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Document 62022TJ0623
Judgment of the General Court (Fourth Chamber, Extended Composition) of 19 November 2025.#SD v European Medicines Agency.#Access to documents – Regulation (EC) No 1049/2001 – EMA documents concerning the messenger RNA vaccine against COVID-19 Comirnaty – Conditional marketing authorisation – Specific obligations – Responses provided by the authorisation holder to the EMA – Partial refusal of access – Communication of partially redacted documents after notification of the contested decision – Action for annulment – Time limit for bringing proceedings – Admissibility – Interest in bringing proceedings – Correcting decision – Action which has become devoid of purpose – No need to adjudicate – Protection of the commercial interests of a third party – Document disseminated on the internet following a cyberattack – Overriding public interest.#Case T-623/22.
Arrêt du Tribunal (quatrième chambre élargie) du 19 novembre 2025.
SD contre Agence européenne des médicaments.
Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Documents de l’EMA concernant le vaccin à ARN messager contre la COVID-19 Comirnaty – Autorisation de mise sur le marché conditionnelle – Obligations spécifiques – Réponses fournies par le titulaire de l’autorisation à l’EMA – Refus partiel d’accès – Communication de documents partiellement occultés après notification de la décision attaquée – Recours en annulation – Délai de recours – Recevabilité – Intérêt à agir – Décision rectificative – Disparition de l’objet du litige – Non-lieu à statuer – Protection des intérêts commerciaux d’un tiers – Document diffusé sur l’internet à la suite d’une cyberattaque – Intérêt public supérieur.
Affaire T-623/22.
Arrêt du Tribunal (quatrième chambre élargie) du 19 novembre 2025.
SD contre Agence européenne des médicaments.
Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Documents de l’EMA concernant le vaccin à ARN messager contre la COVID-19 Comirnaty – Autorisation de mise sur le marché conditionnelle – Obligations spécifiques – Réponses fournies par le titulaire de l’autorisation à l’EMA – Refus partiel d’accès – Communication de documents partiellement occultés après notification de la décision attaquée – Recours en annulation – Délai de recours – Recevabilité – Intérêt à agir – Décision rectificative – Disparition de l’objet du litige – Non-lieu à statuer – Protection des intérêts commerciaux d’un tiers – Document diffusé sur l’internet à la suite d’une cyberattaque – Intérêt public supérieur.
Affaire T-623/22.
ECLI identifier: ECLI:EU:T:2025:1035
ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)
19 novembre 2025 ( *1 )
« Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Documents de l’EMA concernant le vaccin à ARN messager contre la COVID-19 Comirnaty – Autorisation de mise sur le marché conditionnelle – Obligations spécifiques – Réponses fournies par le titulaire de l’autorisation à l’EMA – Refus partiel d’accès – Communication de documents partiellement occultés après notification de la décision attaquée – Recours en annulation – Délai de recours – Recevabilité – Intérêt à agir – Décision rectificative – Disparition de l’objet du litige – Non-lieu à statuer – Protection des intérêts commerciaux d’un tiers – Document diffusé sur l’internet à la suite d’une cyberattaque – Intérêt public supérieur »
Dans l’affaire T‑623/22,
SD, représenté par Me A. Steindl, avocate,
partie requérante,
contre
Agence européenne des médicaments (EMA), représentée par M. F. Behre, Mmes G. Gavriilidou et H. Kerr, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenue par
BioNTech SE, établie à Mayence (Allemagne)
BioNTech Manufacturing GmbH, établie à Mayence,
BioNTech Manufacturing Marburg GmbH, établie à Marbourg (Allemagne),
représentées par Mes P. Bogaert, K. Ewert, avocats, et M. B. Kelly, solicitor,
parties intervenantes,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie),
composé, lors des délibérations, de MM. R. da Silva Passos, président, J. Schwarcz, Mmes N. Półtorak, I. Reine (rapporteure) et T. Pynnä, juges,
greffier : Mme S. Jund, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure,
vu l’offre de preuve du requérant déposée au greffe du Tribunal le 25 octobre 2023 et les observations de l’EMA et des intervenantes sur cette offre de preuve déposées le 8 février 2024,
vu l’ordonnance du 29 mai 2024 par laquelle le Tribunal a, au titre d’une mesure d’instruction, ordonné à l’EMA de produire intégralement les documents auxquels elle avait partiellement refusé l’accès et la production de ces documents par l’EMA le 14 juin 2024,
à la suite de l’audience du 6 mars 2025,
rend le présent
Arrêt
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1 |
Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, SD, demande l’annulation de la décision contenue dans la lettre EMA/254928/2022 de l’Agence européenne des médicaments (EMA), du 21 juillet 2022, par laquelle celle‑ci a refusé partiellement l’accès à certains documents demandés en vertu du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43) (ci-après la « décision attaquée »). |
I. Antécédents du litige
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2 |
Le 21 décembre 2020, la Commission européenne a adopté la décision d’exécution C(2020) 9598 final, relative à l’octroi d’une autorisation de mise sur le marché conditionnelle pour le médicament à usage humain Comirnaty – Vaccin à ARNm (nucléoside modifié) contre la COVID-19 conformément au règlement (CE) no 726/2004 du Parlement européen et du Conseil. Cette autorisation a été délivrée à BioNTech Manufacturing GmbH (ci-après « BioNTech ») moyennant le respect de certaines obligations spécifiques au sens de l’article 14 -bis, paragraphe 4, du règlement (CE) no 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments (JO 2004, L 136, p. 1), et de l’article 5 du règlement (CE) no 507/2006 de la Commission, du 29 mars 2006, relatif à l’autorisation de mise sur le marché conditionnelle de médicaments à usage humain relevant du règlement no 726/2004 (JO 2006, L 92, p. 6). |
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3 |
Ces obligations spécifiques étaient définies à l’annexe II de la décision d’autorisation conditionnelle mentionnée au point 2 ci-dessus. La première de ces obligations prévoyait que le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché (ci-après l’« AMM ») conditionnelle devait fournir des données supplémentaires afin de compléter la caractérisation de la substance active et du produit final en cause . |
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4 |
Le 28 décembre 2021, le requérant a adressé à l’EMA une demande d’accès aux documents, qu’il a précisée par courriels des 24 janvier et 2 mars 2022. Sa demande visait, notamment, la partie (a) de la première obligation spécifique (ci-après la « SO1(a) »), telle que définie à la page 5 du rapport public d’évaluation de l’EMA sur le renouvellement annuel de l’AMM conditionnelle du 14 octobre 2021 (portant la référence EMA/596333/2021) (ci-après le « rapport d’évaluation du 14 octobre 2021 »). Cette demande a été enregistrée par l’EMA sous la référence ASK-103611. |
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5 |
En réponse à la demande d’accès telle que formulée par le requérant, l’EMA a indiqué avoir identifié, notamment, les trois documents suivants : premièrement, « Responses to specific obligation » (Réponses à l’obligation spécifique), deuxièmement, « Response to EMA request for supplementary information dated 22 September 2021 – query 1 » (Réponse à la demande d’informations supplémentaires de l’EMA du 22 septembre 2021 – demande 1) et, troisièmement, « Section 3.2.S.3.1. Elucidation of structure and other characteristics » (Section 3.2.S.3.1. Explications concernant la structure et d’autres caractéristiques) (ci-après, pris ensemble, les « documents litigieux »). |
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6 |
Le 8 mars 2022, l’EMA a consulté BioNTech concernant la divulgation des documents litigieux, en application de l’article 4, paragraphe 4, du règlement no 1049/2001 et du document EMA/729522/2016 du 4 octobre 2018 intitulé « European Medicines Agency policy on access to documents » (Politique de l’EMA en matière d’accès aux documents) . |
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7 |
Le 8 avril 2022, l’EMA a indiqué au requérant qu’un accès partiel aux documents litigieux lui serait octroyé (ci-après la « décision initiale d’accès »). |
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8 |
Le même jour, le requérant a envoyé un message à l’EMA dans lequel il a indiqué vouloir contester la décision initiale d’accès, dans la mesure où elle n’octroyait qu’un accès partiel aux documents litigieux. |
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9 |
Le 29 avril 2022, après avoir notifié à BioNTech son intention en ce sens, l’EMA a communiqué au requérant les documents litigieux, dont le contenu avait été partiellement occulté. |
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10 |
Le 4 mai 2022, à la suite d’un courriel de l’EMA du même jour lui demandant s’il souhaitait encore contester la décision initiale d’accès, le requérant a confirmé qu’il entendait remettre cette décision en cause et qu’il souhaitait obtenir la divulgation intégrale des documents litigieux. |
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11 |
Par lettre du 21 juillet 2022 contenant la décision attaquée, notifiée au requérant le lendemain par la plateforme Eudralink, l’EMA a répondu au requérant que, après réexamen de la décision initiale d’accès, les documents litigieux pourraient être divulgués dans une plus large mesure. Toutefois, l’EMA a indiqué qu’une occultation partielle du contenu de ces documents demeurait nécessaire afin de protéger les intérêts commerciaux de BioNTech. |
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12 |
Le 8 août 2022, après avoir notifié à BioNTech son intention en ce sens, l’EMA a transmis les documents litigieux, en partie occultés, au requérant par la plateforme Eudralink. Le requérant en a pris connaissance le lendemain. |
II. Faits postérieurs à l’introduction du recours
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13 |
Le 25 octobre 2023, dans ses observations sur le mémoire en intervention des intervenantes, BioNTech SE, BioNTech et BioNTech Manufacturing Marburg GmbH, le requérant a indiqué au Tribunal que, au hasard de recherches sur l’internet, il avait trouvé des informations susceptibles d’être similaires aux données occultées dans les documents litigieux. Il a fait référence, d’une part, au rapport de l’EMA portant la référence EMA/CHMP/448917/2021 et, d’autre part, à un document de 152 pages provenant de Pfizer et de BioNTech, marqué comme confidentiel et présentant un contenu en grande partie similaire à celui qui avait été occulté dans les documents litigieux. Par acte séparé déposé le 28 novembre 2023, le requérant a soumis une nouvelle fois ces deux documents en tant qu’offres de preuve, en application de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal. |
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14 |
Dans ses observations sur les nouveaux éléments de preuve soumis par le requérant, l’EMA a confirmé que le document portant la référence EMA/CHMP/448917/2021 correspondait à un rapport d’évaluation qu’elle avait divulgué le 14 juillet 2022 à la suite d’une demande d’accès aux documents déposée par un tiers sur le fondement du règlement no 1049/2001 (ci-après le « rapport de l’EMA divulgué le 14 juillet 2022 »). |
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15 |
Par lettre du 7 février 2024 portant la référence EMA/55289/2024, notifiée le jour même par courriel au requérant, l’EMA a indiqué au requérant sa décision de rectifier la décision attaquée (ci-après la « décision rectificative »). Elle y a reconnu que, en raison d’une erreur humaine, elle avait occulté dans les documents litigieux des éléments qu’elle avait pourtant déjà divulgués le 14 juillet 2022 dans le contexte d’une autre demande d’accès, mentionnée au point 14 ci-dessus, et a donc accepté de divulguer ces informations. En revanche, l’EMA a maintenu les occultations qui portaient sur les autres informations, pour les motifs invoqués dans la décision attaquée. |
III. Conclusions des parties
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16 |
Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
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17 |
L’EMA, soutenue par les intervenantes, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
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IV. En droit
A. Sur la recevabilité
1. Sur le respect des délais de recours
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18 |
Ainsi qu’il ressort des points 11 et 12 ci-dessus, les documents litigieux n’ont pas été communiqués au requérant en même temps que la décision attaquée. À cet égard, l’EMA considère, à l’instar du requérant, que le délai de recours prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE a commencé à courir à compter de la communication des documents litigieux. |
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19 |
En vertu de l’article 263, sixième alinéa, et de l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, la date à prendre en compte pour déterminer le point de départ du délai d’un recours en annulation est celle de la notification de l’acte en cause lorsque celui-ci désigne un destinataire. Une décision est dûment notifiée dès lors qu’elle est communiquée à son destinataire et que celui-ci est mis en mesure d’en prendre connaissance. S’agissant de cette dernière condition, la Cour a estimé qu’elle se trouvait remplie lorsque le destinataire avait été mis en mesure de prendre connaissance du contenu de cette décision ainsi que des motifs sur lesquels celle-ci reposait (arrêt du 21 mars 2019, Eco-Bat Technologies e.a./Commission, C‑312/18 P, non publié, EU:C:2019:235, points 25 et 26). |
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20 |
Il y a également lieu de rappeler que, dans l’appréciation de l’existence d’une notification au sens de l’article 263, sixième alinéa, et de l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, il convient de tenir compte du principe de sécurité juridique et du droit à un recours effectif consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (voir, en ce sens, arrêt du 3 mars 2021, Barata/Parlement, T‑723/18, EU:T:2021:113, point 44). |
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21 |
En l’espèce, il convient de relever que, en application de l’article 4, paragraphe 4, du règlement no 1049/2001, la politique de l’EMA en matière d’accès aux documents, mentionnée au point 6 ci-dessus, prévoit à son point 5.5 une consultation du tiers concerné lorsque l’EMA est saisie d’une demande d’accès à des documents qui contiennent des informations provenant de ce tiers, comme en l’espèce. L’avis du tiers concerné ne revêt néanmoins aucun caractère contraignant. |
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22 |
