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Document 31997D0542

97/542/CE: Décision de la Commission du 18 décembre 1996 relative aux exonérations fiscales pour les biocarburants en France (Le texte en langue française est le seul faisant foi.) (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

OJ L 222, 12.8.1997, p. 26–35 (ES, DA, DE, EL, EN, FR, IT, NL, PT, FI, SV)

Legal status of the document In force

ELI: http://data.europa.eu/eli/dec/1997/542/oj

31997D0542

97/542/CE: Décision de la Commission du 18 décembre 1996 relative aux exonérations fiscales pour les biocarburants en France (Le texte en langue française est le seul faisant foi.) (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

Journal officiel n° L 222 du 12/08/1997 p. 0026 - 0035


DÉCISION DE LA COMMISSION du 18 décembre 1996 relative aux exonérations fiscales pour les biocarburants en France (Le texte en langue française est le seul faisant foi.) (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) (97/542/CE)

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 93 paragraphe 2 premier alinéa,

vu le règlement n° 136/66/CEE du Conseil, du 22 septembre 1966, portant organisation commune des marchés dans le secteur des matières grasses (1), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 3290/94 (2), et notamment son article 33,

vu le règlement (CEE) n° 1785/81 du Conseil, du 30 juin 1981, portant organisation commune des marchés du sucre (3), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 1101/95 (4), et notamment son article 44,

vu le règlement (CEE) n° 1765/92 du Conseil, du 30 juin 1992, instituant un régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables (5), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 1664/95 (6),

vu le règlement (CEE) n° 1766/92 du Conseil, du 30 juin 1992, portant organisation commune des marchés dans le secteur des céréales (7), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 3290/94 (8), et notamment son article 19,

après avoir, conformément à l'article 93 paragraphe 2 premier alinéa du traité, mis les intéressés en demeure de lui présenter leurs observations et vu ces observations (9),

considérant ce qui suit:

I

1. Par lettre du 19 mars 1992, la représentation permanente de la France auprès des Communautés européennes a communiqué, à la Commission, les dispositions relatives à l'exonération de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) au profit des biocarburants d'origine agricole. Elle a communiqué des informations complémentaires à la Commission par lettres des 19 novembre 1992 et 20 juillet 1993.

Par lettre du 19 mai 1994, la représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne a communiqué à la Commission deux conventions dites «de progrès» pour les biocarburants, liées à l'exonération visée à l'alinéa précédent. Elle a communiqué des informations complémentaires à la Commission par lettre du 6 septembre 1994.

Par lettre du 12 décembre 1994, la Commission a informé la France de sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93 paragraphe 2 du traité à l'égard de ces mesures qui semblaient constituer des aides au fonctionnement ne pouvant bénéficier d'aucune des dérogations prévues à l'article 92 du traité et devant, dès lors, être considérées comme incompatibles avec le marché commun.

2. Les mesures en cause consistent en, d'une part, une exonération de la taxe intérieure sur les produits pétroliers destinés à être utilisés comme carburants ou combustibles (TIPP) sur les produits d'origine agricole et, d'autre part, deux conventions de progrès, dites conventions ETBE, qui garantissent aux bénéficiaires le taux de cette exonération fiscale à son niveau fixé par la loi de finances rectificative pour 1993.

3. L'exonération fiscale a des effets directs pour les carburants et des effets indirects pour les matières premières agricoles à partir desquelles les premières sont obtenues.

4. L'exonération fiscale vise directement les biocarburants c'est-à-dire les esters d'huile de colza et de tournesol (qui appartiennent à la filière «diester»), l'alcool éthylique pur incorporé dans les supercarburants, les supercarburants sans plomb et les essences, et l'alcool éthylique pur contenu dans ses dérivés (dont l'oxyde de ter-butyle et d'éthyle, appelé ETBE, pour ethyl tertio butyl ether) incorporés dans les supercarburants sans plomb et les essences (qui appartiennent à la filière «bioéthanol»).

Elle se traduit, à compter du 1er janvier 1994, par une exonération limitée à 230 francs français par hectolitre pour les esters d'huile de colza et de tournesol, une exonération limitée à 329,50 francs français par hectolitre pour l'alcool éthylique pur et ses dérivés et une exonération à 100 % pour certains produits (10) d'origine agricole incorporés sous douane à des produits pétroliers, lorsque le mélange obtenu est mis à la consommation aux positions tarifaires correspondant aux indices 20, 22, 24 et 26 du tableau B de l'article 265 du code des douanes.

Les matières premières concernées indirectement sont, pour la filière diester, le colza et le tournesol et pour la filière bioéthanol, les céréales, les topinambours, les pommes de terre et les betteraves cultivés sur des terres en jachère. Les bénéficiaires en sont donc certains industriels et certains agriculteurs. L'exonération fiscale est accordée dans les conditions suivantes:

Premièrement, aux termes de l'article 30 de la loi de finances rectificative pour 1993 (11), à partir de 1994, seuls sont susceptibles de bénéficier de l'exonération les produits (diester et bioéthanol) «obtenus exclusivement à partir de matières premières agricoles produites sur des parcelles en situation de jachère non alimentaire au sens du règlement (CEE) n° 334/93 de la Commission».

Deuxièmement, aux termes de l'article 22 de l'arrêté du 27 mars 1992 (12), l'exonération de l'alcool éthylique, de ses dérivés et des esters d'huile de colza ou de tournesol de la taxe intérieure de consommation est subordonnée à la présentation de certificats de production et d'exonération.

