesure en tant que prêt, comme elle l’explique ci-dessous. Le changement de traitement dans le tableau ne modifierait pas la conclusion de la Commission en ce qui concerne la conformité avec le marché de la mesure du compte séquestre de pensions.

(21)  The Pensions Regulator: The regulator’s statement, mai 2006, «How the Pensions Regulator will regulate the funding of defined benefits», paragraphe 3.16.

(22)  N 55/08 — Allemagne — Emprunt subordonné GA/FEDER. Voir également l’affaire C 38/05 — Allemagne – Biria qui concernait une participation tacite appréciée au titre de la communication sur le taux de référence de 1997.

(23)  Communication de la Commission concernant une méthode de fixation des taux de référence et d'actualisation (JO C 273 du 9.9.1997, p. 3).

(24)  Affaires C 38/05, Biria (JO L 183 du 13.7.2007, p. 27); C 38/07, Arbel Fauvet Rail SA (JO L 238 du 5.9.2008, p. 27); C 95/01, Siderúrgica Añón (JO L 311 du 26.11.2005, p. 22); C 20/2000, Sniace (JO L 108 du 30.4.2003, p. 35).

(25)  Arrêt du Tribunal de première instance (2e chambre élargie) du 15 septembre 1998, BP Chemicals Limited/Commission, affaire T-11/95, Rec. 1998, p. II-3235, points 170 et suivants.

(26)  Le Royaume-Uni n’a pas invoqué l’article 86, paragraphe 2, du traité pour justifier la compatibilité de toute aide octroyée à Royal Mail dans le cadre de la mesure concernant les pensions.

(27)  JO C 244 du 1.10.2004, p. 2.

(28)  JO L 49 du 22.2.2005, p. 9.

(29)  JO L 63 du 7.3.2008, p. 16.

(30)  Voir le considérant 170 de la décision concernant La Poste.


Top