En outre, en réponse aux questions du Tribunal, l’EMA a expliqué la procédure particulière qu’elle mettait en œuvre en application du point 5.7 de sa politique en matière d’accès aux documents lorsqu’elle entendait adopter une décision sur une demande d’accès. Elle a ainsi indiqué que, dans une telle hypothèse, elle informait le tiers concerné de sa décision de divulguer certaines informations ainsi que des voies de recours possibles contre celle-ci. Celui-ci disposait alors d’un délai de dix jours ouvrables pour notifier son intention, le cas échéant, de contester la divulgation envisagée devant le Tribunal. Dans le cas d’une telle contestation dans le délai imparti, l’EMA s’abstenait de communiquer les documents jusqu’à l’issue de la procédure de recours. |
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23 |
Selon l’EMA, le Tribunal pouvait en effet être saisi d’un recours en annulation par le tiers concerné sur le fondement de l’article 263 TFUE, comme ce fut le cas, par exemple, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 28 juin 2019, Intercept Pharma et Intercept Pharmaceuticals/EMA (T‑377/18, non publié, EU:T:2019:456). |
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24 |
L’EMA a ajouté que cette procédure particulière impliquait donc que, lorsqu’elle notifiait au demandeur sa décision sur la demande d’accès, cette notification ne s’accompagnait ni d’une communication immédiate, ni d’une communication automatique des documents demandés, puisque celle-ci pouvait dépendre de l’issue du recours éventuel du tiers concerné devant le Tribunal. En outre, lors de l’audience, l’EMA a soutenu que sa décision sur la demande d’accès ne pouvait être considérée comme ayant été notifiée dans son intégralité au requérant qu’une fois les documents litigieux effectivement communiqués à celui-ci, comme en témoignait, au demeurant, le numéro de dossier unique qu’elle avait utilisé pour la notification de la décision attaquée au requérant le 22 juillet 2022 et des documents litigieux le 8 août suivant. |
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25 |
Dans ce contexte particulier, il y a lieu de considérer que, en l’espèce, le délai pour introduire le recours en annulation contre la décision attaquée a bien commencé à courir au plus tôt à la date de communication des documents litigieux au requérant par la plateforme Eudralink le 8 août 2022. Dès lors que le présent recours en annulation a été déposé au greffe du Tribunal le 7 octobre 2022, il a bien été introduit dans le délai prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE. |
2. Sur l’objet du recours après l’adoption de la décision rectificative
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26 |
Ainsi qu’il ressort du point 15 ci-dessus, l’EMA a adopté la décision rectificative après la date d’introduction du présent recours. Elle y a reconnu que les informations contenues dans le rapport de l’EMA divulgué le 14 juillet 2022, trouvées par le requérant au hasard de ses recherches sur l’internet, étaient déjà entrées dans le domaine public au moment de l’adoption de la décision attaquée et qu’elles auraient donc dû être communiquées à celui-ci. L’EMA a dès lors rectifié la décision attaquée en acceptant de communiquer au requérant les données qui figuraient déjà dans son rapport divulgué le 14 juillet 2022 (ci-après les « données divulguées après rectification »), tout en maintenant les autres occultations dans les documents litigieux pour les motifs exposés dans la décision attaquée. |
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27 |
À titre liminaire, il convient d’observer que la décision rectificative modifie partiellement la décision attaquée elle-même et donc l’objet du recours. Contrairement à ce que soutient le requérant, elle ne constitue pas une nouvelle offre de preuve à l’appui de l’argumentation de l’EMA, au sens de l’article 85 du règlement de procédure. |
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28 |
En tout état de cause, la décision rectificative a été adoptée à la suite de la production, par le requérant, du rapport de l’EMA divulgué le 14 juillet 2022 afin de corriger l’erreur dans la décision attaquée qui s’est révélée après le dépôt du mémoire en défense. La décision rectificative ne saurait donc être écartée comme irrecevable au regard de l’article 85 du règlement de procédure au motif qu’elle aurait été produite tardivement. |
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29 |
En ce qui concerne l’incidence de la décision rectificative sur l’objet du recours, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, l’objet du litige doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle, sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêts du 30 avril 2020, Izba Gospodarcza Producentów i Operatorów Urządzeń Rozrywkowych/Commission, C‑560/18 P, EU:C:2020:330, point 38 et jurisprudence citée, et du 21 janvier 2021, Leino-Sandberg/Parlement, C‑761/18 P, EU:C:2021:52, point 32 et jurisprudence citée). |
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30 |
En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 26 ci-dessus, la décision rectificative a partiellement modifié la décision attaquée pour ce qui concerne les données divulguées après rectification. Dès lors que le requérant n’a pas modifié l’objet de son recours à la suite de l’adoption de cette décision, ni dans ses écritures, ni par une adaptation de sa requête, le recours doit être considéré comme ayant perdu son objet en ce qu’il vise l’accès aux données divulguées après rectification. |
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31 |
Certes, un recours en annulation peut, à titre exceptionnel, ne pas devenir sans objet, malgré le retrait de l’acte dont l’annulation est recherchée, lorsque le requérant conserve néanmoins un intérêt suffisant à obtenir un arrêt annulant cet acte de manière formelle (voir ordonnance du 12 janvier 2011, Terezakis/Commission, T‑411/09, EU:T:2011:4, point 17 et jurisprudence citée). Un requérant peut notamment dans certains cas conserver un intérêt à demander l’annulation de l’acte attaqué pour amener l’auteur dudit acte à apporter, à l’avenir, les modifications appropriées et ainsi éviter le risque de répétition de l’illégalité dont l’acte en question est prétendument entaché. La persistance de cet intérêt suppose que cette illégalité soit susceptible de se reproduire dans le futur, indépendamment des circonstances particulières de l’affaire en cause (voir arrêt du 4 septembre 2018, ClientEarth/Commission, C‑57/16 P, EU:C:2018:660, point 48 et jurisprudence citée). Toutefois, il appartient au requérant d’apporter la preuve de son intérêt à agir, qui constitue la condition essentielle et première de tout recours en justice (arrêt du 7 novembre 2018, BPC Lux 2 e.a./Commission, C‑544/17 P, EU:C:2018:880, point 33). |
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32 |
Or, le requérant n’a pas fait valoir d’argument circonstancié qui permettrait au Tribunal de conclure que, en application de la jurisprudence citée au point 31 ci-dessus, celui-ci conserverait son intérêt à agir. |
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33 |
Par ailleurs, les arguments soulevés par le requérant au cours de l’audience, selon lesquels l’adoption de la décision rectificative participerait d’une tactique de l’EMA pour se soustraire au contrôle juridictionnel et aboutirait à contourner les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, ne sont pas non plus de nature à écarter la disparition partielle de l’objet du recours. Au demeurant, ils ne sont pas étayés, l’EMA ayant reconnu une erreur humaine lors de l’adoption de la décision attaquée. |
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34 |
Au vu de ce qui précède, il n’y a plus lieu de statuer sur la demande d’annulation de la décision attaquée dans la mesure où cette décision refuse l’accès aux données divulguées après rectification. |
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35 |
Il convient d’ajouter que, dans la décision rectificative, l’EMA a maintenu l’occultation des autres informations non divulguées en renvoyant explicitement aux motifs exposés dans la décision attaquée, sans modifier celle-ci à cet égard. Le recours conserve donc son objet en ce qu’il vise le refus d’accès à ces autres informations dont l’occultation a été maintenue. |
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36 |
Dès lors, le Tribunal examinera ci-après la demande d’annulation de la décision attaquée uniquement dans la mesure où elle refuse au requérant l’accès aux informations qui demeurent occultées à la suite de l’adoption de la décision rectificative. |
B. Sur le fond
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37 |
À l’appui de son recours, le requérant invoque deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, en ce que l’EMA a considéré que l’occultation partielle des documents litigieux était justifiée par la protection des intérêts commerciaux d’un tiers et, le second, de la violation de l’article 4, paragraphe 2, dernière phrase, de ce règlement, en ce que l’EMA a constaté l’absence d’intérêt public supérieur à la divulgation. |
1. Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001
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38 |
Dans le cadre de son premier moyen, le requérant fait valoir que l’EMA ne pouvait pas considérer que les données occultées dans les documents litigieux, relatives à des aspects qualitatifs tels que la caractérisation de la substance active et du produit fini, étaient couvertes par l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001. À cet égard, il soulève sept griefs, qui correspondent aux sept branches de ce moyen. |
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39 |
En substance, premièrement, l’EMA aurait fait une application erronée du document d’orientation des chefs des agences des médicaments et de l’EMA sur l’identification d’informations commerciales confidentielles et des données à caractère personnel dans le cadre des demandes d’AMM – divulgation d’informations après l’octroi d’une AMM (ci-après le « document d’orientation sur la divulgation »). Deuxièmement, l’EMA aurait violé le principe de l’accès le plus large possible du public aux documents et n’aurait pas tenu compte de certaines dispositions applicables. Troisièmement, l’EMA aurait méconnu le document d’orientation sur la divulgation ainsi que son mandat et ses compétences. Quatrièmement, l’EMA aurait fait une application erronée de la notion de « stratégie de contrôle » et aurait, en substance, fourni des informations non pertinentes et incomplètes. Cinquièmement, l’EMA n’aurait pas pris en compte les normes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Sixièmement, les données occultées appartiendraient au domaine public, leur occultation serait disproportionnée et l’EMA n’aurait pas motivé de manière suffisante l’atteinte prétendument portée par une divulgation aux intérêts commerciaux de BioNTech. Septièmement, l’EMA aurait formulé à tort des hypothèses sur le contexte de la demande d’accès. |
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40 |
Il convient d’examiner d’abord la quatrième branche du premier moyen. Ensuite, les deuxième et cinquième branches de ce moyen seront analysées conjointement, puis les autres branches du moyen. |
a) Sur la quatrième branche du premier moyen, relative, en substance, à une application erronée de la notion de « stratégie de contrôle » et au caractère non pertinent et incomplet des données communiquées
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41 |
Le requérant fait valoir que sa demande d’accès aux documents ne portait pas sur des documents relatifs aux stratégies de contrôle, mais sur la SO1(a). À cet égard, en substance, le raisonnement de la décision attaquée, qui renvoie à la notion de « stratégie de contrôle », serait entaché des trois erreurs ci-après. |
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42 |
Premièrement, en invoquant le caractère confidentiel des données relatives aux stratégies de contrôle pour justifier le refus d’accès aux données occultées, l’EMA se méprendrait quant au contenu d’une telle stratégie, telle que définie dans les lignes directrices Q10 sur le système de qualité pharmaceutique du Conseil international sur l’harmonisation des exigences techniques relatives à l’homologation des médicaments à usage humain, et assimilerait abusivement les données relatives à la SO1(a) à une telle stratégie. |
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43 |
Deuxièmement, en assimilant les réponses aux obligations spécifiques, telles que la SO1(a), à des informations sur les stratégies de contrôle, l’EMA méconnaîtrait la différence de nature juridique entre ces deux notions. En effet, les obligations spécifiques seraient soumises à une obligation de publicité et de transparence accrue conformément aux lignes directrices de l’EMA du 25 février 2016 sur l’application scientifique et les dispositions pratiques nécessaires à la mise en œuvre du règlement no 507/2006 de la Commission relatif à l’AMM conditionnelle de médicaments à usage humain relevant du règlement no 726/2004 (ci-après les « lignes directrices relatives à la mise en œuvre du règlement no 507/2006 »). |
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44 |
Troisièmement, les données transmises par l’EMA ne contiendraient pas de rapport mensuel, alors même que celles-ci auraient fait partie de la SO1(a). En outre, compte tenu de l’ampleur des occultations en cause, les documents transmis ne permettraient pas de connaître le contenu des réponses à la SO1(a). |
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45 |
Le requérant fait également valoir que le droit à un accès complet aux documents litigieux n’est pas soumis à une obligation de motivation et ne dépend pas de la compétence scientifique du demandeur, ce que l’EMA aurait méconnu dans la décision attaquée. |
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46 |
L’EMA, soutenue par les intervenantes, conteste l’argumentation du requérant. |
1) Sur l’objet de la demande d’accès et l’absence de communication des rapports mensuels
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47 |
S’agissant de l’objet de la demande d’accès, en premier lieu, il ressort du courriel adressé par le requérant à l’EMA le 2 mars 2022 que, par sa demande d’accès initiale, il souhaitait obtenir les réponses de BioNTech à la SO1(a). À cet égard, le requérant avait renvoyé à la page 5 du rapport d’évaluation du 14 octobre 2021, en insérant un hyperlien renvoyant audit document. Cette page 5 mentionnait exclusivement un rapport transmis le 2 août 2021, sans mentionner, en outre, des rapports mensuels sur la SO1(a). |
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48 |
Au cours de l’audience, l’EMA a indiqué qu’elle n’avait pas communiqué au requérant les rapports mensuels relatifs à la SO1(a), bien que ces documents eussent existé, au motif qu’ils ne faisaient manifestement pas partie de la demande d’accès. |
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49 |
À cet égard, il convient de constater que, si la page 5 du rapport d’évaluation du 14 octobre 2021 ne mentionnait effectivement pas de rapports mensuels, en revanche, la page 11 de ce même document, à laquelle le requérant avait également accès, indiquait clairement que de tels rapports avaient été soumis à l’EMA. |
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50 |