Le certificat de production attestant l'origine agricole des produits est délivré par le ministère de l'agriculture et de la forêt. Cependant, dans sa lettre du 19 novembre 1992, la France a communiqué que peuvent être admis en équivalence les certificats de production délivrés par les autres États membres aux opérateurs produisant sur leur territoire.

Le certificat d'exonération définit le volume de carburants ou de combustibles que le bénéficiaire peut mettre à la consommation. L'article 24 de l'arrêté précité prévoit une procédure de délivrance différente pour les différents produits: pour l'alcool éthylique, le certificat d'exonération est délivré par le service des douanes à l'issue des opérations de dénaturation qui sont effectuées dans des établissements sous contrôle fiscal, agréés par le directeur général des douanes et droits indirects; pour l'ETBE fabriqué dans un établissement non pétrolier puis acheminé pour incorporation vers un établissement pétrolier sous douane, le certificat est délivré par le service des douanes, dès l'entrée de l'ETBE dans cet établissement, pour le volume d'alcool éthylique calculé sur la base d'un coefficient de transformation; pour les esters, le certificat d'exonération est délivré par le service des douanes à leur entrée dans l'établissement sous douane. Dans sa lettre du 19 novembre 1992, la France a communiqué que le certificat d'exonération est délivré, pour tout alcool éthylique éligible originaire d'un autre État membre, selon le mécanisme susvisé si le produit arrivant dans l'établissement sous douane est accompagné d'un certificat de production établi avec les mêmes garanties que celles prévues par la France en assurant en particulier son origine agricole spécifique. Cependant, aucun engagement comparable n'a été pris pour l'ETBE et les esters.

Troisièmement, les produits bénéficiaires de l'exonération doivent de plus être élaborés dans des unités considérées comme pilotes par les autorités françaises et s'inscrire dans le cadre d'un projet expérimental au sens de l'arrêté du 27 mars 1992.

Ce dernier définit l'unité dite «pilote» comme «un établissement ou un ensemble d'établissements assurant l'élaboration d'alcool éthylique ou de ses dérivés à partir de céréales, topinambours, pommes de terre ou de productions nouvelles de betteraves ou celle d'esters d'huile à partir de colza et de tournesol». Cet établissement ou cet ensemble d'établissements doit être agréé par le ministère de l'agriculture et le ministre chargé des douanes pour les établissements élaborant de l'alcool éthylique ou des esters, et par le ministre chargé des hydrocarbures, pour ceux qui élaborent des dérivés de l'alcool tel que l'ETBE. L'agrément d'une unité «pilote» est subordonné, d'une part, à la présentation d'un contrat spécifique passé entre un fournisseur de matière première et un industriel et, d'autre part, au contrôle préalable de l'outil de production et des conditions de réception des matières premières. Dans leur lettre du 19 novembre 1992, les autorités françaises ont communiqué que la capacité de chaque unité de production d'ester ou d'alcool visée n'est pas limitée par l'arrêté et peut aller, sur le plan des faits, jusqu'à 100 000 tonnes par an.

L'article 4 de l'arrêté précité prévoit que constitue un projet «expérimental» l'élaboration et l'emploi de l'un des produits exonérés dans les conditions suivantes: l'approvisionnement doit s'effectuer auprès d'une unité «pilote» telle que définie précédemment; un programme prévisionnel d'utilisation doit être déposé auprès des ministres responsables; le suivi de la distribution et l'utilisation des carburants et combustibles contenant de l'alcool éthylique, un de ses dérivés ou des esters d'huile de colza et de tournesol doit faire l'objet d'un rapport semestriel aux ministres responsables.

En cas de non-respect des conditions posées pour la mise en oeuvre d'un projet expérimental ou des exigences techniques d'utilisation, le ministre chargé des douanes peut refuser l'exonération, dans un délai de trente jours après le dépôt pour examen du projet expérimental.

5. Les deux conventions de progrès prévoient une compensation par l'État pour chaque hectolitre d'alcool éthylique contenu dans l'ETBE produit de l'écart constaté à la date de mise à la consommation entre le montant maximal d'exonération de la TIPP applicable à l'alcool éthylique et le montant garanti par la convention en cause. Ceci s'applique pendant dix ans à partir de la date de mise en service des unités «pilotes», et au plus jusqu'au 31 décembre 2005, en cas de révision à la baisse du taux d'exonération. En cas de révision à la hausse de ce taux, le produit de la différence entre les deux montants susvisés par le nombre d'hectolitres d'alcool éthylique ayant bénéficié de l'exonération de TIPP durant la période de dépassement doit être restitué à l'État.

II

1. Dans le cadre de la procédure précitée, la Commission a mis en demeure la France de lui présenter ses observations. Ces dernières sont parvenues à la Commission par lettre du 31 mars 1995 et au cours de réunions entre des représentants de la France et de la Commission le 7 mars 1995, les 2 février et 10 juillet 1996.

Par une publication au Journal officiel des Communautés européennes (13), la Commission a informé les autres États membres et les autres intéressés de sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93 paragraphe 2 du traité et les a mis en demeure de présenter leurs observations. Elle a reçu des observations du Royaume-Uni par lettre du 7 juillet 1995 et de tiers intéressés, par lettres des 29 juin, 4, 5 et 6 juillet 1995. Ces dernières ont été communiquées à la France par lettre du 3 août 1995.

2.1. La France fait valoir en premier lieu que les mesures à l'encontre desquelles la Commission a ouvert la procédure prévue à l'article 93 paragraphe 2 du traité s'inscrivent dans le contexte d'un encouragement communautaire pour l'utilisation des énergies renouvelables en général et le développement des biocarburants en particulier. À ce titre, elle a rappelé la directive 92/81/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l'harmonisation des structures des droits d'accise sur les huiles minérales (14), et notamment son article 8 paragraphe 2 point d) et la proposition de directive du 24 mars 1992 concernant le taux d'accise applicable aux carburants pour moteur d'origine agricole (15), ainsi que l'adoption de la décision 93/500/CEE du Conseil, du 13 septembre 1993, concernant la promotion des énergies renouvelables dans la Communauté (programme Altener) (16).

Elle soutient qu'il s'agit bien de «projets pilotes» au sens de cette directive pour deux raisons principales. D'une part, il ne faudrait pas prendre en considération les possibilités qu'offre le cadre réglementaire national qui ne fixe aucune limite, mais les capacités de production existantes. D'autre part, en réponse à la remarque de la Commission concernant l'absence de contrôle des résultats, elle rappelle que l'article 13 de l'arrêté du 27 mars 1992 prévoit le suivi de la distribution et de l'utilisation des carburants et des combustibles visés par le texte.

2.2. Par ailleurs, la France conteste la validité du raisonnement de la Commission en ce qui concerne le régime juridique applicable à certains des produits visés qui figurent à l'annexe II du traité, mais ne sont pas soumis à des organisations communes de marchés. C'est le cas de l'alcool éthylique et des pommes de terre qui ne devraient donc pas être soumis aux règles de concurrence et aux contrôles exercés par la Commission en vertu des articles 92 et 93 du traité.

2.3. Enfin, la France réfute l'existence d'infractions aux dispositions du traité et de la réglementation communautaire, telles que repris dans la décision d'ouverture de procédure au sens de l'article 93 paragraphe 2 du traité (17).

Selon elle, d'une part, il n'y aurait pas d'infraction à l'article 95 du traité parce qu'il n'y a pas de référence au lieu d'établissement des unités dites pilotes ou à la nationalité de leurs exploitants. Elle cite en exemple l'agrément de certaines unités implantées en Belgique et en Italie.

D'autre part, il n'y aurait pas non plus d'infraction aux organisations communes de marché parce que la mesure en cause ne constitue pas une aide indirecte à certains produits de base en raison des objectifs différents de cette mesure. De plus, les quantités produites n'interféreraient pas avec le marché et n'influenceraient donc pas les prix puisqu'en vertu des contrats passés entre les industriels et les producteurs, les matières premières sont, dès la mise en culture des parcelles, destinées à la fabrication d'ester ou d'ETBE. Quant à la liste limitée de produits de base, elle serait justifiée par le fait que ces produits seraient les plus aptes à répondre aux contraintes techniques, économiques et environnementales de ces filières. Quand bien même il y aurait aide d'État au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité, celle-ci devrait, selon la France, bénéficier de la dérogation de l'article 92 paragraphe 3 point b) en tant que projet d'intérêt européen commun. Elle cite à ce titre le groupement européen d'intérêt économique Eurobiodiesel regroupant des entreprises de cinq États membres dans le but de recherches destinées à promouvoir les biocarburants.

3. Dans leurs observations, les tiers intéressés sont partagés entre soutien et condamnation des mesures françaises. Les observations favorables à ces mesures sont fondées sur les déclarations de la Commission en faveur du développement des biocarburants et l'attente d'un cadre communautaire. Les observations favorables à la position de la Commission sont basées sur les raisons suivantes. La plupart soutiennent les arguments de la Commission en ce que les unités de production concernées ne peuvent être choisies en fonction de l'origine agricole, d'une part, et nationale, d'autre part, des produits utilisés. En outre, certains s'inquiètent des conséquences d'une différence de traitement entre États membres si l'Union européenne devait prendre de nouvelles mesures dans le cadre de l'accord sur les oléagineux avec les États-Unis d'Amérique.

Une société italienne disposant d'une unité de production de biocarburants en Belgique a apporté des informations concernant l'évolution du marché européen des biocarburants et l'application, selon elle discriminatoire, de l'exonération fiscale en cause. Selon cette société, les chiffres comparatifs qu'elle a fourni de l'offre et de la demande de biocarburants en Europe en 1994-1995 démontrent clairement que la production n'en est plus au stade expérimental et que la France est bien placée sur ce marché.

Par ailleurs, cette société s'est vu refuser l'agrément du ministère français comme «unité pilote» pour son usine en Belgique malgré la fourniture des informations demandées et le fait que les autorités belges étaient disposées procéder aux contrôles requis par l'administration française. La raison avancée est que sa demande porte sur une quantité trop élevée, «en tout état de cause non inférieure à 10 000 tonnes par an». Cette usine peut en effet produire 45 000 tonnes par an d'un gazole d'origine végétale. Cependant, au même moment, la mise en place de nouvelles capacités de production d'ester de colza a été autorisée en France dans la limite de 400 000 tonnes par an, dont une usine de 170 000 tonnes et une autre de 100 000 tonnes (voir le bulletin de l'industrie pétrolière du 10 novembre 1994). Selon cette société, cette décision des autorités françaises ne peut être justifiée que par la volonté de verrouiller le marché français, ce qui est contraire à l'article 95 du traité.

III

1. Les esters sont des produits industriels, hors annexe II du traité, soumis aux règles de concurrence, notamment celles pour les aides d'État.