En tout état de cause, le requérant devait avoir connaissance de l’existence des rapports mensuels relatifs à la SO1(a) lors de la première communication des documents litigieux par l’EMA le 29 avril 2022. En effet, ces rapports mensuels y étaient explicitement mentionnés dès la deuxième page du premier de ces documents. |
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51 |
Dans son courriel du 4 mai 2022 complétant le courriel du 8 avril 2022 (ci-après, pris ensemble, la « demande confirmative »), le requérant n’a toutefois pas contesté l’identification des documents litigieux par l’EMA en réponse à sa demande d’accès initiale. |
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52 |
Or, ainsi que cela ressort des termes du considérant 13 du règlement no 1049/2001, l’application d’une procédure administrative en deux phases, assortie d’une possibilité de recours juridictionnel ou de plainte auprès du Médiateur européen, a été prévue afin d’assurer le plein respect du droit d’accès du public aux documents des institutions de l’Union européenne. De même, selon la jurisprudence, les articles 7 et 8 du règlement no 1049/2001, en prévoyant une procédure en deux temps, ont pour objectif de permettre, d’une part, un traitement rapide et facile des demandes d’accès aux documents des institutions concernées ainsi que, d’autre part, de manière prioritaire, un règlement amiable des différends pouvant éventuellement surgir (arrêt du 26 janvier 2010, Internationaler Hilfsfonds/Commission, C‑362/08 P, EU:C:2010:40, points 53 et 54). |
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53 |
À cet égard, pour que la procédure en deux temps rappelée au point 52 ci-dessus puisse atteindre son objectif, il faut que l’institution, l’organe ou l’organisme de l’Union saisi d’une demande confirmative puisse se fier aux termes de cette demande afin d’identifier les informations ou les documents que le demandeur souhaite voir divulgués à la suite de l’adoption d’une décision initiale d’accès. Il appartient dès lors à tout demandeur de s’assurer que les documents dont il a sollicité la divulgation lui ont bien été communiqués à la suite de sa demande initiale et de définir la portée de sa demande confirmative en conséquence. |
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54 |
En l’espèce, compte tenu, d’une part, de la mention explicite et claire des rapports mensuels dans les documents communiqués au requérant le 29 avril 2022 et, d’autre part, des termes de la demande confirmative, qui visent uniquement à contester les occultations dans les documents litigieux, le requérant ne saurait reprocher à l’EMA d’avoir limité son examen à ces occultations pour adopter la décision attaquée, et de ne pas lui avoir communiqué les rapports mensuels en cause qui n’y étaient pas mentionnés. |
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55 |
En second lieu, il ressort des documents litigieux que les informations qu’ils contiennent visaient spécifiquement à répondre à la SO1(a). Les deux premiers documents, intitulés, respectivement, « Responses to specific obligation » et « Response to EMA request for supplementary information dated 22 September 2021 – query 1 », indiquent explicitement qu’ils apportent des réponses à la SO1(a). Quant au troisième document, intitulé « Section 3.2.S.3.1. Elucidation of structure and other characteristics », celui-ci a été soumis à l’EMA le 4 novembre 2021 afin d’étayer la réponse de BioNTech à la SO1(a), fournit des informations supplémentaires sur la qualité du vaccin Comirnaty, en particulier sur la caractérisation et la structure de la substance médicamenteuse, et tend à démontrer que celle-ci possède la structure attendue. |
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56 |
Par conséquent, les documents litigieux contenaient des données pertinentes au regard de la demande d’accès du requérant, nonobstant l’ampleur des occultations retenues et les motifs avancés par l’EMA pour justifier celles-ci. |
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57 |
De surcroît, à la suite de l’adoption de la décision rectificative, le nombre d’informations occultées dans les documents litigieux a été considérablement réduit, se limitant désormais à certains tableaux et quelques chiffres précis. Le requérant ne saurait dès lors prétendre que les documents litigieux ne permettaient pas de connaître le contenu des réponses à la SO1(a). |
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58 |
Il résulte de ce qui précède que les arguments du requérant tirés de la méconnaissance de l’objet de la demande d’accès et de l’absence de communication des rapports mensuels relatifs à la SO1(a) doivent être écartés comme non fondés. |
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59 |
Au surplus, il y a lieu d’écarter l’argument du requérant selon lequel le droit à un accès complet aux documents litigieux n’est pas soumis à une obligation de motivation et ne dépend pas de la compétence scientifique du demandeur. En effet, il ne ressort pas de la décision attaquée que l’EMA aurait refusé un accès complet aux documents litigieux au motif que le requérant n’aurait pas motivé sa demande. La compétence scientifique du demandeur n’est pas davantage invoquée dans cette décision. Par conséquent, cet argument ne peut en tout état de cause qu’être écarté. |
2) Sur l’assimilation erronée de la SO1(a) à la notion de « stratégie de contrôle »
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60 |
Il ressort des lignes directrices Q10 sur le système de qualité pharmaceutique du Conseil international sur l’harmonisation des exigences techniques relatives à l’homologation des médicaments à usage humain, citées par le requérant, que la stratégie de contrôle est un ensemble de contrôles qui visent à garantir qu’un produit de qualité requise est fabriqué de manière uniforme. Les contrôles effectués doivent être fondés sur le produit, la formulation et la compréhension du processus. Dans ce cadre, il s’agit notamment d’identifier les sources de variabilité afin de s’assurer qu’elles n’ont pas d’impact sur la qualité du médicament. Cette définition figure également dans la partie II, section 2.5 des lignes directrices Q8 (R2) du Conseil international sur l’harmonisation des exigences techniques relatives à l’homologation des médicaments à usage humain, du 22 juin 2017, sur le développement pharmaceutique – étape 5, citées par l’EMA dans ses écritures en défense. |
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61 |
Dans la décision attaquée, l’EMA a expliqué, en substance, qu’une stratégie de contrôle efficace, qui est nécessaire pour l’octroi d’une AMM, repose sur la compréhension des caractéristiques de qualité pertinentes du médicament et de leur impact potentiel sur la sécurité et l’efficacité de celui-ci. La stratégie de contrôle est donc étroitement liée aux résultats de tests, ceux-ci contribuant à son développement et à sa mise en place. Ainsi, les informations récoltées en réponse à la SO1(a), qui concernent la caractérisation de la substance active et du vaccin Comirnaty, devaient permettre à l’EMA de mieux comprendre comment les étapes du processus de fabrication du vaccin Comirnaty étaient contrôlées et de s’assurer de la qualité de celui-ci, comme l’a confirmé l’EMA au cours de l’audience. |
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62 |
Les intervenantes ont également confirmé qu’une compréhension des attributs de qualité pertinents et de leur incidence potentielle sur la sécurité et l’efficacité du médicament était indispensable pour mettre au point une stratégie de contrôle efficace. |
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63 |
Ainsi, l’EMA a expliqué que les données occultées dans les documents litigieux, qui avaient trait à la caractérisation de la substance active et du produit fini ainsi qu’aux méthodes et aux résultats d’essai à cet égard et qui avaient été sollicitées dans le cadre de la SO1(a), constituaient des éléments intrinsèquement liés à la stratégie de contrôle, sans pour autant assimiler l’ensemble de ces données à la stratégie de contrôle elle-même. |
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64 |
Partant, même si l’EMA a fait état de la confidentialité des stratégies de contrôle dans les motifs de la décision attaquée, il ne ressort pas de cette décision qu’elle a assimilé les réponses à la SO1(a) à la stratégie de contrôle en soi. De surcroît, dès lors qu’une telle assimilation n’est pas démontrée en l’espèce, le requérant ne saurait prétendre que, en procédant à une telle assimilation, l’EMA a méconnu la différence de nature juridique entre ces deux notions. |
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65 |
Au vu de ce qui précède, il convient d’écarter la quatrième branche du premier moyen. |
b) Sur les deuxième et cinquième branches du premier moyen, relatives à la violation du principe de l’accès le plus large possible du public aux documents et à l’absence de prise en compte de certaines dispositions applicables, y compris des normes de l’OMS
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66 |
Le requérant soutient que l’EMA a commis une erreur de droit en ne procédant pas à une interprétation stricte de l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux, sans tenir compte d’autres dispositions applicables qui confirmeraient l’obligation d’assurer une transparence accrue en ce qui concerne les obligations spécifiques. Conformément à la jurisprudence, il conviendrait d’assurer une application de chacun de ces textes d’une manière qui soit compatible avec celle de l’autre et en permette ainsi une application cohérente. |
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67 |
À cet égard, premièrement, le requérant renvoie au considérant 10 du règlement no 507/2006, lu conjointement avec l’article 8 dudit règlement. Il cite également les lignes directrices relatives à la mise en œuvre du règlement no 507/2006. Afin de remplir le rôle qui lui est dévolu par ce texte, l’EMA aurait dû divulguer les critères juridiques d’autorisation des substances ARNm, sans protéger de manière disproportionnée le seul grand producteur existant sur le marché. |
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68 |
Deuxièmement, le requérant fait référence aux considérants 14, 38 et 49 du règlement (UE) 2022/123 du Parlement européen et du Conseil, du 25 janvier 2022, relatif à un rôle renforcé de l’EMA dans la préparation aux crises et la gestion de celles-ci en ce qui concerne les médicaments et les dispositifs médicaux (JO 2022, L 20, p. 1). À cet égard, l’EMA aurait ignoré le fait que l’obligation spécifique en cause concernait la principale contre-mesure médicale officielle mise en place par l’Union contre la COVID-19. |
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69 |
Troisièmement, le requérant se prévaut de l’annexe 3 du 74e rapport du comité d’experts de la standardisation biologique de l’OMS, intitulé « Évaluation de la qualité, de l’innocuité et de l’efficacité des vaccins à ARN messager pour la prévention des maladies infectieuses : considérations réglementaires » (ci-après le « rapport de l’OMS sur les vaccins à ARN messager »), en vertu duquel les données relatives aux exigences de qualité élémentaires, visant à garantir l’innocuité du médicament, constitueraient des informations devant être divulguées. |
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70 |
En tout état de cause, selon le requérant, la décision attaquée ne contenait aucune explication pertinente quant aux motifs pour lesquels la divulgation des informations relatives à la SO1(a) portait atteinte aux secrets d’affaires de BioNTech, malgré les obligations de motivation stricte liées à l’application des exceptions prévues à l’article 4 du règlement no 1049/2001. Dans ses réponses à une question du Tribunal, le requérant a ajouté que, dans la décision rectificative, l’EMA ne pouvait pas se contenter de justifier les occultations maintenues par un simple renvoi à la motivation, obsolète, exposée dans la décision attaquée. |
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71 |
L’EMA, soutenue par les intervenantes, conteste les arguments du requérant. |
1) Observations liminaires
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72 |
Il importe de rappeler que le règlement no 1049/2001 vise, comme l’indiquent son considérant 4 et son article 1er, à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions qui soit le plus large possible (arrêts du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob, C‑404/10 P, EU:C:2012:393, point 111, et du 28 juin 2012, Commission/Agrofert Holding, C‑477/10 P, EU:C:2012:394, point 53). |
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73 |
Le principe de l’accès le plus large possible du public aux documents n’en est pas moins soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé. En effet, le règlement no 1049/2001, notamment à son considérant 11 et son article 4, prévoit un régime d’exceptions imposant aux institutions et aux organismes de ne pas divulguer des documents dans le cas où la divulgation porterait atteinte à l’un de ces intérêts (voir arrêt du 5 février 2018, Pari Pharma/EMA, T‑235/15, EU:T:2018:65, point 66 et jurisprudence citée). |
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74 |
À cet égard, pour justifier le refus d’accès à un document, il ne suffit pas, en principe, que ce document relève d’une activité ou d’un intérêt mentionné à l’article 4 du règlement no 1049/2001, l’institution concernée devant également démontrer comment l’accès à ce document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par une exception prévue à cet article et que le risque d’atteinte à cet intérêt est raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (voir arrêt du 5 février 2018, Pari Pharma/EMA, T‑235/15, EU:T:2018:65, point 69 et jurisprudence citée). |
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75 |
Cela étant, il n’est pas nécessaire d’établir l’existence d’un risque certain d’atteinte à la protection des intérêts commerciaux des entreprises concernées. Il suffit que l’institution concernée ait fourni des explications plausibles quant à la question de savoir de quelle manière l’accès aux informations occultées pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à la protection des intérêts commerciaux des entreprises concernées et si l’atteinte alléguée peut être considérée comme raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 2020, Bronckers/Commission, T‑166/19, EU:T:2020:557, point 58). Un tel risque est établi lorsque, notamment, les documents demandés contiennent des informations commerciales sensibles relatives, entre autres, aux stratégies commerciales des entreprises concernées ou à leurs relations commerciales, ou lorsque ceux-ci contiennent des données propres à l’entreprise qui mettent en avant son expertise (arrêt du 5 février 2018, Pari Pharma/EMA, T‑235/15, EU:T:2018:65, point 71). |
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76 |
Il convient également de rappeler que, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001, bénéficie d’un droit d’accès aux documents des institutions « [t]out citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre ». Il en ressort que ce règlement a vocation à garantir l’accès de tous aux documents et non pas seulement l’accès du demandeur aux documents le visant (voir arrêt du 28 septembre 2022, Agrofert/Parlement, T‑174/21, EU:T:2022:586, point 45 et jurisprudence citée). En d’autres termes, lorsqu’une institution décide de divulguer certaines données, celles-ci deviennent accessibles non seulement au demandeur d’accès, mais également au public. |