2. L'autre biocarburant est l'alcool éthylique qui est produit à partir des matières premières mentionnées ci-avant au point I.4 (céréales, topinambours, pommes de terre ou de productions nouvelles de betteraves). Cet alcool est ensuite définitivement incorporé dans les divers supercarburants et essences et devient ainsi partie intégrale de ce produit final. L'alcool éthylique étant un produit qui figure à l'annexe II du traité, mais qui n'est pas soumis à une organisation commune de marché (OCM), normalement, les articles 92 et 93 du traité ne lui sont pas intégralement applicables et donc la Commission ne peut normalement émettre que des observations à l'égard d'aides dans ce secteur au titre de l'article 93 paragraphe 3 première phrase du traité. Néanmoins, lorsqu'ou bien la matière première à partir de laquelle un tel produit est obtenu (par exemple les céréales) et/ou le(s) débouché(s) de ce produit (bioéthanol) sont soumis à des contraintes dans les conditions d'octroi de l'aide, la Commission est d'avis qu'on ne peut plus considérer que l'effet de l'aide est limité au produit visé en premier lieu par l'octroi de l'aide (c'est-à-dire dans le cas en l'espèce l'alcool éthylique). La Commission considère en effet une aide dont l'octroi est formellement limité aux produits fabriqués à partir d'une liste limitative de produits de base relevant d'une organisation commune de marché et donc soumis à l'intégralité des règles des articles 92 et 93 du traité, constitue un ensemble où l'aide produit les effets inévitables sur ces produits de base. En effet, il n'y a pas de raison de traiter différemment une aide en faveur de l'alcool (non soumis aux règles de concurrence) si - afin d'obtenir cette aide - l'alcool doit obligatoirement être fabriqué sur la base d'un produit soumis aux règles de concurrence [les matières premières (18)] d'une aide tout simplement accordée en faveur de ces matières premières à condition que celles-ci soient transformées en alcool, étant donné que les effets pratiques de l'une ou de l'autre forme de l'aide ne produisent pas d'incidents différents sur le marché des produits concernés. En effet, le «spill-over» de l'application des règles de concurrence se justifie par les conséquences impératives des aides en faveur des produits non soumis auxdites règles sur le marché des produits soumis à ces règles. En ce qui concerne l'application des règles de concurrence à l'alcool, la Commission fait le même raisonnement, mutatis mutandis, pour le bioéthanol en tant que débouché de l'alcool obligatoirement utilisé à cet effet. Par contre, si les conditions d'octroi de l'aide laissaient au bénéficiaire le libre choix quant à la matière première et la destination du produit aidé, on ne pourrait plus parler d'un effet obligatoire sur les (autres) produits soumis aux règles de concurrence étant donné que les effets de l'octroi de l'aide sur les matières premières et les marchés de destination seraient uniquement le résultat des choix économiques, commerciaux, des bénéficiaires de l'aide.

Dans le cas présent, pour tous les produits de base visés, à l'exclusion des pommes de terre et de l'alcool, l'ensemble des règles de concurrence des articles 92 et 93 du traité sont applicables. Si l'aide avait été octroyée sans contrainte légale à l'utilisation finale de l'alcool, la Commission aurait considéré que l'impact de la mesure n'aurait pas pu faire l'objet d'une contestation au titre des articles 92 à 94 du traité. Toutefois, étant donné que l'aide à l'alcool éthylique, dans le cas d'espèce, produit des effets obligatoirement et uniquement sur le marché des carburants fossiles et végétaux (pour lesquels sont applicables les règles de concurrence), la Commission considère que le régime peut être examiné sous l'aspect intégral des articles précités dans la mesure où il produit ses effets, même éventuellement indirects, pour certains d'autres produits qui, eux, sont tous soumis aux articles 92 et 93 du traité. Dans ces conditions, l'aide affecte les conditions de concurrence de ces autres produits.

3. L'article 33 du règlement n° 136/66/CEE, l'article 19 du règlement (CEE) n° 1766/92 et l'article 44 du règlement (CEE) n° 1785/81 rendent les articles 92, 93 et 94 du traité applicables à la production et au commerce des produits visés à l'article 1er de chaque règlement, sous réserve de dispositions contraires desdits règlements. Dans ce cas particulier, sont visés ainsi le colza et le tournesol, les céréales et les topinambours ainsi que les betteraves. La pomme de terre, pour sa part, bien qu'étant un produit qui figure à l'annexe II du traité, n'est pas soumise à une organisation commune de marché (OCM). Néanmoins, pour les raisons visées ci-dessus (point 2), la Commission considère que l'examen du régime au titre des règles de concurrence des articles 92 et 93 du traité est possible.

IV

1. Aux termes de l'article 92 paragraphe 1 du traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

2. L'exonération en faveur de certains biocarburants remplit les conditions pour être considérée comme une aide au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité.

3. En effet, le secteur des biocarburants fait déjà l'objet d'une concurrence et d'échanges entre les États membres, les principaux producteurs dans l'Union européenne étant la Belgique, la France et l'Italie.

Les échanges des biocarburants et des produits de base entre la France et les autres États membres ont eu, pour l'année 1995, la valeur comme suit (en 1 000 écus) (19):

>TABLE>

Prenant en considération qu'il y a des échanges de produits du secteur des biocarburants concerné, les aides sont susceptibles d'affecter les échanges entre les États membres lorsqu'elles favorisent la production nationale au détriment de celle des autres États membres.

De plus, les biocarburants bénéficiant de la mesure en cause sont également en concurrence directe avec, d'une part, des biocarburants d'autres origines que celles prévues par cette mesure et, d'autre part, des carburants à base de produits chimiques tels que le méthanol. Les inquiétudes de concurrents qui ont présenté des observations à la Commission illustrent l'actualité du problème. La France n'a d'ailleurs pas contesté ce point.

4. L'aide indirecte qui en découle pour les quelques produits de base concernés est, elle, contestée par la France. Cependant, la Commission ne peut que confirmer l'analyse qui l'avait amenée à prendre sa décision d'ouverture de la procédure de l'article 93 paragraphe 2 du traité.

5. L'exclusion de certains produits de base du bénéfice de l'exonération de la taxe en cause permet d'affirmer que cette mesure est une aide au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité, puisqu'elle fausse la concurrence en favorisant certaines productions agricoles et peut, pour les mêmes raisons, affecter les échanges entre États membres. Même si les autorités françaises ont argumenté que les produits choisis seraient les plus appropriés au but recherché du développement de la filière des biocarburants, aucune explication n'a été fournie, susceptible de pouvoir justifier la nécessité de limiter la mesure aux productions agricoles cultivées sur des terres mises en jachère. Tout au contraire, prenant en considération qu'aucune contrainte de nature technique a été avancée pour restreindre tellement l'origine des produits pouvant faire l'objet de l'intervention, il paraît que le motif réel de l'aide aurait été, en premier lieu, le soutien des revenus des agriculteurs opérant sur des terres en retrait plutôt que le développement de la filière des biocarburants.

6. Certaines observations présentées à la Commission après l'ouverture de la procédure ont d'ailleurs exprimé des craintes quant à l'influence d'une telle mesure sur les échanges intracommunautaires, en particulier dans le cadre des obligations découlant pour l'Union européenne d'accords internationaux visant des limitations d'écoulement des sous-produits de certains oléagineux vers les débouchés d'alimentation de bétail.

7. Par conséquent, l'aide directe à certains biocarburants et l'aide indirecte à certains produits de base sont des aides d'État au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité et de l'article 61 paragraphe 1 de l'accord sur l'Espace économique européen (EEE).

8. Le principe d'incompatibilité des aides d'État avec le marché commun, posé dans ces articles, connaît toutefois des exceptions.

V

1. La France présente la mesure en cause comme pouvant bénéficier de la dérogation prévue à l'article 8 paragraphe 2 point d) de la directive 92/81/CEE précitée.

La Commission ne peut retenir cette dérogation pour les raisons suivantes. Tout d'abord, cette disposition vise uniquement les huiles minérales qui sont définies à l'article 2 paragraphe 2. Par ailleurs, l'article 2 paragraphe 3 de la même directive pose comme principe que les autres produits utilisés comme carburants (tels que les huiles végétales ici en cause) doivent être taxés comme des huiles minérales.

Pour ces autres produits, une seule dérogation peut être invoquée. L'article 8 paragraphe 4 de la même directive prévoit que le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, peut autoriser un État membre à introduire des exonérations ou des réductions supplémentaires pour des raisons de politiques spécifiques. Cependant, ladite autorisation du Conseil n'est pas avenue.

En ce qui concerne la qualification éventuelle de «projet pilote» (20) de la mesure en cause, les autorités françaises n'ont apporté aucune information nouvelle de nature à modifier la position adoptée par la Commission au moment de l'ouverture de la procédure. Considérant, entre autres, les capacités de fabrication pouvant aller jusqu'à 100 000 tonnes par an, la Commission avait estimé que les exploitations sur une base industrielle pouvaient profiter de la réduction du taux d'accise. Les remarques de la France confirment, par ailleurs, l'analyse de la Commission selon laquelle l'objectif et l'effet réel de la mesure ne sont pas la recherche fondamentale ou même appliquée, au sens de la directive précitée, mais plutôt le développement de façon commerciale des usages non alimentaires et la mise en place d'une production plus importante de biocarburants basées sur les terres en retrait.

2. Les seules dérogations prévues par le traité qui peuvent être examinées dans ce cas sont celles de l'article 92 paragraphe 3 points b) et c).

La dérogation pour les aides destinées à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun [paragraphe 3 point b)] n'est pas applicable dans ce cas. En effet, quand bien même un des objectifs des mesures en cause correspondrait à la politique communautaire en faveur du développement de carburants moins polluants, ces mesures précises gardent un caractère national, renforcé par les discriminations et infractions qu'elles contiennent.

3. La France présente également cette mesure comme s'inscrivant dans le contexte d'un encouragement communautaire pour l'utilisation des énergies renouvelables en général et le développement des biocarburants en particulier.

Cet objectif politique n'est nullement mis en question. La Commission a précisé dans sa lettre à la France du 12 décembre 1994 que «cette position ne met nullement en cause l'intérêt communautaire pour le développement des biocarburants», mais a rappelé à plusieurs reprises que ce développement ne peut se faire au détriment des autres politiques communautaires et surtout à l'encontre des dispositions du traité ou des règlements communautaires.

4. Or, la Commission a démontré dans sa décision d'ouverture de la procédure qu'une taxation plus lourde des produits importés des autres États membres et de l'Espace économique européen pour les esters et l'ETBE constitue une violation de l'article 95 du traité.