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77 |
Enfin, lorsque le règlement no 1049/2001 et d’autres règlements cités par le requérant ne comportent pas de disposition prévoyant expressément la primauté de l’un sur l’autre, il ne saurait être exclu, par principe, d’interpréter les exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 à la lumière de certaines réglementations spécifiques du droit de l’Union. Ainsi, dans un tel cas de figure, il convient d’assurer une application de chacun de ces règlements qui soit compatible avec celle de l’autre et en permette une application cohérente (voir, en ce sens, arrêts du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob, C‑404/10 P, EU:C:2012:393, point 110, et du 26 mars 2020, Bonnafous/Commission, T‑646/18, EU:T:2020:120, point 72 et jurisprudence citée). |
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78 |
C’est à la lumière des principes rappelés ci-dessus qu’il convient d’examiner les arguments du requérant. |
2) Sur les erreurs de droit alléguées par le requérant
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79 |
En premier lieu, il convient de rappeler que la décision rectificative n’a pas remplacé la décision attaquée, mais a uniquement corrigé celle-ci dans la mesure où certaines des informations occultées auraient déjà dû être divulguées à la date d’adoption de la décision attaquée. C’est donc à la date d’adoption de la décision attaquée qu’il convient de se placer pour apprécier la légalité des occultations maintenues. De même, les motifs invoqués dans cette décision, auxquels renvoie la décision rectificative, demeurent pertinents afin d’apprécier la légalité de ces occultations. |
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80 |
Il en résulte que, contrairement à ce que fait valoir le requérant, la décision attaquée, telle que rectifiée, n’est pas entachée d’un défaut de motivation. |
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81 |
En second lieu, ayant consulté la version intégrale des documents litigieux, le Tribunal constate que les informations qui demeurent occultées dans ces documents sont des résultats chiffrés d’essais liés à la caractérisation de la substance active et du produit fini Comirnaty ainsi que des informations sur les paramètres utilisés pour effectuer ces essais. Comme l’indiquent, en substance, les conclusions formulées à la suite de ces différents résultats, qui ont été vérifiées par l’EMA et qui ne sont pas occultées, les données obtenues grâce aux essais effectués fournissent des informations à l’EMA sur la caractérisation de la substance ARNm du vaccin Comirnaty et visent à démontrer que le processus de fabrication de ce vaccin répond aux exigences de qualité prévues par la réglementation de l’Union. |
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82 |
Il s’agit donc d’informations de nature hautement technique qui ont été obtenues grâce au savoir-faire de BioNTech et qui figurent dans le dossier de demande de l’AMM du vaccin Comirnaty. |
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83 |
Dans la décision attaquée, l’EMA a expliqué que la divulgation des informations occultées permettrait à des entreprises pharmaceutiques concurrentes utilisant une technologie similaire et opérant dans le même domaine thérapeutique ou dans un domaine différent d’obtenir un avantage concret en économisant les efforts scientifiques et les ressources humaines et économiques nécessaires à leur propre développement de médicaments. Cet avantage concret pour le concurrent consisterait à utiliser la connaissance des études menées par BioNTech sur la caractérisation du vaccin Comirnaty et le développement des processus, ce qui permettrait en fin de compte, sans expérience préalable dans le secteur ou avec une expérience très limitée, de déterminer très facilement les méthodes d’essai optimales et les caractéristiques de qualité critiques et d’élaborer une stratégie de contrôle pour un type de médicament non standard. |
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84 |
La décision attaquée a ajouté que les vaccins à base d’ARN messager correspondaient à une nouvelle technologie, de sorte qu’il existait peu d’expérience industrielle dans ce domaine et peu de connaissances sur les caractéristiques qui étaient déterminantes pour le processus de fabrication ainsi que sur les méthodes d’essai et les plages d’acceptation acceptables qui conduisaient à un médicament sûr et efficace. Ces informations constitueraient un savoir-faire important et précieux pour BioNTech, en tant que titulaire de l’AMM conditionnelle. Ce savoir-faire, s’il était divulgué, conférerait un avantage significatif aux concurrents potentiels de BioNTech, qui pourraient développer leurs propres produits plus rapidement. |
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85 |
Or, le Tribunal a déjà jugé que les titulaires de données bénéficiaient, en application des exceptions prévues à l’article 4 du règlement no 1049/2001, d’une protection des informations commerciales confidentielles contenues dans un dossier de demande d’AMM, dont celles relatives à la fabrication du produit et aux autres spécifications techniques et industrielles des processus de qualité mis en œuvre pour fabriquer la substance en cause (voir, en ce sens, arrêts du 5 février 2018, PTC Therapeutics International/EMA, T‑718/15, EU:T:2018:66, point 65, et du 25 septembre 2018, Amicus Therapeutics UK et Amicus Therapeutics/EMA, T‑33/17, non publié, EU:T:2018:595, point 56). |
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86 |
En outre, ainsi qu’il ressort des points 83 et 84 ci-dessus, l’EMA a expliqué que les données occultées possédaient une valeur économique réelle et que leur divulgation ou leur utilisation pourrait présenter une valeur économique pour d’autres entreprises, compte tenu notamment de leur aspect novateur. À cela s’ajoute le contexte concurrentiel du développement de vaccins contre la COVID-19. |
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87 |
À l’aune des considérations qui précèdent, les éléments exposés dans la décision attaquée justifient de considérer les données occultées en cause comme constituant des informations commerciales sensibles et suffisent pour permettre de conclure à l’existence d’un risque raisonnablement prévisible et non purement hypothétique que la divulgation de ces informations porte atteinte à la protection des intérêts commerciaux de BioNTech (voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2022, Saure/Commission, T‑651/21, non publié, EU:T:2022:526, point 112 et jurisprudence citée). Il en est d’autant plus ainsi que, comme indiqué au point 76 ci-dessus, la décision de l’EMA de divulguer les données en cause aurait pour effet de rendre celles-ci accessibles non seulement au requérant, mais également au public, y compris aux concurrents de BioNTech. |
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88 |
Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les autres documents cités par le requérant, dont l’EMA n’aurait prétendument pas tenu compte. |
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89 |
Premièrement, il ressort du considérant 10 du règlement no 507/2006 qu’« [i]l convient de fournir aux patients et aux professionnels de santé des informations claires sur la nature conditionnelle de[s AMM conditionnelles] » et que « [c]ette information doit donc figurer expressément dans le résumé des caractéristiques du produit et dans la notice du médicament concerné ». L’article 8 de ce règlement prévoit, quant à lui, que « [l]orsqu’un médicament a bénéficié d’une autorisation conditionnelle conformément [audit] règlement, les informations figurant dans le résumé des caractéristiques du produit et la notice contiennent une mention claire de ce fait » et que « [l]e résumé des caractéristiques du produit indique également la date à laquelle l’[AMM] conditionnelle doit être renouvelée ». |
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90 |
Le considérant 10 du règlement no 507/2006 renvoie ainsi à la nature conditionnelle de l’autorisation, tandis que l’article 8 de ce règlement impose de faire mention du fait que le médicament a bénéficié d’une autorisation conditionnelle. Aussi, comme le fait valoir à bon droit l’EMA, il ressort clairement du libellé de ces dispositions que l’information devant être communiquée au public concerne le caractère conditionnel de l’AMM ainsi que la date à laquelle celle-ci doit être renouvelée, et non des informations sensibles détaillées telles que des méthodes et des résultats d’essais ayant trait à la caractérisation d’un vaccin. |
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91 |
En outre, si l’article 8 du règlement no 507/2006 impose une obligation de publication proactive des informations qu’il vise, il ne porte pas sur le régime de l’accès aux documents soumis dans le cadre d’une AMM et ne saurait donc en aucun cas être interprété comme prévoyant un régime spécial à cet égard (voir, en ce sens, arrêt du 5 février 2018, PTC Therapeutics International/EMA, T‑718/15, EU:T:2018:66, point 51). |
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92 |
Deuxièmement, les lignes directrices relatives à la mise en œuvre du règlement no 507/2006, qui doivent être interprétées en conformité avec celui-ci et de manière cohérente avec le règlement no 1049/2001, ne prévoient pas davantage la divulgation d’informations détaillées relatives à la caractérisation d’un médicament. Le point 4.4, dernier alinéa, de ces lignes directrices indique uniquement que les obligations spécifiques et le calendrier de leur exécution seront clairement définis dans l’AMM conditionnelle et publiés par l’EMA dans le cadre du rapport européen public d’évaluation. De même, le point 4.5 de ces lignes directrices prévoit une obligation de transparence accrue concernant la nature conditionnelle de ces autorisations, qui doit être mentionnée clairement dans le résumé des caractéristiques du produit et la notice qui l’accompagne. Ces obligations de mentionner clairement la nature conditionnelle de l’autorisation et de divulguer les obligations spécifiques imposées ainsi que le calendrier de leur exécution visent ainsi à informer le public de leur existence, mais n’imposent pas une divulgation de l’ensemble des données techniques détaillées qui sont fournies par le demandeur de l’AMM à l’EMA. À cet égard, ces lignes directrices ne font qu’appliquer les principes énoncés par l’article 8 du règlement no 507/2006, lu conjointement avec le considérant 10 dudit règlement (voir points 89 et 90 ci-dessus). |
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93 |
Troisièmement, en ce qui concerne le règlement 2022/123, le requérant n’explique nullement en quoi la décision du législateur de l’Union de renforcer le rôle de l’EMA dans la préparation aux crises et la gestion de celles-ci aboutirait à imposer une obligation de divulgation d’informations détaillées concernant la caractérisation d’une substance active et du produit fini, qui irait à l’encontre de la protection des intérêts commerciaux prévue par l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001. |
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94 |
À cet égard, le considérant 14 du règlement 2022/123, cité par le requérant, indique uniquement qu’il convient de rapprocher et de renforcer les règles relatives à la surveillance des pénuries de médicaments et de dispositifs médicaux et de faciliter la recherche et le développement de médicaments susceptibles de traiter, de prévenir ou de diagnostiquer les maladies à l’origine des urgences de santé publique, en vue de compléter stratégiquement les efforts de la Commission en ce sens. Ce considérant ne porte donc pas sur d’éventuelles obligations de divulgation de l’EMA. |
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95 |
Le considérant 38 du règlement 2022/123 prévoit, certes, qu’il est impératif de mettre en place des mesures et des normes de transparence solides, ces mesures devant comprendre la publication en temps utile de toutes les informations pertinentes sur les médicaments et dispositifs médicaux approuvés et des données cliniques, y compris les protocoles d’essais cliniques. De même, le considérant 49 dudit règlement insiste sur la nécessité de prévoir le recours à des outils de communication adéquats afin de dialoguer activement avec le grand public, afin de garantir un degré élevé de transparence. |
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96 |
Toutefois, les considérants 38 et 49 du règlement 2022/123 n’impliquent nullement que l’EMA soit tenue de diffuser toutes les informations détaillées relatives à la caractérisation d’un vaccin. Au contraire, il ressort de l’article 10, paragraphe 4, second alinéa, ainsi que de l’article 17, paragraphe 2, second alinéa, du règlement 2022/123 que l’EMA reste tenue d’examiner dans quelle mesure les informations communiquées par les titulaires d’AMM constituent des informations commerciales confidentielles qui ne peuvent être divulguées. Cette obligation de confidentialité est soulignée de manière encore plus explicite à l’article 34, paragraphe 1, de ce règlement, qui consacre, en substance, l’obligation de toutes les parties concernées par l’application dudit règlement de respecter la confidentialité des informations et données obtenues dans l’exécution de leurs tâches de manière à protéger les informations confidentielles de nature commerciale et les secrets d’affaires des personnes physiques ou morales. |
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97 |
Quatrièmement, le rapport de l’OMS sur les vaccins à ARN messager est un document non contraignant qui, en outre, n’a pas pour objectif de réguler la question de l’accès aux données relatives aux vaccins. Il tend uniquement à fournir des orientations sur certains aspects cruciaux relatifs à la fabrication et au contrôle de qualité des vaccins à ARN messager. En particulier, la page 119 dudit document, à laquelle le requérant renvoie dans ses écritures, ne contient aucune indication concernant le prétendu caractère public des données relatives à la caractérisation. |
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98 |
De surcroît, d’une part, l’introduction de l’annexe 3 du rapport de l’OMS sur les vaccins à ARN messager souligne précisément l’indisponibilité, à la date de son élaboration, de données détaillées sur les méthodes de production ainsi que l’absence de publicité de certaines données concernant les vaccins à ARN messager. D’autre part, il y est indiqué que la caractérisation révèle des données importantes sur la structure, la performance et la sécurité du produit concerné et permet ainsi de guider le développement et l’amélioration d’essais. Il s’agit donc de données qui ont été obtenues grâce aux recherches et au savoir-faire du fabricant du vaccin. |
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99 |