Compte tenu que l'exonération fiscale ne vise que les biocarburants fabriqués à partir de certains produits de base, la Commission a estimé que le régime constitue une discrimination à l'égard d'autres biocarburants qui peuvent être fabriqués à partir d'autres produits de base (d'une autre espèce, d'une autre origine que les terres gelées); ces autres biocarburants sont soumis en France à une charge d'accise normale. La mesure d'aide sous forme d'exonération constitue dès lors une infraction aux dispositions de l'article 95 du traité du fait qu'elle est réservée à des biocarburants fabriqués à partir d'un nombre limité de produits de base (en excluant en même temps certains produits de base qui techniquement pourraient être appropriés pour la production des biocarburants mais cultivés principalement en dehors du territoire français) et que les biocarburants, importés des autres États membres, et fabriqués à partir d'autres produits de base, sont taxés plus lourdement.

S'il est vrai que la France a agréé deux unités implantées en Belgique et en Italie, pour d'infimes quantités, il est apparu aussi qu'elle a refusé cet agrément dans d'autres cas, comme celui de l'entreprise visée au point II 3.2 ci-dessus.

Par ailleurs, pour ce qui concerne les produits importés, les autorités françaises n'ont pris aucun engagement que les esters et l'ETBE puissent profiter du même mécanisme de délivraison de certificats d'exonération que celui qui s'applique pour les produits français (point I 4).

La France a réfuté toute infraction à l'article 95 du traité sans apporter d'argument de nature à modifier la position de la Commission.

Néanmoins, la mesure d'aide sous forme d'exonération constitue, dès lors, une infraction aux dispositions de l'article 95 du traité du fait qu'elle ne donne pas nécessairement le même traitement favorable pour les biocarburants importés des autres États membres.

5. Par conséquent, la Commission considère les aides aux biocarburants comme des aides au fonctionnement enfreignant l'article 95 du traité et partant incompatibles avec le marché commun qui ne peuvent donc bénéficier d'aucune des dérogations prévues à l'article 92 paragraphe 3 du traité.

VI

1. La France réfute toute infraction aux dispositions des organisations communes de marché, telles que repris dans la décision d'ouverture de procédure au sens de l'article 93 paragraphe 2 du traité (21) pour deux raisons: d'une part, des objectifs différents, d'autre part, l'absence d'influence des quantités produites sur les marchés concernés.

La Commission estime que ces arguments ne sont pas pertinents. En effet, selon la jurisprudence de la Cour de justice [arrêt du 26 juin 1979, affaire 177/78: Pigs and Bacon Commission contre McCarren and Company Limited (22)], une telle réglementation est à considérer comme un système complet et exhaustif de la compétence exclusive de la Communauté qui exclut tout pouvoir des États membres de prendre des mesures y dérogeant ou y portant atteinte.

Or, la limitation de la mesure, prévue par la loi, à certains produits de base cultivés sur certaines terres démontre que l'objectif des mesures en cause est bien un soutien à certains producteurs agricoles qui a donc un impact sur les marchés des produits de base concernés en influençant les productions. L'appréciation de la Commission aurait été différente si la mesure avait été appliquée à l'ensemble des produits de base susceptibles d'être transformés en biocarburants et ceci indépendamment de leur origine des terres en retrait ou autres.

2. À ce propos, la France n'a pas apporté d'élément nouveau pour justifier la liste limitée de produits de base pris en considération pour l'aide.

En particulier, elle n'a présenté aucun argument en ce qui concerne la limitation, prévue par la loi aux produits cultivés sur des terres mises en jachère. Or, pour les secteurs concernés par l'application du règlement (CEE) n° 1765/92, les dispositions de ce règlement se traduisent par une intégration des organisations communes de marchés correspondantes. En effet, l'article 13 dudit règlement dispose que les dépenses communautaires pour l'application du régime qui y est prévu sont à considérer comme une intervention destinée à stabiliser les marchés en vertu de l'article 3 paragraphe 1 du règlement (CEE) n° 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (23). Cette dernière disposition attribue au Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), section «garantie», les dépenses pour les interventions destinées à stabiliser les marchés, adoptées dans le cadre d'une organisation commune de marché. Dès lors, toute intervention étatique dans le domaine couvert par le règlement (CEE) n° 1765/92 équivaudrait à une ingérence de l'État dans le système complet et exhaustif des organisations communes de marchés.

L'exonération limitée dans certains cas, à partir de 1994, aux produits cultivés sur des terres mises en jachère constitue donc une infraction au règlement (CEE) n° 1765/92.

3. Or, des mesures d'aides contenant des infractions à des dispositions communautaires ne peuvent bénéficier d'aucune des dérogations prévues à l'article 92 paragraphe 3 du traité. En particulier, la dérogation prévue à l'article 92 paragraphe 3 point b), invoquée par les autorités françaises, n'est donc pas applicable.

4. Par conséquent, les aides indirectes aux produits de base constituent des violations des dispositions des organisations communes de marchés, du règlement (CEE) n° 1765/92 et de l'article 95 du traité, et ne peuvent donc bénéficier d'aucune des dérogations prévues à l'article 92 paragraphe 3 du traité.

VII

1. Les aides en objet remplissent les conditions prévues à l'article 92 paragraphe 1 du traité et à l'article 61 de l'accord sur l'Espace économique européen (EEE) sans pouvoir bénéficier d'aucune des dérogations prévues aux paragraphes 2 et 3 de ces articles, pour les raisons exposées ci-dessus. Les aides en question sont donc incompatibles avec le marché commun et avec le fonctionnement de l'accord EEE.