Par conséquent, en adoptant la décision attaquée, l’EMA a fourni des explications plausibles permettant de démontrer que l’accès aux données occultées dans les documents litigieux pourrait porter concrètement et effectivement atteinte aux intérêts commerciaux du titulaire de l’AMM conditionnelle du vaccin Comirnaty, et que le risque d’atteinte à ces intérêts était raisonnablement prévisible et non purement hypothétique. Ce faisant, l’EMA n’a pas violé le principe de l’accès le plus large possible du public aux documents, ni ignoré, à tort, les dispositions examinées aux points 89 à 98 ci-dessus. |
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100 |
Les deuxième et cinquième branches du premier moyen doivent donc être rejetées comme non fondées. |
c) Sur la première branche du premier moyen, relative à l’application erronée du document d’orientation sur la divulgation
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101 |
Le requérant fait valoir que, compte tenu du caractère conditionnel de l’AMM octroyée au vaccin Comirnaty au moment de l’adoption de la décision attaquée, l’EMA ne pouvait pas se fonder sur le document d’orientation sur la divulgation pour appliquer une présomption générale de confidentialité aux informations occultées dans les documents litigieux au regard de la nécessité de protéger les intérêts commerciaux de BioNTech. En effet, le document d’orientation sur la divulgation ne s’appliquerait qu’aux AMM ordinaires et non aux AMM conditionnelles. Cela ressortirait des explications du document d’orientation sur la divulgation, qui excluent toute application de ce document aux médicaments orphelins. Or, les médicaments orphelins et les AMM conditionnelles relèveraient du règlement no 507/2006, ce qui démontrerait que ce document ne s’applique qu’aux AMM ordinaires. |
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102 |
Le requérant ajoute que le document d’orientation sur la divulgation contient un tableau intitulé « Structure of the Marketing Authorisation Dossier – Module 1 » (Structure du dossier d’AMM – module 1). Il ressortirait de la partie de ce tableau consacrée au sous-module 1.5.5 que les informations relatives à la mise sur le marché conditionnelle d’un médicament peuvent être divulguées (can be released – CBR). |
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103 |
L’EMA, soutenue par les intervenantes, conteste les arguments du requérant. |
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104 |
En l’espèce, en premier lieu, la Cour a reconnu la possibilité pour les institutions et les agences concernées de se fonder sur des présomptions générales s’appliquant à certaines catégories de documents, des considérations d’ordre général similaires étant susceptibles de s’appliquer à des demandes de divulgation portant sur des documents de même nature (arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 50). |
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105 |
Cela étant, il ressort de la décision attaquée que l’EMA a examiné en détail le contenu des documents litigieux et a accepté de divulguer certaines informations générales relatives aux méthodes d’essai dans ces documents. Il ressort également desdits documents que les informations qui demeurent occultées après l’adoption de la décision rectificative sont éparses et précises, une grande partie des informations techniques ayant finalement été divulguée. |
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106 |
Ainsi, l’argument du requérant selon lequel l’EMA aurait appliqué une présomption générale de confidentialité en l’espèce manque en fait. |
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107 |
En second lieu, s’il est vrai que, dans la décision attaquée, l’EMA s’est référée aux principes exposés dans le document d’orientation sur la divulgation, ce renvoi a uniquement eu pour objectif de confirmer que les motifs invoqués pour justifier les occultations, liés à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, étaient également conformes à ce document. Aussi, à supposer même que l’EMA se soit fondée à tort sur ce document, une telle erreur ne serait pas de nature à conduire à l’annulation de la décision attaquée, qui se fonde avant tout sur l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001. L’argument est dès lors inopérant. |
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108 |
En tout état de cause, il ressort du deuxième alinéa introductif du document d’orientation sur la divulgation que celui-ci trouve à s’appliquer aux demandes d’accès concernant des médicaments autorisés en vertu des procédures nationales, des procédures de reconnaissance mutuelle ainsi que des procédures centralisées ou décentralisées, sans exclure les AMM conditionnelles. |
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109 |
Or, comme le fait valoir à bon droit l’EMA, la mise sur le marché du vaccin Comirnaty supposait nécessairement une autorisation, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67), telle que modifiée. Le caractère conditionnel de cette autorisation ne permet nullement de considérer qu’il ne s’agirait pas d’une AMM au sens du document d’orientation sur la divulgation. |
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110 |
Par ailleurs, comme le soulignent à bon droit les intervenantes, la procédure de désignation d’un médicament en tant que médicament orphelin, qui est exclue du champ d’application du document d’orientation sur la divulgation, constitue une procédure particulière régie par le règlement (CE) no 141/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 1999, concernant les médicaments orphelins (JO 2000, L 18, p. 1). Une telle procédure particulière ne saurait être confondue avec la procédure d’AMM d’un tel médicament, que celle-ci soit « ordinaire » ou conditionnelle. Aussi, le fait que les médicaments désignés comme orphelins puissent, à l’instar du vaccin Comirnaty, faire l’objet d’une procédure d’AMM conditionnelle est dépourvu de pertinence en l’espèce. |
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111 |
Quant à l’argument du requérant tiré des indications figurant dans le tableau annexé au document d’orientation sur la divulgation, concernant le sous-module 1.5 intitulé « Obligations spécifiques pour différents types de demandes », il ressort de cette partie du tableau que les informations visées relatives aux AMM conditionnelles « peuvent être divulguées », ainsi qu’il ressort de la ligne 1.5.5 dudit tableau. |
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112 |
Cela étant, comme le relève à bon droit l’EMA, le module 1 du dossier relatif à la demande d’autorisation ne contient que des informations générales de nature administrative, comme cela ressort explicitement de son intitulé ainsi que du volume 2B du guide de l’EMA à l’usage des demandeurs concernant les médicaments à usage humain, et en particulier la présentation et le format du dossier. Le fait que les informations générales relevant du sous-module 1.5.5 puissent être divulguées ne signifie donc pas que les informations détaillées relatives à la caractérisation d’un médicament faisant l’objet d’une AMM conditionnelle doivent être divulguées. |
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113 |
Par conséquent, la première branche du premier moyen doit être rejetée comme non fondée. |
d) Sur la troisième branche du premier moyen, relative, en substance, à la violation du document d’orientation sur la divulgation et à la méconnaissance par l’EMA de son mandat et de ses compétences
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114 |
Le requérant soutient, en substance, que, en accordant une protection généralisée aux données relatives aux stratégies de contrôle en tant que secrets d’affaires, l’EMA a méconnu les sections 3.1.1 et 3.1.2 du document d’orientation sur la divulgation, qui imposeraient un degré accru de transparence et de publicité pour ces données. Tel serait d’autant plus le cas que le vaccin Comirnaty devrait être classé comme produit biotechnologique soumis à des exigences de transparence encore plus strictes. |
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115 |
En outre, l’EMA aurait l’obligation de vérifier, de prescrire et d’imposer des critères de qualité tels que prévus, entre autres, par l’article 8, paragraphe 3, sous h), de la directive 2001/83. Les critères de qualité importants, tels que la caractérisation de la substance active et du produit fini, en particulier pour un médicament critique, devraient ainsi faire l’objet d’une publicité dans l’intérêt de la sécurité juridique et d’une bonne administration. |
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116 |
Or, en refusant de divulguer l’intégralité des informations relatives à la SO1(a) contenues dans les documents litigieux, l’EMA se fonderait sur des critères d’autorisation secrets et arbitraires et dissimulerait au public les données liées à la qualité et à l’innocuité du vaccin Comirnaty. Elle violerait dès lors sa mission de service public, son mandat et ses compétences en tant qu’autorité de régulation. |
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117 |
Par ailleurs, conformément au point 3.1.2 du document d’orientation sur la divulgation, l’EMA serait tenue de fournir une motivation précise de la manière dont les informations détaillées sur les méthodes d’essai utilisées et les critères de définition et d’acceptation quantitative diffèrent de certaines monographies de la pharmacopée européenne ou d’une autre pharmacopée nationale, car ce n’est qu’à cette condition qu’un secret d’affaires pourrait être invoqué dans le cadre d’autorisations ordinaires. |
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118 |
L’EMA, soutenue par les intervenantes, conteste les arguments du requérant. |
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119 |
En l’espèce, en premier lieu, il est vrai que le point 3.1.1, deuxième alinéa, du document d’orientation sur la divulgation indique que la formulation qualitative finale (composition) du produit autorisé ne constitue pas une information commerciale confidentielle. Toutefois, le premier alinéa de ce point explique clairement que, en principe, les informations relatives au développement pharmaceutique, y compris les données détaillées concernant la substance active, la formulation, la fabrication ainsi que les procédures d’essai et la validation, sont confidentielles. |
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120 |
Il ressort par ailleurs du point 3.1.2, deuxième et quatrième alinéas, du document d’orientation sur la divulgation que les informations sur la structure de la substance active ainsi que la description générale des types de méthodes d’essais utilisées et du caractère approprié de la spécification ne constituent pas des données commerciales confidentielles. Cependant, les premier et quatrième alinéas de ce point précisent que les informations détaillées relatives à la synthèse ou à la fabrication de la substance active ainsi qu’aux méthodes d’essais utilisées, à la spécification et aux critères quantitatifs d’admission sont confidentielles. |
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121 |
Or, ainsi qu’il ressort des points 81 et 82 ci-dessus, les données détaillées qui demeurent occultées dans les documents litigieux portent précisément sur les méthodes et les résultats d’essais ayant trait à la qualité du vaccin Comirnaty et au contrôle de celle-ci, qui concernent sa fabrication. |
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122 |
En deuxième lieu, le point 3.1.2, cinquième alinéa, du document d’orientation sur la divulgation, qui concerne les produits biotechnologiques, n’indique pas davantage que toutes les informations relatives à la qualité et à la stratégie de contrôle doivent être divulguées. Selon cet alinéa, seules des informations à caractère général sont considérées comme non confidentielles, contrairement aux données détaillées. |
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123 |
En troisième lieu, le point 3.1.2, quatrième alinéa, du document d’orientation sur la divulgation prévoit, certes, une exception au caractère confidentiel des informations détaillées sur les méthodes d’essai utilisées, lorsque les essais sont couverts par des monographies spécifiques de la pharmacopée européenne. |
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124 |
Cela étant, dans la décision attaquée, l’EMA a souligné que la technologie ARNm utilisée dans la fabrication du vaccin Comirnaty constituait une nouvelle technologie à propos de laquelle il n’existait pratiquement aucune expérience industrielle, ce que le requérant n’a nullement contesté. En d’autres termes, les méthodes d’essais et la stratégie de contrôle de la qualité développée pour le vaccin Comirnaty, afférentes à cette nouvelle technologie, ne connaissaient pas de précédent et résultaient d’un savoir-faire propre au titulaire de l’AMM conditionnelle de ce vaccin. Comme l’a confirmé l’EMA au cours de l’audience, cette explication répond en soi à la question de savoir si les essais réalisés correspondaient déjà aux méthodes communes recensées dans la pharmacopée européenne. |
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125 |
En adoptant la décision attaquée, l’EMA n’a donc pas méconnu son propre document d’orientation sur la divulgation. |
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126 |
En quatrième lieu, en refusant de divulguer les données occultées, l’EMA ne s’est pas fondée sur des critères d’autorisation secrets et arbitraires pour octroyer l’AMM du vaccin Comirnaty. Une grande partie des données détaillées relatives à la SO1(a) figurant dans les documents litigieux ont été divulguées, y compris les conclusions précises afférentes aux résultats des essais menés à la demande de l’EMA. Le respect des critères prévus par la directive 2001/83 pour l’octroi d’une AMM du vaccin Comirnaty a également été vérifié, ainsi qu’il ressort des nombreux rapports d’évaluation publiés sur le site Internet de l’EMA. |
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127 |
Au vu de ce qui précède, le requérant ne saurait prétendre que l’EMA a violé sa mission de droit public, son mandat et ses compétences en refusant la divulgation des données occultées. |
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128 |
Par conséquent, la troisième branche du premier moyen doit être rejetée comme non fondée. |
e) Sur la sixième branche du premier moyen, tirée, en substance, de l’appartenance des données occultées au domaine public, d’une occultation disproportionnée et de l’absence d’atteinte aux intérêts commerciaux de BioNTech
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129 |
Le requérant soutient, en substance, qu’aucune des deux conditions requises pour pouvoir qualifier les données occultées de relevant des « secrets d’affaires » de BioNTech, à savoir leur caractère non public et l’atteinte portée aux intérêts commerciaux de BioNTech en cas de divulgation, n’est remplie. |
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130 |
En premier lieu, les données occultées, qui ont trait aux critères d’AMM du vaccin Comirnaty, appartiendraient déjà au domaine public du simple fait, en substance, qu’elles ont trait à la qualité du vaccin Comirnaty et qu’elles ont été présentées à l’EMA. Il conviendrait d’opérer ici un parallélisme avec le domaine de la propriété intellectuelle où le titulaire d’un brevet serait tenu de divulguer des informations détaillées afin d’obtenir une protection de celui-ci. Le requérant fait valoir qu’il existe un manque de connaissances s’agissant des exigences de qualité et que l’EMA a pourtant souligné leur pertinence en matière de sécurité. |
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131 |
Dans ses observations sur le mémoire en intervention, d’une part, le requérant ajoute que le rapport de l’EMA divulgué le 14 juillet 2022 démontre que la décision attaquée est disproportionnée et erronée en droit. D’autre part, il souligne qu’une partie des données occultées dans les documents litigieux figurent dans un document de Pfizer-BioNTech de 152 pages intitulé « M3-20-Nov-2020-FDA-Query-Responses » (ci-après le « document Pfizer-BioNTech »), disponible sur l’internet. De surcroît, d’autres publications scientifiques confirmeraient le caractère public des contenus occultés. |
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132 |
En second lieu, le requérant reproche à l’EMA de ne pas avoir expliqué dans quelle mesure la divulgation des données occultées pourrait porter concrètement atteinte à BioNTech. Or, les bénéfices considérables réalisés par cette entreprise démontreraient que celle-ci pourrait ne jamais être lésée au cours des 30 prochaines années. Aussi, l’EMA aurait dû déclarer que le secret des affaires de celle-ci n’existe plus, d’autant plus que les stratégies de contrôle ne sont pas considérées systématiquement comme un secret d’affaires par le document d’orientation sur la divulgation. |
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133 |
L’EMA, soutenue par les intervenantes, conteste les arguments du requérant. |
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134 |
À titre liminaire, il convient de rappeler que, au vu des points 29 à 36 ci-dessus, l’argumentation du requérant dans le cadre de la présente branche ne revêt un caractère opérant que pour autant qu’elle concerne les données qui demeurent occultées après l’adoption de la décision rectificative. |
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135 |
En l’espèce, en premier lieu, le simple fait que les données occultées aient été fournies à l’EMA dans le cadre d’une demande d’AMM conditionnelle ne saurait avoir pour conséquence que ces données appartiendraient automatiquement au domaine public et que l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001 aurait été méconnu. Une telle affirmation reviendrait à vider cet article 4 de toute substance. Il en va de même du fait que les données occultées se rapportent à la qualité du vaccin, dans la mesure où, comme en l’espèce, ces données se rapportent à une technologie nouvelle et présentent un caractère de confidentialité commerciale. |
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136 |
S’agissant du parallélisme qu’il conviendrait d’opérer avec le domaine de la propriété intellectuelle, le requérant ne cite aucune disposition précise à l’appui de son argument et n’étaye pas celui-ci. Il en va de même de l’allégation selon laquelle BioNTech aurait concédé une licence sur la technologie ARNm dans de nombreux brevets et sous-brevets. Si le requérant renvoie le Tribunal à un document renseigné dans une note en bas de page, il n’étaye nullement son affirmation et n’explique en particulier pas quelles seraient les informations que BioNTech aurait divulguées elle-même au sens du règlement no 1049/2001 et qui seraient ainsi publiques. |
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137 |
Par ailleurs, en ce qui concerne les conséquences de la découverte par le requérant du rapport de l’EMA divulgué le 14 juillet 2022 et du document Pfizer BioNTech, il convient de relever ce qui suit. |
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138 |
D’une part, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel le contenu du rapport de l’EMA divulgué le 14 juillet 2022 démontrerait que la décision attaquée était disproportionnée et erronée en droit, il y a lieu de constater que celui-ci n’est pas étayé et ne répond pas aux exigences de clarté et de précision requises par l’article 76, sous d), du règlement de procédure. |
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139 |
En tout état de cause, le 7 février 2024, l’EMA a adopté la décision rectificative afin de tenir compte du rapport de l’EMA divulgué le 14 juillet 2022 et de corriger l’erreur humaine constatée dans la décision attaquée. Or, le fait que l’EMA ait été tenue de divulguer les données contenues dans ce rapport au seul motif qu’elles avaient déjà été rendues publiques ne remet nullement en cause, en soi, le caractère confidentiel des données qui demeurent occultées dans les documents litigieux. |
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140 |
D’autre part, il ressort des éléments du dossier que l’EMA a fait l’objet de cyberattaques dans le courant de l’année 2021, ayant conduit à la fuite de plusieurs documents. En outre, comme le reconnaît le requérant, le document Pfizer-BioNTech a été publié sur un site Internet consacré à des « théories du complot » liées à la pandémie de COVID-19, sous un onglet intitulé « EMA leaked papers » (documents de l’EMA ayant fuité). Ces éléments démontrent que le téléchargement du document Pfizer-BioNTech résulte très probablement d’une cyberattaque dirigée contre l’EMA, ce que les intervenantes ont confirmé. |
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141 |
Or, la divulgation non autorisée d’un document ne peut avoir pour conséquence de rendre accessible au public un document couvert par une des exceptions prévues à l’article 4 du règlement no 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2013, Beninca/Commission, T‑561/12, non publié, EU:T:2013:558, point 55 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 6 octobre 2021, Aeris Invest/BCE, T‑827/17, EU:T:2021:660, point 219). |
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142 |
Par conséquent, dans la mesure où le requérant n’avance aucun élément permettant de conclure que le document Pfizer-BioNTech aurait été divulgué au public de manière régulière, le Tribunal ne saurait, en tout état de cause, se fonder sur ce document pour considérer l’argument du requérant comme étant fondé et conclure ainsi à l’illégalité de la décision attaquée, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de ce document. |
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143 |
Le requérant ne saurait davantage faire valoir qu’il incombait à l’EMA de faire elle-même des recherches, ni que celle-ci aurait pu trouver le document de Pfizer-BioNTech, dès lors qu’un tel argument est inopérant. En effet, compte tenu de la jurisprudence rappelée au point 141 ci-dessus, la découverte dudit document par l’EMA ne rendrait pas pour autant régulière la divulgation des informations qu’il contient et ne saurait contraindre l’EMA à divulguer au requérant les informations concernées. |
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144 |
Dans ses observations sur le mémoire en intervention, le requérant cite également un certain nombre de publications scientifiques qui confirmeraient le caractère public des contenus occultés. Toutefois, ces documents, qui n’ont pas été cités par le requérant dans la requête, ont été produits à un stade tardif de la procédure sans la moindre justification pour ce retard. Conformément à l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, ces documents doivent donc être considérés comme constituant des éléments de preuve tardifs et, partant, irrecevables. |
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145 |
En second lieu, ainsi qu’il ressort du point 99 ci-dessus, l’EMA a avancé des motifs pertinents dans la décision attaquée permettant de justifier l’application de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001. Contrairement à ce que laisse entendre le requérant, ce règlement n’exige nullement que l’atteinte aux intérêts commerciaux invoquée soit chiffrée, ni que l’EMA examine la situation du marché pour quantifier concrètement une telle atteinte. En effet, il suffit qu’une telle atteinte soit raisonnablement prévisible et non purement hypothétique. |
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146 |
Dans ce contexte, le chiffre d’affaires et les bénéfices réalisés par le titulaire de l’AMM conditionnelle ne sont pas pertinents pour évaluer le caractère confidentiel des données occultées, dès lors que la divulgation de telles données, qui constituent des informations sensibles mettant en avant l’expertise de ce titulaire, conférerait un avantage aux concurrents et porterait ainsi atteinte aux intérêts commerciaux de ce titulaire, au sens de la jurisprudence citée au point 75 ci-dessus. |
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147 |
Il résulte de ce qui précède que la sixième branche du premier moyen doit être rejetée comme non fondée. |
f) Sur la septième branche du premier moyen, relative aux hypothèses formulées par l’EMA sur le contexte de la demande d’accès
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148 |
Le requérant fait valoir que l’EMA a commis une erreur de droit en analysant le contexte de la demande d’accès et en inscrivant celle-ci dans le contexte d’une remise en question générale de la sécurité du vaccin Comirnaty. L’EMA formulerait ainsi des observations dénuées de pertinence sur la sécurité et l’obtention d’une AMM conditionnelle. Or, le règlement no 1049/2001 ne soumettrait pas le droit d’accès aux documents à une justification de la demande soumise. En outre, la protection des données demandées en tant que secrets d’affaires aurait pris fin dès le dépôt de la demande d’AMM conditionnelle. |
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149 |
L’EMA et les intervenantes n’ont pas répondu à ces arguments. |
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150 |
En l’espèce, il convient de constater que l’argumentation du requérant repose sur la prémisse selon laquelle, pour refuser de divulguer l’intégralité des documents litigieux, l’EMA aurait pris en compte le contexte de la demande d’accès, en particulier le fait qu’il remettrait en cause la sécurité du vaccin Comirnaty. |
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151 |
À cet égard, s’il est vrai que, dans la décision attaquée, l’EMA a souligné la nécessité, y compris dans le cadre d’une AMM conditionnelle, de respecter des standards de qualité imposés dans l’Union, elle ne s’est nullement fondée sur de telles affirmations pour examiner le caractère confidentiel des données occultées. En effet, ainsi qu’il ressort des trois premières pages de cette décision, l’EMA a justifié son refus de divulgation par la nature même des données concernées et par l’atteinte que leur divulgation porterait aux intérêts commerciaux de BioNTech. |
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152 |
Sous le point 4 de la décision attaquée, l’EMA a également indiqué qu’elle comprenait que, selon le requérant, il existait des « inconnues » concernant l’innocuité et l’efficacité du vaccin Comirnaty. Cependant, cette affirmation a été formulée dans le cadre de l’appréciation de l’existence d’un intérêt public supérieur, au sens de l’article 4, paragraphe 2, dernière phrase, du règlement no 1049/2001, et non de l’atteinte aux intérêts commerciaux de BioNTech en application de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, de ce règlement. |
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153 |
Dès lors qu’il tend à démontrer la violation de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, 1’argument doit être écarté comme manquant en fait. |
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154 |
Compte tenu de ce qui précède, il convient de rejeter la septième branche du premier moyen et, partant, le premier moyen dans son ensemble. |
2. Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 2, dernière phrase, du règlement no 1049/2001 et de l’existence d’un intérêt public supérieur à la divulgation
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155 |
À l’appui de son second moyen, le requérant soulève quatre branches. Premièrement, l’EMA aurait interprété de manière erronée les arguments du requérant visant à démontrer l’existence d’un intérêt public supérieur. Deuxièmement, l’EMA aurait appliqué un critère erroné pour apprécier l’existence d’un intérêt public supérieur. Troisièmement, l’EMA aurait méconnu le principe de transparence maximale applicable aux contre-mesures médicales. Quatrièmement, l’EMA n’aurait pas pris en compte la jurisprudence de la Cour relative à l’intérêt public des données de laboratoire dans le contexte de la protection de l’environnement, ni les dispositions de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (JO 1994, L 336, p. 214, ci-après l’« accord ADPIC »), qui fait partie des accords de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) signés par les représentants de la Communauté européenne et approuvés ensuite par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO 1994, L 336, p. 1). |
a) Sur la première branche du second moyen, tirée de l’interprétation erronée des arguments du requérant
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156 |
Le requérant fait valoir que, dans le cadre de l’examen de l’existence d’un intérêt public supérieur à la divulgation intégrale des documents litigieux, l’EMA s’est fondée sur une compréhension erronée de ses arguments, en réduisant ceux-ci de manière non étayée à des inconnues sur le vaccin et au consentement éclairé des patients. Or, dans son courriel du 4 mai 2022, le requérant aurait plutôt attiré l’attention sur les délais de réponse assez longs de l’EMA, sur le caractère conditionnel de l’AMM du vaccin Comirnaty ainsi que sur le fait que les vaccins et médicaments contre la COVID-19 étaient classés comme « bien public mondial ». |
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157 |
L’EMA, soutenue par les intervenantes, conteste les arguments du requérant. |
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158 |
En l’espèce, ainsi qu’il ressort des deux dernières phrases du courriel du requérant adressé à l’EMA le 8 avril 2022, le requérant a explicitement fait valoir l’existence d’un intérêt public supérieur à la divulgation en soulignant le contexte de la pandémie, le fait que les essais soumis n’étaient pas terminés, l’existence d’incertitudes et la nécessité de garantir un consentement éclairé des patients. Il a également souligné que l’EMA était tenue de préserver la santé des citoyens de l’Union. |
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159 |
Compte tenu des termes utilisés dans le courriel du 8 avril 2022, la nécessité de garantir un consentement éclairé des patients dans un contexte marqué par certaines incertitudes et des essais non terminés ainsi que de préserver la santé des citoyens de l’Union a été interprétée à juste titre par l’EMA comme correspondant à des arguments liés à la protection d’un intérêt public supérieur. |
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160 |
Au demeurant, dans le cadre du second moyen de la requête, le requérant insiste à plusieurs reprises sur la nécessité de préserver la santé publique et de garantir l’innocuité des médicaments. Il conclut lui-même, à la fin de la requête, qu’il convient d’accorder la priorité à la santé publique par rapport aux secrets d’affaires de BioNTech. |