2. S'agissant d'aides non notifiées et mises en oeuvre sans attendre la décision finale de la Commission, il convient de rappeler que, étant donné le caractère impératif des règles de procédure définies à l'article 93 paragraphe 3 du traité, règles dont la Cour de justice a reconnu l'effet direct dans ses arrêts rendus le 19 juin 1973 (affaire 77/72: Carmine Capolongo contre Azienda Agricola Maya) (24), le 11 décembre 1973 (affaire 120/73: Gebrueder Lorenz GmbH contre république fédérale d'Allemagne) (25), le 22 mars 1977 (affaire 78/76: Steinike et Weinlig contre république fédérale d'Allemagne) (26), le 21 novembre 1991 (affaire C-354/90: Fédération nationale du commerce extérieur des produits alimentaires et autres contre France) (27), il ne peut être remédié a posteriori à l'illégalité de l'aide considérée.

En outre, en cas d'incompatibilité d'une aide avec le marché commun, la Commission, en conformité avec la jurisprudence de la Cour de justice, notamment l'arrêt du 12 juillet 1973 (affaire 70/72: Commission contre république fédérale d'Allemagne) (28), confirmé par ceux du 24 février 1987 (affaire 310/85: Deufil contre Commission) (29) et du 20 septembre 1990 (affaire C-5/89: Commission contre république fédérale d'Allemagne) (30), peut exiger des États membres la récupération auprès des bénéficiaires du montant de toute aide dont l'octroi est illicite.

3. La France n'a pas respecté l'effet suspensif résultant de l'article 93 paragraphe 3 du traité, dans la mesure où elle n'a pas attendu que la Commission puisse se prononcer avant d'accorder les aides en cause. Par conséquent, ces aides sont illégales au regard du droit communautaire dès leur octroi.

La Commission prévoit, en général, la récupération des aides illégales et incompatibles. Toutefois, il n'est pas justifié d'exiger la récupération des aides dans le cas présent.

En effet, il faut prendre en considération que la France s'est engagée dans le développement d'une filière biocarburant. L'utilisation des biocarburants pourrait contribuer à la diminution de la pollution et ainsi contribuer à la préservation de l'environnement, d'une part, et la Commission souhaite soutenir des politiques énergétiques et agricoles favorables à la cause de l'environnement, d'autre part.

Par ailleurs, le bénéfice de l'aide qui fut directement octroyé aux fabricants était, au niveau de ces derniers, de nature passagère ou, pour le moins, de nature marginale bien que non quantifiable. Certes, l'aide leur permettait de fournir à un prix concurrentiel des quantités de biocarburants qui néanmoins étaient, par rapport au marché des carburants en général, relativement peu importantes. Les données des sources expert, pour ce qui concerne la filière diester qui est dans le domaine des biocarburants la partie de loin prépondérante, démontrent que l'aide en faveur du carburant végétal en question n'a pas entraîné généralement une surcompensation par rapport au surcoût de sa production. Certes, la réponse à la question de savoir s'il y a eu dans certains cas une surcompensation dépend dans chaque cas individuel des facteurs divers, et notamment de la capacité et de la continuité de production au sein de chaque unité engagée dans la production du biocarburant. Il n'en est pas moins que même dans la mesure où il y aurait eu une certaine surcompensation, cet effet aurait été atténué par des coûts indirects plus élevés comme par exemple des coûts de distribution plus importants de ceux de la filière des carburants d'origine fossile.

Il y a lieu de constater que toutefois sur la base des données précitées, il n'y a dans la moyenne non pondérée pas eu généralement de compensation supérieure par rapport aux coûts additionnels d'une production de biocarburants. Par ailleurs, la Commission n'a aucune indication qui permet de conclure que l'effet réel de l'aide au niveau de ces fabricants s'était déclaré en des ventes et bénéfices significativement augmentés pour ce qui concerne la totalité de leurs carburants produits. Il apparaît plutôt que la détaxation des biocarburants jusqu'à un niveau où ces biocarburants ont pu être mis sur le marché et donc être mis en concurrence avec les carburants fossiles n'était pas susceptible d'augmenter plus que marginalement la totalité de la production des carburants de ces fabricants vu que la dimension du marché pour ces fabricants est conditionnée par des facteurs autres que la disponibilité de matières premières agricoles aptes à la transformation en carburant. Néanmoins, les agriculteurs en tant que destinataires indirects, des aides pouvaient profiter d'une demande notablement accrue des produits agricoles en question, cultivés sur les terres mises en jachère. L'effet réel de l'aide était donc celui d'une création d'un marché pour lesdits produits agricoles là où avant il n'y avait aucune demande significative. En effet, en l'absence de la détaxation, il y aurait été compte tenu des prix de marché pour les carburants fossiles, aucun ou peu d'intérêt commercial pour les agriculteurs de produire la matière première agricole pour les fins d'une production des carburants d'origine végétale. Il faut donc retenir que du point de vue de l'économie du système, l'effet substantiel de l'aide à transité à travers les fabricants, qui eux étaient techniquement les destinataires directs, aux producteurs de la matière primaire en tant que bénéficiaires indirects.

Toutefois, les infractions au droit communautaire du régime français n'étaient pas en elles-mêmes de nature à augmenter la production des matières premières ou les prix. Tout au contraire, l'infraction est caractérisée par le choix discrétionnaire de certains bénéficiaires; si les autorités françaises avaient ouvert l'accès à la détaxation à n'importe quelle matière première de n'importe quelle origine, la demande et, par conséquent, la production des matières en question aurait été susceptible d'une augmentation.