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161 |
En revanche, dans son courriel du 4 mai 2022, le requérant n’a mentionné aucun intérêt public supérieur susceptible de justifier la divulgation de l’intégralité des documents litigieux. En effet, il a tout d’abord contesté la politique de l’EMA en matière de délais de réponse aux demandes d’accès. Il a ensuite fait valoir que l’EMA ne pouvait pas se fonder sur les principes applicables aux demandes d’accès en matière d’AMM ordinaire pour limiter l’accès aux documents litigieux, a souligné qu’il était illégal d’autoriser des médicaments sur le fondement d’essais non terminés et a renvoyé aux écritures soumises par l’EMA dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 8 juillet 2022, Agentur für Globale Gesundheitsverantwortung/EMA (T‑713/21, non publiée, EU:T:2022:432), laquelle a été radiée par la suite du registre du Tribunal. Aucun de ces arguments ne permet d’identifier l’intérêt public supérieur dont le requérant entendrait se prévaloir. Le requérant a enfin fait valoir que les vaccins contre la COVID-19 étaient un bien public mondial. Un tel argument est toutefois trop vague et ne permettait pas à l’EMA de comprendre la portée de celui-ci. |
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162 |
Par conséquent, contrairement à ce que fait valoir le requérant, l’EMA n’a pas procédé à une interprétation erronée des arguments qu’il avait avancés dans ses courriels du 8 avril et du 4 mai 2022 afin d’obtenir l’accès aux documents litigieux. |
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163 |
La première branche du second moyen doit donc être rejetée. |
b) Sur la deuxième branche du second moyen, tirée de l’application d’un critère erroné pour l’appréciation de l’existence d’un intérêt public supérieur
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164 |
En premier lieu, en substance, le requérant fait valoir que l’EMA a commis une erreur de droit en examinant le but subjectif de sa demande d’accès et en omettant d’examiner si la divulgation des informations contenues dans les documents litigieux pouvait, au vu de leur contenu ou de leur qualité, répondre à un intérêt public supérieur. À cet égard, l’EMA n’aurait pas dû se contenter d’examiner les arguments invoqués par le requérant à l’appui de sa demande d’accès, mais elle aurait été tenue de vérifier l’existence d’un intérêt public supérieur au regard du caractère public inhérent aux données relatives à une contre-mesure médicale. L’EMA aurait également dû tenir compte du caractère conditionnel de l’AMM du vaccin Comirnaty et des exigences de transparence qui y étaient liées ainsi que de l’inapplicabilité de la procédure ordinaire d’accès aux documents. |
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165 |
En deuxième lieu, selon le requérant, l’EMA aurait supposé, à tort, que le grand public n’en apprendrait pas davantage sur l’innocuité et l’efficacité du vaccin Comirnaty en cas de divulgation des données occultées. |
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166 |
En troisième lieu, le requérant soutient que les données relatives à une contre-mesure médicale doivent être considérées comme étant intrinsèquement publiques, par analogie avec l’article 6, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et organes de l’Union européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO 2006, L 264, p. 13). |
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167 |
L’EMA, soutenue par les intervenantes, conteste les arguments du requérant. |
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168 |
À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, les institutions de l’Union refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection « des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle » (article 4, paragraphe 2, premier tiret, de ce règlement), à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé (article 4, paragraphe 2, in fine, dudit règlement). |
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169 |
Le régime des exceptions prévu à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 est donc fondé sur une mise en balance des intérêts qui s’opposent dans une situation donnée, à savoir, d’une part, les intérêts qui seraient favorisés par la divulgation des documents concernés et, d’autre part, ceux qui seraient menacés par cette divulgation, de sorte que la décision prise sur une demande d’accès à des documents dépend de la question de savoir quel est l’intérêt qui doit prévaloir dans le cas d’espèce (voir arrêt du 7 septembre 2023, Breyer/REA, C‑135/22 P, EU:C:2023:640, point 72 et jurisprudence citée). |
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170 |
À cet égard, il incombe au demandeur d’invoquer de manière concrète des circonstances fondant un intérêt public supérieur qui justifie la divulgation des documents concernés (voir arrêts du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 94 et jurisprudence citée, et du 16 juillet 2015, ClientEarth/Commission, C‑612/13 P, EU:C:2015:486, point 90 et jurisprudence citée). Si l’intérêt public supérieur susceptible de justifier la divulgation d’un document ne doit pas nécessairement être distinct des principes qui sous-tendent le règlement no 1049/2001, des considérations générales seules ne sauraient toutefois être de nature à établir que le principe de transparence présente une acuité particulière qui pourrait primer les raisons justifiant le refus de divulgation des documents (voir arrêt du 7 septembre 2023, Breyer/REA, C‑135/22 P, EU:C:2023:640, point 75 et jurisprudence citée). |
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171 |
En d’autres termes, la personne qui entend s’opposer à un motif de refus de divulgation doit, d’une part, faire valoir l’existence d’un intérêt public susceptible de primer ce motif et, d’autre part, démontrer précisément que, dans le cas d’espèce, la divulgation des documents concernés contribuerait de manière concrète à assurer la protection de cet intérêt public à un point tel que le principe de transparence prime la protection des intérêts ayant motivé le refus de divulgation, à savoir, en l’espèce, la protection des intérêts commerciaux du titulaire de l’AMM conditionnelle (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 9 octobre 2018, Erdősi Galcsikné/Commission, T‑632/17, non publié, EU:T:2018:664, point 41). |
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172 |
Ainsi, en premier lieu, s’il est vrai qu’il appartient au demandeur d’invoquer de manière concrète les circonstances justifiant la divulgation de données précises, une telle exigence ne saurait s’interpréter comme signifiant que le demandeur doit justifier sa demande d’accès, c’est-à-dire doit indiquer dans celle-ci les motifs ou les raisons pour lesquels il présente une telle demande (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2022, Múka/Commission, T‑214/21, non publié, EU:T:2022:607, point 66). Il résulte en revanche de cette exigence qu’il n’appartenait pas en l’espèce à l’EMA d’examiner d’office tout élément qui aurait pu justifier l’existence d’un intérêt public supérieur, indépendamment de toute argumentation du requérant. |
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173 |
En outre, il ressort de la section 4 de la décision attaquée que l’EMA a examiné l’existence d’un intérêt public supérieur à la divulgation des données occultées au regard de la nécessité de garantir la sécurité du vaccin Comirnaty et l’information éclairée des patients. Ainsi qu’il ressort du point 162 ci-dessus, il s’agit des arguments spécifiques avancés par le requérant dans la demande confirmative pour démontrer l’existence d’un tel intérêt. L’EMA a donc, en application de la jurisprudence constante rappelée aux points 170 et 171 ci-dessus, analysé les arguments avancés par le requérant et n’a nullement fondé sa réponse sur un éventuel but subjectif poursuivi par celui-ci. |
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174 |
En deuxième lieu, s’agissant de l’affirmation de l’EMA selon laquelle le grand public n’en apprendrait pas davantage sur l’innocuité et l’efficacité du vaccin Comirnaty en cas de divulgation des données occultées, il convient de rappeler que cette réponse se rapporte aux arguments explicites du requérant relatifs à la nécessité de garantir un consentement éclairé des patients dans un contexte marqué par certaines incertitudes et des essais non terminés ainsi que de préserver la santé des citoyens de l’Union. |
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175 |
À cet égard, il ne fait aucun doute que l’information éclairée des patients et la nécessité de garantir des vaccins sûrs et de qualité relèvent de l’intérêt public. Toutefois, le requérant n’a nullement expliqué de manière circonstanciée en quoi la réponse de l’EMA serait entachée d’une erreur au regard de ses arguments. En particulier, le requérant n’a nullement indiqué en quoi la divulgation partielle des documents litigieux par l’EMA ne permettait pas de garantir suffisamment ces intérêts, alors même que les informations divulguées étaient déjà nombreuses, que les conclusions tirées sur le fondement de ces données quant à la SO1(a) avaient été divulguées, que les données qui demeuraient occultées étaient relativement limitées, précises et techniques et que, après la mise en balance des intérêts commerciaux spécifiques de BioNTech qui devaient être protégés par la non-divulgation des données concernées et l’intérêt général à ce que ces données soient rendues accessibles, l’EMA avait exposé dans la décision attaquée que la divulgation de ces données n’aurait d’utilité que pour les concurrents directs de BioNTech. |
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176 |
En troisième lieu, le requérant n’expose pas les motifs pour lesquels il conviendrait de considérer les données relatives à une contre-mesure médicale comme étant intrinsèquement publiques, par analogie avec l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006. Faute d’être étayé, l’argument doit donc être écarté. |
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177 |
Par conséquent, la deuxième branche du second moyen doit être rejetée comme non fondée. |
c) Sur la troisième branche du second moyen, tirée de la méconnaissance du principe de transparence applicable aux contre-mesures médicales
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178 |
Le requérant fait valoir que, dans la décision attaquée, l’EMA a méconnu le principe de transparence maximale qui prévaut en matière de contre-mesures médicales. L’EMA aurait ignoré la nature juridique de la SO1(a), liée au caractère conditionnel de l’AMM du vaccin Comirnaty, et le rôle particulier imposé par le règlement 2022/123 en présence de mesures qui visent à préserver la sécurité sanitaire à l’échelle mondiale en cas d’urgence sanitaire. À cet égard, le vaccin Comirnaty aurait été placé à la tête de la « liste des médicaments critiques en cas d’urgence de santé publique liée à la COVID-19 ». L’EMA aurait un rôle critique à jouer en matière de sécurité d’approvisionnement et de qualité, ce qui l’obligerait également à faire preuve de transparence accrue, ainsi que cela ressortirait du règlement no 507/2006 et du règlement 2022/123. Ainsi, l’EMA aurait commis une erreur de droit en examinant des aspects non pertinents concernant l’innocuité du vaccin, tout en maintenant les occultations majoritairement en application des règles administratives relatives aux médicaments ordinaires. |
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179 |
L’EMA, soutenue par les intervenantes, conteste les arguments du requérant. |
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180 |
En l’espèce, il y a lieu de constater que, tels que développés dans la requête, les arguments du requérant liés au contexte de la pandémie de COVID-19, au caractère conditionnel de l’AMM, au rôle critique de l’EMA et à la qualification du vaccin Comirnaty de contre-mesure médicale se rapportent, en substance, à une exigence de transparence générale qui serait applicable aux documents litigieux. |
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181 |
À cet égard, ainsi qu’il ressort de l’examen de la première branche du second moyen ci-dessus, l’EMA n’a pas commis d’erreur en examinant l’existence d’un intérêt public supérieur à l’aune de la nécessité de garantir un consentement éclairé des patients et de préserver la santé des citoyens de l’Union, au regard des arguments développés par le requérant dans la demande confirmative. Il ne saurait donc être fait grief à l’EMA de ne pas avoir examiné, en outre, les arguments du requérant développés dans la requête qui se rapportent au principe de transparence en soi. |
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182 |
C’est donc à titre surabondant, pour le cas où il faudrait considérer que l’EMA aurait dû prendre en compte le principe de transparence en soi, que le Tribunal examine ci-après les arguments du requérant rappelés au point 180 ci-dessus. |
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183 |
À cet égard, il convient de rappeler que l’intérêt public supérieur, visé à l’article 4, paragraphe 2, dernière phrase, du règlement no 1049/2001, en considération duquel les documents doivent être divulgués en application de ladite disposition, doit être distinct du principe de transparence. Cela étant, le fait qu’un demandeur d’accès n’invoque aucun intérêt public distinct du principe de transparence n’implique pas automatiquement qu’une mise en balance des intérêts en présence n’est pas nécessaire. En effet, l’invocation de ce même principe peut présenter, au vu des circonstances particulières de l’espèce, une acuité telle qu’elle dépasse le besoin de protection des documents litigieux (arrêt du 12 septembre 2007, API/Commission, T‑36/04, EU:T:2007:258, point 97). |
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184 |
Partant, ce n’est que lorsque les circonstances particulières de l’espèce permettent de considérer que le principe de transparence présente une acuité particulière que ce principe pourrait constituer un intérêt public supérieur susceptible de dépasser le besoin de protection des intérêts commerciaux des entreprises et donc de justifier la divulgation des données occultées en l’espèce conformément à l’article 4, paragraphe 2, in fine, du règlement no 1049/2001 (arrêt du 25 mars 2015, Sea Handling/Commission, T‑456/13, non publié, EU:T:2015:185, point 101). |
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185 |
Dans le cas de médicaments tels que le vaccin Comirnaty, qui a été développé dans le contexte exceptionnel de la pandémie de COVID-19, le public possède un intérêt manifeste à être informé des éléments essentiels de l’action de l’EMA s’agissant de l’octroi d’une AMM conditionnelle. Toutefois, l’existence de cet intérêt public n’oblige pas l’EMA à accorder un accès généralisé, sur le fondement du règlement no 1049/2001, à toute information détaillée obtenue du titulaire de l’AMM conditionnelle dans le cadre d’une telle procédure. |
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186 |