Compte tenu du caractère passager de l'avantage octroyé au niveau des fabricants de biofuel et de la nature spécifique de l'infraction au niveau des producteurs agricoles, bénéficiaires finals des avantages accordés, la récupération des montants octroyés reviendrait à porter un coup dur à une mesure fondamentalement en conformité avec la politique de la Communauté et dont l'illégalité résidait, mis à part l'aspect procédural, pour l'essentiel dans une approche trop restrictive concernant les bénéficiaires indirects de l'aide.

De plus, la récupération d'une aide illégale et incompatible peut se justifier du point de vue économique sur la base du rétablissement du «status quo ante», c'est-à-dire le rétablissement de la situation économique des bénéficiaires comme avant l'octroi de l'aide. Compte tenu du caractère largement passager des bénéfices auprès des fabricants, la récupération de l'aide des bénéficiaires directs rendrait, dans le présent cas, la situation économique de ces opérateurs nettement pire que s'il n'y avait pas eu d'aide. Ceci est évidemment d'autant plus vrai si l'on considère comme démontré ci-dessus qu'il n'y a pas eu généralement de surcompensation des fabricants en conséquence du dispositif mis en place par les autorités françaises. Le status quo ante ne saurait, par conséquent, être atteint par le biais de la récupération.

Cependant, pour ce qui concerne les agriculteurs bénéficiaires, deux éléments particuliers doivent être pris en considération. D'une part, le bénéfice réel (quoique toujours seulement indirect) consistait en vérité en la création d'un marché là où avant il n'y en avait pas. Les ventes des produits agricoles, du point de vue des agriculteurs en question, se sont effectuées dans les conditions de ce marché.

D'autre part, la Commission ne peut que tenir compte d'une particularité de ce cas en l'espèce: les agriculteurs qui se sont vu vendre leurs produits à des fabricants n'ont pas su et n'ont pas pu non plus savoir que l'achat des produits agricoles par les fabricants était dû à une aide d'État. Pour ces agriculteurs, il n'y a eu aucune indication que les fabricants n'agissaient pas comme de normaux opérateurs, commerciaux du marché.

Pour ces raisons, il s'avère donc qu'une demande de récupération de l'aide ne serait juridiquement pas soutenable.

La présente décision ne préjuge toutefois pas des conséquences que la Commission tirera, le cas échéant, sur le plan du financement de la politique agricole commune par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA),

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

Les aides accordées en France sous forme d'exonération fiscale au profit des biocarburants d'origine agricole telles que prévues par les articles 32 de la loi de finances pour 1992, 89 de la loi de finances pour 1993 et 30 de la loi de finances rectificative pour 1993 ainsi que par les deux conventions de progrès dites conventions ETBE, sont illégales, étant donné qu'elles ont été accordées en violation des règles de procédure énoncées à l'article 93 paragraphe 3 du traité.

Article 2

Ces aides sont incompatibles avec le marché commun au sens de l'article 92 du traité.

Article 3

La France est tenue de supprimer les aides visées à l'article 2, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4

La France informe la Commission, d'une part, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, des mesures qu'elle entend prendre pour s'y conformer et informe la Commission, d'autre part, dans le délai visé à l'article 3 des mesures prises pour se conformer à ladite décision.

Article 5

La République française est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 18 décembre 1996.

Par la Commission

Franz FISCHLER

Membre de la Commission

(1) JO n° 172 du 30. 9. 1966, p. 3025/66.

(2) JO n° L 349 du 31. 12. 1994, p. 105.

(3) JO n° L 177 du 1. 7. 1981, p. 4.

(4) JO n° L 110 du 17. 5. 1995, p. 1.

(5) JO n° L 181 du 1. 7. 1992, p. 12.

(6) JO n° L 158 du 8. 7. 1995, p. 13.

(7) JO n° L 181 du 1. 7. 1992, p. 21.

(8) JO n° L 349 du 31. 12. 1994, p. 105.

(9) JO n° C 143 du 9. 6. 1995, p. 8.

(10) Il s'agit d'esters d'huile de colza et de tournesol utilisés en substitution du fuel domestique et du gazole.

(11) JO RF du 31. 12. 1993, p. 18526.

(12) JO RF du 28. 3. 1992, p. 4323.

(13) JO n° C 143 du 9. 6. 1995, p. 8.

(14) JO n° L 316 du 31. 10. 1992, p. 12.

(15) COM(92) 36, JO n° C 73 du 24. 3. 1992, p. 6.

(16) JO n° L 235 du 18. 9. 1993, p. 41.

(17) JO n° C 143 du 9. 6. 1995, p. 8.

(18) À l'exception des pommes de terre.

(19) Source: COMEXT 2.

(20) Au sens de la directive 94/74/CE du Conseil du 22. 12. 1994 modifiant les directives 92/12/CEE, 92/81/CEE ainsi que 92/82/CEE (JO n° L 365 du 31. 12. 1994, p. 46).

(21) JO n° C 143 du 9. 6. 1995, p. 8.

(22) Recueil 1979, p. 2161.

(23) JO n° L 94 du 28. 4. 1970, p. 13.

(24) Recueil 1973, p. 611.

(25) Recueil 1973, p. 1471.

(26) Recueil 1977, p. 595.

(27) Recueil 1991, p. I-5505.

(28) Recueil 1973, p. 813.

(29) Recueil 1987, p. 901.

(30) Recueil 1990, p. I-3437.

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