En effet, un tel accès généralisé serait susceptible de mettre en péril l’équilibre que le législateur de l’Union a voulu assurer, dans le règlement no 507/2006 lu conjointement avec le règlement no 726/2004, entre l’obligation pour le demandeur d’une AMM de communiquer à l’EMA des informations commerciales sensibles et la garantie de protection renforcée s’attachant, au titre du secret professionnel et du secret des affaires, aux informations ainsi transmises à l’EMA. |
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187 |
En outre, comme l’ont fait valoir l’EMA et les intervenantes, dans le contexte particulier de la pandémie de COVID-19, de nombreuses informations ont été publiées par l’EMA concernant le vaccin Comirnaty, y compris des évaluations intermédiaires et des mises à jour sur la sécurité (safety updates) régulières, ce que le requérant ne conteste pas. Des mesures visant à garantir un haut degré de transparence en ce qui concerne ce vaccin, y compris en ce qui concernait sa qualité, ont donc déjà été adoptées, compte tenu précisément du contexte exceptionnel dans lequel l’AMM conditionnelle a été octroyée pour ce vaccin. |
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188 |
De plus, compte tenu du caractère précis et technique des données occultées, l’EMA était dans l’impossibilité d’en fournir un résumé sous une forme qui aurait pu satisfaire la demande d’accès du requérant. Par ailleurs, si plusieurs tableaux de résultats d’essais ainsi que certaines explications demeurent occultés dans les documents litigieux, il n’en demeure pas moins que les conclusions tirées de ces résultats, vérifiées ensuite par l’EMA, ont été divulguées. Ainsi, le public peut appréhender ces conclusions à la lumière des explications relatives à la SO1(a) figurant dans les rapports publics d’évaluation de l’EMA relatifs au vaccin Comirnaty, notamment le rapport visé au point 4 ci-dessus, pour s’assurer que les données sollicitées par l’EMA lui ont bien été fournies. |
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189 |
Or, dans la requête, le requérant n’avance aucune argumentation précise permettant de comprendre pourquoi, malgré les mesures de publicité exceptionnelles adoptées par l’EMA dans le contexte de la pandémie de COVID-19 en général et la divulgation, en l’espèce, des conclusions tirées des données précises occultées, le principe de transparence en soi aurait dû prévaloir sur la protection des intérêts commerciaux de BioNTech et conduire à une divulgation de l’ensemble de ces données. |
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190 |
Il convient d’ajouter que des considérations générales relatives à la protection de la santé humaine ne sauraient non plus être de nature à établir que le principe de transparence présentait, en l’espèce, une acuité particulière qui aurait pu primer les raisons justifiant le refus de divulgation des documents en question (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 93, et du 16 juillet 2015, ClientEarth/Commission, C‑612/13 P, EU:C:2015:486, point 93). |
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191 |
Par conséquent, le requérant n’a pas démontré que la nécessité de garantir la transparence constituait, en l’espèce, un intérêt public supérieur au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 justifiant la divulgation des données détaillées en cause. |
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192 |
En outre, s’il est vrai que le règlement 2022/123 investit l’EMA d’un rôle particulier afin de préserver la sécurité sanitaire à l’échelle mondiale en cas d’urgence sanitaire, il ne remet nullement en cause les principes prévus par le règlement no 1049/2001, ni la nécessité de protéger les intérêts commerciaux des titulaires d’une AMM. Au contraire, ainsi qu’il ressort du point 96 ci-dessus, cette protection est soulignée par l’article 17 du règlement 2022/123. La confidentialité des données communiquées à l’EMA est également réaffirmée de manière explicite à l’article 34 de ce règlement, qui prévoit que toutes les parties concernées respectent la confidentialité des informations et données obtenues dans l’exécution de leurs tâches de manière à protéger les informations confidentielles de nature commerciale et les secrets d’affaires des personnes physiques ou morales, y compris les droits de propriété intellectuelle. |
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193 |
Aucune obligation de transparence accrue ne résulte davantage du règlement no 507/2006, ainsi qu’il ressort des points 89 à 91 ci-dessus. |
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194 |
Par conséquent, la troisième branche du second moyen doit être rejetée comme non fondée. |
d) Sur la quatrième branche du second moyen, tirée de l’absence de prise en compte de la jurisprudence de la Cour relative à l’intérêt public des données de laboratoire dans le contexte de la protection de l’environnement et des dispositions de l’accord ADPIC
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195 |
Le requérant estime qu’il convient de prendre en compte la jurisprudence de la Cour relative à l’intérêt public des données de laboratoire dans le contexte de la protection de l’environnement, qui présente un lien très étroit avec le domaine de la santé et avec l’innocuité des médicaments dans le cadre de l’approche intitulée « Une seule santé ». Il fait valoir que, conformément à la jurisprudence de la Cour, l’accord ADPIC permet la divulgation de données soumises par le demandeur d’une AMM d’un produit pharmaceutique ou chimique lorsque celle-ci est nécessaire pour protéger le public. |
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196 |
Dans le contexte de l’espèce, compte tenu de la nature de la SO1(a) et à la lumière des normes de l’OMS sur la technologie ARNm, cela signifierait que la divulgation de données liées à la qualité serait définitivement nécessaire pour la protection du public. |
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197 |
L’EMA, soutenue par les intervenantes, conteste les arguments du requérant. |
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198 |
En l’espèce, il convient de relever que, dans la demande confirmative, le requérant n’a pas invoqué les arguments qu’il présente désormais à l’appui de la quatrième branche du second moyen pour démontrer l’existence d’un intérêt public supérieur à la divulgation. Compte tenu de la jurisprudence rappelée au point 170 ci-dessus, qui impose au demandeur d’accès d’invoquer de manière concrète les circonstances justifiant la divulgation des données précises concernées, il ne saurait être reproché à l’EMA de ne pas avoir pris en compte de tels arguments dans son appréciation de l’existence d’un intérêt public supérieur à la divulgation. |
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199 |
En tout état de cause, il est vrai que, selon l’unique arrêt cité dans la requête, l’article 39, paragraphe 3, de l’accord ADPIC permet la divulgation des données soumises par le demandeur d’une AMM d’un produit pharmaceutique ou chimique lorsque celle-ci est nécessaire pour protéger le public (arrêt du 23 novembre 2016, Bayer CropScience et Stichting De Bijenstichting, C‑442/14, EU:C:2016:890, point 98). Néanmoins, le fait qu’une divulgation puisse être accordée lorsqu’elle est nécessaire pour protéger le public n’exonère pas le demandeur de la charge de démontrer l’existence d’une telle nécessité. |
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200 |
À cet égard, le requérant renvoie une nouvelle fois aux normes de l’OMS sur la technologie ARNm et au contexte de l’espèce pour démontrer que les données demandées, qui concernent la qualité et l’innocuité du vaccin Comirnaty, doivent être divulguées afin de protéger le public. Or, cette argumentation vague et générale ne permet pas de démontrer pourquoi, contrairement à ce qu’a indiqué l’EMA dans la décision attaquée, la divulgation partielle des documents litigieux ne suffisait pas, de manière concrète, pour garantir une information éclairée des patients et protéger la santé publique. En outre, ainsi qu’il ressort du point 187 ci-dessus, l’EMA a publié des informations concernant la sécurité et l’efficacité du vaccin Comirnaty, ce que le requérant ne conteste pas. |
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201 |
De plus, les arguments du requérant tirés de l’existence d’exigences accrues en matière de publicité dans les normes de l’OMS sur la technologie ARNm ont été rejetés aux points 97 et 98 ci-dessus. Quant au fait que les données occultées se rapportent à une obligation spécifique, il ressort des points 174 et 186 ci-dessus que cet argument ne saurait davantage prospérer. |
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202 |
Partant, la quatrième branche du second moyen n’est pas fondée et doit être rejetée, ainsi que le second moyen dans son ensemble. |
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203 |
Il résulte de tout de ce qui précède, d’une part, qu’il n’y a plus lieu de statuer sur la demande d’annulation de la décision attaquée en tant qu’elle vise les données divulguées après rectification et, d’autre part, que le recours doit être rejeté comme non fondé pour le surplus. |
V. Sur les dépens
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204 |
Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. |
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205 |
En outre, conformément à l’article 135, paragraphe 2, du règlement de procédure, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, partiellement ou totalement aux dépens, si cela apparaît justifié en raison de son attitude, y compris avant l’introduction de l’instance, en particulier si elle a fait exposer à l’autre partie des frais que le Tribunal reconnaît comme frustratoires ou vexatoires. Par ailleurs, aux termes de l’article 137 du même règlement, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens. |
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206 |
En l’espèce, à la suite de la découverte d’informations par le requérant lui-même, l’EMA a reconnu au cours de l’instance qu’elle avait commis une erreur dans la décision attaquée en occultant certaines données qui avaient pourtant déjà été divulguées en application du règlement no 1049/2001. Ce comportement de l’EMA, qui n’a corrigé la décision attaquée que plus de dix-huit mois après l’adoption de celle-ci, témoigne d’un manque de diligence dans le traitement du dossier du requérant. |
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207 |
En outre, la correction d’une telle erreur par l’adoption de la décision rectificative a conduit le requérant à devoir déposer des observations supplémentaires. Pour ces motifs, le Tribunal estime qu’il sera fait une juste répartition des dépens en condamnant l’EMA à supporter ses propres dépens et la moitié des dépens du requérant. |
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208 |
Par ailleurs, aux termes de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante autre que celles mentionnées aux paragraphes 1 et 2 de cet article supporte ses propres dépens. En l’espèce, il y a lieu de décider que les intervenantes supporteront leurs propres dépens. |
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Par ces motifs, LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie) déclare et arrête : |
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da Silva Passos Schwarcz Półtorak Reine Pynnä Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 novembre 2025. Signatures |
Table des matières
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I. Antécédents du litige |
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II. Faits postérieurs à l’introduction du recours |
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III. Conclusions des parties |
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IV. En droit |
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A. Sur la recevabilité |
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1. Sur le respect des délais de recours |
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2. Sur l’objet du recours après l’adoption de la décision rectificative |
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B. Sur le fond |
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1. Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001 |
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a) Sur la quatrième branche du premier moyen, relative, en substance, à une application erronée de la notion de « stratégie de contrôle » et au caractère non pertinent et incomplet des données communiquées |
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1) Sur l’objet de la demande d’accès et l’absence de communication des rapports mensuels |
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2) Sur l’assimilation erronée de la SO1(a) à la notion de « stratégie de contrôle » |
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b) Sur les deuxième et cinquième branches du premier moyen, relatives à la violation du principe de l’accès le plus large possible du public aux documents et à l’absence de prise en compte de certaines dispositions applicables, y compris des normes de l’OMS |
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1) Observations liminaires |
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2) Sur les erreurs de droit alléguées par le requérant |
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c) Sur la première branche du premier moyen, relative à l’application erronée du document d’orientation sur la divulgation |
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d) Sur la troisième branche du premier moyen, relative, en substance, à la violation du document d’orientation sur la divulgation et à la méconnaissance par l’EMA de son mandat et de ses compétences |
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e) Sur la sixième branche du premier moyen, tirée, en substance, de l’appartenance des données occultées au domaine public, d’une occultation disproportionnée et de l’absence d’atteinte aux intérêts commerciaux de BioNTech |
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f) Sur la septième branche du premier moyen, relative aux hypothèses formulées par l’EMA sur le contexte de la demande d’accès |
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2. Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 2, dernière phrase, du règlement no 1049/2001 et de l’existence d’un intérêt public supérieur à la divulgation |
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a) Sur la première branche du second moyen, tirée de l’interprétation erronée des arguments du requérant |
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b) Sur la deuxième branche du second moyen, tirée de l’application d’un critère erroné pour l’appréciation de l’existence d’un intérêt public supérieur |
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c) Sur la troisième branche du second moyen, tirée de la méconnaissance du principe de transparence applicable aux contre-mesures médicales |
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d) Sur la quatrième branche du second moyen, tirée de l’absence de prise en compte de la jurisprudence de la Cour relative à l’intérêt public des données de laboratoire dans le contexte de la protection de l’environnement et des dispositions de l’accord ADPIC |
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V. Sur les dépens |
( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.